Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

culture et histoire - Page 1813

  • Le théâtre de l'esprit

    La Somme, 5 septembre 1916. Le sergent Tezenaz du Montcel, attend de monter à l’assaut :

    Plus que dix minutes :

       - Faites passer…baïonnette au canon… faites passer…

    Je ne me sens pas brillant : c’est pourtant le moment où il faut tenir […] Je m’approche des gradins de franchissement et regarde en haut. Comment allons-nous sortir de là ? La moitié de mes hommes se massent autour de moi ; les autres vont sortir un peu plus loin, à l’endroit démoli. Je les regarde : ils sont pâles, calmes, magnifiques […] Moins cinq : les détonations, sifflements, hululements continuent au-dessus de nos têtes : c’est l’enfer.

    Je jette un coup d’œil sur ma droite : les baïonnettes brillent entre les visages creusés de mes soldats. Plus loin à une trentaine de mètres, j’aperçois soudain le lieutenant Ramière qui est monté sur une marche du parapet et dont le buste dépasse la tête des hommes. Il regarde la montre qu’il tient dans la main.

    Je suis prêt. Mon Dieu que votre volonté soit faite.

    Deux coups de sifflet, unis, tranquilles, ont percé le hourvari. Comment ? Déjà ? !…Le lieutenant, dressé cette fois à mi-corps du parapet fait signe du bras : « En avant ! » et monte…

    En avant ! Je grimpe le premier. 

    Dans l’antichambre de l’assaut

    La plus grande épreuve pour un soldat n’est pas le combat mais son attente, surtout si elle s’effectue sous le feu adverse. Pour Galtier-Boissière, « avant d’être engagé, on ressemble au monsieur qui attend chez le dentiste et frémit en entendant les hurlements du précédent client. Une fois dans la tourmente, on n’a heureusement  plus le temps de penser à rien ». Alors qu’il est au plus fort de la bataille de Verdun, Georges Gaudy à Verdun avoue : « on allait se massacrer, mais cela valait mieux que de subir, sans pouvoir bouger, l’épouvantable rage des marmites.» Sur 300 vétérans américains de la guerre d’Espagne, 213 confirmèrent cette vision et 42 seulement estimèrent avoir surtout eu peur au combat.

    La cruauté de cette attente réside surtout dans l’impossibilité d’agir alors que la tension est presque à son maximum. Refouler son angoisse sans agir c’est laisser libre court à son imagination, chacun entre en soi, fantasme sur son action future, se remémore des actions similaires passées, revoit ses proches. Les tics et gesticulation se multiplient. On vérifie cent fois son équipement et surtout le fonctionnement de son arme. Inhiber cette extériorisation, par amour propre ou bravade, accroît encore la pression. Certains connus pour leur flegme avant la bataille peuvent claquer d’un seul coup, comme un muscle trop tendu.

    Certains ne peuvent s’empêcher d’ouvrir le feu pour soulager leur angoisse. Dans la nuit du 23 au 24 février 1991 qui précède l’assaut sur les positions irakiennes, plus de 4 000 cartouches sont ainsi tirées sur des cibles imaginaires par les parachutistes américains intégrées dans la division française Daguet. Certaines unités partent parfois à l’assaut avant l’ordre, c’est d’ailleurs comme cela que la bataille de Solférino a été gagnée en 1859, par des soldats français qui n’en pouvaient plus d’attendre.

    Et puis arrive l’heure H :

    un brouhaha d’appels, plutôt devinés que perçus, monte de la masse humaine […] L’aiguille des secondes, infime morceau d’acier au sein d’une mer d’acier, entame son dernier tour. Nous montons les marches vers la sortie, et aussi loin que nos regards parviennent à perce l’épaisse brume, ils rencontrent des masses grises et armées qui opèrent le même mouvement que nous.

    C’est alors la plongée de tout son corps dans l’espace de la mort.

    L’espace étrange

    Cette plongée est d’abord une libération. Il faut en finir au plus tôt et chacun se trouve aspiré par toutes ses fibres dans un torrent. Certains, surtout parmi les plus jeunes, ont alors le besoin de s’enivrer en criant et en ouvrant le feu à toute occasion, là où les anciens se rappellent qu’il faut toujours conserver des munitions au cas-où et que si on peut avoir à ne pas nettoyer son arme, c’est encore mieux.

    Très vite le fonctionnement de l’esprit se tord. La surcharge des émotions et des signaux entraîne une confusion des sens et même des notions habituelles en matière de courage, de pitié ou même d’angoisse. Il n’y a plus que des anticyclones et des dépressions qui poussent ou aspirent les hommes dans un monde fabuleux où les choses parviennent à l’esprit avec l’évidence du cauchemar. Plus rien n’est étonnant.

    Dans ces conditions, les jugements portés sur les événements environnants font l’objet de distorsions importantes. Les comptes-rendus sont souvent très exagérés, les ordres parfois incohérents et personne ne parvient à se situer correctement dans le temps. Certains incidents de quelques secondes sont vécus comme s’ils avaient duré des heures, des heures entières sont oubliées. Le 21 mars 1918, Ernst Jünger est blessé :

    Je ne participe plus du tout aux activités meurtrières qui m’entourent. Je n’éprouve aucun douleur et je note la façon dont mes pensées deviennent floues ; elles se dissolvent dans un joyeux étonnement : « Si ce n’est pas pire que cela ! » […] C’est étrange comme en de tels instants notre propre corps donne l’impression d’être un objet étranger ; on sort pour ainsi dire de soi-même avec sa force vitale la plus intime et l’on éprouve le désir de se détourner de soi comme d’une image dépourvue de sens.

    Dans cet ailleurs psychologique, une défense automatique est constituée par l’insensibilité momentanée à l’horreur. Ne pas réagir, ne pas penser, ne pas éveiller de sentiments, bloquer la vision, la « comme une pierre ». Cette insensibilité n’est pas synonyme d’égoïsme, les attitudes altruistes, allant jusqu’au sacrifice de soi, sont, au contraire, très nombreuses en situation de danger extrême. Il ne s’agit pas non plus de « de dureté de cœur : la perte de camarades, d’amis chers, est douloureusement ressentie au lendemain des attaques, elle constitue même au front, tout bien pesé, l’épreuve de guerre la plus pénible. Mais le feu impose un ordre d’urgence aux sentiments. » En ces heures tragiques, la pensée du combattant ne va à sa famille qu’à de rares intervalles et aux seuls moments d’accalmie. Il ne vit que dans le seul instant présent et dans le cadre restreint de son groupe. 

    Les minuscules extraordinaires

    Dans cet univers d’un seul coup très restreint, la vision y passe alternativement de plans larges impressionnistes à, plus fréquemment, des focales hyperréalistes. Pour Chenu, agent de liaison lors d’une attaque en 1914,

    le champ de bataille s’est rétréci : le capitaine, le clairon et moi, nous sommes trois à nous voir sur une espèce de mamelon. J’ai l’impression que la terre est une toute petite sphère, pas assez longue pour que mon corps s’y étende à plat, et que ma tête la dépasse, suspendue dans le vide. Le régiment a disparu. Non, il n’y a plus rien dans le monde réel que cet îlot, cette boule qui émerge avec ses trois hommes, ses trois naufragés.

    Cet isolement s’explique par le cloisonnement physique du champ de bataille, désormais beaucoup plus en terrain tourmenté, urbain en particulier, qu’en plein découvert, par les poussières ou les fumées mais aussi par le vacarme qui empêche souvent les hommes de s’entendre au-delà de quelques mètres. Il s’explique aussi par le refus inconscient de voir les dangers contre lesquels on ne peut rien. Le monde d’au-dehors de la bulle de menace immédiate et visible n’existe simplement plus. Les informations qui ne servent pas à l’action immédiate et à la survie sont enregistrées et éliminées immédiatement.

    Dans cette réduction du champ de conscience parallèle, l’esprit est vite occupé par une seule idée ou une seule image concrète, visible, précise : le chef, le drapeau ou l’objectif à atteindre.

    Nous avancions droit devant nous, farouches, sans un cri ; on aurait craint, rien qu’en ouvrant la bouche, de laisser échapper tout son courage qu’on retenait les dents serrées ; le corps et l’esprit étaient tendus vers le seul but : arriver au bois.

    Pour Jünger, « Ce ne sont pas les ordres, c’est le but qui a fourni le cap et les liaisons et qui a uni tous ces combattants mus en apparence par le hasard. » Commander sous le feu, c’est donc avant tout imposer à l’esprit de ses hommes une idée directrice forte, puis fournir des buts visibles à atteindre ou des actions simples à faire, parfois à chaque individu. Cette polarisation sur une seule idée est par ailleurs dangereuse car elle amène à oublier fréquemment qu’il y a plusieurs dangers à surveiller. Lorsque survient un événement fort qui sort de cette focale, la surprise est totale et souvent paralysante.

