Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

culture et histoire - Page 1869

  • Dostoïevski, l’humour et la maison des morts

    Dostoïevski est certainement le littérateur de la deuxième moitié du XIXe siècle qui a le plus compté. Il a annoncé la révolution russe et le nihilisme moderne à sa manière incomparable, il a inspiré Nietzsche (« c’est le seul qui m’ait appris quelque chose en psychologie »...) et inspiré des livres et des théories aux prix Nobel Camus, Thomas Mann ou André Gide. Il a aussi inventé -toujours à sa manière - le roman policier moderne avec "Crime et châtiment", et même le feuilleton ou la saga familiale ! Il ne faut pas oublier que s’il a inspiré les grands auteurs, il a aussi été très populaire. "Crime et châtiment" se lit d’ailleurs comme un... roman.

    Alors que je relis tout le temps toute son oeuvre prodigieuse - il est comme l’Evangile, on le sent infini -, je suis toutefois frappé par les éclats de rire. L’humour de Dostoïevski, sa manière piquante et marrante d’affronter la réalité ou de narrer est quelque chose d’en effet très frappant, et sur lequel on n’a pas assez insisté.

    Je vais prendre appui sur ses "Souvenirs de la maison des morts" qui n’annoncent pas, mais alors pas du tout Soljenitsyne. Dostoïevski a pris le parti de considérer la prison comme un lieu, dirait Nietzsche, d’où l’on ressort plus fort. La bizarrerie des situations (rappelons que la peine de mort n’existe pas en Russie tzariste, donc tous les monstres arrivent dans ce bagne), leur alacrité, leur sincérité produisant fréquemment cette sensation de drôlerie qui m’intéresse ici.

    Je commence par sa présentation de la Sibérie, qui semble ici une côte d’Azur ignorée...

    « Ils reviennent chez eux en dénigrant la Sibérie et en s’en moquant. Ils ont tort, car c’est un pays de béatitude, non seulement en ce qui concerne le service public, mais encore à bien d’autres points de vue. Le climat est excellent ; les marchands sont riches et hospitaliers ; les Européens aisés y sont nombreux.

    Quant aux jeunes filles, elles ressemblent à des roses fleuries ; leur moralité est irréprochable. Le gibier court dans les rues et vient se jeter contre le chasseur. On y boit du champagne en quantité prodigieuse ; le caviar est étonnant ; la récolte rend quelquefois quinze pour un. En un mot, c’est une terre bénie dont il faut seulement savoir profiter, et l’on en profite fort bien ! »

    Ici l’humour naît d’un paradoxe complet : la Sibérie conçue comme un endroit de villégiature digne d’une prose de brochure publicitaire. On sent poindre l’ironie aussi...

    Mais l’humour vient aussi des personnages. Le narrateur décrit avec une grande tendresse un forçat juif, à la fois bijoutier et modeste banquier du bagne !

    « Chaque fois qu’en fouillant le tas de mes vieux souvenirs, je me souviens du bain de la prison (qui vaut la peine qu’on ne l’oublie pas), la première figure qui se présente à ma mémoire est celle du très-glorieux et inoubliable Isaïe Fomitch, mon camarade de bagne. Seigneur ! Quel drôle d’homme c’était ! J’ai déjà dit quelques mots de sa figure : cinquante ans, vaniteux, ridé, avec d’affreux stigmates sur les joues et au front, maigre, faible, un corps de poulet, tout blanc. »

    Cet homme est drôle parce qu’il semble être heureux dans la prison pour laquelle il a été si j’ose dire, comme ses bijoux, taillé sur mesure.

    « Son visage exprimait une suffisance perpétuelle et inébranlable, j’ajouterai presque : la félicité. Je crois qu’il ne regrettait nullement d’avoir été envoyé aux travaux forcés. »

    Cette idée du juif heureux de vivre et amusant qui annonce Woody Allen (qui rend hommage à ses origines russes et à Tolstoï dans son très beau film franco-hongrois Guerre et Mort), on la retrouve dans Les Possédés avec le personnage du musicien Liamchine.

    « Isaïe Fomitch était évidemment un sujet de distraction et de continuelle réjouissance pour tout le monde : "Nous n’avons qu’un seul Isaïe Fomitch, n’y touchez pas !" disaient les forçats ; et bien qu’il comprit lui-même ce qu’il en était, il s’enorgueillissait de son importance ; cela divertissait beaucoup les détenus. »

    Dostoïevski remarque que Fomitch est le "banquier" ici car c’est le seul qui - comme le biblique Joseph - a des capacités d’organisation dans le chaos ambiant du bagne ! Et cela ne l’empêche pas bien sûr d’être très religieux. On note qu’il respecte notre narrateur, qui est à la fois noble et cultivé :

    « Isaïe Fomitch aimait fort ces questions venant de moi. Il m’expliqua immédiatement que les pleurs et les sanglots sont provoqués par la perte de Jérusalem, et que la loi ordonne de gémir en se frappant la poitrine. »

    L’auteur va rencontrer un adorateur, un certain Petrov, qui a pourtant égorgé son officier dans une caserne. Cet individu énigmatique a un faible pour lui, va le servir et le protéger pendant la redoutable séance des bains :

    « Je ne sais trop pourquoi, il me semblait que cet homme ne vivait pas dans la même prison que moi, mais dans une autre maison, en ville, fort loin ; on eût dit qu’il visitait le bagne par hasard, pour apprendre des nouvelles, s’enquérir de moi, en un mot, pour voir comment nous vivions. »

    Avec son instruction, le narrateur va servir d’encyclopédie vivante au jeune prisonnier extra-terrestre, qui veut en savoir plus sur le nouveau président Français (on est en 1848) :

    « - Je voulais vous demander quelque chose sur Napoléon. Je voulais vous demander s’il n’est pas parent de celui qui est venu chez nous en l’année douze...

    Je lui expliquai de mon mieux ce que c’était que l’Amérique et les antipodes. Il m’écouta aussi attentivement que si la question des antipodes l’eût fait seule accourir vers moi. »

    Lorsque Petrov vole la bible du narrateur (juste pour boire) et qu’il essuie des reproches prudents, voici ce qu’il conclue :

    « Il avait sans doute décidé une fois pour toutes qu’on ne pouvait me parler comme à tout le monde, et qu’en dehors des livres je ne comprenais rien. »

    Car, vu sa maladresse physique, le narrateur est souvent moqué par ses forts camarades ! Autre sujet de réjouissance, la femme. Ici l’humour vient de ce que les fantasmes sexuels abondent moins que les fantasmes de... coups. Un détenu raconte pourquoi il bat toujours sa femme. Un autre le conseille :

    « Le croiras-tu ? Pendant tout un mois, je n’osais pas sortir de la maison, tant j’avais peur qu’il n’arrivât chez nous et que son amant ne fît un scandale à ma femme. Aussi, ce que je la battis pour cela !...

    A quoi bon la battre ? On peut lier les mains d’une femme, mais pas sa langue. Il ne faut pas non plus trop les rosser. Bats-la d’abord, puis fais-lui une morale, et caresse-la ensuite. Une femme est faite pour ça. »

    A transmettre à Angélina Jolie...

    L’humour concerne aussi les animaux, car les mascottes prennent une importance extraordinaire dans le bagne, surtout quand on va les tuer pour leur peau ! La fin d’un pauvre chien est ainsi décrite dans ces propos tragi-comiques :

    « Je crois que la pauvre bête comprenait le sort qui lui était réservé. Elle nous regardait d’un air inquiet et scrutateur les uns après les autres ; de temps à autre seulement, elle osait remuer sa queue touffue qui lui pendait entre les jambes, comme pour nous attendrir par la confiance qu’elle nous montrait. »

    Les détenus ont aussi comme mascotte un bouc, leur Baphomet, qu’il leur faudra pourtant tuer et manger sur ordre du redouté major, le commandant du bagne.

    « Ce gracieux animal était d’humeur folâtre, il sautait sur les tables, luttait avec les forçats, accourait quand on l’appelait, toujours gai et amusant... Quand il atteignit l’âge de puberté, on lui fit subir, après une conférence générale et fort sérieuse, une opération que nos vétérinaires de la maison de force exécutaient à la perfection, "Au moins il ne sentira pas le bouc", dirent les détenus. »

    Je laisse à mes lecteurs le soin de lire la fin du pauvre bouc !

    Dostoïevski, qui oublie ici ses dialogues innombrables, ne tombe jamais ni dans la sensiblerie ni dans la morale. Il n’est pas en prison pour refaire le monde ou dénoncer la société. Il est un pur behavioriste, un descripteur. Pour lui finalement chaque forçat est une énigme fascinante que la vie en prison aura permis de découvrir - pas forcément de révéler, l’auteur ne court pas après cela non plus.

    J’ai parlé de la description des bains conçu peut-être (c’est la théorie de Tourgueniev en tout cas) comme une parodie de l’Enfer de Dante... bien qu’on en ressorte tous très propres.

    Il y a ensuite les descriptions de la fête. Alors que le soir de Noël est mal fêté (on boit trop, on se dispute, on retombe dans la tristesse), le théâtre populaire des forçats est une grande réussite. C’est presque dans les "Voyages de Sullivan" (le classique de Preston Sturges) ou les Blues Brothers !

    « On avait permis à ces pauvres gens de vivre quelques instants comme ils l’entendaient, de s’amuser humainement, d’échapper pour une heure à leur condition de forçats - et l’homme change moralement. »

    Il termine sur la description remarquable d’un petit orchestre de musique de chambre - ou de cellule, avec des pros de la balalaïka. Et là, il faut terminer sur une autre note typique de l’humour de Dostoïevski !

    « Un des guitaristes possédait à fond son instrument. C’était le gentilhomme qui avait tué son père. »

    http://www.france-courtoise.info

  • Jean de Viguerie, Les Pédagogue Essai historique sur l’utopie pédagogique

    Jean de Viguerie, Les Pédagogue Essai historique sur l’utopie pédagogique Nombreux furent, ces vingt dernières années, les ouvrages qui dénoncèrent les dérives d’une Education de moins en moins nationale, dont chaque réforme annonçait un degré supplémentaire sur la voie du désastre. Le plus célèbre d’entre eux est sans doute celui de Jean-Paul Brighelli, La Fabrique du crétin : la mort programmée de l’école.

    Ces satires d’une politique erratique, qui prend volontiers les airs d’un père Ubu illuminé, ont dans leur ensemble établi un diagnostic cruel de l’état présent du système éducatif. La vertu du petit livre de Jean de la Viguerie, Les Pédagogues. Essai historique sur l’utopie pédagogique, paru aux éditions du Cerf, est de replacer l’enjeu dans une profondeur diachronique et de retrouver les racines idéologiques d’une aberration qui semble avoir contaminé la planète entière.

