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  • Tout va trop vite ! Et si on ralentissait ?

    Constamment sollicités et bombardés d’informations, nous nous agitons souvent en vain. Au boulot comme dans la vie, il faut savoir lever le pied pour gagner en efficacité. Il existe d’ailleurs un mouvement de société en faveur du slow management, slow sexe, slow tourisme… et même du slow drinking. Mais quels sont les bienfaits de la lenteur ?

    Slow management, slow sexe, slow tourisme, slow design… la slow attitude se propage dans tous les champs de notre vie. En guise de fil rouge, un désir : celui de pren­dre son temps et de ne plus subir l’urgence. «La lenteur est une forme de résistance à l’accélération du rythme quotidien, affirme Pascale Hébel, directrice du département consommation du Crédoc. Car les répercussions néfastes de cette course con­tre la montre sont nombreuses au 21ème siè­cle : stress, mal-être, insatisfaction quant à la qualité de vie, etc.» Ce phénomène a pris une telle ampleur qu’on ne peut le réduire à un simple effet de mode. D’autant que le concept ne date pas d’hier et qu’il résonne aujourd’hui à l’échelle mondiale, comme l’a démontré le journaliste Carl Honoré dans «Eloge de la lenteur», un best-seller traduit en plus de 20 langues (1).

    Prendre le temps de savourer la vie. C’est au milieu des années 1980, en Italie, qu’un mouvement slow apparaît pour la première fois, le «slow food». En réaction au fast-food et à toute la nébuleuse de la malbouffe, l’association Slow Food vise, dès sa création, à sensibiliser les individus à notre patrimoine culinaire mondial et à lut­ter contre l’uniformisation du goût. Choisir ses produits intelligemment et prendre le temps de les déguster procède d’une certaine vision du monde, aux antipodes de la «McDonaldisation» de la planète. Le mouvement revendique aujourd’hui 100.000 membres dans le monde entier.

    Depuis peu, ce modèle s’applique aussi à la boisson. Boire «slow», c’est renoncer à engloutir d’un trait et à la chaîne les ver­res d’alcool pour se consacrer au plaisir de savourer, lentement mais sûre­ment. Et la lenteur s’immisce jusque sous nos couettes : les auteurs de «Slow Attitude. Oser ralentir pour mieux vivre» (2) consacrent un chapitre entier de leur livre à la nécessité de lever le pied dans nos rapports amoureux et sexuels. Le vrai truc aujourd’hui pour être dans le coup – et surtout pour vivre mieux –, c’est de prendre son temps et de ralentir le rythme frénétique de nos existences.

    Equipés d’objets électroniques toujours plus rapides – la vitesse des connexions devrait septupler d’ici à 2017 –, nous ne laissons pas se reposer notre cerveau, sollicité du matin au soir, sept jours sur sept. La bête noire de l’adepte du «slow» est d’ailleurs son smartphone. Une étude de l’Institut national du sommeil et de la vigilance révèle des chiffres étonnants. Ainsi, 42% des Français dorment avec leur téléphone allumé, sous prétexte d’utiliser l’alarme. Or celle-ci fonctionne même lorsque le mobile est éteint. En fait, les individus ont un mal fou à déconnecter, même la nuit. Réveillées par un SMS, deux personnes sur trois lisent leur message. Pis, une sur cinq y répond ! Sans parler de ceux qui consultent leur téléphone en l’absence même de sonnerie. Persuadés d’avoir entendu leur appareil vibrer ou sonner, 67% des dormeurs disent ainsi avoir reçu des «coups de fil fantômes», selon le Pew Research Center’s Internet American Life Project.

    Si les Smartphone facilitent notre vie à bien des égards, ils se révèlent aussi un outil envahissant. Ils permettent surtout de pointer un paradoxe. Si les nouvelles technologies nous font gagner du temps, d’où vient alors ce sentiment d’en manquer ? Le sociologue et philosophe allemand Hartmut Rosa a planché sur la vitesse (3), phénomène clé de nos sociétés postmodernes. Sa conclusion : ce sentiment vient du fait que les sollicitations augmentent et se renouvel­lent à un rythme effréné (toujours plus d’offres de divertissement, de sources d’information). N’y aurait-il d’autre alternative que «courir ou mourir» ? Le penseur met en garde contre les dangers d’une décéléra­tion : «Dans la roue du hamster, nul ne peut ralentir». Ce qui ne l’empêche pas d’encourager les résistances au niveau individuel pour éviter des sorties de route fatales.

    Quand lenteur rime avec performance. On commencera donc par couper son télé­phone à certains moments de la journée, pour calmer le jeu… mais aussi accroî­tre ses performances. C’est ce que Leslie Perlow, professeure de leadership à la Harvard Business School, explique dans un livre (4). L’auteure est à l’origine d’une expérience me­née au sein du Boston Consulting Group (BCG), à laquelle ont participé la quasi-totalité des consultants des bureaux de Boston, New York et Washington. Il a été décidé que tous seraient injoignables dès 18 heures, un soir par semaine. L’expérience a été concluante. Non seulement les cobayes ont été plus nom­breux que leurs collè­gues des autres bureaux à se déclarer satisfaits de l’équilibre entre vie pro et vie perso (54% con­tre 38%), mais ils ont aussi jugé leur travail de meilleure qualité (65% contre 42%). D’une manière plus globale, les participants étaient plus nombreux à envisager de rester dans l’entreprise à long terme (58% contre 40%). Quant aux clients du cabinet, loin de se plaindre de l’expérience, ils ont été enthousiasmés par ses retombées positives

    Interdiction de lire ses e-mails le soir. Dans le sillon du BCG, deux entreprises allemandes ont pris des mesures similaires. Henkel a décrété fin 2011 une trêve des mails entre Noël et le jour de l’An, tandis que Volkswagen signait un accord pour bloquer l’accès aux smartphones professionnels à partir de 18 heures. En résumé, face à la difficulté des utilisateurs à déconnecter, ce sont finalement les entreprises qui ont pris les devants. Rares sont celles qui ont cependant admis les vertus de la lenteur. Car cette stratégie du «lent» repose sur une idée qui va à contre-courant de notre manière habituelle de travailler : le principe est de per­dre du temps pour en gagner. La lenteur n’est donc pas l’ennemie de l’efficacité. Ainsi, une sieste de vingt minutes peut faire gagner 20% de productivité (5).

    Mais piquer un roupillon sur son lieu de travail n’est pas encore très bien vu. «Les dirigeants commencent quand même à percevoir les bénéfices de ces temps de pause, expliquent Arabelle Laurans et Marion Périn, consultantes chez HR Valley, société de conseil en ressources humaines. Ils ont compris, par exemple, que les conversations devant la machine à café aident les collaborateurs à se connaître et à mieux communiquer, donc à gagner du temps lors­qu’ils tra­vaillent ensemble. La pause constitue aussi un temps pour penser autrement et sortir du mode automatique, où l’on fait la même chose, de plus en plus vite.» En effet, pendant ces moments où on lève le pied, on laisse au repos le cerveau gauche – celui de la rationalité et de la logique – pour stimuler le cerveau droit, celui de l’intuition et de la créativité.

    Procrastiner peut se révéler productif. Il y a les pauses-café, celles du déjeuner, et puis, il y a les vacances ! Encore faut-il savoir en profiter et ne pas passer son temps à lire ses mails. Aux Etats-Unis, seuls 2% des salariés débranchent leur Smartphone et leur ordinateur portable durant cette période. «Il est impératif de déconnecter pour se poser les bonnes questions : sur quels sujets suis-je essentiel et sur lesquels ne le suis-je pas ? affirment Arabelle Laurans et Marion Périn. Et oser se dire que toute question ne mérite pas forcément une réponse immédiate…»

    Ce qui nous amène au concept controversé de «procrastination positive». Selon une étude de l’université Carleton, près de la moitié du temps passé «online» au bureau aurait pour but de retarder l’exécution d’une tâche. «Ne jamais remettre au lendemain ce que l’on pourrait faire le surlendemain», écrivait Mark Twain. Et si cet aphorisme nous permettait de gérer notre temps plus intelligemment ? En observant les habitudes de travail d’une équipe composée des vainqueurs de la compétition Intel Science Talent Search, des chercheurs se sont aperçus que le groupe procrastinait de façon productive : les équipiers parvenaient ainsi à hiérarchiser leurs priorités tout en évacuant le stress, heureuse combinaison ayant pour résultat de les rendre plus efficaces (6).

    Si bénéfiques soient-elles, la sieste, les pauses, la procrastination et les vacances ne restent que des réponses individuelles à un problème plus général. Pour le penseur Hartmut Rosa, les véritables solutions doivent avant tout être collectives. Et à rechercher dans l’entreprise. Les Scandinaves ont ainsi adopté le «new way of working», qui consiste à changer d’espace de travail en fonction du type d’activité, donc à optimiser son environnement. Un mode d’organisation encore difficile à implanter en France. Atos l’a fait et quelques projets pilotes sont en cours, mais rares sont ceux qui sont portés jusqu’au bout. «Les entreprises demeurent trop focalisées sur des problématiques de surface, alors que les enjeux se situent ail­leurs, affirme Frédérique Miriel, consultante chez AOS Studley, société de conseil immobilier. L’espace de travail doit permettre aux collaborateurs de s’installer à l’endroit qui convient le mieux aux tâ­ches qu’ils ont à effectuer et à leur rythme de travail à un moment donné.»

