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L'imposture scientifique du SIDA
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Au ridicule nul n'est tenu !
La charnière du nouvel an grince pour le gouvernement français. Après la paire de claques du Conseil constitutionnel qui a fait marrer la Planète - la simple idée de taxer à 75% les revenus dépassant un million de dollars (c'est ce qui fut retenu de la loi à l'étranger) frisait le grotesque marxiste, tendance Groucho. Sur ces entrefaites, le Csar de toutes les Russies prend un oukaze de naturalisation d'Obélix Depardieu, son pote à lui, une façon tudesque d'envoyer ch... le Muet du Quai sur les affaires en cours, Syrie d'abord. La mèche lente du complot international avait fusé quand apparut sur les planches de la soirée Miss France, célébrant l'éternelle beauté française, le parrain des fuyards fiscaux fêté comme un messie ; Alain Delon réapparaissant à la soirée de la Saint-Sylvestre chez le délicat Patrick Sébastien en protecteur attendri des arts et cuisses du cirque, ôtait le doute sur une déstabilisation rampante. La loi des séries a voulu que la promotion dans l'Ordre National du Mérite décore au premier de l'an deux évadés du fisc notoires, Tsonga et Gasquet, pour vol à la raquette ! A faire se rouler par terre nos lointains expatriés français. Le cabinet Ayrault avait commencé l'Avent dans les inconvénients d'une communication boiteuse, il le termine au massacre, comme on dit en vènerie !
Chaque semaine apporte son pain au bouffon. A tel point que les patrons des médias ne vont pas tarder à réduire fortement les salaires des échotiers politiques tant le travail est devenu facile ; à la portée du premier stagiaire venu. En souhaitez-vous l'augure ?Le retour de ma concubine au manche du pouvoir ? Aucune allusion vaseuse permise. Le silence de Thomas H. sur Madame de Maintenant sera-il acquis par un commandement prestigieux au sein des forces judiciaires ? Fera-t-on taire le fougueux Mélenchon en l'envoyant ambassader à Caracas pour y superviser la transition chaviste ? Hamon à la Havane ? La galette des rois de l'Elysée sera-t-elle remplacée par un clafoutis aux cerises en mémoire de la Commune ? Faudra-t-il exhumer l'abbé Pierre pour contrer les revendications en paternité de X, Y ou Z, surtout Z. ? La marche contre le mariage gay et ses avancées collatérales s'annonce-t-elle fournie qu'on va remanier la chancellerie coupable d'avoir mésestimé la vague de fond, et nommer le Garde des Sceaux, gouverneur de Wallis & Futuna, elle en a déjà le fond d'écran total ! Et tant qu'à faire, Montebourg en ambassadeur extraordinaire des Terres australes et antarctiques pour faire contrepoids à Michel Rocard arctiquisé par Nicolas Sarkozy ! Il y a beaucoup de spinning en vue pour nous voiler l'inquiétant.
Nous courons à l'Espagne. Tous nos chiffres 2013 sont archi-faux. On ne pourra maquiller longtemps les réalités, amuser le tapis par des dépenses clientélistes non-financées en contrepartie d'annonces de contention budgétaire non exécutées. A tirer le diable par la queue, au plus mauvais moment il se retourne et vous mord !
Ce pays doute terriblement. Aucun homme politique n'a la cote, et quand le chancelier Merkel reste le personnage préféré des Allemands, où se trouve notre président dans la liste ? Les Français attendaient le réenchantement en quittant le vulgaire, et qu'on leur récite le projet de la France, celui qu'ils aiment entendre. On leur parle de pissotières pagnolesques, d'outrages coloniaux, d'abominables riches des neiges, d'obéissance au roi de Prusse. Malgré la pose, reins cambrés, torse bombé, menton voulant, manche juste et cravate droite - Bruno Masure y veillera - nous n'avons pas Poutine à l'Elysée.
Séquence explicative ci-dessous ou comment Mittal aurait pu être traité dans l'affaire de Florange. C'est du Poutine, dit le commentaire. Effectivement je ne vois aucun de nos apparatchiks dans le rôle. Il en a de la chance le Depardieu (on me dit dans l'oreillette que le Monténégro l'a aussi réclamé !) : -
Le mondialisme en miettes
- Partage moitié-moitié ?
On pourra taxer les mondialistes d’une montagne d’épithètes désobligeantes sauf une : ce ne sont pas des imbéciles ; ainsi pour enterrer une crise planétaire provoquée par des échanges désordonnés de papier-monnaie, ils ont génialement réussi à nous faire admettre que puisque « nous sommes tous dedans jusqu’au cou » c’est tous ensemble que nous en sortirons.
Tous, cela voulait dire les 20 États qui représentent 85% de la création mondiale de richesse « fraternellement » rassemblés au sommet du G20 de septembre 2009 à Pittsburgh au cours duquel tous acclamèrent « l’antique G8 des Pays du Nord est mort, vive le G20 ! »Tous, tant les anciens par la voix de G. Brown « désormais le G20 est le premier forum de coopération économique », que les nouveaux par celle de Lula « le G20 a désormais un rôle exceptionnel dans le nouvel ordre mondial ». En un mot ensemble « yes we can ! »
Comme souvent en pareille assemblée on relevait quelques nuances. Pour B. Obama la coordination des plans de relance était une condition nécessaire mais pas suffisante pour éviter une autre crise, car « il faudrait définir un cadre permettant à chacun d’évaluer la politique des autres afin d’élaborer un consensus. »
Cette mission serait confiée au FMI dès qu’il aura attribué à la Chine la majeure partie des 6% des droits de vote prélevés sur ceux de l’Union européenne (réforme qui n’altère en rien le droit de veto des Etats-Unis.)
Ingrat malgré ce cadeau le président Hu Jintao rétorquait « la vraie priorité est de maintenir une politique de relance solide jusqu’à ce que la reprise soit pleine et entière en évitant toute forme de protectionnisme. »D’où le laborieux communiqué final de 23 pages qui s’est borné à rappeler tous les sujets évoqués sans fixer de règle concrète concernant la coordination chère à B. Obama et implicitement refusée par Hu Jintao. De là à songer que le G20 se réduisait à un G2 entre les Pays du Nord représentés par les Etats-Unis et ceux du Sud par la Chine...
Quelques semaines plus tard, en décembre 2009, 3500 journalistes, 23000 observateurs, et 10000 représentants de diverses ONG bravaient un froid polaire pour accompagner les 1200 délégués des 192 États participant à la Conférence de Copenhague sur le réchauffement climatique.
L’objectif est d’élargir et de prolonger au-delà de 2012 le « Protocole de Kyoto » signé en 1997, ratifié par 184 pays (juin 2009) et entré en vigueur en février 2005 après sa ratification par la Russie. Ce texte oblige tous les pays signataires à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre (principalement le CO2) d’ici fin 2012, mais seuls 38 États industrialisés sont soumis à des engagements contraignants (-8% pour l’Europe par rapport aux quantités rejetées en 1992.)
Les Etats-Unis n’ont pas ratifié le protocole et le Brésil, l’Inde, l’Indonésie, l’Afrique du Sud..., considérés comme pays en développement ne sont pas contraints par un engagement chiffré.Initialement prévue pour remédier à cette situation aberrante, la Conférence de Copenhague tourne à l’affrontement entre :
- le bloc des 38 États industrialisés qui estiment que dix huit ans après Kyoto plusieurs pays en voie de développement (PVD) sont devenus de gros pollueurs et doivent accepter de se soumettre à des engagements chiffrés
- le G77 réunissant les 77 PVD les plus avancés qui, insistant sur la responsabilité historique des Pays du Nord depuis la Révolution industrielle, se considèrent comme des victimes innocentes et ne veulent donc pas sortir du protocole de Kyoto
- les Etats-Unis qui souhaitent reporter au plus tôt en 2010 la mise en place d’un engagement politique contraignant préalablement accepté à l’unanimité des 192 États présents à Copenhague.
En résumé, bien que tous se fussent déclarés prêts à « faire quelque chose » pour réduire les émissions de CO2, le bloc des 38 reste seul à présenter un programme chiffré selon un calendrier établi ; la Chine, porte-parole du G77, et les Etats-Unis acceptent seulement d’informer leurs partenaires des mesures anti CO2 qui seront appliquées dans leurs pays, mais refusent catégoriquement de se soumettre à un contrôle quantitatif sous l’égide d’un organisme international.
Ainsi, sous la pression des deux premiers pollueurs mondiaux la Conférence, incapable de jeter les bases d’une politique environnementale commune, adopte un accord dont on admire le flou artistique « la hausse de la température moyenne de la planète devra être contenue en dessous de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels. »
À l’image du G20 de l’économie, le G192 de l’écologie se réduirait à un G2...moitié-moitié.
À la mi-novembre, entre Pittsburgh et Copenhague, en conclusion du sommet de Shanghai entre la Chine et les Etats-Unis, B. Obama déclarait « les relations entre Pékin et Washington vont définir le XXIe siècle »...prophétique ?
- Pourquoi pas en trois tiers ?
L’hypothèse n’est pas nouvelle. Depuis 2006 New Delhi et Tokyo réfléchissent au moyen de renforcer leurs échanges commerciaux qui sont insignifiants en regard de leurs tailles économiques respectives (à peine 15 md$ en 2009, à comparer avec les 350 md$ échangés entre la Chine et le Japon.)
L’été dernier les négociations se sont accélérées sous la pression de Tokyo soucieuse de la dégradation des relations diplomatiques sino-japonaises : en riposte à l’arraisonnement d’un chalutier chinois par des gardes-côtes japonais, Pékin a bloqué ses exportations de matériaux stratégiques pour l’industrie nippone.
L’Inde étant elle-même préoccupée de l’expansion de son grand et puissant voisin, il devenait normal que les deux pays mettent dans une corbeille commune d’une part un marché fort de 1 milliard de consommateurs et d’autre part une technologie qui a fait ses preuves.
D’où l’accord de libre échange et de partenariat industriel conclu le 25 octobre dernier entre M. Singh, premier ministre indien et son homologue N. Kan.Ce document devrait être ratifié début 2011 après examen au Parlement japonais lequel pourrait hésiter à accepter le paragraphe relatif à la coopération dans le domaine du nucléaire civil, l’Inde n’ayant toujours pas signé le Traité de non prolifération.
