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  • Dix thèses sur le libéralisme (3/3)

    — Développement de 7 à 10 —

    7) Il n'est pas avéré que « le marché » prenne nécessairement toujours les bonnes décisions ou, pour le dire autrement, que la société profite toujours des décisions du marché.

    A l'âge de la mondialisation des échanges, les acteurs économiques prennent de plus en plus de décisions à court terme. Tous les observateurs le confirment. Les visions stratégiques à moyen ou long terme sont de plus en plus rares. Les exemples sont nombreux où « le marché » – c'est-à-dire les acteurs privés – a pris de mauvaises décisions (bulles spéculatives, actifs toxiques, crédits imprudents, …) ou a été incapable d'éviter des dérèglements majeurs (Madoff, Kerviel, …). Les marchés sont en effet conformistes, c'est-à-dire qu'ils ont tendance à imiter les pratiques qui semblent donner de bons résultats et de bons profits : cela contribue à amplifier l'effet des mauvaises décisions. Et cette amplification est désormais mondiale.

    L'argument des libéraux selon lequel les erreurs privées sont toujours moins graves que les erreurs publiques néglige les effets sociaux des mauvaises décisions privées, a fortiori quand elles sont prises par des entreprises transnationales. Les libéraux, dans leur critique systématique de la mauvaise efficacité des politiques publiques comparée à l'efficience des entreprises privées, ignorent le fait que les entreprises ont tendance à externaliser leurs coûts et leurs échecs sur les Etats.

    Ainsi afin d'améliorer leur profitabilité, les entreprises ont partout cherché à diminuer leurs coûts salariaux. Cela s'est produit par le développement de l'automation (au Japon, par exemple) et par l'encouragement à l'immigration, en particulier en Europe et en France. Les immigrés sont, en effet, moins syndiqués et acceptent des salaires plus bas que les autochtones. Le travail des femmes produit le même effet. C'est d'ailleurs pourquoi les entreprises sont en général les meilleurs partisans des mesures discriminatoires prises par les Etats en faveur de ces catégories, aux dépens des salariés mâles et autochtones.

    Comme les coûts sociaux de ces politiques sont avant tout supportés par les finances publiques, elles sont tout bénéfice pour les entreprises. De même il est significatif que les Etats – c'est-à-dire le contribuable – aient été appelés au secours des banques et des institutions financières lors de la crise financière de 2008 ; ce qui montre à l'évidence que les erreurs privées peuvent être aussi graves que les erreurs publiques.

    8) La tendance naturelle du capitalisme n'est pas le respect de la juste concurrence mais la concentration, l'intégration verticale et la financiarisation.

    Ce point a clairement été diagnostiqué par les socialistes dès le XIXe siècle et c'est bien ce qui s'est passé à la fin du XXe siècle, avec la création des entreprises transnationales, des grands conglomérats et des bulles financières successives. Aujourd'hui, ces entreprises transnationales ont des surfaces financières et des capacités d'influence bien supérieures à celles de certains Etats : elles sont devenues des pouvoirs. La caractéristique principale de l'économie mondialisée est la dé-territorialité et la très grande mobilité du capital, qui lui permettent d'échapper aux régulations nationales et politiques. Cette évolution est renforcée par la financiarisation, qui pousse à vouloir réaliser des profits à court terme et à reconfigurer en permanence, voire à détruire, les entreprises pour cela. Sur ce plan les banques et les institutions financières sont les véritables dirigeants des entreprises, transnationales ou non.
    Cette tendance rencontre cependant ses limites car plus les entreprises grandissent moins elles sont faciles à gérer et plus elles sont tentées de prendre de mauvaises décisions ou, en tout cas, pas meilleures que celles des Etats. C'est pourquoi il faut réguler la concentration des entreprises et surveiller l'exercice de la concurrence.

    En outre, les grandes entreprises transnationales disposent, avec l'exercice du pouvoir médiatique et la suggestion (et sujétion) publicitaire, de puissants moyens de sidération du consommateur. De ce fait, l'équilibre entre l'offre et la demande n'est plus équitable puisque les grandes entreprises disposent du pouvoir de créer artificiellement des besoins éphémères.

    On sait depuis le XIXe siècle que l'échange entre le travail et le capital n'est pas égal puisque le travailleur ne peut vivre sans salaire ni aides sociales. Mais depuis le XXe siècle et l'avènement de la publicité de masse, on sait que l'échange avec le consommateur n'est pas plus équitable.

    L'économie occidentale repose en effet sur la stimulation de la consommation, par la création artificielle des besoins et par le crédit sans limite. Mais les effets pervers de cette stimulation – en particulier sur la santé publique ou l'environnement – sont supportés par les Etats et les consommateurs et non par les entreprises, qui ne privatisent que les prises de bénéfice. La stimulation constante de la consommation conduit à un monde de l'éphémère et de l'obsolescence, qui génère le nihilisme occidental.

    La maîtrise des moyens de communication et des biens culturels par le système marchand a enfin des effets politiques majeurs, du moins dans les pays occidentaux : elle sape la démocratie car elle donne à ceux qui financent et donc dirigent les médias les moyens de choisir les dirigeants politiques et de formater l'opinion. On peut douter qu'ils le fassent sans considération de leurs intérêts propres.

    9) Le bilan de la mise en œuvre des recettes néolibérales dans le domaine social n'est pas probant.

    Le néolibéralisme a voulu appliquer à partir de la fin du XXe siècle à toutes les institutions sociales les mesures inspirées de la théorie économique : suppression des statuts pour établir une « juste concurrence », hausse des tarifs pour obtenir des prix réels, équilibre des dépenses et des recettes pour les institutions publiques afin qu'elles soient le plus possible « rentables », diminutions d'impôts sur les entreprises, dérégulation, privatisation de services publics, externalisation des activités non régaliennes de l'Etat sur des opérateurs privés, promotion de l'assurance, des contrats, etc. Ces politiques se sont appuyées sur les succès présumés des politiques conduites dans les pays anglo-saxons à partir des années 1980 (Reagan, Thatcher).

    On ne peut contester qu'avec l'avènement du néolibéralisme les entreprises soient devenues plus profitables. Mais la question est de savoir à quel coût cela s'est fait pour la société. En Europe, ce coût ne s'appelle-t-il pas chômage, immigration, déficits publics et croissance des inégalités de revenus ?

    Les mesures prises ont surtout abouti à déstructurer les sociétés et les Etats en affaiblissant les protections au moment où les hommes en avaient besoin du fait des effets de l'ouverture mondiale des frontières économiques. Ce phénomène se constate aussi bien en Occident que dans les pays qui se sont vus appliquer les recommandations du FMI.

    Les « paradis » tant vantés par les idéologues libéraux dans les années 1990 sont largement factices et les mesures prises n'ont manifestement pas abouti à des résultats meilleurs dans la durée que dans d'autres pay : ainsi les taux de chômage, les taux d'endettement public, la précarité des emplois ou la pauvreté aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne ne diffèrent pas sensiblement de la moyenne des pays développés, soit sont pires (endettement public notamment). La crise financière a montré aussi que le remplacement de la capitalisation par la répartition n'était pas la solution tant vantée par les néolibéraux pour les systèmes d'assurance sociale.

    Contrairement à ce que prétend le néolibéralisme, il n'a pas institué un monde « gagnant-gagnant ». En fait, il y a bien des gagnants qui ont profité de ces mesures d'inspiration libérale : les économistes qui les ont préconisées et qui ont gagné une notoriété ce faisant, les professions juridiques, les cabinets de conseil et de communication, ceux qui ont pu acquérir des biens privatisés, les riches inactifs, ainsi que les grandes entreprises et les institutions financières qui ont vu baisser leurs charges ou qui ont profité des marchés d'externalisation publique. Les perdants sont ceux qui ne peuvent plus bénéficier de la gratuité et de la qualité des services publics et qui supportent la diminution des prestations sociales.

    Le néolibéralisme est devenu l'idéologie de la superclasse dirigeante mondiale, c'est-à-dire l'idéologie de ceux qui bénéficient des avantages de la mondialisation et de la dérégulation des échanges marchands sans en supporter les conséquences désagréables, en particulier sans supporter les conséquences pénibles de l'ajustement économique et social permanent consécutif à la mise en concurrence mondiale des économies.

    C'est ce qui explique que le néolibéralisme n'ait pas bonne presse en Occident et en particulier en France : les pays occidentaux ont subi en effet successivement la progression des prélèvements publics consécutive à la mise en place de l'Etat Providence, puis sa déconstruction néolibérale, sur fond de progression continue du chômage, de l'immigration et des déficits publics. Partout en Occident les classes moyennes autochtones ont fait les frais de la mondialisation des échanges vantée par les néolibéraux. On peut donc comprendre qu'elles n'aient plus aujourd'hui une « image positive » des grandes entreprises ni de la super-classe mondiale.

    10) Les principales réalisations de la culture humaine, celles qui font que la vie vaut d'être vécue, ne sont pas le fruit de l'économie de marché mais le produit de la fonction souveraine, c'est-à-dire des églises, des princes et des Etats. Elles sont le produit d'une volonté, consciente ou non, de la « main invisible » des marchés.

    Le capitalisme d’Etat, l'interventionnisme, diabolisés par les idéologues néolibéraux depuis la fin du XXe siècle, ont produit des résultats au moins équivalents, et dans bien des cas plus durables et supérieurs, à ceux de l'économie de marché. La première économie du monde, la Chine, est un capitalisme d'Etat. La maîtrise du nucléaire, l'aéronautique, la conquête spatiale, l'informatique, la recherche médicale n'auraient pas été possibles sans l'intervention décisive des Etats, qui en ont supporté les risques.
    La soumission de tout à la loi du marché (marchandisation du monde), loin de constituer une amélioration, n'a abouti qu'à un appauvrissement culturel généralisé à l'image de ce qui s'est passé dans l'univers médiatique.

