Fin connaisseur de la franc-maçonnerie, du judaïsme et de la doctrine sociale de l'Eglise, Arnaud de Lassus dirige depuis plusieurs décennies l'Action familiale et scolaire qui, dans ces différents domaines, propose à ses lecteurs une information étayée, des analyses solides, des références précises et une doctrine claire.
La quatrième édition, revue et augmentée, de la Connaissance élémentaire de la franc-maçonnerie devrait figurer dans toutes les bibliothèques tant elle donne, en moins de deux cents pages, une vision complète et actualisée de ce phénomène. Arnaud de Lassus, qui souligne, exemples, citations et références à l'appui, la place primordiale des frères dans les diverses institutions, rappelle fort opportunément l'origine de la franc-maçonnerie, en dresse un historique très éclairant, détaille par le menu les deux courants, rationaliste et occultiste, qui la composent. L'auteur s'attache également à montrer les objectifs de cette société secrète, son fonctionnement interne, ses modes d'action. Il ne cèle pas les liens nombreux et convergents entre la maçonnerie et le judaïsme dont l'organisation des B'nai B'rith est une parfaite illustration puisque ses membres sont obligatoirement israélites et maçons.
Arnaud de Lassus évoque également la lutte séculaire des loges contre l'Eglise catholique et constate que, si les papes ont toujours condamné de manière claire et ferme la maçonnerie au point d'excommunier tout baptisé qui s'affilierait à une loge, quelle qu'elle soit, depuis Vatican II en 1962-1965 et la promulgation en 1983 du nouveau code de droit canon, la discipline a considérablement changé sur ce point : l'excommunication a été levée par la nouvelle église œcuménique et mondialiste et la secte maçonnique n'est même plus nommée. Au reste, le cardinal Decourtray a été couronné en 1991 par le B'nai B'rith, organisation que Jean Paul II a souvent reçue au Vatican tandis que Benoît XVI décore de grands rabbins quand il ne se fait pas bénir par eux comme lors de son voyage au Brésil le 10 mai 2007.
Enfin l'auteur, après avoir développé les quelques points faibles de la maçonnerie (querelles de clans, rivalités et purges, absence de relations avec les supérieurs inconnus, ridicule des titres, grades, costumes et cérémonies, lenteur d'action du processus d'infiltration et surtout implication croissante dans des scandales financiers), donne des clés pour lutter efficacement contre ce phénomène subversif et mortifère : prier, mieux connaître la question et son importance, contre-attaquer intelligemment en refusant le libéralisme moral, philosophique et politique tant sur un plan personnel que familial et social et enfin avoir la passion du combat pour la vérité, le bien et la justice.
J. B. Rivarol du 14 mars 2008
189 pages, avec sept annexes, une copieuse bibliographie et un index très bien fait, 15 euros (AFS, 31 rue Rennequin, 75017 Paris. Tél.: 01-46-2233-32. Fax: 01-46-22-65-61).
- Page 76
-
-
Il n’existe pas de formule scientifique pour déterminer ce qu’est un « discours haineux »
Chroniqueur du Guardian, Jason Farago a salué l’intervention de la ministre des Droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem, demandant au réseau social Twitter d’aider le gouvernement français à criminaliser les idées qui lui déplaisent.
Décrétant « les tweets haineux […] illégaux », Farago ajoute avec enthousiasme que la ministre française n’a pas l’intention de se contenter de poursuites judiciaires et compte à présent « obliger Twitter à prendre des mesures pour pénaliser les messages de haine » en modifiant « tout le système opératoire » du réseau et en demandant « la mise en place d’alertes et de mesures de sécurité » pour empêcher la publication de tweets jugés haineux par les autorités.
Voilà qui est formidable, s’exclame mon confrère qui – reprenant l’argument de tous les tyrans et de toutes les censures – estime que les nouvelles technologies rendent la liberté de parole bien trop dangereuse :
« Si seulement nous vivions encore au 18e siècle ! Hélas, nous ne pouvons plus croire aujourd’hui que la liberté de parole est le privilège de parfaits citoyens réunis dans un merveilleux salon des Lumières où tous les points de vue sont écoutés et où le plus noble s’impose naturellement. (…)
A aucun moment de son plaidoyer pour la censure Jason Farago ne considère la possibilité que l’Etat puisse interdire des idées que lui-même approuve et pas seulement celles qu’il désapprouve.
Les partisans de la censure sont tellement convaincus de leur bien-fondé et de l’incontestable justesse de leurs opinions qu’il ne leur vient même pas à l’esprit que certaines de leurs propres opinions puissent un jour figurer sur la liste noire.
L’incroyable aveuglement de ces gens m’a toujours consterné. Comment peut-on être à ce point convaincu de sa propre infaillibilité et s’arroger le droit non seulement de décréter quelles idées sont mauvaises mais en plus d’utiliser l’autorité de l’Etat pour empêcher leur expression et punir ceux qui les professent?
L’histoire montre inlassablement que les vérités objectives et incontestables d’une génération paraissent un jour complètement absurdes, ou pires, à la génération suivante. Tous les plus grands dogmes – dont le caractère si juste et irréfutable justifiait que l’on punisse par la loi toute forme de contestation – ont fini par être démystifiés ou au moins discrédités. Il n’existe pas de formule scientifique pour déterminer ce qu’est un « discours haineux ». C’est une qualité intrinsèque et subjective.
Chaque rubrique de commentaire sur Internet le montre, y compris celle qui suit l’article de Farago et où de nombreux lecteurs conservateurs ou « New Labour » se sont empressés de noter que le véritable « discours de haine » se trouvait dans les colonnes du Guardian lorsque celui-ci critiquait Israël, les Etats-Unis ou d’autres institutions occidentales chères à leurs cœurs.
A leur sens, il faudrait commencer par censurer les chroniques gauchistes du Guardian s’il fallait interdire les propos haineux.
Nul pouvoir n’est plus dangereux et plus destructeur que celui qu’exerce un Etat pour supprimer et criminaliser les opinions qui lui déplaisent.
-
Condamnation d’Ante Gotovina, l’Union européenne impose sa loi à la Croatie (2011)
Le 16 avril dernier, près de 50.000 Croates se sont rassemblés sur la place Ban Jelacic, la plus grande de Zagreb, pour protester contre le verdict du Tribunal pénal international pour la Yougoslavie qui avait condamné, la veille, le « héros national » Ante Gotovina à 24 ans de prison pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Les manifestants, des anciens combattants, parfois en uniforme, des jeunes, parfois des familles entières, ont conspué le TPIY et l’Union européenne qui imposent leur loi à la Croatie et leur gouvernement qui trahit les intérêts nationaux.
De quoi était donc accusé Ante Gotovina ? Tout simplement d’avoir, en 1995, alors qu’il était général de division et commandant du district militaire de Split, organisé l’opération Tempête dont le but était de reprendre le contrôle de la région croate de Krajina au main de séparatistes Serbes depuis 1991. Cette « reconquête » militaire entraîna l’exil d’une partie de la population serbe, ainsi que de multiples destruction, quelques pillages et la mort de trente-deux civils… C’est pour ces « crimes », que dans d’autres circonstances on désigne sous l’appellation plus neutre de « dommages collatéraux », que Gotovina, qui n’était nullement sur le terrain mais qui supervisait les opérations depuis son état-major, fut poursuivi et vient d’être condamné.
Ceci serait tristement banal si l’affaire Ante Gotovina ne présentait pas une particularité singulière : ce Croate était aussi … Français, et qui plus est un discret serviteur de la France !
Pour comprendre ceci, un flash-back s’impose.
Nous sommes en 1973, Ante Gotovina a 18 ans et il choisit ce qu’il croit alors être la liberté : il quitte clandestinement la Yougoslavie communiste et « passe à l’Ouest ». Après quelques péripéties, il se retrouve en France où il décide de s’engager dans la Légion étrangère. Il est affecté au 2e REP et rejoint le groupe de commandos de recherche et d’action en profondeur. Après cinq ans de service, durant lesquels il participe à l’opération Kolwezi, son contrat avec la légion arrive à son terme. Il quitte donc l’uniforme, en 1979, et reçoit, en récompense de ses bons et loyaux services, la nationalité française.
Si, à partir de cette date, Gotovina n’appartient plus à l’armée française, il n’en continue pas moins de servir la France. Au REP, il s’est lié aux frères Erulin et donc à la DGSE pour laquelle il va travailler à l’international, assurant discrètement des missions de formation militaire en Amérique latine.
En 1990, c’est sans doute la DGSE qui lui demande de rentrer en Yougoslavie. Il y est « l’homme des Français » dans le camp croate. L’opération Tempête et la manière dont elle est menée, ne nuit d’ailleurs nullement à sa carrière et il est dans la foulée nommé général de corps d’armée, avant d’être de mars 1996 à septembre 2000 inspecteur général de l’armée croate.
