culture et histoire - Page 1815
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Alain Soral - Des bilderberg au club "Le siècle" - La Franc-Maçonnerie au pouvoir
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Jean-Marie Le Pen dérange Bayrou sur la Franc-Maçonnerie
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Sur la défaite de Platon
Depuis une ancienne tradition médiévale, des courants philosophiques présentent le divin Platon comme un rêveur, un pur, et un homme dépourvu de bon sens – un théologien. Un nietzschéisme mal digéré peut renouveler ce refrain ignorant, et donc tenace : Platon est la forme subtile, hellène, du christianisme ; il valorise des arrières mondes imaginaires, le monde des idées, et dévalorise le monde de la vie, le monde concret. Il fabriquerait des êtres sensibles et mélancoliques. Il serait contraire à tout savoir du monde.Mais ces thèses ne sont que les filles de l'ignorance de Platon.Platon, puritain sans subtilité ? Un des derniers grands platoniciens de ce temps fut Oscar Wilde. Son maître fut le platonicien Walter Pater, vérifiez. Sa conception de la métaphysique – la vérité des masques - ou ses propos sur la profondeur des surfaces sont clairement platoniciens. Platon, contraire à la science et à la raison ? Toutes les victoires étranges des physiques mathématiques depuis Galilée sont les victoires de mathématiciens travaillant dans un monde platonicien, un monde fait d'harmonies de nombres – que ce soient Newton ou Einstein.Platon lui-même, comme son maître Socrate, ne furent pas des êtres détachés du réel politique. Socrate fut un Hoplite courageux et redoutable, un homme laid comme un bouc et séducteur de jeunes hommes. Platon a participé aux guerres de son temps et revendiqué l'amour des athlètes. L'amour platonicien ne fut jamais l'amour platonique des modernes. Il est un amour violent, sexuel, orgiaque, entre hommes, ou un amour absolu unissant les deux sexes devant l'éternité – un amour de chair solaire.Ni Socrate, ni Platon ne furent des hommes de ressentiment. Platon est un aristocrate hostile, radicalement hostile, à la forme démocratique du gouvernement d'Athènes. Il n'a rien du précurseur d'un christianisme doloriste. Il n'appartient pas à la généalogie du puritanisme hypersocialisé moderne et de sa forme laïcisée dans les Gender Studies.Platon est un homme sage pour les hommes d'action – un homme issu des anciennes races de loups et de chasseurs.Dans le monde vécu, le matériau sensible en général est l'objet d'interprétation. Nous sommes un lieu de projections géométriques multiples. Le matériau sensible est indéfiniment interprété, et interprété par les signes du langage. De manière générale l'être humain, et plus encore l'être humain parlant, n'est pas sur la peau du monde, il en est éloigné, et fait des déductions sur des apparences, sur des impressions. Un maître de sagesse, et une démarche dialectique sur ces impressions et sur les paroles prononcées peut permettre de remonter lentement vers l'être – de devenir ce que l'on est, un miroir de l'être placé au soleil.Pour Platon, l'homme est fait pour la vérité, mais il l'a perdue. Il est fait pour le soleil des dieux, mais vit dans les ténèbres : il est un nostalgique de l'âge d'or.Dans les ténèbres de la caverne, la lumière apparaît comme ombre, et la ténèbre est un reflet du soleil invaincu. C'est l'ombre des mondes qui les fait voir à l’œil, organe le plus proche du soleil. Cette vision traditionnelle des ruses des contraires n'est pas dualiste, mais comme toute les traditions légitime, intégration des contraires dans l'Un.Lors de la projection des ombres, un cercle peut être l'image d'un cercle, d'un cône, d'un cylindre. Une ligne peut être la projection d'une surface. Un point peut être l'image d'un immense axe vertical, l'axe du monde. L’ignorant qui l'oublie passe sur le point sans même ressentir la puissance des mondes assise en ce lieu. Que nul n'entre ici s'il n'est géomètre : s'il ne connaît les règles infinies de transformation, de ruse des formes.L'erreur ne vient pas des formes, mais des illusions de la vision de l'homme, de ses erreurs sur la nature des choses. Et la puissance qui protège de l'erreur – qui protège de l'arrêt de l'interprétation sur l'apparent immédiat, comme dit Héraclite, cet apparent qui fait voir le soleil de la largeur d'un pied d'homme – est l'imagination. Par l'imagination, la production des formes dans les ténèbres de l'âme, je peux deviner les formes réelles qui font apparaître des formes sur les murs de la cavernes – je peux comprendre que ce cercle est un cylindre ou un cône, que ce point infime est le point d'insertion des dieux dans le monde. Je peux calculer la taille réelle de la terre ou de la lune à partir des apparences – je peux régner sur le monde au lieu de sombrer, impuissant, dans l'illusion. Les idées, comme les nombres pythagoriciens, ne sont pas des apparences, mais des structures stables du monde fluent, insaisissable des apparences. De même que le soleil apparaît par son ombre, de même l'éternité apparaît par le Temps ; les cycles du Ciel, le mouvement des étoiles, sont des rotations, c'est à dire des figures qui font éternellement retour.Ainsi le spectacle du Ciel étoilé est comme le spectacle de la caverne, l'objet d'une sagesse et d'une dialectique.Ce qui apparaît est toujours partiel, déformé, et donc à interpréter, signe. Ce qui apparaît n'est pas le tout – le vrai est le tout. Le regard platonicien sur le monde est un regard de contemplation mais aussi de ruse : le monde joue des apparences, et se manifeste comme illusions et tromperies. Un loup regarde ainsi la forêt – telle masse sombre peut être un arbre, une proie, un ennemi – tout pour le chasseur est signe.L'imagination platonicienne n'est pas une fuite dans un arrière monde, dans l’acceptation passive de la tromperie idéaliste. L'imagination platonicienne est une puissance, une force de l'âme, et une puissance de vérité. Dans le banquet, c'est le comique Aristophane qui raconte la parabole de l'homme originaire sphérique, hermaphrodite. Ce nom crée une distance, une autorisation à la fantaisie qui permet de revenir vers la vérité puissante de l'amour : l'art est ainsi une voie de la vérité. L'art parle sous contrôle de la vie.L'histoire réelle des sciences ne peut ignorer la force de l'imagination scientifique, et c'est cette imagination qui est l’imagination platonicienne.Enfin, il reste la politique de Platon - la lutte de Platon contre le Sophisme. Le Sophisme est lié à la forme démocratique du gouvernement. Celui qui parle à un autre homme – celui qui lui donne des signes pour interpréter le monde à nouveau – peut lui dire la vérité, ou lui dire ce qu'il pense devoir lui dire pour le faire agir à sa guise. Bref : la parole jetée dans l'arène politique peut être instrument d'asservissement et d'illusion. Sun Tsu dit : tout l'art de la guerre est fondé sur la duperie.Si ce que je dis peut être l'origine de mon règne et que je choisis le règne devant les hommes face à – et plutôt que - la vérité, alors ma parole perd sa puissance de vérité – tout le langage de la Cité est dégradé, et les hommes s'éloignent des dieux et des poètes. Le Sophisme est bien le précurseur du Spectacle, second monde construit pour former les hommes soumis à l'ordre qui produit le Spectacle – soumission qui prendra dans ce monde illusoire la forme illusoire de la liberté. Forme illusoire de la liberté, parce qu'elle ne s'exerce – même si elle s'exerce réellement parfois, et cette part de réalité est un moment de la puissance de l'illusion globale – dans un monde qui, pris en totalité, est fondamentalement illusoire et construit pour manipuler.Comme dit Debord, le Spectacle est un rapport de classe médiatisé par des images – c'est à dire, un dispositif global de domination dans le cadre du développement du Capitalisme. Ce dispositif global est aussi le produit du système capitaliste, c'est à dire d'un système social dépassant la domination pour aller vers l'exploitation massive des hommes. En soi, un dispositif global de domination n'est ni bon ni mauvais : il n'est pas une civilisation qui n'en