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culture et histoire - Page 1468

  • Capitalisme (3/6) : Ricardo et Malthus, vous avez dit liberté ?

    David Ricardo et Thomas Malthus sont considérés comme des acteurs fondamentaux de la construction de la société britannique du XIXe siècle. Depuis quarante ans, l’économie se mondialise selon la vision de David Ricardo de “l’avantage comparatif” et en conditionne notre adhésion à la logique du marché. Les bouleversements sociaux et politiques engendrés par ce tsunami économique ont été présentés comme le prix à payer pour améliorer le sort de tous. Mais qu’est-ce que David Ricardo a réellement écrit ? Est-ce que l’histoire des quatre dernières décennies s’explique avec des théories du XIXe siècle ou par les intérêts politiques et économiques de nos contemporains ?

    Réalisé par Ilan Ziv (France – 2014)

    http://fortune.fdesouche.com/

  • PARIS] Vendredi 07 novembre 2014 : PIERRE DE LA COSTE AU CERCLE DE FLORE

    A Paris, vendredi 07 NOVEMBRE à 20h00, ne manquez pas le nouveau Cercle de Flore. Pierre de la Coste, écrivain, viendra présenter son dernier ouvrage "L’Apocalypse du progrès " VENEZ NOMBREUX À CETTE SOIRÉE EXCEPTIONNELLE ! Vendredi 07 novembre 2014, à 20h00 10 rue Croix des Petits Champs 75001 Paris, Escalier A, 2 ème étage M° Palais-Royal PAF : 3€ , gratuité pour les adhérents. Renseignement : (...)

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  • Hommage à Jean Thiriart (1922-1992)

    Le 23 novembre 1992, Jean Thiriart, fondateur et animateur du mouvement politique Jeune Europe dans les années 60, s'est éteint brusquement, fauché en pleine santé et en pleine activité.

    Après Jean van der Taelen, qui l'avait appris de leur notaire commun, Maître Jean-Pierre de Clippele, je fus le premier à l'apprendre. Jean m'a appelé tout de suite, vers 20 heures 30, alors que je travaillais à classer des vieux documents dans ma cave. Atterré, j'ai gravi les escaliers quatre à quatre : l'invincible, le sportif, l'incarnation de l'énergie, l'empereur romain, le persifleur, le vieux mécréant, venait d'être emporté par la “Grande Faucheuse”. On s'attendait à la disparition de beaucoup d'autres, plus souffrants, moins alertes, plus âgés, pas à la sienne. Aussitôt, le téléphone a fonctionné et j'ai entendu des voix consternées, des larmes, de Paris à Moscou en passant par Milan ou Marseille.

    Par quelques idées bien articulées, Jean Thiriart avait donné une impulsion nouvelle à cette sphère que l'on qualifie de “nationale-révolutionnaire” et qui échappe à toutes les classifications simplistes, tant ses préoccupations, ses variantes sont vastes et différentes. Thiriart avait aussi énoncé des principes d'action qui gardent toute leur validité, non seulement pour ce microcosme NR, mais aussi pour tout praticien de la politique, quelle que soit l'orientation idéologique de son engagement.

    Né en 1956, je n'ai pas pu observer Jeune Europe en action, dans la foulée de la décolonisation, immédiatement avant mai 68. Ayant acquis mes premières convictions politiques vers 14 / 15 ans, c'est-à-dire en 1970-71, en constatant très tôt les turpitudes du régime, ses fermetures qui empêchent le citoyen normal, sans liens partisans, confessionnels ou associatifs, de participer activement à la vie de la cité, j'ai cultivé mes idées en dehors de toute organisation ou association jusqu'à l'âge de 24 ans, où j'ai découvert les activités de la “Nouvelle Droite”.

