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Accord de sécurisation de l’emploi, un dynamitage du droit du travail
Dans le projet d’accord sur la sécurisation de l’emploi trouvé le 11 janvier dernier, le patronat a fait carton plein sur la flexibilité et obtenu un maximum de dérogations au Code du travail. Décryptage.
Malgré quelques miettes lâchées aux salariés, comme l’instauration d’une complémentaire santé généralisée, des représentants du personnel au conseil d’administration ou la taxation des contrats courts…, les travailleurs sont les premières victimes de cette régression sociale inédite voulue par le Medef.
1. Faciliter les licenciements et éviter les poursuites
Dans le texte, la procédure de licenciement collectif pour motif économique et son contenu sont fixés, soit par un accord collectif majoritaire, soit par un document produit par l’employeur et homologué par la Direccte (directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi). Une « validation » du plan social par les syndicats ou l’administration qui rendra plus difficile sa contestation devant le juge.
Le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) est mis en place dans des délais préfixés, pour accélérer la procédure. La limite pour contester la validité de cet accord est de trois mois. Si le salarié veut remettre en cause le motif ou le non-respect par l’employeur des dispositions, il n’aura que douze mois pour le faire. Plus généralement, le délai de prescription concernant une réclamation sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail est de vingt-quatre mois contre cinq ans auparavant. Ce qui risque d’empêcher certains recours comme ceux des victimes de l’amiante.
Toujours pour éviter aux patrons de comparaître devant un tribunal, le projet d’accord privilégie la conciliation avec les prud’hommes pour résoudre les litiges liés à un licenciement, via notamment le versement d’une indemnité forfaitaire de l’employeur à son ex-salarié. Les patrons seraient la seule catégorie en France pour laquelle un plafond de sanction serait appliqué ! Enfin, le Medef a introduit une disposition un peu obscure qui tente d’instaurer la prévalence du fond sur la forme en cas de procédure de licenciement. Par exemple, une irrégularité dans la lettre de licenciement (la forme) ne pourrait plus être retenue contre l’employeur.
2. Le chantage à l’emploi
L’accord de maintien dans l’emploi, qui permet de moduler le temps de travail et le salaire « en cas de graves difficultés conjoncturelles », sévit déjà dans certaines entreprises (Renault s’y essaie actuellement). Il serait institutionnalisé nationalement par le projet d’accord. Le dispositif de compétitivité-emploi, signé par un ou des syndicats représentant 50 % du personnel, est censé sauvegarder l’emploi et pourra être conclu pour une durée de deux ans maximum. Mais la garantie du maintien de l’emploi n’est pas pérenne, juste « pour une durée au moins égale à celle de l’accord », ce qui laisse la porte ouverte à une nouvelle affaire Continental Clairoix.
Dans ce cas précis, certains syndicats avaient signé l’accord, ce qui n’avait pas empêché l’entreprise de fermer. Si les salariés refusent le chantage à l’emploi, ils sont licenciés pour motif économique. Mais l’entreprise est exonérée de « l’ensemble des obligations légales et conventionnelles » du plan social, comme les offres de reclassement. Le texte prévoit plutôt « des mesures d’accompagnement ». Pour avoir refusé de se sacrifier, le salarié aura donc le droit à un licenciement économique au rabais.
Une sécurisation minimal. Dans le texte, il y a très peu de chose au profit de la sécurisation des salariés. Les droits rechargeables à l’assurance chômage, qui existent déjà, sont élargis. La majoration de cotisation d’assurance chômage pénalisera les CDD courts et les contrats d’usage. Mais, en contrepartie, le patronat obtient 150 millions d’exonérations de cotisations sur certains CDI ! Sont aussi au menu, le compte personnel de formation, la complémentaire santé généralisée ou l’accès des représentants du personnel aux conseils d’administration, mais uniquement dans les entreprises de 5 000 salariés en France ou de 10 000 à l’échelle mondiale. Des avancées certes, mais mineures au regard de la dominante de flexibilité du projet d’accord.
3. Les mobilités forcées
Les entreprises peuvent mettre en place des mobilités internes pour contraindre les salariés à changer de poste ou de lieu de travail. Les limites géographiques et les mesures d’accompagnement à la mobilité sont négociées dans le cadre d’un accord d’entreprise, ce qui laisse la porte ouverte à toutes les dérives. Le refus donne lieu à un licenciement du salarié pour motif personnel.
4. Le piège du temps partiel
Pour mieux l’encadrer, des négociations s’ouvriront dans les branches professionnelles. Les salariés travailleront un minimum de vingt-quatre heures par semaine (sauf étudiants de moins de vingt-six ans et salariés des particuliers employeurs). Mais le texte organise une modulation du temps de travail au bon vouloir de l’employeur, avec de nombreuses dérogations possibles dans l’année et une pression exercée sur la rémunération. Le salarié deviendrait une variable d’ajustement en fonction de l’activité de l’entreprise.
5. Des CDI précaires
La création d’un CDI intermittent et d’un CDI intérimaire va encore fragiliser la forme normale du contrat à durée indéterminée, en normalisant l’alternance de périodes travaillées et non travaillées. Quand à la taxation de certains CDD courts, elle ne concerne pas l’intérim et les CDD de remplacement ou saisonniers, grands vecteurs de précarité.
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HOTEL STELLA - Les amis du vent
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Merah, Merkel, mariage, Mali : Tranches de vie pour une époque normale
Les rebondissements de l’affaire M. Merah montrent que les services spéciaux surveillaient aussi sa sœur qui « entretenait des liens avec la mouvance salafiste toulousaine » (Le Monde du 1er février 2013). Tiens ! Il y a donc une « mouvance salafiste » à Toulouse ? On pensait jusque-là les Toulousains surtout célèbres pour le rugby, le cassoulet ou l’aéronautique. Aujourd’hui c’est donc aussi pour le salafisme. Normal.
Gérard Depardieu a rejoint la Russie car il en avait assez du fiscalisme. Il faudrait donc le plaindre au lieu de le traiter de « minable » puisque, comme nous le disent chaque jour les médias, la Russie serait un pays terrifiant : un pays barbare où les féministes, les musulmans, les journalistes et les homosexuels sont assassinés ou jetés en prison, où les mafias gouvernent et où l’on méprise la démocratie. Notre Obélix national devait donc déprimer quand il a choisi de rejoindre non pas le paradis (fiscal) mais l’enfer (russe) ? Normal.