Mais, en septembre 2000, le nouveau président de Croatie, Stjepan Mesic, pour favoriser l’entrée de la Croatie dans l’Union européenne, demande la collaboration de l’armée avec le TPIY. Devant le refus d’Ante Gotovina, le président le raye des cadres et le met d’office à la retraite. Or Gotovina est alors très influent et très hostile à l’entrée de la Croatie dans l’Union européenne. Chacun comprend qu’il peut jouer un rôle politique de premier plan et être le grain de sable dans la mécanique bien huilée de l’intégration de la Croatie. Il faut donc l’abattre. Tout d’abord, il est accusé de conspirer pour organiser un coup d’État, puis, en juin 2001, il est inculpé par le TPIY, accusé « de persécutions pour des motifs d’ordre politique, racial et religieux, de meurtre, de déplacement forcé de population, et de destructions sans motif de villes et villages »
Sentant que l’affaire tourne au vinaigre, l’ambassade de France à Zagreb s’empresse de fournir un passeport français au militaire, tandis que d’autres services se chargent de l’exfiltrer. De son côté, Interpol émet un mandat d’arrêt international en août et les États-Unis offrent une récompense de 5 millions de dollars pour sa capture. Une capture qui ne se produira que quatre ans plus tard, en Espagne, en décembre 2005. Entre temps, les frères d’armes de l’ombre de Gotovina auront organisé sa cavale.
L’émotion que soulève l’arrestation est grande en Croatie. 70.000 personnes manifestent à Split et un sondage d’opinion montre qu’Ante Gotovina a le soutien de 60 % de la population. Le cardinal-archevêque de Zagreb quant à lui accuse le TPIY d’être « politisé et à la solde des grandes puissances » et se dit convaincu de « l’innocence d’Ante Gotovina » alors que le Commissaire européen à l’élargissement, Olli Rehn, se félicite pour sa part de la capture et déclare qu’« un obstacle majeur a été levé à l’adhésion de la Croatie ».
Personne n’ayant intérêt à ce qu’elle fasse trop de remous trop tôt, l’instruction du procès Gotovina va durer cinq années pleines. Durant celle-ci, la France veilla soigneusement à faire oublier qu’elle avait tenté de mener une politique indépendante dans l’ex-Yougoslavie. En Croatie, par contre, Ante Gotovina n’a pas été oublié et il est devenu une figure de référence pour les mouvement nationalistes et anti-européens et la manifestation du 16 avril dernier montre bien son importance symbolique car elle équivaudrait en France, vu le rapport de population, à 650.000 personnes descendant dans les rues.
S’il est le plus célèbre des militaires ou civils, serbes ou croates, condamnés par le TPIY en raison des événement de Krajina, Ante Gotovina n’est pas le seul. Jugé en même temps que lui le général Mladen Markac a été lui-aussi lourdement condamné et cent soixante dix autres prévenus sont encore en attente de jugement pour la même affaire… Quand au fondateur de la République serbe de Krajina, Milan Babic, il s’est suicidé dans la cellule de La Haye où il attendait son procès. Quelque soit les actes que les uns et les autres, qu’ils soient Serbes ou Croates, aient commis ou ordonnés, on ne peut s’empêcher de penser que les humaniste de notre « justice internationale » leur font surtout payer le fait d’avoir été des hommes de conviction, animés par des valeurs qu’il faut faire disparaître - nationalisme, sens du devoir, virilité, engagement total, etc. – car elles sont incompatibles avec le monde que nous concocte l’Occident libéral.
C’est d’ailleurs ce qu’à très bien compris Ante Gotovina qui a été à l’initiative, après le décès de Slobodan Milosevic, d’une lettre de condoléances commune des prisonniers serbes et croates du TPIY de La Haye, une manière d’affirmer clairement que s’ils avaient été adversaires, ils n’avaient jamais été des ennemis.
Loic Baudoin http://www.voxnr.com/ -
Les Grandes Batailles - La bataille de Tannenberg
-
Concurrence géopolitique dans le Pacifique
Les États-Unis veulent contrer la montée en puissance de la Chine : ils projettent d’encercler l’Empire du Milieu !
Dans les rapports bilatéraux entre les États-Unis et la Chine, la méfiance réciproque est désormais de mise. Lors de sa visite en Australie, le Président américain Obama a en effet déclaré : “ J’ai pris une décision d’ordre stratégique : en tant qu’État riverain du Pacifique, les États-Unis joueront dans l’avenir un plus grand rôle dans la mise en valeur de cette région ; c’est là une politique à mener sur le long terme ”. De plus, les États-Unis entendent bâtir une base militaire à proximité de la ville de Darwin dans le Nord de l’Australie, où seront plus tard casernés 2500 soldats d’élite. Obama veut en plus créer une zone de libre-échange dans le Pacifique qui comprendrait l’Australie, le Japon, Singapour et le Vietnam, tandis qu’il n’y aurait aucune place pour la Chine dans ce projet.
Quand ils prennent acte de ces projets stratégiques, les Chinois craignent d’être encerclés par les États-Unis. Soupçon parfaitement justifié! Déjà en 2006, les États-Unis et l’Inde avaient signé un accord d’ampleur assez vaste par lequel la Nouvelle Delhi se voyait reconnaître au niveau international comme puissance nucléaire. Outre cet accord américano-indien, les États-Unis entretiennent des bases militaires au Japon et en Corée du Sud. Si dorénavant l’Axe liant les puissances d’Asie aux États-Unis se voit prolongé jusqu’en Australie, alors l’influence de la Chine restera limité à ses seules eaux côtières.
Les projets de Washington doivent se percevoir comme une tentative d’endiguer la Chine, tant que cela est encore possible. Car le développement économique de l’Empire du Milieu s’effectue à une vitesse de croissance inégalée, ce qui agace et inquiète les États-Unis, encore plus préoccupés par l’éveil d’une politique étrangère chinoise bien consciente des enjeux planétaires. Au Conseil de Sécurité de l’ONU, les Chinois ne cessent de torpiller les projets américains, comme, par exemple, quand il s’agit d’infliger à l’Iran des sanctions encore plus draconiennes. Dans la lutte pour la domination économique des États riches en matières premières, notamment en Afrique et en Asie centrale, Beijing et Washington sont devenus de véritables rivaux. À tout cela s’ajoute que le modèle chinois, couplant une économie libéralisée et un appareil d’Etat autoritaire, exerce une attraction de plus en plus évidente sur les pays en voie de développement et sur les pays émergents qui préfèrent opter pour un avenir politique différent de celui suggéré par la “démocratie libérale” de type américain. De ce fait, la Chine n’est plus seulement un concurrent économique des États-Unis mais elle les défie en agissant justement sur leur point le plus sensible : celui de vouloir incarner et propager de manière monopolistique la seule démocratie de facture occidentale, au détriment de toutes les autres formes possibles de gouvernance. Ce n’est donc pas un hasard si, un jour, Obama a déclaré, en s’adressant à la Chine d’un ton assez menaçant : “ Nous continuerons à expliquer, y compris à Beijing, quelle est la signification pour nous du maintien des normes internationales et du respect des droits de l’homme pour le peuple chinois ”.
Il y a plus : la modernisation des forces armées chinoises, et surtout de la marine de guerre de l’Empire du Milieu, montre que Beijing n’entend pas se contenter, dans l’espace pacifique, d’un rôle de “junior partner”, soumis à la volonté américaine. Le renforcement militaire chinois a pour effet que les frais d’entretien de l’empire américain doivent désormais être révisés à la hausse dans la région, notamment pour garantir la sécurité d’alliés comme le Japon ou la Corée du Sud et surtout Taiwan. Plusieurs incidents confirment ce nouvel état de choses: la marine chinoise s’attaque de plus en plus souvent à des navires de prospection vietnamiens ou philippins qui oeuvrent en Mer de Chine du Sud, espace marin dont les riverains se querellent à propos du tracé des frontières maritimes et, partant, sur la superficie de leur zone d’influence économique. Lors de ces escarmouches, ce ne sont pas tant les Vietnamiens ou les Philippins qui sont les destinataires des menaces chinoises mais avant tout les États-Unis.