    Modernité triomphante

    Jean de Viguerie est chrétien, et il ne s’en cache pas. Evoquant largement Thomas d’Aquin, il insère sa conception éducative dans un héritage antique, dont Aristote est l’un des inspirateurs, et qui repose sur la conviction que l’intelligence de l’être humain, voulue par Dieu, lui est innée, et que l’instruction, largement redevable d’une tradition multiséculaire, s’efforce d’éveiller cette intelligence en concomitance avec la volonté, l’effort, la mémoire et le savoir acquis en relation avec le Maître.

    Son essai, clair, agréable, est une synthèse rigoureuse de la pléthore d’ouvrages pédagogiques qui ont émaillé l’avancée triomphale de la modernité, depuis le début du XVIe siècle. Il n’est pas indifférent que la manie éducative ait commencé à sévir au moment même où le chancelier humaniste Thomas More publiait sa fameuse Utopie.

    Les aventures d’une folie

    D’Erasme à Mérieu, en passant par Comenius, Nicole, Locke, Rousseau, Considérant, les partisans de l’Ecole ouverte, en tout, quatorze théoriciens, dont plusieurs n’eurent pas d’enfant, et enseignèrent encore moins, ou peu, Jean de Viguerie nous retrace les aventures d’une folie, celle de guérir tous les maux de la société par une action décisive sur cette pâte humaine, cette table rase, malléable à merci, qu’est l’enfant.

    Car, au-delà des variétés d’engagements, tant humanistes que hussites, jansénistes, déistes, matérialistes, marxistes, le point commun entre tous ces réformistes est d’appréhender le petit être humain comme un objet de laboratoire. Pour ce faire, le tout puissant pédagogue, technicien plutôt que détenteur d’un savoir, met en situation cet ignorant naturel, non pour en faire un être pourvu d’un sens critique aiguisé par la fréquentation des livres, des idées, des modèles, mais une sorte de bon sauvage, doté de toutes les compétences intégratives, de toutes les capacités à s’auto-construire. A partir de là, tout étant possible, l’erreur, l’échec, sont impensables. Le pédagogue animateur de classe, ou le précepteur, puisque l’on doit s’occuper de chacun pour aboutir à une « réussite » mécanique (le « truc », autant dire le graal, étant à la portée de tout élève professeur), est mis en demeure de préparer le futur citoyen, le membre épanoui d’une société sans inégalités, sans injustice, sans maux, sans tromperies.

    Seul compte l’avenir radieux

    Il n’est donc pas étonnant que cette « construction » humaine, qui possède des analogies évidentes avec le projet politique des Lumières, cherche à éradiquer tout ce qui est regardé comme nuisible ou inutile. Ainsi la famille est-elle répudiée, elle qui mêle fâcheusement subjectivisme et préjugés à un processus qui se doit d’être « scientifique ». Le même sort est dévolu au livre, source imaginaire de passions délétères, à l’Histoire, qui offre tant de mauvais exemples et fait perdre du temps, aux langues anciennes et à la grammaire, jeux gratuits. Le passé est honni, seul l’avenir radieux compte. L’enseignement s’affirme comme positif, utile, productif. Les disciplines techniques, scientifiques, industrielles, les capacités intégratives, le travail de groupe, l’harmonie grégaire, comme dans un phalanstère fouriériste, sont privilégiés. Enfin, last but not least, un endoctrinement citoyen, où, dans le langage contemporain, le métier de citoyen, est octroyé à nos jeunes cervelles, qui, autrement, seraient celles de barbares.

    Elevage hédoniste

    L’ironie veut que cet élevage hédoniste, fondé sur un prétendu « plaisir », au détriment de tout sens du devoir et de l’effort, voire de la violence exercée contre sa propre paresse, s’affiche comme une voie vers la libération de soi. Il illustre à sa façon les préceptes de la contre-utopie de George Orwell, 1984, dans laquelle la « liberté » était en fait un esclavage.

    On complètera l’ouvrage dense et pédagogique de Jean de Viguerie avec celui de Jean-Claude Michéa, L’enseignement de l’ignorance, qui lie l’émergence de cette utopie éducative au triomphe du libéralisme économique et social, pour qui, selon le mot de Renan, l’Homme n’ »est plus qu’un enfant trouvé, qui termine sa vie en célibataire ».

    (Cet article est paru dans le numéro 4, d'avril 2012, de Salut Public).

    Claude Bourrinet http://www.voxnr.com

  • Le Gender pour tous et les droits des parents

    par Grégor Puppinck, Directeur du European Centre for Law and Justice (ECLJ), docteur en droit, expert auprès du Conseil de l’Europe - Source : Nouvelles de France – le 6 avril 2013

    Les parents qui voudront transmettre certaines valeurs à leurs enfants vont dans les prochains mois se heurter à l’école de la République, telle que l’actuel gouvernement veut la refonder, en particulier à propos de la complémentarité homme-femme, de la sexualité humaine et de la morale.

    Le projet de loi Taubira sur le mariage doit être considéré en lien avec un autre projet fondamental de l’actuel gouvernement : le projet de « refondation de l’école de la République » actuellement discuté à l’Assemblée Nationale. Ce projet de loi sur la « refondation de l’école de la République » prévoit, entre autres dispositions, d’introduire un nouvel enseignement obligatoire de morale laïque et d’éducation civique, ainsi que de lutter dès le plus jeune âge contre les stéréotypes de genre. Dans la presse et à l’Assemblée, le ministre de l’Éducation nationale, Vincent Peillon, a précisé que « le but de la morale laïque est d’arracher l’élève à tous les déterminismes, familial, ethnique, social, intellectuel » (1) pour « permettre à chaque élève de s’émanciper », car « le but de l’école républicaine a toujours été de produire un individu libre » (2). Dans la même veine, la Ministre de la Justice, Christiane Taubira a également déclaré à l’Assemblée que « dans nos valeurs, l’Éducation vise à arracher les enfants aux déterminismes sociaux et religieux et d’en faire des citoyens libres » (3).

    L’un de ces déterminismes serait l’identité de genre ; la déconstruction des stéréotypes de genres est conçue comme un moyen d’émancipation des enfants. Le projet de « refondation de l’école de la République » prévoit à présent que « l’éducation à l’égalité de genre » devienne une mission de l’école élémentaire, dès l’âge de 6 ans, « afin de substituer à des catégories comme le sexe (…) le concept de genre qui (…) montre que les différences entre les hommes et les femmes ne sont pas fondées sur la nature, mais sont historiquement construites et socialement reproduites » (4). Cette volonté ressort également du récent rapport de l’Inspection Générale des Affaires Sociales (5) qui recommande que l’école s’engage dans la « lutte contre les stéréotypes de genre » « dès le plus jeune âge », qu’elle déconstruise « l’idéologie de la complémentarité » homme-femme pour « tendre vers une société » égalitaire. A cette fin, ce rapport recommande notamment aux enseignants de remplacer les appellations « garçons » et « filles » par les termes neutres « amis » ou « enfants », de raconter des histoires dans lesquels les enfants ont deux papas ou deux mamans, etc. Il s’agit, dit le rapport, d’empêcher la « différenciation sexuée » et l’intériorisation par les enfants de leur identité sexuelle. Outre ces aspects relatifs à la théorie du genre, la morale laïque promue par le projet de « refondation de l’école de la République » est aussi source d’inquiétudes. Ce projet de loi vise à refonder la société via l’école ; il est complémentaire du projet Taubira qui « refonde » la famille via le mariage. Comme l’indique M. Peillon, « le gouvernement s’est engagé à s’appuyer sur la jeunesse pour changer les mentalités, notamment par le biais d’une éducation au respect de la diversité des orientations sexuelles » (6).

    Ainsi, si la loi Taubira sur le « mariage » est adoptée, l’école publique devra non seulement « déconstruire les stéréotypes de genre » dans l’esprit des enfants, mais en outre leur enseigner qu’il est normal d’avoir deux mères (et un père inconnu), ou deux pères (et une mère porteuse). Ces « parentalités » seront enseignées comme des faits objectifs (et non comme des choix) et seront donc insusceptibles de tout jugement moral. Les parents qui voudront transmettre la morale naturelle à leurs enfants seront pris au piège : ils devront expliquer à leurs enfants qu’il ne faut pas croire tout ce qui est dit à l’école, mais qu’il faut se taire pour ne pas avoir d’ennuis. Ce sera une violation manifeste des droits naturels des parents. Les projets et déclarations de Mme Taubira et de M. Peillon témoignent d’ailleurs sans ambiguïté de leur intention de ne pas respecter les droits des parents, mais d’arracher les enfants pour les libérer. Ce droit a pourtant été réaffirmé dans les grandes déclarations des droits de l’homme après la seconde Guerre Mondiale, en réaction aux totalitarismes nazi, fasciste et communiste. La Déclaration universelle des droits de l’homme reconnaît que « la famille est l’élément naturel et fondamental de la société et a droit à la protection de la société et de l’État » (art. 16.3) et que « les parents ont, par priorité, le droit de choisir le genre d’éducation à donner à leurs enfants » (Art. 26.3). En ratifiant le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, les États se sont engagés « à respecter la liberté des parents de faire assurer l’éducation religieuse et morale de leurs enfants conformément à leurs propres convictions » (Art. 18.4). De façon plus explicite encore, la Convention européenne des droits de l’homme énonce que « L’État, dans l’exercice des fonctions qu’il assumera dans le domaine de l’éducation et de l’enseignement, respectera le droit des parents d’assurer cette éducation et cet enseignement conformément à leurs convictions religieuses et philosophiques » (Protocole additionnel 1er, Art. 2).

    Actuellement, les droits de la famille sont à nouveau attaqués au nom d’un projet de société, fondé non plus sur la famille, mais sur les notions de tolérance, de non-discrimination et de pluralisme et qui envisage l’homme comme un individu purement abstrait. Le pouvoir de l’État qui s’en trouve de nouveau étendu, car en se donnant pour mission de réaliser un « projet de société », il se donne d’abord le pouvoir de le définir et le droit de l’imposer.

    Ce à quoi les parents français vont devoir faire face, les parents espagnols l’ont déjà affronté avec succès. En revanche, en Allemagne, des parents ont préféré être condamnés à des peines de prison ferme plutôt que d’envoyer leurs enfants à des cours d’éducation sexuelle. En Russie, la situation est différente, des gouvernements régionaux, à la demande des familles, adoptent des lois visant à protéger les enfants de la propagande LGBT, mais ils font face à de fortes pressions des institutions européennes et des lobbies.

    En Espagne

    Le projet de M. Peillon est très similaire au cours « d’éduction à la citoyenneté » créé et imposé par l’ancien gouvernement espagnol de M. Zapatero. Il s’agissait d’enseigner une morale laïque, assez antireligieuse, avec une forte insistance sur l’égalité de genre et la sexualité infantile (voir ci une vidéo de présentation). L’objectif de cette discipline obligatoire et notée dès l’école primaire était de « construire la conscience morale » des enfants, de travailler sur leur « identité personnelle » et leur « éducation émotionnelle et affective ».

