Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

- Page 42

  • Si le sexisme n'est pas leur genre, l'islamisme est leur genre

    Bérénice Levet, docteur en philosophie et professeur de philosophie à l'Ecole Polytechnique et au Centre Sèvres, déclare au Figarovox :

    "[...] Plutôt que d'exhiber des chiffres qui disent tout et rien, je voudrais que l'on reconnaisse une fois pour toutes que si régression de l'égalité entre les sexes il y a en France, si domination et patriarcat il y a dans notre pays, cet état de fait est lié exclusivement à l'importation, sur notre sol, des mœurs musulmanes, et non à je ne sais quelle survivance du passé.

    Plutôt que des sondages qui noient dans la généralité et l'abstraction des chiffres, des réalités fort contrastées - car quoi de commun entre une femme qui s'interdit de porter telle tenue vestimentaire par crainte d'entendre ses collègues masculins l'en complimenter et une femme qui, en banlieue, exclut de porter une jupe ou un short par soumission aux codes dictés par un islam rigoriste dont les Grands frères se font les gardiens? -, plutôt que ces sondages donc, Madame Rossignol ferait bien de lire par exemple, l'essai de Géraldine Smith, Rue Jean-Pierre Timbaud. Une vie de famille entre barbus et bobos. Elle y apprendrait, entre autres choses tout aussi édifiantes, qu'il est des boulangeries, en plein cœur de la capitale, où les hommes sont systématiquement servis avant les femmes. La croisade contre le sexisme et la reconquête de ces territoires ne se fera pas à coup de manifestations festives.

    Plutôt que de divertir la nation avec la mobilisation de «people» contre le sexisme ordinaire et la distribution de badge estampillé «Sexisme, pas notre genre», le gouvernement devrait porter le fer là où s'exerce une véritable domination masculine, en commençant par les territoires perdus de la République, ces enclaves ayant fait sécession d'avec nos mœurs, nos lois, nos principes, dont l'égalité des sexes, vivant sous l'autorité et la règle d'un islam radical. Les femmes qui se dressent vaillamment contre leur assujettissement, s'y retrouvent bien seules. 

    Michel Janva

  • L’école défigurée, généalogie d’un désastre et d’un crime

    « Le professeur – au sens de l’intellectuel – n’a plus de place dans le lycée d’aujourd’hui ». Que s’est-il passé ? Qu’est-ce que l’école aujourd’hui, et que devrait-elle être ? La question n’est donc pas « pourquoi l’école fonctionne mal ». Elle est bien plus profonde. La question est : pourquoi l’école a-t-elle cessé d’être ? Ce qui rend la problématique de Robert Redeker non seulement philosophique, mais historique.

    En effet, ce que l’école devrait être, elle l’a été, en tout cas pour l’essentiel, et jusqu’il y a à peine 50 ans. Etait-ce mieux avant ? Bien sûr. C’était mieux quand l’école était vraiment l’école.

    Le propre de l’être humain, c’est qu’il parle. Aristote avait déjà insisté sur cette évidence. De ce fait, l’école, si elle est éducation de l’homme à devenir homme, devrait être respect de la langue et recherche du langage le plus noble. Nous en sommes loin. « Nous, on veut… », « Les Français, ils (prononcez : y) sont pas d’accord pour penser que… », « la France, elle est à l’initiative… », « c’est quoi, cette note pourrie que vous avez mis à mon fils… ». La redondance, la référence à un soi dilué dans un « on », l’approximation ont tué la langue française. Mais c’est aussi la communication qui a tué la langue/ La « pensée power point » a remplacé la dissertation. Tandis que le respect des « cultures » a remplacé la culture générale. Les « cultures d’origine » c’est-à-dire la culture comme cocon ont remplacé la culture générale, qui est la capacité d’interroger le monde, de se projeter dans le monde. Les cultures d’origine ne sont du reste respectées et admirées que dans la mesure où elles ne sont pas européennes. Dans ce dernier cas, elles sont marquées par la culpabilité et mises entre parenthèses. L’enseignement des cultures devient ainsi l’enseignement de l’existence de la diversité des origines (bien sûr que les origines sont diverses, mais la belle affaire !).

    L’école passe sous silence l’essentiel. Elle est un enseignement de l’ignorance de la culture. C’est-à-dire qu’elle cesse d’enseigner la culture comme recherche de ses propres fondements dans le monde. Les Français ne seraient donc héritiers de rien. Ils devraient se construire à partir de rien. C’est-à-dire qu’ils ne peuvent tout simplement pas se construire. De leur côté, dans l’école telle qu’elle est, les enfants d’immigrés ne sauraient devenir héritiers de la France, nation littéraire par excellence. Du moins ces enfants d’immigrés ont-ils le droit d’être héritiers de leur culture d’origine, ce qui est contesté aux Européens.

    Nous sommes ainsi des « inhéritiers » comme écrit Renaud Camus. Au nom de l’ouverture de l’école « sur la vie », l’école s’ouvre aux aspects les plus triviaux de la vie, que chacun aura bien le loisir de connaître, et dont l’école nous mettait, au moins un temps, à l’abri. L’école avait pour mission de montrer qu’il n’y a pas que le tiercé et les chansons de Claude François dans la vie. Elle prend maintenant pour référence les faits sociétaux les plus triviaux. Etonnant ? Pas tant que cela quand on constate que des pédagogistes expliquent que l’école n’est plus là pour transmettre et pour élever vers la culture mais a pour objet désormais de permettre le « vivre ensemble » et d’ « empêcher la guerre civile ». C’est pourquoi le contenu des matières tend à être évacué de l’école, ce qui aurait ulcéré Hegel, pour qui on réfléchit toujours à partir d’un contenu. Mais Hegel est loin. L’essentiel, désormais, n’est pas d’apprendre, c’est de « faire des choses ensemble » : un atelier radio, un dessin collectif, une pièce de théâtre sur la tolérance, etc. L’idéal de l’école contemporaine est la suppression des matières, c’est un enseignement sans contenu, ou avec un contenu le plus éclaté possible : un peu de texte, beaucoup d’images. Et des discussions, des « débats » qui précèdent l’acquisition des contenus. L’école est ainsi horizontalisée. L’instituteur s’appelle désormais « professeur des écoles ». Cela se produit justement au moment où il n’y a plus de professeur. Il n’y a plus que des « enseignants ». Ils n’existent plus d’ailleurs qu’en groupe. C’est le fameux « corps enseignant ». Les professeurs étaient d’ailleurs de grands instituteurs, au sens où ils instituaient, c’est-à-dire qu’ils mettaient debout la culture. Il s’agit au contraire désormais de mettre couché – horizontal – tout ce qui était debout. Il s’agit de faire en sorte que rien ne dépasse. Ronsard au même niveau que Claude François. L’enseignant devient un super éducateur, « proche des gosses ».