On a salué comme il se doit l’anniversaire du Traité de l’Elysée car il paraît que les Français et les Allemands s’aiment donc beaucoup, notamment François et Angèle. Normal. Mais on a omis de nous dire qu’à l’origine de ce traité, la France dominait et l’Allemagne, réduite au surplus à sa portion Ouest, quémandait un soutien. Aujourd’hui c’est l’inverse. Le duo franco-allemand ressemble à un couple à la Dubout : avec un petit monsieur ridicule au bras d’une grosse dame. Et puis il ne faut pas oublier que Madame Angèle aimait aussi beaucoup Nicolas et bien d’autres hommes en Europe, également. Cela devrait quand même faire réfléchir François qui s’intéresse tellement aux couples en ce moment.
Près d’un million de personnes dans la rue à Paris pour la manifestation contre le mariage homo en janvier mais la préfecture de police n’a vu que 350.000 manifestants. Une myopie normale.
L’armée française à conquis Tombouctou sans combat… les islamistes ayant quitté les lieux avant. Saluons cette extraordinaire victoire du « chef de guerre » François Hollande, qui serait pour cela devenu très « populaire »… au Mali ! Ce fut aussi, paraît-il, la décision la plus difficile de sa présidence. Voilà en tout cas ce que nous disent les médias et cela doit nous rassurer. En France, par contre, sa popularité ne semble pas aussi évidente mais c’est normal.
La campagne de recrutement pour ladite armée française s’intitule d’ailleurs : « S’engager, pour moi, pour les autres ». Un message très en phase avec l’implosion individualiste de la société contemporaine : je m’engage pour moi d’abord, en effet. Plus question non plus de faire référence à la nation française : non, on s’occupe des « autres », c’est-à-dire de tout le monde désormais. Quoi de plus normal, en somme, puisque l’armée de métier est devenue une annexe de Pôle Emploi et qu’elle mène des missions qui ressemblent à celles des ONG. Car on conduit des opérations (on ne dit plus « guerre ») humanitaires, que diable !
Le Sénat envisage de créer des « zones de protection renforcée contre le loup ». Tiens ! Les loups sont de retour en France et il faudrait s’en protéger ? C’est sans doute cela le progrès. Normal.
Il faudra aussi éteindre les lumières dans les commerces et les bureaux la nuit à compter du 1er juillet prochain. La France des Lumières se met donc à l’heure du black-out. Tout un symbole de la post-modernité ! Nous revoilà plongés dans les « heures sombres de notre histoire ».
Après la promotion du vélo et des produits recyclés, bientôt l’éclairage à la bougie et peut-être aussi les tickets de rationnement comme au bon vieux temps. Normal.
Et puis l’Union européenne entend lancer un vaste programme d’implantation d’éoliennes. C’est bien normal pour une Europe aux semelles de vent.
Tout est normal, circulez !
Michel Geoffroy
11/02/2013Correspondance Polémia – 15/02/2013
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Nationalisme et lutte des classes, une histoire de marins
On connaît plutôt bien le drame des mutins du Kronstadt. Tiraillés par la faim et le dirigisme cruel des nouveaux maîtres du Kremlin, les marins jusque là fidèle soutien des bolcheviks s'agitent. Le 28 février 1921, un appel part du cuirassé Petropavlosk, les matelots réclament une troisième révolution après celle de février et d'octobre 1917. Lénine comprend vite tout le danger que représente ce foyer de contestataires pour un nouveau pouvoir encore fragile, malgré le reflux de la réaction blanche. Pour éviter toute contagion, il charge Trotsky et son Armée rouge d'étouffer la sédition - le même Trotsky qui tenait les ouvriers et marins de Kronstadt pour « la fierté et la gloire de la révolution russe ». Toukatchevsky est chargé de la besogne tactique, il prends d'assaut le port-forteresse à travers les eaux gelées du golfe de Finlande. Après deux semaines de combats acharnés les rebelles sont finalement écrasés, ceux qui échappent au carnage sont parqués comme des bêtes dans les camps finlandais (1).
C'est pour éviter d’autres soulèvements de cette eau que Lénine décide de sortir du communisme de guerre et de distiller, à travers la NEP (Nouvelle économie politique), un libéralisme homéopathique. La révolte de Kronstadt reste un point de référence fondamental pour la plupart des courants libertaires (2), il demeure en tous cas comme une plaie qui tourmente l'extrême gauche militante...
On connaît par contre beaucoup moins bien l'épopée d'autres hommes de la mer, qui connurent certes une fin moins sanglante, mais non moins tragique.
Les marins anarchistes soutiennent Fiume
Au sortir de la première phase de ce que nous pouvons appelé avec Ernst Nolte la « guerre civile européenne », le continent vit dans le tumulte fiévreux du droit des peuples, dans la ligne des préceptes de Wilson. Une majorité de la ville de Rijeka/Fiume (3) réclame à ce moment une traduction politique de son attachement culturel à l'Italie. Si la cité est occupée par un corps expéditionnaire de l'Entente (pour laquelle s'est finalement décidée la monarchie italienne en 1915), les grenadiers de Sardaigne, chauds partisans du rattachement, ont été éloignés de Fiume. Mais les anciens combattants patriotes n'en restent pas là, le 31 août 1919 par le serment de Ronchi, ils jurent que Fiume restera à l'Italie. Sur la route du retour soldats démobilisés, déclassés et aventuriers de toutes espèces se joignent aux grenadiers. Ils sont vingt-mille en arrivant à Fiume, une grosse division bientôt rejointe par le Dante Alighieri et l'Emmanuel Filiberto, bâtiments de la marine italienne ralliés à la cause et par une myriade d'aviateurs, tant militaires que civils, qui amènent leurs appareils. Il faut un chef à cette troupe disparate et c'est le francophile Gabriele d'Annunzio, poète et aventurier, qui met sa verve au service de cette « légion déglinguée ».
Le principal problème des insurgés est d'inscrire leur coup de force dans la durée. Nous ne sommes déjà plus à l'époque où les hommes pouvaient se contenter de « vivre sur le pays ». Si les nationalistes fournissent le gros de la troupe, ce sont les syndicalistes interventionnistes (4) qui s'attachent à l'intendance. Alceste de Ambris, ami de D'Annunzio mais aussi de Malatesta (5), le disciple de Bakounine (6), se joint à la lutte fiumaine. C'est un autre ami de De Ambris qui s'occupera plus concrètement du ravitaillement de la ville portuaire : le capitaine Giuletti, secrétaire général des syndicalistes révolutionnaires de la Fédération des travailleurs de la mer. En octobre, les marins anarchistes détournent de sa route vers Vladivostok le cargo Persia, rempli d'armes initialement destinées à l'amiral blanc Koltchak.
L'entourage de gauche du comandante n'est pas sans influence sur l'écrivain nationaliste qui déclare vouloir faire de Fiume « le point de départ de la révolution mondiale ». Ils le prennent d'ailleurs au mot et début 1920 ce sont les anarchistes, les anarcho-syndicalistes et les syndicalistes révolutionnaires qui les premiers le pressent d'effectuer la marche sur Rome qui abattra cet ordre bourgeois honnis par tous les rebelles de Fiume, quelques soient leurs origines politiques. Les fascistes mettront l'idée en pratique, mais ils n'en auront pas la paternité...