    Il en va ainsi parce que le libéralisme poussé dans ses implications ultimes est un agent dissolvant de tout ordre social, ce que les socialistes reconnaissaient d'ailleurs positivement au XIXe siècle, pour sa contribution à l'avènement de la révolution mondiale.

    Le libéralisme conduit en effet à délégitimer toutes les institutions, toutes les traditions, toutes les préférences culturelles, réputées faire obstacle à l'optimum économique, au nom de l'efficience réputée supérieure des initiatives des individus sur le marché libre. La seule distinction que le néolibéralisme ne conteste pas porte sur les différences de richesses, qui seraient hautement morales à ses yeux, car elles sont censées rémunérer des talents supérieurs.
    Il délégitime aussi tout volontarisme politique, au nom de la critique des effets pervers du « constructivisme ». Mais il est un ardent défenseur du volontarisme des grandes entreprises transnationales…

    Le libéralisme repose sur la croyance en la supériorité d'un modèle économique et social, le gouvernement des choses en dehors de toute régulation humaine, qui malheureusement ne fonctionne nulle part d'une façon pure et parfaite. Mais au lieu d'en tirer une nécessaire modestie, le néolibéralisme prétend plier la réalité à ses postulats. Cette attitude conduit les idéologues néolibéraux à négliger les conséquences désagréables des politiques qu'ils préconisent et qu'au demeurant en général ils ne supportent pas personnellement, bien au contraire.

    Le néolibéralisme est donc une idéologie commode qui prône l'indifférenciation et la soumission aux lois abstraites du marché pour la population, tout en justifiant les inégalités de richesse en faveur des puissants.

    Nous vivons aujourd'hui la déconstruction de tout ordre social par la mise en œuvre des principes libéraux poussés à leurs limites. Car les sociétés occidentales ont été soumises à une véritable révolution néolibérale et sont en train d'imploser pour cette raison même. Mais cette déconstruction suscite désormais la révolte croissante des peuples et des identités contre le système qui s'est mis en place.

    Michel Geoffroy 22/02/2011

    Voir :
    1re partie : Présentation des thèses
    2e partie : Développement des thèses 1 à 6.

    L’intégralité du texte de Michel Geoffroy se trouve en pdf ici.

    Correspondance Polémia - 27/02/2011

  • Dix thèses sur le libéralisme (2/3)

    — Développement de 1 à 6 —

    1) Le libéralisme est une doctrine économique qui repose sur des principes simples : seuls les individus sont des acteurs économiques pertinents. C'est la micro-économie qui est signifiante, pas la macro-économie. La liberté du commerce, la liberté d'installation et la liberté d'entrée sur le marché produisent des résultats profitables à tous et en tout cas supérieurs à ceux de la réglementation étatique ; plus le marché est libre plus il est efficace ; le marché trouve toujours la meilleure réponse ; la libre circulation des personnes et des capitaux par-delà les frontières permet une allocation optimale des moyens et un fonctionnement harmonieux du marché.

    Certains des principes du libéralisme sont restés pertinents mais d'autres ne le sont plus.
    Ce qui reste pertinent dans la théorie économique libérale :

    -la valeur de la propriété privée ;

    -le rôle des prix comme source d'information pertinente sur la qualité et la rareté des biens ;

    -le fait que la concurrence soit facteur de progrès, lorsqu'elle est équitable;

    -le fait que plus les systèmes sont complexes, plus ils sont difficiles à contrôler et plus il est difficile de prévoir les effets réels des politiques (sociales) mises en œuvre.

    Cependant, le principe d'ajustement optimal de l'offre et de la demande sur le marché libre repose sur des situations qui se rencontrent rarement dans le monde réel, en tout cas qui se rencontrent de plus en plus rarement dans le cadre de la mondialisation des échanges que nous vivons aujourd'hui. Ce principe ne produit pas les effets bénéfiques prévus-en particulier dans les pays occidentaux - dans une économie où la concurrence s'effectue non plus entre des producteurs mais entre des civilisations.

    2) Le néolibéralisme repose sur certains postulats qui ne sont pas éloignés de ceux du socialisme : la volonté d’unifier le genre humain, la croyance en la toute-puissance de l’intérêt, l’idée que le progrès mène au Paradis.

    Le libéralisme se différencie du socialisme dans la mesure où il préconise la propriété privée, où il stigmatise l'intervention économique et sociale de l'Etat et où il est avant tout un individualisme.

    Le néolibéralisme rejoint le socialisme sur plusieurs points :

    -la croyance dans la possibilité d'unifier le genre humain, que le néolibéralisme entend assurer par le marché comme le socialisme l'imaginait par la solidarité mondiale des travailleurs ;

    -la croyance que les hommes sont mus par leur seul intérêt (l'intérêt de classe ou l'intérêt économique) et que cet intérêt est objectif. C'est-à-dire que tous deux négligent l'importance des identités, nationales notamment, comme déterminants humains, de même que l'importance des spécificités et croyances culturelles. Le libéralisme néglige que les hommes sont mus non par leur intérêt objectif mais par l'idée qu'ils se font de leur intérêt, ce qui n'est pas la même chose 

    -la croyance que les traditions culturelles et les identités sont des obstacles au bonheur humain (à la création de l'homme nouveau comme à la concurrence pure et parfaite) ; même si certains libéraux se sont efforcés de montrer que le fonctionnement optimal de l'économie supposait le respect de règles qui ne pouvaient que s'enraciner dans une culture ;

    -la croyance en la possibilité d'assurer le Paradis sur terre (réduit à l'abondance matérielle) par la mise en œuvre de solutions adaptées (le collectivisme ou l'économie de marché) ;

    -la prétention du néolibéralisme à incarner l'avant-garde du progrès, comme hier les élites révolutionnaires. Il existait, en effet, un libéralisme politique qui s'est avant tout opposé à l'absolutisme monarchique puis au conservatisme et au socialisme. Le libéralisme politique déclinait dans l'ordre politique ses principes économiques, la libre confrontation des opinions – parlementarisme et démocratie – étant considérée comme aussi efficace que l'ajustement de l'offre et de la demande sur le marché libre. Mais le néolibéralisme a rompu aujourd'hui avec cette tradition et adopte désormais une approche élitiste de la chose publique : il se méfie des peuples et donc de la démocratie et s'est mis au service de l'oligarchie.

    3) La propriété privée reste un système économique et social efficace car elle produit en général de meilleurs résultats que sa suppression. Mais plus la propriété est vaste, moins elle est facile à maîtriser.

    C'était l'erreur du socialisme de penser que la suppression de la propriété privée (la collectivisation) constituait le remède au capitalisme. La propriété est levier de responsabilité et de sécurité pour le propriétaire. La collectivisation provoque, au contraire, l'irresponsabilité et la prise de mauvaises décisions. Les politiques redistributives d'inspiration socialiste, qui consistent à prélever des impôts sur ceux qui travaillent pour les redistribuer sous forme de prestations « sociales » à ceux qui ne travaillent pas, provoquent des effets pervers de même nature : elles découragent l'effort et la prise de risques. Il faut donc au contraire encourager l'accession à la propriété personnelle, la conservation des patrimoines et diminuer les impôts et les prélèvements pesant sur les revenus du travail.
    Il y a cependant des limites à cela. D'abord l'efficience de la propriété privée est d'autant plus grande que le propriétaire est proche de son bien : plus la propriété est vaste moins elle est facile à maîtriser. Ensuite tous les biens ne peuvent pas faire l'objet d'une appropriation privative, en particulier ceux qui sont nécessaires à la survie de la communauté. Certaines circonstances exceptionnelles peuvent justifier de substituer la propriété publique à la propriété privée pour garantir un intérêt public, sous réserve d'une compensation équitable des propriétaires. Enfin, aucune société policée ne peut se désintéresser de la situation des personnes privées d'emploi et de revenus (mais cela ne signifie pas que la charité soit obligatoirement publique).

    4) La liberté du commerce et des prix ainsi que la concurrence économique produisent des effets positifs pour tous mais à condition que les termes de l'échange ne soient pas trop inégaux et que les coûts des facteurs restent homogènes entre les concurrents.

    La mise en concurrence au sein d'un espace économique non homogène, a fortiori la mise en concurrence mondiale des économies, provoque des effets pervers beaucoup plus importants que ses avantages économiques présumés. Dans un premier temps la baisse des protections tarifaires a un effet positif sur les consommateurs, qui voient les prix baisser et affluer des marchandises du monde entier. Mais s'ils perdent leur emploi du fait que les entreprises étrangères sont plus performantes et que les leurs doivent cesser leur activité, ils finissent par voir diminuer leurs revenus et leur consommation.

    C'est la faute méthodologique du néolibéralisme, c'est-à-dire du libre-échange mondialiste, que de ne pas vouloir prendre cela en considération.

    La mondialisation des échanges perturbe en effet le fonctionnement de la concurrence. Car un pays ne peut durablement se spécialiser dans un seul domaine d'activité et dépendre pour le reste des autres économies, d'autant que les avantages comparatifs ne sont pas donnés une fois pour toutes. Il est très difficile en outre de reconstituer des capacités de production dans un secteur que l'on a abandonné à d'autres, en particulier à cause des compétences perdues. Il y a par ailleurs des limites naturelles à l'adaptation des facteurs de production à la concurrence mondiale du point de vue de la mobilité de la main-d'œuvre. Dans une économie mondialisée les coûts sociaux des ajustements économiques sont trop élevés, en particulier dans les pays en déclin démographique, pour que l'optimum de la théorie économique soit réalisable.

    5) En diabolisant le protectionnisme, le néolibéralisme commet une erreur d'analyse et s’écarte de la réalité des faits tels que constatés par l’histoire économique.