    Jeune Europe n'avait pas laissé de traces ni dans la société, noyée à l'époque dans la stupidité soixante-huitarde, “freudo-marxiste”, ni dans les sphères militantes qui, majoritairement gauchistes, faisaient dans l'exotisme angolais, bolivien ou vietnamien, sans plus se préoccuper des aliénations qui frappaient les peuples européens. A fortiori peu d'ouvrages faisait référence à l'action et aux écrits de Thiriart. Dans des torchons gauchistes, mal rédigés, vulgaires, bourrés de fautes de syntaxe et d'orthographe — comme il se doit en bonne logique égalitariste — son nom apparaissait quelque fois comme celui d'un “satan” et je n'y prêtais pas attention.

    Dans un ouvrage qui préfigurait les monomanies de nos cinq dernières années, Le racisme dans le monde de Pierre Paraf, publié avec l'appui de la LICRA, « la revue Jeune Europe de Bruxelles » était décrite comme « anti-américaine et anti-gaulliste », et, bien entendu, comme « raciste ». Après en avoir acquis une collection chez un bouquiniste, dix ou douze ans plus tard, j'ai au contraire pu constater qu'elle contenait deux articles de Thiriart vitupérant la nocivité pratique du racisme ou le décrivant comme le camouflage de problèmes affectifs, souvent d'origine sexuelle. Les milieux qui font profession d’“anti-racisme” m'apparaissent depuis ce jour comme des cénacles d'exaltés hystériques qui, à l'instar des illuminés “racistes”, ont besoin de boucs émissaires pour assouvir leur mal de vivre. Racismes et anti-racismes ne sont que des variantes d'une même maladie, d'un déséquilibre psychique remontant sans doute à la petite enfance. Thiriart en était convaincu, le répétait à qui voulait l'entendre et appelait cela sa « psycho-pathologie des groupuscules politiques ».

    C'est en découvrant un exemplaire de L'Europe, un empire de 400 millions d'hommes, sur l’étal d’un bouquiniste que j'ai appris qui était vraiment Jean Thiriart. La bonne tenue de ce livre, la clarté et la limpidité des arguments qu'il y développait, l’apport de cartes géopolitiques, m'ont tout de suite convaincu que Jean Thiriart n'était pas un agitateur exalté d'extrême-droite, comme tentaient de le faire accroire les foutriquets de la gauche post-soixante-huitarde, débraillés, mal dans leur peau, anti-politiques, dépourvus de tout sens historique, qui avaient alors pour lecture de base le très éphémère Hebdo 75, assorti de dessins de très mauvais goût, qui en disaient long sur la psycho-pathologie de leurs auteurs. Jean Thiriart n'apparaissait pas non plus comme un de ces polémistes de droite qui étalent, fort brillamment peut-être, leur rouspétance dans des feuilles populaires — et parfois populacières — sans jamais proposer rien de concret.

    C'est ainsi que j'ai appris que Jeune Europe avait existé. Au même moment, dans un cahier du très officiel CRISP (Centre de recherche et d'information socio-politiques), paraissait une histoire de l’“extrême-droite” belge sous la plume d’Étienne Verhoeyen. Et c'est ainsi que j'ai découvert le contexte, dans lequel on fourrait un peu arbitrairementJeune Europe. De tous les cénacles, groupuscules, partis ou associations qui avaient émaillé la chronique “droitiste” belge après 1945, incontestablement, Jeune Europe sortait du lot. Et pour les très jeunes gens que nous étions, vivant un âge d'or et d'abondance qui ne reviendra sans doute plus jamais, lecteurs des classiques latins, de La Rochefoucauld, de Nietzsche pour “embêter” les curés et les conformistes, de Marcuse — mai 68 oblige — des Lettres sur l’humanisme de Heidegger, parce qu'on nous les avait imposées, de Koestler, de Camus et d'Orwell, Jeune Europeapparaissait d'emblée comme un instrument possible du politique, mieux, comme quelque chose de naturel, de non-idéologique, de porteur d'histoire.