    Le problème est que la fin des instituteurs, c’est aussi la fin des institutions, et c’est la fin de toute société. Kant avait souligné que l’éducation nécessite une prise de distance radicale avec le milieu familial. Aujourd’hui, au contraire, on parle de « communauté éducative » associant enseignants, parents d’élèves, et les élèves eux-mêmes. Loin de tenir à distance les trivialités de la vie quotidienne, l’école s’y englue. On « débat » de la violence, du racisme, de l’égalité entre les sexes, de la lutte contre les discriminations ou l’extrême droite (ce qui est du reste à peu près la même chose), etc.

    Dans ses fondements, l’École a la charge d’initier au loisir dans le sens le plus élevé du terme : la disponibilité à être soi, à se trouver en s’éduquant par la fréquentation des œuvres de l’esprit et par la pratique de disciplines exigeantes. L’école actuelle tend au contraire à devenir un vaste centre de loisirs. Les loisirs contre le loisir. De même que le culte de la diversité a tué les vraies différences, les loisirs ont tué le loisir. Les controverses d’idées se sont abaissées au niveau des pseudos débats télévisés dans lesquels excelle la « caste palabrante ». Un amuseur généralement pas drôle du tout et d’un alignement total sur le politiquement correct plutôt que Régis Debray ou Alain de Benoist : c’est certain que c’est moins « prise de tête ».

    Il suffirait, nous dit-on, de « se parler » pour conforter le « vivre ensemble », qui commence dés l’école, et même, croit-on, repose sur elle. Mais que veut dire ce « vivre ensemble » ? C’est tout simplement le contraire de la fraternité. C’est un « côte à côte » sans lien, sans regarder ensemble dans la même direction. C’est un simple « respect ». Dans une copropriété il faut du « vivre ensemble ». Mais dans une nation, il faut beaucoup plus que cela. Il faut de la fraternité.

    Le « vivre ensemble » est une valeur libérale. Il n’est que cela. Pas étonnant qu’elle soit le totem de « socialistes » ralliés, depuis 1983, au libéralisme aussi bien économique que sociétal (le second fournissant du carburant au premier). « Autant la fraternité se pensait sur le registre de l’affirmation, autant le vivre ensemble, qui pourrait en devenir le tombeau, se conçoit sur le registre du renoncement » écrit Robert Redeker. Le vivre ensemble est le renoncement à toute assimilation des immigrès à notre nation. Il va avec l’ « archipellisation » (ou balkanisation) de l’enseignement, à son adaptation aux situations locales, aux féodalités municipales, au patronat des entreprises locales, au marché local de l’emploi. Comme si l’école devait servir à « trouver du boulot ». Comme si sa mission n’était pas autre : former des hommes et donc des citoyens d’un pays. Comme si l’école ne devait pas tout simplement servir à vivre.

    L’École doit servir à vivre, c’est-à-dire qu’elle doit enraciner dans une culture et dans le même temps arracher à la tyrannie du présent, à la tyrannie de l’horizontal. L’École arrache à la paroi de la caverne de Platon et nous met à l’épreuve du soleil des grandes œuvres. L’École nous fait entrer dans ce que Hannah Arendt appelle le « pays de la pensée ».

    Mais l’école actuelle fait le contraire. Elle ancre dans le seul présent, un présent liquide, « un présent existentiellement flottant » (Jean-Pierre Le Goff) et feint de s’étonner du manque de repères des élèves (pardon, des apprenants).

    Pour jouer le rôle qu’elle devrait jouer et qu’elle jouait – preuve que nous ne parlons pas d’une utopie – l’École n’est pas seulement gratuite, elle est la gratuité même. Le sens profond de la gratuité scolaire n’est pas seulement la gratuité financière. La gratuité, c’est aussi la non utilité immédiate de ce que l’on apprend. L’École ne doit avoir aucun lien avec le « marché du travail ». La formation professionnelle a son rôle et sa place, qui ne sont pas ceux de l’École. L’École ne doit servir qu’à nous rendre autonome, à faire du petit homme de France un jeune Français.

    L’École est avant tout loisir (skholé). Non pas loisir comme divertissement mais comme temps libéré des contraintes d’utilité. Walter Benjamin avait écrit : « l’esprit de métier n’est pas l’esprit des études ». L’École, c’est tout ce que les politiques de l’école depuis 40 ans veulent nous faire oublier. Droite et gauche cumulent leurs tares pour détruire l’école. Pour la droite, l’école couterait trop cher et ne serait pas assez adaptée aux besoins des entreprises (la fameuse « employabilité »). Pour la gauche, il faut changer l’école parce qu’elle n’est pas assez égalitaire. Pour mettre tout le monde au même niveau, elle doit être évidée de tout contenu culturel. Il faut en finir avec la « violence symbolique » exercée par les grands auteurs (Molière, Racine…) et les grandes œuvres.

    Droite et gauche veulent faire des élèves de simples disciples de notre époque, des « branchés » des otages de la société numérique, des suradaptés au présent, c’est-à-dire des suradaptés à l’éphémère. Et donc des inadaptés au temps long. Droite et gauche ont supprimé toute distance entre l’école et la société.

    L’école n’a pourtant pas à se plier aux lubies du jour. Elle n’a pas pour objet d’assurer l’employabilité définie par les entreprises à tel ou tel moment, elle n’a pas pour objet d’acquérir des gestes éco-citoyens ou éco-responsables, ni de s’ouvrir à la « diversité » (réduite à la couleur de peau dans notre société sans imagination). L’école doit nous apprendre ce que l’on appelait les « humanités », c’est à dire qu’elle doit s’occuper de la formation de l’homme.

    Soumises à la « culture du résultat » – forme moderne de l’inculture – l’école se veut performante. Alors que « éduquer, ce n’est pas rendre performant » (Robert Redeker). Elle veut faire du chiffre, et obtient des scores record d’admis au baccalauréat (88,5% en 2016). Un bac qui ne vaut plus le certificat d’étude de 1935. Au-delà même que les chiffres sont manipulés, le registre de l’école ne devrait pas être celui de la performance. Il devrait être celui de l’éducation Mais l’école est mentalement colonisée par la « culture de l’entreprise » – de même que les fils d’immigrés continuent d’être colonisés à l’envers par la « culture de l’excuse » qui les infantilisent. Il n’y a pas, il n’y a plus de séparation entre l’école et l’économie. La laïcité de l’école par rapport au monde de l’économie n’est plus respectée. C’est pourquoi le numérique envahit l’école. La « culture de l’entreprise » ne relève en effet pas de la culture mais des techniques de la communication. Le numérique est fait pour la communication, pas pour la pensée.

    L’école évide la pensée, on y apprenait des contenus, on communique maintenant des « données ». Plus personne n’a le droit d’ignorer le numérique, qui abolit la frontière entre le monde de l’école et le monde extra-scolaire. L’école oscille entre centre de loisirs et enseignement d’un catéchisme « droitsdel’hommiste », excluant tout « dérapage » et instaurant une nouvelle bien-pensance (« Les bien-pensants ne dérapent jamais, ils sont de la glace », remarquait Philippe Muray). Dans ce climat de néo-totalitarisme spongieux, le loisir – la skholé – l’école comme apprentissage d’une culture générale est oubliée. Alors que le loisir ainsi entendu est le cœur de ce que devrait être l’école.