    Les protections tarifaires – c'est-à-dire les frontières économiques – permettent de préserver une juste concurrence entre des acteurs inégaux, dès lors qu'elles sont raisonnables. Les situations d'autarcie ou de blocus ont constitué aussi des facteurs d'accélération de l'innovation pour les sociétés qui y étaient soumises.
    L'histoire économique ne confirme pas que les grandes puissances économiques le sont devenues en appliquant la théorie des avantages comparatifs de David Ricardo mais en appliquant plutôt différentes formes de patriotisme économique. Le discours libéral sur les bienfaits de l'ouverture des frontières économiques a en réalité souvent été utilisé comme moyen de soumission et de colonisation des Etats : en imposant l'ouverture de l'économie du pays dominé au commerce inégal avec la puissance dominante. D'ailleurs, les pays qui sont présentés comme un modèle de libéralisme – comme les Etats-Unis, par exemple – sont en réalité protectionnistes, car ils usent de nombreux moyens non tarifaires pour décourager les importations.
    La solution économique la plus efficiente n'est pas la suppression des protections tarifaires, comme le pratique aujourd'hui l'Union européenne, mais de mettre en place une certaine dose de protection du marché intérieur alliée à une politique de promotion des exportations au sein d'un espace économique cohérent ; c'est la politique que pratiquent également les économies émergentes avec succès.
    Il n'est pas avéré que la croissance économique soit en relation directe avec le degré d'ouverture au commerce international, comme le montre le cas de l'Union européenne qui est désormais une économie ouverte mais à faible croissance.
    Enfin, contrairement à ce que prétendent les libéraux depuis l'origine, le commerce ne garantit nullement la paix. Dans l'histoire, c'est le contraire qui est vrai ; les nations les plus commerçantes ont toujours été belliqueuses car elles ont utilisé la force pour s'ouvrir des marchés et éliminer des concurrents : exemple l'Angleterre. Il est donc faux de croire que la mondialisation de l'économie conduira à la paix perpétuelle ; au contraire, l'ouverture mondiale des frontières économiques met en concurrence non plus seulement des acteurs économiques mais les peuples et les civilisations eux-mêmes. Le libre-échange mondialiste mène fatalement au choc des civilisations, comme le montrent notamment les conséquences des migrations massives de populations.

    6) Le tout n'est pas seulement la somme des parties.

    L'accent mis sur la micro-économie a progressivement détourné le libéralisme de la bonne compréhension des sociétés humaines et, d'une façon générale, de tout ce qui est collectif et communautaire. Cela résulte aussi du fait que le libéralisme a été formulé à une époque (XVIIIe siècle notamment) où l'on avait de l'anthropologie une conception utopique : celle d'un homme primitif vivant de cueillette en dehors de toute culture, les institutions sociales étant perçues comme une contrainte faisant perdre à l'homme sa bonne nature.
    Les intellectuels libéraux ont cru ensuite trouver dans la formulation de la théorie de l'évolution au XIXe siècle une confirmation de leurs analyses : le caractère spontané et structurant des micro-variations individuelles, la survie du mieux apte.
    Le libéralisme est donc un individualisme méthodologique, qui pose que les individus sont la mesure de toute chose et à l'origine de la société. Cette conception a débouché sur l'idéologie politique des droits de l'homme qui expliquait justement que la société était faite pour les hommes, et non l'inverse, et que le but de l'organisation politique résidait dans la conservation des droits propres à chaque homme, et non dans la conservation de la communauté. Les droits de l'homme ont ainsi supplanté ceux de la citoyenneté.
    Les libéraux conséquents ne reconnaissent aucune réalité, ni aucune légitimité souvent, aux entités et déterminants collectifs, à l'exception du concept de « marché » perçu comme la sommation des décisions économiques individuelles. Ils prônent la « société ouverte » (Hayek), c'est-à-dire un système où les institutions ne viendraient pas contrarier l'initiative des individus. Cette expression est cependant une contradiction dans les termes car ce qui fonde un ordre social consiste justement à organiser et à pacifier le choc des appétits individuels, donc à les restreindre.
    Le libéralisme a, par conséquent, beaucoup de difficulté à concevoir que les relations de pouvoir puissent venir perturber son modèle. Les libéraux sont des optimistes qui pensent que les supériorités sont transitoires et susceptibles d'être recomposées par le marché.
    Les libéraux finissent par oublier que les hommes sont « par nature des êtres de culture » (Gehlen) et qu'ils n'existent pas en dehors d'une culture et d'une société. Ils ignorent aussi que beaucoup d'animaux vivent en société et ne sont pas non plus des « individus ».
    La société qu'ils préconisent, conçue comme une agrégation d'individus, est en réalité un chaos, comme le démontrent les sociétés occidentales qui ont été façonnées conformément à ces principes. Les libéraux négligent le fait que les hommes réagissent en fonction de l'idée qu'ils se font de leur intérêt : or, cette idée est aussi le fruit de leurs traditions et de leurs cultures. Ils négligent enfin que les hommes sont plus attachés à leur identité et à leur culture qu'à leur intérêt économique, a fortiori quand ce dernier n'est pas à court terme.

    (A suivre)
    Michel Geoffroy http://www.polemia.com

  • Dix thèses sur le libéralisme (1/3)

    Le libéralisme fait débat. Pas seulement à « gauche » mais aussi à « droite ». Les uns font valoir, non sans raison, que l’économie de marché est performante. Les autres soulignent les limites courtermistes, sociales et morales du modèle néolibéral. Contributeur régulier de Polémia, Michel Geoffroy propose ici un nouvel éclairage de ce débat. Polémia le porte à la connaissance de ses lecteurs en trois parties : la Présentation de la question et l’énumération des dix thèses (le texte qui suit), suivies du Développement des thèses 1 à 6, puis de 7 à 10. Pour apprécier toute la richesse du texte de Michel Geoffroy nous en présentons aussi la version intégrale en pdf.
    Polémia

    — Présentation —

    Voici les dix thèses critiques de Michel Geoffroy que Polémia met en débat.

    1) Le libéralisme est une doctrine économique qui repose sur des principes simples : seuls les individus sont des acteurs économiques pertinents. C'est la micro-économie qui est signifiante, pas la macro-économie. La liberté du commerce, la liberté d'installation et la liberté d'entrée sur le marché produisent des résultats profitables à tous et en tout cas supérieurs à ceux de la réglementation étatique ; plus le marché est libre plus il est efficace ; le marché trouve toujours la meilleure réponse ; la libre circulation des personnes et des capitaux par-delà les frontières permet une allocation optimale des moyens et un fonctionnement harmonieux du marché.

    2) Le néo-libéralisme repose sur certains postulats qui ne sont pas éloignés de ceux du socialisme : la volonté d’unifier le genre humain, la croyance en la toute-puissance de l’intérêt, l’idée que le progrès mène au Paradis.

    3) La propriété privée reste un système économique et social efficace car elle produit en général de meilleurs résultats que sa suppression. Mais plus la propriété est vaste, moins elle est facile à maîtriser.

    4) La liberté du commerce et des prix ainsi que la concurrence économique produisent des effets positifs pour tous mais à condition que les termes de l'échange ne soient pas trop inégaux et que les coûts des facteurs restent homogènes entre les concurrents. C'est la faute méthodologique du néolibéralisme, c'est-à-dire du libre-échange mondialiste, que de ne pas vouloir prendre cela en considération.

    5) En diabolisant le protectionnisme, le néolibéralisme commet une erreur d'analyse et s’écarte de la réalité des faits tels que l’histoire économique permet de les constater.

    6) Le tout n'est pas seulement la somme des parties. L'accent mis sur la micro-économie a progressivement détourné le libéralisme de la bonne compréhension des sociétés humaines et, d'une façon générale, de tout ce qui est collectif et communautaire. Cela résulte aussi du fait que le libéralisme a été formulé à une époque (XVIIIe siècle notamment) où l'on avait de l'anthropologie une conception utopique. Les libéraux finissent par oublier que les hommes sont « par nature des êtres de culture » (Gehlen) et qu'ils n'existent pas en dehors d'une culture et d'une société.

    7) Il n'est pas avéré que « le marché » prenne nécessairement toujours les bonnes décisions ou, pour le dire autrement, que la société profite toujours des décisions du marché. Les marchés sont en effet conformistes, c'est-à-dire qu'ils ont tendance à imiter les pratiques qui semblent donner de bons résultats et de bons profits : cela contribue à amplifier l'effet des mauvaises décisions. Et cette amplification est désormais mondiale. Les libéraux ignorent aussi le fait que les entreprises ont tendance à externaliser leurs coûts et leurs échecs sur les Etats.

    8) La tendance naturelle du capitalisme n'est pas le respect de la juste concurrence mais la concentration, l'intégration verticale et la financiarisation. Aujourd'hui les entreprises transnationales ont des surfaces financières et des capacités d'influence bien supérieures à celles de certains Etats : elles sont devenues des pouvoirs. En outre, les grandes entreprises transnationales disposent, avec l'exercice du pouvoir médiatique et la suggestion publicitaire (et sujétion), de puissants moyens de sidération du consommateur.

    9) Le bilan de la mise en œuvre des recettes néolibérales dans le domaine social n'est pas probant. On ne peut contester qu'avec l'avènement du néolibéralisme les entreprises soient devenues plus profitables. Mais la question est de savoir à quel coût cela s'est fait pour la société. En Europe, ce coût ne s'appelle-t-il pas chômage, immigration, déficits publics et croissance des inégalités de revenus ?
    Partout en Occident les classes moyennes autochtones ont fait les frais de la mondialisation des échanges vantée par les néolibéraux.

    10) Les principales réalisations de la culture humaine, celles qui font que la vie vaut d'être vécue, ne sont pas le fruit de l'économie de marché mais le produit de la fonction souveraine, c'est-à-dire des églises, des princes et des Etats. Elles sont le produit d'une volonté consciente ou non de la « main invisible » des marchés.

    (A suivre)
    Michel Geoffroy http://www.polemia.com
    22/02/2011

  • Intoxications médiatiques

     Cela fait maintenant longtemps que la grasse presse imprimée déficitaire, les radios encalminées et la télé en perdition constituent une incroyable structure médiatique de désinformation de masse.