    Jeune Europe ne nous apparaissait certes pas comme une organisation de gauche car, dans ce cas, nous ne l'aurions pas aimée puisque la gauche, déjà, était la coqueluche des professeurs qui se piquaient d'intellectualisme et puisque ces professeurs nous énervaient, nous prenions évidemment un malin plaisir à les contrarier. Mais Jeune Europe contenait des idées universelles qui convenaient aux jeunes lecteurs de Koestler et de Camus que nous étions : Jeune Europeétait européenne et nous nous sentions tout naturellement “européens” ou “impériaux”, au-delà des frontières existantes ; Jeune Europe n'était pas nationaliste belge, ce qui nous plaisait car tout ce qui touchait à l’État belge, à ses hommes politiques, à ses institutions, nous apparaissait risible voire méprisable.

    Nous avons décidé de retrouver des anciens de Jeune Europe. C'est ainsi qu'après une longue enquête, nous sommes tombés sur Bernard Garcet, un ancien animateur de la section de Louvain de Jeune Europe. Garcet avait conservé quelques papiers de cette époque mouvementée où il était militant étudiant. Nos questions l’amusaient et aussitôt, il décida de reformer, chez lui avec la complicité de sa charmante épouse, une petite école des cadres dans le style deJeune Europe. Nous avons accepté et c'est ainsi que nous avons découvert successivement les thèses de Mosca et de Pareto (notamment la circulation des élites), les cours de Raymond Aron sur les grandes figures de la sociologie, La sociologie de la révolution de Jules Monnerot, que nous avons complétée de quelques thèses de Jean Baechler, le système de Pitirim Sorokin, L'ère des organisateurs de James Burnham, Le viol des foules par la propagande politiquede Serge Tchakhotine. C'est dans ce cercle privé et très restreint que j'ai rédigé tant bien que mal mes deux premières conférences : l'une sur la description du conservatisme dans Ideology and Utopia de Karl Mannheim et l'autre sur les thèses de Louis Rougier sur le Bas-Empire romain (que Garcet critiquait).

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  • Les vertiges de la finance internationale

    ♦ Recension :  Les vertiges de la finance internationale -  H. Bourguinat, éd. Economica, Paris, 1987.

    Le monde occidental, selon les économistes, vit aujourd'hui une “crise” de nature économique. Le paradoxe de cette crise — qui se traduit essentiellement par la hausse vertigineuse du taux de chômage, la baisse de la productivité dans les secteurs industriels (encore que ce dernier point fasse l'objet de nombreuses polémiques), la décroissance du taux de profit, et, enfin, la “restructuration” sectorielle des industries lourdes — réside dans l'incroyable prospérité des activités financières internationales.

    La finance est une activité de service qui s'appuie sur les différentiels de rentabilité qui existent dans les différents pays occidentaux. Différentiels de rémunération, bien sûr, qui se présentent sous la forme de taux d’intérêt ou de variations des devises-titres. L'activité “devises” nécessite une action rapide et quelquefois risquée, en particulier au sein d'un système de changes flottant. L’activité d'arbitrage est aujourd'hui très développée dans les banques, mais aussi dans des organismes très spécialisés souvent localisés à New York.

    Des fundamentals à la “titrisation”

    L'activité “titres” (les traditionnels portefeuilles d'actions et d'obligations mais aussi la multiplication des nouveaux instruments financiers — les instruments à terme étant les plus appréciés par les opérateurs du marché — qui envahissent depuis quelques années le marché mondial) connaît un bouleversement de nature historique, qui oblige de plus en plus les autorités institutionnelles nationales et internationales (gouvernements, commissions de contrôle et de régularisation, banque mondiale et banques centrales concernées, etc.) à une réflexion accélérée sur les éventuels outils de freinage et de contrôle des phénomènes d'emballement du marché. La déréglementation conjuguée avec la “dématérialisation” grandissante des titres (les Américains préférant le terme de “titrisation”) autorise l'auteur à parler de l’émergence d'une révolution financière (encore que parler de “révolution” en ce domaine puisse choquer tous les partisans d'une Révolution).