Mussolini joue d'ailleurs un rôle ambivalent dans l'aventure de Fiume. Si son journal Il Popolo d'Italia soutient les insurgés, il voit en D'Annunzio un dangereux rival. Il détourne la souscription du quotidien au seul profit de ses troupes et évente les initiatives des rebelles en leur « offrant » une précoce publicité.
Depuis le 20 septembre 1920, devant le manque de soutien de l'état italien (qui veut bien de Fiume mais guère d'une révolution des extrêmes coalisés), Gabriele d'Annunzio a élevé le territoire en état indépendant : la régence de Quarnero (Kvarner pour les Croates), où il affermit son pouvoir personnel. Autre déconvenue, l'aile gauche des fiumains qui veut lier le mouvement à la grève générale des cheminots, se heurte au refus du PSI et de la CGL, peu enclins à s'associer à la racaille légionnaire. La population commence elle aussi à se détacher des mutins. De foyer révolutionnaire elle dégénère selon les propre mots de Malaparte en « une seigneurie italienne de la Renaissance, troublée par les luttes intestines, tarée par l'ambition ». Si D'Annunzio semble enclin à collaborer, au moins tactiquement, avec les forces de la gauche radicale (à l'inverse de l'ancien socialiste Mussolini), il ne possède pas cet esprit moderne de calcul, froid et révolutionnaire, que le chef du fascisme a hérité de ses classes marxistes. L'aventure se termine misérablement à la toute fin de l'année 1920, dispersée par l'armée italienne. C'est la fin sans gloire de la Fiumana (7)...
Les vieux-nationalistes de la botte ont en fait mal suivi, effrayés par les escadrons de déclassés nourris d'injustices et porteurs de progrès social. Effrayés comme la bourgeoisie giolittienne (8) par la faune de Fiume : Bersaglieri démobilisés et caïmans de la Piave, aux passés judiciaires aussi noirs que leurs chemises. La grande fluidité des idées et des forces dans l'immédiat après-guerre explique que ce que nous considérons comme des radicalités inconciliables aient pu cohabiter un temps. Partage des eaux politiques par la suite ou dérive d'un fascisme allié aux puissances réactionnaires de l'armée, de l'Eglise et de l'argent ? Reste les grandes messes où le chef communie avec son peuple, style dont le fascisme usera et abusera. Reste surtout de Fiume un « nationalisme d'un style nouveau, teinté de préoccupations sociales, qui est le produit de la guerre » (9). Il se traduit dans la charte hybride de Quarnero, composée à quatre mains par D'Annunzio et De Ambris (10). Si elle est d'inspiration corporatiste, elle affirme cependant la primauté du travail sur la propriété privée des moyens de production et limite le droit de propriété en général à l'intérêt de la communauté. Les hiérarques de Mussolini, véritable Janus de Fiume, s'en inspireront pour la charte du travail de 1927 du fascisme-régime.
L’esprit de Fiume se retrouve dans le conseillisme allemand
Cette socialisation et cet esprit « au dessus des syndicats et des vieux partis », on les retrouve dans le conseillisme de deux allemands : Heinrich Laufenberg et Fritz Wolffheim. C'est parmi les ouvriers des chantiers navals et les marins du port d'Hambourg que les deux amis trouvent le plus d'échos et un soutien fidèle. Mais leur influence sur l'histoire du communisme allemand a été bien plus grande, bien qu'elle fût courte et antérieure à leur période nationaliste (11).
Apôtres des conseils et héritiers de Lassalle (12) autant que de Marx, ils s'opposent naturellement à ceux qui veulent faire du KPD (Kommunistiche Partei Deutschland/Parti communiste allemand) un parti-régiment sur le mode léniniste, négligeant l'expression organique de l'organisation ouvrière que sont les conseils d'ouvriers et de soldats. En avril 1920, ils participent à la fondation du KAPD (Kommunistische Arbeiterpartei Deutschlands/Parti communiste ouvrier allemand). Plus de la moitié des 107.000 adhérents du KPD leur emboîtent le pas. Leur fief de Hambourg dépasse même en effectif la section de Berlin. Si leur courant n'est pas le seul du nouveau parti, ce sont néanmoins deux meneurs de premier plan, qui contrôlent avec le KA-Z (Kommunistische Arbeiter-Zeitung/Le Journal du travailleur communiste) le principal organe de presse du parti. Le KPD et l'Internationale communiste (13) ne les ménagent pas. Ils attaquent aussitôt les hambourgeois, notamment sur un de leur thème de prédilection : la guerre populaire révolutionnaire face aux puissances capitalistes de l'Entente. Après trois mois, le KAPD se désolidarise de ses deux chefs (14), la pression de l'IC ne contribuant pas à apaiser les débats internes. Malgré cette déconvenue, leur succès ne se dément pas chez les prolétaires de la mer.
C'est donc l'Union des marins qui constitue le public privilégié et le bras militant des thèses de la Ligue des communistes, créée fin juillet 1920 et officialisée le 9 août, suite au divorce des hambourgeois et du KAPD. Déjà de février à mars (les deux de Hambourg sont encore des « gauchistes » au sein du KPD) ses marins ont refusé de livrer leurs navires de commerce, sacrifiés à la paix de Versailles et à l'appétit des vainqueurs. Puis le 27 mai, les délégués du KAPD au Comité exécutif de l'Internationale (15) ont fait de leur voyage un coup d'éclat. Ils se sont emparés du chalutier Sénateur Schröder et l'ont détourné vers Mourmansk. Le bateau est aussitôt rebaptisé : Laufenberg (16). La fronde navale des communistes du port de Hambourg fait grand bruit dans l'Allemagne de Weimar: Les rapports de Police se multiplient. Ils estiment (non sans excès et alarmisme) qu'à Berlin même, 50.000 des 60.000 ouvriers communistes suivraient ou seraient sensibles à la voie de Wolffheim et Laufenberg. La France qui craint, comme l'a écrit Bainville dans L'Action française le « chantage au Bolchevisme », en réponse au diktat de Versailles surveille également leurs déclarations publiques.