     

    On pourrait décrypter ici leurs manœuvres insidieuses autour de la campagne présidentielle avec la minorisation, l’exagération ou le silence autour de tel ou tel candidat tout aussi légitime à concourir que ceux que présente le Système. On s’apesantira plutôt sur leur traitement de la politique étrangère.

     

    C’est un triste et banal constat : les Français ne s’intéressent guère aux affaires internationales alors que c’est le domaine par excellence de la Grande Politique et de la confrontation avec les autres Puissances. Ce désintérêt est à imputer à la méconnaissance du public pour tout ce qui se passe à l’extérieur, sauf s’il s’agit de catastrophes propres à exciter l’émotion. Y contribue aussi la couverture déficiente des médias. Hormis les cas particuliers et souvent tragiques, l’étranger est relégué en milieu de journal et expédié en quelques minutes avec un ou deux vagues sujets… Dans ces conditions, le Français reste enfermé dans le périmètre voulu d’une bienséante inculture. Il peut toutefois s’en extraire grâce à Internet, à la lecture de livres ou de journaux anti-conformistes et à l’écoute de radios réfractaires. Néanmoins, la très grande majorité se détourne de ces sujets.

     

    Ainsi, quand le président de la Commission nationale de défense de la République populaire démocratique de Corée, Kim Jong-il, décéda-t-il fin décembre 2011, des centaines de milliers de Coréens du Nord  marquèrent leur affliction. Ils recommencèrent leurs pleurs publics lors des obsèques nationales. Les divers commentaires, y compris venant de personnes pas encore conscientes de la fin définitive de la Guerre froide, se gaussèrent de ces scènes larmoyantes collectives et y virent la démonstration du caractère totalitaire de l’État. Pour une fois pondéré, Le Monde, grâce à son correspondant en Asie orientale, Philippe Pons, rappela que « les lamentations collectives font partie des expressions de douleur du deuil dans la culture coréen. […] Les Coréens sont extravertis dans la joie comme dans la douleur. Lors de funérailles d’un parent, ces derniers “ crient ” leur chagrin. Exprimer ses condoléances par des larmes relève de l’étiquette sociale (1) ».

     

    Les critiques occidentaux de l’attitude coréenne du Nord ont la mémoire bien courte. Ont-ils déjà oublié le torrent, le raz-de-marée, le déluge de sanglots qui déferlèrent au moment de la mort de Michael Jackson le 25 juin 2009 ? Ont-ils donc oublié tous ces fans, toutes ces midinettes qui hurlaient leur immense peine ? Alain de Benoist se demanda même si « le monde survivra-t-il à la mort de Michael Jackson ? (2) ». Un esprit ironique venu de Sirius pourrait penser que Michael Jackson était le « Cher Dirigeant » de l’Occident globalisé tant sa fin plongea la planète dans une immense tristesse…

     

    Dans la même période, suite aux élections législatives russes, nos journalistes, atteints pour la plupart du complexe de Zorro (en fait, plus zéro que Zorro, d’ailleurs), s’enflammèrent pour ces manifestants hétéroclites hostiles aux résultats définitifs et au retour de Vladimir Poutine au Kremlin. Ils frétillaient à l’avance de suivre en direct depuis leurs studios le début à Moscou d’une nouvelle « révolution de Noël », rééditant celle de 1989 à Bucarest en Roumanie… Ils s’indignaient du détournement des bulletins et des urnes pré-remplies en Russie sans qu’ils aillent regarder les fraudes électorales courantes dans les derniers bastions du P.« C.F. » en Île-de-France ou en terres socialistes du Pas-de-Calais et des Bouches-du-Rhône. Ils auraient fait des économies à leurs chaînes et montré leur professionalisme. Mais nos Zorros – zozos ignorent l’impartialité et préfèrent le tourisme professionnel exotique aux enquêtes dangereuses de terrain.

     

    Contrairement au failli Gorbatchev, Vladimir Poutine n’a jamais eu bonne presse en Occident et dans l’Hexagone. Son passé d’officier supérieur du K.G.B., son sens patriotique, son énergie virile, son goût de la répartie le desservent pour les médias qui, dominés par un état d’esprit féministe, le considèrent comme le modèle du macho crypto-fasciste. Fort heureusement que Vladimir Poutine se fiche de ce que pensent France 2, André Glucksmann, France Info ou Le Point.

     

    L’échec relatif des manifestations anti-Poutine qui rassemblaient tout le spectre politique oppositionnel, des néo-communistes aux nationalistes radicaux (les bannières impériales étaient ressorties et les images montrèrent plusieurs drapeaux noirs à croix celtique blanche !) en passant par les libéraux et les démocrates, incita nos piètres médias à trouver rapidement une nouvelle cible. La mise au pilori médiatique tomba alors sur le ministre-président du gouvernement hongrois, Viktor Orban, et ses lois audacieuses. L’entrée en vigueur au 1er janvier 2012 d’une nouvelle constitution d’orientation nationale-conservatrice et libérale ne pouvait que soulever la colère de nos démocrates patentés qui, par ailleurs, se taisent à propos des lois scélérates outre-Atlantique, du mouvement protestataire étatsunien Occupy Wall Street et des exactions policières à son encontre. C’est sûr que nos grands démocrates ne peuvent que s’offusquer de l’affirmation dans le texte fondamental hongrois du droit à l’existence de l’embryon, du mariage traditionnel et de la monnaie nationale ainsi que du contrôle gouvernemental de la banque centrale…

     

    L’ancien dissident magyar de 1989 est vraiment l’anti-Vaclav Havel. Après la disparition en 1993 de Josef Antall, le premier chef de gouvernement non-communiste depuis 1945, Orban reprit le flambeau du patriotisme conservateur. Conseillé lors de son premier mandat de Premier ministre entre 1998 et 2002 par l’intellectuel catholique Thomas Molnar, il prit conscience du danger du libéralisme philosophique et du mondialisme occidental. Certes, Orban a imposé le taux unique d’imposition (flat tax), mais il a aussi créé une nouvelle taxe sur les profits considérables que se font les groupes multinationaux sur le dos de la population hongroise. Détenteurs d’actions dans les principaux groupes de presse de l’Hexagone ou grands acheteurs de pages publicitaires, ces multinationales et leurs sbires, les journalistes hexagonaux, contestent la politique de Viktor Orban et souhaitent implicitement le retour au pouvoir de la bande maffieuses socialiste ex-communiste et libérale-libertaire pro-atlantiste qui, de 2002 à 2010, extorqua les Hongrois. Les attaques les plus grotesques ne cessent de pleuvoir sur la nouvelle Hongrie et son Premier ministre. Outre les propos débiles d’un Daniel Cohn-Bendit qui le compare à Hugo Chavez, l’excellent président du Venezuela, l’une des plus risibles provint de l’ineffable Bernard-Henri « Libye » qui ose écrire : « Il y a un pays où l’on est en train d’adapter, au nom d’un principe d’appartenance qu’il faut bien qualifier d’ethnique ou de racial, un régime électoral que l’on croyait mort avec le nazisme et qui donne droit de vote à tous les “ nationaux ” non citoyens, mais dispersés dans le reste de l’Europe (3). » Notre soi-disant philosophe condamne l’octroi de la citoyenneté hongroise aux minorités magyares de Serbie, de Roumanie et de Slovaquie qui n’ont toujours pas fait le deuil du sinistre traité de Trianon (4). Notre éminent expert de l’œuvre de Botule l’Inexistant ne veut pas que des Hongrois de l’étranger participent à la vie politique de leur mère-patrie. Or notre écrivain en plateau – télé n’a jamais protesté de la création de onze circonscriptions parlementaires françaises à l’étranger et soutient avec vigueur le droit de vote des étrangers non européens en France. Ainsi, dans l’esprit torturé de l’homme à la chemise blanche, un Algérien ou un Congolais devrait voter à Saint-Denis, mais pas un Hongrois de Transylvanie à Debrecen…

     

    Sur le même registre délirant, Angela Merkel, si bien décrite par le délicieux Silvio Berlusconi, expert réputé ès féminité, se permet de donner des leçons de morale aux Serbes du Kossovo et de Belgrade et au gouvernement hongrois alors que le président fédéral allemand, Christian Wulff, vient de démissionner, suite à un fâcheux scandale médiatico-financier… Quant à l’inénarrable ministre bordelais des Affaires étrangères, son séjour québécois lui donne le droit de critiquer Viktor Orban ! Il serait bien que les journalistes hongrois ou russes enquêtassent sur nos mœurs politiques et exposassent dans des reportages la gigantesque corruption qui gangrène notre pauvre pays. La télé hongroise pourrait même dédier une émission spéciale aux pressions insupportables des gros partis du Système sur les maires ruraux afin qu’ils ne donnent pas leur parrainage à quelques candidats présidentiels non agréés…

     

    Dans le viseur de la caste médiatique hexagonale occidentalisée, la Syrie figure au même rang que la Russie ou la Hongrie. Depuis le commencement, il y a presque un an, de la déstabilisation terroriste du gouvernement légitime de Bachar El-Assad voulue et fomentée par la Turquie et l’Arabie Saoudite, et encouragée par l’O.T.A.N., la République hexagonale et les États-Unis qui orchestrent ainsi l’étouffement lent de l’Iran, télé, radio et journaux à grand tirage traitent constamment des événements tragiques syriens jusqu’à la nausée. Le contraste est saisissant avec leur silence quasi-total sur la répression impitoyable des opposants chiites à la tyrannie sunnite occidentaliste à Bahreïn.