    La situation actuelle est en effet un renversement total des rapports que le circuit financier entretenait avec l'économie. Jusqu'à récemment, l'économie, que les économistes anglo-saxons nommaient les "fundamentals", était une économie réelle. Il s'agissait de l'ensemble des indices de mesure de la production (PNB, PDB, Productivité) qui déterminaient le jugement sur la “santé” de telle ou telle économie. Par ailleurs, afin de préserver le niveau de vie des citoyens, mesuré en pouvoir d'achat, la lutte contre l'inflation était un indicateur important. De ce fait, entre 1980 et 1985, le taux moyen d’inflation des pays occidentaux était passé de 10 % à 4,5 %. Cette victoire était aussi celle des consommateurs, donc du taux de croissance de la demande. Parallèlement à cette réussite, le taux de croissance réelle de ces mêmes pays indiquait un très fort ralentissement de son développement. Il passait de 5% dans les années 1980/84 à 2 ou 3% à partir de 1985/86. Selon certains spécialistes, les prévisions de ce taux de croissance, qui mesure le développement des économies selon une échelle commune, seraient à réviser à la baisse.

    Selon H. Bourguinat, 3 phénomènes majeurs domineraient aujourd'hui l'économie mondiale :

    ◘ 1) La pénurie de travail

    La pénurie de travail contre une saturation des marchés. La demande de travail actuelle est largement supérieure à l'offre de travail. Les 16 millions de travailleurs au chômage, recensés dans les pays membres de l'OCDE, ne le démentiront pas (on peut par ailleurs penser que ce chiffre, déjà effrayant en soi, est en deçà de la réalité ; d'abord 1) parce que la politique de soi-disant créations d'emplois est un maquillage plus ou moins habile de l'aggravation constante du chômage ; nous pensons, ici, aux “travaux d'utilité collective” — TUC — en France ou aux CST et TCT belges ou encore au développement du secteur des services aux États-Unis, not. dans le secteur de la restauration. Ensuite, 2) parce que la définition statistique du chômeur prête évidemment à certaines variations à la limite de la manipulation politique).

    Pour Bourguinat, le chômage résulte des causes suivantes : augmentation des coûts du travail dans la valeur-ajoutée du secteur industriel, baisse des gains de productivité due à la baisse de l'investissement (les capitalistes transfèrent leurs gains, leurs profits, non pas dans l'achat d'outils modernes de production — le terme savant étant la “Formation Brute de Capital Fixe” (FBCF) — mais dans des secteurs plus rentables en termes de profits à court terme ! Résultat : le coût de production de chaque unité augmente, l'argent dégagé sur la vente n'est plus (ou est moins) réinvesti dans un matériel, la profitabilité globale diminue.

    ◘ 2) Internationalisation et interdépendance : les fléaux de l'économie contemporaine

    L'internationalisation contre l'autonomie de décision. L'interdépendance, évidente dans le cadre de l'économie internationale capitaliste (investissements hors frontières des multinationales, collaboration entre les États, circuits d'échanges entre économies développées exportant des biens finis et/ou semi-finis et économies en voie de développement exportatrices de matières premières, etc.), subit une transformation qualitative. La question de l'endettement des pays dits du Tiers-Monde et des États-Unis eux-mêmes induit une mondialisation progressive de l’économie. Selon Bourguinat, on analyse une contradiction entre des pouvoirs économiques nationaux (du moins en termes politico-juridiques) et une mondialisation progressive des forces du marché (Groupe des 5, capitaux flottants, …). Résultat : perte croissante de l'autonomie de décision des gouvernants, multipolarisation de l'économie. L'Amérique, emprunteur mondial net de capitaux (85 milliards en 1985, dont 60 milliards au Japon exprimés en US dollars) destinés à finance son déficit budgétaire (212 milliards de $ en 1985) et le déficit de sa balance courante (118 milliards la même année !) manipule le marché financier afin de surmonter le plus grave problème de son histoire économique.