Les Chinois, dans ce contexte, s’inquiètent surtout de l’amélioration constante des rapports américano-vietnamiens, en dépit du souvenir cuisant de la guerre du Vietnam. Le Vietnam communiste a certes libéralisé son économie en s’inspirant du modèle chinois et s’est ouvert aux investisseurs étrangers mais les relations avec le grand voisin du Nord n’en demeurent pas moins empreintes de méfiance pour des raisons historiques. Pendant des siècles, les Vietnamiens ont dû payer tribut aux empereurs de Chine et, pendant la seconde moitié du 20ème siècle, la Chine n’a jamais omis de toujours briser, avant qu’ils ne se concrétisent, les rêves vietnamiens de devenir une puissance régionale, en dépit de la “fraternité communiste” censée unir Hanoi à Beijing. Quant au Vietnam, le pays le plus densément peuplé de l’Indochine, il a toujours revêtu une signification particulière pour les Chinois : en effet, la puissance étrangère qui contrôlera ce pays limitera ipso facto et de manière considérable l’influence de Beijing dans la région et fera courir à la Chine le risque d’être encerclée.
Où l’affaire risque bien de devenir explosive, c’est quand les relations américano-vietnamiennes se trouvent renforcées par les activités du consortium pétrolier américain Exxon dans les eaux de la Mer de Chine du Sud. Fin octobre, l’Energy Delta Institute annonçait qu’Exxon avait découvert devant les côtes du Vietnam “des gisements de gaz d’une ampleur assez considérable” dans une région qui est également revendiquée par la Chine. La situation, déjà âprement concurrentielle, pourrait dès lors prendre une tournure plutôt dangereuse. Car, au même moment, le ministère de la défense américain travaillerait, selon le “Financial Times”, “ à développer rapidement une nouvelle stratégie prévoyant une bataille aérienne et navale, afin d’acquérir à terme les moyens de contrer les plans chinois visant à empêcher les forces armées américaines de pénétrer dans les mers voisines de la Chine ”.
Berhard TOMASCHITZ.
(article paru dans “zur Zeit”, Vienne, n°48/2011; http://www.zurzeit.at ).
R.SteuckersLien permanent Catégories : actualité, économie et finance, géopolitique, international, lobby 0 commentaire -
Russie : restauration poutinienne et nouvelles perspectives géopolitiques
Si l’on évoque la restauration poutinienne en Russie, après le terrible ressac vécu par l’ancienne superpuissance communiste sous le règne, somme toute assez bref d’Eltsine (1), il convient de le faire correctement : non pas dans le simple but d’énoncer des faits qui concernent un monde différent du nôtre, mais bel et bien dans la perspective de construire une alternative géopolitique solide face aux projets d’assujettissement de l’Europe et du reste du monde, projets que cultive la seule hyperpuissance encore en lice, à savoir les États-Unis.
Cette perspective géopolitique ne saurait être une construction de l’esprit, toute nouvelle, sans racine. Les relations euro-russes ont au contraire des racines anciennes et l’Axe Paris/Berlin/Moscou que préconisait naguère Henri de Grossouvre est, outre une impérieuse nécessité, le prolongement et la réactualisation d’un projet vieux de près d’un quart de millénaire. La perspective eurasienne, dans notre famille politique malheureusement fort réduite en nombre et en taille, se réfère assez souvent au rêve du national-bolcheviste allemand Ernst Niekisch, qui avait imaginé, dans les années 20 et 30 du XXe siècle, une alliance germano-slave, fondée sur le paysannat et le prolétariat, prête à bousculer un Occident vermoulu, idéologiquement arrêté aux schématismes des Lumières du XVIIIe. Plus fondamentalement, nous percevons, aujourd’hui, après l’inévitable détour par Niekisch, des préludes cohérents à l’Axe de Henri de Grossouvre dans l’Alliance des Trois Empereurs sous Bismarck et sous les tsars germanophiles du XIXe et dans l’alliance de facto qui, dans le dernier quart du XVIIIe, unissait la France de Louis XVI, l’Autriche et la Russie de Catherine II, permettant de battre la thalassocratie anglaise à Yorktown en 1783 et à chasser les Ottomans de la Mer Noire et à les contenir dans les Balkans (2). La Révolution française ruinera cette unité et ces acquis, qui auraient pu faire le salut de l’Europe, en lui permettant de garder sa cohérence et de parachever l’assaut contre les Ottomans.1759 : année clefMais déjà avant cette alliance générale, à la veille de 1789, la France, l’Autriche et la Russie avaient uni leurs forces pendant la Guerre de Sept Ans. Un historien anglais actuel vient de démontrer que ce conflit intérieur européen avait permis à l’Angleterre, puissance insulaire située en marge et en face du continent, de jeter les bases réelles de son futur empire extra-européen, à partir de l’année-clef que fut 1759 (3). L’art des historiens anglo-saxons de remettre l’histoire intelligemment en perspective ramène ainsi à notre mémoire vive 2 faits géostratégiques devenus permanents : 1) utiliser une puissance européenne pour déséquilibrer le continent et rompre son unité ; l’instrument de cette stratégie fut à l’époque la Prusse ; 2) profiter des guerres européennes pour porter la guerre hors d’Europe, sur des fronts plus dégarnis et y engranger de solides dividendes territoriaux et stratégiques sans grandes pertes et sans gros frais, comme ce fut le cas au Canada et en Inde, d’où fut évincée la France.Lorsque nous analysons aujourd’hui le réveil russe de Poutine, c’est donc dans la perspective de retrouver les alliances stratégiques stabilisatrices d’avant 1789, où les idéologies modernes, bellogènes à l’extrême en dépit de leur pacifisme autoproclamé, ne jouaient encore aucun rôle déstabilisateur. Entrons maintenant dans le vif du sujet.De Gorbatchev à Eltsine, la Russie semblait galoper tout droit vers le chaos, vers une nouvelle “Smuta”, un nouveau “Temps des Troubles” : perte du glacis est-européen, perte de la périphérie balte et caucasienne, perte des acquis territoriaux en Asie centrale, etc., effondrement de la monnaie et ressac social et démographique sur toute la ligne. Eltsine, figure d’abord positivement médiatisée pour avoir annoncé la fin du communisme, juchée sur un char d’assaut ; en dépit de cette image, il inaugurera toutefois un régime sans aucune colonne vertébrale : les oligarques en profitent pour acquérir personnellement, par toutes sortes de stratagèmes douteux, les richesses du pays. Dans l’industrie pétrolière, ils font augmenter la production de brut grâce à des prêts du FMI, de la Banque mondiale et de la Banque de New York et cèdent à des consortiums pétroliers américains et britanniques des parts importantes dans l’exploitation des hydrocarbures russes. Poutine, dès son accession au pouvoir en janvier 2000, met vite un holà à ces déviances. Immédiatement, puissances anglo-saxonnes, pétroliers, oligarques et idiots de service dans le monde médiatique se mobilisent contre lui et lui déclarent la guerre, une guerre qui sévit toujours aujourd’hui. Terrorisme tchétchène d’Ahmed Zakaïev (avec ses appuis turcs), révolution des roses en Géorgie et révolution orange en Ukraine sont les fruits âcres d’un vaste et sinistre complot destiné à affaiblir la Russie et à défenestrer Poutine. Seul l’ex-oligarque Roman Abramovitch fera amende honorable (4), rendra les biens acquis sous Eltsine à l’État russe, deviendra gouverneur du Kamtchatka pour redonner vie à cette région déshéritée mais hautement stratégique. Il servira également d’intermédiaire entre Poutine et Olmert dans les litiges russo-israéliens.Russie : puissance orthodoxeAprès l’effondrement du communisme et le retour des valeurs religieuses, surtout dans l’aire musulmane, en Afghanistan d’abord, dans l’Asie centrale ex-soviétique ensuite mais dans une moindre mesure, la Russie se trouve déforcée par les décennies de propagande anti-religieuse du système soviétique, qui a mis à mal la vigueur de l’orthodoxie dans les populations slaves et a généralisé une asthénie spirituelle déliquescente, mais n’a pas autant entamé l’islam centre asiatique, qui fut de surcroît revigoré par l’argent saoudien et l’appui américain aux moudjahiddins afghans. Qui plus est, dans les premières années du post-communisme, la vague du matérialisme occidentaliste secoue de fond en comble une Russie déboussolée mais, comme le remède croît toujours en même temps que le péril, le retour à l’orthodoxie d’une partie de la population (60% selon les sondages) redonne partiellement au pays une identité religieuse et politique traditionnelle, dont l’Europe occidentale est depuis longtemps