aie développé – c'est l'objet de l'histoire. L'organisation des hommes, la langue, la civilisation en sont indissociables. Les conditions qui permettent d'articuler dans une langue et de diffuser des propositions condamnant toute hiérarchie organisant un groupe comprennent l'existence préalable d'une société hiérarchisée. Cette remarque est suffisante pour laisser de côté ce genre de discours, comme étant des produits de la déréalisation sophistique.La particularité du Spectacle est d'être un dispositif de domination qui est parti historiquement du principe de la négation publique de la domination en général, c'est à dire d'un principe contradictoire avec la réalité d'un dispositif de domination quel qu'il soit, et donc en particulier avec le dispositif de domination mis en place « au nom des idéaux universels de liberté et d'égalité ». Ces Noms ont permis la mise en place d'un asservissement généralisé, et d'un projet impérialiste sans précédent. C'est dans cette énorme contradiction symbolique que réside la puissance qui met en œuvre les illusions du Spectacle – la plaie béante du règne doit être sans cesse recouverte de mystères et d'images.Plus un secret est dangereux pour l'ordre, plus les mécanismes de déni doivent être puissants, et en puissance de violence. Cette remarque est valable de la psychologie individuelle aux groupes les plus étendus, en passant par les familles. La violence de répression dont sont capables les ordres libéraux est visible individuellement dans les hurlements et la haine individuelles qui apparaissent chez les militants de la tolérance quand un point du développement libéral rencontre un obstacle.La légitimité juridique de la domination bourgeoise est basée sur « la liberté » et « la démocratie », et ainsi le capitalisme moderne est sans cesse dans l'étau de la double contrainte entre la soif indéfinie d'exploitation des hommes qui est l'essence même du capitalisme, et les besoins de la légitimation politique « démocratique ». Le système déploie alors une violence à la fois réelle, économique, en sortant du salariat des millions d'hommes pour les abandonner comme inutiles, et symbolique, en intensifiant jusqu'à la rupture la violence symbolique qui permet de construire une réalité seconde progressiste, quand la réalité première est la mise au pas générale des hommes à l'ordre du capital.L'exemple chinois montre un capitalisme se développant dans le cadre d'une légitimation communiste. Je ne veux rien dire de plus en passant que la forme « démocratique » de légitimation du Capitalisme n'est pas essentielle à la forme capitaliste de l'exploitation – les principes démocratiques ne sont rien de plus qu'un instrument du développement économique – ils sont une écume de cette histoire. Les vérités du Spectacle ne sont rien de plus que les moments du faux général, des moments de l'histoire de l’exploitation. Les leurres nous invitent sans cesse à lâcher la proie pour l'ombre, et le moins que l'on puisse dire c'est que les leurres fonctionnent massivement, permettant aux masses urbaines déracinées de se redonner une identité dans le cadre du Récit progressiste, où ces individus retrouvent une existence en oubliant sa mise en scène. La mise en scène est comme la structure qui gonfle le vide, et qui donc doit être rendue invisible. Ainsi une actrice qui joue des rôles positifs au cinéma peut continuer à les jouer en dehors de ses films, et devenir chargée de mission de l'ONU dans le monde que le Spectacle présente comme réel, et qui apparaît comme une dépendance du monde que le Spectacle présente comme irréel. Ainsi le Système peut produire le réel, puisque le réel n'est plus rien d'autre que ce qui n'est pas issu des mondes virtuels.Les salariés arrachés à toute réalité vivante par le morcellement du travail et l'imprégnation spectaculaire se croient parés de grandes vertus, ce qui est bon pour leur ego, à tel point que peu d'hommes les refuseraient dans leurs miroirs trompeurs. Et dans le Récit, par leur générosité et leur ténacité face à des méchants, ils accordent des droits supplémentaires à des catégories opprimées, solidairement avec les maîtres. Ces mêmes maîtres qui organisent pourtant l'exploitation globale, et donc l'exploitation de ces mêmes individus, dans une réalité qu'ils préfèrent ne pas voir – et qui est invisible sur les écrans de contrôle du Système.Le capitalisme réel est producteur d'exploitation et donc d'exploités. Sans cesse, les hommes de l'idéologie rencontrent des exceptions à leur principe de non-domination globale ; et à chaque fois, le choix se situe entre l'abandon du principe d'irréalité et le renouvellement de constructions symboliques construisant le déni de la situation de domination réelle. Et le choix est toujours l'aggravation du déni, une lente dérive loin du monde immédiat, une intensification de la scission spectaculaire. Les hommes du Spectacle de cessent d'utiliser la force pour interdire l'usage de la force – ils ne cessent de créer de nouvelles interdictions pour assurer la liberté.Dans le Spectacle, tout ce qui immédiatement disponible est une médiation trompeuse – toute l'information qui me parvient comme une évidence par les médias, cette construction fluente d'un monde fluent, d'un Récit fondamental fait de progrès constants, avec ses problèmes bien identifiés, incontestables – est une tromperie globale, une chimère faite de fragments désarticulés de vérités. Et c'est d'abord en admettant la chimère globale, et en partant des problèmes bien identifiés à l'avance, que je peux revendiquer une liberté ; c'est en me soumettant à ces cadres à partir desquels - et seulement à partir desquels - il est permis de s'exprimer.
La liberté d'expression que l'on nous vend est un jeu dont les règles nous échappent, sans cependant échapper à tous les hommes. C'est pourquoi cette liberté est une fiction dans le cadre général d'un dispositif de domination qui vise l'invisibilité.Loin de la liberté du Citoyen, le Spectacle est la construction du monde qui fait de la liberté une illusion vécue – une caverne. La dialectique n'est pas négation, mais intégration du monde : le spectacle fait partie de notre monde, et nous avons à vivre avec. Négatif n'est pas mépris : l'ombre manifeste la lumière à qui sait voir. Au fond, Nietzsche fut un grand platonicien – et il l'a compris au fil de sa vie.Platon est là pour dire à chaque fois, en clignant des yeux : tu laisses la proie pour l'ombre.C'est uniquement en ce sens que l'on peut dire que le monde moderne est une défaite de Platon. Mais nous, nous pouvons plus que jamais être platoniciens. C'est ainsi que nous pouvons avoir la puissance d'imagination des sorties des labyrinthes faux et menteurs du Spectacle. C'est ainsi que l'errance des souterrains peut devenir une marche sur un rayon de lune.Les vérités de la métaphysique sont la vérité des masques. -
Une protestation bien maladroite
Ce 9 juillet à Tallinn on prenait connaissance d'une protestation officielle de l'ambassadeur russe. Celui-ci n'accepte pas en effet que le ministre estonien de la défense mette sur le même pied les deux gouvernements totalitaires qui, après s'être alliés de 1939 à 1941, se sont partagé l'Est européen, l'Estonie étant occupée et annexée par l'URSS. Ils ne se sont trouvés en guerre qu'à partir du 22 juin 1941, date à partir de laquelle les communistes de toute l'Europe se sont ralliés à la résistance. Mais jusqu'à l'attaque hitlérienne, à laquelle il ne s'attendait pas et n'a aucunement préparé son pays, Staline s'est comporté en allié très loyal.
Les adeptes de la petite histoire retiendront peut-être que la date du 22 juin est chère à ce ministre Urmas Reinsalu puisqu'elle correspond à son propre anniversaire. On pourrait souligner aussi que, né à Tallinn en 1975, il était âgé de 15 ans quand les pays baltes ont arraché leur indépendance à l'empire soviétique. Ancien conseiller du chef de l'État il préside actuellement le parti ProPatria Respublica affilié aux conservateurs du parti populaire européen. On observera au besoin que la présidence tournante de l'Union européenne est assumée depuis le 1er juillet par les amis lituaniens.