    Dans son rapport sur la participation de sa compagnie à l'assaut sur la maison de la radio à Bangui (1997) le capitaine Marchand, souligne lui aussi la tendance de ses légionnaires « à s'agglutiner les uns aux autres pour se rassurer » et à se focaliser « sur l'objectif, en oubliant les autres directions toutes aussi dangereuses». Il note également que « tout le monde attendait l'ordre de l'échelon supérieur pour faire quoi que ce soit ». L’initiative est donc faible mais, en revanche, l’obéissance devient presque absolue. Le 24 septembre 1914, le lieutenant Maurice Genevoix, organise le repli de sa section : « Chaque commandement porte. Ça rend : une section docile, intelligente, une belle section de bataille ! Mon sang bat à grands coups égaux. A présent je suis sûr de moi-même, tranquille, heureux. » En 1918, le caporal Gaudy estime que « C’est un des bonheurs du soldat de n’avoir qu’à se laisser guider : il se repose sur le chef qui pense pour lui. »

    Les ordres seront donc normalement suivis à condition toutefois qu’ils soient donnés. Dans Men Against Fire, le colonel Marshall rapporte les impressions d’un sergent d’infanterie après les combats pour l’île Burton dans la Pacifique :

    Je compris que la seule façon de restaurer la confiance était de parler, comme un entraîneur le fait dans un match de football. Je poursuivais mon combat contre les postes de combat ennemis, mais cette fois je hurlais aux autres : « regardez-moi ! C’est ce que vous êtes censés faire. En avant ! Au boulot ! Gardez les yeux ouverts ! ». La section se rassembla à nouveau et commença à travailler méthodiquement. Mais je continuais à parler jusqu’à la fin de l’action car j’avais appris quelque chose de nouveau. Les chefs doivent parler pour commander. Un exemple silencieux ne suffit pas toujours à rallier pas les hommes.

    La parole est à la défense

    En face de l’assaut, la situation psychologique des défenseurs est assez différente. Ces derniers bénéficient du sentiment de jouir d’une liberté plus grande, du choix des moyens et éventuellement de la surprise. On n’attaque que lorsqu’on se sent fort et le défenseur le sait. De plus le « feu qui marche », celui du barrage roulant ou celui des groupes de mitrailleuses légères, par exemple, impressionne beaucoup plus que celui d’une position fixe. En revanche, le défenseur bénéficie d’armes automatiques lourdes, alors que l’attaquant ne peut les porter. Ces armes et les équipes qui les servent sont, psychologiquement, les éléments les plus résistants de toute l’infanterie. Ces cellules, quelle que soit la puissance de la préparation d’artillerie, constituent toujours les îlots de résistance sur lesquels vont buter les troupes d’attaque.

    Le défenseur bénéficie également de la protection des retranchements. Mais ces retranchements, s’ils sont enterrés, peuvent s’avérer aussi des pièges. La perspective de se voir subitement enfermés, enterrés vivants, brûlés vif ou asphyxiés provoque une angoisse particulière. Lorsque les hommes sont entassés dans des abris, cette angoisse s’accroît encore, et il existe de nombreux exemples de redditions, sans combat, de compagnies entières enfermées dans des fortins. Mon grand-père, sous-officier de l’infanterie coloniale, s’est ainsi illustré lors de la bataille de la Somme à s’emparant, avec 7 autres marsouins, d’un fort allemand occupé par 114 Allemands. 

    Lorsque les défenseurs ne sont pas neutralisés et bien décidés à se défendre, la situation peut devenir délicate :

    Enervés, assourdis, nous tirons, chargeons, tirons, sans arrêt. Toute la lisière du bois n’est qu’un long jet de feu dans la nuit. La ligne allemande progresse toujours ! Pour mieux viser, nous bondissons sur le parapet et irons à genoux… Devant nous la vague d’assaut n’est plus qu’à quarante mètres ! Je tire avec une rage frénétique. Mon cœur bat à se rompre, mes oreilles bourdonnent, j’ai la tête en feu : grisé par la poudre et l’infernal vacarme de la fusillade, je suis dans un paroxysme de vie et d’intense jouissance […] Et soudain toute la ligne ennemie fléchit, tourbillonne, se débande ! Debout sur le parapet, nous descendons les fuyards… hurlant « On les a eus – cessez le feu ! »…

    A la joie de vivre s’ajoute la joie d’être vainqueurs. « Ben comme ça, dit un homme, je comprends la guerre ! – Malin, va, riposte l’adjudant, philosophe, on aime toujours mieux être chasseur que lapin.

    http://lavoiedelepee.blogspot.fr/

  • Criminalité : la fin d’une idée reçue

    Ce n’est pas la misère qui provoque le crime mais, à l’inverse, la richesse.
    Voici peu encore, des élus socialistes de Marseille ont « expliqué » le désastre criminel local par l’inévitable – et fausse – « culture de l’excuse ». Il y a du crime à Marseille, ont-ils pleuré, du fait de la misère ! Faisons du social, créons des emplois et le crime s’évanouira. Or dans les décennies écoulées, partout et à chaque fois qu’on a voulu résorber le crime par le social, l’urbanisme et la création d’emplois, l’échec a été abyssal.
    Pourquoi ? Le simple bon sens suffit à comprendre : comment en effet corriger une catastrophique situation criminelle (à Marseille ou ailleurs) en y appliquant de nouvelles couches encore de la (désastreuse) politique de la ville, ou de la (calamiteuse) « protection judiciaire de la jeunesse », ou enfin de (l’impuissante) politique de l’emploi ?
    Hors du monde des Shadoks, une telle pratique a un précédent réel : l’agriculture soviétique. Une planification aussi aveugle qu’absurde ravage le monde agricole de l’URSS ? Une planification plus tatillonne encore résoudra aisément le problème.
    En son temps M. Jospin voulut résorber la criminalité par l’emploi des jeunes ; il créa de fait des dizaines de milliers d’emplois (souvent fictifs, mais là n’est pas la question) – or simultanément, la criminalité a explosé ! « J’ai été naïf », reconnut ensuite M. Jospin. Malgré tout cela, les socialistes – même hélas, certains élus UMP – radotent toujours sur le social, arme anticrime.
    Avant d’établir la fausseté de cette théorie, ce bref préalable. Les criminologues approuvent le social. Que leurs concitoyens jouissent d’un logis agréable et d’un emploi lucratif leur semble heureux. Mais par profession, ils savent que le social et l’emploi (en eux-mêmes positifs) sont hélas incapables de résorber la criminalité, si peu que ce soit. Prouvons-le.
    L’argument central des Diafoirus-sociologues et de la culture de l’excuse est que la misère sociale suscite le crime ; les présents criminels, modernes Jean Valjean, n’ayant que le choix de l’illicite pour ne pas mourir de faim. Poussons leur raisonnement : c’est donc là où la misère soudain explose que la vague criminelle sera la plus violente et la plus durable. Eh bien non, c’est même exactement l’inverse.
    Premier cas d’école, les Etats-Unis. Partie de Wall Street en 2007-2008, une crise financière, puis économique et enfin sociale, ravage l’Amérique au point que de renommés économistes comparent cette crise, pire que celle de 1929-1930, à l’effondrement de la Russie en 1990-2000 (fin de l’ère soviétique). Dans les années 2007-2011, on constate même chez les Blancs pauvres américains (non diplômés) une nette contraction de l’espérance de vie !
    • Classes moyennes – revenu moyen retombé en 2011 au niveau de 1996 (moins 8 % depuis 2007). Richesse moyenne d’un ménage en 2007 : 126 000 dollars ; en 2010 : 77 300 dollars.
    • Pauvres – misère record : 12 % de la population américaine en 2000, 15 % en 2011. 46 millions de pauvres en 2011 (moins de 22 160 dollars par an par famille de 4, dont 2 enfants mineurs). En 2011, 18 % des Américains manquent parfois d’argent pour manger au quotidien.
    Ainsi donc, prédisent les Diafoirus-sociologues et leurs séides journalistes (qu’ils ne démentent pas, nous avons des archives…), la criminalité va exploser. Eh bien non – même, elle s’effondre, pendant cinq ans d’affilée. Dans nombre de grandes métropoles américaines, les crimes violents tombent sous les chiffres de 1964 (année où l’« Uniform Crime report » fédéral s’installe sous sa forme présente). Même – lisez bien – l’homicide sort en 2012 de la liste des 15 motifs principaux de décès aux Etats-Unis ! (statistique de santé publique tenue depuis 1965).
    Coupe-gorge voici 50 ans, New York est aujourd’hui apaisée et sûre, moins d’homicides en 2012 qu’en 1978. Normal, rétorque Diafoirus-sociologue, du fait du tout-carcéral. Autre cliché faux ! En 2011, à New York (là où la criminalité baisse le plus), on compte 1/3 d’incarcérés de moins qu’en 2000. 
Bon, insiste Diafoirus, va pour l’Amérique ! Mais en Europe…
    Encore raté. Au Royaume-Uni, où la crise financière a été la plus violente en Europe, la criminalité baisse elle aussi – et fort. Criminalité générale en 2012 : moins 8 % ; homicides moins 12 %, au niveau de 1978 ! Au Pays de Galles, la criminalité est au plus bas depuis 30 ans. Et une consommation d’alcool et de stupéfiants en nette baisse chez les adolescents.
    Mais alors, quel est donc le lien entre misère et crime ? Y en a-t-il seulement un ? Oui ce lien existe, mais c’est l’exact inverse de celui seriné par la culture de l’excuse. Ce n’est pas la misère qui provoque le crime, mais à l’inverse, la richesse. Dans une société d’abondance, ou de plus, tout bien matériel désirable se miniaturise, plus la richesse s’accroît et s’affiche et plus il y a de biens à voler. Plus de gens travaillent et plus ils possèdent de smartphones, plus il y a d’appartements vides, de gamins non surveillés, de cités-dortoirs délaissées de l’aube au crépuscule. Tout cela constituant un véritable paradis pour prédateurs, violents ou non.
    Cela aussi se prouve. Retournons aux Etats-Unis. La crise commence à se résorber en 2012 ? Immédiatement, la criminalité prédatrice repart à la hausse (UCR/FBI, 1er semestre 2012). Vols à main armée : + 2 % ; vols avec violence : + 2,3 %; vols simples : + 1,9 %. Pareil en Grande-Bretagne, pour la délinquance d’opportunité.
    Reste bien sûr une parallèle montée de la cybercriminalité. Mais celle-ci n’inquiète, ni n’affecte, la population comme le crime violent et elle n’implique pas les mêmes malfaiteurs. Elle constitue donc un sujet d’étude en soi.
    Le cybercrime est-il un problème grave ? Rien de certain à présent car notre inusable boussole-qui-montre-le-sud ne s’est pas encore clairement prononcée. Ainsi, attendons que les Diafoirus-sociologues nous affirment, comme ils le font d’habitude, que le cybercrime est une illusoire « construction sociale » inventée par des politiciens fascistes. Dès lors, nous saurons infailliblement que le péril est sérieux…
    Xavier Raufer (Le Nouvel Economiste, 25/06/2013)
    http://www.polemia.com

  • Ni Communisme ni Capitalisme : Christianisme !