    De même que les loisirs ont remplacé le loisir, le culturel a remplacé la culture. Le culturel est l’ensemble des pratiques et signes familiers de soi. Choisir telle voiture est un acte culturel. S’alimenter bio est un acte culturel. La culture est bien autre chose. C’est une inquiétude, c’est une quête, c’est une faim jamais rassasiée. C’est un manque. Etre cultivé, c’est comprendre l’incomplétude de l’homme. Etre cultivé, c’est comprendre que nous ne comprendrons jamais tout. C’est ressentir cette incomplétude. Quand on commence à aimer les œuvres de culture, les débats d’idées, on est toujours en manque d’approfondissement, d’enrichissements, d’arguments nouveaux, de contre-arguments. Parce qu’elle est manque, la culture nous demande un décentrement, elle nous demande de ne pas penser qu’à nous. Elle nous demande d’aller du moi au soi. Elle nous demande aussi un élan. Il nous faut toujours sauter par-dessus un gouffre. Parce qu’elle est inconfort, la culture nous sort du confort du quotidien.

    Dans le même temps qu’elle est manque, la culture vise à un idéal. C’est celui de l’équilibre entre le corps et l’esprit. Entre le matériel et l’âme. La culture vise à l’acquisition des humanités, et le mot d’ordre des humanités est « rien de trop » ainsi que « mieux vaut une tête bien faite que bien pleine » (Montaigne). L’idéal qui doit être celui de l’école est tout à l’opposé de l’illimitation de la société de marché et de l’idéologie publicitaire. L’école telle qu’elle doit être éduque un peuple. A l’inverse, l’école actuelle voit dans les élèves un public ou des « usagers ». Il n’y a plus de peuple.

    Pour savoir ce que doit être l’école il faut savoir ce qu’est l’homme. Les pensées de la déconstruction ont démonté l’homme comme sujet. Il ne reste plus que des déterminations et des processus. Affolé par de multiples déterminations (sociologiques, culturelles, symboliques, éducatives…), noyé dans le flux du vivant (la biologie), l’homme a été déclaré mort. Cela s’est produit peu de temps après la disparition (ou la dormition) de Dieu et des dieux – ce qui n’est certainement pas un hasard. La preuve de l’homme, c’était en effet qu’il se créait des dieux. Il est bien sûr exact que l’homme connait des déterminations, des cadres de sa liberté, des limites, des héritages. Il est vrai qu’il connait, voire subi, des tendances, des pesanteurs, et, par ailleurs, il est vrai qu’il est un animal, un vivant parmi d’autres vivants. Mais l’homme n’est pas qu’un animal. Ce n’est pas un animal comme les autres (voir deux livres essentiels : Yves Christen, L’animal est-il une personne ? et Alain de Benoist, Des animaux et des hommes. La place de l’homme dans la nature). Reste que les idéologies déconstructivistes (la French theory) de la « mort de l’homme », la mort comme sujet, la mort comme porteur d’un propre de l’homme, ont abouti à une ère du vide, analysé notamment avec justesse par Karel Kosik et Gilles Lipovetsky. C’est aussi l’ère du « présent liquide » (Zigmunt Bauman), un présent qui ne donne aucune prise pour s’arrimer.

    Aussi nous faut-il revenir à la question ultime de Kant. Après ses trois questions : que puis-je connaître ?, que dois-je faire ?, que puis-je espérer ?, Kant estimait que la dernière question, résumant toutes les autres, était « qu’est-ce que l’homme ? ».

    Or, l’homme se peut se penser comme on regarde une photographie. « L’homme n’est pas ce qu’on voit de lui » (Robert Redeker). L’homme n’est pas que cela. L’homme est un mouvement et il est un écart. Il est toujours dans cet écart entre ce qu’il est et ce qu’il doit être. Il n’y a pas de société ni d’homme sans « idéal régulateur » (Kant). La question « qu’est-ce que l’homme » se ramène ainsi à « qu’est-ce que l’homme doit être pour rester homme ».

    Croit-on que cette vision normative nous fait oublier l’observation de la réalité anthropologique ? Elle permet au contraire de la comprendre sous une autre forme. Ce que l’homme fait (ou pas) s’analyse comme un approfondissement du propre de l’homme ou un éloignement de ce propre. Car, justement, parmi ce qui est spécifique à l’homme, il y a le besoin de se donner à lui-même ses normes (auto nomos).

    C’est la question de la loi morale, et c’est, au-delà même de Kant, la question du style que l’homme doit se donner. L’homme doit se mettre en forme. Son comportement doit obéir à un style – même si on le juge sans style ou si on le qualifie d’anti style. Le style, c’est l’alliance d’un fond et d’une forme. Le fond est une loi morale, la forme est une esthétique, c’est-à-dire une certaine idée de la beauté. Les deux sont liés : privilégier le Bien sur le Beau, c’est encore croire que le Bien est ce qu’il y a de plus Beau. On ne peut sortir de là : le Bien, le Beau et le Vrai ont partie liée. Ce qui est Vrai, c’est que le Bien ne peut être que le Beau.

    C’est le propre des sociétés libérales que de vouloir dissocier l’idée du beau dans un relativisme tel qu’il faut paradoxalement le qualifier de relativisme absolu. « A chacun son idée du beau ». Voilà le mot d’ordre des sociétés libérales depuis Jack Lang et ses continuateurs. De manière logique, la disparition de l’idée du beau, la disparition de l’idée d’une beauté qui pourrait s’enseigner, que l’on pourrait apprendre à aimer, cette disparition est concomitante de la disparition de l’idée de bien commun. Si on peut dire « A chacun son beau » alors on peut dire « à chacun son bien ». L’inconvénient est alors qu’il n’y a plus de société. Le commun disparait. L’idée de bien commun est remplacée par celle de « société du respect » (Najat Vallaud-Belkacem reprend bien sûr le terme).

    La société du respect est le stade ultime de la déconstruction d’un peuple et de son atomisation. C’est le contraire de la fraternité. Libéraux-libertaires (de « gauche »), et productivistes croissancistes forcenés (de « droite ») se retrouvent, ici comme ailleurs, sur l’essentiel : la destruction des racines, de la transmission, de l’idée de bien commun. Il se produit alors ce que Robert Redeker appelle une « définalisation de l’existence collective ». Sans bien commun, il n’y a plus (ou pas) de culture commune.

    C’est pourquoi la culture générale est progressivement vidée de son contenu et balayée des concours. Condamnée pour son « élitisme », la culture générale est remplacée par des capacités d’ « expertise » (des compétences micro sectorielles) sans vision d’ensemble. « Compétences », « talents », « aptitudes » et savoir-faire remplacent les savoirs (tout court) et le niveau général de culture.

    Puisque tout est culture (la façon de se moucher ou de tenir sa cigarette) rien ne relève d’une culture qui pourrait s’apprendre et être notre horizon partagé – ce que l’on appelait les humanités. Le culturel a tué le cultivé, comme l’a remarqué Alain Finkielkraut.   Il n’y a plus de culture, il n’y a plus que des « champs » culturels. Dans ces « champs » culturels, tout égale tout. Et le meilleur égale le moins que rien (c’est « question de goût »).