    ◘ 3) L'économie financière contre l'économie réelle

    Enfin, l'économie financière contre l'économie réelle. L'auteur parle ici de “méga-marché” mondial. Tout le monde peut en effet constater la croissance quasi exponentielle d'un marché de création et de mobilisation de fonds prêtables. Que ce soit sous la forme de “papier commercial” aux États-Unis, des options et des certificats de dépôts ou du MATIF en France, le marché financier mondial génère de manière de plus en plus évidente sa propre identité au détriment de l'économie réelle. La force de ce marché réside en partie dans l'existence de réseaux mondiaux de communication et d'information qui assurent la permanence d’activités de marché. Le décalage des fuseaux horaires permet, à l'heure de la "fermeture" des bourses européennes (le terme est au fond impropre puisqu'il n'y a pas vraiment de clôture boursière dans le cadre d'un marché dit continu), le report automatique des opérations sur les marchés nord-américains, puis asiatiques et même pacifiques (en particulier Sydney). La gamme des produits offerts s'étend chaque jour ; les anciennes catégories de titres sont aujourd'hui noyées dans une masse de produits financiers nouveaux sur des titres à court et moyen terme. Le “capitalisme du cow-boy” gagne sensiblement le monde entier et la Bourse de Londres est la première bourse européenne qui présente le profil de ce capitalisme fin de siècle (“Big Bang” d'octobre 1986).

    Ceci constaté, l'auteur définit la finance internationale comme résultant d'une combinaison de 4 éléments :

    1. la mondialisation des marchés financiers
    2. les innovations financières
    3. la globalisation de la fonction financière
    4. la “titrisation” (translation en français du néologisme anglais "securitisation").

    Des variations erratiques dangereuses

    En ce qui concerne les points c et d, l'activité des banques va consister à une politique de placement de papier à court terme auprès de sa clientèle pour le compte d'un emprunteur final. De fait, celles-ci développent depuis quelques années une fonction particulière, celle de l'intermédiation financière. Cette fonction implique la croissance des opérations “hors bilan” et la rémunération sous la forme de commissions. Le rôle traditionnel des banques, qui était celui d'accorder des crédits aux entreprises et/ou aux particuliers, régresse au profit d'une activité qualifiée d'hybride, située entre les crédits et les obligations (du type placement d'obligations à taux variables). Les objets de cette “titrisation” sont de plus en plus vastes : des encours hypothécaires aux cartes de crédit (“cards”) en passant par les crédits sur achat d'automobiles. Ces actifs liquides, très diversifiés comme on le voit, sont déjà soumis à une classification (le “rating”) mesurant le risque actuariel couru. L'élément intéressant, que souligne l'auteur, est que ces techniques nouvelles impliquent un mouvement de transfert du risque. Le risque, habituellement supporté par les intermédiaires professionnels (banques ou organismes de crédit) est désormais supporté par la multitude de souscripteurs finaux. La titrisation se conjugue ensuite avec la mondialisation des marchés financiers. En particulier celui du marché des changes. Ce dernier porte en lui les risques d'une véritable crise mondiale.

    Les tentatives de stabilisation des variations des taux de change (conférences de New York et Paris du Groupe des 5 ou du Groupe des 7, si on inclut le Canada et l'Italie) sont l'expression de l'inquiétude grandissante suscitée par les conséquences catastrophiques potentielles pour l'économie internationale de ces variations erratiques des monnaies principales (dollar, yen, DM). Un souci nouveau provient de l’affaiblissement des moyens de contrôle concertés sur les mouvements de la masse des capitaux flottants. Ce risque de la perte de contrôle n'est bien entendu pas le fruit du hasard. Il correspond à un état donné de l'évolution du système (cf. p. 25). Ce phénomène global (financier mais aussi monétaire et commercial) exige des décisions urgentes. L’arbitrage réalisé au profit des investissements financiers par les capitalistes est suscité par le désir de profiter de la montée des taux d’intérêts réels, ainsi, bien sûr, que des taux de change sur les marchés déréglementés. Bourguinat, pourtant toujours très — voire trop — modéré dans ses jugements, parle alors de “dégénérescence” du système.