    Extraits du discours prononcé par Alexandre Soljenitsyne, prix Nobel de littérature (1970) à Harvard le 8 juin 1978. Il condamne alors les deux systèmes économiques – le communisme et le capitalisme. Il dénonce surtout la chute spirituelle de la civilisation.

    « Je suis très sincèrement heureux de me trouver ici parmi vous, à l’occasion du 327èmeanniversaire de la fondation de cette université si ancienne et si illustre. La devise de Harvard est “VERITAS”. La vérité est rarement douce à entendre ; elle est presque toujours amère. Mon discours d’aujourd’hui contient une part de vérité ; je vous l’apporte en ami, non en adversaire.

    Il y a trois ans, aux États-Unis, j’ai été amené à dire des choses que l’on a rejeté, qui ont paru inacceptables. Aujourd’hui, nombreux sont ceux qui acquiescent à mes propos d’alors. (…)

    Le déclin du courage est peut-être le trait le plus saillant de l’Ouest aujourd’hui pour un observateur extérieur. Le monde occidental a perdu son courage civique, à la fois dans son ensemble et singulièrement, dans chaque pays, dans chaque gouvernement, et bien sûr, aux Nations unies. Ce déclin du courage est particulièrement sensible dans la couche dirigeante et dans la couche intellectuelle dominante, d’où l’impression que le courage a déserté la société toute entière. Bien sûr, il y a encore beaucoup de courage individuel mais ce ne sont pas ces gens-là qui donnent sa direction à la vie de la société.

    Les fonctionnaires politiques et intellectuels manifestent ce déclin, cette faiblesse, cette irrésolution dans leurs actes, leurs discours et plus encore, dans les considérations théoriques qu’ils fournissent complaisamment pour prouver que cette manière d’agir, qui fonde la politique d’un État sur la lâcheté et la servilité, est pragmatique, rationnelle et justifiée, à quelque hauteur intellectuelle et même morale qu’on se place. Ce déclin du courage, qui semble aller ici ou là jusqu’à la perte de toute trace de virilité, se trouve souligné avec une ironie toute particulière dans les cas où les mêmes fonctionnaires sont pris d’un accès subit de vaillance et d’intransigeance, à l’égard de gouvernements sans force, de pays faibles que personne ne soutient ou de courants condamnés par tous et manifestement incapables de rendre un seul coup. Alors que leurs langues sèchent et que leurs mains se paralysent face aux gouvernements puissants et aux forces menaçantes, face aux agresseurs et à l’Internationale de la terreur. Faut-il rappeler que le déclin du courage a toujours été considéré comme le signe avant coureur de la fin ?

    Quand les États occidentaux modernes se sont formés, fut posé comme principe que les gouvernements avaient pour vocation de servir l’homme, et que la vie de l’homme était orientée vers la liberté et la recherche du bonheur (en témoigne la déclaration américaine d’Indépendance). Aujourd’hui, enfin, les décennies passées de progrès social et technique ont permis la réalisation de ces aspirations : un État assurant le bien-être général. Chaque citoyen s’est vu accorder la liberté tant désirée, et des biens matériels en quantité et en qualité propres à lui procurer, en théorie, un bonheur complet, mais un bonheur au sens appauvri du mot, tel qu’il a cours depuis ces mêmes décennies.

    Au cours de cette évolution, cependant, un détail psychologique a été négligé : le désir permanent de posséder toujours plus et d’avoir une vie meilleure, et la lutte en ce sens, ont imprimé sur de nombreux visages à l’Ouest les marques de l’inquiétude et même de la dépression, bien qu’il soit courant de cacher soigneusement de tels sentiments. Cette compétition active et intense finit par dominer toute pensée humaine et n’ouvre pas le moins du monde la voie à la liberté du développement spirituel.

    L’indépendance de l’individu à l’égard de nombreuses formes de pression étatique a été garantie ; la majorité des gens ont bénéficié du bien-être, à un niveau que leurs pères et leurs grands-pères n’auraient même pas imaginé ; il est devenu possible d’élever les jeunes gens selon ces idéaux, de les préparer et de les appeler à l’épanouissement physique, au bonheur, au loisir, à la possession de biens matériels, l’argent, les loisirs, vers une liberté quasi illimitée dans le choix des plaisirs. Pourquoi devrions-nous renoncer à tout cela ? Au nom de quoi devrait-on risquer sa précieuse existence pour défendre le bien commun, et tout spécialement dans le cas douteux où la sécurité de la nation aurait à être défendue dans un pays lointain ?

    Même la biologie nous enseigne qu’un haut degré de confort n’est pas bon pour l’organisme. Aujourd’hui, le confort de la vie de la société occidentale commence à ôter son masque pernicieux.

    La société occidentale s’est choisie l’organisation la plus appropriée à ses fins, une organisation que j’appellerais légaliste. Les limites des droits de l’homme et de ce qui est bon sont fixées par un système de lois ; ces limites sont très lâches. Les hommes à l’Ouest ont acquis une habileté considérable pour utiliser, interpréter et manipuler la loi, bien que paradoxalement les lois tendent à devenir bien trop compliquées à comprendre pour une personne moyenne sans l’aide d’un expert. Tout conflit est résolu par le recours à la lettre de la loi, qui est considérée comme le fin mot de tout. Si quelqu’un se place du point de vue légal, plus rien ne peut lui être opposé ; nul ne lui rappellera que cela pourrait n’en être pas moins illégitime. Impensable de parler de contrainte ou de renonciation à ces droits, ni de demander de sacrifice ou de geste désintéressé : cela paraîtrait absurde. On n’entend pour ainsi dire jamais parler de retenue volontaire : chacun lutte pour étendre ses droits jusqu’aux extrêmes limites des cadres légaux.

    J’ai vécu toute ma vie sous un régime communiste, et je peux vous dire qu’une société sans référent légal objectif est particulièrement terrible. Mais une société basée sur la lettre de la loi, et n’allant pas plus loin, échoue à déployer à son avantage le large champ des possibilités humaines. La lettre de la loi est trop froide et formelle pour avoir une influence bénéfique sur la société. Quand la vie est tout entière tissée de relations légalistes, il s’en dégage une atmosphère de médiocrité spirituelle qui paralyse les élans les plus nobles de l’homme.

    Et il sera tout simplement impossible de relever les défis de notre siècle menaçant armés des seules armes d’une structure sociale légaliste.

    Aujourd’hui la société occidentale nous révèle qu’il règne une inégalité entre la liberté d’accomplir de bonnes actions et la liberté d’en accomplir de mauvaises. Un homme d’État qui veut accomplir quelque chose d’éminemment constructif pour son pays doit agir avec beaucoup de précautions, avec timidité pourrait-on dire. Des milliers de critiques hâtives et irresponsables le heurtent de plein fouet à chaque instant. Il se trouve constamment exposé aux traits du Parlement, de la presse. Il doit justifier pas à pas ses décisions, comme étant bien fondées et absolument sans défauts. Et un homme exceptionnel, de grande valeur, qui aurait en tête des projets inhabituels et inattendus, n’a aucune chance de s’imposer : d’emblée on lui tendra mille pièges. De ce fait, la médiocrité triomphe sous le masque des limitations démocratiques.

    Il est aisé en tout lieu de saper le pouvoir administratif, et il a en fait été considérablement amoindri dans tous les pays occidentaux. La défense des droits individuels a pris de telles proportions que la société en tant que telle est désormais sans défense contre les initiatives de quelques-uns. Il est temps, à l’Ouest, de défendre non pas tant les droits de l’homme que ses devoirs.

    D’un autre côté, une liberté destructrice et irresponsable s’est vue accorder un espace sans limite. Il s’avère que la société n’a plus que des défenses infimes à opposer à l’abîme de la décadence humaine, par exemple en ce qui concerne le mauvais usage de la liberté en matière de violence morale faites aux enfants, par des films tout pleins de pornographie, de crime, d’horreur. On considère que tout cela fait partie de la liberté, et peut être contrebalancé, en théorie, par le droit qu’ont ces mêmes enfants de ne pas regarder et de refuser ces spectacles. L’organisation légaliste de la vie a prouvé ainsi son incapacité à se défendre contre la corrosion du mal. (…)

    L’évolution s’est faite progressivement, mais il semble qu’elle ait eu pour point de départ la bienveillante conception humaniste selon laquelle l’homme, maître du monde, ne porte en lui aucun germe de mal, et tout ce que notre existence offre de vicié est simplement le fruit de systèmes sociaux erronés qu’il importe d’amender.