    La « société du respect » – qui est en fait une « dyssociété » – oblige à respecter autant le beau travail, patient et exigeant, que la « production culturelle » d’un quelconque imposteur sponsorisé par une mairie ou une DRAC. La nouvelle cléricature « bobo » (bourgeois-bohème) a fait de l’antinormativisme la nouvelle norme.

    Ce qui caractérise l’antinormativisme de rigueur – la nouvelle norme – c’est qu’il se meut dans la stricte horizontalité. Toutes les transgressions sont à louer – à applaudir, car nous sommes dans une époque applaudissante – sauf celles qui nous élèveraient. Sauf les transgressions qui nous rappelleraient l’existence d’une autre dimension, la verticalité.

    Nous vivons une « définalisation de l’existence collective dans laquelle il convient de repérer une suite inévitable de la liberté des Modernes », note Robert Redeker. L’horizontalité qui domine n’est pas la culture générale, qui élève, mais ce n’est pas non plus la culture populaire, qui relie. C’en est la perversion, le détournement. La culture de masse n’est pas l’habitus du peuple, de la classe laborieuse. C’est bien autre chose. C’est une culture qui vise à l’égalisation des intériorités. A leur abaissement même. Une égalisation par le bas, un affaissement, une réduction à la rigolade, à la dérision, ou à la petite compassion. C’est l’homo festivus tempéré par un peu de sentimentalité niaise. Au moment où les écarts matériels s’accroissent, un riche n’est plus qu’un pauvre avec de la thune.

    La communication a tué le professorat, les élèves ont cédé la place aux apprenants. L’école n’est plus une institution. « Ses missions, transmettre l’héritage du passé, autrement dit fabriquer des héritiers, amalgamer à la Nation, instituer l’âme et conduire au pays de la pensée – ont sombré dans l’oubli ». Il reste un fantôme – celui d’une école nationale et républicaine, celle qui donnait un héritage culturel, même et surtout aux plus pauvres, aux plus modestes des enfants de notre patrie. C’est un fantôme qui appelle à une renaissance.

    Robert Redeker, L’école fantôme, Desclée de Brouwer, 204 pages, 18 €

    http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2016/09/05/l-ecole-defiguree-genealogie-d-un-desastre-et-d-un-crime.html

  • Faiblesse mortelle ou renouveau salvateur

    Emmanuel Macron, incarnation de la deuxième gauchelibérale-européiste, détesté à la gauche de la gauche mais attirant une partie de l’électorat centrise est « le seul à pouvoir se qualifier pour le second tour » et battre Marine Le Pen en rassemblant au-delà de la gauche,  a déclaré hier le  socialiste Gérard Collomb. Dans un entretien accordé à Paris-Match il affirme que Manuel Valls et «Emmanuel Macron sont sur la même position intellectuelle. Ils peuvent apparaître comme concurrents, mais leurs timings sont différents» et précise  son propos : «Soit François Hollande réussit dans le mois et demi qui vient à reconquérir l’opinion publique et dans ce cas-là il sera vraisemblablement le candidat, soit il n’y arrive pas et je pense qu’alors, il ne pourra pas l’être. Il ne peut pas prendre le risque de terminer à la quatrième place de l’élection présidentielle. La clarification sera faite par l’opinion publique (…). Si Emmanuel Macron continue sa percée dans l’opinion publique, une partie importante du PS se ralliera à sa candidature» croit savoir le sénateur-maire de Lyon.

    Marine possède elle aussi un pouvoir d’attraction grandissant au sein d’une nouvelle fraction de l’électorat qui voit les analyses du FN validées par la situation actuelle. Et partagées par des personnalités n’évoluant pas traditionnellement dans l’orbite de l’opposition nationale.

    Les médias se sont ainsi émus de ce que l’économiste Jacques Sapir,  partisan de la démondialisation et de la dissolution de l’euro, interviendra, par le biais d’une vidéo enregistrée,  lors d’un débat sur le Brexit  aux « Estivales » de Marine Le Pen à Fréjus les 17 et 18 septembre. Notons que M. Sapir qui avait déjà créé la polémique en se prononçant l’été dernier pour un « Front de libération nationale » anti-monnaie unique, allant du  Front de Gauche au Front National,  a accordé il y a quelques jours à TV libertés (www.tvlibertes.com) un long entretien très intéressant et charpenté. Il y présentait ses critiques de l’Europe fédérale, à la lumière du livre «La grande dissimulation, l’histoire secrète de l’UE révélée par les Anglais»  de Christopher Booker etRichard North, dont il a signé la préface.

    Cette diffusion des analyses du FN sont encore plus prégnantes  sur les thématiques liées à l’immigration. Le dernier sondage Ifop  pour le magazine Valeurs actuelles le confirme sans surprise :  59% des Français interrogés sont ainsi  favorables à «la suppression de l’acquisition automatique de la nationalité française pour les enfants nés en France de parents étrangers » et à l’instauration du droit de la filiation (jus sanguini). Là aussi les lignes bougent puisque si ce postulat est partagé  par 75% des sympathisants du  FN, 73% de ceux de LR, de nombreux électeurs du PS  (52%) l’approuvent également. Pareillement   la «suppression du regroupement familial» est plébiscitée par 60% des personnes sondées ( dont 89% des sympathisants  frontistes, 77% de ceux de LR… et  46% des sympathisants socialistes !).

    Dans ce contexte de montée des aspirations nationales , le site slate.fr vient de publier  une analyse sur la dangerosité, toujours bien réelle,  de l’Etat islamique malgré ses revers en Syrie et en Irak ,  des spécialistes  neocons   américains Christopher Kozak, et Jessica Lewis Mc Fate , tous deux  membres de l’Institut for the  Study of War.  Ils affirment notamment  que « L’État islamique sait que de nombreuses attaques en Occident vont pousser les sociétés à se retourner contre les populations immigrantes, et tout particulièrement dans le contexte de la crise des migrants. Au vu de la montée en flèche des partis nationalistes et anti-immigrés en Europe, les barrières à cette polarisation sont vacillantes. Des coalitions militaires comme l’Otan pourraient bien voler en éclats. Les États-Unis ont l’armée la plus puissante du monde, mais le nouvel ordre mondial est en train de basculer sous nos yeux et il est plus favorable  à l’État islamique et à d’autres menaces plus à même d’exploiter le désordre et l’incertitude. »Analyse bien spécieuse bien, tronquée bien perverse, éléments de langage repris ces derniers mois par les adversaires du FN , sur le danger que représenterait les Européens hostiles à la poursuite de l’immigration  pour la paix,. Ainsi l’antidote patriotique au laisser-faire laisser -passer,  à la suppression des frontières et  des protections,  à l’invasion serait en fait le bacille de la guerre civile !