     

    Soit encadrés et manipulés par des rebelles islamistes, soit installés à Beyrouth d’où ils dépendent des dépêches des sacro-saintes agences de presse anglo-saxonnes, les journalistes parlent de la situation en Syrie avec un manichéisme flagrant. L’exactitude des faits leur importe peu, car ils croient participer au combat eschatologique du Bien occidental contre le Mal obscurantiste ! La presse française servile célèbre sans arrêt le courage virtuel des « rebelles » qui ne sont que de sales terroristes. En revanche, avec une déontologique à géométrie variable, les mêmes ont dénigré sans peine les manifestants catholiques et musulmans qui exprimaient leur hostilité aux pièces de théâtre abjectes montées à Paris à l’automne 2011 ! Il est intéressant de remarquer que ces grandes consciences attachés au respect des droits de l’homme qui s’apitoient dès que le moindre délinquant issu des banlieues de l’immigration est blessé ou tué par la police, n’ont jamais évoqué la féroce répression menée, ni mentionné la jambe écrasée du militant d’Action française par un fourgon de police ! Le torchon inflammable Charlie Hebdo, rompu dans la dénonciation habituelle des bavures, s’est tu pour l’occasion…

     

    La mort récente du journaliste Gilles Jacquier permet d’accuser encore plus le gouvernement de Damas de toutes les turpitudes alors que tout indique que le tir proviendrait des rebelles terroristes proche d’Al-Qaïda ! Par tous ces exemples, on a la désagréable impression de voir se préparer le conditionnement psychologique de la population française à une éventuelle intervention militaire en minimisant les risques considérables de déflagration, régionale et mondiale, majeure. Rappelons-nous de la propagande déversé en 1991 avant le lancement de « Tempête du désert » contre l’Irak et en 1999 contre la Yougoslavie.

     

    Plus que jamais, les gros médias déforment l’actualité, la tordent, la triturent. Ne soyons plus dupes de cette escroquerie intellectuelle ! Construisons des réseaux d’informations dissidents exempts de politiquement correct ! Courage donc à Bachar, à Kim, à Viktor et à Vladimir ! Et merde aux médias qui nous ont déclaré la guerre !

    Georges Feltin-Tracol http://www.europemaxima.com

     

    Notes

    1 : dans Le Monde, 22 décembre 2011.

    2 : Alain de Benoist, « Le monde survivra-t-il à la mort de Michael Jackson ? », mis en ligne sur Novopress, le 12 juillet 2009.

    3 : Bernard-Henri Lévy, dans Le Point, 12 janvier 2012.

    4 : Traité de paix signé le 4 juin 1920 entre les Alliés et la Hongrie qui perdait près de 70 % de son territoire (93 000 km2 contre 283 000 km2 en 1914).

  • Le manque d’eau pourrait briser le règne des énergies fossiles

    L’année 2012 s’achève dans le gris. Les discussions sur le réchauffement climatique se sont enlisées et se terminent dans l’épuisement collectif. Les climato-sceptiques ont gagné la seconde manche.

    Sécheresse aux Etats-Unis, été 2012

    Ils avaient perdu la première, lorsque l’immense majorité de la communauté scientifique, une bonne partie des pays de l’OCDE, l’Agence internationale de l’énergie et beaucoup d’ONG étaient parvenues à inscrire le risque climatique à l’agenda régulier des nations. A Doha, c’est l’échec et peut-être la triste réalité décrite dans ce journal (LT du 19.12.2012) par Raphaël Arlettaz, professeur d’écologie à l’Université de Berne : «[…] Nous sommes dans le déni des dommages que l’on cause à la biosphère et, par ricochet, à notre propre espèce. […] Même lorsque nous sommes conscients de notre impact, l’action nécessaire pour en éviter les conséquences n’est que rarement mise en œuvre.»

    Raphaël Arlettaz parle d’une incapacité intellectuelle à intégrer une menace à laquelle l’humanité n’a jamais été confrontée, «un mismatch évolutif». Au plan économique, cela se traduit par des prix d’énergies polluantes ou dangereuses pour l’évolution des espèces qui n’intègrent pas le futur, en dépit du lourd tribut déjà payé par l’humanité.

    Au contraire, l’impensable imaginé lors de l’élaboration du Traité de Kyoto est en train de se produire. Le charbon fait son retour en Europe, en Allemagne notamment, aux Etats-Unis et progresse fortement en Asie. Selon les derniers scénarios de l’Agence internationale de l’énergie, la consommation de houille, la forme la plus sale des énergies fossiles, pourrait surpasser celle de pétrole en 2017. Un cauchemar pour le climat et les maladies respiratoires, une source de pollution au mercure et, moins connue, de radioactivité.

    Autre révolution imprévue : l’abondance de gaz et de pétrole non conventionnels repousse sans doute d’une ou deux décennies la pénurie tant annoncée, le fameux «pic» pétrolier. Si l’on applique la thèse du biologiste, il est quasi certain que ce risque quantitatif ne soit détecté par les prix que la veille des mauvaises nouvelles. C’est les limites des bienfaits de la spéculation: dans le déni, les acteurs économiques ne changeront pas leurs pratiques.

    Le moment gris devient carrément sombre, à tel point que beaucoup imaginent déjà que la seule voie raisonnable est de jeter l’éponge et de se préparer à affronter frontalement les conséquences du réchauffement. Il existe pourtant une lueur d’espoir. Le développement des hydrocarbures pourrait être contrecarré par le manque d’eau et les coûts de plus en plus exorbitants du refroidissement.

    Michael Lieb­reich, directeur de Bloomberg Energy Finance, livre quelques chiffres intéressants dans l’une de ses dernières études. Les chaudières thermiques (gaz, charbon et nucléaire) utilisent des quantités phénoménales d’eau.

    Ainsi, une centrale à gaz de taille moyenne aux Etats-Unis (450 mégawatts, soit la moitié de la puissance d’une centrale nucléaire) consommera 74 millions de mètres cubes d’eau durant l’entier de son activité; une centrale au charbon de 1,3 gigawatt (1300 mégawatts) en engloutira 1,4 milliard de mètres cubes, soit sept fois la consommation annuelle d’eau de la ville de… Paris.

    Le bilan du nucléaire est encore plus sévère. Certes, il existe des tours de refroidissement. Une partie de l’eau est évaporée et retourne au cycle naturel, mais elle aura été prélevée à un autre endroit. Quant aux usines proches des rivières ou de la mer, leurs rejets «chauds» perturbent de plus en plus les écosystèmes. A tel point que des réacteurs nucléaires américains sont aujourd’hui à l’arrêt. Personne n’a oublié les très graves difficultés d’EDF à l’été 2003, contraint de stopper l’équivalent de 16 gigawatts de son parc nucléaire et thermique.

    De fait, selon un autre rapport que vient de publier l’Agence internationale de l’énergie, plusieurs projets de centrale nucléaire ou au charbon sont stoppés en Inde ou en Chine en raison des difficultés à les alimenter en eau.

    Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Rien qu’en Europe, on estime le secteur de l’énergie responsable pour 44% des prélèvements d’eau ou 8% de la consommation, principalement par les tours de refroidissement visibles au loin par leur grand panache blanc. En Asie, selon l’un des directeurs de General Electric, cité par Michael Lieb­reich, plusieurs grands projets de centrale thermique devront être tout simplement abandonnés, alors même que le risque de pénurie d’électricité est patent. Même en Arabie saoudite, pays qui regorge de pétrole, les besoins pour le refroidissement des centrales thermiques nécessaires à la dessalinisation de l’eau sont tels que le royaume va investir massivement dans l’éolien, contraint de réduire ses coûts liés à l’usage d’eau.

    Pour Michael Liebreich, la molécule bleue pourrait bien devenir le meilleur avocat des énergies vertes, solaire ou vent, qui consomment très peu d’eau. Mais le combat, une fois de plus, est inégal. Selon le New York Times, le lobby des énergies fossiles a dépensé, durant la campagne américaine, 153 millions de dollars pour promouvoir les énergies fossiles, contre à peine 41 millions pour les énergies propres. Au final, le facteur déterminant, ce sera celui des prix. Et là, les nouvelles sont plutôt rassurantes. Ce sera l’objet d’une chronique en 2013. De joyeuses Fêtes d’ici là.

    Le Temps (21 décembre 2012) http://fortune.fdesouche.com

  • Le professeur Monti, les bergers du Qatar et les laquais du mondialisme

    C’est les nouveaux rois mages ! C’est Noël ! Les Bilderbergs, mondialistes et technocrates de tout poil et banquiers de Goldman Sachs ont pris le pouvoir. Nous verrons si comme le disait Serge de Beketch ils continueront à nous tondre (c’est bien parti en France, et pas que pour les riches, et pas que pour les riches !), ou bien s’ils vont commencer à nous sacrifier quelques têtes dans l’indifférence générale des mâcheurs de chewing-gum et des contemplateurs de télé et autres absorbeurs du dernier Apple. Comme dit Boris Vian, ils cassent le monde, il en reste assez pour moi ! C’est notre honte, et on l’ignore !

    Le système, je le dis comme je le pense, ne prend même plus de gants pour nous l’imposer bien profonde, la globalisation. Je suis tombé par hasard une ces pages de challenges, la revue Thénardier de la gauche-caviar, que je n’avais plus lue depuis vingt ans, et qui appartenait alors à Perdriel et au Nouvel Obs, organe vieillissant de la gauche valeureuse !

    Je cite le journaliste, qui parle d’un raout luxueux au Martinez cannois (où entre nous soit dit, à côté de la suite à 20 000, la piaule sur Booking.com n’est qu’à 160 euros la nuit : la crise bat large…). Il y a Monti en pleine forme, démissionné pour être remis en selle par les 300 qui dirigent le monde, et bien sûr les qataris, nos patrons du moment, les seuls à ne pas payer d’impôts en France et à faire ce qu’ils veulent de nos troupes : « On m’informe que Mario Monti a remis sa démission, elle sera effective après l’adoption de la loi de stabilité budgétaire, on me dit qu’il pourrait s’agir d’un mouvement tactique, annonce Thierry de Montbrial, interrompant le diner de  gala et le spectacle offert, ce samedi soir, par Total à l’hôtel Martinez, à Cannes. »

    Montbrial, on l’a toujours connu : l’affreux passait déjà aux dossiers de l’écran. Il sera là dans quarante ans. Il terrorisait notre vieil ami Yann Moncomble. C’est le poli technicien chargé de la promo du mondialisme en France. Là, il est entouré de beau linge, le linge sale du pétrole, venu en famille avec les patrons qataris applaudir la leçon du signore Monti, qu’on dit très catholique. Ô saint François, que tu es loin !