Toutefois la diplomatie de Washington, alliée de Tokyo et récemment très active en Inde, (1) devrait facilement venir à bout des éventuelles réticences des députés japonais ; tant sous G. Bush qui a libéré les exportations de matériel nucléaire civil vers l’Inde que sous B. Obama qui vient de soutenir la candidature de New Delhi pour un siège de membre permanent au Conseil de sécurité de l’ONU, les Etats-Unis travaillent à l’émergence d’un bloc asiatique qui fera contrepoids à la Chine...du G2 vers le G3 ?- Ou le quatre-quarts en ajoutant l’Afrique Noire ?
Au train où vont les évènements depuis la fin du siècle dernier, il est probable qu’il faille rapidement réserver une place à l’Afrique autour de la table du grand Monopoly mondial.
D’abord parce qu’elle l’exige.
Ainsi au G20 d’avril 2009 à Londres elle a réussi à imposer la présence de deux observateurs (le président de la commission de l’Union africaine et celui du Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique) ; de même à Copenhague les représentants de 3 pays africains ont fait valoir leurs revendications en quittant temporairement la table des négociations d’où interruption de séance conformément au règlement intérieur de l’ONU qui stipule que l’absence d’un seul État participant bloque les travaux.
Ensuite parce qu’il faudrait être inconscient pour ne pas anticiper les effets de l’explosion démographique africaine : 180 millions d’habitants en 1950, 860 aujourd’hui et 1,8 à 2 milliards en 2050...le quart de l’humanité !Avec une moyenne de 4,6 enfants par femme (7 au Niger !) l’Afrique représente le quart des naissances mondiales ; il vient plus d’enfants au monde au Nigeria (148 millions d’habitants) que dans l’Union européenne (500 millions d’habitants.)
En conséquence :- 45% des Africains ont moins de 15 ans
- la population citadine a été multipliée par 11 en 50 ans
- les campagnes disparaissent : alors que l’urbanisation occidentale est verticale, celle de l’Afrique est horizontale avec des maisons individuelles de plain pied.
Pour l’heure ce futur géant démographique (déjà 12% de l’humanité) est encore un nain économique (2,7% du PIB mondial) ; la question est de savoir pour combien de temps.
Les PMA : 50 Etats dont 34 africains. 11,3% de la population mondiale. 0,6% du PIB mondial.
(Carte : Cnuced)En à peine quatre décennies son PIB est passé de 461 milliards $ en 1970, à 1061 md$ en 2000, à 1561 md$ en 2008 et devrait atteindre 2600 md$ à l’horizon 2020.
L’idée couramment répandue consiste à dire que cette croissance serait principalement due au pillage des matières premières africaines par les Pays occidentaux et les grands émergents dont la Chine ; or, une étude réalisée en 2010 par le Cabinet Mc. Kinsey révèle que sur les 500 md$ de PIB supplémentaires entre 2000 et 2008, seul le tiers est dû à la hausse des exportations de matières premières et le solde aux premiers pas de l’industrie locale.
Indéniablement sur cette période l’Afrique a su tirer profit de deux améliorations concomitantes : une structurelle (meilleure efficacité de l’administration, modernisation des infrastructures,...) et une conjoncturelle (hausses des volumes et des cours des matières premières minérales et végétales exportées, annulation de plusieurs dettes souveraines...)
Quand l’Afrique s’éveillera...non, la formule est incorrecte. C’est le monde industriel qui a éveillé l’Afrique et plus particulièrement la Chine qui y investissait 470 millions $ en 2001, puis 4,5 milliards $ en 2008 et 6,25 md$ l’an dernier. Très vite Pékin a compris que pour fidéliser et développer ce nouveau partenaire commercial il ne suffirait de lui vendre des produits manufacturés et de lui acheter des matières premières ; en effet ce fonctionnement simpliste n’est réellement profitable qu’aux 5 États africains qui, grâce à la richesse de leurs sous-sols pèsent les 2/3 des exportations vers l’Asie.
L’accueil réservé fin août dernier par le président Hu Jianto à son homologue Sud Africain J. Zuma illustre la nouvelle stratégie chinoise sur le Continent Noir ; après avoir conclu les grands contrats classiques (fourniture par la Chine d’unités de production électrique, solaires et nucléaires, et de TGV) les deux chefs d’État ont signé un accord de partenariat économique global précisant que Pékin s’engage à compenser par l’importation de produits à haute valeur ajoutée « made in South Africa. »
Ainsi dans le futur ordre mondial, la Chine serait l’usine du monde et l’Afrique l’atelier de la Chine.
Aujourd’hui Pékin n’est plus seule à considérer l’Afrique comme un réservoir de croissance. Ainsi les accords d’aide à la sécurité alimentaire proposés par Brasilia à plusieurs capitales africaines ne sont certainement pas désintéressés.
Plus significative encore est la déclaration de S. Mekouar, ministre marocain de l’Économie et des Finances « nous faisons le pari de l’Afrique car c’est le continent de la croissance de demain [...] Il y a là-bas des espaces beaucoup plus prometteurs que l’Europe, aujourd’hui notre principal partenaire commercial mais où la croissance est la plus faible. »
L’analyse de M. Camdessus, ex patron du FMI, publiée fin mai dernier par l’Africa Progress Panel (organisme de prospective proche de l’ONU) mérite d’être méditée « au-delà des avantages commerciaux à court terme, l’immense réservoir des jeunes actifs urbains intéressera les nouveaux pays industrialisés qui pourront y délocaliser leurs productions les plus consommatrices de main-d’œuvre ; en conséquence les Pays du Nord ne devraient pas laisser le champ libre à ceux du Sud sur un continent dont la croissance potentielle annuelle frôle les 5%. »
L’Afrique partenaire de demain...de G3 à G4 ?- Pour conclure.
Malgré l’acharnement des mondialistes à réduire le G20 à un G1, les grands flux monétaires et commerciaux obéissent encore aux lois du G2.
En accordant quelque crédit à notre exposé, ce G2 pourrait être considéré comme une sorte de minimum atteint par la gouvernance mondiale représentée sous la forme d’une fonction mathématique dont la dérivée vient de changer de signe...G192, 77, 8, 2, 3, 4...Et pourquoi pas 5 avec une Europe des patries librement unies dans un projet commun nourrit de ses racines chrétiennes ?
Mais pas une Europe où il importe d’être toujours plus nombreux, pacsés sous le régime des directives de Bruxelles pour toujours agrandir le marché unique, miraculeuse source d’opulence selon la publicité « euro transatlantique » : toujours plus nombreux, ensemble « yes we can ! » Et nos vieilles sociétés, confortablement assoupies sur l’héritage des anciens, de répondre « yes ! week end ! »
Vous n’entendez donc pas comme un petit bruit qui court sur le vent du sud ? On dirait comme la sonnerie d’un réveil...Pierre Jeanthon http://www.lesmanantsduroi.com
(1) Au G20 de Séoul l’Inde a renvoyé l’ascenseur en étant le seul pays à ne pas critiquer la nouvelle politique monétaire des Etats-Unis. -
La France, fille aînée de la franc-maçonnerie ?
Première partie – Par Simone Choule
Comme l’immobilier ou les néo-réacs, ce sujet fait un bon marronnier dans la presse, la franc-maçonnerie ayant tout pour séduire : prétendue secrète, organisation impalpable et orientant en coulisses certaines orientations politiques... Les deux erreurs principales à ne jamais faire concernant la maçonnerie étant pour un journaliste : de la voir partout et la voir nulle part. Mais aujourd’hui, alors que près de huit magazines hebdomadaires consacrent une fois l’an leur couverture à ce sujet, comment évaluer ses idées et faire un bilan historique de son action, si elle doit rester secrète, et surtout : quel avenir pour ce club très privé ?
Histoire d’un réseau
La Franc-maçonnerie naît le 24 juin 1717 en Grande-Bretagne, et devient rapidement à la mode, surtout chez les bourgeois et les marchands. De plus en plus de hautes personnalités nobles y adhèrent ou sont cooptées. En 1723, les premiers maçons s’installent en France, soutenus par des budgets anglais, et 1725 marque la naissance officielle de ce mouvement à Paris. Il se centralise autour du rite écossais, rituel prétendant remonter aux cathédrales mais se sachant mythologique et faux (nulle preuve n’est apportée par la maçonnerie ; en fait ce goût du prestige par la filiation est un calque de la noblesse d’épée pour en singer le prestige).
La loge est le lieu où l’on pratique le rituel, faisant référence aux loges des maçons qui construisaient les cathédrales et avaient un lieu où se rassasier après une journée de chantier. La loge n’a aucune fenêtre pour faire passer la lumière et est décorée de quincaillerie ésotérique, cosmologique et l’entrée pour le profane s’y fait par parrainage et initiation, par des serments impliquant jusqu’à la vie de ce dernier, pour un secret qu’il ne connaît pas, secret qui ne se dévoile aux derniers degrés de la hiérarchie. Hiérarchie divisée en trois grades : apprenti, compagnon et maître, puis les hauts ateliers où l’on compte jusqu’à 33 degrés sans qu’aucun maçon ne sache ce qui se passe dans le degré supérieur (comme dans la Scientologie ou la secte du Forum Landmark). Si un maçon rechigne à exécuter les ordres venant d’en haut, on lui rappellera que c’est le prix à payer pour pouvoir bénéficier le moment venu de la solidarité des « frères trois points ».
La noblesse de l’époque (sous Louis XV puis Louis XVI) n’y voit qu’un club « philanthropique » organisant bals et dîners, voire parties fines. Cette noblesse est cependant très occupée par le pouvoir d’un parlement de plus en plus séditieux avec le Roi, parlement assujetti aux idées encyclopédistes dominatrices de cette époque qui installeront les conditions favorables à l’insurrection populaire de la fin du règne des Bourbons (réformes de Turgot, montée du prix du pain, libéralisme « voltairien » montant). Mais il est étonnant de constater que dans le mouvement de la Révolution française, absolument tous les acteurs sont maçons (Maurice Talmeyr en fait la liste) et bien que la France ne veuille changer ni de régime ni de religion – ce qui n’est dans aucun des cahiers de doléances à cette époque –, elle se retrouvera avec un roi décapité et des églises saccagées.