    Des bureaux flexibles et modulables. Chez AOS Studley, les salariés arrivent ainsi le matin avec leur laptop [ordinateur portable] et choisissent leur place : bureaux isolés, espaces collaboratifs… «Travailler dans un cadre rigide est inepte, affirme Gilles Betthaeuser, PDG de la société. De même, forcer les gens à travailler quand ils n’ont rien à faire n’a pas de sens.» Notre temps de travail n’est en effet pas linéaire, surtout dans certains métiers qui connaissent des amplitudes très fortes. «Notre modèle est archaïque et corseté, poursuit Gilles Betthaeuser. Il favorise les dérives. A l’avenir, l’entreprise devrait pouvoir mobiliser ses ressources en cas de besoin et les laisser en veille quand ce n’est pas nécessaire.»

    Le «homeworking» s’inscrit dans cette logique de flexibilisation. C’est un temps privatif qui permet de souffler. «La question de l’organisation du travail n’est pas simplement liée au type d’espace proposé, souligne Frédérique Miriel. Il y a une véritable réflexion à mener autour du ma­nagement des équipes, des règles de vie et d’usage… Finalement, la lenteur apporte une meilleure maîtrise de son temps, et cela passe forcément par une plus grande autonomie des collaborateurs.» Modulaire, flexible, décloisonné, multiforme, virtuel… C’est peut-être en imaginant le bureau du futur que notre rêve de pouvoir prendre son temps deviendra une réalité.

    Notes :

    (1) Carl Honoré, “Eloge de la lenteur”, éditions Marabout, septembre 2005.

    (2) Sylvain Menétrey & Stéphane Szerman, “Slow Attitude ! Oser ralentir pour mieux vivre”, Armand Colin, juin 2013.

    (3) Hartmut Rosa, “Accélération. Une critique sociale du temps”, éditions La Découverte, avril 2010.

    (4) Leslie A. Perlow, “Sleeping with Your Smartphone. How to Break the 24/7 Habit and Change the Way You Work”, Harvard Business School Press, mai 2012.

    (5) Etude menée en 2004 chez Leblon-Delienne, fabricant normand de statuettes en résine, par le cabinet de formation Genèse des ressources.

    (6) Rena Subotnik, Cynthia Steiner & Basanti Chakraborty, “Procrastination Revisited : The Constructive Use of Delayed Response”, “Creativity Research Journal”, 1999.

    Capital

    http://fortune.fdesouche.com/330611-tout-va-trop-vite%E2%80%89-et-si-ralentissait%E2%80%89#more-330611