    On lit dans le style peu fleuri, un rien cynique et puis blasé du bon journal : « Avant même que la nouvelle ne tourne sur internet et ne trouble le marché des  changes, Jean-Claude Trichet et les  deux cents convives sont au courant… Au bar de  l’hôtel, Nina Mitz et Guillaume Foucault, les communicants influents qui  épaulent Montbrial pour faire du buzz autour de la cinquième édition de sa  conférence internationale, offrent des verres aux quelques journalistes présents : les images de Mario Monti dans les couloirs du Martinez commencent à circuler sur les chaines d’info, assurant à la “WPC” une belle renommée. »

    Admirez cette prose de gazette bien branchée ! Au milieu de cette kommandantur – aux ordres d’ailleurs de l’OTAN –, arrive ce grand spécialiste de rien et surtout  champion d’impopularité dans son pays. Il faudrait un Dino Risi pour nous le calculer, ce drôle-là.

    Car Mario Monti était là, tout à l’heure, venu sagement écouter un discours de  l’eurodéputée Sylvie Goulard, une amie proche avec qui il a trouvé le temps  d’écrire ces derniers mois De la démocratie en Europe (Flammarion) qui met en  garde les opinions publiques contre ses « instincts aveugles. »

    Les Goulard contre les soudards ! Car les instincts aveugles, c’est vous cher lecteur ! C’est tout ce qui dans le bulletin de vote, le sondage ou même le porte-monnaie (trop pauvre ! trop riche !) ne convient pas aux mondialistes qui nous ont coulé en bâtissant (j’allais écrire en abêtissant !) le Titanic de l’euro. Ils ne devraient pas s’inquiéter en haut lieu ; car la masse se tient à carreau, on l’a connue plus agitée…

    Mais Monti va braire en âne savant (le sénateur de famine nombreuse est aussi recteur de la Bocconi, la fac friquée de Milan où les enfants des exilés fiscaux vont apprendre en Audi l’économie de marché) : « À l’heure de la sieste, Mario Monti, ancien commissaire  européen, se lance dans un monologue devant ses amis éclairés. S’exprimant à la  fois en français et en anglais, sans doute conscient de son manque de charisme,  il range son texte et promet en souriant de ne pas nous emmener « de la digestion  au rêve ». À l’aise devant cet auditoire essentiellement constitué d’hommes d’affaires et  super-technocrates, il parle de Jean Monnet, de l’Europe qui est un « flux  asymptotique », de la « pollution court-termiste des politiques nationales », de la  façon dont il faut faire avancer et intégrer toujours plus le « management » de la  zone euro dans un « délicat équilibre » avec la démocratie, du bien fait des  potions qu’il a administré à son économie. »

    Avec le management, ce mot sacré de l’ère des Illuminati, ça déménage toujours! Monti utilise le baragouin néo-matheux des élites d’aujourd’hui, dont le courageux universitaire Bricmont avait dénoncé les excès il y a déjà quinze ans. On en ferait une syncope de leur asymptote ! Et merci pour la « pollution » des politiques nationales, signor professore ! Vous savez au moins ce que veut dire polluzione, en italien ?

    Le journaliste larbin, cette spécialité de la presse des finances, s’ennuie du charabia amphigourique et se permet même une insolence !

    Pour un peu, on prêterait une oreille plus attentive à Silvio Berlusconi qui a qualifié ce matin « il professore » de  « technicien de l’austérité germano-centrée. »

    Comme dirait mon vieux rédacteur en chef Jean-Edern Hallier, les canards laquais n’ont plus de respect ! À Monti, qui aimerait bien être nommé et non élu (souvenez-vous de Jacques Delors !) succède Trichet le bien nommé, l’homme de tous les désastres, du Lyonnais et de l’euro, l’homme de la suffisance et des insuffisances :

    Heureusement, Jean-Claude Trichet nous remet dans le droit chemin en nous  rappelant tout ce que Mario Monti, en treize mois de pouvoir à Rome, aura « apporté à la stabilité de l’Europe et donc du monde. »

    Jusque là, rien que du scandaleux, donc que du banal ! Mais voilà la fin qui est plus marrante, et qui explique comment on a fait de l’Europe une chambre à gaz, pardon, une poule aux œufs d’or pour les mini-émirs (qui font le maximum) de la péninsule dite arabe : Mais tout n’est pas perdu pour les Italiens. Le richissime banquier koweïti Abdulmajeed Alshatti, notre voisin de table, lorsque les conversations reprennent sur l’Italie après  l’annonce faite par Thierry de Montbrial, nous explique en riant qu’il  continuera de préférer Porto Fino à Cannes, « envahi par les Qataris » ou Marbella, « fief des saoudiens. »

    Vive le choc des civilisations ! Les qataris ne boivent pas le même champagne dans la même boîte que tous nos koweïtis ! Les Saoudiens vont se faire boire ailleurs !

    Supporter la fin de l’histoire avec de tels numéros et de si bons rois mages c’est vraiment un sacré challenge, c’est le cas de le dire !

    On laisse la parole au Christ, qui nous avait montré comment nous y prendre, quand on était chrétien et pas démocrate-chrétien :

    14 Et il trouva dans le temple les vendeurs de bœufs et de brebis et de colombes, et les changeurs qui y étaient assis.

    15 Et ayant fait un fouet de cordes, il les chassa tous hors du temple, et les brebis et les bœufs ; et il répandit la monnaie des changeurs et renversa les tables.

    16 Et il dit à ceux qui vendaient les colombes : Ôtez ces choses d’ici ; ne faites pas de la maison de mon Père une maison de trafic.

    Je me demande ce qu’il prendrait aujourd’hui devant les tribunaux, Jésus.

    http://francephi.com

  • L’Ordre de Malte

    Ce film raconte la fascinante histoire des Chevaliers de l’Ordre de Malte et fait le point sur son actualité, en mêlant parole avertie des chevaliers de l’Ordre, récit d’historiens puis témoignages de soignants et de personnes prises en charges dans les institutions gérées par l’Ordre. Sur plusieurs territoires, de la Terre Sainte à Malte, en passant par Rome, nous découvrons les fondements de l’Ordre, son héritage et son utilité aujourd’hui.

    http://fr.altermedia.info/

  • Euthanasie : laisser venir la mort n’est pas la provoquer

    Pourquoi la loi Leonetti suffit

    À la peine sur le terrain socio-économique, le gouvernement s’est engagé pour faire diversion dans des réformes dites « sociétales ». Mais son coup d’essai, le mariage pour tous, n’est pas un coup de maître.

    Censé rassembler les Français, ce sujet aux multiples facettes est en train de leur faire revivre les divisions des grands jours. L’autre promesse de campagne de François Hollande, la légalisation de l’euthanasie, semble plus consensuelle : d’après les sondages d’opinion, 90% des personnes interrogées y seraient favorables. Le gouvernement tient-il ici la loi « moderne et apaisée », qui lui fera pardonner ses errements ?

    Il faut cependant savoir regarder plus loin que le bout de son nez. Examinons de près ces fameux sondages. La formulation des questions tout d’abord. À la question « Si vous étiez atteint d’une maladie incurable et en proie à d’extrêmes souffrances, souhaiteriez-vous qu’on vous aide à mourir ? », qui répondrait non ? Il est bien évident qu’une formulation aussi simpliste et tendancieuse appelle une réponse univoque. Considérons ensuite le panel des personnes interrogées. Ce ne sont pas des malades qui ont été consultés, ni leurs familles, mais des actifs, jeunes et bien portants. Reformulons la question, et posons-la aux principaux intéressés, des personnes âgées et malades : « Si vous étiez atteint d’une maladie incurable et que, pris en charge par une équipe compétente, vous étiez soulagé de vos souffrances, souhaiteriez-vous qu’on vous fasse mourir ? »… Nul doute que la réponse serait différente. [...]

    La suite sur Causeur

    http://www.actionfrancaise.net

  • Les secrets de la Réserve Fédérale, institut d’émission monétaire des Etats-Unis

    Contrairement à une croyance générale, l’institut d’émission des États-Unis est, en fait, une machine à fabriquer de l’argent détenue par un cartel bancaire privé, qui gagne d’autant plus que les taux sont élevés. Mine de rien, il imprime des dollars à bon marché et les revend plus cher.

    L’institut d’émission des États-Unis, appelé aussi « Réserve fédérale » ou « FED », revient constamment en point de mire lorsque le monde financier international se demande, anxieux, s’il va modifier son taux directeur ou non.

    L’abréviation FED se rapporte au « Board of Governors of the Federal Reserve System », c’est-à-dire à la conférence des gouverneurs du « Federal Reserve System » érigé il y a 93 ans.

    Il s’agit non pas d’une ­banque centrale traditionnelle, mais de la réunion de cinq banques privées régionales tout d’abord, de douze banques actuellement, disséminées aux États-Unis, habilitée chacune à porter le nom de Federal Reserve Bank, un petit nombre d’initiés seulement sachant à qui elles appartiennent.

    Un seul point est certain : elles n’appartiennent pas à l’État. Néanmoins, elles exercent les fonctions d’un institut d’émission de l’État.

    Elles prennent leurs décisions au sein du Federal Reserve Board, dont le président les représente à l’extérieur et dont les séances ont lieu à Washington dans leur propre et imposant monument historique. La plus importante de ces banques privées est la Federal Reserve Bank of New York, qui contrôle l’énorme place financière de cette ville.

    Privilèges d’une machine à fabriquer de l’argent

    Ce cartel de banques privées dispose de privilèges incroyables, dont trois doivent être soulignés :

    En imprimant des dollars, la FED convertit à moindres frais du papier sans valeur en dollars et prête ceux-ci aux États-Unis ainsi qu'à d’autres États et à d’autres ­banques contre reconnaissances de dettes.