    Et pourtant, il est bien étrange de voir que le crime n’a pas disparu à l’Ouest, alors même que les meilleurs conditions de vie sociale semblent avoir été atteintes. Le crime est même bien plus présent que dans la société soviétique, misérable et sans loi. (…)

    La presse, aussi, bien sûr, jouit de la plus grande liberté. Mais pour quel usage ? (…) Quelle responsabilité s’exerce sur le journaliste, ou sur un journal, à l’encontre de son lectorat, ou de l’histoire ? S’ils ont trompé l’opinion publique en divulguant des informations erronées, ou de fausses conclusions, si même ils ont contribué à ce que des fautes soient commises au plus haut degré de l’État, avons-nous le souvenir d’un seul cas, où le dit journaliste ou le dit journal ait exprimé quelque regret ? Non, bien sûr, cela porterait préjudice aux ventes. De telles erreurs peut bien découler le pire pour une nation, le journaliste s’en tirera toujours. Étant donné que l’on a besoin d’une information crédible et immédiate, il devient obligatoire d’avoir recours aux conjectures, aux rumeurs, aux suppositions pour remplir les trous, et rien de tout cela ne sera jamais réfuté ; ces mensonges s’installent dans la mémoire du lecteur. Combien de jugements hâtifs, irréfléchis, superficiels et trompeurs sont ainsi émis quotidiennement, jetant le trouble chez le lecteur, et le laissant ensuite à lui-même ? La presse peut jouer le rôle d’opinion publique, ou la tromper.

    De la sorte, on verra des terroristes peints sous les traits de héros, des secrets d’État touchant à la sécurité du pays divulgués sur la place publique, ou encore des intrusions sans vergogne dans l’intimité de personnes connues, en vertu du slogan : « Tout le monde a le droit de tout savoir. » Mais c’est un slogan faux, fruit d’une époque fausse ; d’une bien plus grande valeur est ce droit confisqué, le droit des hommes de ne pas savoir, de ne pas voir leur âme divine étouffée sous les ragots, les stupidités, les paroles vaines. Une personne qui mène une vie pleine de travail et de sens n’a absolument pas besoin de ce flot pesant et incessant d’information. (…)

    Autre chose ne manquera pas de surprendre un observateur venu de l’Est totalitaire, avec sa presse rigoureusement univoque : on découvre un courant général d’idées privilégiées au sein de la presse occidentale dans son ensemble, une sorte d’esprit du temps, fait de critères de jugement reconnus par tous, d’intérêts communs, la somme de tout cela donnant le sentiment non d’une compétition mais d’une uniformité. Il existe peut-être une liberté sans limite pour la presse, mais certainement pas pour le lecteur : les journaux ne font que transmettre avec énergie et emphase toutes ces opinions qui ne vont pas trop ouvertement contredire ce courant dominant.

    Sans qu’il y ait besoin de censure, les courants de pensée, d’idées à la mode sont séparés avec soin de ceux qui ne le sont pas, et ces derniers, sans être à proprement parler interdits, n’ont que peu de chances de percer au milieu des autres ouvrages et périodiques, ou d’être relayés dans le supérieur. Vos étudiants sont libres au sens légal du terme, mais ils sont prisonniers des idoles portées aux nues par l’engouement à la mode. Sans qu’il y ait, comme à l’Est, de violence ouverte, cette sélection opérée par la mode, ce besoin de tout conformer à des modèles standards, empêchent les penseurs les plus originaux d’apporter leur contribution à la vie publique et provoquent l’apparition d’un dangereux esprit grégaire qui fait obstacle à un développement digne de ce nom. Aux États-Unis, il m’est arrivé de recevoir des lettres de personnes éminemment intelligentes… peut-être un professeur d’un petit collège perdu, qui aurait pu beaucoup pour le renouveau et le salut de son pays, mais le pays ne pouvait l’entendre, car les médias n’allaient pas lui donner la parole. Voilà qui donne naissance à de solides préjugés de masse, à un aveuglement qui à notre époque est particulièrement dangereux. (…)

    Il est universellement admis que l’Ouest montre la voie au monde entier vers le développement économique réussi, même si dans les dernières années il a pu être sérieusement entamé par une inflation chaotique. Et pourtant, beaucoup d’hommes à l’Ouest ne sont pas satisfaits de la société dans laquelle ils vivent. Ils la méprisent, ou l’accusent de plus être au niveau de maturité requis par l’humanité. Et beaucoup sont amenés à glisser vers le socialisme, ce qui est une tentation fausse et dangereuse. J’espère que personne ici présent ne me suspectera de vouloir exprimer une critique du système occidental dans l’idée de suggérer le socialisme comme alternative. Non, pour avoir connu un pays où le socialisme a été mis en œuvre, je ne prononcerai pas en faveur d’une telle alternative. (…)

    Mais si l’on me demandait si, en retour, je pourrais proposer l’Ouest, en son état actuel, comme modèle pour mon pays, il me faudrait en toute honnêteté répondre par la négative. Non, je ne prendrais pas votre société comme modèle pour la transformation de la mienne. On ne peut nier que les personnalités s’affaiblissent à l’Ouest, tandis qu’à l’Est elles ne cessent de devenir plus fermes et plus fortes. Bien sûr, une société ne peut rester dans des abîmes d’anarchie, comme c’est le cas dans mon pays. Mais il est tout aussi avilissant pour elle de rester dans un état affadi et sans âme de légalisme, comme c’est le cas de la vôtre. Après avoir souffert pendant des décennies de violence et d’oppression, l’âme humaine aspire à des choses plus élevées, plus brûlantes, plus pures que celles offertes aujourd’hui par les habitudes d’une société massifiée, forgées par l’invasion révoltante de publicités commerciales, par l’abrutissement télévisuel, et par une musique intolérable.

    Tout cela est sensible pour de nombreux observateurs partout sur la planète. Le mode de vie occidental apparaît de moins en moins comme le modèle directeur. Il est des symptômes révélateurs par lesquels l’histoire lance des avertissements à une société menacée ou en péril. De tels avertissements sont, en l’occurrence, le déclin des arts, ou le manque de grands hommes d’État. Et il arrive parfois que les signes soient particulièrement concrets et explicites. Le centre de votre démocratie et de votre culture est-il privé de courant pendant quelques heures, et voilà que soudainement des foules de citoyens Américains se livrent au pillage et au grabuge. C’est que le vernis doit être bien fin, et le système social bien instable et mal en point.

    Mais le combat pour notre planète, physique et spirituel, un combat aux proportions cosmiques, n’est pas pour un futur lointain ; il a déjà commencé. Les forces du Mal ont commencé leur offensive décisive. Vous sentez déjà la pression qu’elles exercent, et pourtant, vos écrans et vos écrits sont pleins de sourires sur commande et de verres levés. Pourquoi toute cette joie ?

    Comment l’Ouest a-t-il pu décliner, de son pas triomphal à sa débilité présente ? A-t-il connu dans son évolution des points de non-retour qui lui furent fatals, a-t-il perdu son chemin ? Il ne semble pas que cela soit le cas. L’Ouest a continué à avancer d’un pas ferme en adéquation avec ses intentions proclamées pour la société, main dans la main avec un progrès technologique étourdissant. Et tout soudain il s’est trouvé dans son état présent de faiblesse. Cela signifie que l’erreur doit être à la racine, à la fondation de la pensée moderne. Je parle de la vision du monde qui a prévalu en Occident à l’époque moderne. Je parle de la vision du monde qui a prévalu en Occident, née à la Renaissance, et dont les développements politiques se sont manifestés à partir des Lumières. Elle est devenue la base de la doctrine sociale et politique et pourrait être appelée l’humanisme rationaliste, ou l’autonomie humaniste : l’autonomie proclamée et pratiquée de l’homme à l’encontre de toute force supérieure à lui. On peut parler aussi d’anthropocentrisme : l’homme est vu au centre de tout.

    Historiquement, il est probable que l’inflexion qui s’est produite à la Renaissance était inévitable. Le Moyen Âge en était venu naturellement à l’épuisement, en raison d’une répression intolérable de la nature charnelle de l’homme en faveur de sa nature spirituelle. Mais en s’écartant de l’esprit, l’homme s’empara de tout ce qui est matériel, avec excès et sans mesure. La pensée humaniste, qui s’est proclamée notre guide, n’admettait pas l’existence d’un mal intrinsèque en l’homme, et ne voyait pas de tâche plus noble que d’atteindre le bonheur sur terre. Voilà qui engagea la civilisation occidentale moderne naissante sur la pente dangereuse de l’adoration de l’homme et de ses besoins matériels.Tout ce qui se trouvait au-delà du bien-être physique et de l’accumulation de biens matériels, tous les autres besoins humains, caractéristiques d’une nature subtile et élevée, furent rejetés hors du champ d’intérêt de l’État et du système social, comme si la vie n’avait pas un sens plus élevé. De la sorte, des failles furent laissées ouvertes pour que s’y engouffre le mal, et son haleine putride souffle librement aujourd’hui. Plus de liberté en soi ne résout pas le moins du monde l’intégralité des problèmes humains, et même en ajoute un certain nombre de nouveaux.

    Et pourtant, dans les jeunes démocraties, comme la démocratie américaine naissante, tous les droits de l’homme individuels reposaient sur la croyance que l’homme est une créature de Dieu. C’est-à-dire que la liberté était accordée à l’individu de manière conditionnelle, soumise constamment à sa responsabilité religieuse. Tel fut l’héritage du siècle passé.