Il apparaît que les cercles dirigeants et historiens officiels moscovites ne comprennent toujours pas que les Baltes, et quelques autres, sans s'attarder sur la "comparaison philosophique" entre les deux régimes totalitaires, ont considéré et considèrent encore que l'Union soviétique, qui les incorpora de force dans sa période d'alliance avec le Reich, n'était pas autre chose qu'un occupant.
Il est pour le moins troublant que ces cercles se montrent aussi sourcilleux pour défendre le passé le moins avouable de l'Union soviétique. Par comparaison, observons qu'on n'a jamais vu les porte-parole officiels allemands chercher à minimiser les crimes du gouvernement de Berlin des années 1933-1945. Or, lorsque j'ai publié les documents, les cartes, les faits relatifs à l'alliance Staline-Hitler (1)⇓ j'ai remarqué une hostilité absolue, et même une consigne de silence, de tous ceux pour qui, finalement, le "génial Staline" demeure une référence, ainsi que de la part de leurs divers obligés.
Mon livre met pourtant en évidence tout ce que ce régime et, en particulier, cette alliance a engendré de souffrances pour les peuples de l'Est européen, à commencer par les Russes. Ils voudraient nous convaincre que, dans certaines sphères, rien n'a changé, qu'ils ne s'y prendraient pas différemment.
JG Malliarakis http://www.insolent.fr/
Apostilles
- cf. "L'Alliance Staline Hitler (1939-1941)" comprenant l'intégralité des accords germano-soviétiques.⇑
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La fausse démocratie expliquée en 10 minutes par Etienne Chouard
http://www.youtube.com/watch?v=ZWSXU0mCxT0
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Quand Marcel Pagnol dénonçait les manuels d'histoire de la République...
Quelques débats récents sur la question de la neutralité à l’école me conduisent à évoquer Marcel Pagnol qui, lui-même fils d’instituteur de la IIIe République, ne croyait guère à cette supposée neutralité, expliquant dans son ouvrage « La Gloire de mon père » que « tous les manuels d’histoire du monde n’ont jamais été que des livrets de propagande au service des gouvernements », ce que je peux aisément confirmer au regard de ma propre expérience, autant comme élève qu’aujourd’hui comme professeur…
Dans ce même livre, Pagnol dénonce, avec esprit et un brin d’amertume, cette subjectivité républicaine qui, pourtant, a été un outil important de ce que l’on nomme aujourd’hui « l’identité nationale », identité qui se voulait collective mais oubliait la part provinciale (il faudrait d’ailleurs en parler au pluriel…) de ce qui formait « l’identité de la France », et maquillait les aspects les plus sombres de cette République qui se voulait « universelle » à défaut d’être « plurielle »… : « Les écoles normales primaires étaient à cette époque de véritables séminaires, mais l’étude de la théologie y était remplacée par des cours d’anticléricalisme (…). Les cours d’histoire étaient élégamment truqués dans le sens de la vérité républicaine. (…) Les normaliens frais émoulus étaient donc persuadés que la grande Révolution avait été une époque idyllique, l’âge d’or de la fraternité poussée jusqu’à la tendresse : en somme, une expérience de bonté. Je ne sais pas comment on avait pu leur exposer – sans attirer leur attention – que ces anges laïques, après vingt mille assassinats suivis de vol, s’étaient entreguillotinés eux-mêmes (…). »
L’Histoire est cruelle…
http://www.actionroyaliste.com -
L’identité nationale contre les peuples par Georges FELTIN-TRACOL
Dans son édition du 14 novembre 2009, Le Monde rapporte les propos du député français au Parlement européen, le socialiste Vincent Peillon : « L’identité nationale française ne se définit pas par rapport à l’étranger, l’immigration, la race ou le sol, elle se définit par rapport à l’école (1). » Si cela est avéré, gageons que l’identité française se trouve dans le même coma dépassé que le système scolaire hexagonal… Ce débat sur l’identité nationale est d’abord une manœuvre électorale du parti au pouvoir et de son chef qui, craignant de recevoir une raclée magistrale aux prochaines régionales, racolent les électorats conservateur, droitier et national. Il s’inscrit ensuite dans un sentiment général, quoique diffus, ainsi résumé : « Qu’est-ce qu’être Français au terme de la première décennie du XXIe siècle ? » La question mérite d’être posée. En revanche, les réponses ne doivent pas se focaliser sur les seules problématiques de l’immigration et de l’islam. Certes, l’identité nationale se doit de répondre au phénomène migratoire et au défi musulman. Il ne faut cependant pas oublier d’autres interrogations connexes telles que « L’identité nationale est-elle compatible avec la mondialisation libérale ? », « Peut-elle se mouler dans le processus européen en cours ? », « Ne nuit-elle pas à la renaissance des régions et aux mesures décentralisatrices ? », « Ne contrarie-t-elle pas la politique des genres, l’exercice des “ reconnaissances ”, les actions anti-discriminatoires et le caractère “ multiculturel ” des sociétés post-industrialisées ? ». On peut même se demander si l’identité nationale est encore possible après les grandes messes médiatiques du “ Grenelle de l’environnement ” et de la conférence de Copenhague… Si l’identité nationale française est en crise, c’est parce que l’unité politique de la France, l’État, doute maintenant de lui-même. Sans remonter à l’œuvre des Capétiens, disons que les violentes querelles qui stimulèrent et fortifièrent la République (affaire Dreyfus, séparation entre l’État et l’Église, cristallisation du clivage droite – gauche, anticommunisme et anti-fascisme parfois élargi à l’anti-gaullisme du R.P.F.) et la mission intégratrice de l’école, de la conscription, des élections régulières, des syndicats, de la colonisation, de la presse, de l’essor économique avec la promesse du plein emploi et de l’industrialisation comme projet de vie meilleure, modelèrent les mentalités et favorisèrent un homme français dont l’acmé coïncide avec la présidence de Georges Pompidou (1969 – 1974). Aujourd’hui, la suppression du service militaire obligatoire, la perte des colonies, le naufrage de l’enseignement, la désindustrialisation massive, le chômage élevé, les délocalisations incessantes, la crise du syndicalisme, de l’information, des partis politiques et de la représentation témoignent d’une indéniable mutation dont seule une certaine vision de l’identité nationale semble ne pas vouloir entériner, car elle repose sur le mythe de la République qui a tendance dans les discours à se substituer à la France. Héritière des Lumières dont nous entrevoyons les dernières lueurs, la République française n’est pas une res publica telle que la concevaient les Romains ou l’envisageait Machiavel. Cette République-là est une divinité vorace, un Moloch, qui n’accepte que des zélateurs et dont les limites idéales correspondent à celles du monde. « L’identité française se résume pour l’essentiel à l’idée républicaine, affirme Maurice Szafran (2). » C’est une idéologie totale qui sacralise le citoyen rationnel délié de toutes ses appartenances et de tous ses héritages, y compris et surtout spirituels, d’où une grande défiance envers toute forme de sacré, en particulier quand se rassemblent dans un même lieu, pas forcément privatif, les membres d’un même groupe afin de partager un vivre-ensemble commun (communier). Pour Maurice Szafran, « l’identité nationale républicaine, c’est la laïcité […], c’est la relégation du religieux dans la sphère familiale et privée […], c’est l’affirmation du principe égalitaire contre le principe héréditaire (3). » La République ne reconnaît par conséquent que des individus et leur addition hypothétique en l’Humanité. Elle se fiche du destin des patries incarnées et de leurs personnes. Son message se veut messianique; il se concentre sur le seul épanouissement de l’individu, épanouissement garanti par des droits de l’homme désormais érigés en dogme théocratique, qu’il lui sied, celui du matérialisme profane, sans dessein anagogique. Il en résulte le refus répété des autorités de reconnaître les cultures vernaculaires et d’accepter les manifestations religieuses hors de l’intimité. L’identité nationale française s’est construite