Des loges d’agitateurs – frères insinuants, frères scrutateurs – sont instituées pour accélérer le mouvement révolutionnaire (dont le slogan était « liberté, égalité, ou la mort ! », la « fraternité » arrivera plus tard on l’espère) qui ne sont apparues qu’en 1787 : crocheteurs, portefaix, rôdeurs, flotteurs de bois, tapes-durs, brigands de rue ou de grand chemin, assassins et malfaiteurs de profession entrent pour y devenir des émeutiers actifs auprès de ceux qui veulent renverser le Roi.
Un grand nombre de soldats sont recrutés (avec toujours la promesse de carriérisme qu’un tel club implique) et telle une pièce bien répétée et contrevenante aux intentions réelles du peuple de France, produit ainsi : l’apparition du club des Jacobins, du club de propagande, les incendies des châteaux, les paniques de la province, les journées d’Octobre, le 20 juin, le 10 Août, les massacres de Septembre, l’emprisonnement du Roi, sa condamnation et sa mort.
Derrière la maçonnerie (ou au 33e degré) l’illuminisme d’Adam Weishaupt : quelques cérémonies où l’on verse dans le macabre (toute loge a son squelette) allant jusqu’à répéter la vengeance des templiers à l’égard de Philippe le Bel. Les régicides de Louis XVI et du roi de Suède auraient été répétés dès 1785 et le président du Parlement (M. Maire de Bouligney) et l’inspecteur des Postes (M. de Reymond) ainsi que M. Leroy, comte de Virieu, témoignent tous qu’ils auraient été choqués et écœurés de ces appels au meurtre au sein de ces loges de haut degré.
Une presse poussant l’opinion à l’insurrection et à l’émeute permanente, (L’Ami du Peuple) entre les mains de ces jacobins, et Lafayette, un autre initié, à la tête de la garde nationale pour « encadrer » cela, toujours au service des mêmes. Ceux qui essaieront la sédition seront broyés, et l’on façonnera l’opinion en instrumentalisant le patriotisme de manière à faire passer toute contre-révolution comme étant une attaque du parti de l’étranger (entrainant ainsi une série de guerres civiles malvenues). Parti de l’étranger ? Pour un Rotary d’origine outre-manche et se référant au temple de Salomon, c’était plutôt gonflé.
Le plus connu de ces épisodes maçonniques prévus dans les loges reste la dite « prise » de la Bastille, évènement sans aucune gloire selon tous les historiens sérieux, mais surtout opération immobilière impliquant Pierre François Palloy, prévenu dans la nuit du 13 au 14 de l’assaut du lendemain. Une heure après la saisie des canons à De Launey et après avoir joué avec sa tête aux Invalides, 400 hommes montrent leur silhouette dans le quartier armés d’une pioche, et payés 26 sous (environ 4 euros). L’on a retrouvé les papiers de l’entreprise avec une note griffonnée de Palloy lui-même, stressé : « Il fallait équiper 700 hommes, j’ai failli manquer de pelles et de pioches. » Les pierres de la Bastille servirent à la construction du pont de la Concorde et à du merchandising révolutionnaire (pierre taillées en forme de mini Bastille). Le couronnement de tout cela s’est fait par un symbole maçonnique, place de la Bastille, où un petit « génie » ou « Porteur de Lumière » surmonte aujourd’hui le monument au centre la place, marquant définitivement l’influence maçonnique pour l’Histoire dans ce symbole révolutionnaire.
Sous la IIIe République, la maçonnerie revient encore plus puissante (l’Empire et les monarchies constitutionnelles, par leur centralisation d’un exécutif fort, freine ces corps intermédiaires qui s’immiscent dans tous les corps de pouvoir) et impose la laïcité. Dès 1900, la république maçonnique radicale a été concurrencée par le socialisme marxiste léniniste qui voyait en elle une classe petite bourgeoise à l’humanisme désuet, contraire à la vision scientifique marxiste (le socialisme utopique de Léon Bourgeois, moqué dans le Manifeste du parti communiste). Il était notamment interdit à toute personne du parti d’entrer en loge jusqu’au début des années Mitterrand. La Seconde Guerre mondiale ayant créé une parenthèse où le pouvoir français, sous tutelle allemande, s’affranchissait de son influence jusqu’en 1944.
La GLNF [Grande Loge nationale de France, ndlr] vivote jusque dans les années 60 mais bénéficie d’un coup de fouet significatif sitôt que l’OTAN installe son siège à Paris en 1952 : à partir de là, les demandes de l’obédience affluent et le succès est tel que Frédéric Zeller, Maître du Grand Orient de France, dira qu’elle n’a jamais été aussi puissante. Mégalomanie ? Orgueil démesuré ? En tout cas de plus en plus de carrières dans les administrations, mairies, conseils régionaux ou généraux, entreprises publiques ne se font plus seulement sur les qualités objectives de compétence mais sur l’obédience à ces réseaux (place Beauvau, un commissaire sur deux est franc-maçon). Depuis la fin du bloc communiste, et la ringardisation du communisme, la maçonnerie a retrouvé une nouvelle jeunesse : le solidarisme revenu au XXe siècle est promu par Vincent Peillon au sein de son parti, par exemple.
La maçonnerie contraire à la démocratie ?
On savait que la maçonnerie tient en détestation la France catholique et monarchique dont elle a été la subversion – son Histoire le prouve par les actes commis – et lui préfère notamment l’abstraction d’une République universelle inscrite dans toutes les chartes officielles des loges. Une République universelle discutable dans la mesure où les nations se retrouvent uniformément globalisées, perdant ainsi leur diversité dans la singularité de ce type de régime. Néanmoins au sein de l’État français, on favorise une doctrine qui justifie qu’une poignée d’initiés dirigent la société. Cela ne saurait signifier qu’elle est démocratique : où est la séparation des pouvoirs lorsque l’on pratique l’entrisme dans les administrations d’État, le Parlement, le gouvernement, les syndicats ou les associations ? Où est la défense de la France, de son peuple et de ses intérêts quand on prépare un gouvernement mondial dont les États maçonniques auront préparé les conditions ?
Les maçons ont d’ailleurs attaqué une institution purement démocratique : le référendum. En 1934, les référendums voulus après les manifestations furent transformés dans l’opinion par le parti radical socialiste en « plébiscite napoléonien ». De Gaulle aura retenu ces polémiques et tâchera d’appliquer le référendum, y compris à ses dépens. L’utilisation des référendums a montré que les Français en avaient cure des « avancées » (celui sur l’UE par exemple, très « république universelle » touch’).
Les loges ont compris pour leur part qu’il ne faut plus éclairer le peuple par un débat public explicite et sincère précédent les décisions, mais les conduire vers la lumière les yeux bandés ! Malgré la défense de la démocratie représentative dans les débats, les maçons lui préfèrent un ordre d’initiés connaissant seul le secret délivré et qui masquent leur intentions réelles à l’égard des profanes, à savoir le peuple de France. Le secret maçonnique est l’anneau de Gygès qui permet à l’ordre, grâce à la dissimulation de qui en est ou pas, de rester invisible et donc insaisissable et user ainsi de ce singulier privilège. En 1789, les privilèges furent « abolis », dites-vous ?
Anthropologie et petite fabrique de l’opinion maçonnique
Rotary de carriéristes, gnomes fourrés dans leurs intrigues et obsédés par une guerre de ruses, vaniteux notables en manque de reconnaissance tutoyant l’affairisme véreux, têtes d’œuf longtemps charriées à l’école, passe-droits, corps intermédiaires, conflits d’intérêts, corporatisme, substitution aux pouvoirs, cooptation de gens ayant prise sur les manettes (magistrats, juges, avocats, inspecteurs des finances) dans les hauts grades maçonniques, les exemples affluent de ces « hommes sans qualités », à la Robert Musil, qui ne veulent se distinguer dans l’existence qu’en trichant avec le réel. Mais à l’ère de la transparence, me direz-vous, quid du secret maçonnique ? Cela appartient à la vie privée, nous répondent-ils...
Mais parmi ceux qui s’avouent maçons, c’est aux postes-clé du gouvernement Ayrault que nous les retrouvons : Anne-Marie Escoffier à la Décentralisation, Marc Mancel et Vincent Peillon à l’Éducation, Christophe Chantepy à Matignon, Jean-Yves le Drian et Cédric Lewandowski à la Défense, Aquillino Morelle à l’Élysée, Manuel Valls, Renaud Vedel, Alain Bauer et Yves Colmou à l’Intérieur, André Vidalies aux relations avec le Parlement, Victorin Lurel à l’Outre-Mer, Alain Simon et Jérôme Cahuzac à l’Économie, François Rebsamen, Jean Pierre Sueur, Claude Domeizel, Gérard Collomb, Michèle André et Robert Navarro au Sénat, Henri Emmanuelli, Christian Bataille, Pascale Crozon, Pascal Terrasse, Olivier Dussopt, Brigitte Bourguignon, Odile Saugues, Patrick Menucci et Paul Giacobbi à l’Assemblée nationale... Il est manifeste qu’un nouveau clergé remplace aujourd’hui l’ancien. Mais qui dit clergé dit « Bonne Parole » : voyons comment elle « évolue dans les mentalités ».
En démocratie de marché, le marché achète l’opinion et l’opinion fait l’élection ; observons donc en détail le trajet de l’opinion maçonnique dans l’équation marché/politique/média, collusion que dénonçaient déjà Balzac, Maupassant, Zola et Alexandre Dumas sans être traités de conspirationnistes, et dont l’élément maçonnique manquait à l’analyse de Paul Nizan dans ses Chiens de garde : on fait descendre l’instruction dans le réseau (par exemple sur « l’avortement » ou le « mariage pour tous ») puis, quelques jours plus tard, un article apparaîtra dans le journal du Midi libre suggérant la mesure (ou tout autre journal ayant « libre » dans son titre ou sous-titre).