    Toutes les limitations de cette sorte s’émoussèrent en Occident, une émancipation complète survint, malgré l’héritage moral de siècles chrétiens, avec leurs prodiges de miséricorde et de sacrifice. Les États devinrent sans cesse plus matérialistes. L’Occident a défendu avec succès, et même surabondamment, les droits de l’homme, mais l’homme a vu complètement s’étioler la conscience de sa responsabilité devant Dieu et la société. Durant ces dernières décennies, cet égoïsme juridique de la philosophie occidentale a été définitivement réalisé, et le monde se retrouve dans une cruelle crise spirituelle et dans une impasse politique. Et tous les succès techniques, y compris la conquête de l’espace, du Progrès tant célébré n’ont pas réussi à racheter la misère morale dans laquelle est tombé le XXème siècle, que personne n’aurait pu encore soupçonner au XIXème siècle.

    L’humanisme dans ses développements devenant toujours plus matérialiste, il permit avec une incroyable efficacité à ses concepts d’être utilisés d’abord par le socialisme, puis par le communisme, de telle sorte que Karl Marx pût dire, en 1844, que « le communisme est un humanisme naturalisé ». Il s’est avéré que ce jugement était loin d’être faux. On voit les mêmes pierres aux fondations d’un humanisme altéré et de tout type de socialisme : un matérialisme sans frein, une libération à l’égard de la religion et de la responsabilité religieuse, une concentration des esprits sur les structures sociales avec une approche prétendument scientifique. Ce n’est pas un hasard si toutes les promesses rhétoriques du communisme sont centrées sur l’Homme, avec un grand H, et son bonheur terrestre. À première vue, il s’agit d’un rapprochement honteux : comment, il y aurait des points communs entre la pensée de l’Ouest et de l’Est aujourd’hui ? Là est la logique du développement matérialiste. (…)

    Je ne pense pas au cas d’une catastrophe amenée par une guerre mondiale, et aux changements qui pourraient en résulter pour la société. Aussi longtemps que nous nous réveillerons chaque matin, sous un soleil paisible, notre vie sera inévitablement tissée de banalités quotidiennes. Mais il est une catastrophe qui pour beaucoup est déjà présente pour nous. Je veux parler du désastre d’une conscience humaniste parfaitement autonome et irréligieuse.

    Elle a fait de l’homme la mesure de toutes choses sur terre, l’homme imparfait, qui n’est jamais dénué d’orgueil, d’égoïsme, d’envie, de vanité, et tant d’autres défauts. Nous payons aujourd’hui les erreurs qui n’étaient pas apparues comme telles au début de notre voyage. Sur la route qui nous a amenés de la Renaissance à nos jours, notre expérience s’est enrichie, mais nous avons perdu l’idée d’une entité supérieure qui autrefois réfrénait nos passions et notre irresponsabilité.

    Nous avions placé trop d’espoirs dans les transformations politico-sociales, et il se révèle qu’on nous enlève ce que nous avons de plus précieux : notre vie intérieure. À l’Est, c’est la foire du Parti qui la foule aux pieds, à l’Ouest la foire du Commerce : ce qui est effrayant, ce n’est même pas le fait du monde éclaté, c’est que les principaux morceaux en soient atteints d’une maladie analogue.

    Si l’homme, comme le déclare l’humanisme, n’était né que pour le bonheur, il ne serait pas né non plus pour la mort.

    Mais corporellement voué à la mort, sa tâche sur cette terre n’en devient que plus spirituelle : non pas un gorgement de quotidienneté, non pas la recherche des meilleurs moyens d’acquisition, puis de joyeuse dépense des biens matériels, mais l’accomplissement d’un dur et permanent devoir, en sorte que tout le chemin de notre vie devienne l’expérience d’une élévation avant tout spirituelle : quitter cette vie en créatures plus hautes que nous n’y étions entrés.

    Il est impératif que nous revoyions à la hausse l’échelle de nos valeurs humaines. Sa pauvreté actuelle est effarante. Il n’est pas possible que l’aune qui sert à mesurer de l’efficacité d’un président se limite à la question de combien d’argent l’on peut gagner, ou de la pertinence de la construction d’un gazoduc. Ce n’est que par un mouvement volontaire de modération de nos passions, sereine et acceptée par nous, que l’humanité peut s’élever au-dessus du courant de matérialisme qui emprisonne le monde.

    Quand bien même nous serait épargné d’être détruits par la guerre, notre vie doit changer si elle ne veut pas périr par sa propre faute. Nous ne pouvons nous dispenser de rappeler ce qu’est fondamentalement la vie, la société. Est-ce vrai que l’homme est au-dessus de tout ? N’y a-t-il aucun esprit supérieur au-dessus de lui ? Les activités humaines et sociales peuvent-elles légitimement être réglées par la seule expansion matérielle ? A-t-on le droit de promouvoir cette expansion au détriment de l’intégrité de notre vie spirituelle ?

    Si le monde ne touche pas à sa fin, il a atteint une étape décisive dans son histoire, semblable en importance au tournant qui a conduit du Moyen Age à la Renaissance. Cela va requérir de nous un embrasement spirituel. Il nous faudra nous hisser à une nouvelle hauteur de vue, à une nouvelle conception de la vie, où notre nature physique ne sera pas maudite, comme elle a pu l’être au Moyen Age, mais, ce qui est bien plus important, où notre être spirituel ne sera pas non plus piétiné, comme il le fut à l’ère moderne.

    Notre ascension nous mène à une nouvelle étape anthropologique. Nous n’avons pas d’autre choix que de monter… toujours plus haut. »

    Alexandre Soljenitsyne – 1978 http://bibliothequedecombat.wordpress.com/

    Source

  • 14 juillet : fête nationale ou fête maçonnique ?

    « Après un oubli de près de 100 ans depuis la prise de la Bastille, le 14 juillet devient fête Nationale en 1880, sous la IIIème République.

    La République toute nouvelle se cherche des symboles. Là encore, comme souvent en cette période de notre Histoire Nationale, l’action des francs-maçons sera importante.

    C’est le frère Benjamain Raspail, député de la Seine pour la gauche républicaine (fils aîné de François-Vincent Raspail, candidat malheureux à la présidence de la République en 1848, carbonaro et franc-maçon au sein de la célèbre loge parisienne Les Amis de la Vérité), qui dépose le 21 mai 1880 la loi faisant du 14 juillet la fête nationale. Ce projet de loi, signé par 64 députés, sera adopté par l’Assemblée le 8 juin et par le Sénat le 29 juin. Elle sera promulguée le 6 juillet 1880.

    Mais qu’est-ce qu’on commémore exactement? Cette loi a eu bien du mal à passer car nombre de députés ne souhaitaient pas commémorer la prise de la Bastille du 14 juillet 1789, épisode historique jugé trop violent. Le frère Raspail propose donc de commémorer… le 14 juillet 1790, jour de la Fête de la Fédération, 1er anniversaire de la prise de la Bastille.

    (…)

    La décision officielle est prise en juin 1790 par l’Assemblée Nationale.

    Le 14 juillet 1790 ce sont 14 000 fédérés venus de province (chaque garde nationale a été chargée de choisir parmi ses membres 2 hommes sur 100), rangés par départements sous 83 bannières, qui partent de l’emplacement de la Bastille, empruntent les rues Saint-Antoine, Saint-Denis, Saint-Honoré et se rendent par le Cours-La-Reine par le pont de bateaux qui leur permet d’accéder au Champ de Mars. Ils sont plus de 60 000 fédérés avec ceux de Paris qui les ont rejoint.

    Plus de 400 000 parisiens assistent à la Fête.

    C’est le frère La Fayette qui le premier jure fidélité à la Constitution et au Roi. Louis XVI lui-même fait ensuite serment de respecter la Constitution.

    Puis une grande Messe est célébrée par l’Evêque constitutionnel d’Autun, le frère Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord.

    Enfin le « Te Deum de la Fraternité » pour 3 voix, chœur d’homme et orchestre d’harmonie, composé et dirigé par le frère François-Joseph Gossec (membre de la Loge « La Réunion des Arts » à l’Orient de Paris) est joué devant la foule.

    Pour la première fois le drapeau de la jeune République américaine est déployé hors des Etats-Unis. Une délégation menée par le frère John Paul Jones (fondateur de la Marine Américaine) et par le frère Thomas Paine (qui sera plus tard élu à la Convention) se joint au cortège des fédérés. Elle comprend également James Swan, Georges Howell, Benjamin Jarvis, Samuel Blackden, Joël Barlow, William Henry Vernon. Elle arrive au Champ de Mars avec son drapeau et est acclamée par la foule des patriotes.

    C’est pourquoi en 1880, la jeune République veut retrouver autour de ses valeurs cet élan populaire et choisit de célébrer la Fête de la Fédération. Elle a d’ailleurs fait les choses en grand. Le ministre de l’Intérieur prescrit aux préfets de veiller à ce que cette journée « soit célébrée avec autant d’éclat que le comportent les ressources locales ».

    Un défilé militaire est organisé sur l’hippodrome de Longchamp devant 300 000 spectateurs, en présence du frère Président de la République Jules Grévy. Il s’agit de montrer le redressement de l’armée française après la défaite contre la Prusse en 1870.

    Ce défilé militaire, toujours en vigueur aujourd’hui le 14 juillet, s’inspire aussi du défilé des gardes fédérés de 1790.