Les contacts des deux conseillistes avec les éléments révolutionnaires du nationalisme se précisent à partir du printemps. Ils sont sans doute les premiers à avoir utilisé le terme « national révolutionnaire » pour les désigner. Comme ils l'écrivent alors dans Moscou et la révolution allemande : « Le mouvement national révolutionnaire et le mouvement social-révolutionnaire en sont réduits l'un à l'autre ; ils n'ont pas d'organisation commune, mais leur réalisation politique se réalise dans la pratique » (17). La « soudure » avec la révolution conservatrice s'opère par la création avec l'écrivain nationaliste A.E Günther d'une Association libre pour l'étude du communiste allemand. Elle est dans les milieux intellectuels et militaires de Berlin, ce que la Ligue des communiste est aux ouvriers de Hambourg ; concrétisant ainsi l'alliance lassallienne du prolétariat et des classes moyennes paupérisées. Le 25 septembre 1920, sous son impulsion, l'Union des capitaines et officiers de la marine de commerce se mue lors d'un de ses congrès en Association unique des gens de mer. Les cadres navigants, contraints de battre le pavé après la livraison de la flotte commerciale, font cause commune avec leurs matelots. Son trésorier, le capitaine Giesler, y discute de la création d'une « marine rouge » et de l'organisation de la défense côtière. Les armateurs et les milieux d'affaires déchaînent leur presse contre cette affront de la « nation rouge ». Mais, isolé du mouvement ouvrier allemand par le KPD, soutenant l'empire soviétique qui les condamne par la voix de l'Internationale, l'impact des deux amis décline rapidement. Détestés par les milieux bourgeois comme par les socialistes, c'est tout naturellement la sociale-démocratie qui a tout à craindre de ces idées qui menacent de se muer en force nouvelle.
Laufenberg, déjà malade, s'éteindra en 1932. Wolffheim continuera d'exercer une nette influence dans ce qui est cette fois, à proprement parler, le national-bolchévisme de la Révolution Conservatrice. Détesté depuis toujours par les milieux völkisch pour ses origines juives, Wolffheim sera assassiné par un camp de concentration (18) du nazisme-régime.
Contrairement à ce dernier, les Hambourgeois n'ont jamais accepté de lier leur sort à la réaction capitaliste, même tactiquement, même pour un temps. Leur foi en la spontanéité des conseils les a poussé à rejeter tout ce qui, à leurs yeux, divise le peuple : syndicats et partis. Leur assimilation du prolétariat à l'écrasante majorité du peuple explique qu'ils ont emprunté au vocabulaire nationaliste l'expression Volksganz : « tout national ». Dans l'URSS de Staline, on parlera « d'état du peuple entier ». Enfin leur théorie de la « guerre populaire révolutionnaire », lutte de libération et non agression impérialiste, leur a permis de converger avec certains milieux de l'armée qui cherchaient la rupture avec une paix humiliante. Loin de vivre dans la crainte de la patrie bolchevique, les militaires allemands ont, en effet, longtemps souhaité l'alliance avec la Russie révolutionnaire (19), notamment contre la Pologne. La décolonisation et ses guerres de libération nationale ont offert une gloire posthume aux deux alchimistes d'un communisme dans la nation. Comme l'a si justement écrit Sébastien Haffner : « La révolution socialiste [du Tiers-Monde] porte partout le drapeau nationaliste » (20).
Le nationalisme progressiste des marins
Que le port et ses hommes soient un foyer d'agitation et une matrice de révolutionnaires, l'Histoire nous en livre des exemples nombreux. Le célèbre muet : Cuirassé Potemkine d'Eisenstein, le cinéaste de Staline, a immortalisé un de ses « orages » à l'écran. Outre l'armée des marins, l'économie capitaliste et son souci rationnel a rapproché les industries de l'arrivée des matières premières, augmentant encore la concentration prolétarienne. Véritable baril de poudre social au premier rang des bouleversements économiques ; des travailleurs à l'esprit de corps et de classe n'hésitent pas à placer une mèche à son sommet. Quant au communisme national des marins de Hambourg et au nationalisme social des flibustiers de Fiume, est-ce plus qu'un hasard ? La préoccupation sociale est une relative innovation du nationalisme des fascismes, même si elle est finalement marginale. Volonté de progrès sincère ? Probablement pour une partie d'entre eux, souvent des socialistes transfigurés par l'expérience de la guerre. En tous les cas cet aspect social a constitué un précieux outil de propagande à destination des masses. Si cette cohabitation dans la misère et la peur des tranchés entre les soldats, paysans et ouvriers, et leurs modestes officiers explique la rencontre du nationalisme et du socialisme ; qu'en est-il de la figure du marin dans cette équation ? Près de nous, la prise de contrôle du Pascal Paoli par les militants du Syndicat des travailleurs corses, lié au nationalisme insulaire, pèse dans le débat. On trouve un début de réponse dans l'organisation hiérarchisée, organique, d'un navire, à la manière d'une unité militaire. Ce qui explique la dimension sociale du nationalisme soldatique (d'Ernst Röhm aux Croix-de-Feu), explique sans doute le nationalisme progressiste de ces marins. En tous les cas si De Ambris et Wolffheim avaient triomphé en lieu et place de Mussolini et d'Hitler, l'Europe aurait écrit une page de son histoire moins tragique...
notes
1 - A lire, l'excellent livre de Jean-Jacques Marie, Cronstadt, Fayard, 2005.
2 - Quoique pas tous, il s'est trouvé des anarchistes pour justifier ce massacre.
3 - Rijeka est le nom slave de ce qui est aujourd'hui la troisième ville de Croatie. Elle est appelé Fiume par les italiens et les hongrois. Les deux toponymes dérivent du mot « rivière ».
4 - Partisans de l'intervention italienne au côté de la France, la Russie et l'Angleterre dans la première guerre mondiale. L'aile gauche de l'interventionnisme est principalement représentée par le syndicat UIL (Unione Italia del Lavoro/Union italienne du travail), dont Alceste de Ambris est un des leaders. Il s'oppose au « pacifisme révolutionnaire » du PSI (Partito Socialista Italiano/Parti socialiste italien) et de la centrale syndicale majoritaire, la CGL (Confederazione Generale del Lavoro/Confédération générale du travail). Il constitue peu ou prou l'expression syndicale du premier fascisme (les débuts des Faisceaux Italiens de Combat), républicain, social et révolutionnaire, dit aussi « 19eiste » (de 1919).
5 - Malatesta, rentré d'exil courant 1920, soutiendra également la cause fiumaine, mais avec une arrière pensée que n'avait sans doute pas De Ambris : se débarrasser en cours de route des nationalistes... La franc-maçonnerie italienne compta également nombre d'adeptes du rattachement de Fiume à l'Italie, par idéal jacobin.
6 - Même si il critique l'idéalisme au nom de l'anarchisme, Bakounine ne cache pas dans Dieu et l'Etat sa sympathie pour Mazzini et Garibaldi.
7 - Sur le sujet : Albert Londres, D'Annunzio conquérant de Fiume, Julliard, 1990.