Puis, il y aura une station locale FR3 délivrant le même message, ensuite un article à la une d’un grand quotidien national parisien ou la couverture d’un grand hebdomadaire. Bientôt un sondage paraîtra, qui montrera que précisément, en cette matière, et contrairement à ce que l’on a toujours cru jusqu’ici, l’opinion « évolue ». À quelques temps de là paraîtront un ou plusieurs livres dont l’écho sera amplifié par des critiques favorables dans les journaux, et par le fait que ces journaux seront en haut de pile chez les libraires.
Des associations venues de nulle part s’exprimeront à leur tour sur le sujet, et comme par hasard, leurs communiqués seront largement relayés dans les médias. Il y aura, le cas échéant, quelques manifestations de rue ou quelques autres actions spectaculaires saisies par des caméras de télévision, opportunément présentes. Entretemps seront prononcées des déclarations ou des « petites phrases » d’hommes politiques ou parlementaires de l’opposition ou de la majorité. Le gouvernement aura commandé un rapport et une proposition de loi sera proposée au Sénat ou à l’Assemblée.
Le résultat de tout ceci est que les observateurs de la vie publique verront que la société « bouge » qu’il ne faut pas aller contre elle, et l’on dira que la loi répond à une vraie attente du corps social. Les sociologues d’état diagnostiqueront l’existence d’une demande sociale. Des orateurs avec une rare éloquence défendront cette loi, qui sera votée par les deux chambres, à une courte majorité peut-être selon la logique du « marché politique » bien analysée par les théoriciens américains du « public choice ». La loi deviendra celle du pays et celle que les juges conviendront d’appliquer « au nom du peuple français », alors qu’elle n’aura été voulue au départ que par 15 personnes ; et ceux qui l’ont votée se féliciteront d’avoir fait « évoluer les mentalités », s’enorgueillissant derechef.
Si un politicien décide de s’opposer, il recevra en premier lieu un recadrage du chef de son parti puis, s’il persiste, un article surgira pour révéler ses liens avec un dictateur étranger, un financement de campagne occulte, une résidence secondaire suspecte. Même s’il gagne son procès en diffamation, le mal aura été fait et la carrière de l’opposant aux idées maçonniques brisée (non-renouvellement d’un mandat, non-recrutement dans un gouvernement…), il gagnera une étiquette de « mauvais républicain ».
Voici le pouvoir de censure des pouvoirs séculiers de la maçonnerie, qui rapproche cette secte d’un certain cléricalisme auquel on pensait qu’ils étaient opposés ! En tout cas, quelle manière malhonnête d’imposer aussi insidieusement et non loyalement ses vues sur la société. Évolution des mentalités, dites-vous, ce retour au cléricalisme ?
(Fin de la première partie)
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De la sainte alliance à l'union européenne
On ne saurait, par respect, comparer le compagnon de Madame Twitter au roi Louis XVIII. Au moins la Restauration mit-elle de l'ordre dans les finances publiques. Et, une fois Laurent Fabius définitivement démonétisé, ne pouvant faire appel à Chateaubriand, on espère qu'au moins Monsieur Normal ne commettra pas la sottise de recourir à Bernard Henri Lévy.
Comparaison n'est donc pas raison. Mais les parallèles ne relèvent pas que du paradoxe.
Ainsi l'actuel président va bientôt se trouver dans le dilemme du roi revenu d'exil. Leurs légitimités formelles oubliées, leur force politique les rattachent l'un comme l'autre à un ordre européen voué à l'éclatement.
La Sainte-Alliance est morte en tant qu'institution vers 1823.
Ces derniers mois, en regard, ont souligné le déséquilibre explosif entre les deux principaux piliers de l'Union européenne, telle qu'elle avait été conçue à Maastricht. Et cela va remettre en cause l'ensemble des institutions.
N'en doutons pas en effet. Le système s'est développé sur la base d'un cafouilleux traité négocié en 1991. À cette époque, il y a plus de 20 ans, on pouvait espérer que les ambiguïtés seraient levées. Il n'en a rien été, bien au contraire. On a empilé de nouveaux textes, de faux accords, d'irréalisables promesses.
Le projet ambitionnait de dépasser le cadre rustique, mais infiniment plus clair du traité de Rome de 1956. Un tournant pestilentiel avait certes été pris en 1979, avec l'élection du prétendu "Parlement européen" (1)⇓ au suffrage universel. C'est à ce moment-là qu'il fallait dire "non".
Or, la plupart des politiciens hexagonaux, ayant fait de cette institution illusoire et factice leur mangeoire, n'ont jamais su ni la réfuter ni la réformer.
Dans cet écheveau et cet échafaudage complexe de pactes contradictoires, on doit observer que celui de 1991 est allé beaucoup plus loin dans la direction tracée par la série des conventions qui se sont conclues à partir de 1813 au sein de la sixième coalition. Un texte bien intentionné de 1814 a permis d'englober l'ensemble sous le nom de Sainte Alliance. Celle-ci réunira après Vienne (novembre 1814-juin 1815) les congrès d'Aix-la-Chapelle (1818), Troppau (1820) et Vérone (1822).
De cette Europe conservatrice du XIXe siècle on regrettera sans doute certains bienfaits. La paix européenne qui en résulta dura au moins jusqu'à la guerre de Crimée.
De l'Europe issue du traité de Rome puis de l'Acte Unique sont également sortis un certain nombre de bénéfices dont il faut se féliciter.
Il advient, dans tous les systèmes un moment où, malheureusement, les effets pervers l'emportent. Talleyrand déplorera un jour, quand les arrières pensées du tsar romantique Alexandre Ier lui apparurent dévoilées : "Malheureuse Europe".
Or la véritable liquidation de la Sainte Alliance advint le jour où l'Angleterre, en 1822-1823, préféra le Grand Large, la relation avec l'Amérique, les Indes à son implication dans les affaires du Continent. Cette participation active aux diverses coalitions et combinaisons européennes, financées par Londres, avait été rendue inévitable, à partir de janvier 1793, par les crimes de la Révolution française. Après Waterloo, elle était devenue moins nécessaire. L'attitude des puissances continentales et la persistance des absolutismes anachroniques la rendaient de plus en plus impopulaire outre-Manche.
Aujourd'hui nous rentrons, à bien des égards, sans qu'on puisse certes comparer ni François Hollande à Napoléon ni Angela Merkel à Guillaume II, dans une époque comparable.
À Londres David Cameron s'oriente résolument vers une politique de redressement de la Grande Bretagne. Elle l'éloignera de plus en plus de la technocratie européenne.
Et de l'autre côté de l'Atlantique un virage non moins considérable semble se dessiner.
Certains croient pouvoir demeurer indifférents aux élections états-uniennes de novembre. La quasi-unanimité des moyens de désinformation parisiens applaudit d'ailleurs à l'avance à la réélection du président Obama.
Il convient par conséquent de dissiper plusieurs illusions.
Commençons par celle d'un retour des États-Unis à ce que nous considérons comme de l'isolationnisme. Rappelons que le dernier brillant représentant de ce courant Pat Buchanan lui consacra un livre axé sur les principes fondateurs de son pays "une république et non un empire" (2)⇓. Lors de l'élection présidentielle de 2000, il fut candidat du parti de la réforme et rassembla 450 000 voix soit 0,4 % des suffrages. Après s'être opposé à la guerre d'Irak en 2003, il se ralliera à nouveau aux républicains en 2004 et soutiendra la deuxième candidature de George Bush.
Quant à l'origine de l'isolationnisme des États-Unis une légende tenace l'attribue à la présidence de Monroe en 1823. Il s'agirait d'une sorte d'idéologie de l'indépendance réciproque. "Chacun chez soi" pense-t-on volontiers, l'Amérique aux Américains, et par conséquent l'Europe aux Européens.
Le texte de la proclamation de cette fameuse "doctrine" en 1823 mérite dès lors d'être relu à nouveaux frais. Or, il se borne à réfuter une hypothèse. À la faveur de la décomposition des empires espagnol et portugais, il s'agissait d'empêcher que d'autres puissances européennes viennent à s'établir sur le continent sud-américain. Cela visait essentiellement la France bourbonnienne qui intervenait avec l'appui diplomatique de la Russie afin de rétablir l'absolutisme en Espagne. À partir de cette date le rapprochement l'Angleterre et l'Amérique allait devenir plus fort que l'intérêt de Londres pour l'Europe continentale.
On doit noter ainsi que le document fut rédigé par John Quincy Adams, secrétaire d'État. Il agissait alors en accord avec le nouveau maître du Foreign Office, George Canning.
Jusqu'en 1822 la diplomatie britannique avait été dirigée de haute main par Castlereagh devenu lord Londonderry. La mort, d'ailleurs très étrange, de ce ministre, l'un des rares Britanniques, dans l'Histoire des Temps modernes, à avoir cru en l'Europe, laissa le champ libre à son ennemi personnel de toujours (3)⇓ et à un renversement assez rapide des orientations du cabinet de Saint-James.
La répugnance des Américains pour les alliances permanentes, surmontée par la signature du pacte atlantique de 1949, remonte beaucoup plus loin. Elle se rattache dans son principe aux fondations mêmes de leur Fédération. La lettre de Washington de 1796 à ses concitoyens à la fin de son deuxième et dernier mandat évoque ainsi l'existence de deux hémisphères.
La période d'entente entre Canning et John Quincy Adams, loin d'écarter toute ingérence "européenne" permit à la Grande Bretagne de multiplier par 15 en 10 ans son commerce avec l'Amérique du sud accédant à l'indépendance. À ces pays, les exportateurs anglais vendaient en 1825, 3 fois plus de marchandises que ne le faisaient les Américains du nord.
Ce qu'on appelle la mondialisation ne date pas d'hier.
La voie que semble prendre l'Europe n'incite pas à l'optimisme. La crise pourrait au moins nous rendre lucides.