    En 1880 on inaugure également le monument surmonté de la statue de la place de la République, et partout sont donnés concerts et feux d’artifices. « La colonne de Juillet » qui surplombe la place de la Bastille, elle, ne se réfère pas au 14 juillet 1789. Elle porte le nom des victimes des journées révolutionnaire de juillet 1830, les « Trois glorieuses ». »

    Source

    http://www.contre-info.com/

  • Civilisation du temps et civilisation de l'espace

    Les traces qui subsistent — rien que dans la pierre la plupart du temps — de certaines grandes civilisations des origines renferment souvent un sens rarement compris. Devant ce qui reste du monde gréco-romain le plus archaïque et au-delà, de l'Egypte, de la Perse, de la Chine, jusqu'aux mystérieux et muets monuments mégalithiques épars dans les déserts, les landes et les forêts comme derniers vestiges visibles et immobiles de mondes engloutis et disparus — et, comme limite dans la direction opposée de l'histoire, Jusqu'à certaines formes du Moyen Age européen : devant tout cela on en arrive à se demander si la miraculeuse résistance au temps de ces témoignages, outre le concours favorable de circonstances extérieures auquel ils doivent d'être encore là, ne contient pas aussi une signification symbolique.

    Cette impression se renforce si l'on pense au caractère général de la vie des civilisations auxquelles la majorité de ces vestiges appartiennent, c'est-à-dire au caractère général de la vie dite « traditionnelle ». C'est une vie qui demeure identique à travers les siècles et les générations, dans une fidélité essentielle aux mêmes principes, au même type d'institutions, à la même vision du monde ; susceptible de s'adapter et de se modifier extérieurement face à des événements calamiteux, mais inaltérable en son noyau, dans son principe animateur, dans son esprit.

    Un tel monde semble nous renvoyer surtout à l'Orient. On pense à ce qu'étaient. Jusqu'à des époques relativement récentes, la Chine et l'Inde, et jusqu'à hier le Japon lui-même. Mais, en général, plus on remonte le temps, plus on ressent la vigueur, l'universalité et la puissance de ce type de civilisation, au point que l'Orient finit par être vu comme la partie du monde où, pour des circonstances fortuites, ce type a pu subsister plus longtemps et se développer mieux qu'ailleurs. Dans ce type de civilisation la loi du temps semble être en partie suspendue. Plus que dans le temps, ces civilisations semblent avoir vécu dans l’espace. Elles ont eu un caractère « achronique ».

    Selon la formule aujourd’hui en vogue, ces civilisations auraient donc été « stationnaires », « statiques » ou « immobilistes ». En réalité, ce sont les civilisations dont même les vestiges matériels semblent destinés à vivre plus longtemps que toutes les créations ou tous les monuments du monde moderne, lesquels, sans exception, sont impuissants à durer plus d'un demi-siècle et à propos desquels les mots « progrès » et « dynamisme » signifient seulement une soumission à la contingence, au mouvement d'un incessant changement, d'une rapide ascension et d'un déclin tout aussi rapide et vertigineux. Ce sont là des processus qui n'obéissent pas à une vraie loi interne et organique, qu'aucune limite ne contient, qui deviennent autonomes et prennent par ta main ceux par qui ils ont été favorisés : voilà la caractéristique de ce monde différent, dans tous les secteurs qui le composent. Cela n'empêche pas qu'on ait fait de lui une sorte de critère de mesure pour tout ce qui aurait droit, au sens le plus élevé, au mot « civilisation », dans te cadre d'une historiographie qui fart siens des Jugements de valeur arrogants et méprisants du genre de ceux auxquels il a été fait allusion plus haut.

    A cet égard, typique est l'équivoque de ceux qui prennent pour immobilité ce qui eut, dans les civilisations traditionnelles, un sens très différent : un sens d'immutabilité. Ces civilisations furent des civilisations de l’être. Leur force se manifesta justement dans leur identité, dans la victoire qu'elles obtinrent sur le devenir, sur l'« histoire », sur le changement, sur t'informe fluidité. Ce sont des civilisations qui descendirent dans les profondeurs et qui y établirent de solides racines, au-delà des eaux périlleuses en mouvement. L'opposition entre les civilisations modernes et les civilisations traditionnelles peut s’exprimer comme suit : les civilisations modernes sont dévoratrices de l’espace, les civilisations traditionnelles furent dévoratrices du temps.

    Les premières donnent le vertige par leur fièvre de mouvement et de conquête de l'espace, génératrice d'un arsenal inépuisable de moyens mécaniques capables de réduire toutes les distances, de raccourcir tout intervalle, de contenir dans une sensation d'ubiquité tout ce qui est épars dans la multitude des lieux. Orgasme d'un désir de possession ; angoisse obscure devant tout ce qui est détaché, isolé, profond ou lointain ; impulsion à l'expansion, à la circulation, à l'association, désir de se retrouver en tous lieux — mais jamais en soi-même. La science et la technique, favorisées par cette impulsion existentielle irrationnelle, la renforcent à leur tour, la nourrissent, l'exaspèrent : échanges, communications, vitesses par delà le mur du son, radio, télévision, standardisation, cosmopolitisme, internationalisme, production illimitée, esprit américain, esprit « moderne ». Rapidement le réseau s'étend, se renforce, se perfectionne. L'espace terrestre n'offre pratiquement plus de mystères. Les voies du sol, de l'eau, de l'éther sont ouvertes. Le regard humain a sondé les cieux les plus éloignés, l'infiniment grand et l’infiniment petit. On ne parle déjà plus d’autres terres, mais d’autres planètes. Sur notre ordre, l'action se produit, foudroyante, où nous voulons. Tumulte confus de mille voix qui se fondent peu à peu dans un rythme uniforme, atonal, impersonnel. Ce sont les derniers effets de ce qu'on a appelé la vocation « faustienne » de l’Occident, laquelle n'échappe pas au mythe révolutionnaire sous ses différents aspects, y compris l'aspect technocratique formulé dans le cadre d'un messianisme dégradé.

    A l’inverse, les civilisations traditionnelles donnent le vertige par leur stabilité, leur identité, leur fermeté intangible et immuable au milieu du courant du temps et de l'histoire : si bien qu'elles furent capables d'exprimer jusqu'en des formes sensibles et tangibles comme un symbole de l'éternité. Elles furent des îles, des éclairs dans le temps ; en elles agirent des forces qui consumaient le temps et l'histoire. De par ce caractère qui leur est propre, il est inexact de dire qu’elles « furent » — on devrait dire, plus justement et plus simplement, qu’elles sont. Si elles semblent reculer et s’évanouir dans les lointains d’un passé qui a même parfois des traits mythiques, cela n'est que l'effet du mirage auquel succombe nécessairement celui qui est transporté par un courant irrésistible qui l’éloigné toujours plus des lieux de la stabilité spirituelle. Du reste, cette image correspond exactement à l'image de la « double perspective » donnée par un vieil enseignement traditionnel : les « terres immobiles » fuient et se meuvent pour celui qui est entraîné par les eaux, les eaux remuent et fuient pour celui qui est fermement ancré dans les « terres immobiles ».

    Comprendre cette image, en la rapportant non au plan physique mais au plan spirituel, veut dire percevoir aussi la Juste hiérarchie des valeurs, dès lors que le regard porte au-delà de l'horizon dans lequel sont enfermés nos contemporains. Ce qui semblait appartenir au passé devient présent, de par la relation essentielle des formes historiques (et comme telles contingentes) à des contenus méta-historiques. Ce qui était jugé « statique » se révèle saturé d'une vie pléthorique. Les vaincus, les décentrés, ce sont les autres. Devenirisme, historicisme, évolutionnisme et ainsi de suite apparaissent comme des ivresses de naufragés, comme les vérités propres à ce qui fuit (où fuyez-vous en avant, imbéciles ? — Bernanos), à ce qui est privé de consistance intérieure et ignore cette consistance, à ce qui ne connaît pas la source de toute élévation véritable et de toute conquête effective — des conquêtes qui ne furent pas seulement des culminations spirituelles intangibles et souvent invisibles, mais qui s'exprimèrent également dans des faits, des épopées, des cycles de civilisation qui, précisément, même dans leurs vestiges de pierre muets et dispersés, semblent refléter quelque chose d’intemporel, d’éternel. A quoi s'ajoutent aussi certaines créations artistiques traditionnelles, monolithiques, rudes et puissantes, étrangères à tout ce qui est subjectif, souvent anonymes, comme des prolongements des forces élémentaires elles-mêmes.

    Il faut enfin rappeler quelle fut, dans les civilisations traditionnelles, la conception du temps : non pas une conception linéaire, irréversible, mais une conception cyclique, à périodes. D'un ensemble de coutumes, de rites et d'institutions propres soit aux civilisations supérieures, soit aux traces de celles-ci chez certains peuples dits « primitifs » (on peut se rapporter à ce sujet aux matériaux recueillis par l'histoire des religions — Hubert, Mauss, Eliade et d'autres), apparaît l'intention constante de ramener le temps aux origines (d'où le cycle), dans le sens d'une destruction de ce qui, en lui, est simple devenir, de le freiner, de lui faire exprimer ou refléter des structures supra-historiques, sacrées ou métaphysiques, souvent liées au mythe. De la sorte, et non comme « histoire », le temps — tel une « image mobile de l'éternité » — acquit valeur et sens. Retourner aux origines voulait dire se rénover, boire à la source de l'éternelle jeunesse, confirmer la stabilité spirituelle, contre la temporalité. Les grands cycles de la nature suggéraient cette attitude. La « conscience historique », inséparable de la situation des civilisations « modernes », ne scelle que la fracture, la chute de l'homme dans la temporalité. Mais elle est présentée comme une conquête de l'homme actuel, c'est-à-dire de l'homme crépusculaire.