dépourvue. Alexandre Soljénitsyne exhortait le peuple russe à retrouver l’esprit de l’Orthodoxie et le Patriarche Alexis II apporte son soutien à Vladimir Poutine, qui, lui, définissait son pays comme « une puissance orthodoxe », lors de sa visite au Mont Athos en Grèce en septembre 2005. Ce retour à l’orthodoxie ravive un certain anti-occidentalisme, bien lisible dans les déclarations d’un concile d’avril 2006, où l’église orthodoxe russe a promulgué sa propre Déclaration des droits et de la dignité de l’homme, où sont fustigés et l’individualisme occidental et la volonté d’ingérence étrangère cherchant à imposer des droits de l’homme de facture individualiste en Russie et en toutes les autres terres orthodoxes. Le texte ajoute : « Il est des valeurs qui ne sont pas inférieures aux droits de l’homme, tels la foi, la morale, le sacré, la patrie », où le philosophe de l’histoire décèlera un refus de la rupturalité calamiteuse que représente l’idéologie des droits de l’homme de 1789 à la vulgate médiatique actuelle, quand on la manipule avec l’hypocrisie que nous ne connaissons que trop bien. Le 17 mai 2007, les églises russes en situation de diaspora depuis les années 20 se réconcilient avec le Patriarcat de Moscou (5), ce qui rend plus difficile la tâche de monter les options de l’orthodoxie russe les unes contre les autres.Ukraine : la révolution orange patineL’ingérence occidentale s’effectue essentiellement par le biais des “révolutions colorées” (6), nouveau mode de pratiquer la “guerre indirecte” et de grignoter les franges extérieures de l’ancien empire des tsars et de l’URSS, dont les républiques caucasiennes et l’Ukraine. On sait que la révolution orange fut finalement un fiasco pour ces commanditaires occidentaux ; Victor Iouchtchenko, le Président élu pour son programme pro-occidental, n’a guère fait bouger les choses, ni dans un sens ni dans l’autre, en dépit de sa volonté de faire entrer l’Ukraine dans l’UE et dans l’OTAN. L’icône féminine de l’effervescence orange de 2005, Youlia Timochenko, a basculé dans la corruption et la démagogie la plus plate, sans aucune assise idéologique claire. Ianoukovitch, l’ancien leader pro-russe d’Ukraine orientale, demeure pragmatique : l’Ukraine n’est pas mûre pour l’OTAN et l’UE ne veut pas de Kiev, dit-il. Fin septembre 2007, pour les élections, pas de manifestations dans les rues. Le calme. Les agences occidentales ne paient plus. Pour l’écrivain Andreï Kourkov, les personnages de la révolution orange étaient des marionnettes : le pouvoir demeure aux mains des gestionnaires de l’économie ukrainienne, liée à l’économie russe (7).En Géorgie, où l’actuel Président Mikhail Saakachvili avait pris le pouvoir en novembre 2003 à la suite de la révolution des roses, une contre-révolution vient d’éclater, sans leader bien profilé (8), qui déstabilise la créature de l’américanosphère, l’icône masculine des médias téléguidés depuis les États-Unis, hissée en selle il y a quatre ans. En dépit de sa victoire et de la mise au pas de l’Adjarie sécessionniste en mai 2004, Saakachvili n’a pas réussi à dompter une autre province dissidente, l’Ossétie du Sud, arc-boutée à la chaîne du Caucase. Ce territoire d’à peine 75.000 habitants ne compte que 20% de Géorgiens ethniques. Sa population est fidèle à la Russie. En agissant sur le mécontentement populaire face à la politique pro-occidentale (et donc néo-libérale/globaliste) de Saakachvili et sur les spécificités ethniques adjars et ossètes, Poutine a trouvé le moyen de contrer les effets d’une révolution colorée et de forger les armes pour disloquer celles qui, éventuellement, émergeraient demain.Octobre 2007 : Sommet de TéhéranAutre succès majeur de Poutine : la vaste stratégie pétrolière qu’il a déployée, en Europe et en Asie. Il a réussi à disloquer la cohésion des oligarques (9), à apaiser les dangers de conflit qui existaient entre riverains de la Caspienne. Le sommet de Téhéran en octobre 2007, qui réunissait les dirigeants de la Russie, de l’Iran, du Kazakhstan, de l’Azerbaïdjan et du Turkménistan, avait pour objet de stabiliser la situation sur les rives de la Caspienne et d’y organiser un modus vivendi pour l’exploitation des ressources locales d’hydrocarbures et de gaz. Les accords qui en découlent stipulent, notamment, que les pays riverains, participant à la conférence, ne permettront pas que leurs territoires respectifs servent de base à des puissances hors zone pour agresser un quelconque État co-signataire. Iran compris, cela s’entend (10).Dans le contexte actuel, où l’atlantisme appelle une nouvelle fois au carnage et où l’un de ses chiens de Pavlov, en la personne du sarköziste et ex-socialiste Kouchner, joint ses aboiements sinistres au lugubre concert des bellicistes, cette disposition du sommet de Téhéran bloque toute velléité américaine d’ingérence en Asie centrale et préserve le territoire iranien sur son flanc nord, alors que l’Iran est aujourd’hui dangereusement encerclé entre les bases US du Golfe, d’Irak et d’Afghanistan. L’Iran est la pièce centrale, et non encore contrôlée, d’un territoire qui correspond à l’USCENTCOM (lequel s’étend de l’Égypte à l’Ouest au Pakistan à l’Est). Ce territoire, dans la perspective des stratégistes américains inspirés par Zbigniew Brzezinski, doit servir à terme, avec son “Youth Bulge” (son trop-plein démographique et sa natalité en hausse constante, sauf en Iran), de marché de substitution au bénéfice des États-Unis, car l’Asie garde des réflexes autarcistes et l’Europe possède un marché intérieur moins accessible, avec, en plus, une démographie en net recul. Le contrôle de cet espace implique évidemment l’élimination de l’Iran, pièce centrale et aire nodale d’une impérialité régionale plurimillénaire, l’éloignement stratégique de la Russie et son refoulement de tous les territoires conquis depuis Ivan le Terrible, le contrôle de la Mésopotamie et des hauteurs afghanes et la dislocation des cultures masculinistes et, partant, anti-consuméristes, de cette vaste aire, certes islamisée, mais recelant encore beaucoup de vertus et de vigueurs pré-islamiques, tout en demeurant rétive au fanatisme wahhabite.“South Stream” et “North Stream”Les accords sur la Caspienne auront une implication directe sur l’approvisionnement énergétique de l’Europe. Le système d’oléoducs et de gazoducs “Nabucco”, favorisé par les États-Unis, qui entendaient, par son truchement, diminuer les influences russes et iraniennes sur la distribution d’énergie, se verra compléter par le système dit “South Stream”, qui partira de Novorossisk sur les rives de la Mer Noire pour aboutir aux côtes bulgares (donc sur le territoire de l’UE), d’où il partira vers l’Europe centrale, d’une part, et vers l’Albanie et, de là, vers l’Italie du Sud, d’autre part. L’ENI italienne est partie prenante dans le projet (11). La réalisation de celui-ci, à travers la partie pacifiée des Balkans, ruine automatiquement les manœuvres dilatoires des forces atlantistes en Baltique, où les États-Unis incitent les petites puissances de la “Nouvelle Europe”, chère à Bush, à annihiler le projet d’acheminer le gaz russe vers l’Allemagne au départ de Königsberg/Kaliningrad ou du Golfe de Finlande, impulsé par le Chancelier Schröder à l’époque bénie — mais si brève — de l’Axe Paris-Berlin-Moscou. Le système de gazoducs de la Baltique porte le nom de “North Stream” (12) : son parachèvement est aujourd’hui bloqué par l’opposition de Tallinn à tous travaux le long de la côte estonienne. Ce blocage est dicté en ultime instance par Washington qui excite en sous-main les Pays Baltes et la Pologne contre tous les projets de coopération euro-russe ou germano-russe, restituant ainsi de facto le “Cordon sanitaire” de Lord Curzon et les effets mutilants du Rideau de Fer sur les dynamiques intérieures de l’Europe dans son ensemble. Ce qui a toujours été le but des puissances thalassocratiques.La victoire électorale de Poutine en décembre 2007 démontre, outre sa réelle popularité en dépit des campagnes des oligarques et des médias, que les stratégies de “révolutions colorées” ont fait long feu : à celles-ci, Poutine a répondu par une mobilisation citoyenne et patriotique en créant le mouvement Nachi (Les Nôtres) qui a tenu la rue en lieu et place de sycophantes comme Kasparov ou autres écervelés sans intelligence géopolitique ou géostratégique.L’Europe ne peut vouloir une Russie déstabilisée et plongée dans le chaos, car, dans ce cas, elle serait automatiquement entraînée, sinon dans un chaos similaire, du moins dans une récession dont elle pourrait bien se passer, vu