    Une partie importante de la société espagnole a rejeté ce cours. Le Parti Populaire, principal parti de droite, ainsi que la Conférence épiscopale espagnole l’ont également dénoncé. Les trois évêques de Madrid ont déclaré moralement acceptable d’employer tous les moyens légitimes pour défendre la liberté de conscience, y compris l’objection de conscience (7). Très rapidement, ce sont 55.000 familles qui se sont déclarées « objectrices de conscience » et ont refusé la participation de leurs enfants à ces cours. Les parents ont formé plus de 70 associations locales et régionales pour soutenir les objecteurs et lutter contre cet enseignement. De nombreux parents ont été poursuivis par les autorités, près de 2300 procédures judiciaires ont été initiées. Dans près de neuf cas sur dix, en 2007 et 2008, les tribunaux locaux et régionaux ont condamné le gouvernement pour atteinte aux droits des parents. Les parents ont cependant échoué devant la Cour suprême espagnole qui n’a pas reconnu leur droit fondamental de s’opposer à cet enseignement, bien qu’elle ait reconnu l’existence d’un risque d’endoctrinement. Le 19 mars 2010, 305 parents ont saisi la Cour européen des droits de l’homme (8) (avec l’aide de l’ECLJ) sur le fondement de la Convention européenne des droits de l’homme qui énonce que « L’État, dans l’exercice des fonctions qu’il assumera dans le domaine de l’éducation et de l’enseignement, respectera le droit des parents d’assurer cette éducation et cet enseignement conformément à leurs convictions religieuses et philosophiques » (Protocole additionnel 1er, Art. 2). La Cour européenne ne s’est pas encore prononcée. Elle devra juger si le cours d’éducation à la citoyenneté poursuit ou non un « but d’endoctrinement qui pourrait être considéré comme ne respectant pas les convictions religieuses et philosophiques des parents » (9) et vérifier que « les informations ou connaissances figurant au programme scolaire [sont] diffusées de manière objective, critique et pluraliste, permettant aux élèves de développer un sens critique à l’égard du fait religieux dans une atmosphère sereine, préservée de tout prosélytisme intempestif » (10). Il n’est pas dit que la Cour condamnera l’Espagne. Cela étant, suite à la mobilisation populaire, le nouveau gouvernement de droite de Mariano Rajoy a annoncé dès son élection vouloir réformer ce cours, ce qu’il a commencé à faire.

    En Allemagne

    Des parents ont préféré être condamnés à des peines de prison ferme plutôt que d’envoyer leurs enfants à des cours d’éducation sexuelle. Le programme de ces cours, obligatoires dans toutes les écoles primaires privées et publiques, varie selon les Länder. Dans plusieurs régions des parents ont demandé que leurs enfants âgés entre 7 et 9 ans soient dispensés de ce cours dont ils avaient pu préalablement prendre connaissance du contenu. Face au refus de l’école, certains parents ont passé outre et ont été condamnés à des peines d’amendes pour avoir gardé leurs enfants à la maison. Allant au bout de leur objection de conscience en refusant de payer ces amendes, qu’ils considéraient comme des violations de leurs droits parentaux, des parents ont finalement été condamnés à passer 43 jours en prison. C’est le cas de plusieurs familles à Salzkotten, en Rhénanie. Certains parents, ayant plusieurs enfants, ont fait plusieurs séjours en prison.

    Ces parents ont saisi la Cour européenne des droits de l’homme qui a jugé que l’Allemagne pouvait obliger les parents à soumettre leurs enfants à ces cours dans le but « d’intégrer les minorités et d’éviter la formation de  »sociétés parallèles » motivées par la religion ou l’idéologie ». Concernant l’enseignement de la théorie du genre aux enfants, la Cour a estimé, d’accord avec le gouvernement allemand, que « l’éducation sexuelle devrait encourager la tolérance entre les êtres humains quelque soit leur orientation identité sexuelle » (11).

    Dans d’autres affaires, la Cour européenne a validé la condamnation de parents qui avaient refusé la participation de leurs enfants à des cours obligatoires d’éthique laïque (12), mais à l’inverse, elle a jugé à propos de parents humanistes (13) que le caractère obligatoire de cours de culture religieuse viole leurs droits.

    En Russie

    En Russie, à la demande des associations familiales et de l’Église orthodoxe, un nombre croissant de régions russes, neuf à ce jour dont Saint Petersbourg et Kaliningrad (14), adopte des lois visant à protéger les enfants de la « propagande homosexuelle ». Ces lois, dont la première a été adoptée en 2006 suite à des manifestations homosexuelles ayant choqué la population, visent à protéger les enfants des messages présentant les pratiques LGBT de façon agressive et favorable ou comme étant équivalente aux relations conjugales (15). Le 25 janvier dernier, le Parlement russe, la Douma, a adopté en première lecture à une quasi-unanimité un projet de loi étendant cette interdiction à l’ensemble du territoire de la Fédération de Russie. Le Gouvernement agit au nom de sa responsabilité de « protéger les enfants des informations mettant en danger leur santé et leur croissance morale et spirituelle » (16), notamment celles susceptibles de saper les valeurs familiales. Ces lois ne sont pas un phénomène isolé : les « gay prides » sont souvent interdites, et la Russie a annoncé ne pas vouloir confier d’enfants russes à l’adoption internationale à des couples de même sexe.

    Dans les institutions internationales

    Ce qui est en cause à travers le débat sur l’école, le mariage et la famille, c’est la structure et la nature de la société : le mariage, l’école et la famille sont interdépendants et définissent largement la société. Il faut reconnaître que ce débat oppose le peuple ordinaire, la rue, à une soi-disant « élite éclairée » dont le projet social –comme la théorie du gender- est peu concevable pour les non-initiés. Le débat se déroule aussi au sein des institutions internationales qui, plus que les institutions nationales, exercent consciemment la responsabilité de définir et de susciter la société de demain. La Cour européenne se définit elle-même comme « la conscience de l’Europe » (17).

    La Russie est actuellement fortement critiquée par les diverses instances de l’Union européenne (Bruxelles) et du Conseil de l’Europe (Strasbourg). Le Parlement européen, Mme Ashton, qui représente la diplomatie européenne, l’Assemblée parlementaire et le Comité des ministres du Conseil de l’Europe ont tous condamné les lois russes interdisant la « propagande homosexuelle auprès des mineurs ». Les organisations LGBT mènent très activement campagne. Le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe a fait part de sa « vive préoccupation » (18) et a demandé à la Russie de s’engager à se conformer à l’avis que doit rendre la « Commission de Venise » (19). L’objectif de ces pressions est d’éviter que le projet de loi fédérale soit adopté définitivement par la Douma en seconde lecture en mai prochain.

    Les institutions européennes affirment que ces lois russes violent les droits de l’homme alors qu’elles visent la protection de la famille, de la morale, et de la santé des enfants, et ne portent pas atteinte de façon générale à la liberté d’expression, ni à la vie privée des personnes homosexuelles. Des ONG familiales russes répondent aux ONG pro-LGBT internationales (20). Les russes ont peu de chances d’être entendus sur ce sujet qui a acquis une importance considérable dans l’ordre des priorités politiques des institutions européennes et américaines ; néanmoins, ils ont la capacité de résister à ces pressions.

    La promotion de la théorie du genre n’est pas limitée à l’école. En fait, la question est beaucoup plus vaste. Les droits des parents se heurtent à la politique générale de non-discrimination selon l’orientation sexuelle dans laquelle s’inscrit la promotion de la théorie du genre. Le problème qui se pose à l’école se pose également dans le reste de la société. À cet égard, de nombreuses personnes ont déjà été sanctionnées en raison de leur refus moral de l’homosexualité. Le cas de l’Angleterre est exemplaire : depuis l’adoption en 2010 d’une loi sur l’égalité et la non-discrimination,. Ainsi, au Royaume-Uni, depuis l’adoption en 2010 d’une loi sur l’égalité et la non-discrimination, les sanctions et condamnations se multiplient (21). Ainsi par exemple un couple s’est vu refuser l’agrément pour être famille d’accueil en raison de son jugement sur l’homosexualité, un médecin a dû quitter ses fonctions au sein d’un service social après s’être abstenu de prendre part à la décision de confier des enfants à des couples de même sexe, les agences catholiques d’adoption ont été contraintes de cesser leurs activités en raison de leur refus de confier des enfants à l’adoption à des couples de même sexe (22), une employée de mairie affectée à l’État civil et un conseiller conjugal ont été licenciés après avoir exprimé leur incapacité, en conscience, à conseiller sexuellement un couple d’homosexuels et à célébrer leur union civile. La Cour européenne n’a pas jugé abusifs ces licenciements (23). C’est aussi le cas en Espagne où un magistrat qui avait demandé une expertise médicale visant à déterminer s’il est dans l’intérêt de l’enfant d’être adopté par la compagne de sa mère, a été suspendu pour dix ans au motif que cette demande d’expertise aurait constitué une manœuvre dilatoire et un acte homophobe (24).

    Ce ne sont que quelques exemples d’un phénomène qui risque fort de se généraliser, en particulier si l’Union européenne adopte la proposition de « directive du Conseil relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de religion ou de convictions, de handicap, d’âge ou d’orientation sexuelle ».

    Cette tendance est forte, mais pas inéluctable comme en témoigne les exemples espagnols et russes. Autre exemple récent, un projet du Conseil de l’Europe « sur les droits et le statut juridique des enfants et les responsabilités parentales » qui entérinait le mariage, l’adoption, la PMA pour les couples de même sexe et même les mères porteuses (la GPA) a finalement été rejeté par le Comité des Ministres après un intense travail de « contre-lobbying ». L’objectif de cette recommandation était de refonder la famille sur la seule volonté (et non pas sur la biologie) et de poser le principe de l’acceptabilité et l’équivalence de tous les types d’unions et de procréation (adoption, PMA, GPA « pour tous »).

    Dès lors, manifester pour demander le retrait de la loi Taubira, c’est aussi manifester pour protéger la liberté de conscience des parents et leur droit inaliénable d’éduquer leurs enfants dans le respect des valeurs morales fondamentales, notamment s’agissant de la complémentarité homme-femme, de la sexualité et du sens de la vérité. Il y a de la haine et de la violence contre la conscience morale, le mariage et la famille qui sont perçus comme des obstacles à la liberté individuelle, à l’émancipation… et l’emprise idéologique des pouvoirs publics.

    Les expériences de la Russie, du Royaume-Uni, de l’Allemagne et de l’Espagne montrent aux familles françaises que rien n’est joué d’avance et que différents scenarii sont possibles. Ce qui se passera en France sera déterminant en Europe et dépendra du degré de mobilisation et de conscience politique des familles et des évêques. Mais sur le fond, la seule stratégie est de montrer en quoi consiste la véritable liberté, fondée sur la vérité. La vérité n’est pas inaccessible : c’est la vérité que tout enfant a un père et une mère et a besoin d’eux. Parce que ces enfants sont ceux des parents et non de l’État, les autorités publiques ont le devoir de respecter les droits des parents d’éduquer leurs enfants.