  • L'influence de J.J. Bachofen sur Julius Evola

    Outre les nombreuses références à l'œuvre de J.J. Bachofen qu'il trouve dans Révolte contre le monde moderne, le lecteur d'Evola découvre l'importance du théoricien suisse du matriarcat primitif dans un article paru dans Nuova Antologia en 1930 (cf. J. Evola, « Aspetti del movimento culturale della Germania contemporanea », in I saggi della Nuova Antologia, Ed. di Ar, Padova, 1982 ; tr. fr. : « Aspects du mouvement culturel de l'Allemagne contemporaine », in Totalité n°23, automne 1985) et dans son livre Sintesi di dottrina della razza (Ed. di Ar, Padova, 1978). Dans sa préface, le traducteur de la nouvelle version française de Révolte contre le monde moderne (L'Âge d'Homme, 1991), Philippe Baillet, souligne à juste titre que l'œuvre de Bachofen est tout aussi importante pour la maturation des idées de Julius Evola que celle du pur traditionaliste français René Guénon. En effet, après sa période philosophique et dadaïste, Evola a recherché le socle extra-philosophique solide, tangible et réel pour asseoir sa métaphysique traditionnelle, étant entendu que ce socle pré-philosophique précède, de par son immuabilité, toute spéculation philosophique et échappe aux dégénérescences du devenir et du bavardage en chambre.
    Doctrine de l'éveil et matriarcat
    Ce socle s'est constitué chez Evola par un double recours : d'une part, au bouddhisme et à la doctrine de l'éveil (laquelle implique notamment l'Abgeschiedenheit, le détachement par rapport aux vanités du monde, aux vanités de ceux qui ne savent dompter ni leur corps ni leur esprit) ; d'autre part, à l'œuvre de J.J. Bachofen.
    Celui-ci a mis en lumière, la « signification spirituelle et la mission de la romanité classique » (cf. art. cit., Totalité, 23, p. 18), en posant comme acquise l'existence de 2 cultures universelles, l'une reposant sur le principe féminin (la culture méditerranéenne et pélasgique des origines, avec son culte de Démeter ou d'Isis, de Cybèle ou d'Ashtart, etc.) ; l'autre reposant sur le principe masculin, qui apparait dans le bassin méditerranéen par l'avènement du culte « thrace-hyperboréen » de l'Apollon delphique et de celui des héros solaires (Thésée, Jason, Cadmos, Héraklès). La lumière, « principe incorporel dépourvu de génération, immortel en soi en tant qu'essence simple et identique » se place au centre de ce nouveau « monde ouranien », propre de ceux qui « sont », par opposition à ceux qui « deviennent ».
    La culture grecque classique, matrice de l'« Occident », procède donc, pour Evola, de ce principe héroïco-ouranien, mis en exergue par Bachofen. Pour ce qui concerne la romanité, Bachofen, dans son ouvrage sur la légende de Tanaquil (Die Sage von Tanaquil, Heidelberg, 1870), oppose une culture démétrico-tellurique portée par les anciennes cultures pré-romaines (étrusques, sabines, etc.) à une culture portée par des conquérants romains (nordiques), une culture virile, quiritaire et militaire. Pour Bachofen, et à sa suite Evola, la dynamique de l'histoire antique repose sur cet antagonisme irréductible entre principe féminin et principe viril. Cette vision transparaît clairement dans Révolte contre le monde moderne, et, dans une moindre mesure comme le souligne Philippe Baillet (op. cit.), dans Métaphysique du sexe.
    La clef hermétique
    Révolte contre le monde moderne est rigoureusement construit sur des schémas dérivés de Bachofen : civilisation du Père / civilisation de la Mère, spiritualité olympienne et solaire / spiritualité tellurique et lunaire, etc. (cf. P. Baillet, op. cit.). Evola tire donc de Bachofen, une « clef herméneutique » qu'il va appliquer à tous les niveaux de la réalité et à toutes les cultures (Baillet, op. cit.). L'opposition des 2 mythes est présent au sein de toutes les cultures et, pour que celles-ci demeurent, ne chavirent pas dans l'« infra-humain démonique », il faut que triomphe le principe viril, solaire et ouranien ; il faut qu'il apporte forme à la matière féminine. Pour souligner l'importance de sa dette à l'égard de Bachofen et pour marquer les différences qui existent entre les conclusions et l'approche de Bachofen, d'une part, et les siennes, d'autre part, Evola écrit, dans Le chemin du Cinabre (Ed. Arché & Arktos, Milan/Carmagnola, 1982 ; tr. fr. : P. Baillet) :
        « Avec ces approches [celles de Bachofen] s'ouvrait pour moi un vaste et nouveau domaine dans lequel on pouvait appliquer et développer sur un arrière-plan grandiose de mythologies et d'interprétation de l'histoire la théorie des “deux voies”. Il fallait unir, dans une synthèse articulée, les apports de Guénon, de Wirth et justement de Bachofen. Mais je repoussai le schéma évolutionniste de Bachofen. Le savant suisse avait en effet supposé un passage progressif de l'humanité antique d'un stade de promiscuité primoridale à la civilisation démétérienne de la Mère et de la Femme Divine, et puis un dépassement graduel de celle-ci dans la civilisation héroïco-paternelle liée à des cultes et des mythes ouraniens et héroïques et à une société positivement organisée (Bachofen avait vu là la “naissance de l'Occident” contre “l'Asie”). Au contraire, je fis remarquer la nécessité d'introduire une conception dynamique et de faire correspondre aux phases évolutives présumées d'une race humaine unique des influences opposées portées par des races différentes, agissant et réagissant l'une sur l'autre. En second lieu, on devait selon moi contester le caractère plus récent (de dernier “stade évolutif”) de la civilisation ouranico-patriarcale et virile. En effet, cette civilisation se rattacha toujours, directement ou indirectement, à la tradition primordiale hyperboréenne elle-même, et on ne peut parler de son caractère plus récent que dans un sens relatif et local, dans les cas où cette tradition apparut et s'affirma, à travers des migrations, dans des régions qui se trouvaient auparavant sous le signe de la vision opposée de la vie et du sacré... » (p. 90).
    Une typologie raciale tirée de Bachofen
     Dans Sintesi di dottrina della razza, Evola puise également dans la carrière bachofenienne pour élaborer sa propre typologie raciale, induisant une hiérarchisation qui privilégie les types solaires/ ouraniens, générateurs de cultures. Citons cet extrait significatif, p. 161 :
        « En traitant des différentes gradations de la virilité et de la solarité, tout spécialement dans l'orbite des mystères antiques et des traditions connexes de la Méditerranée, Bachofen distingue opportunément le stade apollinien et le stade dionysiaque. Ici aussi, les analogies cosmiques lui servent de base. Il existe en effet deux aspects de la solarité. L'un est celui de la lumière en tant que telle, ce qui revient à dire qu'il participe d'une nature lumineuse immuable et céleste ; tel est le symbole apollinien ou olympique, que l'on retrouve par exemple dans le culte delphique ; on doit le considérer comme un filon de la pure spiritualité hyperboréenne, s'élançant jusqu'à la Méditerranée ; tel est le stade qui, comme nous l'avons vu, définit la race de l'homme solaire. L'autre aspect de la solarité est celui d'une lumière qui nait et s'estompe, qui meurt et ressuscite, puis meurt une nouvelle fois et connait une nouvelle aurore, qui est, en somme, une loi du devenir et de la transformation.
        Au contraire du principe apollinien, nous avons affaire ici à la solarité dionysiaque. C'est une virilité qui aspire à la lumière au travers d'une passion, qui ne peut pas se libérer de l'élément sensuel et tellurique ni de l'élément extatique-orgiastique, propre aux formes les plus basses du cycle démétérien [Evola ajoute en note que c'est sur cette solarité-là que se base la conception de Ludwig Klages, qu'il qualifie de vitaliste et d'irrationaliste. Cf. L'Arc & la massue,, ch. VII]. Le fait que l'on ait associé, dans le mythe et dans le symbole de Dionysos des figures féminines et lunaires est, de ce point de vue, assez significatif. Dionysos n'achève pas son trépas, ne change pas de nature. Il représente une virilité qui est encore terrestre, malgré sa nature lumineuse et extatique.
        Le fait que les mystères dionysiaques et bacchiques ont été associés à ceux de Démeter, plutôt qu'au mystère purement apollinien, indique clairement le point final de l'expérience dionysiaque : c'est un “mourir et devenir”, non sous le signe de cette infinitude, qui est au-delà de toute forme et de toute finitude, mais bien plutôt de cette autre infinitude, qui se réalise et dont on jouit en détruisant formes et finitudes, et qui se rapporte, en conséquence, aux formes de la promiscuité tellurico-démétérienne... Du point de vue racial, on ne s'étonnera pas de constater que l'homme dionysiaque, sous les oripeaux du romantique, est très largement présent dans les races nordiques, qu'elles soient germaniques ou anglo-saxonnes. Ce qui nous confirme, une fois de plus, qu'il faut bien distinguer la race primoridale nordico-aryenne des races nordiques des époques plus récentes »  (pp. 162-163).
    Dans la revue La Torre, qu'Evola a dirigée en 1930 et dont il est sorti dix numéros (entre le 1er février et le 15 juin), 3 extraits de l'œuvre de Bachofen ont été traduits et publiés : « Il simbolo » (n°7 ; extrait de Urreligion und antike Symbole, Leipzig, 1926, b.1, pp. 283-284) ; « La donna regale e la nascita di Roma » (n°9 ; extrait de Die Sage von Tanaquil, Heidelberg, 1870 ; tr. it. : Dr. Otto Lanz) ; et « La missione occidentale di Roma » (n°10 ; suite de l'article précédent).
    Symboles et indicible
    Ces 3 extraits ont été jugés fondamentaux par leurs traducteurs, Otto Lanz et Evola lui-même. Dans « Il simbolo », nous lisons :
        « Les mots rendent fini l'infini ; les symboles conduisent l'esprit au-delà des frontières du monde fini en devenir, dans le monde infini et réel. Ils suscitent des pressentiments, sont signes de l'indicible et, comme l'indicible, ils sont inépuisables (...) En cela réside la dignité occulte du symbole et la puissance des représentations mythiques qui y sont liées... ».
    Dans cette définition, nous retrouvons la quête de l'Evola traditionaliste qui a succédé à l'Evola philosophe qui ne trouvait pas de socle ni de certitude affirmée, capable de transcender le nihilisme en marche, dans les spéculations philosophiques conventionnelles. Le mythe, surplombant le grouillement du devenir, insensible au nihilisme qui se déploie, suggère infinité et réalité immuable et intangible.
    À la fin du second extrait de Die Sage von Tanaquil, nous lisons :
        « Rome, la cité aux origines aphroditiques prend peur d'avoir négligé pendant si longtemps la Mère et de s'être presque entièrement consacrée au principe viril de l'Imperium... Avec Pompée, Brutus, Cassius et Antoine, l'Orient subjugue l'Occident et, à leur chute, s'accomplit la ruine de l'Asie ».
    Evola rappelle, dans Le chemin du Cinabre (p. 90), qu'il a traduit une série d'extraits de l'œuvre de Bachofen, 250 pages en tout, qui n'ont pu paraître qu'en 1949 chez l'éditeur Bocca sous le titre Les Mères et la virilité olympienne - Études sur l'histoire secrète du monde méditerranéen antique. Dans la préface qu'il a rédigée pour ce recueil (reproduite dans Alfred Bäumler, Nietzsche e Bachofen, Ed. Lupa Capitolina, Padova, 1985 ; cette introduction a également constitué un article dans la revue Via Solare), Evola résume toute la dette qu'il doit à l'explorateur suisse des cultes antiques grecs et romains. Jugeons-en par ces quelques extraits :
        « Chez Bachofen, ce qui est intéressant, en tout premier lieu, c'est la méthode. Cette méthode est neuve et révolutionnaire par rapport au mode général, scolaire et académique de prendre les civilisations, les cultes et les mythes antiques en considération, précisément parce que ceux-ci sont “traditionnels” au sens supérieur. Nous voulons dire par là que le mode par lequel l'homme appartenant à toute civilisation traditionnelle, parce qu'il est anti-individualiste et anti-rationaliste, aborde le monde de la religion, des mythes et des symboles est plus ou moins le même mode que celui par lequel Bachofen a cherché à découvrir le secret du monde des origines. La prémice fondamentale de toute l'œuvre de Bachofen, c'est d'affirmer que le symbole et le mythe sont des témoignages, dont doit tenir compte sérieusement toute science historique complète.