8 - Giovanni Giolitti est l'homme d'état symbolique de l'Italie libérale de la première partie du XXe siècle. Il essaya de canaliser le fascisme comme il l'avait fait avec le socialisme.
9 – Page 53 de Pierre Milza et Serge Bernstein, Le Fascisme italien 1919-1945, Seuil, 1980.
10 - Ils seront sollicités pour figurer sur une liste du Bloc national (qui associe les fascistes aux libéraux et aux conservateurs) aux élections du 15 mai 1921 (avant la création du PNF en novembre). Les deux amis refuseront. Alceste de Ambris devra fuir l'Italie pour la France en 1926, Gabriele d'Annunzio apportera un soutien critique au régime fasciste (on peut cependant rapprocher son attitude de « l'exil intérieur » d'Ernst Jünger sous le nazisme). Il meurt en 1938.
11 - On associe trop souvent l'épithète national-bolchévique aux deux leaders de Hambourg. Le terme est impropre puisque justement leur tendance s'oppose au spartakisme « bolcheviste », accusé par Laufenberg et Wolffheim de putchisme et de trop subordonner le destin de la révolution allemande à la sauvegarde du seul pays déjà socialiste (qu'ils soutiennent néanmoins). Louis Dupeux, dont la thèse est la somme la plus complète sur le national-bolchevisme et ses acceptations, qualifie leur idéologie de « nationalisme communiste ». Puisqu'ils ont mûri un développement nationaliste sur une base communiste, il est juste sur un plan historiographique autant que politique de les considérer comme des communistes nationaux, au moins pour l'époque de leur collaboration.
12 - Ferdinand Lassalle (1825-1864, il fût tué lors d'un duel) est l'adversaire de Marx et d'Engels au sein du socialisme allemand (Marx lui reprochant, entre autres choses, son dialogue avec Bismarck). Son influence la plus notable et la plus durable est sa conception « élargie » du prolétariat qui mord largement sur les classes moyennes. L'ennemi du peuple (le prolétariat regroupant 89% voir 96,25% de la population selon lui) se réduit alors à une mince couche d'exploiteurs et d'ultra-capitalistes. On peut rapprocher sa formule des différents Front populaire qui ont triomphé en Europe longtemps après sa mort.
13 - Lénine n'épargne pas les deux camarades dans sa Maladie infantile du communisme (ainsi qu'Erler, un pseudonyme de plume de Laufenberg, ce que l'homme d'Octobre ignore). Karl Radek, représentant de l'Internationale communiste en Allemagne, n'est pas moins avare de critiques, et ce bien avant leur évolution « nationaliste ».
14 - L'histoire « autorisée » du KAPD de B. Reichenbach (Zur Geschichte der KAPD) fait tout pour minimiser, voir occulter, le courant national-communiste.
15 - Même séparé du KPD, le KAPD reste jusqu'en 1921 sympathisant de l'Internationale.
16 - Reichenbach rapporte le fait d'armes mais se garde de rappeler le changement de patronyme.
17 - Cité p.137 in Louis Dupeux, Stratégie communiste et dynamique conservatrice, Paris/Lille, 1976. On songe évidemment à Ernst Jünger : « Toutes les forces révolutionnaires à l'intérieur d'un même Etat sont alliées invisiblement, malgré leur opposition mutuelle. L'ordre est de ce fait l'ennemi commun ».
18 - Funeste démenti à la Centralverein deutscher Staatbürger jüdischen Glauben, la grande centrale des juifs allemands accusait Wolffeim de collusion avec les nazis. p. 90 de Jean Pierre Faye, Langages totalitaires, Hermann, 2004.
19 - Le traité de Rapallo du 16 avril 1922 entre l'Allemagne et l'URSS en est une ébauche. L'hostilité double aux communistes et aux russes slaves est donc une particularité du nazisme. La Révolution Conservatrice allemande et l'armée étant plutôt favorable à une collaboration avec la république des soviets.
20 - Page 294 in Profils Prussiens, Gallimard, 2003, également repris page 55 de l'excellente préface d'Alain de Benoist aux morceaux choisis de l'œuvre de Niekisch (aux éditions Pardès).
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L'année 1917
Le chemin des Dames
Au cours de la Première Guerre mondiale, 1917 fut l'année de tous les dangers. Elle commença en effet par la célèbre et désastreuse offensive du chemin des Dames, ordonnée par le général Nivelle. On a le cœur serré au spectacle de cette tragédie, désastre humain qui jaillît bien tourner au désastre militaire et politique. Mais qui était responsable ?
Pourquoi le président du Conseil, Briand, et ses ministres avaient-ils nommé Nivelle au détriment de chefs plus chevronnés et plus haut placés, Foch, Pétain ou Castelnau? Ce choix plut à l'état-major de Chantilly, d'autant plus qu'il avait été proposé par Joffre, mais déplut à la plupart des officiers.
Toutefois. en 1916, Nivelle avait contre-attaqué avec brio à Douaumont et multiplié les contre-offensives pour briser l'effort allemand contre Verdun. Or les politiques étaient avides d'une victoire que la plupart des militaires estimaient encore lointaine.
Nivelle, commandant en chef
L'offensive préconisée par Nivelle devait prendre les Allemands en tenaille dans le saillant d'Arras, Noyon et Soissons, et, pensait-on, réduire de beaucoup la durée de la guerre. L'attaque prudente et progressive prévue par Joffre devait se transformer en assaut concentré sur deux jours, destiné à rompre le front.
Par malheur, fin février, les Allemands se replièrent sur la ligne Hindenbourg, échappant à la prise en tenaille, et, début mars, ils s'emparèrent sur un officier tué des plans de l'opération. Tout était donc à refaire. Ou plutôt à ne pas faire, car le repli allemand avait fait perdre toute confiance dans l'attaque aux militaires et aux politiques.
De plus, à l'issue d'un hiver difficile, le moral des troupes était bas. Le nouveau président du Conseil, Ribot, ne se montrait pas enthousiaste, et le ministre de la Guerre, Painlevé, qui avait accepté de revenir après avoir donné sa démission à la nomination de Nivelle, l'était encore moins.
Pétain ne croyait pas à la percée. « Nous ne possédons pas les moyens de la réaliser. Les posséderions-nous qu'il nous faudrait des troupes fraîches pour l'exploitation. Disposez-vous des cinq cent mille hommes qui seraient alors nécessaires ?» Les Britanniques, eux aussi, se montrèrent sceptiques, même s'ils accomplirent avec loyauté leur part de l'effort. Seuls deux hommes gardaient confiance : Nivelle et Poincaré.