    Le témoignage de la liberté et de la vérité passe par l’éducation familiale, mais aussi par la manifestation publique, et si nécessaire par l’objection de conscience.

    Notes et références

    1. Voir LExpress.fr du 02/09/2012, Vincent Peillon pour l’enseignement de la « morale laïque ».
    2. Assemblée nationale, compte-rendu intégral de la deuxième séance du jeudi 14 mars 2013.
    3. Assemblée nationale, 3 février 2013. Le compte rendu intégral de la deuxième séance du dimanche 3 février 2013 rapporte une formulation légèrement différente que celle qui a été très largement rapportée dans les médias et que nous reproduisons.
    4. Commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale, 28 février 2013. Présentation orale de l’amendement par son auteur Mme Julie Sommaruga, député.
    5. Inspection générale des affaires sociales, GRESY Brigitte, GEORGES Philippe, Rapport sur l’égalité entre les filles et les garçons dans les modes d’accueil de la petite enfance, Décembre 2012.
    6. Lettre de Vincent Peillon, Ministre de l’Eduction nationale, aux recteurs, datée du 4 janvier 2013.
    7. September, 1st, 2008. In: http://www.cas-aranjuez.org/Colegio/Tablon/Documentos/CartaObispos.pdf
    8. affaire Ramos Bejarano et Autres c. Espagne, n° 15976/10
    9. Johanna APPEL-IRRGANG et autres contre l’Allemagne (no 45216/07)
    10. Affaires Johanna APPEL-IRRGANG et autres contre l’Allemagne (no 45216/07), Décision.
    11. Affaires Konrad contre l’Allemagne no. 35504/03 du 11 septembre 2006, et DOJAN et autres contre l’Allemagne du 13 Septembre 2011 N° 319/08, 2455/08, 7908/10, 8152/10, 8155/10 du 13 septembre 2011.
    12. Johanna APPEL-IRRGANG et autres contre l’Allemagne (no 45216/07)
    13. Folgero et autres contre Norvège, GC, no 15472/02, 29 juin 2007
    14. Il s’agit des régions de Ryazan, Archangel, Kostroma, St Petersburg, Novosibirsk, Magadan, Samara, de al Republique de Bashkortostan, du Territoire de Krasnodar et de Kaliningrad.
    15. D’après la définition donnée par la Cour Suprême russe, dans son arrêt du 15 Aout 2012 relatif à la loi de la Région Archange.
    16. Loi fédérale sur la protection fondamentale des droits des enfants (no. 124-FZ du 24 Juin 1998)
    17. La conscience de l’Europe, 50 ans de la Cour européenne des droits de l’homme, Conseil de l’Europe, octobre 2010.
    18. Conseil de l’Europe, Décision du Comité des Ministres lors de sa 1164e réunion (5-7 mars 2013) relative à l’affaire ALEKSEYEV contre Russie, 4916/07.
    19. La Commission de Venise est composée d’experts en droit constitutionnel ; elle s’est prononcée récemment sur la nouvelle Constitution hongroise.
    20. Communication to the Committee of Ministers of the Council of Europe concerning Alekseyev v. Russia (application no. 4916/07), by the Family and Demography Foundation, http://en.familypolicy.ru/read/240
    21. Voir le site internet des organisations Christian Concern et Christian Legal Centre.
    22. Voir l’article de Jean Mercier, Cour Européenne des Droits de l’homme : pas de discrimination antichrétienne, du 15 janvier 2013 paru dans La Vie.
    23. Affaires Eweida et autres contre le Royaume-Uni, n°48420/10, 59842/10, 51671/10 et 36516/10 du 15 janvier 2013.
    24. Tribunal Supremo, Recurso No. 192/2009.

    http://www.printempsfrancais.fr

  • ALBERT SOREL : Un des plus grands historiens de son siècle

    Passionné de littérature, cet enfant de Honfleur se crut d' abord romancier avant de devenir célèbre par l'ampleur de ses travaux historiques. 

    Albert Sorel nait à Honfleur le 13 août 1842. Il va devenir une des gloires de son pays natal, compatriote de Lucie Delarue-Mardrus, d'Alphonse Allais ou d'Erik Satie, Mais, lui, il fera dans le genre sérieux, même s'il s'est cru d'abord poète et romancier.
    Après le collège d'Honlleur et quelques vers dans des revues locales, ce qui ne plaît guère à sa riche famille d'industriels, il quitte l'Estuaire pour partir étudier à Paris.
    Il se sent alors attiré avant tout par la littérature. Il considérera toujours comme son meilleur livre La grande falaise, récit épique dans lequel il mettait en scène d'anciens officiers révolutionnaires de la Grande Armée, nostalgiques des temps héroïques. Dans un paysage grandiose se nouent des complots dignes du Georges d'Esparbès des Demi-soldes. C'est aussi de sa jeunesse que date un autre roman, Le docteur Egra, et que fut esquissé, dès 1865, alors qu'il n'a que 23 ans, le joli proverbe L'eau qui dort, publié plus tard dans la célèbre Revue des Deux Mondes.
    Pourtant, il avait été un étudiant sérieux, suivant avec assiduité les cours de la faculté de Droit. Pour complaire à sa famille, il entre en 1866, grâce à la protection de François Guizot, aux Affaires étrangères. La guerre de 1870 va bouleverser sa carrière et il se retrouve à la délégation de Tours, vite accablé sous des tâches écrasantes. II en tirera plus tard la matière du premier livre qui va le classer parmi les meilleurs érudits: Histoire diplomatique de la guerre franco-allemande. Ayant épousé une Allemande après avoir participé aux négociations, il se rend bien compte qu'il n'est plus tout à fait à sa place au poste qu'il occupe.
    Tout, finalement, va commencer pour lui à trente ans par sa rencontre avec Emile Boutmy, son aîné d'une demi-douzaine d'années. Professeur à l'Ecole spéciale d'architecture, celui-ci bifurque vers une toute autre voie et fonde en 1872 l'Ecole libre des Sciences Politiques. II demande alors à Sorel de le rejoindre pour y assurer le cours d'histoire diplomatique, alors qu'il n'est pas véritablement historien et n'a encore jamais parlé en public.
    Fort préoccupé par la parution de ses romans, il ne prévoit pas alors que l'enseignement et l'histoire vont transformer sa vie, l'obligeant à s'intéresser aux opérations militaires, aux réformes législatives, aux querelles religieuses, aux traités commerciaux. Au fur et à mesure qu'il l'enseigne à de jeunes étudiants, vite subjugués par l'ampleur de ses horizons, il découvre les multiples aspects de la science dont il est en train de devenir le plus incontestable ses spécialistes.
    Ce poète va se révéler un homme du concret tout autant que du rêve, persuadé que les peuples demeurent dans une large mesure les artisans de leurs destinées, parce qu'il se refuse à voir dans ces peuples des abstractions. Sa philosophie, basée sur l'expérience, est simple : « En histoire, c'est l'homme qu'il faut rechercher partout et partout remettre à son rang. » 
    Reliant sans cesse le présent au passé, il voit dans la race « l'ensemble des caractères imprimés aux générations par la famille. »
    Disciple d'Hippolyte Taine, il n'est pas très loin non plus des idées de Frédéric Le Play, lui aussi originaire d'Honfleur et considéré comme le grand pionnier de la sociologie.
    Quatre ans après son entrée à l'Ecole des Sciences Politiques, Albert Sorel devient aussi secrétaire général de la présidence du Sénat, ce qui confirme la confiance qu'on lui témoigne en hautlieu.
    Ses diverses charges sont loin d'interrompre ses recherches et ses publications. En 1878, il publie La question d'Orient au XVIIl" siècle, qui sera suivi, quelques années plus tard, par L'origine de la Triple-Alliance. Son enseignement fait de lui un des guides de la jeune génération, celle de l' entre-deux-guerres, qui de 1870 à 1914 va vivre une sorte de veillée d'armes. Le professeur apprend d'abord à ses étudiants quel est l'essentiel de la vie d'un homme politique : « Il est comme le capitaine d'un voilier: les vents contraires l' obligent souvent à louvoyer, mais, s'il est vraiment digne de sa mission, il ne doit pas perdre de vue la boussole ou l'étoile qui fixe sa direction générale et le convie sans cesse à y revenir. » 
    Marqué par les épreuves de l'année terrible, il ne se cache guère d'être un partisan de la « Revanche ».
    Son grand souci est de bâtir une œuvre qui marquera les générations futures. Il y travaille avec acharnement. On le verra bien quand paraissent, entre 1885 et 1904, les huit volumes de sa gigantesque fresque: L'Europe et la Révolution française, qui en fera un des très grands historiens de son siècle.
    Il a trouvé son fil conducteur : « Les institutions politiques, dans leur variété et leur mobilité, ne sont qu'un décor superficiel, derrière lequel il faut découvrir les lois permanentes - géographie, génie de la race, circonstances extérieures - qui déterminent le cours constant de la nation vers ses destinées. C' est ainsi qu'aussitôt aux prises avec les difficultés pratiques, les révolutionnaires de 1793 ont fait litière de leur bagage théorique pour aller chercher dans les traditions de l'Etat monarchique et les buts nationaux qu'ils devaient s'assigner et jusqu'aux moyens de les atteindre. »
    Il s'attache particulièrement, dans le quatrième tome de sa grande fresque historique au problème des Limites naturelies, montrant que les Jacobins de « la patrie en danger » ont parfois repris quelques unes des grandes idées du Roi soleil; la Révolution, selon lui, voulant exercer sur les peuples la domination que la monarchie s'attribuait sur les Etats, Napoléon, à son tour, sera l'héritier de Louis XIV et du Comité de salut public.
    Cette continuité est une idée essentielle qui vient corriger les brutales ruptures d'une histoire chaotique et partisane,
    En bon Normand qui croit que « la vérité n'est pas toute entière d'un seul côté », comme le dira un jour un des successeurs à Sciences Po, son compatriote André Siegfried, il ne peut être que tolérant, citant souvent le principe du roi de Prusse selon lequel « Chacun est libre de faire son salut à sa façon, »
    Il est aussi journaliste et donne des chroniques au Temps ou au Gaulois, apparaissant comme un véritable maitre à penser de la fin du XIX" siècle. Nationaliste français, il n' en reste pas moins régionaliste normand et un de ses principes d'éducation restera intangible pour tirer le maximum de chacun de ses étudiants : « Ramenez-le à son sol natal, à la province dont vous l'avez déraciné, - en l'espèce notre glorieuse et généreuse terre normande; - la voix de ses pères le soustraira aux sollicitations dissolvantes et le remettra dans le bon chemin ... »
    Il ne faut donc pas s'étonner s'il publie un fort beau recueil de nouvelles Vieux habits, vieux galons, où revit l'épopée impériale, et surtout, un recueil d'articles particulièrement enracinés: Pages normandes qui paraîtra en 1907, quelques, mois après sa mort, C'est tout son pays natal et ses grands hommes, de Corneille à Flaubert et du peintre Boudin à  Maupassant, qui revit, avec les paysans et les pêcheurs qui furent les compagnons de sa jeunesse augeronne et honfleuraise.
    Par ailleurs, il fut un très proche parent de Georges Sorel, le plus singulier des socialistes révolutionnaires, Mais ceci est une autre histoire, comme dirait Kipling,
    Jean MABIRE