son déclin démographique, sa relative stagnation économique et les signes avant-coureurs d’une réelle paupérisation dans les classes laborieuses, fruit de près de trente ans de néo-libéralisme.ConclusionsEn conclusion, le phénomène Poutine doit nous amener à penser notre destin politique dans les catégories mentales suivantes :♦ Ne pas tolérer le poids d’oligarques de toutes natures dans nos sphères politiques, qui aliènent richesses, fonds et capitaux par l’effet de pratiques de délocalisation ; selon le bon vieux principe du primat du politique sur l’économique, que Poutine a réussi à faire triompher ;♦ Comprendre enfin la nécessité d’une cohésion religieuse visible et visibilisée (comme le voulait Carl Schmitt), plus difficile à restaurer en Occident vu les dégâts profonds qu’ont commis sur le long terme le protestantisme, le sectarisme diversifié et chaotique qui en est issu et la déliquescence du catholicisme depuis le XIXe siècle et Vatican II ;♦ Susciter une vigilance permanente contre les manipulations médiatiques qui ont conduit en France aux événements de mai 68 (pour chasser De Gaulle), aux grèves de 1995 (pour faire fléchir Chirac dans sa politique nucléaire à Mururoa), aux révolutions colorées ; il faut être capable de générer une contre-culture offensive contre ce que les agences d’outre Atlantique tentent de nous faire gober, afin de provoquer par les effets de ce soft power rudement bien rodé des mutations politiques favorables aux États-Unis ;♦ Il faut viser une indépendance énergétique grande-continentale, ne permettant pas aux pétroliers américains de contrôler les flux d’hydrocarbures sur la masse continentale eurasienne, au bénéfice de leurs seuls intérêts et au détriment de la cohésion du Vieux Monde ;♦ Il faut suivre Poutine dans ses offensives diplomatiques en Asie, surtout en direction de l’Inde et de la Chine ; l’Europe a intérêt à être présente dans le sous-continent indien et en Extrême-Orient, dans une perspective d’harmonisation des intérêts, comme l’avait d’ailleurs déjà préconisé la Chine dans ses réponses aux tentatives occidentales d’ingérence intellectuelle (le soft power, qui bute contre la culture impériale chinoise).Les coopérations euro-russes, euro-indiennes et euro-chinoises ouvrent des perspectives autrement plus séduisantes que le sur-place atlantiste, que notre triste macération dans le graillon de la dépendance médiatique et politique, où nous sommes plongés pour notre honte. Tous les peuples de la Terre attendent le réveil de l’Europe. Celle-ci n’est viable que branchée sur l’Eurasie, à commencer par la Russie, comme au temps des grandes alliances, amorcé à l’époque de la Guerre de Sept Ans.Robert Steuckers (Forest-Flotzenberg, décembre 2007). http://robertsteuckers.blogspot.fr/• Notes :-
(1) Cf. « L’eredità di Eltsin », in Linea, 15 nov. 2007 (article tiré de la revue sud-africaine Impact (Box 2055, Nooserkloof, Jeffreys Bay, 6331, South Africa).
-
(2) Cf. Victor-L. TAPIE, L’Europe de Marie-Thérèse : Du baroque aux Lumières, Fayard, 1973 ; également, Henri TROYAT, Catherine la Grande, Flammarion, 1977.
-
(3) Frank McLYNN, 1759 : The Year Britain Became Master of the World, Pimlico, London, 2005.
-
(4) Dr. Albrecht ROTHACHER, « Das Schicksal zweier Oligarchen : Beresowskis Kampf gegen Putin aus dem Exil und der Lagerhäfltling Chodorkowski“, in zur Zeit Nr. 42/2007 ; Dr. A. ROTHACHER, „Superreich und willfährig. Oligarch Roman Abramowitsch : Putins Statthalter in Russisch-Fernost“, in zur Zeit Nr. 46/2007.
-
(5) Marie JEGO, « La Fédération de Russie », in : La Vie/Le Monde Hors-Série, L’Atlas des Religions, s.d. (paru en kiosque en nov. 2007). Voir également : Alexandre SOLJENITSYNE, La Russie sous l’avalanche, Fayard, 1998, plus spécialement le chapitre : « L’Église orthodoxe par ce Temps des Troubles », p. 301 et ss.
-
(6) Cf. Le dossier du Temps de Genève, en date du 10 décembre 2004, intitulé „L’internationale secrète qui ébranle les dictatures de l’Est“ ; ce dossier est accompagné d’un entretien avec le stratégiste et théoricien des guerres indirectes, Gene Sharp, intitulé « L’essentiel est de diviser le camp adverse ». Cf. surtout Viatcheslav AVIOUTSKII, Les révolutions de velours, Armand Colin, 2006 (ouvrage capital !).
-
(7) Andrej KURKOW, « Die Last des Siegens », in : Der Spiegel, 39/2007, pp. 138-139.
-
(8) „Überall Feinde“, in : Der Spiegel, 46/2007, p. 121. Cf. Eugen GEORGIEV, „Angespannte Lage in Südossetien“, in : Aula, Okt. 2007.
-
(9) www.barnesreview.org / Un texte issu de ce site a été traduit en italien. Il s’agit de : «Vladimir Putin : le sue riforme e la sua tribu di nemici / Il sostegno atlantico agli oligarchi russi”, in Linea, 28 nov. 2007.
-
(10) Fulvia NOVELLINO, “Il vertice di Teheran per il petrolio del Mar Caspio”, in Linea, 19 oct. 2007.
-
(11) Filippo GHIRA, “South Stream pronto nel 2013”, in Linea, 23 nov. 2007.
-
(12) Andrea PERRONE, “L’Estonia sfida la Russia sulla condotta North Stream”, in Linea, 18 oct. 2007. Rappelons toutefois que le projet d’un oléoduc (ou gazoduc) vers l’Allemagne et la Pologne n’est pas une idée neuve. En décembre 1959, Soviétiques, Polonais et Est-Allemands signent un accord à Moscou pour la construction de la « branche nord de l’oléoduc de l’amitié ». Le “North Stream”, dont question ici, n’en est que la réactualisation, dans un contexte qui n’est plus marqué par la guerre froide.
-
-
Lettre ouverte à Cécile Duflot : “Que diriez-vous d’assumer ?”
ce jeudi 23 Août 2012, vous avez risiblement honoré votre fonction en posant avec une cagoule et une petite ardoise arborant fièrement ce message éminemment subversif “Free Pussy Riots”.
Votre soutien à un groupe de “féministes punk” est en effet ridiculement essentiel. Les “Pussy Riots” se sont illustrées par la profanation de la Cathédrale du Christ-Sauveur, à Moscou.
Dénonçant “l’autoritarisme russe”, vous ne réalisez sans doute pas la portée nocive de ce geste qui, en vertu de la Loi Française, aurait pu être puni de 10 ans d’emprisonnement et de 150 000€ d’amende.
En tant qu’écologiste, il vous semble également naturel de soutenir ce groupe, dont l’une des membres s’illustra notamment par l’introduction d’un poulet mort dans son vagin : le respect de la vie animale vous semble ici accessoire.Votre soutien à ce groupe de dégénérées, tombant simplement sous le coup du droit commun russe, est d’autant plus indécent que vous assumez la fonction de Ministre du Logement.
Il apparaît évident que vous n’avez donc rien de mieux à faire, et que le logement ne semble pas être votre préoccupation première.Je me permettrai cependant de vous rappeler que plus de 200 SDF sont morts depuis le début de l’année 2012, dans les rues de notre pays, dont plus de 40 depuis votre prise de fonction (Collectif Les Morts de la Rue).
Je vous rappellerai également qu’en tant que Ministre du Logement, vous disposez d’une marge de manœuvre vous permettant de remédier immédiatement à ces situations intolérables. Dois-je vous rappeler qu’en tant que Ministre, vous êtes au service du Peuple Français ? Mais il est vrai que votre petite ardoise eut été trop petite s’il vous était venu à l’idée d’y écrire symboliquement les noms de ces malheureux morts dans la rue.La France compte 3,2 Millions de personnes mal-logées. Plus de 100 000 personnes vivent à la rue. 900 000 personnes sont privées de logement, et vivent dans des conditions de précarité maximale (Comité Action Logement).
Situation paradoxale : on compte, rien qu’à Paris, plus de 110 000 logements vacants (Insee), dont 15 000 sont sujets à la taxe sur les logements vacants (vides depuis au moins 2 ans).Que diriez-vous d’assumer, ne serait-ce qu’une journée, votre responsabilité ?
Cela ne vous prendrait pas trop de temps, rassurez-vous. Il s’agirait simplement d’appliquer l’ordonnance de 1945 (reprise dans le Code de la construction et de l’habitation, Art. L641-1), qui stipule :
“Le représentant de l’Etat dans le département, sur proposition du service municipal du logement et après avis du maire (…) peut procéder, par voie de réquisition, pour une durée maximum d’un an, renouvelable, à la prise de possession partielle ou totale des locaux à usage d’habitation vacants, inoccupés ou insuffisamment occupés” pour les attribuer à des mal-logés. Les bénéficiaires sont “les personnes dépourvues de logement ou logées dans des conditions manifestement insuffisantes”.J’espère donc vous avoir donné une idée, puisque manifestement vous peinez à trouver une occupation, et que vous êtes tout de même payée pour bosser (payée près de 10 Smic par mois).