contre les peuples et leur foi. Naguère, notre pays était la terre des hommes libres. La République qui valorise la Liberté broie ces libertés profuses. Mais le bagne qu’elle est n’arrive pas à étouffer les revendications venues des profondeurs de l’histoire. Désormais sur la défensive, la République et ses laudateurs montrent d’irréfutables signes de crispation pathologique. En témoignent les diverses tentatives de légiférer le port du voile musulman ou de restreindre les nouveaux mouvements religieux sous le prétexte que ce serait des « sectes » dont les membres n’apprendraient pas à leurs enfants qui est Zidane ! Les prises de position anti-musulmanes reposent bien trop souvent sur une haine de la religiosité et des légitimes différences. Ainsi, le Grand-Maître du Grand Orient de France, Jean-Michel Quillardet, dit qu’il est « pour l’interdiction de la burqa, pas au nom de l’identité nationale mais au nom de l’universalité (4) ». Il se désintéresse de la submersion démographique issue des flux migratoires qui accélèrent le remplacement des populations autochtones par de nouveaux habitants allogènes. Il veut poursuivre l’arasement des cultures et l’édification d’un Pandémonium planétaire qui serait une juxtaposition anarchique de collectivités d’égo soumises au Diktat du Marché et de l’hyper-consommation, bref, tout le contraire d’une authentique complexité communautaire spirituelle et ethno-culturelle agencée. Trop régulièrement, la lutte contre l’islam, le christianisme ou les « sectes » exprime, au-delà des justifications féministes, égalitaristes, nationistes ou droit-de-l’hommistes, un ressentiment, une haine, envers tout ce qui est spirituel. « La spiritualité, voilà l’ennemi ! », estime notre classe politique faillie. Or, s’il manque à l’identité nationale un esprit, car être Français, ce n’est pas que vivre en France ou bénéficier de ses largesses sociales, notre époque, par chance, n’en manque pas; il gît dans les solidarités sensibles, les communautés concrètes et les identités tangibles, dans ces structures de vivre-ensemble alternatives qui préparent l’avènement du pluralisme (ou polythéisme) des valeurs. Malgré les incantations de quelques élus qui veulent interdire les drapeaux étrangers lors des mariages (5) parce qu’« à l’heure de ce grand rendez-vous, il faut choisir : ou bien l’on décide de s’unir à l’être aimé lors d’un mariage, uniquement drapé aux couleurs de la République (et l’on épouse alors tous les principes [serait-ce donc un appel à la polygamie ?]), ou bien on l’y renonce, en toute liberté (sic !) (6) », le quidam ne croit plus en une uniformité inefficiente, paralysante et mortifère. Et les politicards n’y pourront rien ! L’ère de l’homogène et de l’unitaire s’achève et « empiriquement, l’hétérogénéité reprend force et vigueur. Réaffirmation de la différence, localismes divers, spécificités langagières et idéologiques, rassemblement autour d’une commune origine, réelle ou mythifiée. Voire exacerbation de convictions religieuses », relève Michel Maffesoli (7). L’État-nation éclate, se disloque, se fragmente, se désagrège : les polémiques autour de l’immigration et de la burqa n’en sont que les symptômes les plus visibles ! L’identité nationale est à refonder et donc à reformuler en prenant acte de l’individualisme exacerbé, du déracinement de masse accompli et de la menace mondialiste du métissage, ce métissage que vante Nicolas Sarközy dans Le Monde du 9 décembre 2009. Loin d’être la panacée espérée, le métissage se comprend comme l’effacement des différences au profit d’une morale républicaine à finalité universelle. Repenser l’identité nationale implique de se défaire de ce fétichisme politique qu’est l’État national souverain. « Il est dangereux, au nom d’une conception quelque peu vieillissante de l’unité nationale et d’une identité figée, de ne pas reconnaître la force du pluralisme, la conjonction d’identifications diverses, souligne Michel Maffesoli (8). » Il ajoute plus loin que les communautés (ou « tribus ») « soient sexuelles, musicales, religieuses, sportives, culturelles, importe peu, ce qui est certain, c’est qu’elles occupent l’espace public » (9). Que surgissent donc ces ensembles variés qui redonneront aux Français de racines européennes, parmi d’autres, l’appartenance à un peuple façonné par sa langue ! « Encore faut-il, naturellement, qu’il y ait un peuple, c’est-à-dire des communautés vivantes et enracinées, tout ce que l’État centraliste n’aime pas et a toujours combattu, note Dominique Venner (10). » Cela suppose de mettre l’identité française, identité linguistique (11) et historique, en résonance avec les identités régionales d’une part et avec l’identité européenne matricielle d’autre part. Cela implique en outre de redéfinir la vision de l’État et, « après tout, pourquoi ne pas envisager que la “ chose publique ” (res publica) s’organise à partir de l’ajustement, a posteriori, de ces tribus électives ? […] Le centre de l’union peut se vivre dans la reliance, a posteriori, de valeurs opposées, énonce Michel Maffesoli (12) ». Cette vision de l’organisation sociale s’appelle l’Empire ! Et, n’en déplaise à MM. Peillon, Szafran, Gallo, Besson et Sarközy, « il faut avoir l’audace intellectuelle de savoir penser la viridité d’un idéal communautaire en gestation » (13). Avec les « tribus » post-modernes, c’est à la fin de la modernité que nous assistons et à l’émergence d’une nouvelle sapience. La France se métamorphose et adopte des caractéristiques plus européennes, plus culturalistes, plus bigarrées et plus effervescentes. L’hiver stato-national s’en va tandis que nous parviennent les premières senteurs printanières. Alors, « dans la grisaille quotidienne, l’existence s’empourpre de couleurs nouvelles, traduisant ainsi la féconde multiplicité des enfants des dieux (14) ». Georges Feltin-Tracol http://www.europemaxima.com Notes 1 : À l’émission « Questions du mercredi », organisée par France Inter, Le Monde et Dailymotion, du 11 novembre 2009. 2 : in Marianne, 31 octobre – 6 novembre 2009. 3 : Idem. Dans Le Figaro du 30 octobre 2009, Max Gallo évoque « Les dix points cardinaux de l’identité française » : le droit du sol, l’égalité, l’État, la citoyenneté, l’école, la laïcité, l’éclatement (le risque permanent de), la langue française, l’égalité des femmes et l’universalisme. Hormis pour le huitième point et, avec des réserves, le quatrième, nous sommes en désaccord complet avec son propos. 4 : in Le Nouvel Observateur, 5 – 11 novembre 2009. 5 : Il est vrai que dans de nombreuses communes françaises, les samedis après-midi sont perturbés par l’entourage bruyant des nouveaux mariés qui n’hésite pas à brandir des drapeaux provenant rarement d’Europe centrale ou d’Océanie… En revanche, rares ont été les réactions, suite au pavoisement de voitures et d’immeubles aux couleurs algériennes dans l’Hexagone au moment de la qualification de ce pays à la Coupe du monde de football en Afrique du Sud. Ce déferlement inouï de couleurs verte et blanche est bien plus grave que la question du « foulard islamique ». 6 : Proposition de loi du député U.M.P. de l’Hérault, Élie Aboud, cité par Le Monde, 9 décembre 2009. Les arguments sont proprement totalitaires. La loi actuelle oblige déjà les futurs mariés à passer d’abord en mairie avant que leur union soit célébrée par un prêtre. Toujours ce carcan laïque sur les croyances… 7 : Michel Maffesoli, « Communautés ou communautarisme ? », in Le Figaro, 21 décembre 2009. 8 : Idem. 9 : Id. 10 : Dominique Venner, « Souveraineté et identité », in Le Figaro, 1er février 1999. On lira aussi l’entretien qu’il accorde à Jean-Paul Angelelli, « Europe, identité et souveraineté », in Rivarol, 19 février 1999. 11 : On ne peut qu’être surpris par l’absence dans ce débat du moindre questionnement autour de la langue française qui est moins menacée par la résurgence nécessaire des langues dites régionales que par le sabir anglophone d’aéroport, l’emploi toujours plus banalisé du franglais et l’appauvrissement lexical des locuteurs. Une véritable discussion devrait au préalable traiter de son rôle fondamental dans la construction de l’identité nationale. 12 : Michel Maffesoli, « Communautés ou communautarisme ? », art. cit. 13 : Idem. 14 : Id.