La responsabilité de Poincaré
Néanmoins, Nivelle, se trouvant seul contre tous, offrit alors sa démission. Mais l'homme de la situation était là: Poincaré, président de la République et par conséquent chef suprême des armées. Poincaré, qui avait joué un si grand rôle pour rendre la guerre inévitable, et qui par la suite devait contribuer avec ardeur à l' exaspération de l'Allemagne vaincue. Poincaré, donc, loin d'accepter la démission de Nivelle, décida que l'offensive aurait lieu.
La perspective de l'action et les importants mouvements de matériel que sa préparation entraînait fit cependant remonter un peu le moral, et même les Russes (on était à quelques mois de la révolution soviétique) acceptèrent d' y prendre part. Nivelle, qui avait établi son quartier général à Compiègne pour être plus près du front, faisait la tournée des popotes, déclarant: « Fini, cette fois, le barbotage dans la boue des tranchées! Le Boche sera reconduit tambour battant à ses frontières et au-delà. Vous entrerez dans les lignes ennemies comme dans du beurre lorsque notre formidable artillerie aura arrosé leurs tranchées et anéanti leurs défenses ».
À l'arrière, l'optimisme était aussi de mise. Tous discutaient des préparatifs en cours avec beaucoup d'enthousiasme ... mais peu de discrétion. Dans les bureaux, on en vint même à étudier des plans de démobilisation.
Pendant ce temps, les Allemands renforçaient leurs défenses et arrosaient les premières lignes d'un tir in-'cessant et meurtrier; un second coup de chance fit même tomber entre leurs mains, le 4 avril, les plans du dispositif de la cinquième armée et ses objectifs: c'était un simple sergent-major de zouaves qui en était porteur. Ce fait jeta la consternation à l'état-major, mais ne suffit pas à ébranler la confiance de Nivelle et encore moins celle de son chef de cabinet. le colonel Audemard d'Alençon. Ce dernier expliqua le la mai à un général de division ce qui allait se passer dans le secteur du chemin des Dames : « Nous arriverons ici, ici et ici, et ce sera fait ! » Le général murmura : « Nous y arriverons, ou nous n'y arriverons pas ... » En première ligne, Mangin attendait l'offensive avec optimisme, au point que le général Micheler confia à Clemenceau (alors sénateur) qu'il trouvait ses préparatifs "téméraires".
De plus, les premiers essais des chars d'assaut s'étaient révélés décevants. Peu avant, quatre-vingts d'entre eux s'étaient fait détruire en une seule attaque. Le troisième bureau considérait pour sa part que le mauvais temps à lui seul était un obstacle rédhibitoire.
À l'aube du 16 avril
L'offensive eut lieu malgré tout, sous une pluie glaciale qui avait duré toute la nuit, dans une boue que le dégel faisait monter dans les tranchées jusqu'à hauteur des genoux.
Le 16 avril, à six heures du matin, un million de fantassins sortirent des tranchées sur 65 km de front. Ils atteignirent les premières lignes allemandes, les secondes. parfois les troisièmes. Pour se rendre compte avec stupeur que l'artillerie n'avait détruit ni les réseaux de fil de fer barbelé ni les nids de mitrailleuses. Car les tranchées allemandes étaient bétonnées, et des boyaux et des tunnels reliaient les postes entre eux. Les hommes furent fauchés par centaines, sans même se rendre compte d'où venaient les tirs !
Dès sept heures, la bataille de Craonne était perdue. À neuf heures. elle l'était à Laffaux. L'artillerie ayant pris du retard à cause des intempéries. elle déclencha trop tard un tir de barrage qui à plusieurs endroits écrasa ses propres troupes. À midi, le malaise régnait à l'état-major. L'arrivée des premiers trains de blessés répandit l'effroi à Paris. Dès onze heures, les troupes d'exploitation regagnèrent leurs cantonnements sans avoir été engagées. Beaucoup de combattants ne purent regagner les leurs qu'à la faveur de la nuit.
Fatalité ou aveuglement ?
Nivelle avait promis d'arrêter l'offensive si elle ne donnait pas de résultat en deux jours. Il n'en fit rien, et Poincaré refusa de s'en mêler ! Le 4 mai, l'assaut reprit, toujours sous une pluie glacée et sans préparation, faisant des centaines de morts en moins d'une heure à Laffaux. C'est le 15 mai seulement que Nivelle fut relevé de son commandement et remplacé par Pétain. Les combats ne purent cependant cesser tout à fait que vers le 22 mai.
L'afflux des blessés dans toute la France (les hôpitaux du front étaient débordés) sema la consternation. « On nous a assassinés ! » criaient aux passants depuis leurs camions les hommes ramenés au repos. La censure constata que le ton des lettres des soldats rescapés était des plus noir. Les officiers eux-mêmes ne voyaient plus d'issue à la guerre. La responsabilité de Nivelle, qu'il tenta en vain de rejeter sur ses seconds, était lourde.
Toutefois, lorsqu' il passa en conseil de guerre, aucune faute militaire ne fut relevée contre lui. Sans doute cet officier brillant, qui avait su séduire par son allure et son enthousiasme, avait-il été victime de son aveuglement. Mais force est de constater que, mis en présence des faits, Poincaré n'avait pas pris la décision d'empêcher l'offensive, au moment décisif où Nivelle lui-même était prêt à y renoncer.
C'est à Pétain que revint la tâche ingrate et pénible de faire face aux mutineries qui éclatèrent et de remonter le moral de l'armée. Ces mutineries sont la conséquence de l'échec sanglant de l'offensive, mais aussi d'une propagande pacifiste et de trahisons auxquelles l'attitude complaisante du ministère de l'Intérieur avait laissé le champ libre...
Pierre de Laubier. FDA août 2007
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La renonciation de Benoît XVI
Par Jérôme Bourbon.