        Ce ne sont pas des créations arbitraires, des projections venues de l'extérieur ou de la fantaisie poétique : ce sont, bien au contraire, des “représentations des expériences propres à une race et interprétées à la lumière d'une religiosité spécifique”, obéissant à une logique et à une loi bien déterminées. Par ailleurs, le symbole, la tradition, la légende ne doivent pas être pris en considération et évalués à l'aune de leur “historicité”, au sens le plus restreint du terme (...) Ce qui doit être interrogé, c'est leur signification certaine en tant que fait de l'esprit, non leur signification à la fois problématique et historique. Là où l'événement enregistré et le document “positif” cessent de parler pour eux-mêmes, nous rencontrons le mythe, le symbole et la légende et nons pénétrons dans une réalité plus profonde, secrète et essentielle : dans une réalité dont les visages extérieurs, historiques et tangibles, que sont les sociétés, les races et les civilisations antiques ne sont que les conséquences ».
    Evola ajoute qu'un événement peut laisser ou ne pas laisser de traces. De même, sa signification intérieure peut demeurer ou non. Historiens et archéologues ont donc affaire à des événements enregistrés, dont ils ne peuvent plus comprendre la signification intérieure, et à des événements non consignés, ni par l'écrit ni par la trace archéologique, dont la signification intérieure demeure mais à un niveau métaphysique.
    Typologie des civilisations antiques
    Deuxième point, souligné par Evola : Bachofen inaugure une typologie des civilisation antiques.
        « En observant les mouvements propres aux diverses formes qui assumaient, dans le monde antique, les rapports entre les sexes, la recherche de Bachofen met en lumière l'existence de certaines formes typiques et distinctes de civilisation qui peuvent être reconduites à autant d'idées centrales, liées à leur tour à des attitudes générales, témoignant, elles, d'autant de visions du monde, du destin, de l'au-delà, du droit, de la société. De telles idées ont quasiment la valeur d'“archétypes” au sens platonicien : ce sont des forces qui donnent forme, en rapport étroit d'analogie avec les grandes forces inhérentes aux choses ».
        « Le monde que Bachofen prend en considération est essentiellement celui des civilisations antiques du bassin méditerranéen. La multiplicité chaotique des cultes, mythes, symboles, formes juridiques et coutumes que ce monde méditerranéen présente, laisse transparaître finalement, dans l'œuvre de Bachofen et sous des formes variées, l'efficacité de deux idées fondamentalement antithétiques : l'idée olympienne-virile et l'idée tellurique-féminine. Une telle polarité peut s'exprimer au travers des oppositions suivantes : la civilisation des Héros et la civilisation des Mères, l'idée solaire et l'idée chtonique-lunaire, la droit patriarcal et le matriarcat, l'éthique aristocratique de la différence et la promiscuité orgiastique-communiste, l'idéal olympien du “surmonde” et le mysticisme panthéiste, le droit positif de l'imperium et le droit naturel.
        Bachofen a découvert “l'ère gynécocratique”, c'est-à-dire l'ère dans laquelle le principe féminin est souverain. Cette époque correspond à un stade archaïque de la civilisation méditerranéenne, lié aux peuples pelasgiques ainsi qu'à un groupe de gentes du bassin méridional-oriental et asiatique de la Méditerranée. Bachofen a très justement relevé le fait qu'aux sources, un ensemble d'éléments, variés mais en concordance, rappelle sans cesse ces peuples à l'idée centrale, selon laquelle, à l'origine et à l'apogée de toute chose, se trouve un principe féminin, une Déesse ou une Femme Divine, incarnant les valeurs suprêmes de l'esprit ; face à elle, se place non seulement le principe mâle mais aussi celui de la personnalité et de la différence, lequel apparaît alors comme secondaire et contingent, comme sujet aux lois du devenir et de la déliquescence, tout à l'opposé de l'éternité et de l'immuabilité propres à la grande Matrice cosmique, à la Mère de la Vie. Cette Mère, en tant que telle, est la Terre, ou, en d'autres mots, la loi de la nature conçue comme un fait auquel même les dieux sont soumis ».
    Gynécocratie
        « La gynécocratie, c'est-à-dire la souveraineté de la femme, reflète la valeur mystique qui est attribuée à celle-ci dans la conception du monde gynécocratique. Par ailleurs, cette conception peut avoir pour contrepartie (dans ses formes les plus basses), l'égalitarisme du droit naturel, l'universalisme et le communisme. La non pertinence de tout ce qui est différence, l'égalité de toute singularité face à la Matrice cosmique, au principe maternant et “tellurique” (de tellus, la terre) de la nature dont provient toute chose et tout être et en laquelle, à nouveau, ils se dissolveront après une existence éphémère : voilà ce qui est à la base de la promiscuité communiste comme de la promiscuité orgiastique des fêtes, au cours desquelles, dans l'antiquité, on célébrait justement le retour à la Mère et à l'état de nature, et pendant lesquelles toutes les distinctions sociales étaient temporairement abolies. Le principe masculin n'a pas d'existence propre, outre la sienne individuée. Sur le plan matériel, il n'est que l'instrument de la génération, assujetti à la femme ou obscurci par la luminosité démétérienne des mères ».
        « En opposition nette à cette vision, nous avons, dans le monde antique méditerranéen, le cycle de la civilisation olympienne-ouranienne. Dont le centre ne peut être constitué par les symboles de la Terre ou de la Lune, mais, au contraire, par ceux du Soleil et des régions célestes (“ouraniques”, du terme grec ouranos) ; ni par ceux de la réalité naturaliste-sensuelle mais par ceux de l'immatérialité ; ni par ceux du giron maternel ni, encore moins, de la virilité phallique qui en est la contrepartie, mais par ceux de la virilité ouranienne, liée au symbole du Soleil et de la Lumière ; ni par ceux de la Nuit et de la Mère mais par ceux du Jour et du Père. L'idéal suprême, dans une telle civilisation, s'incarne précisément dans le monde “ouranien”, compris comme celui des êtres lumineux, immuables, détachés, privés de naissance, opposés au monde inférieur des êtres qui naissent, deviennent, trépassent après une vie éphémère parce que toujours mélangée à la mort. Tel est le plus haut point de référence de la religion d'Apollon et de Zeus : c'est la spiritualité “olympienne”, c'est la virilité immatérielle, c'est la “solarité” des dieux détachés de tout lien qui les lierait à la femme et à la mère et qui possèdent des attributs de paternité et de don ».
    La transposition d'Evola
    Cette dualité métaphysique et religieuse de l'antiquité, mise en évidence par Bachofen à la fin du siècle dernier, Evola l'a transposée dans son époque. Voulant incarner le principe solaire, mettant sa personnalité au service d'un avivage de la tradition virile/solaire, Evola transpose dans le monde moderne l'argumentation de Bachofen, qui étudiait des réalités antiques.
        « L'époque moderne est “tellurique”, non seulement dans ses aspects mécanistiques et matérialistes, mais aussi, et essentiellement, dans ses différents aspects “activistes”, dans ses diverses religiosités de la vie, de l'irrationnel et du devenir, qui sont toutes antithèses, précisément, de ces conceptions classiques et olympiques du monde. Keyserling, du reste, a cru pouvoir parler de ce caractère “tellurique” — c'est-à-dire irrationnel, lié essentiellement à des formes de courage, de sacrifice, d'élan et d'attachement privées de toute référence véritablement transcendante — que présente ce mouvement moderne des masses, que l'on appelle, en fait, “révolution mondiale”. Avec la démocratie, le marxisme et le communisme, l'Occident a pu réexhumer, dans des formes sécularisées et matérialisées, l'antique droit naturel, les lois niveleuses et anti-aristocratiques émanant de la Mère chtonienne, laquelle stigmatise l'injustice qu'est d'office toute différence : et le pouvoir conçu sur de telles bases, soit sur l'élément collectiviste, semble justement rétablir l'antique insignifiance du singulier, propre des conceptions “telluriques”.
        Avec le romantisme moderne, resurgit Dionysos : c'est le même amour pour l'informe, le confus, l'illimité et la même promiscuité entre sensation et esprit, la même antithèse par rapport à l'idéal viril et apollinien de la clarté, de la forme, de la limite. Finalement, Nietzsche, qui exalte Dionysos, est une preuve vivante et tragique de l'incompréhension moderne pour cet idéal, et de la “telluricité” de diverses provenances. En outre, après avoir lu Bachofen, il n'est pas difficile de constater le caractère “lunaire” propre au type plus diffus de la culture moderne : nous entendons par là une culture basée sur un pâle intellectualisme creux, une culture inféconde détachée de la vie, s'épuisant dans la critique, dans la spéculation et dans la vaine créativité esthétisante : soit une culture qui se trouve en étroite relation avec une civilisation qui a élevé le raffinement de la vie matérielle à de formes extrêmes (dans la terminologie bachofénienne, on dirait : aphroditiques) et dans laquelle la femme et la sexualité elle-même sont devenues des thèmes prédominants, au point d'atteindre un degré pathologique et obsessionnel ».
    Une critique de l'américanisme
     Concrètement, la critique évolienne/bachofénienne des faits de civilisation d'ordre tellurique, débouche sur une critique de l'américanisme, sommet de la modernité :
        « Dans la civilisation anglo-saxonne, et surtout en Amérique, l'homme épuise sa vie et son temps dans le monde abrutissant des affaires et dans la chasse à la richesse  — à une richesse qui, pour une bonne part, sert à payer le luxe, les caprices, les vices et les subtilités féminines — un tel homme, qui, tout au plus, s'intéresse au sport, a cédé volontairement à la femme le privilège, sinon le monopole, de s'occuper des choses “spirituelles”. C'est surtout pourquoi, nous voyons, dans cette civilisation, pulluler les sectes “spiritualistes”, spiritistes et occultistes, où la prédominance numérique de l'élément féminin est déjà en soi significative (deux femmes, Madame Blavatsky et Madame Besant, par ex., ont fondé et dirigé la dite Société Théosophique)... ».
    Nous voyons que ce jugement, dérivé d'une lecture de Bachofen annonce la critique évolienne de l'américanisme et des pseudo-spiritualités contemporaines (Masques et visages du spiritualisme contemporain, Pardès, 1991).
    Cette opposition constante, que Julius Evola, à la suite de Bachofen, perçoit dans l'histoire des civilisations antiques du bassin méditerranéen, entre un principe nordique/solaire/ viril/ ouranien et un principe autochtone/ tellurique/ féminin trouve une sorte d'équivalent dans les théories de Günther sur la nordicisation, puis la dénordicisation, du Sud de l'Europe, consignées dans ses 2 ouvrages sur Rome et la Grèce (Lebensgeschichte des hellenischen Volkes, Franz von Bebenburg Verlag, Pähl, 1965 ; Lebensgeschichte des römischen Volkes,  même éditeur, 1966). Les civilisations grecque et romaine déclinent, pour Günther, quand disparaissent progressivement l'hellénité (Hellenentum) et l'italicité (Italikertum), porteuses du « pantragisme » (Pantragismus) propre aux Indo-Européens selon Günther, au principe viril/solaire selon Evola.
    Mais la réflexion sur l'œuvre de Bachofen plonge Evola dans un vaste débat intellectuel qu'on ne saurait occulter ici. Les thèses de Bachofen sur le matriarcat primitif ont suscité bon nombre de controverses au sein des cénacles de gauche : chez Friedrich Engels, qui en parle dans L'origine de la famille, de la propriété privée et de l'État ; chez August Bebel, le théoricien social-démocrate allemand qui en déduit une théorie de la femme dans le socialisme ; chez Max Horkheimer, qui voit dans le déclin du matriarcat antique, l'origine de la société autoritaire ; chez Ernst Bloch, qui voit dans le culte de Gaïa-Thémis une des sources (et non pas la seule comme chez Bachofen) des principes qui feront ultérieurement le droit naturel.
    L'Éros cosmogonique
    Bachofen a également influencé Ludwig Klages, dans sa théorie de l'Éros cosmogonique et de la Magna Mater. Contrairement à Evola, qui affirme de manière tranchée l'opposition entre les polarités solaire/virile et lunaire/maternelle, Klages évoque une sorte de yin et de yang mêlant la lumière apollinienne, fécondante, et les symboles matriciels, tels l'œuf ou la cellule vitale primoridale, et oppose, d'une part, les forces de la vie, solaires et lunaires confondues, au créationnisme hébraïque :