JG Malliarakis http://www.insolent.fr
Apostilles
- cf. à ce sujet "Le Parlement européen, une utopie, une imposture, un danger" Jacques Bordiot 1978. cf. à ce sujet "Le Parlement européen, une utopie, une imposture, un danger" Jacques Bordiot paru en 1978.⇑
- "A Republic, Not an Empire: Reclaiming America's Destiny "Patrick J. Buchanan, 1999, disponible sur Amazon.com⇑
- La Jeune Angleterre de Disraëli jugeait sévèrement l'un et l'autre comme deux "médiocres" dans son livre culte "Coningsby ou la nouvelle Génération". Les lecteurs de L'Insolent peuvent se procurer ce livre, en le commandant
- directement sur le site des Éditions du Trident
- ou par correspondance en adressant un chèque de 29 euros aux Éditions du Trident 39 rue du Cherche Midi 75006 Paris. ⇑
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Le « plan de paix » de l’ONU pour la Syrie est une supercherie
L’ « ambassadeur de la paix » des Nations Unie (ONU) Lakhdar Brahimi tente de négocier une transition gouvernementale avant les prochaines élections en Syrie. Non seulement les efforts de Brahimi sont vains, ils sont aussi totalement hypocrites. Proposer un « gouvernement transitoire » au beau milieu de ce qui constitue en réalité une invasion étrangère, financée, armée et ouvertement perpétuée par des intérêts étrangers, viole à la fois la souveraineté de la Syrie et la propre charte fondatrice de l’ONU.
C’est comme si un envoyé de l’ONU visitait la Pologne au début de la Seconde Guerre mondiale et proposait un gouvernement transitoire en pleine invasion nazie. L’ONU serait de toute évidence un facilitateur de l’injustice, non pas un médiateur pour la paix.
Le Los Angeles Times rapporte ceci dans son article « Lakhdar Brahimi s’efforce de raviver le plan de paix pour la Syrie » :
« L’ambassadeur de la paix Lakhdar Brahimi a fait une nouvelle avancée jeudi pour amener les représentants syriens et les rebelles à négocier, visant à raviver un plan favorisant un gouvernement transitoire et la tenue d’élections, lequel avait échoué en raison de désaccords sur l’avenir du président Bachar Al-Assad. »
L’ONU n’a pas du tout réussi à discerner l’opposition légitime en Syrie des bandes de terroristes armés vagabonds commettant des atrocités à grande échelle contre le peuple syrien, nombre d’entre eux non originaires de Syrie, tous armés par les États-Unis, l’OTAN et leurs alliés régionaux incluant Israël, l’Arabie Saoudite et le Qatar dans le cadre d’un plan de longue date pour procéder à un changement de régime à la fois en Syrie et en Iran. La presse occidentale n’appuie pas seulement les tentatives hypocrites de l’ONU, elle s’est acharnée à délégitimer toute opposition en Syrie refusant de prendre les armes ou s’opposant à une intervention étrangère.
Alors que le Los Angeles Times tente de présenter le plan de l’ONU comme étant raisonnable et le président syrien Bachar Al-Assad et la Russie comme seuls obstacles à la paix, ce plan constitue en fait encore une autre tentative de dépeindre le conflit comme une lutte politique au lieu de l’invasion étrangère qu’il est réellement.
La Syrie est envahie par des terroristes étrangers
Les « rebelles » armés que l’ONU refuse de condamner comprennent des combattants étrangers d’Al-Qaïda, incluant des organisations terroristes internationales figurant sur les listes du département d’État des États-Unis, des Nations Unies et du département de l’Intérieur du Royaume-Uni, soit le Groupe islamique combattant libyen (GICL), Al-Nosra, également connu sous le nom d’Al-Qaïda en Irak et des extrémistes des Frères musulmans syriens. Les pays occidentaux ne négocieraient avec aucune de ces factions terroristes, si d’une façon ou d’une autre, leurs armes se détournaient de la Syrie pour viser l’Occident. Pourtant, l’Occident exige non seulement que la Syrie les reconnaisse et qu’elle négocie avec eux, mais aussi qu’on les laisse régner sur tout le pays.
En novembre 2011, dans l’article « Un dirigeant islamiste libyen a rencontré l’Armée syrienne libre, un groupe d’opposition » le Telegraph rapportait :
Abdelhakim Belhadj, dirigeant du Conseil militaire de Tripoli et ancien chef du Groupe islamique combattant libyen a « rencontré des dirigeants de l’Armée syrienne libre à Istanbul et à la frontière turque », a déclaré un représentant militaire travaillant avec Mr. Belhadj. Il a été envoyé par Moustapha Abdel Jalil (le président libyen intérimaire).
« Les nouveaux dirigeants libyens offrent des armes aux rebelles syriens », un autre article du Telegraph, admettait :
The Daily Telegraph a appris que les rebelles syriens ont tenu des pourparlers secrets avec les nouvelles autorités libyennes vendredi dans le but d’obtenir des armes et de l’argent pour leur insurrection contre le régime du président Bachar Al-Assad.
À la réunion qui s’est tenue à Istanbul et où se trouvaient des représentants turcs, les Syriens ont demandé de l’« aide » aux représentants libyens, se sont fait offrir des armes et peut-être des volontaires.
« Un plan est mis en œuvre pour envoyer des armes et même des combattants libyens en Syrie » a affirmé une source libyenne ayant requis l’anonymat. « Une intervention militaire est en cours. Vous verrez dans quelques semaines. »
Plus tard ce mois-là, on rapportait qu’environ 600 terroristes libyens étaient entrés en Syrie afin de commencer des opérations de combat. Le journaliste de CNN Ivan Watson a accompagné des terroristes au-delà de la frontière turco-syrienne et à Alep. En juillet 2012, CNN révélait qu’effectivement, des combattants étrangers, surtout des Libyens, se trouvaient parmi les militants.
Entre-temps, des résidents du village où les Faucons syriens avaient établi leur quartier général ont dit que des combattants de plusieurs nationalités nord-africaines servaient également dans les rangs de la brigade. Un combattant volontaire libyen a par ailleurs déclaré à CNN qu’il compte voyager de la Turquie vers la Syrie dans les prochains jours afin d’ajouter un « peloton » de combattants libyens au mouvement armé.
Mercredi, l’équipe de CNN a rencontré un combattant libyen qui avait quitté la Turquie et s’était rendu en Syrie avec quatre autres libyens. Le combattant portait une tenue de camouflage et avait un fusil Kalashnikov. Il a dit que d’autres combattants libyens étaient en route.
Certains combattants étrangers sont clairement attirés parce qu’ils voient cela comme […] un djihad. C’est donc un aimant pour les djihadistes qui voient cela comme une lutte pour les musulmans sunnites
En somme, la Syrie est envahie depuis presqu’un an par des terroristes libyens. De plus, immédiatement après que les États-Unis aient reconnu leur propre « coalition d’opposants » triée sur le volet comme les « représentants du peuple syrien », son chef, Moaz Al-Khatib, a tout de suite exigé que les États-Unis lèvent les sanctions contre l’organisation terroriste d’Al-Qaïda, Al-Nosra.
« Il faut réviser la décision de considérer un groupe luttant contre le régime comme un groupe terroriste. Nous pouvons être en désaccord avec certains groupes, leurs idées et leur vision politique et idéologique, mais nous affirmons que toutes les armes à feu des rebelles servent à renverser le régime criminel et tyrannique. »
L’Occident refuse non seulement de reconnaître que la Syrie est confrontée au terrorisme étranger et intérieur, il participe aussi activement à l’armement, au financement et à l’hébergement en lieu sûr de ces factions terroristes. La Turquie, membre de l’OTAN, est un complice direct de l’agression extraterritoriale de la Libye, qu’elle facilite en accueillant les combattants libyens à l’intérieur de ses frontières, tout en coordonnant leur armement, leur financement et leur logistique lorsqu’ils traversent la frontière turco-syrienne. La CIA des États-Unis facilite également l’invasion libyenne de la Syrie le long des frontières turques.
En juin 2012, dans son article « La C.I.A. aiderait à acheminer des armes à l’opposition syrienne », le New York Times (NYT) a concédé que « des officiers de la CIA opèrent en secret au sud de la Turquie » et acheminent des armes, dont « des armes semi-automatiques, des grenades propulsées par fusée, des munitions et quelques armes antichars ». Le New York Times insinue que la Turquie, l’Arabie Saoudite et le Qatar sont les principaux fournisseurs d’armes alors que la CIA coordonne la logistique.
Image: Les « amis de la Syrie » comprennent de nombreux conspirateurs mentionnés dans le reportage exhaustif de neuf pages de Seymour Hersh, « La redirection ». La violence en Syrie n’est pas le résultat d’un soulèvement du peuple syrien porteur d’« aspirations politiques », mais plutôt celui de la conspiration et de la machination d’une élite mondiale ayant prémédité il y a longtemps la destruction de la Syrie pour son propre programme géopolitique global.
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La politique étasunienne envers la Syrie remonte aussi loin qu’à 2007, où les représentants des États-Unis ont admis qu’ils planifiaient le renversement du gouvernement syrien à l’aide d’extrémistes sectaires étrangers et en utilisant des pays comme l’Arabie Saoudite pour acheminer des armes et du financement, surtout pour maintenir l’illusion qu’ils n’étaient pas impliqués.
Le long reportage de neuf pages de Seymour Hersh, « La redirection », publié dans le New Yorker en 2007 expose les plans étasuniens visant à utiliser des moyens clandestins pour renverser le gouvernement syrien dans le cadre d’une action plus vaste ayant pour but de miner et détruire l’Iran. « Le renforcement de groupes extrémistes sunnites épousant une vision militante de l’islam, hostiles aux États-Unis et sympathisants d’Al-Qaïda, sont un sous-produit de ces activités », écrit Hersh.
Al-Nosra est ouvertement affilié à Al-Qaïda. Dire que le GICL est « sympathisant d’Al-Qaïda » serait toutefois trompeur : le GICL, c’est Al-Qaïda.
Selon le rapport du West Point Combating Terrorism Center de l’armée étasunienne, « Les combattants étrangers d’Al-Qaïda en Irak », le GICL a fusionné en 2007 avec l’organisation terroriste créée par les États-Unis et l’Arabie Saoudite.
