Les écologistes ne font jamais autant parler d'eux que lorsqu'ils lavent leur linge sale en public. Ce samedi 4 avril, la conférence-débat organisée par le club Repères écologistes sur le thème "Quelle responsabilité pour les écologistes?" se jouera à guichets fermés à l'Assemblée nationale.
A en croire certains de ses organisateurs, ce colloque ouvert à toutes les formations écologistes de France et de Navarre pourrait être l'acte fondateur d'une confédération rassemblant tous les écolos Valls-compatibles. Au risque de provoquer une scission à EELV entre les partisans "gauchistes" d'un rapprochement avec Jean-Luc Mélenchon (option validée par les militants) et les apôtres "opportunistes" d'un retour au gouvernement (scénario soutenu par les sympathisants). Voilà qui explique un peu mieux ce soudain intérêt médiatique pour un colloque où devraient se côtoyer jeunes loups et vieilles gloires de l'écologie politique.
Outre le cercle des parlementaires pro-gouvernement d'EELV (le sénateur Jean-Vincent Placé, les députés Denis Baupin, François de Rugy, François-Michel Lambert, Barbara Pompili et Véronique Massoneau), l'ancien vert/Modem Jean-Luc Bennahmias (Front démocrate), l'ancienne ministre Corinne Lepage (Cap21), l'ex-cofondateur des Verts Antoine Waechter (Mouvement écologiste indépendant) et Yves Pietrasanta (Génération Ecologie) devraient tous être au rendez-vous.
Cerise sur le gâteau des frondeurs pro-Valls d'EELV, la numéro un de leur parti, Emmanuelle Cosse, a également confirmé sa présence.
Une coalition encore floue qui reste à définir
"C'est le plus grand rassemblement du monde écologique depuis très, très longtemps. On va enfin pouvoir dépasser les querelles de boutiques", s'enthousiasme le député Vert François Michel Lambert. Encore faut-il que tout le monde tombe d'accord sur la nature de ce rassemblement.
"J'aimerais qu'on aille vers une formation politique qui en réunirait peut-être plusieurs autres", plaide Jean-Luc Bennahmias, ex-Vert, ex-Modem et fondateur du Front démocrate, parti centro-écologiste ouvertement pro-Hollande. "Si c'est pour réaffirmer nos valeurs communes, d'accord. Mais pas question de se lancer dans des accords d'appareil", tranche à l'avance Corinne Lepage, ex-Modem et patronne de Cap21, visiblement agacée par la tournure qu'a pris ce qui devait être à l'origine une simple réunion "d'écologistes pragmatiques".
Prudents, les organisateurs ne prononcent jamais le mot "parti" et prennent soin de renvoyer les accusations de scission à leurs ennemis de l'aile gauche d'EELV. "Ce ne sera pas un parti politique, plutôt une alliance dont la forme reste à définir. Un OPNI, objet politique non identifié", jure François-Michel Lambert. "Il s'agit de faire en sorte que la famille de l'écologie politique puisse discuter ensemble, on met en place un dialogue", renchérit Denis Baupin, vice-président EELV de l'Assemblée nationale et initiateur de ce rendez-vous. Et d'ajouter: "Je ne pense pas qu'EELV doive se cantonner à discuter avec des groupuscules du Front de gauche".
Un double jeu de bluff entre aile gauche et aile droite d'EELV
Une petite phrase qui résume bien le climat de tension actuel chez les Verts où chaque faction est engagée dans un jeu de bluff stratégique totalement illisible.
D'un côté, l'aile gauche du parti et Cécile Duflot prônent la rupture avec le PS et un rapprochement avec le Front de Gauche dans le cadre d'une nouvelle "formation progressiste". Des rencontres de travail, les "chantiers de l'espoir" doivent bientôt réunir le PCF, le PG et EELV. Et déjà, certains, comme le porte-parole écolo Julien Bayou, réclament des primaires de l'espoir en vue de présenter un candidat unique en 2017.