    Les rééchelonnements anesthésient la crise et ne la résolvent pas

    Dans la deuxième partie de son livre, Bourguinat nous introduit au problème fondamental de l'endettement international. L’impossibilité pour les pays en voie de développement d'honorer les intérêts de la dette rend la question cruciale pour l'avenir du système. Les rééchelonnements de paiement du service de la dette, s'ils ont pour fonction “d'anesthésier” la crise, ne règlent rien au fond. Idem pour les tentatives de “restructuration” de la dette ; ces décisions ne font que repousser le problème dans un avenir incertain. La décision prise en février 1987 par le gouvernement brésilien de suspendre pour un temps le remboursement de sa dette reflète bien la gravité du problème. L'impossibilité de remboursement des 15 milliards de $ de prêts à court terme accordés par les banques étrangères au Brésil est un indice significatif de la gravité de la situation (cf. Wall Street journal Europe, 26 fév. 1987, section 2).

    D'autres pays sont d'ailleurs dans une situation identique de banqueroute : le Mexique (cas le plus connu), l'Argentine, le Nigeria. La dette du Tiers-Monde atteint aujourd'hui la somme fantastique de 1.000 milliards de $. En dépit des rééchelonnements successifs entre 1983 et 1985 (150 milliards), et les 100 milliards supplémentaires prévus en 86, l'impossibilité d'assurer le remboursement de la dette apparaît comme une évidence criante. Le continuum d'endettement qui en découle (où le financement devient une action quasi-spéculative, mais indispensable à la poursuite du mouvement) assure la survie des banques créditrices. Les tentatives américaines (Plan Baker) de proposer des solutions d'arrangement n'ont pas, jusqu’ici, débouché sur les améliorations espérées. D'autre part, certains débiteurs, peu désireux de se soumettre aux diktats du FMI ou de la Banque Mondiale (cf. les conséquences sociales et politiques de cette soumission en Tunisie en 1985) prennent des décisions de survie. Pour preuve, la décision unilatérale du Président péruvien de limiter le service de la dette à un pourcentage des exportations, exemple suivi par le Nigeria.

    Le scandale de la réexportation des capitaux

    Le scandale de cette situation réside aussi dans la réexportation des capitaux par les pays emprunteurs eux-mêmes ! En dehors des cas particuliers des Philippines et de Haïti, longtemps gouvernés par des potentats-escrocs, beaucoup de particuliers, appartenant à la grande bourgeoisie locale, ont confié leurs fortunes aux bons soins de banques étrangères, not. américaines. Ce transfert net (capitaux nouveaux reçus moins service de la dette), devenu négatif, aggrave encore la situation des pays débiteurs. Ces évasions de fonds (sous-facturation des exportations, surfacturation des importations, exportations clandestines, etc.) sont, dans la plupart des cas, dirigés vers des comptes en banque à New York, Zurich, Londres ou Miami (cf. étude citée du magazine américain Time, 2 juil. 1984).

    Un autre élément est la position d’emprunteur net des États-Unis d'Amérique. L’endettement net américain avoisinait en 1986 la somme astronomique de 250 milliards de $. Selon certaines prévisions, ils pourraient atteindre dans les années 90 le montant de 1.000 milliards de $. Afin de financer le déficit gargantuesque de l'État, les États-Unis absorbaient déjà en 1985 près de 9 % de l'épargne brute du monde. Pour le journaliste du Financial Times, L. Thurow, cette situation met en danger l'équilibre planétaire.

    Trois règles fondamentales

    Dans une dernière partie de son travail, Bourguinat examine les différentes solutions possibles. Il énonce 3 règles fondamentales :

    1. permettre la croissance équilibrée de tous les pays ;
    2. développer régulièrement et substantiellement le commerce et l'investissement à l’échelle internationale grâce à un système d'ajustement des paiements internationaux ;
    3. enfin, créer un système financier ET monétaire international garanti par des prêteurs en dernier ressort.

    Bourguinat présente ensuite quelques pistes qui, toutes, envisagent la stabilisation du système, par ex. par des zones de références monétaires, pivots d'une stabilité relative.