        « En opposition tranchée au mythe juif de la création, qui veut que le monde ait été fait sur ordre d'un Dieu mâle, la Magna Mater émerge, selon la religiosité païenne, sur le mode d'une naissance, soit que la Terre, conçue comme une mère, l'a mise au monde, comme elle met arbres et plantes au monde, soit par partition de l'œuf primordial... Une terra mater et, en tant que telle, une pantwn mhthr, est la Pachamama des Péruviens, est Centeotl chez les Aztèques, (Yin chez les Chinois), Prthivi chez les Indiens, Isis et Neith chez les Égyptiens, Gaia et Déméter chez les Grecs, Tellus et Ceres chez les Romains, Nerthus chez les Germains et Belisana chez les Celtes » (cf. L. Klages, « Die Magna Mater : Randbemerkungen zu den Entdeckungen Bachofens », in H-J. Heinrichs, Materialien zu Bachofens »Mutterrecht«, Suhrkamp, 1975, pp. 114-130).
    Annonçant les travaux de Jan De Vries et de Georges Dumézil, Ludwig Klages explique la symbolique de la couleur noire, attribuée à la troisième fonction productrice, dont les divinités sont souvent telluriques et féminines :
        « Noire est la couleur de la profondeur de la terre tout comme du giron maternel. C'est ainsi que l'on explique la noirceur de la Demeter Hippia arcadienne des Phigaléens, dont le surnom était Melainh ; c'est ainsi que s'explique également le noircissement des visages, coutume, d'après Strabon, que pratiquent, avec grand soin, les femmes des Troglodytes, organisés selon les principes du matriarcat. Ces noirceurs font tout autant référence à la terre humide des champs qu'à la luxuriante puissance fécondante des marais et à l'obscurité de la tombe souterraine, ... » (Ibid.).
    Esprits juridiques matrilinéaire et patrilinéaire
    Klages opère la distinction entre l'esprit juridique matrilinéaire et l'esprit juridique patrilinéaire :
        « L'enfant né est mis au même niveau que le fruit qui a mûri et qui est tombé de l'arbre, naissance qui constitue la fin d'une série de procès, qui n'a été qu'entamée par l'ensemencement ; de cette façon, la mise au monde de l'enfant est placée côte à côte avec la moisson, ce qui fait disparaître dans l'insignifiance l'acte de l'homme qui a lancé la semence. Bachofen, pour ce qui concerne la légitimité des enfants telle que la concevaient les doctrinaires du droit dans l'antiquité romaine, a prouvé que la signification attribuée par le droit d'État au moment de la conception, était totalement inconnue dans le jus naturale. D'après le système naturel, la prima origo correspond à la naissance entièrement accomplie. Devenir et être accompli ont ici la même signification. Dans le système patrilinéaire, au contraire, on opère la distinction entre les deux et la prima origo commence avec l'ensemencement, non avec le fruit...
        Avec le principe de paternité, c'est l'idée de commencement qui est responsabilisante, tandis que dans le principe de maternité, c'est celui d'accomplissement-maturation. C'est là l'ensemencement et, ici, le fruit et la récolte qui sont pris en considération. Là, le devenir, c'est le commencement, ici, c'est la fin du développement. Là, il y a un avenir, ici, il n'y a qu'un passé ; là, il y a un début, ici, seulement une fin... D'après le droit matriarcal, c'est la maturation du blé qui est sa prima origo (et) sa moisson est en même temps naissance et disparition-mort (...). D'après le droit patriarcal, au contraire, l'origine se situe dans l'ensemencement, non dans la moisson ; d'après ce droit patriarcal, on prend l'espoir en considération ; le droit matriarcal, ne prend, lui, que l'accomplissement en considération. Sur le plan cosmique, la mise sur pied d'égalité entre l'accouchement et l'accomplissement-maturation s'exprime par le rapport que faisaient les Anciens avec la dernière phase de la lune. En effet, selon la croyance commune des Anciens et de bon nombre de tribus primitives, les déesses de la lune sont presque toutes des déesses de l'accouchement et les filles viennent plus facilement au monde pendant les nuits de pleine lune ».
    Et Klages poursuit, en citant Bachofen :
        « Le droit matrilinéaire ne connaît que des ancêtres ; le droit patrilinéaire ne connaît, lui, que des descendants... Le Père y apparaît comme le prwton kinoun, c'est-à-dire comme la première impulsion d'un mouvement, qui s'étendra devant lui, tout comme le fleuve s'écoule au départ de la source. La mère, au contraire, n'est jamais principium, mais toujours fin. Dans la longue succession des mères, chacune est représentante de la Terre, mère originelle ».
        « Dans les générations successives, la Mère originelle se porte vers l'avant : c'est pourquoi on l'appelle mhthr isodromh, c'est-à-dire la Terre, Mère originelle, qui suit pas à pas le rythme de la succession des générations ; incarnée dans les plus jeunes générations, elle constitue la fin, non le départ, de la longue lignée ; c'est pourquoi, dans ce système, ce sont les plus jeunes, oploterh, ceux qui ont avancés le plus loin, qui ont la préférence, et non les plus anciens » (Ibid.).
    Dans un autre ouvrage fondamental, Vom kosmogonischen Eros (1922 ; tr. fr. De l'Éros cosmogonique, Harmattan , 2008), Klages revient sur la question du droit naturel : « Bachofen a prouvé jusque dans le détail, qu'il existe un “droit naturel” se situant “au-delà du bien et du mal” et qui n'est troublé par aucun arbitraire légal (Gesetzeswillkür) ; ce droit naturel préserve le lien le plus intérieur, le plus profond, qui lie l'homme au monde et les hommes entre eux » (p. 227).
    L'Œuf primordial
    Les idéaux dérivant de l'esprit (Geist : instance que Klages oppose à la vie et à l'âme, Seele)  finissent par oblitérer ce “droit naturel”, voire le dénaturent. Pour Klages, les conceptions matrilinéaires, telluriques, symbolisées par l'Œuf primoridal, source d'une inépuisable fécondité, préservent l'intériorité la plus intime de l'homme, préservent les ressorts vitaux qui sont en lui. L'intellectualisme de l'esprit brise ces ressorts et remplace tous les réflexes organiques, naturels, par des déductions logiques et arbitraires, portées par une volonté de dominer. Ces quelques extraits de l'œuvre de Ludwig Klages montrent que certains cercles de la Révolution conservatrice plongent leurs arguments dans une “telluricité”, dont la définition remonte notamment aux travaux de Bachofen sur la société “pélasgique”. Ce culte allemand de la terre remonte bien évidemment au romantisme et à l'anthropocosmomorphisme de Carus. C'est dans ce recours à des valeurs telluriques que réside la grande différence entre l'approche philosophique/métaphysique de la Révolution conservatrice post-romantique et l'approche évolienne.
    Chtonique, dyonisiaque, apollinien chez Bäumler
     À l'époque nationale-socialiste, Alfred Bäumler,, disciple et préfacier de Bachofen, ennemi de Heidegger et membre de la NSDAP, relancera le débat en distinguant le “chtonique” du “dionysiaque” et de “l'apollinien”. Embrayant sur son pari pour le “mythe” contre le “logos”, Bäumler commence par souligner l'importance de l'œuvre de Bachofen, dans des termes semblables à ceux qu'utilisait Evola pour reconnaître sa dette envers le premier grand théoricien du matriarcat, sauf dans la conclusion, où il valorisait les réflexes “maternels”, en même temps qu'il entonnait un plaidoyer pour le retour aux mythes :
       « Bachofen est éloigné de toute historicisation du mythe. Il fait le contraire : il “mythise” l'histoire (...). Lorsque Bachofen déclare que “le mythe est histoire”, il veut dire “qu'il ne faut pas considérer que le contenu du mythe est fiction de poète, mais constitue un vécu réel de l'humanité historique”(...). [Bachofen] veut avoir affaire à l'histoire intérieure de l'humanité, à la mutation qui s'opère dans les sentiments et dans les modes de penser. Ce sont les expériences vécues les plus anciennes de la race humaine, que nous transmet le mythe. (...) Maternel est le passé, dans le giron duquel repose tout ce qui a été, en opposition à l'avenir, paternel et agité, dont il faut causer l'advenance ; maternel est le mythe en opposition au logos paternel ; et maternelle est avant toutes choses la nature, qui englobe l'homme, indifférente au fait qu'il ait fait des efforts pour s'élever ou non, et qui couche tous les hommes dans le même repos.
        La mère donne la vie, la mère apporte la mort ; elle est le destin incarné — et la “nature” des romantiques n'est finalement qu'un autre mot pour désigner le destin. La maternité, en tant qu'essence, ne tolère aucune division, fragmentation ou autonomisation. Elle est tout en une fois. Le mythe est maternel, parce qu'il nous donne d'un coup la totalité. La poésie et le droit sont saisis comme des expressions de la vie, qui est une ; poésie et droit relèvent donc du mythe, parce que l'unité de la vie ne peut être saisie que par le mythe » (A. Bäumler, « Bachofen, der Mythologe der Romantik. Einleitung zu Der Mythos von Orient und Occident : Eine Metaphysik der alten Welt », aus den Werken von J.J. Bachofen, hg. v. Manfred Schröter, München, Beck'sche Verlagsbuchhandlung, München, 1926, 2e éd., 1965, pp. CLXXXVI-CXCVI ; repris in : Hans-Jürgen Heinrichs, op. cit.).
    Cette approche de Bäumler, nous allons le constater, est différente de celle de Klages qui, à la suite de son inspirateur visionnaire et exalté, Alfred Schuler,, voit l'histoire comme un processus d'Entlichtung (d'assombrissement, littéralement de « dé-lumiérisation »), qui enclenche une série de processus catamorphiques : parcellarisation de l'humanité, fin de l'androgynité primitive, domination des femmes par les hommes, avènement de la volonté linéaire évolutive, donc de l'individualisme, de l'égoïsme et du subjectivisme qui atomisent l'humanité. Pour Schuler comme pour son disciple Ludwig Klages, l'Entlichtung contribue à fermer, à verrouiller, à étouffer la « vie ouverte », marquée par un temps cyclique, par l'éternel retour, par le règne des mères, par le temps des fêtes et de la joie collective (Cf. R. Steuckers, « Alfred Schuler », in Encyclopédie des Œuvres philosophiques, PUF, 1992).
    L'All-Leben
    Schuler et Klages nient toute valeur à l'histoire, tandis que Bäumler, philosophe politisé, et Krieck, le théoricien et historien de la pédagogie, également ennemi de Heidegger [taxant sa pensée de « nihilisme métaphysique »], raisonnent en termes vitalistes ; ils définissent tous deux la Vie comme un « cosmos vivant », un All-Leben.
    Mais cet All-Leben n'est pas irénique : c'est un monde de tensions perpétuelles, de luttes, de dynamique incessante. C'est le Mittgart (ou Midgard) de la mythologie scandinave ; il désigne un monde intermédiaire entre l'Asgard (monde des Ases, monde de lumière) et l'Utgard (le monde de l'obscurité). Ce Mittgart est soumis, dit Krieck, au devenir (urd) et aux caprices des Nornes, figures mythologiques féminines qui tissent le destin de chacun des hommes. Les périodes de paix, rares, qui ensoleillent le Mittgart, lieu de résidence des hommes, lieu où se déroule l'histoire, sont de brefs répits succédant à des victoires jamais définitives sur les forces du chaos, émanant de l'Utgard. Pour Krieck, chez les Germains, une force agissante et fécondante, désigné par la notion de Heil, anime la communauté nationale. Ce Heil induit un flux ininterrompu de force qui avive la flamme vitale d'une communauté ou d'une personne et accroît ses prestations, permettant, dans la sphère politique, de fonder et d'organiser un Reich, un État, un espace politique, pour accoucher de l'histoire. Attentif aux forces émanant de l'All-Leben, l'élite politique doit dresser les énergies du Volk, rentabiliser au maximum l'héritage qu'il véhicule dans ses gènes et ses institutions, car l'absence de dressage (Zucht) conduit au mixage indifférencié et à la dégénérescence des instincts et des formes (cf. R. Steuckers, « Ernst Krieck », in Encyclopédie des Œuvres philosophiques, PUF, 1992).
    En comparant ce qu'Evola, Klages, Schuler, Bäumler et Krieck tirent de leur lecture de Bachofen, nous nous replongeons dans l'un des débats essentiels qui a sous-tendu la Révolution conservatrice et nous constatons une oscillation permanente de la pensée entre les pôles maternels (Klages) et paternels (Evola), dont Krieck semble en avoir compris et pensé l'invariance et la pérennité. Son recours à l'All-Leben est proche du culte des mères chez Klages et Schuler ; sa volonté de fonder une pédagogie disciplinante, pour contrer le chaos et l'indifférenciation, le rapproche du culte solaire et du culte des formes que l'on retrouve chez Stefan George et Julius Evola.
    ► Robert Steuckers, Vouloir n°119/121, 1994. http://robertsteuckers.blogspot.fr/