    Le cas n'est pas rare que certaines découvertes, à l’origine de conceptions générales destinées à révolutionner une époque, même lorsqu'elles entrent dans le domaine d’une objectivité scientifique présumée, aient le caractère d’un symptôme, si bien que leur apparition à une période donnée, et non à une autre, n'est pas le fruit du hasard. Pour nous référer, par exemple, à la science de la nature, il est plus ou moins connu de tous que selon la dernière théorie en vogue — Einstein et ses continuateurs — c'est chose indifférente d'affirmer que la terre tourne autour du soleil, ou l’inverse : il est seulement question de préférer une plus ou moins grande complication de calculs astrophysiques dans la fixation des systèmes relationnels. Or, il est très significatif que la « découverte copernicienne », avec laquelle le fait que la terre soit le centre fixe et immobile des entités célestes cessa d’être « vrai » — alors que devint « vrai » le contraire, que c'est elle qui se meut, que sa loi est d'errer dans l'espace cosmique comme partie insignifiante d'un système dispersé ou en expansion dans l’indéfini — sort survenue plus ou moins à l'époque de la Renaissance et de l’humanisme, c'est-à-dire à l'époque des bouleversements les plus décisifs pour l'avènement d'une civilisation nouvelle, dans laquelle l’individu devait perdre peu à peu tout rapport avec ce qui « est », devait déchoir de toute centralité spirituelle jusqu'à faire sien le point de vue du devenir, de l'histoire, du changement, du courant incoercible et imprévisible de la « vie » (le plus singulier, c'est qu'au début de ce tournant il y a eu au contraire la prétention — l’illusion — d'avoir finalement découvert l’« homme », de l'affirmer et de le glorifier, d'où le terme d'« humanisme » ; en réalité, ce fut une réduction à ce qui est « seulement humain », avec un appauvrissement de la possibilité d'une ouverture et d'une intégration au « plus qu’humain »).

    Ce n’est pas là le seul des tournants symboliques que l'on pourrait relever à ce sujet. Sur l'exemple donné à présent — la « révolution copernicienne » — un point doit être précisé : dans le monde traditionnel aucune vérité dite « objective » n'était importante ; des vérités de ce genre pouvaient également être prises en considération, mais accessoirement, et cela à cause de leur relativité effective d’une part, de leur valeur humaine de l'autre, en tenant compte de critères d'opportunité à l’égard du sentiment général. Une théorie traditionnelle de la nature pouvait donc même être « erronée » du point de vue de la science moderne (à un de ses stades) ; mais sa valeur, la raison pour laquelle elle était adoptée tenait à sa capacité de servir de moyen expressif à quelque chose de vrai sur un plan différent et plus intéressant. Par exemple, la théorie géocentrique saisissait dans le monde des apparences sensibles un aspect propre à servir de support à une vérité d'une autre sorte et inattaquable ; la vérité concernant l’« être », la centralité spirituelle, comme principe de l'essence véritable de l'homme.

    Cela suffira pour éclairer morphologiquement l’opposition entre civilisations de l’espace et civilisations du temps. De cette opposition, il serait également aisé de déduire l'antithèse correspondante, typologique et existentielle, entre l'homme du premier type de civilisation et l'homme du second type. Et si l’on devait passer au problème de la crise de l'époque présente, en s'appuyant sur ce qui a été dit, l’inutilité de n'importe quelle critique, de n'importe quelle réaction et de n'importe quelle velléité d'actions rectificatrices apparaîtrait assez clairement, tant que, dans l'homme lui-même ou, du moins, dans un certain nombre d'hommes en mesure d'exercer une influence décisive, ne se produira pas un changement intérieur de polarité — une metanoia, pour reprendre le terme antique : dans le sens d'un déplacement vers la dimension de l'« être », de « ce qui est », dimension qui s'est perdue et dissoute chez l'homme moderne au point que rares sont ceux qui connaissent la stabilité intérieure, la centralité, par conséquent aussi la sécurité calme et supérieure ; alors qu'inversement un sentiment caché d'angoisse, d'inquiétude et de vide se répand toujours plus malgré l'emploi systématique à grande échelle et dans tous les domaines des sédatifs spirituels récemment inventés. Du sens de l’« être », de la stabilité, ne pourrait pas ne pas provenir de façon naturelle le sens de la limite, comme principe, dans un domaine plus extérieur également, pour se réaffirmer sur des forces et des processus devenus plus puissants que ceux qui les ont inconsidérément mis en mouvement dans la temporalité.

    Mais à considérer la situation dans son ensemble, il reste tout à fait problématique de pouvoir trouver de solides points d'appui dans une civilisation qui, comme la civilisation moderne, est en tout et pour tout, dans une mesure sans précédents dans le passé, une civilisation du temps. D'autre part, il est assez évident qu'on aurait dans ce cas, plus qu'une rectification, la fin d'une forme et la naissance d'une nouvelle forme. Ainsi, raisonnablement, en règle générale on ne peut envisager que des orientations différentes dans certains domaines particuliers et, surtout, ce que de rares hommes différenciés, comme s'ils s'éveillaient, peuvent encore se proposer et réaliser invisiblement (1).

    Julius Evola http://www.voxnr.com

    note

    1 - Au type différencié, défini par la possession de la dimension de l’« être », se réfèrent tes orientations existentielles adaptées à une époque de dissolution, comme l’époque actuelle, fournies dans notre ouvrage Chevaucher le tigre (Paris, 1982).

    Ce texte constitue le premier chapitre du livre de Julius Evola, L’arc et la massue, Pardès, 1983 (traduit de l’italien par Philippe Baillet). Première édition italienne en 1971.

  • Le Moyen Age n’a jamais cru que la Terre était plate !

    « Présentation : Christophe Colomb n’a jamais eu à démontrer que la Terre était ronde. Car tout le monde le savait déjà. Et depuis longtemps ! C’est ce que confirme l’ouvrage d’un historien américain, Jeffrey B. Russel, qui met à mal bon nombre d’idées reçues sur les géographes du Moyen Age et de l’Antiquité. Il commence par constater que les auteurs médiévaux affirment la rotondité de la Terre, comme le faisait Platon. Il examine ensuite l’apparition du mythe moderne selon lequel le Moyen-Age croyait la Terre plate. En fait ce sont des évolutionnistes libéraux américains qui ont créé de toutes pièces ce mythe aujourd’hui repris dans la presse et dans les manuels scolaires.

    En cette année anniversaire de la découverte du Nouveau Monde, c’est un véritable déluge de publications qui s’abat sur nous ; à cette occasion, nombre d’idées reçues sont remises en question. L’une d’elles, selon laquelle les contemporains de Christophe Colomb croyaient que la Terre était plate, a trouvé son historien, Jeffrey B. Russel, dans un petit ouvrage décapant qui vient d’être publié aux Etats-Unis.

    Considérons le cas de Christophe Colomb : les historiens ont depuis longtemps dénoncé la fable selon laquelle il aurait dû affronter les foudres des docteurs de Salamanque pour avoir osé prétendre que la Terre était ronde – sans quoi le passage des Indes par l’ouest était inconcevable. Certes, le découvreur a eu ses détracteurs et ses opposants, mais leurs arguments tenaient aux probabilités d’échec de l’entreprise.

    Et ils avaient raison, puisque la distance qui sépare les îles Canaries du Japon est de deux cents degrés de longitude, là où Colomb, pour avancer son projet, voulait n’en voir que soixante. Mais nulle part dans ces discussions il ne fut question d’une sphéricité que le navigateur aurait dû démontrer.

    Déjà au XVème siècle, l’affaire était entendue. La Géographie du Grec Ptolémée (90-168) est traduite en latin en 1410. Or cet ouvrage ne laisse subsister aucun doute sur la rotondité de la Terre : il est tout entier fondé sur le quadrillage de la sphère en degrés de latitude et méridiens de longitude.

    Et le cardinal Pierre d’Ailly en a bien retenu toutes les leçons dans son Image du monde écrite en latin dès 1410. Mais avant ? Là où les médiévistes ont souvent été plus évasifs, Jeffrey Russell nous invite à voir partout et toujours la même représentation, les mêmes comparaisons.

    Pour les uns, la Terre est un oeuf ou une balle, pour d’autres, une pomme ou une pelote.

    Pour les philosophes John Holywood ou Thomas d’Aquin au XIIIème siècle, Jean Buridan ou Nicolas Oresme au XIVème , nul doute n’est possible. Ces deux derniers évoquent même la rotation de la Terre sur elle-même !

    Faut-il remonter plus avant vers les « siècles obscurs », pour reprendre une expression chère aux Anglo-Saxons ? Là où un Isidore de Séville (mort en 636) semble entretenir certaines réserves, Bède le Vénérable au VIIIème siècle et Scot Erigène au IXème sont catégoriques : la Terre est ronde. Ils ne font d’ailleurs pas preuve d’originalité, puisqu’ils reprennent la tradition scientifique des compilateurs de l’Antiquité tardive, notamment Martianus Capella dont les Noces de Mercure et Philologie, écrites vers 420, connaissent une très large diffusion au Moyen Age. Or Martianus affirme lui aussi sans ambages : « Elle [la Terre] n’est pas plate, elle est ronde. »

    Il semble donc y avoir durant tout le Moyen Age occidental unanimité sur la question.