La conférence de ce samedi 4 avril se veut une riposte autant qu'un avertissement de l'aile droite d'EELV, dominée par une frange des parlementaires écologistes. Leur objectif: brandir la menace d'une scission pour ramener à la raison "ceux qui veulent s'engager dans une impasse avec le Front de Gauche".
Contre-bluff de Cécile Duflot qui affirme ne pas redouter du tout le spectre d'une scission, alors même qu'elle marquerait l'échec d'Europe Ecologie Les Verts, projet qu'elle a elle-même porté en tant que secrétaire nationale.
Ecartelée, Emmanuelle Cosse tente une solution médiane
Ce divorce stratégique entre les partisans d'une rupture et ceux du ralliement est un défi de taille pour l'actuelle numéro un des écologistes, Emmanuelle Cosse, bombardée à la tête d'un parti où les querelles d'appareil sont légions. Ecartelée entre son amie Cécile Duflot, avec laquelle elle siégeait au conseil régional d'Ile-de-France, et les pragmatiques d'EELV, dont son conjoint Denis Baupin, la secrétaire nationale d'EELV préconise une solution médiane: parler avec tout le monde, PS et Front de Gauche, puis privilégier un accord sur le fond avec le mieux-disant écologiste.
"J'en ai assez qu'on instrumentalise chaque réunion politique. J'irai porter le même message dans tout autre type de réunion, comme les chantiers de l'Espoir avec le Front de gauche", s'étrangle-t-elle dans une interview accordée à L'Obs.
Elle n'est pas la seule à défendre une stratégie d'alliance axée sur un programme précis. La plupart des Europe Ecologie venus en 2009 dans le sillage de Daniel Cohn-Bendit (Pascal Durand, Yannick Jadot, José Bové...) tout comme le député Christophe Cavard ou encore l'ancienne ministre Dominique Voynet privilégient un accord sur le fond capable de réconcilier tout le monde.
"J'aimerais que nous, écologistes, retrouvions l'esprit d'ouverture qui avait présidé à la naissance d'Europe-Ecologie et qui m'avait d'ailleurs fait adhérer", se désole Emmanuelle Cosse, très attaquée depuis que son nom s'est mis à circuler parmi les ministrables potentiels. "Qu'on arrête avec ce discours radical contre les social-traîtres et celui qui s'enchante d'être dans une majorité! Il faut un contrat et des politiques concrètes", renchérit son prédécesseur, l'eurodéputé Pascal Durand.
François Hollande a-t-il intérêt à diviser les écolos ?
Seront-ils entendus? Toute la question est de savoir qui a intérêt à faire exploser le mouvement écologiste. Cécile Duflot? Elle y perdrait un parti contre un accord fragile avec un Jean-Luc Mélenchon dont beaucoup d'écologistes critiquent les positions internationales. Les députés pro-gouvernement? En cas de scission, le groupe pourrait littéralement disparaître à l'Assemblée nationale. La coprésidence de François de Rugy et Barbara Pompili est d'ores et déjà contestée en interne.
Même François Hollande n'aurait aucun intérêt à scinder EELV en deux en débauchant telle ou telle personnalité. '"Eclater EELV pour éclater EELV ne suffit pas à faire une dynamique", prévient le sénateur écolo Ronan Dantec. "Je ne vois pas l'intérêt de diviser les Verts en laissant une partie s'échapper chez Mélenchon", confirme un cadre du Parti socialiste qui mise sur une inflexion de "l'intransigeance" de Cécile Duflot et un remaniement réintégrant les écolos avant ou après les régionales de décembre.
Pas très glorieux tout cela? "Qu'ils se dépatouillent. Je ne mettrai pas le petit doigt dans ce panier de crabes", se désespère Corinne Lepage.
Geoffroy Clavel Le HuffPost :: lien
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