    Mais qui pourra enrayer  la révolte des peuples  contre un Système  qui refuse de les protéger au nom d’une  idéologie proprement antinationale ? Le  très bruxellois site euractiv  relayait le 6 septembre  les peurs de la Caste européiste, au lendemain de  la nouvelle percée  de l’AfD  enregistrée dimanche lors de l’élection du parlement régional du länder de Poméranie-Mecklembourg. «La poussée des populismes frappe désormais tous les États de l’Union européenne, y compris des pays comme l’Allemagne qui étaient épargnés du fait de leur histoire», « les votes populistes sont «une réaction à l’absence de réponses européennes crédibles et une contestation des États, qui n’arrivent pas à trouver de solutions aux questions qui préoccupent les gens»,  s’inquiète  Jean-Dominique Giulani, président de la Fondation Robert-Schuman à Paris.

    Nicolas Lebourg, de lObservatoire français des radicalités politiques, estime de son côté que « les mouvements populistes bénéficient, avec l’afflux de migrants, d’ une conjonction des crises qui semble valider des discours tenus depuis des décennies. «On est face à une crise géopolitique majeure évidente, qui s’ajoute à la crise financière et à la crise de l’Europe. Or l’extrême droite répète depuis des années que le transnational et l’UE sont des échecs », souligne-t-il. Dans ce contexte, «l’extrême droite est la seule à tenir un discours très clair sur l’accélération de la mondialisation, perçue comme une orientalisation de l’Europe. Et ce, face à une offre politique par ailleurs très faible.» Une faiblesse mortelle affirme Bruno Gollnisch, et cela les peuples le comprennent instinctivement, ce qui explique l’assomption des formations  qui, au nom d’un sain pragmatisme, prônent une fermeté salvatrice.

    http://gollnisch.com/2016/09/08/faiblesse-mortelle-renouveau-salvateur/

  • Souveraineté nationale et immigration : les Britanniques construisent un mur à... Calais !

    On y est

    "La construction d'un édifice de 4 mètres de haut, entièrement financé par le gouvernement britannique, vise à empêcher les migrants d'accéder à la RN216 et à sécuriser les automobilistes.

    Le projet d'édification d'un mur de 4 mètres de haut à Calais, pour diminuer les tentatives d'intrusions massives de migrants sur la route qui borde la «jungle» (où vivent 7000 à 10.000 migrants selon les sources), est en cours de réalisation. Les travaux préparatoires de fauchage et débroussaillage ont commencé fin août et le chantier, prévu pour 16 semaines, devrait être achevé avant la fin de l'année. Ce mur «anti-bruit, anti-intrusion» est construit sur le long de la RN 216, de part et d'autre de la route. Il prolonge la clôture édifiée entre le port de Calais et le pont de Gravelines, près du campement des migrants, pour aller jusqu'au rond-point de la zone industrielle Marcel-Doret. Ce mur de béton, équipé de caméras de surveillance et d'un système «anti-franchissement type OTAN», est végétalisé sur sa face intérieure, mais pas sur sa surface extérieure, pour éviter «aux migrants de grimper», selon les techniciens de la DIR-Nord, la Direction interdépartementale des routes de la région qui est le maître d'ouvrage. Le maître d'œuvre délégué est la société d'exploitation des ports du détroit (SEPD), qui prendra en charge l'entretien du mur, du système de vidéosurveillance et de l'éclairage".

    Lahire

  • Malal le Réprouvé lit "Les matrices préhistoriques des civilisations antiques dans l'œuvre posthume de Spengler : Atlantis, Kasch et Turan"

    Oswald Spengler: Atlantis, Kasch, Touran

     

    Lecture du texte par Malal le Réprouvé
     
     
    Titre original: Les matrices préhistoriques des civilisations antiques dans l'œuvre posthume de Spengler : Atlantis, Kasch et Turan
     
    Pris du site Vouloir parmi d'autres articles. (http://vouloir.hautetfort.com/archive...)
     
    Texte isolé (en anglais): http://www.counter-currents.com/2010/...
     
    Issu de Robert Steuckers, Nouvelles de Synergies européennes n°21, 1996
     
    Monté avec Audacity et VSDC Free Video Editor.
  • Supprimer l’ENA? Crise de l’Etat ou crise des élites?

    Supprimer l’ENA ? Bruno Lemaire a ressorti le serpent de mer !

    Mais plus que de la légitimité d’une école calée sur le conformisme de l’époque, le problème vient de la rupture entre les élites mondialisées, qu’elles soient administratives, économiques ou culturelles, et le peuple français : rupture de valeurs consommée et surtout intérêts désormais diamétralement opposés. Etienne Lahyre, énarque lui-même et essayiste, décrypte pour Polémia.
    Polémia

    L’ineffable Bruno Le Maire a encore frappé : il propose de supprimer l’ENA !

    Voilà une idée qui figurait dans le programme du Parti socialiste en… 1972 (!), qui avait fait l’objet d’une proposition de loi du député Fourgous en 1996, et que la gauche « plurielle » avait promis de mettre, enfin, en œuvre si elle remportait les élections législatives de 1997.

    Las ! Aucun gouvernement n’a jamais osé s’attaquer frontalement à l’énarchie : la technostructure est plus forte et plus tenace que le pouvoir politique. Les ministres passent, la haute administration reste. Même Nicolas Sarkozy, hyper-président présumé, n’a pas réussi à supprimer le si décrié classement de sortie de l’école, contesté par… François Hollande pendant sa scolarité à l’ENA ! La faute aux manœuvres dilatoires des grands corps, en particulier du Conseil d’Etat, et du directeur de cabinet de François Fillon, le très jésuite Jean-Paul Faugère (lui-même conseiller d’Etat), qui a tout fait pour faire capoter l’initiative présidentielle : on a connu collaborateur plus loyal…

    L’ENA concentre une série de tares. Certaines sont connues : elle est l’école de la reproduction des élites et de l’entre-soi, du conformisme intellectuel et de la pensée tiède ; elle est l’école saint-simonienne par excellence, qui veut substituer l’administration des choses au gouvernement des hommes ; elle constitue une assurance tout risque pour les muscadins qui ont pour seul mérite d’avoir réussi à 24 ans une épreuve de note administrative, leur assurant ainsi de faire partie d’un grand corps jusqu’à la fin de leurs jours, quand bien même leur incurie intellectuelle et professionnelle serait ultérieurement avérée ; elle est enfin l’école globale du pouvoir, qui permet de passer sans difficulté de la haute administration au monde politique, ou à une grande entreprise, sans qu’un quelconque conflit d’intérêts puisse être soulevé.

    L’ENA fait l’objet d’analyses qui sont en réalité de purs contresens

    Mais l’ENA fait également l’objet d’analyses qui sont en réalité de purs contresens. Elle est ainsi régulièrement taxée d’archaïsme et de conservatisme : l’ENA serait une école colbertiste, frileuse, dépourvue d’intérêt pour les affaires européennes, méprisant la société civile. C’est l’inverse qui est vrai.

    Dans Les élites contre la République, ouvrage paru en 2001, Alain Garrigou mettait en parallèle l’évolution de Sciences-Po et de l’ENA. Sous la houlette du funeste Richard Descoings (directeur de l’établissement de 1996 à 2012), Sciences-Po devient l’école de la mondialisation, une business-school où l’on pense et parle en anglais, et où l’on adopte tous les standards de la contre-culture née à la fin des années 1960 dans les campus américains. Et parallèlement, l’ENA, dirigée par Marie-Françoise Bechtel, ferait de la résistance en défendant une vision de l’Etat et du service public conforme à celle des pères fondateurs de l’école. Seulement voilà : la parenthèse Bechtel ne dure pas ; le seul bon directeur de l’ENA est viré sans ménagement par Chirac en septembre 2002, au profit d’Antoine Durrleman, un européiste ancien directeur de cabinet de Juppé.