Bien cordialement,
le 24 août 2012 Vincent Vauclin http://vincent-vauclin.com/
Lien permanent Catégories : actualité, anti-national, international, lobby, magouille et compagnie 0 commentaire -
Lettre de l'acteur Gérard Depardieu aux médias russes
Oui j'ai fait cette demande de passeport et j'ai le plaisir qu'elle ait été acceptée.
J'adore votre pays la Russie, ses hommes, son histoire, ses écrivains.
J'aime y faire des films où j'aime tourner avec vos acteurs comme Vladimir Mashkov.
J'adore votre culture, votre intelligence.
Mon père était un communiste de l'époque, il écoutait Radio Moscou ! C'est aussi cela ma culture.
En Russie il y fait bon vivre. Pas forcément à Moscou qui est une mégapole trop grande pour moi.
Je préfère la campagne, et je connais des endroits merveilleux en Russie.
Par exemple, il y a un endroit que j'aime, où se trouve le Gosfilmofond dirigé par mon ami Nikolai Borodachev.
Au bord des forêts de bouleaux, je m'y sens bien.
Et je vais apprendre le russe.
J'en ai même parlé à mon Président, François Hollande. Je lui ai dit tout cela.
Il sait que j'aime beaucoup votre Président Vladimir Poutine et que c'est réciproque.
Et je lui ai dit que la Russie était une grande démocratie, et que ce n'était pas un pays où un premier ministre traitait un citoyen de minable.
J'aime bien la presse, mais c'est aussi très ennuyeux, car il y a trop souvent une pensée unique.
Par respect pour votre président, et pour votre grand pays, je n'ai donc rien à ajouter.
Si je veux ajouter encore sur la Russie, une prose qui me vient à l'esprit.......
Que dans un pays aussi grand on n'est jamais seul,
Car chaque arbre, chaque paysage portent en nous un espoir.
Il n'y a pas de mesquinerie en Russie, il n'y a que des grands sentiments.
Et derrière ces sentiments beaucoup de pudeur.
Dans votre immensité, je ne me sens jamais seul, Slova Rossii !!Géraud Escorailles http://www.voxnr.com
Lien permanent Catégories : actualité, économie et finance, lobby, magouille et compagnie 0 commentaire -
La légende d'Ungern, le dernier général Blanc
Wrangel (célèbre général de l'armée blanche, commandant en chef des armées du Sud), qui l'eut sous ses ordres durant la Guerre mondiale, a dit de lui : « Les hommes de sa trempe sont inappréciables en temps de guerre et impossibles en temps de paix ». Pour le baron Ungern, c'est toujours la guerre. Cadet du tsar, mercenaire en Mongolie, officier de cosaques en compagnie du futur ataman (chef des cosaques) Séménov en 1914, petit, malingre, il possède une santé de fer et une énergie farouche, mais son style n'est pas celui d'un officier traditionnel. « Débraillé, sale — dit Wrangel —, il dort sur le plancher parmi les cosaques, mange à la gamelle. Des contrastes singuliers se rencontraient en lui : un esprit original, perspicace, et, en même temps, un manque étonnant de culture, un horizon borné à l'extrême, une timidité sauvage, une furie sans frein, une prodigalité sans bornes et un manque de besoins exceptionnel ».
Avec un tel tempérament, une belle carrière s'offrait à lui dans la première Armée rouge. Pourtant, quelque chose l'a retenu. Le hasard peut-être. À moins que ce ne soit son indépendance, rebelle à tout carcan. […] De surcroît, contrairement à un Toukhatchevski (bien qu'étant issu d'une famille noble, ce militaire a adhéré au parti bolchévique), Ungern n'est pas en révolte contre sa caste. Il est crasseux et débraillé, mais il tient à son titre de baron. C'est d'ailleurs ainsi que ses hommes l'appellent « le baron ». Ce marginal est une bête de guerre, ennemi des conventions, mais fidèle à lui-même et à son passé. Son biographe, Jean Mabire, place dans sa bouche ces paroles qui résument son choix : « Le désespoir est aussi menteur que l'espérance. Il n'y qu'une chose qui compte : devenir ce que l'on est et faire ce que l'on doit ».
Cet homme porte au front le signe de la légende, Wrangel l'avait noté : « C'est un véritable héros de romans de Mayne-Reid ». Mais avant de devenir un héros de fictions et même de bandes dessinées, il avait inspiré plus d'une histoire folle que l'on colportait déjà sur lui, en Sibérie ou en Mandchourie, au temps de ses aventures.
« Il arrivait au baron Unger-Stenberg de faire boire ses officiers et d'abattre ceux qui, ne pouvant supporter la même dose d'alcool que lui, tombaient ivres », rapporte le Dr Georges Montandon, à l'époque sympathisant bolchévique et délégué de la Croix-Rouge française en Sibérie. Fable qui valut au médecin-mémorialiste une cinglante réplique d'un correspondant de guerre français, présent en Sibérie à la même époque :
« À moins que M. Montandon, per impossibile, ne nous donne des preuves irréfutables de ce qu'il avance, je matiens qu'il a enregistré ici, comme d'ailleurs si souvent dans son livre, une des ridicules inventions qu'on colportait en Sibérie. Quiconque a fréquenté les milieux des officiers gardes blanches en Sibérie en conviendra. Ceux-ci se conduisent souvent envers les civils avec un scandaleux manque de scrupules, mais leurs relations mutuelles étaient généralement empreintes de camaraderie et même d'honneur. Ce trait leur est d'ailleurs commun avec les pires bandes blanches de brigands. Quand, en décembre 1919, Séménov fit éxécuter, pour la première fois, quelques officiers pour indiscipline, la surprise et la fureur furent générales. Plusieurs Séménovsty me dirent "que l’ataman devait prendre garde, et qu'on pourrait bien lui préférer un chef plus important et qui, en toutes circonstances, protégeait ses subordonnés". Ce fut von Ungern-Sternberg, officier d'ancien régime, brave, dur, mais équitable envers ses troupes. Et c'est de ce général, vivant parmis ses officiers, partageant avec eux les mœurs et habitudes héritées de l'ancien régime, que M. Montandon veut nous faire croire qu'il a pu impunément tuer des camarades pour la seule raison d'avoir succombé à l'ivresse, c'est-à-dire pour une faiblesse que tous ces officiers étaient habitués à considérer plutôt comme la conclusion naturelle d'une orgie, que comme une inconvenance ? »
Un tempérament frugal et aventureux
Roman Feodorovitch von Ungern-Sternberg est né, pense-t-on, à Reval, en Estonie, le 29 décembre 1885, dans l'une des 4 familles baltes que l'on appelait les « Quatre de la Main réunie », les Ungern, les Uxkull, les Tisenhausen et les Rosen. Le nom des Ungern remonte au moins au XIIIe siècle quand les chevaliers teutoniques viennent se fixer en Courlande. Un des généraux de la Grande Catherine était un Ungern-Sternberg. Beaucoup d'autres hommes de guerre ont illustré cette lignée.
Accepté au corps des Cadets de Saint-Pétersbourg en 1903, le jeune Roman veut s'engager quand éclate l'année suivante la guerre de Mandchourie (nom d'un vaste territoire au nord-est de l'Asie, dont la plus vaste extension couvre le nord-est de la Chine et l'est de la Russie sur l'océan Pacifique) au Japon. Le règlement des Cadets l'interdit, mais il se fait exclure et peut ainsi se joindre au 91e Régiment d'infanterie. Il découvre l'excitation d'une guerre qui n'est pourtant ni fraîche ni joyeuse. Il découvre aussi les sortilèges de l'Asie. Il ne cessera plus d'en rêver. Admis à l'École d'officiers d'infanterie Paul Ier, il en sort en 1909 avec son brevet en poche. Il s'ennuie en garnison, part en Sibérie avec un régiment de cosaques, se querelle après avoir bu avec un autre officier, ce qui lui vaut un coup de sabre sur la tête. Les mauvaises langues disent qu'il ne s'en est jamais tout à fait remis.