    Non sans quelques problèmes pour les philosophes et les cartographes. Ceux-ci veulent en effet représenter un oekoumène (l’ensemble des terres habitées) conforme aux connaissances de la période et, d’autant que possible, à la tradition biblique et évangélique. Dès lors, que Jérusalem soit au centre du monde ou le paradis à l’est, c’est une simple convention cartographique. Le géographe arabe Al Idrisi ne place-t-il pas, au XIIème siècle, La Mecque au centre de sa carte ? Et, au XXème siècle, ne discute-t-on pas encore de la « juste » représentation de l’hémisphère sud sur nos modernes mappemondes ? Plus délicat est le problème de la conformité aux enseignements de l’Eglise selon lesquels les Apôtres ont apporté la Parole « aux quatre coins du monde ». Car il faudrait que le Terre soit plate pour posséder quatre coins*.

    Ainsi s’explique l’hésitation d’Isidore de Séville ; pourtant saint Augustin lui-même (354-430) avait mis en garde contre le danger d’utiliser le sens littéral de l’Ecriture. Lorsque les cartographes médiévaux nous présentent une Terre d’apparence plate et circulaire, c’est donc certainement une convention cartographique, parfois l’illustration d’une certaine tradition biblique, mais jamais la représentation d’un soi-disant dogme de la « Terre plate ».

    D’où vient alors ce mythe, puisque mythe il y a ? De l’exploitation qu’on a faite, au XIXème siècle, de certains textes de l’Antiquité tardive. Cette époque avait bel et bien connu deux « théoriciens » de la Terre plate : Lactance (vers 265-345) d’abord, polémiste crédule, qui s’oppose ouvertement à la pensée scientifique (et païenne) de son époque, au moyen d’arguments simples mais combien efficaces : « Y a-t-il quelqu’un d’assez extravagant pour se persuader qu’il y a des hommes qui aient les pieds en haut et la tête en bas […] et que la pluie et la grêle puissent tomber en montant ? »

    Darwin contre l’Eglise

    Puis, deux siècles plus tard, en Egypte, Cosmas dit « Indicopleustès » (« le voyageur des Indes »), retiré dans un monastère du Sinaï, rédige sous le titre de Topographie chrétienne une vaste compilation géographique où la Terre plate occupe une place importante. Il faut cependant savoir que cet ouvrage volumineux, rédigé en grec et aux marges orientales de la Chrétienté, ne nous est connu aujourd’hui qu’à travers trois manuscrits médiévaux complets.

    Critiqué à Byzance dès le IXème siècle par le patriarche Photius, il est totalement ignoré de l’Occident médiéval. La première traduction latine de Cosmas date de 1705 ! Et c’est cet auteur, tout à fait marginal dans le monde grec et inconnu du monde latin, qui deviendra au XIXème siècle le symbole de l’obscurantisme médiéval!
    Car ces visions farfelues du monde seraient restées aussi chimériques que les descriptions contemporaines de cynocéphales (hommes à tête de chien), si elles n’avaient été reprises par les positivistes et « progressistes » du XIXème siècle. La démonstration de Jeffrey Russell est ici tout à fait originale et convaincante.

    S’il n’y a jamais eu de mythe médiéval de la « Terre plate », il y a bel et bien eu une légende moderne du « dogme médiéval de la Terre plate ». Russell traque son apparition puis sa diffusion, en France et aux Etats-Unis, tout au long du XIXème siècle ; il démasque à l’occasion quelques « coupables ».

    Coupable, le premier, le romancier américain Washington Irving (1783-1859), dans un pastiche historique sur la vie de Christophe Colomb, publié pour la première fois en 1828. Irving invente de toutes pièces une scène qui deviendra célèbre, dans laquelle le navigateur doit se défendre contre l’obscurantisme des docteurs de Salamanque incapables d’admettre que le Terre fût ronde.
    Le roman connaît un immense succès et contribue à accréditer, outre-Atlantique, la vision d’une Eglise catholique dogmatique et intolérante. Coupable encore, en France, à la même époque, le très respecté Antoine-Jean Letronne (1787-1848), directeur de l’Ecole des Chartes et professeur au Collège de France, qui dans la Revue des deux Mondes, avance l’idée d’un dogme de la Terre plate chez les Pères de l’Eglise et d’une interprétation littérale de la Bible au long du Moyen Age.

    Coupables surtout, aux Etats-Unis à nouveau et principalement pendant la seconde moitié du XIXème siècle, nombre d’esprits libéraux qui souhaitent réfuter les arguments anti-évolutionnistes de l’époque. Nous sommes en effet en plein débat autour des thèses de Darwin sur l’évolution des espèces, que l’Eglise se refuse à admettre. Quoi de mieux, dès lors, pour combattre son étroitesse de vues, que de stigmatiser un obscurantisme plus général, dont le pseudo-dogme médiéval de la Terre plate deviendrait une sorte de cas exemplaire ? C’est la voie que suivent sans hésiter certains auteurs américains dans des ouvrages dont les titres à eux seuls sont tout un programme :
    Histoire du conflit entre religion et science de John Draper (New York, 1874) ou Histoire du combat entre la science et la théologie dans le Christianisme d’Andrew White (New York, 1896)…L’idée d’un dogme médiéval de la Terre plate se diffuse dès lors dans les ouvrages de vulgarisation et les manuels scolaires. Elle correspond si bien à l’image que l’on se fait du Moyen Age au temps de Victor Hugo ou de Jules Michelet qu’on la reçoit sans discussion.

    Tant et si bien que malgré toutes les réfutations modernes, un auteur à succès pourtant bien informé comme Daniel Boorstin perpétue encore aujourd’hui ce mythe.

    Preuve, s’il en était besoin qu’un petit essai comme celui de Jeffrey Russell est d’actualité et mériterait d’être traduit en français sans délai. »

    Michel Hébert – Le CEP – 2002 http://www.contre-info.com

    Source : Bibliothèque de combat

  • LE LIVRE NOIR DU LIBÉRALISME

    Depuis la parution du livre de Stéphane Courtois sur les crimes du Communisme, les esprits « bien pensants » nous expliquent qu'on ne peut mettre sur le même plan les crimes du communisme commis par amour et ceux du nazisme commis au nom de la haine. Cela démontre une fois de plus que l'amour et la haine sont tellement proches qu'un esprit « mal pensant » pourrait même déceler dans le nazisme une certaine forme d'amour de soi, de son peuple ... Enfin passons !
    Dans tout cela, le seul qui semble triompher est le libéralisme, et pourtant...
    Le libéralisme, actuellement débridé, n'a jamais autant créé de pauvres, de miséreux n'ayant droit qu'à une vie végétative et vivant à l'état de zombie. Le seul horizon de millions d'individus est une vie misérable dans des banlieues totalement sordides enlaidies sur tous les plans par l'immigration, au milieu d'une population pluri-ethnique vivant dans l'angoisse, la peur et la violence, car ce même libéralisme excelle à détruire les peuples, les races, les nations et l'harmonie de nos cités qui structuraient la personnalité de notre peuple. Des millions d'hommes et de femmes dans notre société dite libérale, de gauche ou de droite, ne connaissent que le chômage, le RMI, la honte de soi, la perte de dignité économique et la perte de dignité tout court, tout ce que décrit Viviane Forrester dans son livre «L'Horreur économique» qui aurait pu s'appeler l'horreur libérale. Ce livre est d'ailleurs un fatras de considérations psycho-intellectuelles et aura permis à l'auteur de s'enrichir grassement sur la pauvreté puisqu'il a déjà dépassé les 300.000 exemplaires. Il ne va jamais à l'essentiel et ne sort jamais de ce qu'il est permis de dire par l'Établissement actuel. Se sentir inutile, sans position sociale, sans voir le moindre respect dans le regard des autres, ne connaître que le mal être psychologique, physique et économique et aller aux «restos du cœur» avec la bénédiction de l'Abbé Pierre, voilà la perspective humiliante offerte par la société à des millions de Français.
    S'il ne tue pas directement, comme l'ont fait le communisme ou le nazisme, le libéralisme actuel sous sa forme mondialisée détruit anonymement par millions les êtres, assassine les âmes sur l'autel du profit. Le sort d'un SDF mourant de froid dans la nuit glacée de l'hiver est-il plus enviable que le sort de tous ceux qui se trouvaient dans les camps de concentration ou le Goulag ?
    Malgré ce bilan effroyable, certains, comme François Léotard, déclarent sinistrement : « Le libéralisme est un humanisme ». Celle phrase dite sur le ton de la méthode Coué cherche surtout à convaincre celui qui la prononce.
    Le libéralisme démocratique est fondé sur une hypocrisie foncière. Il déclare les hommes égaux alors que pour lui l'homme est défini économiquement. Il peut donc même être hiérarchisé quantitativement par le biais monétaire et de cette inégalité économique découlent toutes les autres. Le "fort" économique écrase le "faible" économique. Tel que l'avait vu Hégel, lorsqu'il décrivait la société civile, le bourgeois, archétype de l'homme-produit du libéralisme s'identifie totalement à ce qu'il possède. Toute vision de l'homme enraciné dans son histoire, son pays, sa race est exclu. L'homme n'est qu'un sujet de droit. Quant à ceux qui n'ont rien ou presque, notre société libérale actuelle de gauche (ou de droite) les appelle avec infiniment de mépris les «petits blancs», terme dépréciatif jamais donné aux immigrés. Ces "minables" n'ont bien sûr pas le droit à la parole, qui serait celle d'une complainte liée à leur situation en porte à faux vis à vis de l'idéologie actuelle.
    De tout ceci que faut-il en conclure ? Devons-nous rejeter le capitalisme qui a été un moteur surpuissant pour le développement économique ? La réponse est simple : il faut prôner un capitalisme régulé par un État au service de la Nation et de son peuple.
    par Patrice GROS - SUAUDEAU Statisticien - Économiste     janv. - fevr. 1998