    De Tocqueville à Mandela : la mue idéologique des énarques

     Mais, en réalité, les énarques ont entamé leur mue idéologique depuis plusieurs décennies. L’analyse de l’évolution des noms que les élèves donnent chaque année à leur promotion est particulièrement révélatrice : entre 1947 et 1968, ceux-ci choisissent de rendre hommage à des figures glorieuses de l’histoire de France, qu’elles soient intellectuelles (Tocqueville, 1960 ; Pascal, 1964 ; Montesquieu, 1966), littéraires (Stendhal, 1965 ; Proust, 1967 ; Giraudoux et Camus peu après leur mort) ou liées à la Résistance (France combattante, première promotion de l’ENA ; Jean Moulin ; Félix Eboué). A partir des années 1970, les hommes de gauche passés et même présents sont honorés : Jaurès (1969), Robespierre (1970), Blum (1975), Mendès-France (1978). Puis, les énarques consacrent les « valeurs » : Droits de l’homme (1981), Solidarité (1983), Liberté-Egalité-Fraternité (1989). Et enfin, à partir des années 2000, les icônes de la bien-pensance sont encensées de leur vivant : Mandela (2001), Veil (2006), Badinter (2011).

    D’héritiers d’une tradition politique et culturelle nationale pendant les deux décennies suivant la création de l’école, les énarques sont progressivement devenus les tenants de l’idéologie dominante érigeant la défense des droits d’un individu hors sol comme valeur suprême. Il est impensable aujourd’hui d’imaginer une promotion Louis XIV ou Napoléon, voire Henri IV. Quant à Clemenceau, dont le nom est régulièrement évoqué, il se voit systématiquement rejeté en raison de sa prétendue « germanophobie » (!).

    Le pentalogue de l’énarque

    Le pentalogue de l’énarque peut se décliner ainsi :

    1. La mondialisation est un phénomène naturel, inéluctable et bénéfique ;
    2. L’immigration est, en tout état de cause, une chance pour la France et celle-ci doit changer pour permettre aux immigrés de s’intégrer ;
    3. L’Union européenne est notre (seule) chance car sa construction a permis de garantir la paix en Europe et la France est trop petite pour peser au niveau international ;
    4. La politique étrangère de la France doit avoir pour but de défendre les droits humains partout dans le monde (l’expression « droits de l’homme » étant désormais à proscrire car jugée misogyne !) ;
    5. L’Etat doit être « géré » en s’inspirant des pratiques managériales de la « société civile » et en s’inspirant des « réformes nécessaires » menées par nos partenaires européens, Allemagne en tête.

    De la raison d’Etat à la moraline

     Tout ce qui précède est erroné ! Et c’est pourtant le credo, non seulement des énarques, mais de l’ensemble des « élites » françaises et occidentales. Les énarques ne sont désormais qu’une sous-catégorie indistincte des tenants de l’idéologie de la mondialisation. Entre le grand commis de l’Etat, le trader, le publicitaire, le médecin libéral ou l’architecte, l’homogénéité intellectuelle est désormais totale.

    La raison d’Etat, l’intérêt national, le recul et le discernement ont laissé place à la moraline universalisante, au buonisme (Raffaele Simone) et à la dictature de l’émotion. L’histoire de France n’est plus le code des élites.

    L’attaque démagogique de Bruno Le Maire contre l’ENA ne doit pas nous leurrer : ce qui est en cause, plus que la légitimité d’une école, fût-elle la plus célèbre de France, c’est la rupture entre les élites mondialisées, qu’elles soient administratives, économiques ou culturelles, et le peuple français : rupture de valeurs consommée et surtout intérêts désormais diamétralement opposés ; l’ancien numéro deux, et idéologue du MEDEF, Denis Kessler (qui fut soixante-huitard), ne déclara-t-il pas au début des années 2000 : « La lutte des classes, j’y crois toujours, mais maintenant je suis de l’autre côté de la barrière ! » ?

    Etienne Lahyre, 2/09/2016

    http://www.polemia.com/supprimer-lena-crise-de-letat-ou-crise-des-elites/

  • Fondamentaux d'Action Française • Politique d'abord !

    par Stéphane BLANCHONNET

    Un article de Stéphane BLANCHONNET paru dans à-rebours.fr et dansL'AF2000. Et un article parmi plusieurs autres qui rappellent utilement les fondamentaux de la politique d'Action française.  LFAR

    Cette célèbre formule de Maurras a souvent été utilisée par ses détracteurs (par ignorance ou malveillance) pour lui reprocher d'être un penseur machiavélien, voire machiavélique, qui subordonnerait tout à la politique. Cette accusation est doublement infondée. Elle l'est pour Maurras qui a toujours affirmé qu'il entendait par là que la politique était première dans l'ordre des moyens, jamais dans l'ordre des fins. Elle l'est aussi pour Machiavel, qui donne des conseils de technique politique au Prince non pour justifier la tyrannie mais pour permettre la pacification, l'unification et le salut de l'Italie de son temps.
    Chez Maurras on peut aller au-delà des explications qu'il a lui même données au sujet du « Politique d'abord ! » et considérer plus largement sa conception de l'État. Elle est à bien des égards plus proche de celle de certains anarchistes ou de certains libéraux que des partisans du totalitarisme ! Son admiration pour Proudhon, son action en faveur de la décentralisation au sein du mouvement mistralien, ou encore, sur un autre plan, son respect pour l'universalisme catholique et la liberté de l'Église par rapport à l'État, le prouvent sans contestation possible.
    Il faut toutefois ajouter que le « Politique d'abord ! » est trop souvent abordé dans les milieux maurrassiens, depuis 1926, sous l'angle défensif, que nous avons nous-même choisi au début de cette chronique. Il ne faudrait pas négliger sa dimension positive. L'AF d'aujourd'hui pense comme Maurras que la prise du pouvoir politique précédera la résolution des problèmes sociaux, moraux, indentitaires qui se posent à la France. C'est pour cette raison que notre action est d'abord politique avant d'être culturelle, communautaire, morale ou religieuse. C'est ce qui a toujours fait et ce qui fait encore l'originalité et la force de l'Action française par rapport à des mouvements dont l'action se limite à un aspect particulier de la crise nationale. 

    Repris de A Rebours et de L’AF2000

    Voir aussi ...