L’apparent essor de recrues libyennes se rendant en Irak pourrait être lié à la coopération accrue entre le Groupe islamique combattant libyen et Al-Qaïda, laquelle a atteint son point culminant le 3 novembre 2007 lorsque le GICL s’est officiellement joint à Al-Qaïda. (page 9, .pdf)
Hersh poursuit son reportage en déclarant « le gouvernement saoudien, avec l’approbation de Washington, fournirait des fonds et de l’aide logistique afin d’affaiblir le président syrien Bachar Al-Assad ». Cela comprenait l’offre de milliards de dollars à des factions pro-saoudiennes au Liban soutenant des groupes militants qui traversent maintenant la frontière libano-syrienne pour rejoindre leurs homologues libyens.
La conspiration élaborée, mise à exécution en 2007 et décrite par Seymour Hersh citant une myriade de sources étasuniennes, saoudiennes et libanaises, se déroule de toute évidence devant nos yeux. Cette conspiration n’était pas fondée sur des considérations humanitaires ou la « démocratie », mais plutôt sur les intérêts mutuels des États-Unis, d’Israël et de l’Arabie Saoudite, et consistant à renverser les gouvernements de pays souverains vus comme des menaces à leur influence collective extraterritoriale à travers la région.
En ne reconnaissant pas une conspiration documentée, fomentée par des intérêts étrangers et visant à faire tomber violemment le gouvernement de la Syrie (et éventuellement de l’Iran) l’ONU démontre une fois de plus qu’elle est un instrument servant des intérêts spécifiques. Sa tentative de négocier un « plan de paix » avec des terroristes étrangers envahissant la Syrie en tant que mandataires des puissances occidentales est dépourvue de toute légitimité. Le gouvernement syrien et ses alliés doivent redoubler d’efforts pour présenter le conflit pour ce qu’il est, une invasion, et réclamer l’appui et la patience de la communauté internationale alors que la Syrie confronte et met en échec ces envahisseurs étrangers et les intérêts étrangers qui les arment et les guident.
Lakhdar Brahimi, tout comme Kofi Annan avant lui, ne fait que gagner du temps pour le discours chancelant de l’Occident. La Syrie et ses alliés doivent finalement le laisser s’écrouler afin que le véritable sauvetage de la Syrie puisse avoir lieu, par des opérations de sécurité antiterroristes dans tout le pays et la confrontation diplomatique des intérêts étrangers soutenant le terrorisme à l’intérieur et autour de la Syrie.
Tony Cartalucci, Le 28 décembre 2012 http://www.mondialisation.ca
Le blog de Tony Cartalucci : Land Destroyer
Article original : The United Nations Syria “Peace Plan” is a Fraud
Traduction : Julie Lévesque pour Mondialisation.ca
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13 janvier. « Nette de fachos »
On va me dire que j’exagère. Que je crée la division. Qu’il vaut mieux se taire. Qu’on me comprenne donc. Les propos qui suivent ne visent pas à discréditer la nécessaire, l’indispensable mobilisation du 13 janvier, à laquelle appellent un nombre croissant d’évêques et qui réunira plusieurs d’entre eux pour dire « non » au « mariage » des homosexuels. Mais il faut dire et redire la vérité, pour éviter d’en faire une marche et un marché de dupes.
Mercredi soir, invitée de l’émission « Des clics et des claques » sur Europe 1, Frigide Barjot a dit et répété son hostilité viscérale à ceux qui ne se reconnaissent pas dans les objectifs de « sa » manif (mais ce n’est pas sa manif !) du 13 janvier, et qui entendent se réunir en marge et ailleurs à l’appel de Civitas et de plusieurs autres mouvements, pour défiler sous des bannières explicitement catholiques.
Interpellée à répétition pour se désolidariser de ces « identitaires » intégroïdes, Frigide Barjot s’est engagée solennellement, jurant « sur la tête » de ses enfants, qu’il n’y aurait pas un seul « intégriste » dans la « Manif pour tous ». Elle sera « Nette de fachos », tout est prévu pour éjecter les mal-pensants, la préfecture de police a été sollicitée pour les tenir à distance. Comme quoi on peut annoncer une manif « pour tous » contre la dénaturation du mariage et dénaturer soi-même le sens des mots…
Eh bien vous voyez, ces exclusions me fatiguent. M’irritent. Nous sommes bien placés à Présent pour savoir que ces relégations dans les ténèbres extérieures sont le plus souvent malhonnêtes et malvenues, qu’elles jouent sur les mots pour interdire de droit de cité une pensée, une doctrine, des opinions, des préférences parfaitement légitimes et éventuellement bienfaisantes.
Pire : ces déclarations me semblent dangereuses dès lors qu’elles excluent des analyses justes et des rappels opportuns.
Ce qui se confirme dans cette affaire. Pourquoi « nette de fachos » ? Parce que les « fachos » se définissent – on le comprend à écouter les autres propos de Frigide Barjot – non comme des crânes rasés adeptes de la solution finale ou d’un étatisme socialiste façon Mussolini, mais comme ceux qui ont un jugement négatif à l’égard des « amours homosexuelles ».
La preuve ? Frigide Barjot a réitéré mercredi soir son discours d’opposition au « mariage » gay, fondé uniquement sur le fait que le mariage étant le cadre juridique de la filiation, il ne faut pas l’ouvrir aux couples homosexuels pour ne pas bouleverser ce cadre stable inventé pour la protection des enfants. Elle a raison d’évoquer la filiation. Elle a tort de s’arrêter là, et de souhaiter de meilleurs droits pour les couples homosexuels, comme elle l’a encore fait de manière appuyée, au motif que les amours homosexuelles sont belles et méritent un cadre juridique aligné – sauf pour la filiation – sur celui des couples formés d’un homme et d’une femme.
C’est méconnaître absolument le sens du mariage, qu’il soit chrétien ou naturel.
C’est ouvrir – et c’est déjà largement fait – la porte à l’accusation d’homophobie (et l’« homophobie » est en droit un délit) à l’égard de tous ceux qui, ne partageant pas cette vision ahurissante, continuent de dire que l’union d’un homme et d’une femme, qu’ils soient païens, chrétiens, croyants ou non est une donnée de l’ordre naturel, la pierre de construction de la société, qu’ils aient d’ailleurs des enfants ou non : un mariage stérile n’est pas moins un mariage, image de l’amour divin, qu’une union bénie d’enfants.
Pire, c’est donner des armes à ceux qui dénoncent non seulement la ringardise ou le « fascisme » de ceux qui présentent les actes homosexuels comme « intrinsèquement désordonnés », mais qui les désignent comme coupables devant la justice, les médias, le monde.
Frigide Barjot ne représente qu’elle-même. Je ne crois pas un instant que ses déclarations emportent l’adhésion de la plupart des organisateurs de la « Manif pour tous ». Et c’est pourquoi il ne faut pas porter l’opprobre sur ce grand mouvement du 13 janvier.
Mais il faut dire clairement et de manière audible que le cortège de Civitas, qui aux dernières nouvelles entend démarrer de la place Pinel à 13 h dans le 13e arrondissement, fait partie de ce grand soulèvement national contre la révolution du « mariage » pour tous et qu’il y a sa place ; une place précise fondée sur des mots justes même si l’on ne se reconnaît pas dans toutes ses prises de position.
Que les choses soient claires : Présent soutient l’ensemble de ces mouvements. Fût-ce en émettant des réserves comme je le fais aujourd’hui – et ce sont des réserves de fond. -
Le Grand Orient contre le Vatican
Il y a presque un an, le 18 décembre 2008, le Saint-Siège et la France ont signé, « dans une discrétion voulue » écrivait Emile Poulat (La Croix, 7/8 février 2009), un accord « sur la reconnaissance des grades et diplômes dans l’enseignement supérieur ». L’accord est simple : la France rejoint enfin la pratique des autres pays européens en validant officiellement les études universitaires poursuivies dans les établissements supérieurs catholiques. En d’autres termes, une licence de lettres ou un doctorat en théologie préparés, par exemple, à l’Institut catholique de Paris seront désormais reconnus au niveau européen pour poursuivre d’autres études dans d’autres universités (publiques ou privées) ou postuler à des emplois dans les autres pays européens. Ce qui n’était pas le cas jusque-là.
Mais cet accord reste très limitatif dans sa portée. La délivrance des diplômes universitaires reste interdite aux établissements supérieurs catholiques, l’Etat garde le monopole de l’attribution des grades et titres universitaires. Comme par le passé, soit la faculté catholique passe une convention avec une université d’Etat voisine qui valide la formation et délivre le diplôme, soit un jury d’Etat viendra évaluer les candidats et conférer le diplôme.
L’accord du 18 décembre 2008 n’a été publié au Journal officiel que le 19 avril 2009. Le retard est dû, sans doute, à la colère et au mécontentement qu’ont exprimés plusieurs organisations laïques et certains milieux universitaires. Au printemps dernier, un « Collectif pour la promotion de la laïcité » s’est constitué contre cet accord. Il est composé d’instances maçonniques (au premier rang, le Grand Orient de France), d’organisations laïques, toutes paramaçonniques, et de quelques députés (tous francs-maçons, tel Michel Charasse et Jean-Luc Mélanchon). Ce Collectif a lancé une pétition et préparé un recours « pour excès de pouvoir », déposé devant le Conseil d’Etat, demandant l’annulation du décret.
Jean Baubérot, spécialiste de sociologie religieuse, chantre de la laïcité, a protesté, lui aussi, contre l’accord de décembre 2008 : « c’est un des fondements de la laïcité de l’enseignement qui est mis en cause, car celle-ci repose sur la collation des grades par les universités publiques ».
Venu du protestantisme, partisan d’une « laïcité inclusive », foncièrement anticlérical sous son apparence historienne (« la nocivité des Jésuites a été pendant près de deux siècles une évidence sociale » a-t-il écrit récemment), Jean Baubérot rejoint la franc-maçonnerie dans sa dénonciation du « repli identitaire réofficialisant de façon rampante des ”racines chrétiennes” » (Le Monde, 11 mai 2009).