    Au cours de son histoire, le cartel a donc créé des milliards de créances à partir du néant et encaissé des intérêts en permanence, ce qui lui assure un profit annuel atteignant des milliards.

    Ainsi, aucun gouvernement américain ne doit se faire des soucis à propos du déficit budgétaire, tant que ces messieurs en complet sont à ses côtés et – tel est le cas du financement des guerres durant la présidence de Bush – mettent en branle la planche à billets en cas de besoin.

    Le privilège des intérêts permet à la FED de fixer elle-même les taux et il est évident qu’elle a le plus grand intérêt à encaisser les plus hauts intérêts possibles. Les taux at­teignent donc un niveau souvent particulièrement élevé et occasionnent périodiquement des crises – ce qui est le cas actuellement [2007] et donne l’occasion à la FED d’intervenir ultérieurement comme sauveur.

    Les intérêts opèrent en permanence une ponction sur le pouvoir d’achat des citoyens américains en faveur des banquiers de la FED, par les intérêts des crédits comme par les impôts transformés en intérêts dus à la FED en raison de l’énorme service de la dette publique.

    Modifiant constamment les taux d’intérêt, la FED change les conditions cadres de la plus grande économie du globe et de la plus importante bourse des actions, celle de Wall Street, qui, principale bourse du monde, diffuse des signaux en direction des autres bourses.

    Pour être en mesure de résoudre les crises bancaires, la FED gère les réserves monétaires de ses banques membres (rémunérées à raison de 6% par année), qu’elle remet à disposition du système bancaire lors de l’éclatement d’une de ces crises.

    Actuellement [2007], la FED s’efforce de prévenir, en fournissant à maintes reprises des liquidités aux banques, une crise financière mondiale causée par le krach du système de financement immobilier américain. Comme de nombreuses banques améri­caines de crédit hypothécaire ont sagement lié leurs crédits à des papiers-valeurs et transmis ainsi leurs problèmes à des banques européennes, celles-ci ont commencé aussi à vaciller.

    Mais c’est la FED et son ancien président, Alan Greenspan, qui ont provoqué cette crise. En abaissant rapidement et dramatiquement les taux d’intérêt – après avoir porté le taux directeur jusqu’au niveau exorbitant de 6% –, et avoir approvisionné l’économie américaine excessivement en liquidités, Greenspan avait tenté, à partir du 3 janvier 2001, d’enrayer la plus forte chute boursière depuis 50 ans.

    Au 25 juin 2003, le taux directeur était tombé à son niveau minimal de 1%, ce qui avait permis aux banques d’octroyer des crédits aux taux extrêmement bas et ce qui avait fait tomber de nombreuses familles dans le « piège du crédit », les incitant à acheter des logements à crédit, à des conditions auxquelles elles ne pouvaient faire face qu’à des taux bas.

    Crise provoquée par la FED

    A la fin du cycle des taux d’intérêt, Greenspan avait provoqué une situation qui avait déclenché une avalanche.

    En effet, la FED a majoré douze fois de 0,25% son taux directeur, du 30 juin 2004 au 29 juin 2006, le portant alors à 5,25%. Il dépasse ainsi de 525% le taux fixé il y a quatre ans !

    Les taux fixés pour les crédits hypothécaires sont montés en conséquence et ont atteint un niveau que toujours davantage de familles ne peuvent pas supporter. Comme la propension à épargner est actuellement négative aux États-Unis, que la plus grande partie de la population doit recourir au crédit et que les carnets ­d’épargne ne jouent guère de rôle, la crise s’accentue.

    Vu que, depuis l’année précédente, toujours davantage de bailleurs de fonds hypothécaires sont – tout comme leurs clients – en retard dans leurs paiements à d’autres banques, le système bancaire est en crise, celle-ci ayant atteint un point culminant en août 2007, lorsque la FED et la Banque centrale ­européenne (BCE) n’ont pu stabiliser le système que par plusieurs injections de liquidités.

    La crise des liquidités bancaires s’est immédiatement répercutée sur la bourse, qui réagit généralement de manière sensible aux variations de taux de la FED. En effet, la hausse des taux rend les titres à intérêt fixe plus attrayants que les actions, freine l’économie, est donc un poison pour la bourse et abaisse les cours des actions. Ainsi a commencé septembre 2007.

    Les motifs des banques de la FED

    Pour comprendre la manière d’agir et les motifs de la FED, qui paraissent parfois curieux, il faut jeter un coup d’œil sur l’histoire de l’institut d’émission.

    La proposition d’établir une banque centrale est due au banquier allemand Paul Warburg.

    La crise financière et bancaire déclenchée en automne 1907 par la faillite de Knickerbocker Trust Co. et la situation menaçante de Trust Company of America a mis en péril 243 banques, car aucune institution n’était en mesure de mettre temporairement des fonds à leur disposition pour surmonter leurs difficultés de paiement.

    Dans un discours prononcé peu de mois auparavant à la Chambre de commerce de New York, le banquier John Pierpont Morgan avait prévu par hasard cette crise et appelé à fonder une ­banque centrale. La crise se prêtait à merveille au soutien de cette revendication. Par la suite, Morgan a joué un rôle essentiel, à l’arrière-plan, dans la réalisation du projet.

    Initialement copropriétaire de la banque Warburg de Hambourg, Paul Warburg avait épousé en 1893, lors d’un séjour aux États-Unis, la fille de Salomon Loeb, de la banque new-yorkaise Kuhn, Loeb & Co., qui a fait de lui et de son frère Felix des partenaires de la banque (fusionnée en 1977 avec ­Lehman Brothers).

    Pourvu généreusement par la Banque ­Kuhn Loeb d’un salaire annuel de 5 millions de dollars, Paul Warburg s’est occupé uniquement, pendant les six ans qui ont suivi la crise bancaire, d’une « réforme bancaire » tendant à ériger une banque centrale d’après le modèle de la Banque d’Angleterre, laquelle appartenait alors à des banquiers privés.

    Ce faisant, il a été soutenu par le sénateur Nelson D. Aldrich, beau-père du premier héritier milliardaire américain, John D. Rocke­feller junior, connu comme porte-parole du banquier J.P. Morgan au Congrès des Etats-Unis.

    Conspiration au yacht-club de Jekyll Island

    En novembre 1910 finalement, un groupe de personnes triées sur le volet s’est rassemblé, sous prétexte d’une excursion de chasse, dans un wagon de chemin de fer aux jalousies fermées du yacht-club que possédait le banquier J.P. Morgan à Jekyll Island, en Géorgie.

    Lors de cette réunion secrète, taxée ultérieurement de conjuration, Paul Warburg, représentant de Kuhn Loeb et d’autres banques ainsi que deux banquiers de J.P. Morgan, représentant aussi les intérêts du groupe Rothschild, et deux du groupe Rockefeller ont décidé d’aider le sénateur Aldrich à rédiger en neuf jours un projet de loi que le Républicain vaniteux entendait présenter en son nom au Congrès.

    Il s’agissait non pas d’une banque centrale, mais seule­ment d’une société privée nationale de réserve dont plusieurs comptoirs devaient être disséminés aux États-Unis et dans lesquels des banques affiliées volontairement de­vaient déposer des réserves monétaires de crise.

    En raison de ses relations bien connues avec le centre financier et boursier de Wall Street, Aldrich a échoué, la majorité méfiante des députés voyant à juste titre dans son projet un plan tendant à assurer à un cercle restreint de banquiers puissants et liés les uns aux autres une position dominante et, partant, la possibilité de réaliser des profits énormes dans l'économie américaine.

    Les requins de Wall Street ne se sont évidemment pas découragés et ont profité des élections présidentielles de 1912 pour faire élire le candidat démocrate ­Woodrow Wilson, qu’ils ont soutenu massivement sur le plan financier.

    Pendant la lutte électorale, il s’est fait passer pour un adversaire du « Wall Street Money Trust » et a promis au peuple un système monétaire exempt de main-mise des banquiers internationaux de Wall Street. En fait, la conception de la banque centrale a été élaborée par le groupe­ment qui semblait avoir perdu la partie.

    En tout cas, les Schiff, Warburg, Kahn, Rockefeller et Morgan avaient misé sur le bon cheval.

    Sous le titre de « Federal Reserve Act » qui dissimule sa portée et qui prétendument réduit à néant le projet de banque centrale formulé par Wall Street, ils ont déversé le 23 décembre 1913 sur des députés démocrates des mieux disposés et avec le soutien du président Wilson, un projet de loi très peu modifié et ont requis l'approbation du Congrès alors que de nombreux députés non informés prenaient déjà leurs vacances de Noël et que très peu avaient lu le texte du projet.

     

    Le plus grand cartel du monde

     

    Les rares députés qui ont perçu la nature de ce jeu pervers n’ont guère pu se faire entendre. Avec sagesse, le conservateur ­Henry Cabot Lodge senior a prévu « une inflation énorme de moyens de paiement » et que « la monnaie d’or serait noyée dans un flux de papier-monnaie non échangeable ».

    Après le vote, Charles A. Lindbergh senior, le père du célèbre aviateur, a déclaré au Congrès: « Cette loi établit le cartel le plus important au monde […] et légalise ainsi le gouvernement invi­sible de la puissance financière […]. Il s’agit du projet de loi Aldrich déguisé […]. La nouvelle loi provoquera de l’inflation tant que le cartel le souhaitera […].»

    Lindbergh avait raison, comme le prouve le « privilège du dollar ». Avant l’établissement du Système fédéral de réserve, des banques privées avaient déjà imprimé des billets. Dans les années soixante du XIXe siècle, il y avait encore 8.000 sortes de billets, émises par des « State Banks » privées avec l’autorisation de l’État. A partir de 1880, 2.000 banques pourraient avoir encore émis leurs propres billets. Depuis 1914, le chiffre s'est limité à la douzaine de banques privilégiées.