    La monarchie

    Le nationalisme intégral

    Le Quadrilatère maurrassien

    La Monarchie que nous voulons

    Le « coup de force »

    La civilisation

    L'AF et l'Eglise

    http://lafautearousseau.hautetfort.com/archive/2016/09/06/fondamentaux-d-action-francaise-politique-d-abord-5844745.html

  • Robert Steuckers Quelques remarques sur la « French Theory »

    On me demande souvent quelle est ma position face à ce que le monde académique américain appelle la « French Theory ». Elle peut paraître ambigüe. En tous les cas de figure, elle ne correspond pas à celle qu’ont adoptée des personnalités que les maniaques de l’étiquetage placent à mes côtés, à mon corps défendant. Récemment, un théoricien néo-droitiste ou plutôt néo-néo-droitiste, François Bousquet, a rédigé un opuscule pamphlétaire dirigé contre les effets idéologiques contemporains de l’idéologie que Michel Foucault a voulu promouvoir par ses multiples happenings et farces contestatrices des ordres établis, par ses ouvertures à toutes les marginalités, surtout les plus farfelues. A première vue, le camarade néo-droitiste Bousquet, qui a accroché son wagonnet au « canal historique » de cette mouvance, a bien raison de fustiger ce carnaval parisien, vieux désormais de trois ou quatre décennies (*). Le festivisme, critiqué magistralement par Philippe Muray avant son décès hélas prématuré, est un dispositif fondamentalement anti-politique qui oblitère le bon fonctionnement de toute Cité, handicape son déploiement optimal sur la scène mondiale : dans ce contexte absurde, on n’a jamais autant parlé de « citoyenneté », alors que le festivisme détruit la notion même de « civis » de romaine mémoire. La France, depuis Sarközy et plus encore depuis le début du quinquennat de Hollande, est désormais paralysée par diverses forces délétères dont les avatars plus ou moins bouffons de ce festivisme post-foucaldien se taillent une large part.

    Le paysage intellectuel français est envahi par cette luxuriance inféconde, ce qui déborde, via les relais médiatiques, dans la vie quotidienne de chaque « citoyen », distrait de sa nature de zoon politikon au profit d’un histrionisme ravageur. L’interprétation anti-foucaldienne de Bousquet peut donc s’avérer légitime quand on pose le diagnostic d’une France gangrénée par diverses forces pernicieuses dont ce festivisme inauguré par les foucaldiens avant et après la mort de leur gourou. 

    Cependant, une autre approche est parfaitement possible. L’Occident, que j’ai toujours défini comme un ensemble idéologique et politique négatif et vecteur de déclin, est constitué d’un complexe touffu de dispositifs de contrôle installés par des pouvoirs malsains se réclamant notamment de Descartes et surtout de Locke. Aujourd’hui, ces dispositifs cartésiens/lockiens, occidentaux au sens négatif du terme (notamment pour les penseurs russes), sont critiqués par une figure actuelle de la gauche américaine comme Matthew B. Crawford. Cet auteur est à la base un philosophe universitaire qui a rejeté ces dispositifs idéologico-philosophiques abscons et déréalisants pour devenir l’entrepreneur d’un bel atelier de réparation de motos. Il explique son choix : c’est une lecture approfondie de Heidegger qui l’a amené au rejet définitif de cet appareil philosophico-politique occidental, expression sans doute de ce que le philosophe de la Forêt Noire nommait la « métaphysique occidentale ». Heidegger, pour Crawford, est le philosophe allemand qui a essayé d’infléchir la philosophie en direction de la concrétude, de la substance palpable, après avoir constaté que la philosophie occidentale débouchait dans un cul-de-sac, sans espoir d’en sortir. 

    Crawford, comme Foucault, est donc un heideggerien cherchant à retrouver la concrétude derrière le fatras idéologique occidental. Crawford et Foucault constatent, suite à une lecture attentive des écrits de leur maître souabe, que Locke, figure emblématique de la pensée anglo-saxonne et, par suite, de la pensée politique dominante dans toute l’américanosphère, rejetait la réalité dans tous ses aspects comme un médiocre ensemble de trivialités. Cette position de Locke, père fondateur d’un libéralisme aujourd’hui dominant sur la planète, conduit à considérer tout contact avec les réalités concrètes, tangibles et substantielles comme non philosophique voire anti-philosophique, donc comme une démarche dépourvue d’importance voire grosse de perversités à oublier ou à refouler. 

    Foucault, avant Crawford, avait souligné la nécessité de se débarrasser de cet appareil conceptuel oppresseur bien qu’en lévitation perpétuelle, cherchant délibérément à rompre tout contact avec le réel, à détacher hommes et peuples de tout resourcement dans la concrétude. Dans ses premiers écrits, que Bousquet ne cite pas, Foucault a montré que les dispositifs de pouvoir inaugurés par les Lumières du 18ème siècle ne constituent nullement un mouvement de libération, comme le veulent les propagandes occidentales, mais, au contraire, un mouvement subtil de mise au pas des hommes et des âmes destiné à dresser l’humanité, à l’aligner sur des schémas rigides et à l’homogénéiser. Dans cette optique, Foucault constatait que, pour la modernité des Lumières, l’hétérogénéité, constitutive du monde, soit les innombrables différences entre peuples, religions, cultures, « patterns » sociaux ou ethniques, devait irrémédiablement disparaître. Claude Lévi-Strauss, pour sa part, en tant que philosophe et ethnologue, avait plaidé pour le maintien de tous les schèmes ethno-sociaux afin de sauver l’hétérogénéité du genre humain parce que c’était justement cette hétérogénéité qui permettait à l’homme de pouvoir poser des choix, d’opter, le cas échéant, pour d’autres modèles si les siens, ceux de ses héritages, venaient à faillir, à s’affaiblir, à ne plus s’avérer capables de faire front dans les combats pour la vie. L’option de Lévi-Strauss était donc ethnopluraliste.

    Foucault, lui, a choisi une autre voie pour échapper, croyait-il, à l’emprise des dispositifs inaugurés par les Lumières et visant l’homogénéisation totale et complète de l’humanité, toutes races, ethnies et cultures confondues. Pour Foucault, interprète audacieux de la philosophie de Nietzsche, l’homme, en tant qu’individu, devait « se sculpter soi-même », faire de sa personne une nouvelle sculpture au hasard de ses caprices et de ses désirs, en combinant autant d’éléments possibles, choisis arbitrairement pour changer son donné physique et sexuel, comme le suggèreront en force, et jusqu’à la folie, les théories du genre après lui. C’est cette interprétation-là du message nietzschéen que Bousquet, dans son nouveau pamphlet néo-droitiste, a fustigée copieusement. Mais, indépendamment de cette audace polissonne de Foucault et de tous les foucaldiens qui l’ont suivi, la pensée de Foucault est également nietzschéenne et heideggerienne quand elle entend susciter une méthode « généalogique et archéologique » pour en arriver à comprendre le processus d’émergence de notre cadre civilisationnel occidental, aujourd’hui rigidifié. 