Voulant retourner en Russie, il se décide à faire le trajet Vladivostock-Kharbine à cheval. Il plaque son régiment, se met en selle, siffle son chien et part, un fusil de chasse pour tout bagage. Se nourrissant du produit de la chasse, couchant à la belle étoile, il met une année entière pour parvenir à Kharbine. Autant dire qu'il a pris le chemin des écoliers aventureux. Sur place, il apprend qu'une guerre a éclaté entre les Chinois et les Mongols. Il remonte à cheval, pénètre en Mongolie et offre ses services. « Et le voilà chef de toute la cavalerie mongole ». C'est du moins ce qu'assure Wrangel dans son portrait coloré du baron, ce qui semble fort douteux.
En 1913, Ungern est bien en Mongolie, mais pas en qualité de chef de la cavalerie. Il loue ses services à un ethnologue russe, Burdukov, qui parle de lui dans ses souvenirs : « Il avait le regard glacé d'un maniaque ». Peut-être, mais quel talent pour se retrouver dans les dangers de la steppe ! Partant d'Ourga (auj. Oulan-Bator), ils ont voyagé à cheval toute la nuit. Leur guide les égare. Ungern commence par le roser à coups de fouet, puis il prend la tête de la colonne pour traverser le marais. Avec une adresse incroyable, il repère dans l'obscurité un passage permettant aux chevaux d'avancer. Ayant atteint l'autre rive, Ungern hume l'air à la manière d'un chien de chasse. Un peu plus tard, humant toujours, il parvient à un campement de nomades qui leur donnent l'hospitalité.
Vient la guerre mondiale. Il rejoint le régiment Nertchinsk des cosaques de l'Oussouri, que commandera Wrangel en 1916. Il y fait la connaissance de Séménov, un peu plus jeune que lui. Plusieurs fois blessé, décoré de la croix de Saint-Georges, il est, à la fin de 1914, capitaine en premier et commande un escadron.
En 1917, le régiment se trouve en Transbaïkalie (région montagneuse à l'est du lac Baïkal). Il y est surpris par la révolution d'Octobre. Séménov prend le maquis en Mandchourie avec une partie de ses cosaques. Ungern le suit comme chef d'état-major. La grande aventure commence. Raids sur Mandchouria d'où sont chassés les bolchéviks, coup de main sur Karinskaïa, création du « gouvernement provisoire de Transbaïkalie » à Tchita. Soutien discret mais très efficace des Japonais, nous avons déjà raconté cela.
Division de cavalerie asiatique et Grande Mongolie
Le 28 février 1919, Ungern participe à une conférence entre les atamans cosaques, les Japonais, des autonomistes bouriates et des nationalistes mongols. Dans les fumées de la vodka, l'idée est lancée de créer une Grande Mongolie, du lac Baïkal au Tibet. S'intéressant à cette idée qui pouvait permettre de contrer l'influence chinoise, les Japonais vont lui apporter leur soutien. Un illustre bouddha de Mongolie inférieure est mis à la tête de l'État en création et Ungern est nommé chef de la « Division de cavalerie asiatique ».
Le gouvernement de Pékin et celui de l'amiral Koltchak (chef suprême des armées blanches de novembre 1918 à sa mort en 1920, qui instaura un gouvernement militaire en Sibérie) sont hostiles à cette initiative et font pression sur le bogd (prince royal) d'Ourga qui finit par se récuser. En novembre 1919, un seigneur de la guerre chinois, le général Hsü, arrivé à Ourga avec 10.000 hommes comme « pacificateur de la Mongolie ». Il abolit l'autonomie mongole et signifie aux indigènes qu'ils sont désormais soumis à l'autorité de Pékin. Ce coup de force déchaîne par réaction un grand mouvement de nationalisme mongol. Quelques jeunes gens dirigés par un certain Soukhé Bator, qui ont constitué une société secrète, prennent contact avec les bolchéviks qui les assurent de leur appui.
Entre-temps, la Sibérie blanche de l'amiral Koltchak s'est effondrée sous les coups de l'armée rouge et de ses propres contradictions. Ignominieusement abandonné par les Alliés (principalement les Français et les Britanniques), l'amiral est fusillé le 7 février 1920. Les rescapés de son armée se sont dispersés en Mandchourie. Certains rejoindront Vladivostok et l'Europe, d'autres resteront en Mandchourie et iront même en Chine. Quelques-uns se joindront aux bandes de Séménov.
Placée sous l'attention vigilante des Japonais, la Transbaïkalie échappe en partie à l'autorité de Moscou qui accepte en avril 1920 la création d'un « État-tampon », la République d'extrême-Orient. Les Japonais tentent de mettre Séménov à sa tête. Mais les partisans rouges qui forment des bandes puissantes passent à l'offensive. L’ataman est contraint de fuir Tchita vers la Mandchourie à l'automne 1920.
C'est à ce moment qu'Ungern, prévoyant que son camarade ne pourra tenir face aux Rouges, a pris le parti de s'enfoncer en direction de la Mongolie à la tête de ses troupes personnelles, cette « Division de cavalerie asiatique » initialement créée avec l'appui des Japonais. On lui impute d'avoir exterminé en cours de route la population de plusieurs villages réputés "rouges". Mais les confins de la Sibérie, à cette époque, ne sont pas à un massacre près. En mars 1920, par exemple, la garnison japonaise de Nikolaevsk, à l'embouchure de l'Amour, et une bonne partie des civils ont été massacrés par les partisans rouges. Il y eut 700 morts parmi les Japonais et plus de 6.000 hommes, femmes et enfants parmi les civils, abattus sur ordre de Triapitsyne, le chef des partisans.
« L'un de ses ordres prescrivait de tuer tout les enfants de plus de cinq ans, qui, autrement, pourraient garder des souvenirs et nourrir des idées de vengeance. Le chef d'état-major de Triapitsyne, qui était aussi sa maîtresse, Nina Lebedeva, une communiste de 25 ans, était censée veiller à ce que les partisans de Nikolaevsk agissent conformément à la politique soviétique ; caracolant sur son cheval, armée jusqu'aux dents et généralement habillée de cuir rouge, c'était un personnage de mélodrame. Quand une expédition punitive japonaise apparut sur les lieux, Triapitsyne rasa Nikolaevsk et se retira à l'intérieur du pays, où ses partisans, écœurés, bien qu'un peu tard, par ses cruautés, l'arrêtèrent. Lui, Nina et quelques-uns de ses acolytes les plus vils furent exécutés, après un jugement sommaire ».
Dès qu'ils apprennent qu'Ungern est entré en Mongolie, les bolchéviks accentuent leur soutien aux jeunes révolutionnaires mongols de Soukhé Bator (le « petit Staline ») qui reçoivent une instruction politique et militaire à Irkoutsk. Ils seront bientôt envoyés à la frontière mongole avec des armes et des conseillers soviétiques.
Ungern lui-même est accueilli en libérateur. De nombreux princes mongols voient en lui celui qui peut libérer le pays de l'occupation chinoise. L'un d'eux, Tsevenn devient même le commandant en chef des troupes mongoles d'Ungern. Celui-ci semble être partout. On signale sa présence simultanément en plusieurs points éloignés du territoire.
À la fin du mois d'octobre 1920, il lance une première offensive sur Ourga pour en chasser les Chinois. Il dispose alors, semble-t-il, de 2.000 hommes de toutes origines, dont 800 cosaques. Les forces chinoises sont cinq fois plus nombreuses et l'attaque est repoussée. Mettant l'hiver à profit pour renforcer ses troupes, il s'empare aussi de la personne du bogd, par un coup d'audace, et l'emmène sous bonne escorte au monastère de la Montagne Sacrée.
La deuxième offensive d'Ungern, en janvier 1921, prend les Chinois par surprise. Après quelques jours de combat, Ourga est prise le 2 février dans une orgie de sang. Tout ceux qui sont soupçonnés de sympathie bolchéviques sont exécutés. Le baron rétablit le bogd sur son trône, et se fait accorder les pleins pouvoirs. D'autorité, il recrute les Russes antibolchéviques réfugiés à Ourga dans son armée. Un peu inquiet des débordements de son protecteur, le bogd finira par demander à Pékin d'être libéré du « baron fou ».
Mort du dernier général Blanc
De leur côté, les bolchéviks tentent d'obtenir une intervention chinoise contre Ungern. Un rapport du capitaine japonais Sassaki explique l'inquiétude des bolchéviks :
« Bien que les troupes d'Ungern soient insuffisantes pour renverser la République d'extrême-Orient, leur présence obligerait cette dernière à déployer constamment toute son armée le long de la frontière mongole. Par ailleurs, si un important mouvement antibolchévique venait à naître en Extrême-Orient, Ungern, avec ses troupes, pourrait créer la secousse initiale qui préluderait à l'écroulement de la République et à l'ébranlement des fondations de la Russie soviétique ».