  • En France, mieux vaut être immigré illégal qu’handicapé français

    PARIS (NOVOpress via le Bulletin de réinformation) - Une récente affaire vient démontrer qu’il vaut mieux être un immigré illégal qu’un Français handicapé, aux yeux du pouvoir.

    Jugez plutôt. Une jeune femme lourdement handicapée, âgée de 19 ans, s’est retrouvée dans une situation hélas bien connue des familles d’enfants ou adultes handicapés : elle devait rester chez ses parents qui, physiquement, ne pouvaient pas seuls la prendre en charge. Il n’y avait pas assez de places dans les structures institutionnelles adaptées pour l’accueillir. Il est vrai que l’Etat préfère souvent envoyer les Français handicapés à l’étranger, en Belgique notamment, plutôt que d’assumer son rôle en la matière…

     

    Lassés, les parents ont saisi les juridictions administratives. Le Tribunal administratif de Pontoise a ordonné à l’État de prendre toutes dispositions pour qu’une place en hébergement spécialisé soit trouvée à la jeune fille. Le tout sous peine d’astreinte.

    Mais le gouvernement n’a pas apprécié…
    Le ministre Marie‑Arlette Carlotti (photo) a décidé de contester cette décision devant le Conseil d’état. Elle souhaitait éviter la judiciarisation de ce genre d’affaires. Sans doute consciente du scandale que l’indécence d’un tel appel déclencherait dans la population, elle a fini par renoncer quelques jours plus tard.

    Le traitement de cette affaire est bien différent de celui de l’affaire Leonarda ?
    Les immigrés illégaux en situation d’urgence bénéficient de protections légales renforcées, de budgets supplémentaires, d’accompagnement par des associations subventionnées, de soutien médiatique d’envergure.

    Mais pour Amélie la jeune handicapée, pas de discours larmoyant du président de la République, pas d’indignation médiatique des pseudo‑artistes engagés, pas de scandale monté en sauce par les médias, pas de lycéens hirsutes manifestant pour défendre la République…

    La compassion républicaine est à géographie variable, à nationalité variable et, somme toute, à validité variable. Et pour cause : on voit mal des handicapés moteurs cérébraux mettre à feu et à sang des zones de non‑droit…

    http://fr.novopress.info/143228/en-france-mieux-vaut-etre-immigre-illegal-quhandicape-francais/

  • "Le FN a une marge de progression immense dans l'ouest de la France"

    Christophe Guilluy, géographe et auteur de « Fractures françaises », analyse le potentiel électoral du Front national.

    Marine Le Pen vise à présent la Bretagne, où elle était en déplacement ce samedi. Vous pensez que son parti a une réelle possibilité de progression là-bas?

    Le FN a globalement une marge de progression immense dans tout l'ouest. Et ce parti l'a bien compris. Les représentations de la France d'hier, tout comme la géographie électorale d'hier, sont en train de s'effacer. C'est la conséquence de la reconstruction sociale mais aussi économique des territoires. Aujourd'hui, il y a deux France, celle des métropoles, en phase avec la mondialisation, qui inclut les banlieues, et celle où se redéploient les nouvelles classes populaires. Des zones rurales, des petites villes, des petits villages, certaines zones périurbaines. Cela forme la France périphérique, où progresse le vote FN. Cette fracture touche à présent toutes les régions, y compris la Bretagne.

    Sur notre carte, les villes prenables par le FN sont pourtant toutes situées dans l’Est de la France…
    C’est parce qu’il faut avant tout regarder la dynamique électorale, la poussée très importante du vote FN dans l’Ouest aux dernières cantonales et évidemment à la présidentielle. Il augmente à l’extérieur des grandes métropoles, dans des territoires à l’écart de Rennes, Nantes, Brest ou Bordeaux.

    C'est la crise qui accélère ce processus?
    Ce qui vient de se produire en Bretagne est assez représentatif. Quand une entreprise du centre de la région vient à fermer, c'est le chômage total qui arrive. Dans cette France périphérique qui pèse 60% de la population, les mobilités sociale et résidentielle sont en train de s'effondrer. Compte tenu des logiques foncières et économiques, les gens sont coincés. Et c'est ce qui génère la radicalisation. Ce ne sont pas des territoires que la droite pourra conquérir. Ces populations ne sont pas pour le libre-échange, ne souscrive pas au programme économique de l’Ump. Depuis vingt ou trente ans, elles vivent l’échec des choix de gouvernements, qu’ils soient Ps ou Ump. Le FN parle maintenant à des actifs et à des jeunes qui ne sont plus du tout dans le clivage gauche-droite. Quand les champs du possible se restreignent, le vote FN augmente.