    En conclusion, il apparaît que l'emballement du système financier international est moins un accident historique que le résultat d'une certaine logique du profit poussée jusqu'à son terme. L'idéologie libérale, dans toutes ses versions historiques, sous-tend ce système, en lui fournissant les valeurs de justification de son existence. Les vertiges de la finance, qu'évoque Bourguinat, sont au fond ceux de tout organisme livré à ses propres pulsions. Par ailleurs, l’intérêt politique de l'Occident, et des États-Unis d'Amérique en particulier, favorise le mouvement de croissance de cette activité proprement parasitaire. Les économies réelles, celles qui se traduisent per la production de biens et de services, l'organisation des unités de production que sont les entreprises, la distribution de la production auprès des consommateurs, tout ceci, mesurable selon des critères clairs (PNB, prix de vente, etc.) macro- et micro-économiques, est victime d'un système où la rente (spéculation facile) et le risque (irresponsable) sont les 2 piliers de chaque décision d'investissement. Il s'agit du système capitaliste. 

    ► Ange Sampieru, Vouloir n°40-42, 1987.

  • [Dijon] Cerle Bossuet du 22 octobre 2014

    La rentrée du Cercle Bossuet de l’AFE DIJON : "Militantisme & écologie politique" a été une réussite.

     

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    http://www.actionfrancaise.net/craf/?Dijon-Cerle-Bossuet-du-22-octobre

  • Le nazisme, à l’heure de la Modernité

    Michaël Foessel, professeur de philosophie à l’école Polytechnique, a lu pourLibération l’essai de l’historien allemand Götz Aly, les Anormaux (Flammarion). Sa thèse : « Le national-socialisme, loin d’être un phénomène antimoderne, accomplit certaines des tendances les plus fortes de la modernité. » Le discours des nazis sur l’élimination des handicapés et les arguments d’aujourd’hui en faveur de l’euthanasie ne sont guère éloignés : il y a toujours des « vies indignes d’être vécues ». Extraits :

    "En 1922, l’assemblée annuelle des neurologues de Saxe se réunit autour de la question : « Le médecin a-t-il le droit de tuer ? » Dans l’ambiance libérale de la République de Weimar, les réflexions se multiplient sur les vies qui ne sont pas « dignes d’être vécues ». Il s’agit surtout des handicapés mentaux dont certains médecins envisagent, avec les meilleures intentions du monde, d’abréger les souffrances. On retrouvera beaucoup de ces médecins pétris d’humanisme scientiste au sein de l’opération T4 qui, à partir de 1939 et sur ordre de Hitler, mettra en œuvre l’élimination dans des chambres à gaz des malades mentaux.

    À l’heure où, par exemple à propos de Heidegger, il est de bon ton de se demander comment des esprits supérieurs ont pu adhérer au national-socialisme, vient de paraître en France un livre troublant sur cet assassinat des malades mentaux sous le IIIe Reich. Son auteur, Götz Aly, compte parmi les meilleurs spécialistes du nazisme et de la Shoah, mais son travail n’est pas seulement celui d’un historien. Sa thèse est que le national-socialisme, loin d’être un phénomène antimoderne, accomplit certaines des tendances les plus fortes de la modernité : hygiénisme militant, promotion du « progrès » même par la violence, rationalité instrumentale, efficacité bureaucratique.

    Dans ce cadre, l’euthanasie des malades mentaux, au cours de laquelle plus de 200.000 Allemands et autant de Slaves furent assassinés légalement, prend une dimension vertigineuse. Les militants politiques, qui s’engagèrent dans les années vingt pour l’aide à mourir, s’élevaient aussi contre la peine de mort et pour le droit à l’avortement. Un certain nombre d’entre eux furent des adversaires acharnés du nazisme, mais, à l’instar de l’Association des médecins socialistes allemands, ils apportèrent leur soutien à « l’opération Mort miséricordieuse » (Aktion Gnadentod) décrétée par Hitler. Götz Aly reconstitue minutieusement la biographie de Paul Nitsche, le principal responsable médical de l’euthanasie forcée. Avant de mettre sa science au service des SS, il fut un psychiatre réformateur, soucieux du bien-être des patients et partisan d’une politique du soin bannissant l’usage de la camisole de force et des châtiments corporels. [...]"

    Aujourd'hui, nous avons le CCNE.

    Michel Janva