Contre la « théocratie »
Le Conseil d’Etat ne s’est pas encore prononcé sur le recours déposé par le Grand Orient et ses supporters. Aussi, les instances maçonniques montent à nouveau au créneau. Le G. O. vient de lancer une nouvelle publication Franc-Maçonnerie magazine, diffusée en kiosque. Dans le premier numéro, Pierre Lambicchi, le président du Conseil de l’Ordre du Grand-Orient de France, signe un article offensif intitulé : « Quand le Saint-Siège impose ses diplômes en France ». Il s’insurge contre l’accord de décembre qui, selon lui, « attribue un véritable pouvoir d’ingérence au Saint-Siège sur le territoire français ».
Avec cet accord, il ne s’agirait de rien moins que d’ « une violation de la souveraineté de la République sur son territoire » : « Le Saint-Siège se retrouverait donc, si ce décret n’était pas annulé, dans la situation où une théocratie absolutiste et dogmatique dicterait à la République la reconnaissance des ”bons” diplômes et le rejet des “mauvais” diplômes, selon une appréciation purement religieuse et réduite au champ d’appréciation du dogme romain. »
C’est, bien sûr, une lecture fausse de l’accord du 18 décembre que fait le Grand-Orient. Émile Poulat l’a souligné: cet accord «ne se prononce pas sur la valeur et les effets civils des grades et titres délivrés par ces établissements [catholiques], qui continuent de n’en pas avoir au regard du droit français. Pour exercer certaines professions ou accéder à la fonction publique, rien n’est changé aux dispositions en vigueur, même si rien n’est dit.»
Yves CHIRON http://yveschiron.blogspot.fr/ -
Evola ou le conservatisme révolutionnaire
L'expression de conservatisme révolutionnaire ou de révolution conservatrice n'est pas d'Evola ; il l'a empruntée aux intellectuels allemands du lendemain de la première guerre mondiale, qui refusaient à la fois la voie traditionnelle et la République de Weimar, signe de décadence, Parti du dadaïsme et de l'art abstrait, Evola évolua dans le sens d'une réflexion qui le rapprocha de R. Guénon, ainsi que l'indiquent ses ouvrages, La tradition hermétique, La doctrine de l'éveil ou Le Yoga tantrique. Ce qui nous intéresse ici, c'est le théoricien du déclin du monde occidental et le critique de la civilisation contemporaine: « Il y a des maladies qui couvent longtemps, mais dont on ne prend conscience que lorsque leur oeuvre souterraine est presque arrivée à terme. Il en est de même pour la chute de l'homme le long des voies d'une civilisation qu'il glorifia comme la civilisation par excellence. Si ce n'est qu'aujourd'hui que les modernes sont parvenus à éprouver le pressentiment qu'un sombre destin menace l'Occident, depuis des siècles déjà certaines causes ont agi qui ont provoqué un tel état spirituel et matériel de dégénérescence que la plupart des hommes se trouvent privés, non seulement de toute possibilité de révolte et de retour à la normalité et au salut, mais également et surtout de toute possibilité de comprendre ce que normalité et salut signifient ». Son intention est donc à la fois critique et édificatrice. D'une part il s'agit de montrer que l'homme moderne est incapable d'assumer sa civilisation, non point seulement dans certains de ses aspects particuliers, mais en bloc, d'autre part d'indiquer l'autre voie, encore qu'un petit nombre d'hommes soit vraiment apte à résister à la prostitution intellectuelle courante. Contre les prétentions de ceux qui affirment « la supériorité du monde moderne », il faut au contraire reconnaître « la nature décadente du monde moderne », ce qui veut dire qu'il est appelé à disparaître comme tout genre de vie prisonnier de l'histoire, à la différence de la vie traditionnelle dont le fondement est métaphysique, parce qu'il est dans l'être et non dans le transitoire de l'historicité.
Tout comme Guénon, Evola place son analyse sous le signe de ta conception hindouiste de la décadence, celle des quatre âges: satvâ-yuga, tretâ-yuga, dvâpara-yuga et kali-yuga. Les temps modernes correspondraient au dernier âge, l'âge sombre, qui précéderait la renaissance d'un autre et nouveau cycle de quatre âges. Indiquons brièvement que pour Evola le premier âge est celui de l'être, le second celui de la mère, le troisième celui de l'héroïsme et le quatrième celui du déclin. Il y aurait dégénérescence progressive d'un âge à l'autre, de sorte que, contrairement aux théories du contrat social et du progrès, communes à l'Occident, le premier âge ne serait pas celui du sauvage ou du barbare, mais l'âge d'or de la plénitude de l'homme. D'une façon générale, « de même que les hommes, les civilisations ont leur cycle, un commencement, un développement, une fin, et plus elles sont plongées clans le contingent, plus cette loi est fatale. Même si elle devait disparaître définitivement, la civilisation moderne ne serait certes pas la première qui serait éteinte, ni la dernière. Les lumières s'éteignent ici et se rallument ailleurs, selon les contingences de ce qui est conditionné par le temps et par l'espace. Des cycles se ferment et des cycles se rouvrent. Comme nous l'avons dit, la doctrine des cycles fut familière à l'homme traditionnel, et seule l'ignorance des modernes leur a fait croire, pour un temps, que leur civilisation, plus enracinée que ne le fut toute autre dans le temporel et le contingent, put avoir un destin différent et privilégié ».
Seul le dernier âge, le kali-yuga, celui de la décadence nous intéresse ici directement. Pour décrire le décrochage qu'il opère par rapport aux précédents, Evola utilise volontiers le procédé dichotomique: il oppose presque une à une ses caractéristiques à celles des âges antérieurs. Ces dichotomies ont leur source dans la séparation fondamentale entre l'être et le devenir, la surnature et la nature, le spirituel et le matériel: « Pour comprendre aussi bien l'esprit traditionnel que la civilisation moderne, en tant que négation de cet esprit, il faut partir de cette base fondamentale qu'est l'enseignement relatif aux deux natures. Il y a un ordre physique et il y a un ordre métaphysique. Il y a la nature mortelle et il y a la nature des immortels. Il y a la région supérieure de l'être et il y a la région inférieure du devenir ». Le monde moderne est celui de l'irréalisme, comme on peut le reconnaître à son goût pour l'artificialité technique, face à la réalité supérieure et transcendante de la vérité métaphysique de l'être. Cette conviction ne donne pas lieu à des théories discursives des sciences, limitées à l'espace et au temps, mais elle est une connaissance d'ordre intuitif, à laquelle on accède par l'initiation et la méditation. Or, le monde moderne tourne le dos à ce genre de connaissance, il renie l'être; il est une « époque de dissolution », fragmentant la réalité dans une multitude de débris qu'on proclame autonomes, mais jetés dans l'errance et l'oubli de l'Unité qui leur donne un sens.
Le monde moderne est en dissidence par rapport à la Tradition (Evola utilise en général la majuscule pour bien marquer qu'il ne s'agit pas des us et coutumes au sens ordinaire). La Tradition est l'ensemble des connaissances portant sur l'être et ses manifestations dans le monde, telles qu'elles nous ont été léguées par toutes les générations antérieures. Elle porte non pas sur ce qui a été donné une fois dans un temps et un espace déterminés, mais sur ce qui est toujours!, en Orient aussi bien qu'en Occident. On ne saurait donc la confondre avec la seule tradition religieuse, car elle concerne la totalité des activités humaines, ni avec le traditionalisme des écoles de pensée opposées à la Révolution française, bien qu'Evola reconnaisse l'importance de leur rôle. De son point de vue, « une civilisation ou une société est « traditionnelle » quand elle est régie par des principes qui transcendent ce qui n'est qu 'humain et individuel, quand toutes ses formes lui viennent d'en haut et qu'elle est tout entière orientée vers le haut ». La Tradition est ce qui consolide une société à travers tous les temps, à l'opposé des points de vue particuliers qui peuvent dominer une époque. En effet, la tradition au sens ordinaire se fait et se défait, tandis que la Tradition est consubstantielle à l'homme dans tous les temps. Elle oriente sa vie religieuse aussi bien que sa vie politique, économique et autre.
La décadence se manifeste à tous les niveaux de la vie et de l'organisation de la civilisation occidentale actuelle. Tout d'abord celle-ci fait de l'homme un individu abstrait limité à ses droits et qui n'est qu'un sujet de revendications, à la différence de l'être de la Tradition qui est personne, en constante relation horizontale avec les autres et verticales avec le Tout. L'individu est l'atome perdu dans une collectivité, la personne est l'être original d'une même humanité organisée organiquement. En conséquence, Evola rejette le libéralisme individualiste en tant qu'il proclame l'égalité des hommes à tous les points de vue. Il est en contradiction avec le principe des indiscernables, « en vertu duquel un être qui serait à tous points de vue parfaitement identique à un autre ne formerait qu'un seul et même être avec lui »II. Ainsi compris, l'individualisme est une manifestation de la décadence par décomposition de l'être et par dissociation de ses caractères propres: il est une subversion à la fois de la raison logique et de l'ordre naturel des choses. Une pareille conception ne peut que précipiter l'individu soi-disant libre dans le totalitarisme où l'égalité devient anonymat sous prétexte de nous libérer encore davantage.
Il va de soi que dans ces conditions, Evola voit un autre signe de décadence dans l'écrasement des structures hiérarchiques et, partant, dans la dissolution de l'autorité. Peu importe la manière dont on a historiquement conçu la hiérarchie - caste, lignage, famille - ce qui est important, c'est le respect de l'idée hiérarchique, de l'articulation des groupes selon les fonctions qu'ils remplissent dans l'ensemble social. Dans la civilisation occidentale la société devient une simple juxtaposition d'intérêts et de désirs divergents qui entretiennent entre eux une lutte sans merci, sous les dehors d'une prétendue fraternité. On assiste au primat de l'idée de série. S'opposant à toute « statolâtrie », qui est le propre de tout totalitarisme, dont le jacobinisme a été le précurseur, il fait un plaidoyer en faveur de l'Etat organique. « L'idée d'Etat organique est une idée traditionnelle, si bien que l'on peut dire que tout véritable Etat a toujours eu un certain caractère d'organicité. Un Etat est organique lorsqu'il a un centre et que ce centre est une idée qui modèle efficacement, par sa propre vertu, ses diverses parties; lorsqu'il ignore la scission et 1'« autonomatisation » du particulier, et que, grâce à un système de participations hiérarchiques, chacune de ses parties, dotées d'une relative autonomie, remplit une fonction et se trouve intimement reliée au tout ». Dès que l'on perd le sens de l'organique on perd également celui de l'élite, non point parce que l'élite disparaîtrait, mais parce que, au lieu d'être au service de la communauté sociale, elle se transforme en oligarchie uniquement soucieuse de défendre ses idées et intérêts partisans au détriment de l'ensemble de la société. Il s'agit pour l'oligarchie partisane de faire passer coûte que coûte ses idées, la société dût-elle en pâtir dans sa substance.