    Il n’y a que le FN qui soit audible dans ces territoires ?
    Le programme économique et social de Jean-Luc Melenchon est le même que celui de Marine Le Pen. Mais dans ces territoires, la question d’ordre culturel et identitaire est prégnante. Ce sont des personnes qui vivent à l’écart de la vie du monde, à l’écart de l’immigration. Quand Melenchon parle de l’ouverture des frontières, cela n’a pas d’impact. Il y a un discours à la fois social et culturel qu’a entièrement capté Marine Le Pen. Dire que c’est quelque chose de protestataire et de conjoncturel, c’est d’ailleurs se tromper sur l’analyse. Cela vient de très, très loin.

    Vous avez rencontré le président il y a dix jours. Vous écoute t-il ?

    Le gros problème de la classe politique dans son ensemble, c’est la représentation qu’elle se fait de la France. Elle est encore dans la France des trente glorieuses. L’enjeu est de prendre la mesure de cette nouvelle question sociale. Le vote FN n’est qu’un symptôme. En ce sens, il a un intérêt : il permet la prise de conscience des élus. Aujourd’hui, la France qui reste un pays très riche, tourne sans ses classes populaires. Tous ces gens, cela fait du monde. Et c’est le cœur du malaise français.

    http://www.voxnr.com/cc/politique/EFlkAVpFuFjUWgsRzk.shtml

  • Communautarisme LGBT au sein de la police et de la gendarmerie

    La revue professionnelle « L’Essor de la gendarmerie » relève que la gendarmerie pourrait être confrontée à une situation inattendue : « peut-être plus rapidement qu’on ne l’imagine (…), des couples de deux gendarmes masculins ou de deux gendarmes féminins ».

    Il existe d’ailleurs un site de rencontres, « Deltagay », destiné aux militaires, gendarmes, policiers, CRS et pompiers homosexuels, preuve que le communautarisme est sans limite.

    Et, depuis, 2001, il existe une association de policiers et gendarmes homosexuels dénommée FLAG en référence au « Rainbow Flag », drapeau homosexuel. Cette association – qui participe à la gay pride – est à l’origine de la fondation en 2004 à Amsterdam de l’ « European Gaycop Network », réseau européen de policiers et gendarmes homosexuels, bisexuels et transsexuels, qui est devenu ensuite l’ « European Gay Police Association ».

    Pour la petite histoire, FLAG tenait ses permanences au « Banana Café », bar homosexuel parisien fréquenté régulièrement par Frigide Barjot qui en portait le blouson durant toutes les conférences de presse de La Manif Pour Tous…

    Au fait, il serait intéressant de connaître l’affectation de ces gendarmes, policiers et CRS homosexuels durant les manifestations contre la loi Taubira et d’évaluer leur éventuel zèle à appliquer quelques ordres « musclés » de Manuel Valls…

    lire la suite sur http://medias-presse.info/communautarisme-lgbt-au-sein-de-la-police-et-de-la-gendarmerie/

  • Pour un nationalisme permaculturel

    Vivre, c'est se protéger

    Un long travail de guerre culturelle a été accompli par l'idéologie dominante en Occident pour culpabiliser dans les populations l'idée de « fermeture », et ses corollaires dans les notions de frontière, de limite et de protectionnisme. Depuis les années 1970, pour être quelqu'un de bien, il faut rester « ouvert », et en particulier souscrire sans conditions au sans-frontiérisme. On pense notamment à l'officine d'influence Open Society Institute de George Soros ainsi qu'au champ lexical du marketing et aux éléments de langage en vigueur dans les médias.

    Or, aucune espèce vivante ne peut survivre physiquement sans un territoire doté de frontières, de limites, de contours. Le premier territoire est le corps, dont l'intégrité est assurée par la peau, ou du moins une membrane protectrice. La vie n'existe pas sans un épiderme qui distingue l'intérieur de l'extérieur, ce qui suppose nécessairement un certain degré de fermeture. L'idéologie dominante de l'ouverture inconditionnelle des frontières et de la levée de toutes les limites est donc une idéologie de mort, l'équivalent de l'ouverture de la peau.

    La notion de « fermeture » mérite ainsi une réhabilitation pleine et entière dans le champ de la praxis politique. Fermer est synonyme de « protéger l'intégrité », « assurer la sécurité et la pérennité ». Pendant des millénaires, pour se protéger des agressions, toutes les places fortes et les cités d'importance étaient fermées par des remparts, des murailles, des reliefs et des plans d'eau naturels ou artificiels, ce qui leur a permis de se perpétuer jusqu'à notre époque. Dans cette perspective de « fermeture positive », l'échelle locale à privilégier de nos jours est celle de l'État-nation, doté de frontières et de limites fixes. Les raisons en sont simples : face au mondialisme, dont la logique est structurellement aliénante, les échelles régionales ou de tailles encore inférieures sont impuissantes à assurer la protection de leurs résidants, et seule l'échelle nationale en est capable. Quant à l'échelle continentale, c'est celle du mondialisme, dont les partisans de l'euro-régionalisme sont en fait les pions.

    Les pathologies de l'ouverture

    Julia Kristeva, psychanalyste et théoricienne du féminisme, publiait en 1998 un livre d'entretiens intitulé Contre la dépression nationale. La 4ème de couverture résumait ainsi le contenu : « Peut-on restaurer la confiance nationale comme on restaure le narcissisme d'un patient déprimé ? Julia Kristeva en prend le parti, forte de son expérience de praticienne et de sa réflexion sur la culture et la révolte. Elle propose un discours contre la « dépression nationale » et le masochisme ambiant. Mai 68 a bouleversé le rapport social au plaisir, à la famille et à la nation, sans pour autant produire la liberté escomptée. Témoin actif et lucide de ces changements, Julia Kristeva montre l'urgence d'une révolte adaptée à notre temps, pour une liberté toujours à conquérir. »

    En une centaine de pages, ce petit ouvrage éclaire la question de l'identité nationale et de ses pathologies par la discipline peut-être la mieux placée pour le faire, puisque la psychanalyse est entièrement construite autour de la question de l'identité et des limites qui la définissent. L'identité suppose nécessairement des limites, des contours. Je ne suis pas « tout », je suis « ceci » à l'exclusion de « cela », et je dois l'apprendre dans mes premières années. Le complexe d'Œdipe, avec son tabou de l'inceste, est le moment où l'enfant comprend qu'il existe des limites – des limites à son désir et des limites identitaires – et qu'il doit donc abandonner ses revendications narcissiques de toute-puissance. Ce complexe fondateur est le point de basculement qui permet d'accéder à une socialisation normale, fondée sur le sens des formes fixes limitées et des contours durables et stables. L'instabilité et la transformation identitaires perpétuelles sont des symptômes de psychose schizophrénique. La figure mythologique de Protée est le dieu de notre époque, le dieu protéiforme du changement et du transformisme, mais le dieu malade. La théorie du Genre, qu'il faudrait renommer théorie de la confusion des Genres, et le « mariage homo » en sont les expressions morbides.

    La vie est toujours localisée, enracinée dans un territoire, une portion d'espace particulier. La géométrie pose que l'espace est partes extra partes : ses parties sont les unes à l'extérieur des autres. L'espace inclut et exclut en même temps. Il n'existe pas d'espace seulement inclusif. La notion de « démocratie inclusive » du politologue Takis Fotopoulos (né en Grèce en 1940) est plus que problématique. Un concept excluant l'exclusion est mortifère. De fait, on ne vit pas « partout » mais bien « quelque part » et à l'exclusion d'« ailleurs ». On ne connaît que des « situations », toute vie est « située ». Qui dit « situation », dit inclusion mais aussi exclusion, donc délimitation d'une permanence, car une limite qui bouge sans arrêt n'en est plus une. Les anciens Grecs distinguaient le principe ontologique du Peras, littéralement le « chemin tracé », avec ses connotations de fixité terrienne, de régularité, de délimitation et de point de repère pour s'orienter, de l'Apeiron, signifiant l'illimité, l'indéfini, l'indéterminé, comme les flots de la mer en changement perpétuel. Cette dualité se reproduit dans le champ éthique et moral par l'opposition entre le Metron, la mesure et la modération, et l'Hybris, la démesure et l'excès.

    La dépression nationale diagnostiquée par Kristeva, mais aussi par des sociologues comme Dany-Robert Dufour et divers cliniciens, vient justement de ce que les frontières nationales passent leur temps à être transgressées, sous prétexte d'ouverture au marché ou aux autres cultures, ouverture indifférenciée imposant un modèle identitaire flou, protéiforme, incluant tout, acceptant tout, donc excluant tout également, donc pathologique. Les nouvelles maladies de l'âme, comme le dit Kristeva, toutes ces nouvelles pathologies mentales apparues dès les années 1970, sont des pathologies de l'ouverture totale et de la levée de toutes les limites, et tournent autour du concept de borderline ou d'état limite. En finir avec l'épidémie contemporaine de pervers narcissiques, de syndromes psychotiques dérivant dans la criminalité, les toxicomanies et les addictions diverses, suppose de rétablir des limites, des frontières, des contours identitaires, suppose donc de ré-oedipianiser la vie. En d'autres termes : relocaliser, ré-enraciner et renationaliser la vie.