    Je pense que Bousquet aurait dû tenir compte de plusieurs refus de Foucault pour ne pas demeurer au stade du pur prurit pamphlétaire : la critique foucaldienne de l’homogénéisation des Lumières et du rejet lockien du réel comme insuffisance indigne de l’intérêt du philosophe (cf. Crawford), la double méthode archéologique et généalogique (que la philosophe française Angèle Kremer-Marietti avait mise en exergue jadis dans un des premiers ouvrages consacrés à Foucault). En ne tenant pas compte de ces aspects positifs et féconds de la pensée de Foucault, Bousquet fait courir un risque à son landernau néo-droitiste parisien, celui de réintroduire en son maigre sein une rigidité conceptuelle dans les stratégies métapolitiques alternatives qu’il entend déployer. L’anti-foucaldisme de Bousquet a certes ses raisons mais il me paraît inopportun d’opposer de nouvelles rigidités à l’apparatus actuel constitué par les nuisances idéologiques dominantes. Foucault demeure, en dépit de ses multiples giries, un maître qui nous apprend à comprendre les aspects oppresseurs de la modernité issue des Lumières. La faillite des établissements politiques inspirés par le fatras lockien conduit aujourd’hui les tenants de ce bataclan démonétisé à faire appel à la répression contre tous ceux qui, pour paraphraser Crawford, feraient mine de vouloir retourner à un réel concret et substantiel. Ils tombent le masque que Foucault avait, après Nietzsche, essayé de leur arracher. La modernité est donc bel et bien un éventail de dispositifs oppresseurs : elle peut dissimuler cette nature foncière tant qu’elle tient un pouvoir qui fonctionne vaille que vaille. Cette nature revient au galop quand ce pouvoir commence à crouler. 

    Le festivisme des post-foucaldiens n’a finalement été qu’un fin peinturlurage pour donner du bois de rallonge aux établissements « lockiens ». A ce titre, Crawford est, dans le contexte contemporain, plus pertinent et plus compréhensible que Foucault quand il explique comment les pensées soi-disant libératrices des lockiens ont éloigné l’homme du réel, jugé imparfait et mal agencé. Ce réel, par sa lourde présence, handicape la raison, pensait Locke, et mène les hommes à l’absurde. Nous avant là, anticipativement, et sur un plan philosophique apparemment raisonnable et décent, le réflexe défensif et agressif de l’établissement actuel face à diverses réactions dites « populistes », ancrées dans le réel de la vie quotidienne. Ce réel et ce quotidien se rebiffent contre une pensée politique imposée et anti-réaliste, niant les ressorts du « réel réellement existant », du « réel sans double (imaginaire) » (Clément Rosset). La pensée politique dominante et les appareils juridiques sont lockiens, nous dira Crawford, dans la mesure où le réel, où toute concrétude, toute tangibilité, sont posés derechef comme imparfaits, insuffisants, absurdes. Les tenants de ces postures arrogantes sont dans le déni, le déni de tout. Et ce déni absolu finira par basculer dans le répressif ou par sombrer dans le ridicule ou dans les deux à la fois, le temps d’une apothéose bouffonne, grimaçante. En France, le trio Cazeneuve, Valls et Hollande, et le cortège des femelles qui tournoient autour d’eux en donne déjà un avant-goût sinon une illustration.  

    Foucault avait découvert que toutes les formes de droit instaurées depuis le 17ème siècle français (cf. son livre intitulé « Théories et institutions pénales ») étaient répressives. Elles avaient abandonné un droit, d’origine franque et germanique, qui était, lui, véritablement libertaire et populaire, pour le troquer contre un appareillage juridique et judiciaire violent en son essence, anti-réaliste, hostile au « réel réellement existant » qu’est par exemple la populité. Le comportement de certains juges français face aux réactions populaires, réalitaires et acceptantes, ou face à des écrits jugés incompatibles avec les postures rigides dérivées de l’antiréalisme foncier des fausses pensées des 17ème et 18ème siècles, est symptomatique de la nature intrinsèquement répressive de cet ensemble établi, de ce faux libertarisme et révolutionnisme désormais rigidifiés parce qu’institutionalisés. 

    Nous pourrions donc percevoir la « French Theory », et ses aspects dérivés de la pensée de Foucault (en ses différents aspects successifs), non comme un vaste instrumentarium visant à recréer arbitrairement l’homme et la société, tels qu’ils n’ont jamais été auparavant dans l’histoire et dans la phylogénèse, mais, au contraire, comme une panoplie d’outils pour nous débarrasser du fardeau que Heidegger désignait comme des « constructions métaphysiques » faillies qui oblitèrent désormais lourdement la vie réelle, le donné vital des peuples et des individualités humaines. Nous devons nous doter d’instruments conceptuels pour critiquer et rejeter les dispositifs oppresseurs et homogénéisants de la modernité occidentale (lockienne), qui ont conduit les sociétés de l’américanosphère dans l’absurdité et le déclin. De plus, un rejet cohérent et philosophiquement bien charpenté des appareils issus des Lumières implique de ne pas inventer un homme soi-disant nouveau et fabriqué (sculpté, dirait Foucault dans ce qu’il faut bien nommer ses délires…). 

    L’anthropologie de la révolte contre les dispositifs oppresseurs qui se donnent le masque de la liberté et de l’émancipation pose un homme différent de cet homme séraphinisé des lockiens secs et atrabilaires ou modelé selon les fantaisies hurluberluesques du Foucault délirant des années 70 et 80.  La voie à suivre est celle d’une retour/recours à ce que des penseurs comme Julius Evola ou Frithjof Schuon appelaient la Tradition. Les voies pour modeler l’homme, pour le hisser hors de sa condition misérable, tissée de déréliction, sans toutefois le chasser du réel et des frictions permanentes qu’il impose (Clausewitz), ont déjà été tracées, probablement aux « périodes axiales » de l’histoire (Karl Jaspers). Ces voies traditionnelles visent à donner aux meilleurs des hommes une épine dorsale solide, à leur octroyer un centre (Schuon). Les ascèses spirituelles existent (et n’imposent pas nécessairement le dolorisme ou l’auto-flagellation). Les « exercices » suggérés par ces traditions doivent impérativement être redécouverts, comme d’ailleurs le philosophe allemand Peter Sloterdijk vient récemment de le préconiser. De fait, Sloterdijk exhorte ses contemporains à redécouvrir les « exercices » d’antan pour se discipliner l’esprit et pour se réorienter dans le monde, afin d’échapper aux impasses de la fausse anthropologie des Lumières et de leurs piètres avatars idéologiques des 19ème et 20ème siècles. 

    Les « Gender Studies » et les gesticulations post-foucaldiennes sont également des impasses, des échecs : elles ont annoncé notre « kali yuga », imaginé par l’antique Inde védique, époque de déliquescence avancée où hommes et femmes se conduisent comme les bandarlogs du « Livre de la Jungle » de Kipling.  Un retour à ces traditions et ces exercices, sous le triple patronage d’Evola, Schuon et Sloterdijk, signifierait mettre une parenthèse définitive aux expériences bizarres et ridicules qui ont conduit l’Occident à son déclin actuel, qui ont amené les Occidentaux à déchoir profondément, à devenir des bandarlogs. 

    Robert Steuckers,

    Bruxelles-Ville, juin 2016.  

    (*) Le problème de Bousquet, c’est qu’il fustige ce carnaval grand format au départ d’un cénacle tout aussi carnavalesque, mini-format, où des figures à la Jérôme Bosch s’agitent et se trémoussent.    

    http://robertsteuckers.blogspot.fr/2016/09/quelques-remarques-sur-la-french-theory.html