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La thérapie de choc ou la maïeutique néolibérale
« Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres »
Antonio Gramsci
Nous sommes les témoins et les acteurs d'une époque charnière caractérisée par l'éclipse des repères et par l'éfritement des échelles de valeurs. C'est ce vide insupportable régi par le chaos que viennent investir avec la violence d'un ouragan les obsessions mortifères de tous ces hallucinés de la pureté originelle. Nous vivons en effet une drôle d'époque où les tenants du néolibéralisme le plus sauvage se détournent des pseudo-valeurs décrépites de l'idéologie libérale et s'appuient de plus en plus sur les fanatismes religieux devenus plus porteurs, donc plus propices aux manipulations. Mais cette alliance apparemment contre-nature ne constitue en fait qu'un paradoxe formel. Comme le souligne Marc Luyckx Ghisi, l'intégrisme religieux est ce sacré de séparation qui impose à l'homme de dédaigner son vécu pour retrouver le chemin de dieu . Dans le même ordre d'idées, la modernité, avec toutes ses nuances idéologiques, n'a cessé pendant voila plus de deux siècles de déconnecter totalement l'homme de sa place dans le monde en le soumettant aux pulsions d'un ego inassouvissable. Deux visions du monde , diamétralement opposées mais qui se rejoignent en déniant à l'homme sa véritable identité, cette dimension duelle, tout à la fois matérielle et spirituelle, seule en mesure d'assurer à notre espèce un équilibre salvateur.
Le rouleau compresseur néolibéral qui a entamé depuis 1973 sa course macabre au Chili puis en Argentine n'a épargné ni la population britannique sous Thatcher ni américaine sous Reagan et a fini par écrabouiller l'économie de l'ensemble du bloc communiste. Avec l'invasion de l'Afghanistan et de l'Irak, l'hystérie reprend de plus belle et tente non seulement de mettre la main sur les ressources naturelles mais de disloquer irrémédiablement le tissu social et d'anéantir les états de ces pays. Voilà qu'aujourd'hui, tous ces peuples révoltés du Maghreb et du Proche Orient s'éveillant de leur euphorie, se retrouvent eux aussi pris dans le pire des cauchemars : Les chicago-boys islamistes assaisonnés à la sauce friedmanienne poussent à la vitesse d'une Caulerpa taxifolia et envahissent soudainement l'espace sous le soleil revivifiant du printemps arabe. Un tel enchainement de violences a retenu l'attention de la journaliste canadienne Noami Klein qui en 2007 écrit "la strategie du choc" et s'inscrit ainsi en faux contre la pensée ultralibérale de Milton Friedman et de son école, "l'école de Chicago". Noami Klein s'est probablement inspirée, pour mieux le contester, du leitmotiv friedmanien "thérapie" ou encore "traitement" de choc. Cela n'est pas sans nous rappeler la crise économique de 1929 qui sans laquelle Roosevelt ne serait jamais parvenu à imposer le New Deal à l'establishment de l'époque. C'est donc à la faveur d'une crise que le keynésianisme à pu s'installer au sein d'une société ultralibérale. S'inspirant probablement de ce schéma, Friedman a pensé que seuls les moments de crises aiguës , réelles ou provoquées , étaient en mesure de bouleverser l'ordre établi et de réorienter l'humanité dans le sens voulu par l'élite.
C'est donc à partir des années soixante dix que selon la thèse de Noami Klein le monde s'installe dans ce qu'elle appelle « le capitalisme du désastre » . Cataclysmes naturels ou guerres sont autant de chocs permettant d'inhiber les résistances et d'imposer les dérégulations néolibérales. La stratégie du choc s'appuie tout d'abord sur une violente agression armée ,Shock and Awe ou choc et effroi , servant à priver l'adversaire de toute capacité à agir et à réagir; elle est suivie immédiatement par un traitement de choc économique visant un ajustement structurel radical. Ceux du camp ennemi qui continuent de résister sont réprimés de la manière la plus abominable. Cette politique de la terreur sévit depuis voilà quarante ans et se répand un peu partout dans un monde endiablé par l'hystérie néolibérale. Des juntes argentine et chilienne des années soixante dix en passant par la place Tiananmen en 1989, à la décision de Boris Eltsine de bonbarder son propre parlement en 1993, sans oublier la guerre des Malouines provoquée par Thatcher ni le bombardement de Belgrade perpetré par l'OTAN, ce sont là autant de thérapies de choc necessaires à l'instauration de la libre circulation du capital. Mais avec l'attentat du 11 septembre 2001, l'empire venait de franchir un nouveau palier dans la gestion de l'horreur. Susan Lindauer, ex-agent de la C I A (1) affirme Dans son livre Extreme Prejudice que le gouvernement des Etats Unis connaissait des mois à l'avance les menaces d'attentats sur le World Trade Center. Elle ajoute que les tours ont été détruites en réalité au moyen de bombes thermite acheminées par des camionnettes quelques jours avant les attentats. Le traitement de choc ne se limitait plus à susciter l'effroi dans le camp ennemi mais aussi dans son propre camp dans le but de terroriser sa propre population et de lui imposer les nouvelles règles du jeu. C'est ainsi qu'en un tour de main furent votées les lois liberticides du Patriot Act et les budgets nécessaires à l'invasion de l'Afghanistan et de l'Irak.
Cependant, Quarante ans de pratique de la dérégulation n'ont pu dynamiser l'économie mondiale et la dégager du marasme dans lequel s'est englué le capitalisme productif. Mais cherche-t-on vraiment à dynamiser quoi que ce soit?! La financiarisation de l'économie au lieu d'être la panacée tant escomptée a au contraire plongé le monde dans une crise systémique couronnée par le fiasco retentissant de 2008. Cette domination de la finance libéralisée a démontré en définitive que les marchés sont incapables de s’autoréguler. La crise a prouvé par ailleurs que la financiarisation n'est en fait qu'une dépravation de l'idée d'investissement, de projet, de projection dans l'avenir qui a toujours caractérisé le capitalisme productif. Ce qui se pratique aujourd'hui c'est essentiellement une économie usuraire, obsédée par l'immédiateté du profit et convaincue du fait que l'argent rapporte à lui seul et sans délai de d'argent. C'est donc dans ce tourbillon de l'autoreproduction du capital que le monde se trouve pris. Le néolibéralisme n'est en fin de compte qu'une vaste opération spéculative visant le transfert massif des richesses vers une grande bourgeoisie atteinte de thésaurisation compulsive, obnubilée par ses pulsions de destruction, ayant perdu définitivement la foi dans l'avenir.