Le 11 février, à la surprise générale, Benoît XVI a annoncé aux cardinaux lors d’un consistoire qu’il renonçait à occuper le siège de Pierre : « Après avoir examiné ma conscience devant Dieu, à diverses reprises, je suis parvenu à la certitude que mes forces, en raison de l’avancement de mon âge, ne sont plus aptes à exercer adéquatement le ministère pétrinien. Je suis bien conscient que ce ministère, de par son essence spirituelle, doit être accompli non seulement par les œuvres et par la parole, mais aussi, et pas moins, par la souffrance et par la prière. Cependant, dans le monde d’aujourd’hui, sujet à de rapides changements et agité par des questions de grande importance pour la vie de la foi, pour gouverner la barque de saint Pierre et annoncer l’Evangile, la vigueur du corps et de l’esprit est aussi nécessaire, vigueur qui, ces derniers mois, s’est amoindrie en moi d’une telle manière que je dois reconnaître mon incapacité à bien administrer le ministère qui m’a été confié. C’est pourquoi, bien conscient de la gravité de cet acte, en pleine liberté, je déclare renoncer au ministère d’Evêque de Rome, Successeur de saint Pierre, qui m’a été confié par les mains des cardinaux le 19 avril 2005, de telle sorte que, à partir du 28 février 2013 à vingt heures, le Siège de Rome, le Siège de saint Pierre, sera vacant et le conclave pour l’élection du nouveau Souverain Pontife devra être convoqué par ceux à qui il appartient de le faire. »
UN UNANIMISME SOVIETOÏDE
Aussitôt cette décision a été saluée unanimement. Par les media qui ont loué ce geste témoignant d’une grande modernité. Par le monde politique, de la gauche à la droite nationale. Par les dignitaires des diverses religions et confessions, les organisations juives se montrant particulièrement élogieuses. On retiendra notamment le communiqué du Congrès juif mondial, dithyrambique : « Aucun pape avant lui n’avait visité autant de synagogues. Il a rencontré des représentants de la communauté juive à chaque fois qu’il s’est rendu à l’étranger. Aucun pape avant lui n’avait fait autant d’efforts pour améliorer les relations avec les juifs, sur autant de niveaux. » Le Conseil représentatif des institutions juives de France n’est pas en reste (voir ci-dessous son communiqué), non plus que le grand rabbin d’Israël qui se dit « reconnaissant envers le pape Benoît XVI pour tout ce qu’il a fait pour renforcer les liens entre les religions et promouvoir la paix interconfessionnelle » Il faut dire que Josef Ratzinger a maintes fois répété que l’Ancienne Alliance n’a jamais été abrogée, que l’interprétation juive de la Bible est parfaitement possible, qu’il a décoré moult rabbins, reçu plusieurs fois au Vatican le B’nai B’rith (en 2006 et 2011), condamné à maintes reprises le révisionnisme (sans jamais dénoncer les peines de prison infligés en Occident aux chercheurs et historiens ne croyant pas en l’“Holocauste”), visité nombre de synagogues de Rome à Cologne. On s’explique ainsi aisément l’hommage universel qui lui est rendu. Nous reviendrons plus longuement la semaine prochaine sur le bilan de ses quelque huit ans de règne.
LES RAISONS D’UN DEPART
Reste à s’interroger sur les raisons de cette renonciation. La raison officielle est son état de santé. Il ne tiendrait pas à finir comme son prédécesseur dont le délabrement et l’agonie très médiatisés se sont éternisés. Nous ne savons évidemment rien des éventuels problèmes de santé de Benoît XVI mais il ne semble pas en tout cas que ses capacités intellectuelles soient altérées puisque deux jours avant cette annonce il méditait quasiment sans notes la première épître de saint Pierre avec les séminaristes de Rome ! Ce qui est sûr en revanche, c’est que cette décision contribue à désacraliser la fonction qu’il affirme incarner. En 1964 Paul VI avait déjà déposé la tiare, ce qui était un geste fort. Celui de Benoît XVI en ce mois de février 2013 est tout aussi significatif. De même que depuis Vatican II les curés et les évêques doivent prendre leur retraite à 75 ans et que les cardinaux sont privés de droit de vote à partir de 80 ans révolus, l’occupant du siège de Pierre prend désormais sa retraite tel un vulgaire PDG ! Les conséquences de cette décision seront innombrables : dès que son successeur tiendra des propos controversés, dès qu’il vieillira, on l’incitera à démissionner. A terme, au rythme où vont les choses, on pourrait même envisager des mandats limités dans le temps comme cela se fait dans les démocraties pour les différents élus, de la mairie à la présidence de la République. Ce serait pousser la logique démocratique et la collégialité conciliaire à leur paroxysme.
Certains observateurs pensent que cette subite renonciation pourrait être liée à l’affaire VatiLeaks, le majordome particulier de Benoît XVI, Paolo Gabriele, ayant dérobé des documents confidentiels faisant notamment état de corruption, de malversations, de népotisme et de favoritisme dans la gestion des biens immobiliers de la cité vaticane. D’aucuns affirment que la décision de Benoît XVI s’expliquerait en grande partie par l’échec, au moins temporaire, des pourparlers avec la Fraternité Saint-Pie X. Depuis son élection le 19 avril 2005, Josef Ratzinger avait entrepris de “normaliser” l’œuvre fondée par Mgr Lefebvre. En recevant son supérieur général Mgr Fellay à Castel Gandolfo en août 2005. En promulguant en juillet 2007 le Motu Proprio Summorum Pontificum faisant de la messe tridentine (cependant modifiée par les réformes de Jean XXIII) une « forme extraordinaire » du rite romain. En levant en janvier 2009 les excommunications des quatre évêques sacrés par le fondateur de la Fraternité Saint-Pie X. En organisant des colloques doctrinaux avec les “lefebvristes” entre 2009 et 2011. En proposant la signature d’un préambule doctrinal en échange de l’octroi d’une prélature personnelle pour Mgr Fellay.
Ces efforts qui ont failli être couronnés de succès en juin 2012 ont finalement été vains. Tout comme, semble-t-il, la dernière lettre de Mgr Di Noia envoyée en janvier par l’entremise de Menzingen à tous les prêtres de la FSSPX. Les dirigeants de la commission Ecclesia Dei, Müller et Di Noia, auraient d’ailleurs fixé un ultimatum au 22 février, soit quelques jours seulement avant le départ de Benoît XVI (étrange coïncidence !) pour que Mgr Fellay acceptât le préambule doctrinal du 13 juin 2012. Cet échec est une défaite cinglante pour Benoît XVI qui avait mis au centre de ses préoccupations et de son action la résolution du « problème FSSPX ». […]
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Les Femen à la mosquée ? "Elles seraient pendues!"
Lu dans Le Figaro:
Si l'avocat ne veut pas illustrer son propos en se lançant dans les comparaisons, Mgr Patrick Jacquin, le recteur de la cathédrale, n'hésite pas à reprendre l'interrogation qui s'empare de l'opinion: «Pensez-vous que si cela s'était passé dans une mosquée, il y aurait eu une telle désinvolture dans la manière de les appréhender?, relève-t-il. D'ailleurs, notez qu'elles ne s'attaquent jamais aux mosquées, et pour cause, elles seraient pendues!».
« Le manque d'entrain pour interpeller ces femmes était flagrant dès le début, dit-on à l'archevêché de Paris. Cela se voit sur les vidéos, après avoir été évacuées par nos surveillants, elles ont continué bien tranquillement à scander leurs slogans, dénudées sur le parvis. La police ne s'est pas pressée d'intervenir alors que le commissariat est à côté.»