    Quand le président Abraham Lincoln a eu besoin d’argent, en 1861, pour financer la guerre civile et que les crédits des ­banques Rothschild, financiers traditionnels des guerres, lui sont devenus trop chers, il a éludé le privilège des banques privées et fait imprimer un billet d’État, le « Greenback ». Il ne devait pas survivre longtemps à cette démarche téméraire. En 1865, il a été assassiné par un tireur isolé, abattu lui-même lors de sa fuite.

    Le successeur de Lincoln, Andrew Johnson, a suspendu l'impression de billets pour des raisons inexplicables.

    Le prochain président qui a voulu redonner à l'État le monopole de l’impression de billets a été John F. Kennedy.

    Tentative de Kennedy de priver la FED de son pouvoir

    Peu de mois avant son assassinat, John F. ­Kennedy a été semoncé par son père Joseph dans le salon ovale de la Maison Blanche. « Si tu le fais, ils te tueront ! »

    Mais le président ne s’est pas laissé dissuader. Le 4 juin 1963, il a signé l’acte exécutif numéro 111 110, abrogeant ainsi l’acte exécutif 10289, remettant la production de billets de banque dans les mains de l’État et privant en grande partie de son pouvoir le cartel des banques privées.

    Après que quelque 4 milliards de dollars en petites coupures nommées « United States Notes » eurent déjà été mises en circulation et alors que l'imprimerie de l'Etat s'apprêtait à livrer des coupures plus importantes, Kennedy a été assassiné le 22 novembre 1963, soit 100 ans après Lincoln, par un tireur isolé abattu lui-même lors de sa fuite.

    Son successeur s’appelait Lyndon B. Johnson. Lui aussi a suspendu l’impression de billets pour des raisons inexplicables. Les douze banques fédérales de réserve ont retiré immédiatement les billets Kennedy de la circulation et les ont échangés contre leurs propres reconnaissances de dette.

    Grâce à son monopole de production illimitée d’argent, le cartel bancaire du Système fédéral de réserve dispose d’une énorme machine à fabriquer de l'argent, qui lui permet de gagner énormément.

    Qui se cache derrière ce système est un secret bien gardé. Car il faut distinguer entre les banques propriétaires et les simples banques membres, qui déposent des réserves monétaires pour, le cas échéant, être sauvées par la suite.

    Il y a quelques années, la Federal Reserve Bank of New York a publié les noms de ces banques membres, qui n’ont par ailleurs aucun droit. La rémunération annuelle de leurs dépôts se chiffre à 6%. Mais le niveau de leurs parts est tenu secret comme les noms des propriétaires des banques fédérales de réserve, initialement trois, aujourd'hui quatorze.

    Critique après le krach de 1929

    Paul Warburg a refusé la présidence du Federal Reserve Board en 1910, alors que ce juif allemand à l'accent prononcé, juste avant le début de la guerre contre l'Allemagne, venait d’acquérir la nationalité des États-Unis. Toute­fois, il devint membre du Conseil d'administration et du puissant Council on Foreign Relations (CFR), qui passe encore aujourd'hui pour le berceau des politiciens américains et des banquiers de la FED.

    Les efforts qu’il a déployés pendant de longues années pour fonder l'institut d’émission américain lui ont valu non seulement de l'argent et des honneurs dans la haute finance, mais aussi la pire expérience de sa vie. En 1928, il a exigé sans succès une limitation de la circulation monétaire afin de freiner la spéculation boursière qui rappelait la ruée vers l'or. Mais ceux qui étaient disposés à l'entendre sont restés rares ; on le nommait la Cassandre de Wall Street.

    Après le krach d’octobre 1929, il devint la cible de ceux qui avaient perdu leur patrimoine. Des rumeurs, des brochures et des articles de presse l'ont décrit, lui qui avait tenté d’entraver les catastrophes financières, comme « l'auteur non américain » de la panique boursière d’alors. On a pu lire que « Paul Warburg avait prêté avec sa bande de l'argent au Système fédéral de réserve afin de mettre en mains juives les finances américaines et d’exploiter l'Amérique jusqu’à son épuisement. » De telles légendes se sont poursuivies jusqu'à la Seconde Guerre mondiale.

    Aigri par ces attaques, il est décédé en 1932. En 1936-1937, les cours des actions ont baissé de 50%, en 1948 de 16%, en 1953 de 13%, en 1956 de 13%, en 1957 de 19%, en 1960 de 17%, en 1966 de 25% et en 1970 de 25%. Ont suivi le krach ­d’octobre 1987, les chutes de cours de 1990, 1992 et de 1998 ainsi que, finalement, la forte baisse d’avril 2000 à mars 2003 et la crise actuelle qui a commencé en août/septembre 2007 et dont les effets sont incertains.

    Aujourd'hui, on répand le bruit – mais ne le confirme pas – que le groupe bancaire Rocke­feller détient 22% des actions de la Federal Reserve Bank of New York et 53% de tout le Système fédéral de réserve. Principal acquéreur de bons du Trésor des Etats-Unis, la Banque du Japon possèderait 8% de ces actions. On attribue 66% aux banques purement américaines et 26% aux vieilles ­banques européennes (dont 10% aux banques Rothschild).

    http://fortune.fdesouche.com

    Source : « International » III/2007 [revue trimestrielle autrichienne de politique internationale]

    (Traduction Horizons et débats, N°1/2, 14 janvier 2008)

  • 21 avril 753 avant J.-C. : LA FONDATION DE ROME

     

     
    Rome. Peu de lieux ont marqué aussi profondément l'Histoire. Une empreinte qui continue et qui a commencé il y a 2 761 ans, si l'on en croit la chronologie de Varron (avocat lié à Cicéron, savant et prolifique écrivain, ayant vécu de 116 à 27 avant l'ère chrétienne). La tradition concernant la fondation de Rome repose sur des auteurs latins (Tite-Live, Virgile, Cicéron, Properce) et grecs (Denys d'Halicarnasse et Plutarque).
    Que dit cette tradition ? Enée (d'où l'Enéide de Virgile), un prince ayant été un des chefs de son camp pendant la guerre de Troie, réussit à fuir sa ville, prise par les Grecs, en emportant sur ses épaules son père Anchise (la mère d'Enée étant tout simplement - si l'on peut dire - la déesse Aphrodite, que les Romains appelèrent Vénus ... ) Après moult pérégrinations, Enée arrive sur les côtes italiennes, débarque au Latium où il prend contact amicalement avec le roi Latinus, dont il épouse la fille Lavinia. Enée fonde Lavinium et, après lui, son fils Ascagne, appelé aussi Iule (ce qui devait permettre, plus tard, à l'illustre famille des Iulii d'en faire son ancêtre ... ), fonde Albe-la-Longue. Ce sont leurs descendants, Romulus et Rémus, fils jumeaux de la vestale Rhéa et du dieu Mars, qui, livrés au Tibre mais recueillis par la louve du Lupercal, fondent Rome. Rémus, ayant commis une profanation en franchissant le sillon sacré déterminant les limites de la nouvelle ville, est tué par son frère, qui devient le premier roi de Rome, où il accueille les Sabins.
    On est, bien sûr, en droit de s'interroger sur la crédibilité de récits si émouvants, en lesquels certains n'ont voulu voir que d'édifiantes forgeries, façonnées a posteriori pour constituer une Histoire officielle. Mais l'archéologie leur apporte, au moins partiellement, un démenti. En effet, des fonds de cabane, découverts sur le Palatin en 1907 mais dégagés en 1949, sont situés près de l'endroit où les Romains conservaient pieusement le souvenir d'une casa Romuli (« la maison de Romulus »). Les morceaux de céramique recueillis sur le site ont été datés du milieu du VIIIe siècle, ce qui correspond à l'époque de la fondation de Rome transmise par la tradition.
    D'autres fonds de cabane de même époque ont été trouvés en un autre endroit du Palatin, ainsi que sur l'emplacement du futur Forum, où 41 tombes ont été identifiées, les unes liées à des rites de crémation, les autres d'inhumation. Puis, en 1988, les vestiges de plusieurs murs ont été mis au jour, semblant correspondre à une enceinte défensive.
    - Le Palatin paraît bien avoir été le berceau de Rome, dominant le Tibre sur les bords duquel devait s'installer plus tard le Forum boarium (le marché aux bestiaux). L'emplacement de la future capitale impériale avait été judicieusement choisi, si l'on en croit Tite-Live : « Ce n'est pas sans raisons que les dieux et les hommes ont choisi ce lieu pour bâtir notre ville : ces collines à l'air pur ; ce fleuve qui nous apporte les produits de l'intérieur et par où remontent les convois maritimes ; une mer à portée de nos besoins, mais à distance suffisante pour nous garder des flottes étrangères ; notre situation au centre même de l'Italie : tous ces avantages forment le plus privilégié des sites pour une cité promise à la gloire. »
    Ces éléments, que nous qualifierions aujourd'hui de géostratégiques, ont été, logiquement, pris en compte par un Romulus qui ne fut peut-être, selon le grand historien Marcel Leglay, que le chef d'une bande d'éleveurs quelque peu pillards, ces bergers célébrant un culte du loup qu'on retrouve dans le rite très ancien des lupercales. A juste titre, Leglay faisait remarquer dans son Histoire romaine (PUF, 1991, en collaboration avec Jean-Louis Voisin et Yann Le Bohec) que la date traditionnelle de fondation de Rome, le 21 avril, était aussi celle des Palilia, fête de la déesse Pales, protectrice des troupeaux et dont le nom a la même racine que celui du Palatin.
    Fondée par des pasteurs indo-européens (Dumézil a mis en évidence le rôle symbolique des premiers rois de Rome, incarnant chacun l'une des trois fonctions de souveraineté, action guerrière et force de production), Rome allait étendre, au fil des siècles, son pouvoir à toute l'Italie, puis à une grande partie de l'Europe et à tout le bassin méditerranéen. Les aigles de ses légions planent encore sur notre longue mémoire.
    Pierre Vial Rivarol du 25 avril 2008