L'agonie du capitalisme productif s'accompagne d'une déliquescence du politique. En effet, après la sécularisation du religieux, il semble aujourd'hui que c'est au tour du politique de subir le même sort. C'est bien en effet depuis le 19ème siècle que le politique s’est emparé progressivement de la gestion du sacré. L’État a fini par exiger de ses sujets la même allégeance que l’Église imposait à ses fidèles. La citoyenneté et la nation sont sacralisés et la patrie va jusqu'à exiger de l'individu le don de sa vie. Le vingtième siècle a été le témoin de ces "religions séculières" qui ont fait du politique un objet de foi et le fascisme a été la forme exacerbée de ce culte voué au politique. Mais avec l’effondrement du communisme et du keynesianisme l'institution politique commence à s'ébrècher et semble complètement se déliter de nos jours. Les prérogatives de l'Etat se réduisent comme une peau de chagrin et le politique a fini par être totalement vassalisé par l'économique . En effet, l'Etat n'a pour fonctions aujourd'hui que de promouvoir l'économique et d'assurer sa sécurité, encore que dans un pays comme les États Unis une bonne partie de l'armée soit tombée entre les mains de sociétés privées. Ainsi, les derniers remparts contre la déferlante subjectiviste viennent de s'écrouler et la mort de l' État en sonnant le glas des transcendances annonce le triomphe insolent d'une modernité ayant atteint son faîte.
L'ego ainsi libéré de toute transcendance succombe à ses pulsions destructrices. La fièvre de la dérégulation qui s'empare du monde n'est pas synonyme de libéralisation comme le prétendent les ultralibéraux mais d'abolition systématique des règles et des lois qui ont toujours régi et organisé la société des hommes. Si le clivage traditionnel gauche/droite tournait autour du partage de la plus-value au sein d'une société régulée même si elle soufrait d'injustice, le clivage actuel oppose régulation et dérégulation et laisse présager l'avènement d'un monde chaotique. Mue par la pulsion narcissique de la toute puissance, l'oligarchie mondialiste nie toute altérité et s'engage frénétiquement dans un nihilisme destructeur parachevant de la sorte la trajectoire d'une modernité fondée entre autre sur la divinisation de l'ego, la compétition et la chosification de l'humain. Ce narcissisme délirant, pur produit du messianisme inhérent à l'histoire et à la culture nord-américaine a toujours caracterisé l'élite anglo-saxonne étasunienne. Une élite qui ne cesse depuis le milieu du 19ème siècle d'arborer son Manifest Destiny. A la fin de la première guerre mondiale, Wilson affirmait : « Je crois que Dieu a présidé à la naissance de cette nation et que nous sommes choisis pour montrer la voie aux nations du monde dans leur marche sur les sentiers de la liberté » et George W. Bush d'ajouter en s'adressant à ses troupes au Koweit en 2008 : « Et il ne fait pour moi pas un doute que lorsque l’Histoire sera écrite, la dernière page dira « la victoire a été obtenue par les États-Unis d’Amérique, pour le bien du monde entier » Depuis deux decennies, l'élite ploutocratique en versant dans le néolibéralisme semble irrémédiablement atteinte de perversion narcissique où se mêlent haine et mépris de l'altérité, volonté de puissance, sadisme et manipulation. Une interview du cinéaste américain Aaron Russo(2) enregistrée quelques mois avant sa mort permet de mesurer le degré atteint par une telle perversion. Les guerre menées contre le monde arabe et les restrictions des libertés en Occident annoncent l'univers stalinien dont rêve la ploutocratie étasunienne. Un univers qui rappelle bien "1984" de Georges Orwell que d'aucuns considèrent comme prémonitoire. Il serait plutôt plus pertinent d'y voir la source d'inspiration des think tank américains dans leur quête totalitaire.
Avec le néolibéralisme, nous passons d'une économie de l'exploitation du travail à une économie de la dépossession. La combinaison de l'endettement public, de l'endettement privé et de la spéculation financière constitue l'outil privilégié de ce hold-up du millénaire. En effet les conditions de remboursement sont arrangées de telle sorte qu'elles ne puissent aboutir qu'à la faillite des débiteurs, qu'ils soient individus ou états. Pratique systématique de l'usure, plans d'ajustement structurel, paradis fiscaux, délocalisations, compétitivité, flexibilité sont autant d'armes pour casser tous les acquis des travailleurs et démanteler les frontières nationales au profit d'une minorité avare de banquiers et de multinationales. Face à une telle escalade, la gauche européenne semble totalement hypnotisée n'ayant probablement pas encore digéré l'implosion de l'URSS. Mais quelle alterntive pourrait bien proposer une gauche qui a toujours hésité à mettre en doute le projet ambigu de la modernité et qui a toujours souscrit au développementisme! En se battant uniquement sur le front du partage de la plus-value, la gauche, de compromis en compromission, a permis au système d'atteindre sa phase finale avec le risque d'ine déflagration tous azimuts.
Face à cette capitulation, l'oligarchie mondiale a renforcé encore plus sa domination en récupérant tout en les pervertissant un ensemble de valeurs libertaires. Elle a su si adroitement profiter du concept cher à Gramsci, celui de guerre de position. En effet, dans les pays Occidentaux, le démantèlement du politique s'effectue non par la coercition mais par l'hégémonie, cette "puissance douce" permettant une domination consentie, voire même désirée. C'est ainsi que l'idéal anarchiste, égalitaire et antiétatiste fut complètement faussé par l'idéologie néolibérale. Les anarcho-capitalistes en rejoignant les anarchistes dans leur haine de l'état, considèrent par contre que le marché est seul en mesure de réguler l'économique et le social. Déjà à partir des années soixante l'idée du marché autorégulateur commençait à prendre de l'ampleur. Le néolibéralisme naissant , rejeton du capitalisme sauvage du 19ème siècle, s'allie paradoxalement à l'anticapitalisme viscéral des soixante-huitards pour s'élever contre l'autoritarisme et prôner une société ouverte et libérée de toutes les formes de contraintes. Ainsi du mythe d'une société sans classes des années soixante dix on succombe au nom de la liberté aux charmes d'une société éclatée faite d'individus atomisés. Ce culte de l'ego, synonyme de désintegration de toutes les formes de solidarité, constitue la pierre angulaire de la pensée anarcho-capitaliste et se reflète dans les écrits de théoriciens tels que Murray Rothba ou David Friedman. Ces derniers n'hésitent pas de prêcher le droit au suicide, à la prostitution, à la drogue, à la vente de ses organes...et vont jusqu'à avancer que l'enfant a le droit de travailler, de quitter ses parents, de se trouver d'autres parents s'il le souhaite...C'est ce champs de la pulsuonalité débridée qui commande désormais les liens sociaux et ruine les instances collectives ainsi que les fondements culturels construits de longue date. Comme le souligne Dany-Robert Dufour (3), Dans une société où le refoulement provoqué par le " tu ne dois pas " n'existe plus, l'homme n'a plus besoin d'un dieu pour se fonder que lui même. Guidé par ses seules pulsions, il n'atteindra jamais la jouissance promise par les objets du Divin Marché et développera ainsi une addiction associée à un manque toujours renouvelé. Aliéné par son désir, excité par la publicité et les médias, il adoptera un comportement grégaire, la négation même de cette obsession égotiste qui le mine. Ayant cassé tous les liens traditionnels de solidarité, l'individu s'offre aujourd'hui pieds et poings liés à une ploutocratie avide, sure de sa surpuissance. Si la stratégie néolibérale triomphe de nos jours, c'est bien parce qu'elle a su gagner cette guerre de position en menant à bien son offensive... idéologique.
Mais cette entreprise de désintégration du politique suit tout un autre cheminement lorsqu'elle s'applique aux pays de la périphérie. Le plan du Grand Moyen Orient mis en oeuvre depuis l'invasion de l'Irak et qui continue de fleurir dans les pays du printemps arabe combine à la fois la manipulation et la coercition. Si dans les pays du centre, la stratégie s'appuie sur l'atomisation post-moderne, dans le monde arabe, on tente par la fomentation des haines ethniques et religieuses de désintégrer ces sociétés et de les plonger dans les affres d'une pré-modernité montée de toute pièce. On essaie ainsi de les emmurer comme par magie dans un passé hermétique et prétendument barbare. Voici donc que le monde arabo-islamique se trouve soudainement embarqué à bord de cette machine à remonter le temps tant rêvée par Jules Verne. Egotisme post-moderne et tribalisme barbare formeront ainsi les deux pôles de cette dichotomie diaboliquement orchestrée qui est à l'origine de la pseudo fracture Orient Occident. C'est à l'ombre de ce show du choc des civilisations que s'opère la stratégie du chaos créateur.