  • La biographie cachée d'Obama : une famille au service de la CIA

    Wayne Madsen a compilé les archives de la CIA (Central Intelligence Agency). Ses travaux l'ont amené à relever des liens très étroits entre l'agence de renseignement et des membres de la famille de l'actuel Président américain Barack Obama. Ce journaliste d'investigation fait ainsi toute la lumière sur la collaboration du père d'Obama, de sa mère et de son beau-père dans des opérations montées par la CIA. La famille Obama a collaboré avec l'Agence à un moment où la Bannière étoilée cherchait à contrecarrer l'influence sino-soviétique dans les cercles étudiants et l'émergence de représentants politiques proches de Moscou sur les continents africain et asiatique. Les activités de cette famille occultées par la presse internationale, n'ont pas fini de livrer leurs secrets. Cet exposé a pour intérêt de révéler avec précision ce que l'on nous cache.
    Fondée en 1953 par Eldridge Haynes et son fils Elliot Haynes, la Business International Corporation est une société façade de la CIA. Ayant pour objectif de soutenir les entreprises américaines implantées à l'étranger, elle organisait par ailleurs des conférences réunissant des leaders politiques et des journalistes employés comme agents secrets pour le compte des États-Unis. Dans les années 1960, la mère du Président américain, Ann Dunham Stanley, a travaillé en Indonésie pour des sociétés-écrans de la CIA comme la Fondation Ford ou l’East West Center rattaché à l'Université de Hawaï. L'East West Center est un organisme établi en 1960 sur l'initiative du Congrès américain, pour renforcer les relations entre les peuples et les nations de la zone Asie-Pacifique avec les États-Unis. En 1965, alors que le jeune Barack avait quatre ans, A. Dunham y rencontra son second mari, Lolo Soetoro. Il est le beau-père de Barack Obama. Cette même année, Lolo Soetoro est appelé en Indonésie pour assister le général Suharto - de confession musulmane et deuxième Président indonésien de 1967 à 1998 - dans le renversement de Sukarno. Celui-ci, musulman et communiste, fut le Premier Président indonésien de 1945 à 1967. C'est lui qui en 1945, proclama l'indépendance de l'Indonésie, nation qui avec 240 millions d'habitants, est aujourd'hui la plus peuplée du monde musulman.
    Barack Obama Sr, le père du Président Obama, avait rencontré A. Dunham en 1959, lors d'un cours de russe à l'université de Hawaï. Il avait été désigné pour accompagner deux cent quatre-vingt étudiants asiatiques et africains dans des établissements universitaires implantés aux États-Unis. Cette mission avait pour objectif de former et d'endoctriner les futurs agents d'influence. L'Asie et l'Afrique devenaient un terrain de lutte de pouvoir entre les États-Unis, l'Union soviétique et la Chine, tous trois désireux d'étendre leur domination sur des pays nouvellement indépendants ou en passe de le devenir. En 1961, Obama Sr épousa Ann Dunham Stanley sur l’île de Maui, la deuxième plus grande île de l'archipel de Hawaï.
    TOM MBOYA, L'HOMME DE MAIN DE LA CIA
    La CIA avait recruté Tom Mboya dans le cadre de « libération sélective ». Ce programme avait pour principe d'isoler le Président Kenyatta, fondateur de la république du Kenya et considéré par la CIA comme une personne « non fiable ». T. Mboya était un pilier de la politique kenyane. Il fut le fondateur du People's Congress Party ainsi qu'un artisan de la fondation du parti Kanu (Kenya African National Union). Il participa aux négociations ayant conduit à l'indépendance du Kenya en décembre 1963. T. Mboya reçut une subvention de cent mille dollars de la Joseph P. Kennedy Foundation dans le cadre du programme d'invitation d'étudiants étrangers aux États-Unis. Obama Sr était un ami de T. Mboya. Quand il fut assassiné en 1969, le père d'Obama témoigna au procès de son meurtrier. Obama Sr avait quitté Hawaï en 1962 pour étudier à l'Université de Harvard dans le Massachusetts. Divorcé d'Ann Dunham en 1964, il épousa Ruth Niedensand, une étudiante juive américaine de l'université ; et retourna avec elle au Kenya, où ils eurent deux fils. Ce mariage se solda aussi par un divorce. Obama Sr avait travaillé aux Ministères des Finances et des Transports kenyans. Il décédera dans un accident de la circulation en 1982 à Nairobi, capitale du Kenya.
    Des documents de la CIA démontrent que Tom Mboya fut un important agent d'influence de la CIA. D'après un rapport secret émanant de la CIA, CIA Current Intelligence Weekly Summary du 19 novembre 1959, T. Mboya avait la mission de contrôler les gauchistes lors de la seconde Conférence panafricaine (All-African People's Conférence, AAPC) qui se déroula en Tunisie en 1961. À cette occasion, le conservatisme de Mboya est perçu comme un contrepoids à la politique communiste du clan Nkrumah. Celui-ci, président du Ghana de 1960 à 1966 et soutenu par les « représentants sino-soviétiques », décédera des suites d'un cancer de l'estomac en 1972 dans un hôpital de Bucarest. T. Mboya avait bénéficié d'une bourse d'étude pour s'inscrire à l'Université de Hawaï. Dans un autre rapport secret de la CIA du 3 avril 1958, il est écrit : « [Mboya] est un des leaders africains les plus prometteurs ». Un autre document du 18 décembre 1958 décrit le nationaliste kenyan Mboya comme un « jeune porte-parole capable et dynamique ». Il est considéré comme un adversaire des "extrémistes" à l'instar de Nkrumah. Dans le milieu de la diplomatie américaine, on pense que l'assassinat de T. Mboya pourrait être l'œuvre d'agents chinois. Toutes les ambassades du Kenya avaient, pour cette occasion, mis leurs drapeaux en berne, à l'exception de la république populaire de Chine.
    DUNHAM ET BARRY SOETORO ET L'ACTIVITÉ SECRÈTE DE L'USAID
    En 1965, un nouveau président, Howard P. Jones, fut nommé à l’East-West Center. Il avait été ambassadeur des États-Unis en Indonésie de 1958 à 1965, lorsqu'à Djakarta (capitale de l'Indonésie) Soharto et les agents de la CIA renversèrent Sukarno. Le 10 octobre 1965, Howard P. Jones publia un article dans le Washington Post où il prenait position pour Soharto dans le coup d'État fomenté contre Sukarno. Il parlait de la nécessité de ce « contre-coup d'État » pour reconquérir un pouvoir perdu, lors du coup d'État initial mené le 30 septembre 1965 par les communistes. Jones ne déclara jamais que Soharto avait bénéficié de l'appui de la CIA. Deux jours après le contre-coup d'État de Soharto, les participants à une manifestation orchestrée par la CIA, incendièrent à Djakarta le quartier général du PKI (Parti communiste indonésien), proche de Pékin. Devant l'ambassade américaine qui abritait un bureau de la CIA, des manifestants défilaient et criaient : « Longue vie à l'Amérique ! ». Néanmoins, l'histoire des relations entre l'Amérique et l'Indonésie est particulièrement riche en rebondissements : en 1992, un certain James Riady, protégé de Soharto, sera accusé d'avoir injecté plus d'un million de dollars dans des contributions illégales à la campagne présidentielle de Bill Clinton.
    En 1960, Dunham est enceinte de Barack Obama. Elle abandonne alors des études commencées à l'Université de Hawaï. À l'automne 1961, elle reprend les cours à l'Université de Washington ; et se réinscrira à l'Université de Hawaï de 1963 à 1966. Lolo Soetoro qui a épousé Dunham en mars 1965, quitte Hawaï pour l'Indonésie le 20 juillet 1965, soit trois mois avant les opérations de la CIA contre Sukarno. Promu au grade de colonel par Soharto, Lolo Soetoro est rappelé à Djakarta pour contribuer au contre-coup d'État (qui destitua Sukarno). En 1967, installée en Indonésie avec son fils Barack Obama, Dunham enseigne l'anglais à l'ambassade des États-Unis de Djakarta pour le compte de l’USAID. Créée en novembre 1961, l'United States Agency for International Development (Agence des États-Unis pour le développement international) qui tire son origine du Plan Marshall, est chargée du développement économique et de l'assistance humanitaire dans le monde. Étant une des antennes les plus importantes de la CIA, elle a été impliquée dans des opérations secrètes. Le 9 février 1971, le journal Washington Star expose que l’USAID ravitaillait l'armée laotienne en riz, qu'elle revendait à l'armée nord-vietnamienne. L’USAID et la CIA ont utilisé les livraisons de riz pour obliger la tribu laotienne des Meo à entrer dans le camp des États-Unis contre les communistes.
    LA MERE D'OBAMA ET LES COURS DE RUSSE
    Les cours de russe que Dunham a suivi à Hawaï, sont très utiles pour les activités de la CIA en Indonésie. Les archives montrent qu'Ann Dunham et plusieurs agents de la CIA en poste à Djakarta, avant et après le coup d'État de 1965, étaient russophones. Une note déclassifiée du 2 août 1966, écrite par Bromley Smith, le secrétaire général du Conseil de sécurité national des États-Unis, mentionne que le Japon, l'Europe occidentale, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, la Malaisie et les Philippines avaient accueilli avec faveur la nouvelle du contre-coup d'État de Soharto : il permet le positionnement d'une Indonésie non-alignée sur Pékin.
    Dans un article du 10 juillet 1971, le New York Times accusait l'USAID et la CIA d'avoir "perdu" 1,7 milliard de dollars dans le CORDS (Civil Opérations and Revolutionary Development Support). Ce programme avait pour mission de coordonner les opérations civiles et militaires américaines de "pacification" au Vietnam. Il visait aussi à établir une « cartographie humaine » du terrain, permettant d'identifier les personnes et les groupes suspectés de soutenir les vietnamiens communistes. Dans cette guerre particulièrement meurtrière, la CIA pratique la torture et assassine des civils et des moines bouddhistes dans des villages du Vietnam. Certains financements provenant de l'USAID ont été injectés dans une compagnie aérienne appartenant à la CIA : Air America. En Thaïlande, le financement par l'USAID du Programme de Développement rural accéléré (Accelerated Rural Development Program) cache en réalité des opérations contre la guérilla communiste. En 1971, peu avant le début de la troisième guerre indo-pakistanaise, les fonds de l’USAID destinés aux projets de travaux publics dans la partie orientale du Pakistan, ont été utilisés pour entretenir une force militaire sur la frontière avec l’lnde. Ces exemples prouvent que les fonds de l'USAID servent des intérêts bien différents de l'assistance humanitaire dans le monde.
    OBAMA ET SES GRANDS-PARENTS MATERNELS : MADELYN ET STANLEY DUNHAM