À l'heure où se tient le procès de plusieurs catholiques qui étaient montés sur la scène du Théâtre de la Ville à Paris pour contester le caractère blasphématoire et christianophobe de Sur le concept du visage du fils de Dieu , une pièce où des excréments étaient déversés sur le personnage du Christ, certains jugent qu'il y a deux poids deux mesures. Les prévenus, qui comparaissent depuis le 1er février devant le tribunal correctionnel de Paris, «ni nus ni violents», témoigne Catherine, une spectatrice, s'étaient mis à prier et chanter des cantiques sur la scène et crier «Dieu est là», «Honte à vous de regarder ça». Interpellations immédiates, gardes à vue de 24 heures et même de 26 heures, au-delà du délai légal, pour l'un d'entre eux. Trois ans d'emprisonnement et une forte amende, c'est ce qu'ils encourent aujourd'hui.
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Un billet intéressant, contre toute attente, est publié au sujet des Femen sur le site du Nouvel Obs :
[…] Les églises sont des lieux qui commandent le respect, quoi que l'on pense de l’Église, parce qu'elles sont le dépositaire d'une histoire commune, le lien qui relie des hommes à leur passé et à leurs ancêtres.
Qui visite la Basilique de Vézelay sans être ému par la lumière qui irradie la place mérite d'être réincarné en Femen.
Les églises sont une incarnation française, un legs transcendant les clivages de tous ordres. Voilà pourquoi, du reste, la loi de séparation de 1905 s'empressa d'incorporer les édifices religieux dans le patrimoine de l’État.
Là est l'erreur, la faute même, des Femen.
En exhibant leur pauvre et pathétique vulgarité, leur triste et agressive nudité, leur affligeante et terrifiante indignité, leur terrible et abyssale inculture au sein de Notre-Dame de Paris, elles n'ont pas seulement injurié le pape, à l'institution catholique, elles s'en sont pris, aussi et surtout, à la spiritualité française, aux forces de l'esprit pourrait-on dire, qui habitent ces vieilles pierres taillées et sculptées par des inconnus il y a dix siècles pour la beauté du geste.
La France est un pays où l'on peut bouffer du curé à volonté mais où l'on n'aime pas que l'on touche à ce qui incarne les forces de l'esprit. C'est l'une de ces contradictions qui font encore le charme, encore, de ce pays, et visiblement les Femen ne l'ont pas compris. L'ont-elles seulement appris ? […]
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Démocratie obligatoire...
... où l'agonie d'un système véreux. Dommage que l'astéroïde 12DA14 nous évite ! Avec un poil de chance il serait tombé sur le Palais Bourbon. La classe politique, informée de l'aversion qu'éprouvent de plus en plus de gens à son endroit, voit dans le vote obligatoire une garantie de survie. Car s'il est des pays où les mœurs politiques acceptent qu'un adulte sur trois se déplace le jour d'une élection, l'abstention est en France un inquiétude pour le pouvoir, convaincu depuis la Révolution de la profonde inclination insurrectionnelle de l'électorat. Ne pas voter y est ressenti comme le signal d'une désapprobation latente plus qu'un désintérêt. Hélas, ces messieurs toujours en course n'ont cessé de débecter le bon peuple, non tant par leur conduite publique et personnelle qui est parfois répréhensible, que par la reconstruction à leur profit du mode d'expression d'un choix canalisé.
Truquer le mode de scrutin pour dégager des majorités relatives en rebrassant les résultats électoraux entre les deux tours, présélectionner par diverses contraintes les écuries partisanes autorisées à concourir, instrumentaliser l'administration locale au bénéfice du sortant, tout est fait pour qu'une opinion "formée" par l'école et les médias exprime un choix prédigéré, comme au sweepstake sur une ligne de chevaux préparés ; et qu'à la fin soit conduit dans les caisses des partis le flux le plus fort possible de subsides publics, outre le pouvoir acquis.
Sans faire un cours sur l'abstention, on peut rappeler qu'au-dessus d'un socle incompressible dû à l'actualité des listes ou à la présence des inscrits, s'ajoute une strate de ronchons impénitents, mais au-delà, on trouve une population dégoûtée que leur avis ne soit pas pris en compte (question des référendums) et que l'élection de représentants ne soit qu'une mise au grattage ou au tirage, les élus restant libres ensuite de faire n'importe quoi, sinon d'obéir à un caporal-chef de groupe parlementaire que l'électeur de base ne connaît pas.
A ce sujet, le processus d'élaboration et approbation du mariage gay réunit tous les vices de consentement public. Projet en poupée russe, pas d'avis éthique reçu, scrutin disciplinaire, autisme "en démocratie" à l'endroit de la foule, clivage recherché de l'opinion, affaissement de l'argumentaire au ras du caniveau. Trois pour cent des Français (3% selon la Gauche populaire¹) ont jugé la mesure prioritaire, quatre-vingt-dix pour cent exprimant la primauté du social sur le sociétal. Qu'à cela ne tienne, on va lancer le vote des étrangers dans le jeu de quilles !La proposition de loi électorale déposée par la Droite de l'UMP (ça doit faire un petit centre) invoque les mânes des sacrifiés de l'histoire pour que vive la démocratie française, sans se douter que beaucoup de ces courageux marchaient au rythme du devoir de leur charge plus qu'à espérer sauver un régime politique précis, encore moins le présent système qu'ils auraient eu bien du mal à imaginer, tellement il est à dessein compliqué. Il se sont battus sous les ordres de leurs officiers pour bouter l'envahisseur hors du territoire et protéger leur familles, leurs copains, leur mode de vie, leurs coutumes et la liberté mesurée que leur laissaient leurs moyens de subsistance. Le mot "démocratie" est entré très tard dans le vocabulaire courant des familles, et malgré quelques échantillons éphémères en 48 et en 70, il n'a pas convaincu. Alors l'amalgame démocratie-liberté est de rigueur dans la doxa républicaine car il est plus facile de vendre le système auréolé d'une aspiration naturelle de chaque individu, la liberté, plutôt qu'un concept sec dont la définition insulte immédiatement la réalité.
La liberté sera donc balisée dans son expression et pour sa défense, sous astreinte de 15€ l'absence, portée à 45€ en cas de récidive. C'est incroyablement belge. Votez ! je le veux ! On atteint là au comble de l'infantilisation, et il m'étonnerait que le Français moyen forme les faisceaux de cannes à pêche parce qu'on le veut contraindre. De quel mandat se prévalent ces semi-députés² pour forcer les autres à entrer dans le cirque ? Celui de leur incommensurable orgueil. Vive la Confédération helvétique, NDD !
http://royalartillerie.blogspot.fr/
(1) courant minoritaire du PS opposé frontalement à la gauche-caviar parisienne (clic)
(2) la majorité absolue des inscrits est très rare, sauf à offrir une piscine à chaque électeur. -
Francs Tireurs Patriotes - 6 Février 1934