C'est bien ce que craignent Lénine et les dirigeants bolchéviques qui décident d'intervenir en force. Au printemps 1921, les partisans de Soukhé Bator sont moins de 500. C'est suffisant pour s'emparer de Khiagt, une bourgade où ils fondent aussitôt un « gouvernement populaire provisoire de Mongolie ». Suivant un schéma déjà utilisé plusieurs fois en Ukraine et dans les Pays Baltes, ce "gouvernement" fait appel au grand frère soviétique qui expédie ses forces armées sous une apparence légale.
Le 21 mai, Ungern quitte Ourga à la tête de son armée. Son intention est de passer à l'offensive vers le nord en direction de la Transbaïkalie. Il escompte un soulèvement antibolchévique dans l'Oussouri. On signale en effet plusieurs guérillas antibolchéviques dans les provinces maritimes. L'armée réunie par Ungern compte semble-t-il 10.000 hommes. Se lancer à l'assaut de la Sibérie rouge avec une telle force relève pour le moins de la témérité.
Le 12 juin, Ungern attaque Troitskosavsk que défendent des troupes soviétiques beaucoup plus nombreuses. À la suite d'une journée indécise, le baron se replie en Mongolie, ayant essuyé de lourdes pertes. Les troupes soviétiques pénètrent en Mongolie pour lui faire la chasse. L'armée rouge d'Extrême-Orient compte 78.000 hommes. Les troupes d'intervention sont commandées par Rokossovski, un excellent chef militaire. Ungern disperse ses troupes en petits détachements et fait le vide devant l'envahisseur, ne cherchant pas à défendre Ourga qui occupée par l'armée rouge le 11 juillet. Par un vaste mouvement tournant, il vient attaquer les arrières des Rouges. Le 24 juillet, il pénètre en territoire soviétique. Ayant subi un nouveau revers en aôut, il se retire vers le sud, échappant par miracle à l'encerclement, pendant que ses poursuivants s'entretuent…
Il reste insaisissable, toujours bouillonnant d'idées. Mais son escorte est fourbue. Ses hommes sont démoralisés. Une nuit, ses propres cosaques attaquent sa tente. Profitant de l'obscurité, il saute sur un cheval et parvient à fuir. Cette fois, il est seul, ce qui ne l'effraie pas. Il en a vu d'autres. D'ailleurs les Rouges ont perdu sa trace.
Un prince mongol, Sundui, qui lui est resté apparemment fidèle, le rejoint. Le baron est toujours sur ses gardes, la main sur le révolver. Un jour, profitant d'un instant de distraction, les hommes de Sundui le jettent à bas de son cheval et parviennent à le ligoter. Peu après, Sundui le livrera à Rokossovski.
Sous bonne garde, Ungern est conduit à Novonikolaïevsk (future Novossibirsk). Condamné d'avance (1), il est fusillé le 17 septembre 1921. Ainsi disparaît le dernier général blanc, ce « baron fou » qui croyait à un axe entre l'Extrême-Orient et l'Extrême-Occident. Ce qui montre que, dans sa "folie", l'audacieux baron était en avance sur son temps.
► Dominique Venner, extrait de : Les Blancs et les Rouges : histoire de la guerre civile russe, 1917-1921, Pygmalion, 1997, p. 314-320.
Notes :
- Au cours de la séance du Politburo du 27 août 1921, Lénine fit une proposition aussitôt acceptée : « Mener un procès public à une vitesse maximum et le fusiller aussitôt »
-
Une jeunesse militante...
Je n’ai que deux souvenirs de Mai 68 : l’image aperçue à la télévision (en noir et blanc) d’une façade d’immeuble léchée par les flammes d’une barricade en feu et un barrage de manifestants à la sortie de Dinan, devant une usine sans doute occupée, qui tapaient joyeusement sur le capot de la R16 familiale avec le plat de la main… Mais les années qui suivirent furent celles de mon ébauche de réflexion politique puis de mon engagement militant, d’abord hésitant et surtout anticommuniste (le communisme était encore, à l’époque, une opinion courante…), puis enfin royaliste, définitivement, à partir de l’été 19
Le film « Après Mai », sur les écrans depuis quelques jours et qui retrace le parcours de quelques lycéens gauchistes au début des années 70, ne m’a pas vraiment surpris et je l’ai vu comme un bon résumé du parcours de nombreux jeunes engagés politiquement, qu’ils soient, d’ailleurs, d’extrême-gauche ou d’autres obédiences ! Oui, notre jeunesse fut « folle », et militante, éminemment « intellectuelle et violente » selon la formule de Maurras, en fait passionnée, dirait-on aujourd'hui ! Quand Olivier Assayas, l’auteur du film, était mao ou je ne sais quoi, j'étais tout aussi révolutionnaire, mais nationaliste et royaliste, et nous, nous aussi, de l’autre côté de la barricade, voulions changer le monde, mais aussi restaurer la monarchie, sauver la France dont, comme l'écrivait Bernanos, le monde avait besoin... Nous couvrions les murs de slogans, de fleurs de lys : en une nuit du printemps 84, nous avons usé 17 bombes de peinture ! Certains de nos slogans couvraient une cinquantaine de mètres de mur, à Villejean ou à Beaulieu, à Sciences éco., place Hoche (déjà !) ! Nous sautions par dessus les murs des lycées (Jean-Macé, Chateaubriand, et j’en oublie !) et des facs, affirmant en lettres gigantesques que « Marianne n’aime personne mais elle b... tout le monde » ou déclarant, dans un style très doctrinal « Pour l’auto-organisation des peuples de France sous l’arbitrage d’un exécutif héréditaire et successible : le Roi ! » (si, si, je l’ai écrit !), nous élevions des barricades rue d'Estrées un soir de mai 83 et nous passions notre temps à courir, à crier, à haranguer, parfois à nous battre pour protéger « notre » point de vente, sur le marché des Lices ou place de la Mairie... Ça ne s'arrêtait jamais, nous tenions meeting à la Maison du Champ de Mars ou nous faisions des manifestations (y compris de nuit) en criant « Monarchie populaire », nous affichions sur les grandes baies vitrées de Villejean parfois toutes les nuits ! Chaque soir ou presque, j’écrivais un nouveau texte de tract que je photocopiais le lendemain matin avant de l’afficher sur les panneaux de la Fac de Droit ou dans les couloirs de celle d’Histoire, ou que nous distribuions sur les tables du Restaurant Universitaire de Villejean avant que les étudiants ne s’installent pour manger ! Lors des grèves ou des Assemblées générales étudiantes, nous prenions la parole, parfois sous les huées et les insultes, mais j’avoue que je n’avais pas du tout peur, grisé par cette ambiance électrique et houleuse dans laquelle je me sentais vivre pour convaincre autrui ! C'était fou, et c'était bon ! Et on clamait « vive le roi » sur le marché des Lices quand les « autres » nous chargeaient, à dix contre un ! Il m’est arrivé de me retrouver ensanglanté, le nez sur le trottoir… Oui, c'était notre jeunesse, et c'était les plus belles années de ma vie : cela valait le coup de vivre cette folle jeunesse militante, j'en ai encore des souvenirs plein la tête et, surtout, plein le coeur...
Il me faudra écrire, un jour, sur ces années militantes, principalement rennaises, et qui m’ont fait ce que je suis et ce que je suis resté, envers et contre tout, même si les formes ont parfois changé et que les enjeux ne sont plus forcément les mêmes.
Les années ont passé… Le roi n’est pas là, c’est vrai, et il tarde à venir, mais, plus que jamais, le combat royaliste me semble opportun, parfois sur des chantiers idéologiques nouveaux, en appliquant aussi la formule maurrassienne de « la tradition critique », nécessaire pour éviter les erreurs, voire les errements d’une autre époque qui ont tant coûté au royalisme français, parfois à son honneur, souvent à sa crédibilité et à son efficacité…
Ce qui est certain, c’est que c’est bien au contact des autres, les tracts à la main ou lors des débats dans la rue ou sur la Toile, que le royalisme est visible, et qu’il a des chances de prouver qu’il est crédible : la recherche intellectuelle et l’attention portée aux enjeux de notre temps ; la discussion argumentée avec autrui, sympathisant, adversaire ou simple curieux ; l’action militante « par tous les moyens même légaux », sont nécessaires pour faire advenir cette monarchie qui n’est pas un « sceptre magique » mais le moyen institutionnel « le moins mauvais » pour assurer la pérennité de notre Etat et de la France comme nation historique et éminemment politique. Difficile ? Lointaine ? Sans doute…
Mais, au moins, la faire connaître et la rendre possible, et, si ce n’est pour nous, pour les générations à venir qui pourraient bien, d’ailleurs, retrouver l’élan et l’ardeur de « notre jeunesse », celle qui ne m’a, en définitive, jamais quitté…