    En 1972, le directeur de l'USAID admet que la CIA a instrumentalisé cette organisation pour effectuer des opérations au Laos. LUSAID servait ainsi de couverture idéale pour les opérations de la CIA en Indonésie, aux Philippines, au Sud-Vietnam, en Thaïlande et en Corée du sud. Dans le Sud-est asiatique, les projets de l'USAID sont soutenus par le SEADAG (Southeast Asian Development Advisory Group), un groupe développant des projets publics en Asie, et tenu, bien entendu par la CIA. Toujours en 1972, le programme Food for Peace contrôlé par l'USAID et par le Ministère de l'Agriculture des États-Unis, a été financé pour mener à bien des projets militaires au Cambodge, en Corée du sud, en Turquie, au sud-Vietnam, en Espagne, à Taïwan et en Grèce. Grâce à tous ces réseaux financiers, cette même année, l'USAID put appuyer les forces nord-yéménites contre le gouvernement du Sud-Yémen défendu par des socialistes opposés à l'hégémonie américaine dans la région.
    Une des institutions affiliées aux travaux de l'USAID en Indonésie est la Fondation Asie (Asia Foundation). Fondée en 1950 avec l'aide de la CIA, elle s'oppose à l'expansion communiste en Asie. Toujours dans la sphère des activités de la CIA, le Bangladesh constitua aussi une étape dans l'itinéraire d'Ann Dunham. En 1972, retournant en Indonésie, elle confia la garde de Barack à sa propre mère qui résidait à Hawaï et occupait le poste de vice-président de la Banque de Hawaï à Honolulu, une autre couverture de la CIA. Madelyn Dunham fut la première femme à exercer cette charge. Plusieurs sociétés de façade de la CIA avaient leur compte à la Banque de Hawaï. Madelyn Dunham s'est servie des comptes cachés de la CIA pour transférer des fonds à l'attention des dictateurs asiatiques, à l'instar du Président de la république des Philippines Ferdinand Marcos, du président de la république du Vietnam Nguyen Van Thieu et du Président de la république indonésienne, le général Soharto. Par l'intermédiaire de cette banque, la CIA soutenait ses représentants politiques dans la zone Asie-Pacifique.
    LA BBRDW : LES LIENS D'UNE SOCIÉTÉ BANCAIRE AVEC LA CIA
    À Honolulu, la BBRDW (Bishop, Baldwin, Rewald, Dillingham&Wong) fut une des sociétés bancaires les plus utilisées par la CIA pour le blanchiment de l'argent sale. Le sénateur Daniel Inouye, membre du Comité des agents secrets du sénat américain (USA Senate Select Commutée on Intelligence) affirmait que le rôle de la CIA dans la BBRDW était insignifiant. Ce qui était un mensonge. En réalité, la BBRDW était profondément impliquée dans le financement des activités secrètes de la CIA sur tout le continent asiatique. Son champ d'action allait jusqu'à l'espionnage industriel au Japon et à la vente d'armes à Taïwan ainsi qu'aux guerriers Moudjahidin afghans. Jusqu'en 1981, John C. "Jack" Kindschi fut un des dirigeants de la BBRDW. Il fut aussi le chef de la CIA à Honolulu. Le passé de la BBRDW a été réécrit par la CIA : l'Agence voulait faire croire que cette banque ne fut présente à Hawaï qu'à partir de l'annexion de l'archipel par les États-Unis. La BBRDW conduisait ses activités dans le quartier des affaires de Honolulu, à côté du siège de la Banque de Hawaï.
    Ann Dunham et son mari indonésien Lolo Soetoro ont été liés aux activités de la CIA quand elle visait à neutraliser l'influence sino-soviétique en Indonésie. Wayne Madsen a découvert qu'un des contacts les plus étroits de Soharto avec la CIA était Kent B. Crâne. Il était si proche de Soharto qu'après son retrait de la CIA, il fut un des rares hommes d'affaires « privés » à obtenir un passeport diplomatique du gouvernement de Soharto pour l'Indonésie. Sa société, Crâne Group, fournissait des armes aux forces militaires américaines et indonésiennes. Crâne a été le conseiller pour les affaires extérieures du vice-président des États-Unis, Spiro Agnew. Il fut nommé ambassadeur américain en Indonésie (de 1981 à 1989) par le quarantième Président Ronald Reagan. A son départ de Djakarta, il a été remplacé par Paul Wolfowitz qui sera Secrétaire adjoint à la Défense entre 2001 et 2005 dans le gouvernement de George W. Bush. De 2005 à 2007, P. Wolfowitz sera le président de la Banque mondiale.
    À deux reprises, le Président Barack Obama a retardé sa visite officielle en Indonésie, qu'il réalisa en 2010. Peut-être craignait-il un quelconque intérêt de la presse sur les liens qu'entretenaient sa mère et son beau-père avec la CIA ? Dans les années 1970 et 1980, pour le compte de la Fondation Ford, de l’East-West Center et de l’USAID, Ann Dunham s'est occupée de projets de crédits en Indonésie. Le docteur Gordon Donald Jr. travaillait à l'ambassade des États-Unis qu'il a protégée contre les violences étudiantes anti-américaines pendant la période du contre-coup d'État contre Sukarno. Au Bureau des affaires économiques, G. Donald était responsable du programme du financement de l’USAID pour le développement de l'agriculture en Indonésie. Dans Who's Who in the CIA, G. Donald est décrit comme un agent de la CIA qui a travaillé à Lahore au Pakistan.
    LES PROJETS HONTEUX DE LA CIA À HAWAÏ
    Une littérature très abondante aborde les aspects géopolitiques des opérations secrètes de la CIA conduite par l'Université de Hawaï. Une note de la CIA du 15 mai 1972 traite d'un programme sur des études comportementales menées par la CIA. L'ARPA (Advanced Research Projects Agency : agence pour les projets de recherche avancée de défense) et l'Université de Hawaï y sont impliquées. Les documents abordant ce sujet ont été rédigés par Bronson Tweedy, vice-directeur de la CIA, par le directeur de PRG (Program Review Group), par l'Intelligence Community USA et par Robert Helms, directeur de la CIA. Le lieutenant-colonel Austin Kibler, directeur des études de l'ARPA s'est occupé des recherches sur les changements comportementaux et la surveillance à distance. Ces études ont été concrétisées avec la collaboration d'Edward Proctor, vice-directeur en charge du renseignement à la CIA, Cari Duckett, vice-directeur responsable de la science et de la technologie pour la CIA et John Huizenga, directeur de l'Office of National Intelligence Estimates. Les NIE désignent des documents d'estimation concernant des informations en possession des Services de renseignement sur d'éventuels événements futurs. Leur publication permet d'optimiser une politique d'anticipation efficace et de résoudre d'éventuelles divergences de points de vue entre les Services de renseignement.
    En 1973, James Schlesinger, directeur de la CIA, ordonna une enquête administrative sur les programmes de l'Agence de renseignement. Celle-ci produisit une série de documents qui ont été publiés en 2007. R. Helms donna la consigne au docteur Sidney Gottlieb de détruire les registres relatifs aux recherches sur les changements de comportement. Le projet MK-Ultra, programme de recherche initialisé par la CIA, était spécialisé sur les études relatives aux changements comportementaux et au lavage de cerveau à partir d'injections de drogues. Plusieurs membres du gouvernement Ford de 1974 à 1977, parmi lesquels le Secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld, ont fait en sorte que personne ne révèle les programmes d'interactions comportementales et psychologiques : les projets MK-Ultra et Artichoke. Plusieurs documents du 15 mai 1972 font également référence au projet Scanate commencé la même année. Ils traitent d'un programme de recherche de la CIA sur l'utilisation des psychotropes permettant la manipulation psychologique et la programmation du cerveau. Des rapports citent la collaboration de l'ARPA et de son "sous-traitant", la Stantford Research Institute (SRI), située à Menlo Park, en Californie. Pour ce faire, R. Helms contacta C. Duckett, J. Huizenga, E. Proctor et le directeur de l'Agence de l'intelligence militaire (Défense Intelligence Agency, DIA) qui est responsable d'un autre projet de la CIA, Grill Flame, sur la surveillance à distance.
    LE DR BRANDON, SPÉCIALISTE DU COMPORTEMENT
    R. Helms expose que l'ARPA avait financé les recherches sur le comportement dans le cadre de missions de la CIA et impliquant l'Université de Hawaï. La collaboration de ces deux entités dans le domaine de la guerre psychologique se poursuit encore aujourd'hui. Le Dr Susan Brandon, directrice du programme des études sur le comportement conduites par le Centre de contre-espionnage et de l'Intelligence (Defence Counter-intelligence and Human Intelligence Center, DCHC) à l'intérieur de la DIA, a obtenu son doctorat en psychologie à l'Université de Hawaï. Elle a travaillé dans un programme secret avec la participation de l'APA (American Psychological Association) et de la RAND Corporation et de la CIA, et ayant pour objectif  d'améliorer les méthodes d'interrogatoire. L'objet de sa recherche s'étend aux domaines de la privation du sommeil, de la perception sensorielle et de la soumission à la douleur intense. Ces procédés ont notamment été utilisés sur des prisonniers de la base aérienne de Bagram en Afghanistan. Le Dr S. Brandon fut l'assistante du Directeur du service des sciences sociales, comportementales et éducatives au Bureau des sciences et des technologies dans le Cabinet de George W. Bush. Les liens entre la CIA et l'Université de Hawaï sont multiples. Harlan Cleveland, président de l'Université de Hawaï de 1969 à 1974, organisa une conférence sur ces thèmes au quartier général de la CIA le 10 mai 1977.
    De nombreux documents attestent les liens de George W. Bush avec la CIA. Barack Obama est parvenu à dissimuler les relations de sa famille avec l'Agence. À la différence des autres membres du gouvernement fédéral, la famille Obama n'a jamais fait l'objet d'enquête. Étrangement, la grande presse ne s'est jamais intéressée à l'histoire trouble des Obama avec la CIA. Le Président travaillait-il sur des projets particulièrement sensibles ? Était-il au courant des programmes liés au contrôle mental ? Voilà des questions auxquelles il est bien difficiles d'apporter des éléments de réponses. Quoi qu'il en soit les rumeurs faisant état de fausses qualifications universitaires, d'un faux numéro de sécurité sociale établi au Connecticut et d'un état civil justifiant d'un lieu de naissance à Hawaï, en territoire américain et non au Kenya, tend à prouver que le Président Barack Obama serait un pur produit de la CIA et qu'il connaîtrait les projets les plus secrets de l'Agence.
    Laurent BLANCY. Écrits de Paris avril 2011
    L'essentiel des informations est repris des travaux de Wayne Madsen et du site italien :
    < http://www.disinformazione. it/ biografia_nascosta_obama.htm >.