Evola s'en prend aussi à un aspect plus insidieux que les autres de la décadence, parce qu'on le fait passer pour la conquête essentielle de la civilisation occidentale: le développement économique. C'est ce qu'il désigne par « démonie de l'économie ». Son attaque se dirige aussi bien contre le capitalisme que contre le socialisme, les deux sacrifiant au même mythe de la productivité salvatrice. « Le concept de civilisation se confond, à peu de chose près, avec celui de production. On n'entend parler que d'économie de consommation, de travail, de rendement, de classes économiques, de salaires, de propriété privée ou socialisée, de marché du travail, ou d'exploitation des -travailleurs, de revendications sociales, etc. Pour les uns comme pour les autres on dirait vraiment qu'il n'existe que cela au monde... Tout cela témoigne d'une véritable pathologie de la civilisation ». L'aberration à repousser au premier chef est celle qui présente l'économie comme un phénomène « neutre ». Elle ne l'est pas puisqu'elle sacrifie l'esprit à la matière et réduit toutes les valeurs à celle de la prospérité : « Les vraies valeurs n'ont aucun rapport nécessaire avec des conditions sociales et économiques meilleures ou pires ». Le primat que l'on attribue à l'économie n'est que l'appât destiné à rendre l'homme prisonnier de son corps en le coupant des valeurs spirituelles, plus essentielles, parce qu'elles ne concernent pas seulement son animalité, mais son humanité, c'est-à-dire sa spécificité ineffaçable.
Ce dépistage des signes de la décadence, Evola l'a mené dans toutes les sphères de la civilisation occidentale, dans l'art, la science, la religion, la philosophie, la politique européenne, etc. Il serait trop long de le suivre indéfectiblement sur toutes ces traces. Relevons seulement encore deux points de son enquête. En premier lieu il met en cause la démographie, le phénomène de la surpopulation. Il se prononce pour la limitation des naissances - le natalisme n'étant à ses yeux qu'une autre manière de privilégier le quantitatif et le matériel contre le spirituel. En second lieu, il est un des rares théoriciens de la décadence à avoir mis l'accent sur la gynécocratie, la féminisation de la vie moderne - en référence à J . Bachofen. Cette orientation déjà amorcée dans sa Métaphysique du sexe, s'exprime plus nettement dans Chevaucher le tigre. Il n'est pas anti-féministe - son chapitre sur la « civilisation de la mère » dans Révolte contre le monde moderne en témoigne - mais il s'élève contre l'équivoque matérialiste du sexualisme. Celui-ci constitue une forme de dissolution qui a son origine dans la prééminence revendicative des femmes d'aujourd'hui.
La conséquence en est une licence érotique qui détruit les mreurs, les rites et les règles tout en intoxiquant les esprits avec des frustrations, des névroses et des complexes. Ce qu'il déplore, c'est l'égalitarisme des sexes qui signifie « le renoncement de la femme à son droit d'être femme », ainsi que la promiscuité qui s'ensuit, qu'il condamne également dans d'autres domaines. Le sexualisme actuel est à ses yeux quelque chose d'inauthentique, d'artificiel, contraire à l'ordre de la nature. La question n'est pas d'être rigoriste ou, suivant l'expression de Pareto, vertuiste, mais de reconnaître que le sexe ne constitue pas une valeur à privilégier, étant donné qu'il a son rang dans une hiérarchie des valeurs.
Dans le fond, la raison essentielle de la décadence réside dans la perte du sens de la transcendancel! Cette perte entraîne tout le reste: la mise en question de l'autorité, l'hostilité à la hiérarchie, la méconnaissance de la signification du rite, l'atomisme individualiste, le mépris de la patrie et l'abandon à la prospérité économique. Dans cet esprit, Evola s'oppose même au courant du traditionalisme moderne, dans la mesure où celui-ci ne vise qu'une restauration politique et non la redécouverte des valeurs spiritl1elles. Tout se passe comme si Dostoievsky avait raison par le truchement de Kirillov, lorsque celui-ci exprimait le désarroi de l'homme moderne en proclamant que l'homme n'a inventé Dieu que pour pouvoir vivre sans se tuer. C'est mettre le doigt sur la fissure du monde actuel qui ne croit en Dieu que pour des motifs purement utilitaires et pragmatiques. La transcendance est absente de ce genre de réflexion. Tout ce que la philosophie existentialiste a trouvé pour répondre au vide laissé par la perte du sens de la transcendance, c'est la notion de projet, au sens où l'homme serait son propre projet. Or, celui-ci reste vide de contenu tant que l'on n'est pas capable de donner une signification à la mort.
Pour Heidegger l'existence est conçue comme une « vie pour la mort ». C'est encore demeurer dans l'immanence de la civilisation actuelle. En effet, pour la Tradition les choses se présentent évidemment d'une façon différente, lorsqu'on ne cherche pas directement la mort, mais qu'on la fait entrer, pour ainsi dire, dans la vie, sans que mort et vie coïncident. Evola rappelle à ce propos le dicton oriental « La vie sur terre est un voyage de nuit », un voyage entre deux lumières, celle qui se trouve « avant » l'existence empirique et celle qui se trouve « après », ce qui veut dire que « la naissance est un changement d'état et la mort un autre changement d'état ; l'existence dans la condition humaine sur la terre n'est qu'une section limitée d'un continuum, d'un courant qui traverse des états multiples ». Encore faut-il ne pas confondre cette conception avec le mysticisme frelaté du néospiritualisme occidental. Ses manifestations « représentent quelque chose d'hybride, de déliquescent et de subintellectuel. Ce sont comme les fluorescences qui se manifestent lors de la décomposition d'un cadavre ; c'est pourquoi il faut voir dans ces tendances non pas l'opposé de la civilisation crépusculaire d'aujourd'hui, mais (...) comme une de ses contreparties qui pourrait même, si ces tendances se confirmaient, être le prélude d'une phase régressive et dissolutive plus poussée ». La Tradition n'est pas un moyen de consolation pour des âmes inquiètes, mais la certitude de communier dans le Tout que certaines religions appellent Dieu dans un esprit de sérénité.
Pour Evola il ne fait pas de doute que nous vivons dans un « monde qui se défait », dans la « phase terminale d'un cycle », celle de l'âge sombre du kali-yuga. La dissolution est générale. En tout cas, il n'y a aucune raison de regarder « la civilisation moderne comme la civilisation par excellence, l'apogée et la mesure de toute autre ». Faut-il tourner les regards vers l'Orient, comme le recommande Guénon ? Tout en reconnaissant la validité d'une telle démarche, Evola pense cependant qu'on pourrait « trouver des exemples et des références valable, en partie du moins, dans notre propre passé traditionnel, sans avoir à se tourner vers une civilisation non européenne ». D'ailleurs, les civilisations orientales sont déjà infectées par le virus de la dégénérescence qui affaiblit l'Occident, de sorte qu'on peut penser qu'elles nous rejoindront bientôt dans le déclin et qu'elles seront confrontées aux mêmes problèmes de la dissolution. « Le désert croît » et il n'existe plus de civilisation actuelle qui puisse servir de référence ou d'appui. On peut cependant formuler, sur la base des cycles, l'hypothèse suivante: « le processus descendant de l'âge sombre dans sa phase finale a commencé chez nous; c'est pourquoi il n'est pas exclu que nous soyons aussi les premiers à dépasser le point zéro à un moment où les autres civilisations, entrées plus tardivement dans le même courant, se trouveraient au contraire plus ou moins au stade qui est le nôtre actuellement ».
Cette perspective commande une attitude, même si elle doit aller à contre-courant : faire face à la subversion en se déclarant franchement traditionaliste, et s'il le faut réactionnaire. Bien que le mot soit chargé d'infamie, au point que ceux qui sont de cette famille d'idées se disculpent d'en être, il faut faire front. Toute l'histoire est faite de réactions à des situations antérieures. « Si la partie n'est pas encore perdue, l'avenir n'appartiendra pas à ceux qui se complaisent dans les cogitations hybrides et déliquescentes propres à certains milieux qui ne se déclarent pas à proprement parler de gauche. Il appartiendra à ceux qui auront le courage d'adopter une attitude radicale ». Dans le même esprit, il ne faut pas avoir peur de se dire conservateur, la meilleure manière étant de se réclamer du conservatisme révolutionnaire. Cette expression est particulièrement bien adaptée, puisque chaque cycle représente dans la pensée traditionnelle une révolution au sens originel du terme. « Pour le vrai conservateur révolutionnaire il s'agit d'être fidèle, non à des formes et à des institutions du passé mais à des principes dont elles ont pu être l'expression particulière et adéquate pendant une période et dans un pays déterminé. Autant ces expressions particulières doivent être, en soi, tenues pour caduques et changeantes, car elles sont liées à des situations historiques qui, souvent, ne peuvent se répéter, autant les principes correspondants gardent leur valeur propre que n'affectent pas de telles contingences, autant ils demeurent, au contraire, d'une permanente actualité ». Pour sortir de la confusion présente des idées il est indispensable d'afficher également ses idées en ne rougissant pas de se présenter sous leur bannière. La crise actuelle est suffisamment dramatique pour qu'on s'efforce de mettre en harmonie ses idées et ses attitudes, quitte à devoir affronter les quolibets des conformistes d'une intelligentsia insipide à force de ronronner dans ses répétitions et rodomontades.
Auteur inconnu http://agedefer.over-blog.net