    Nationalisme, permaculture et féminisme

    Pour ce faire, l'idée nationaliste a peut-être besoin d'être rénovée ou enrichie. Le mème d'alter-nationalisme circulait à une époque. Pour aller plus loin, proposons aujourd'hui le « nationalisme permaculturel ». Le concept de permaculture, inventé en 1978 par Mollison et Holmgren, est un mot-valise qui condense « permanence » et « culture », dans la perspective de mettre en avant la notion de culture durable, planifiée sur le long terme. Dans un cadre de production agricole ou potagère, la permaculture est une méthode écologique qui consiste à faire avec la nature et pas contre elle. Il s'agit d'aménager l'environnement et non pas de l'artificialiser. La pratique du « design permaculturel » qualifie le travail de conception d'un espace de vie attentif aux relations de proximité entre des éléments divers. Les bordures, les frontières et les limites sont donc objets d'une attention particulière. Par exemple, le plan de culture d'un jardin en permaculture est structuré en zones circulaires concentriques, à commencer par l'habitation placée au centre ; cette configuration du territoire calquée sur les modèles naturels respecte aussi la hiérarchie des priorités concrètes définie par la théorie du « prendre soin ».

    La notion de « prendre soin » en politique a été mise à l'honneur par la théorie féministe du Care (ou take care ; Gilligan, 1982). L'éthique du Care, qui mobilise essentiellement les notions de proximité, de vulnérabilité à protéger et d'attention maternelle portée aux phénomènes de gestation lente, représente la forme mature du féminisme. L'axiologie du Care et du « prendre soin » recoupe ainsi point par point l'axiologie du nationalisme permaculturel. Les valeurs, les mots clés, les idées directrices du féminisme et du nationalisme sont en fait les mêmes : le soin, le long terme, l'amour du prochain et de la biodiversité. Notre nouveau nationalisme, permaculturel et féministe, est ainsi appuyé sur une éthique de vie non partisane : prendre soin du lieu où l'on vit, où que ce soit et avec qui que ce soit, non pas pour des raisons idéologiques ou émotionnelles, mais parce que c'est dans mon intérêt, donc dans notre intérêt, car l'individu n'existe que dans des relations. Mon intérêt consiste à m'aimer, à aimer mes proches, et à prendre soin de moi et de mes proches ainsi que de mon environnement, donc de mon pays. Ce féminisme nationaliste n'est dans son essence ni affectif, ni identitaire au sens lyrique du terme, mais rationnel et pragmatique. Il s'agit de « cultiver son pays », comme on « cultive son jardin ».

    Dans son édition du 12/09/13, la revue « Lys noir » rapportait les propos récents de Bernard Stiegler, philosophe de la technique, affirmant qu'il fallait « prendre soin » des électeurs du Front National : « Il faut prendre soin de ces électeurs comme de tous les Français qui sont aujourd'hui abandonnés face à une puissance du marché qui détruit jusqu'à la possibilité même d'éduquer leurs enfants. Le soin consiste ici à rompre avec le consumérisme, qui a produit une insolvabilité généralisée et dégradé les consommateurs sur les plans physique et psychique. » On le voit, nul besoin de faire appel au patriotisme pour être nationaliste ; il n'est même pas besoin d'être nationaliste pour être nationaliste : il suffit de « prendre soin » du lieu où l'on vit et des personnes qui y vivent. En d'autres termes, pour être nationaliste, il suffit d'agir selon son intérêt. Mon intérêt est que ça se passe bien là où je vis. Mon intérêt est que le lieu où je vis soit bien tenu. Mon intérêt est donc de m'occuper concrètement du pays où je vis pour le faire fructifier. Faire fructifier le pays où je vis, c'est-à-dire lutter contre l'entropie, le désordre et les déséquilibres qui peuvent y advenir, et impulser une dynamique néguentropique, donc structurante et ordonnatrice (fonction du design en permaculture).

    Le nationalisme permaculturel consiste ainsi à accueillir tous les gens de bonne volonté sur un projet national commun : quelles que soient nos origines culturelles, religieuses ou ethniques, notre intérêt à tous est de « prendre soin » de notre pays car c'est là que nous vivons, ici et maintenant. Sous cet angle, la France possède une complexion commune avec le Liban : nos deux pays sont multiethniques et multiculturels. Les nationalistes français peuvent s'inspirer du Hezbollah et de sa doctrine d'intérêt national bien compris permettant aux chrétiens et aux musulmans, ainsi qu'aux divers groupes, de cohabiter pacifiquement en visant un horizon national commun. En ce sens, et aussi paradoxal que cela paraisse pour l'opinion commune, on peut dire que le Hezbollah met en pratique l'éthique permaculturelle du « prendre soin » appliquée à son pays.

    Le séparatisme : méthode mondialiste

    Quand des tensions intercommunautaires apparaissent, en France, au Liban ou ailleurs, un examen attentif montre qu'elles sont généralement provoquées par des puissances étrangères travaillant à produire du séparatisme et de l'entropie sociale dans une perspective de conquête coloniale obéissant au principe du « diviser pour régner ». En effet, le développement des populations et de leurs cultures n'est pas toujours autonome, « naturel », mais est parfois placé « sous influence », pris en charge et tutoré, façonné par des méthodes d'ingénierie dérivées de la cybernétique sociale et de la psychanalyse, et que le management range sous le terme de « conduite du changement ». Dans Gouverner par le chaos – Ingénierie sociale et mondialisation, l'auteur de ces lignes expose une synthèse de ces techniques de pression psychologique et d'induction comportementale qui nous sont appliquées pour nous faire perdre le sens de ce qui est bon pour nous et programmer en nous des comportements qui vont contre notre intérêt, des comportements séparatistes, communautaristes, sans-frontiéristes, libéraux-libertaires, et au final, antinationaux. Cette ingénierie sociale négative cherche à conditionner des prises de décision irrationnelles et autodestructrices. Par exemple, les Français subissent depuis une quarantaine d'années un gros effort de culpabilisation de tous les sentiments protectionnistes et nationalistes ainsi que de la fermeture politique et géopolitique nécessaire que cela suppose. Le caractère artificiel et aberrant de cette haine de soi agissant comme une pulsion de dénationalisation, entropique et séparatiste, modelée sur la pulsion de mort – la mort étant le « séparatisme » des régions ou des organes – apparaît quand on voyage à l'étranger, où les sentiments patriotiques, nationaux et anti-séparatistes sont généralement très vivants et peuvent s'exprimer sans inhibition, ni censure médiatique.

    Des chercheurs en sciences sociales tels que Kurt Lewin (1890-1947) ont posé les fondements du management négatif, à savoir un encadrement comportemental visant à conduire de manière indirecte vers le suicide, l'entropie, le morcellement, la déstructuration. Cette démarche de dislocation intentionnelle des formes vives cherche à nous pousser à ne plus prendre soin de nous-mêmes, ni du lieu où l'on vit. Comment ? En culpabilisant le sens des proximités. Culpabiliser la priorité donnée à la proximité, culpabiliser la priorité nationale, c'est culpabiliser la priorité donnée à soi-même. Cela revient à culpabiliser le fait de s'occuper de soi et de prendre soin de sa propre vie. Le mondialisme veut culpabiliser le peuple de tenir à son pays, à sa vie, à soi-même, et plus largement veut culpabiliser le peuple de tenir à quoi que ce soit. L'idéologie dominante consiste à tout lâcher, y compris notre vie. L'ingénierie sociale négative est une fabrique du consentement à tout lâcher, une fabrique du consentement à la mort, comme en témoigne la désapprobation médiatique de tout ce qui ressemble de près ou de loin à de la légitime défense, que ce soit contre des Roms ou contre toute forme de délinquance ; faits divers qui sont pourtant des signaux salutaires d'un réarmement au moins psychologique d'une population qui refuse de se laisser génocider.

    Un ami d'origine marocaine nous rapportait un jour une discussion avec un oncle vivant au bled. L'oncle ne cessait de s'étonner de la diabolisation dont le Front National faisait l'objet en France : « Ils sont nationalistes ? Et alors ? C'est quoi le problème ? Ils défendent leur pays ! C'est normal, non ? » Pour l'immense majorité des peuples et des habitants de ce monde, le nationalisme est évident et consiste simplement à « prendre soin » du pays où l'on vit. Pas de pathos excessif. Ce n'est rien d'autre qu'un anti-masochisme naturel et de bon sens. Je m'occupe de moi, je me soigne, je fais en sorte de vivre décemment, donc je prends soin de mon environnement, donc je prends soin du pays où je vis. À notre époque postmoderne où il faut tout réapprendre, y compris les réflexes élémentaires de survie, un combat culturel et politique est donc à mener. Un combat pour – étrangement – re-banaliser le nationalisme. Puisque le nationalisme, en tant qu'expression évidente de la vie des peuples, est au fond banal et élémentaire.

    Lucien Cerise.

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