  • Les bobos ne sont pas des canards sauvages

    Les années 60 ont permis la mutation profonde d’un système d’exploitation qui tendait, par sa rigidité supposée, à s’essouffler. La « révolution culturelle » qui s’est appuyée sur la révolte des « jeunes » a contribué à l’essor de la société postmoderne, dynamisée par le flux « libéré » de marchandises, d’hommes et d’informations.

    Les coups de boutoir contre les règles « répressives » ont ouvert le champ à une économie du désir, et à un relativisme éthique qui sied parfaitement à la nouvelle donne libérale. Les perceptions sociales et politiques, ainsi que l’imaginaire, ont été à ce point bouleversés, que les structures anthropologiques de la civilisation occidentale, désormais planétaires, semblent métamorphosées. L’émergence d’une grosse classe moyenne, diplômée et particulièrement implantée dans le tertiaire, les métiers de la communication, de la publicité, des médias, de l’enseignement, de l’informatique, des arts et des spectacles, a insufflé à la société l’esprit permissif dont était porteuse la révolte étudiante. Le jeu des conflits s’est déplacé du champ social et politique dans la sphère individualiste de la consommation ou des revendications de la vie sexuelle ou relationnelle, en remplaçant l’opposition dominants-dominés par la dichotomie archaïsme-modernité, qui noie les disparités au profit d’une fausse connivence entre humbles et puissants. Les bien-pensances, comme l’antiracisme et les droits à la « différence », les sous-cultures originaires principalement d’Amérique ou d’Afrique, sans compter l’écologie, le culte du vélo, de la planche à roulette, du surf et d’internet, ont achevé le travail de reformatage des repères idéologiques.

    Homo festivus

    Les limites économiques et sociales du bourgeois bohème sont assez floues, mais il est représentatif de la grosse classe moyenne moderne, exerçant de préférence des métiers liés au techno-nomadisme, avec une tendance assez forte à choisir des professions indépendantes. Ses valeurs « californiennes » - jean, baskets, New Age, hédonisme sans « prise de tête », dérision systématique en guise de pensée – le mettent en porte-à-faux avec la bourgeoisie classique, « ridicule » dans son souci d’élégance et ses signes extérieurs de richesse, et avec la gauche traditionnelle dont il rejette l’élitisme, le rationalisme et le concept de classe. Les « réseaux » où il s’intègre communient dans la répudiation du « pas sympa » et du « pas marrant », et, mus par l’instinct grégaire, se retrouvent régulièrement dans des sauteries urbaines monstres, aux thèmes variés, comme la lutte contre le sida ou contre l’homophobie, ou bien des festivals « extravagants », créant ainsi une nouvelle espèce que Philippe Murray appelait homo festivus.

    Cette classe a contaminé l’ensemble des consciences : partout où naît une réaction contre les notions de sacrifice, de tragique et de profondeur, de culture et d’apprentissage long et sévère, nous sommes en présence de la « bobo-attitude ».

    Mépriser le beauf, ignorer le chômeur


    Il faut pourtant que le bobo se trouve quelque part, même s’il se veut ubiquiste. Vous ne le trouverez pas au cul des vaches, dans la boue collante de la campagne profonde, qu’il méprise, comme il déteste le « beauf » et ignore le chômeur. Depuis quelques décennies, il colonise les centres villes et les quartiers jadis populaires, chargés de mémoire, qu’il restaure pour en faire des lieux conviviaux, agréables, et bien sûr hors de prix, reléguant les pauvres dans les taudis et les excluant de son univers préservé.

    On appelle ce phénomène « gentrification », de « gentry », « petit noble ». On privilégiera donc Montreuil (dont le maire est Dominique Voynet, tout un programme !) à Saint-Denis.

    Dans la première commune, on va réaménager de façon pittoresque les anciennes usines, les entrepôts, pour les transformer en résidences d’artistes, restaurer les logements pour les rendre originaux, multiplier les espaces verts, les lieux de rencontres, de flânerie, égayés par des bistrots typiques. On y vivra dans des sortes de niches confortables, à coups de réjouissances collectives, dans une ambiance « sympa ». Mais on demeurera fondamentalement individualiste, dans le domaine professionnel, d’abord, mais aussi dans sa stratégie hédoniste personnelle. Nous sommes bien loin de la camaraderie des luttes d’antan, faite de souffrance et d’espoir collectif.

    En revanche, la deuxième commune présente le défaut rédhibitoire d’être peuplé d’étrangers incontrôlables, qui ne sont « sympas » que lorsqu’ils sont loin, et farcie d’une délinquance et de désagréments – bruit, odeurs, saleté – qui rendent le plaisir entre happy few problématique, et impossible une bonne éducation des enfants (que l’on inscrit dans le privé, et dans les beaux quartiers).

    (Article (sauf le titre) paru dans le numéro 7 de Salut Public, juillet/août 2012)

    Claude Bourrinet http://www.voxnr.com

  • Guatemala : “Opération PBSUCCESS”, une clé pour comprendre les guerres modernes

    L’opération PBSUCCESS (début 1953 – fin 1954) est une opération secrète organisée par la CIA (Central Intelligence Agency) pour renverser le président du Guatemala Jacobo Arbenz Guzmán, démocratiquement élu.

    Le gouvernement d’Arbenz projetait des nouvelles réformes que les services de renseignement des États-Unis jugeaient de nature communiste. La CIA et l’administration Eisenhower craignaient l’instauration d’une tête de pont soviétique de l’ouest, dans le contexte du maccarthysme intensément anti-communiste de l’époque.

    Arbenz a été l’instigateur d’une réforme agraire menaçant notamment la multinationale américaine United Fruit Company, dont Allen Dulles (directeur de la CIA de 1953 à 1961) était actionnaire, qui avait de gros intérêts au Guatemala et faisait pression à des niveaux variés du gouvernement américain pour une action contre Arbenz en réplique à son expropriation.

    Description

    L’opération avait pour objectif d’armer et former une « Liberation Army » de circonstance d’environ 400 combattants, sous les commandes d’un officier de l’armée guatémaltèque exilé de l’époque, le colonel Carlos Castillo Armas. La CIA prévoyait d’engager le « mouvement révolutionnaire » conjointement avec une campagne diplomatique, économique et de propagande.

    Le 18 juin 1954, le lieutenant-colonel Carlos Castillo Armas lance son offensive au Guatemala à la tête de 400 rebelles, aidé par des mercenaires entraînés au Honduras et au Nicaragua par la CIA, et « soutenus par des avions de combat américains pilotés par des Américains ».

    Le plan prévoit d’attaquer des cibles près de la frontière de façon à faire croire à une large offensive ; les rebelles sont supposés éviter l’armée pour que celle-ci ne réplique pas ; une propagande radiophonique s’efforce de retourner la population.

    L’échec est rapide : les rebelles, lourdement équipés, mettent plusieurs jours à atteindre leurs objectifs. Constitués de troupes indisciplinées et de faible valeur, ils sont facilement mis en déroute quand ils rencontrent une résistance.

    Cependant le président craint que la déroute des rebelles débouche sur une invasion directe des États-Unis et ordonne à l’armée de laisser les rebelles avancer. La peur d’une intervention américaine conduit une garnison à se rendre aux forces rebelles décimées. Le président décide de démissionner le 27 juin.

    Les jours suivant, plusieurs juntes se succèdent jusqu’à ce qu’Armas prenne la tête du pays. Il se montrera gravement incompétent pour diriger le pays. L’action américaine est vivement critiquée dans la presse étrangère. La CIA envoie une équipe au Guatemala pour établir l’affiliation du régime du Guatemala à l’Union soviétique. Malgré des recherches profondes, aucun lien ne peut être établi.

    Noam Chomsky commentait ainsi l’intervention américaine dans une conférence prononcée en 1985 : « [...] nous nous sommes arrangés pour interrompre, en 1954, une expérience démocratique. Il s’agissait pourtant d’un régime réformiste, capitaliste et démocratique, du type new deal, que notre intervention a permis d’éliminer, laissant à sa place un véritable enfer sur terre, probablement le régime de la période contemporaine le plus proche de l’Allemagne nazie. »

    Dans la foulée du premier coup d’État orchestré par la CIA, l’opération PBSUCCESS a employé les méthodes de communication et de propagande d’Edward Bernays qui étaient relativement nouvelles à l’époque.

    En combinant les idées de Gustave Le Bon et Wilfred Trotter sur la psychologie des foules avec les idées sur la psychanalyse de son oncle maternel, Sigmund Freud, Edward Bernays a été un des premiers à vendre des méthodes pour utiliser la psychologie du subconscient dans le but de manipuler l’opinion publique.

    Pour lui, une foule ne peut pas être considérée comme pensante, seul le Ça s’y exprime, c’est-à-dire les pulsions inconscientes. Il s’y adresse pour vendre de l’image dans des publicités, pour le tabac par exemple, où il utilise le symbole phallique.

    À la demande de l’industrie cigarettière, qui cherchait à faire tomber le tabou de la consommation du tabac par les femmes, il a notamment organisé des défilés très médiatisés de « fumeuses » jeunes et jolies qui affirmaient leur indépendance et leur modernité par l’acte de fumer en public (“Les torches de la liberté“…).

    En politique, il « vend » l’image des personnalités publiques, en créant par exemple le petit-déjeuner du président, où celui-ci rencontre des personnalités du show-biz. Pionnier de l’ingénierie sociale, il considère qu’une minorité intelligente doit avoir le pouvoir « démocratique » et que la masse populaire doit être modelée pour l’accepter.

    Il est l’une des sources des méthodes ultérieures de propagande. Joseph Goebbels s’est fortement inspiré de ses travaux. Ses travaux sur l’inconscient à l’usage des entreprises à travers les Public Relations ont contribué à l’émergence du marketing moderne en inspirant fortement les pionniers de la discipline tels que Louis Cheskin et Ernest Dichter.

    Wikipédia  http://fortune.fdesouche.com

  • La morale Peillon ou l'intégrisme laïc, par Éric Muth

     

    Tout juste après son élection, François Hollande, qui avait axé sa campagne sur la jeunesse, commence à rendre hommage à Jules Ferry.
    Ce que l'on sait à peine, c'est que ce dernier fut, non seulement un grand colonisateur, « mais c'est quelqu'un qui fonde la colonisation sur une vraie théorie raciste. De même qu'il faut éduquer les enfants, il faut éduquer les africains, c'est ça l'idée », déclarait à l'époque l'ancien ministre de l'Éducation Nationale Luc Ferry.¢
     

    UN TRES GRAND RACISTE
     
    Jules Ferry était un très grand raciste, ministre de l'Instruction Publique et Président du Conseil, il est surtout connu pour ses réformes scolaires. Son héritage, l'école gratuite, laïque et obligatoire, est un pilier de la République qui ne laisse pas indifférent Vincent Peillon.
     