Quelques actes terroristes spectatulaires par ci, campagne islamophobe surmédiatisée par là et le décor est dressé. Perversion narcissique et déni de soi, réminiscences de la déshumanisation coloniale, se font écho et s'étreignent. Les invasions occidentales deviennent d'autant plus légitimes qu'elles se prétendent garantes d'une civilisation menacée. A la violence répond paradoxalement la haine de soi et l'autodestruction. Celle-ci se manifeste par des réactions individuelles souvent suicidaires, témoignant d'un malaise social exacerbé face au désordre politico-économique régnant. Dans un pays traditionnellement paisible comme la Tunisie, le nombre des immolés par le feu et par l'eau se compte par centaines. Appeler la mort à son secours devient l'ultime alternative qui s'offre à tous ces désespérés. C'est sur ce fond pétri d'échecs cumulés depuis les indépendances que vient se greffer le rêve morbide de tous ces hallucinés régressifs fuyant la domination d'un Occident mégalomaniaque. L'aube de l'islam, devenue ce paradis perdu de la prime enfance constituera le refuge par excellence car situé derrière le rempart infranchissable et sécurisant des siècles. C'est ainsi qu'une irrésistible quête régressive ne souffrant aucune entrave et se dressant violemment contre toute alternative embrase depuis plus de deux ans le monde arabe. Or ce salafisme aveugle, impuissant face à la domination occidentale, préfère s'adonner à l'autoflagellation. L'Empire n'a pas mieux trouvé que de tourner le couteau dans la plaie narcissique de populations aliénées depuis longtemps par l'oppression coloniale. Il s'agit de raviver cette névrose du colonisé par des menées médiatiques où se mêlent l'offense et le mépris. Tout l'art consiste ensuite à orienter cette explosion de haine vers les présumés avatars locaux de l'Occident et de tous ceux qui de l'intérieur freinent cette marche à reculons. Les gourous islamistes à la solde des monarchies du Golfe et des services secrets américains se sont bien acquittés de cette tâche en poussant au Jihad contre leurs propres nations des dizaines de milliers de fanatiques survoltés. Un superbe gâchis qui en quelques années a fini par ruiner la majorité des pays arabes. Le chaos, faute d'être créateur resplendit par sa cruauté et sa gratuité, mais l'Empire ne fait aujourd'hui que s'enliser de plus en plus dans les sables mouvants de Bilad el-Cham. La forteresse syrienne ne semble pas ceder, cadenassant ainsi la route de la soie et le rêve hégémonique des néoconservateurs. Les dirigeants étasuniens, tout aussi prétencieux qu'ignorants de la complexité du monde arabo-musulman ont cru naïvement pouvoir tenir en laisse tous ces pays en louant les services de la confrérie des frères musulmans.
Après le grandiose mouvement de révolte égyptien et la destitution de Morsi, après la correction infligée à Erdogan et le renversement honteux de Hamad, les frères semblent irrémédiablement lâchés par leur suzerain. Un leurre de plus? Ou alors, comme le souligne le politologue libanais Anis Nakach, les frères musulmans n'ont été hissés au pouvoir que pour mieux dégringoler eux et leur idéologie islamiste devenue totalement contre-productive..pour les néolibéraux. Il s'agit maintenant de remettre le Djinn dans la bouteille et de le plonger dans la mer de l'oubli après qu'il se soit acquitté honorablement de sa tâche. Les masses arabes, après deux ans de désordre sous la direction des frères finiront par se jeter sans hésitation dans les bras des libéraux. Mais une autre raison a certainement réorienté la politique étasunienne : c'est cette ténacité des russes à défendre leur peau coûte que coûte. La prochaine conférence de Genève sur la Syrie changera fort probablement la donne au Moyen Orient en accordant plus d'influence à la Russie dans la région. Le thalassokrator américain, balourd sur les continents, préfère apparemment tenter sa chance ailleurs, sur les eaux du Pacifique...
En attendant, l'incendie qui embrase le monde arabe n'est pas près de s'éteindre de si tôt et les apprentis sorciers, épouvantés par l'agonie de leur vieux monde, continueront d'écraser, dans ce clair-obscur de l'histoire, tout ce qui contrarie leur folie hégémonique. ..
Dans la théorie du chaos, soit le système se transforme, soit il s'effondre totalement. Un simple battement d'aile peut changer le monde semble-t-il...
Fethi GHARBI http://www.alterinfo.net
1) http://www.reopen911.info/News/2011/12/22/11-septembre-susan-lindauer-et-les-bandes-video-manquantes-du-world-trade-center/
2) http://www.dailymotion.com/video/xddh2k_aaron-russo-interview-sur-nicholas_news#.UZTAf7WEOdA
3) Dany-Robert Dufour ; Le Divin Marché - La révolution culturelle libéraleLien permanent Catégories : actualité, culture et histoire, géopolitique, international 0 commentaire -
La loi la plus nocive
De toutes les lois scélérates promulguées ces dernières décennies, celle sur le regroupement familial organisé par le duo d’enfer Giscard-Chirac (décret n°76-383 du 29 avril 1976) est certainement la plus pernicieuse, au regard de ses conséquences d’autant plus désastreuses qu’elle est totalisante.
Rappelons tout d’abord le tableau démographique. Cette loi intervient l’année suivant la loi Veil sur l’avortement (janvier 1975). Nous en payons les pots cassés : une progressive substitution de population, les familles immigrées ayant en moyenne plus d’enfants que les françaises indigènes : d’après Michèle Tribalat, la natalité française est de 2,1 enfants par femme, mais tomberait à 1,71 sans les immigrés. Les extra-européens passent ainsi d’une minorité, assimilable tant qu’elle reste peu nombreuse (selon De Gaulle), à une part substantielle de la population française.
Nous le voyons, une contre-colonisation – que Renaud Camus nomme « le grand remplacement » – est à l’œuvre en France. Un génocide en marche encensé sous le nom de « métissage » (Ivan Rioufol préfère quant à lui parler d’idéologie « mélangiste »), avec ses arguments de propagande désormais bien connus (ouverture, tolérance, diversité…) et ses procès en sorcellerie à l’encontre des réfractaires.
Et pourtant, derrière le culte du « Veau d’Autre » décrit par Pierre-André Taguieff se glisse une contradiction insurmontable.
Chanter les louanges de la Diversité et en même temps se faire l’apôtre d’un métissage global (ou « mélangisme ») constitue une aporie. En effet, c’est ce « métissage global » qui revêt un aspect de plus en plus obligatoire, et qui s’avère être une menace réelle pour la diversité, la vraie, celle des peuples et de leurs spécificités culturelles et ethniques. Si se métisser relève du choix individuel, LE métissage est aujourd’hui une idéologie serinée, une obligation, le seul traitement adapté au cas d’un Français recuit et moisi, tel que le livre « L’idéologie française » du philosophe milliardaire BHL l’a décrit (un travail dans lequel BHL a été secondé, rappelons-le, par le pesant et épuisant écrivain Philippe Solers). Comme l’exposait Taï Luc, chanteur de La Souris Déglinguée, « le métissage c’est une affaire sentimentale. C’est des initiatives d’êtres humains avant tout. Ce ne sont pas des partis politiques qui doivent te dire ce que tu dois faire. »
Concrètement, le métissage détruit la diversité, la vraie, celle des peuples et de leurs spécificités culturelles. Nous irons même jusqu’à dire que dans les faits, l’idéologie du métissage constitue dans ses fondements un paradigme néonazi mutant : alors que dans les années 30, l’Allemagne hitlérienne nous sommait de nous marier avec une « aryenne », le ver mondialiste de ce siècle nous exhorte à épouser une Noire. Il n’est que de citer Tahar Ben Jelloun dans son ouvrage pour enfants de 7 à 77 ans, « Le racisme expliqué à ma fille », sorte de manifeste du « Métissons-nous tous en rond » : « En général, les métis sont beaux. C’est le mélange qui produit la beauté. » Dirait-on aujourd’hui dit du Blanc ou du Noir qu’il est beau parce que Blanc ou Noir ? Non, ce serait « raciste ». Alors que, pour résumer l’implicite du propos suprémaciste de Tahar Ben Jelloun, dire que le métis est génétiquement supérieur, cela, c’est toléré. Il faut bien ici parler d’un nouveau racisme, puisque nous avons affaire à un essentialisme pseudo-biologique.
Économiquement, le discours rocardien est connu : « La France ne peut accueillir toute la misère du monde, mais elle doit savoir en prendre fidèlement sa part. » Ou l’avènement d’un « humanisme » larmoyant immigrationniste (immigrationnisme qui est, d’après Taguieff, la « dernière utopie des bien-pensants »).
Mais comme le rappelait Orwell, il faut se défier de la sémantique officielle. L’immigration est en réalité une déportation (nous employons ce mot à dessein) de main d’œuvre – taillable et corvéable à merci – destinée à servir, prolonger et perpétuer la mondialisation néolibérale. L’extorsion de la plus-value est aujourd’hui maximisée par la mobilité de la main d’œuvre, et les profits (retours sur investissements en novlangue) substantiels et juteux. Voilà de quoi il s’agit en réalité.
En ce sens, la loi sur le regroupement familial traduit le véritable projet des soixante-huitards reconvertis business, le projet des nantis contre celui des travailleurs : un miséreux du Tiers-Monde accepte sans broncher des conditions et salaires indécents, que refuse un travailleur national – lequel se retrouve donc aujourd’hui acculé, puisqu’il est menacé de remplacement par un esclave docile. Le temps où l’on faisait venir des casseurs de grève d’autres pays voisins, pratique si bien décrite par Marx, est révolu : le libéralisme hors-sol, déifié par Jacques Attali, a su parfaitement s’adapter à la nouvelle donne. La mondialisation de la main d’œuvre est inséparable de la mondialisation du capital.
Les travailleurs, depuis le regroupement familial, sont donc les dindons de la farce, et cela quelle que soit leur origine. Les Français sont victimes de pression sur les bas salaires (dumping social) ; les allogènes, eux, sont obligés de quitter leur patrie pour venir compromettre leur santé ici, dans les emplois les plus usants et les moins rémunérés, leur pays d’origine se voyant en outre privé d’une part importante de sa main d’œuvre la plus performante – et cela, jusqu’à 70% du vivier des cadres, s’agissant de ces médecins de là-bas, devenus brancardiers ici. Seul le mondialisme, et son virus opportuniste, le patron indigne – l’hyper-nomade dirait Jacques Attali – y gagnent : plutôt que de délocaliser en Chine ou en Inde (même si parfois le grand patronat ne se prive pas de le faire), c’est la main d’œuvre qui est délocalisée. Après tout, pourquoi supporter des coûts inutiles (du point de vue du patronat) lorsqu’il s’agit uniquement de rester compétitif ? « Les patrons sans cœur sont les agents de la subversion », disait déjà, en 1934, le Colonel de La Rocque.
Socialement, dans la réalité du monde du travail, le constat est dramatique. Un triste spectacle s’offre à l’observateur attentif. La course au bas salaire a remplacé la solidarité par une lutte des travailleurs entre eux, en particulier entre nationaux et allogènes, climat créé et entretenu par les financiers mondialistes et leurs serviteurs idéologiques (quand le contrat collectif devient individuel, il n’y a plus de rapport de force possible pour les individus les plus fragiles). Dénués de culture syndicale, les non-européens ne feront pas valoir leurs droits, pas plus qu’ils ne montreront une solidarité qui, il y a peu, allait encore de soi chez les travailleurs – et quand ils le feront, ce sera trop souvent avec un arrière-plan ethnique, voire racial. Une absence de solidarité symptomatique de la postmodernité, et qui s’insère parfaitement dans le cadre général du déclin des vieilles sociétés chrétiennes, oublieuses de leurs valeurs morales. C’est ainsi que, idiots utiles du mondialisme, les déracinés ont malgré eux contribué à détruire l’esprit de corps dans le monde professionnel.
Au-delà de ce domaine, enfin, les incompatibilités culturelles sont devenues criantes et patentes depuis longtemps (sans parler de l’effondrement du niveau scolaire) : selon l’ancien commissaire de police Lucienne Bui-Trong (cf. son livre « Violences urbaines »), 90 à 95% des violences urbaines sont le fait d’immigrés ou de leurs descendants, élément que les sociologues – aussi bien « bourdivins » qu’issus de la « deuxième gauche » –, grassement payés par l’Etat pour leur refus obstiné du réel, attribuent perpétuellement à des causes purement « sociales ». On remarquera que ces mêmes sociologues restent incapables d’expliquer le pourquoi de la plus faible délinquance attribuable aux asiatiques ou aux Français « souchiens » (terme que nous empruntons à la sympathique et si sémillante Houria Bouteldja, laquelle mérite bien sa place, dans le tableau que nous venons de dresser, pour sa remarquable contribution à la montée des tensions entre pauvres).
La trop commode grille de lecture de nos sociologues institutionnels a été déconstruite par une récente enquête de Xavier Raufer : les départements les plus pauvres de l’Hexagone sont le Cantal et la Creuse, sans pour autant être le théâtre des violences urbaines observables en banlieue. Voici une nouvelle trahison des clercs, qui servent une fois de plus le mondialisme : nier le réel est un bon moyen d’exaspérer ceux qui le subissent. Pendant que le peu de Français dignes de ce nom seront aliénés par un combat identitaire – superstructurel – exclusif, les questions économiques – infrastructurelles – seront complètement délaissées par ces derniers, devenus donc, eux aussi, des idiots utiles.
En conclusion, résumons la stupidité de la loi sur le regroupement familial, et son intérêt pour les mondialistes : volonté de création d’un nouveau Surhomme fantasmé (le métis), afin d’homogénéiser les cultures, pour mieux s’en assurer le contrôle. Une éradication du peuple français à moyen terme qui risque fort de déboucher sur une compétition, voire une guerre, entre citoyens d’une Cité qui n’existe plus (une guerre civile qui rendra aussi, à termes, plus difficile la coopération entre États souverains). Un pillage systématique de la main d’œuvre du Tiers-Monde, l’accroissement mécanique des écarts de revenus et de fortune entre des pauvres toujours plus pauvres et des riches toujours plus riches. La communauté française devenue un assemblage de minorités haineuses et revanchardes, pleurnichardes et victimaires, détruisant par leur action conjuguée tout rêve légitime d’unité nationale, de solidarité, de fraternité. Substitut au projet français du citoyen conscient : un individu métis – de partout et donc de nulle part – délocalisable ad vitam aeternam (citoyen du monde), l’inverse au fond du patriote enraciné, défenseur d’un héritage et de valeurs morales ancrées dans la conscience historique.
Le regroupement familial, ou le plus gros piège mondialiste, et le plus tragiquement efficace.
[texte initialement publié sur Enquête et Débat]
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Journal de Bord de Jean-Marie Le Pen n°322, 324 et 325
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