    Mais une facette moins avouable de Jules Ferry, et la moins connue, le place comme un fervent défenseur de la colonisation : « Messieurs, il faut parler plus haut et plus vrai. Il faut dire ouvertement qu'en effet les races supérieures ont un droit vis à vis des races inférieures ». Et ajoute : « Les races supérieures ont un droit vis à vis des races inférieures, il y a pour les races supérieures un droit, parce qu'il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures ».
     
    Alors cette refondation de l'école voulue par Vincent Peillon est bien issue de cette idéologie sectaire de cette gauche sans scrupule, d'un nivellement par la base, par le bas. Cette colonisation des consciences du ministre de l'Éducation Nationale aboutira à une morale du parti, une véritable propagande nommée insidieusement « morale laïque ». On a eu le « mariage » homosexuel; maintenant, on invente la « morale laïque » et socialiste. Ce gouvernement des mensonges et de l’hypocrisie aime bien dénaturer les mots pour faire passer sa haine de la Famille, de la Chrétienté et des enfants qu'ils veulent contrôler.
     
    « Refonder la République par l'école » est bien une attitude de colonisateur, et Vincent Peillon enfonce le clou : « Quand on s'attaque à l'école, on s'attaque à la République. Et quand on malmène la République, on malmène l'école ».
     
    On doit ajouter : quand on endoctrine un enfant au nom de la laïcité et de la république, on le prive de sa liberté de conscience, chose que vous n'avez jamais eu M. Peillon
  • Galante compagnie royale

    Jamais la monarchie en France ne fut misogyne. Les femmes n'étaient pas successibles parce qu'elles risquaient par mariage de faire tomber le royaume entre des mains étrangères, mais leur rôle fut souvent capital : ainsi le règne de François 1er ne se comprend bien que si l'on connaît l'essaim de femmes d'exception qui consacrèrent leur vie au bel et galant homme qu'il était.
    D'où l'immense intérêt de l'ouvrage de Christiane Gil intitulé Les femmes de François 1er - une histoire toujours palpitante, souvent grandiose, parfois irritante, jamais confinée dans les alcôves, et tout imprégnée du tragique de la fragilité humaine et aussi nationale... On peut se demander comment, sans ces femmes admiratives qui, par leur bon sens, leur autorité, leur diplomatie, leur charme... ont réchauffé son courage, François 1er aurait pu maintenir la France contre les incessantes convoitises de Charles Quint, tout en favorisant l'éclosion extraordinaire des Beaux Arts.
    Pourtant le roi n'était pas un personnage falot. S'il aima les femmes, il ne les écouta pas toujours et, éternel enfant gâté, les fit parfois trembler et souffrir...
    Louise, Claude, Françoise...
    D'abord sa mère, Louise de Savoie (1476-1531). Cette fille de Philippe de Bresse (un cadet des Savoie) et de Marguerite de Bourbon, fut toute jeune veuve de Charles d'Angoulême, cousin de Louis, duc d'Orléans ; elle se consacra alors d'un amour total à ses enfants, Marguerite, née en 1492, et François, né en 1494, sans trop savoir quel destin leur préparait l'Histoire, jusqu'au jour où la mort (1498) de Charles VIII sans dauphin fit du duc d'Orléans le roi Louis XII et du jeune François (le plus proche neveu) l'héritier présomptif du royaume.
    Louise vit d'un assez mauvais œil Louis XII marier le beau François (très tôt coureur de jupons) à Claude, sa fille chétive, dont la main avait failli être donnée au fils des souverains espagnols, Charles - le futur Charles Quint... Pourtant, le 25 janvier 1515, le couronnement de François fut une apothéose pour Louise qui dès lors allait veiller jalousement sur ce « César », en mère idolâtre mais non possessive. Elle avait, écrit Christiane Gil, « l'instinct du pouvoir et une intelligence réaliste ».
    En cette année 1515 - l'année de Marignan ! -, tout souriait au jeune roi, qu'un torrent de tendresse portait vers la belle Françoise de Foix, épouse de Jean de Laval, comte de Châteaubriant, représentant du roi aux États de Bretagne : elle devait consoler le roi quand en 1519 les électeurs du saint empire germanique lui préférèrent Charles Quint. Pour Françoise, François allait désormais bâtir Chambord...
    Le ciel s'assombrit sur l'Europe dès 1521. L'affrontement entre François Ier et Charles Quint - deux bouillants souverains - était inévitable. L'enchevêtrement, que Christiane Gil démêle sans jamais dérouter le lecteur, des amours, des faits d'armes cruels et des controverses religieuses sans concession, où l'on voit le roi pleurer sincèrement son épouse Claude - cette grande âme dont il s'était trop peu occupé -, puis le parlement s'agiter, puis le cousin de Louise, le connétable de Bourbon (amant éconduit ?) trahir la France, puis le roi devenir après le désastre de Pavie (1524) le prisonnier de l'empereur - autant d'occasions d'admirer la diplomatie de Louise alliant le souci de l'unité du royaume à celui de l'inévitable bouleversement des alliances.
    Marguerite, Anne, Éléonore, Diane...
    Auprès d'elle, veillait aussi la sœur très aimante du roi, son « double », sa « mignonne », Marguerite, récemment veuve du duc d'Alençon. C'est elle qui devait négocier la délivrance de François 1er, au prix de la promesse de mariage de celui-ci avec Éléonore, la sœur de Charles Quint, mais aussi de l'atroce traité de Madrid (1526) signé sous la contrainte et de la détention en échange à Madrid des deux fils aînés du roi, François, dauphin, huit ans, et Henri, duc d'Orléans, sept ans.
    Rentré en France, le roi put serrer sur son cœur sa mère et sa sœur, lesquelles, pour le détourner de Françoise de Châteaubriant (qu'il n'oublierait pourtant jamais !), poussèrent dans ses bras la jeune et fine Anne d'Heilly.
    Au milieu des fêtes somptueuses de la cour, ayant épousé Henri d'Albret, roi de Navarre, Marguerite restait la première dame du royaume et ne songeait, avec sa mère Louise, qu'à établir la paix en Europe. Désir qui animait aussi Éléonore, sœur de l'empereur, qui devint reine de France en 1530 après avoir aidé les deux autres femmes à négocier la délivrance des enfants royaux. Éléonore allait désormais œuvrer à la toujours fragile conciliation entre son frère et son mari, sans oublier le non moins coriace Henri VIII, roi d'Angleterre.
    La nouvelle favorite, Anne d'Heilly, bientôt duchesse d'Étampes, vit sans plaisir prendre la place de confidente du roi celle qui consola celui-ci dans son immense chagrin à la mort de sa mère (1531) : Diane de Poitiers, dame de Saint-Vallier, épouse du grand sénéchal de Normandie, Louis de Brézé. Cette femme un peu hautaine, séduisante par son esprit, sa culture et ses manières raffinées allait bientôt faire son "galant" du jeune Henri - lequel allait devenir dauphin après la mort en 1536 de l'aîné François au château de Tournon et serait en 1547 le roi Henri II. Diane arrangea le mariage célébré en 1533 du jeune prince avec sa parente Catherine de Médicis, nièce du pape Clément VII.
    Servir la paix
    Dans ce tourbillon de fêtes et de rivalités, d'allégresses et de cruautés, de jeunesses avides et de maturités résignées, sur fond de poèmes de Clément Marot, de constructions de châteaux, de débats acharnés en matière de goût artistique, et sur un arrière-fond toujours lourd de menaces de guerre étrangère et de guerre religieuse, le règne de François Ier est en lui-même un chef-d’œuvre de la Renaissance.
    Christiane Gil le montre excellemment. Ses récits des grandes "entrées" triomphales du roi aux côtés de son épouse devant Dieu (Claude, puis Éléonore) et jamais de la maîtresse du moment, illustrent le tact du souverain donnant à son peuple, par le spectacle d'une famille vouée au pays, des raisons de joie et d'espérance.
    De toutes ces grandes dames, Marguerite de Navarre reste la plus attachante. Dominant souvent la Cour, elle aima son frère avec une abnégation extraordinaire. François fut très dur pour elle, allant jusqu'à laisser prendre un moment le flambeau à sa maîtresse Anne, duchesse d'Étampes, ...avant de rappeler de toute urgence Marguerite ! Mais à la Cour, comme dans son refuge de Nérac en Navarre d'où elle lui écrivait sans cesse, elle s'employa tant qu'elle le put à empêcher le roi de se laisser déborder par les extrémistes de la Sorbonne qui envoyaient les protestants sur le bûcher. Pour cette grande mystique, auteur de beaux ouvrages de poèmes et de réflexions spirituelles, tournée tout entière vers la lumière divine, l'ouverture, parfois maladroite, aux tenants des idées luthériennes, ne venait que d'un désir ardent de voir l'Église se réformer. Jamais elle ne remit en cause l'autorité du pape. Elle mourut en 1549 (deux ans après François) atterrée du spectacle des guerres de religion qui se déclenchaient.
    Or, sa fille Jeanne avait épousé en 1548 Antoine de Bourbon et allait donner le jour au prince qui serait appelé au trône après l'extinction des Valois : Henri IV, lequel mettrait fin aux guerres de religion dans l'esprit qu'eût sans doute aimé sa grand-mère. Dans l'arbre généalogique d'une lignée royale, la sève du bien commun circule toujours à travers les péripéties politiques et sentimentales..
    Michel FROMENTOUX L’Action Française 2000– du 7 au 20 juillet 2005
    * Christiane Gil : Les Femmes de François 1er. Éd. Pygmalion, 336 pages, 19,90 euros.

  • 27 avril 1413 Révolte des Cabochiens

    Le 27 avril 1413, les artisans et bourgeois de Paris se soulèvent à l'appel du duc de Bourgogne Jean sans Peur. Il va s'ensuivre une guerre civile et, plus gravement, la reprise de l'invasion anglaise, après  la longue «embellie» qu'a connue la France depuis le roi Charles V le Sage.

    La révolte des cabochiens, par Martial d'Auvergne, enluminure, XVe siècle, Vigiles de Charles VII, Paris

    L'ordonnance cabochienne

    L'assassinat du duc d'Orléans par les hommes du duc de Bourgogne, quelques années plus tôt, a inauguré la «querelle des Armagnacs et des Bourguignons». Tandis que se querellent les factions des oncles du roi, le mécontentement gronde dans la population parisienne, exacerbée par les dépenses outracières de la Cour.

    Le 30 janvier 1413, le roi Charles VI le Fou convoque les états généraux de langue d'oïl pour obtenir les subsides dont il a le plus grand besoin. Le duc de Bourgogne profite de cette tribune pour soigner sa popularité et se rendre indispensable aux Parisiens.

    Jean sans Peur s'allie faute de mieux à une faction populaire qui regroupe des bouchers de la Grande boucherie de Saint-Jacques, une corporation mal intégrée à la bourgeoisie parisienne. Son chef de file est l'écorcheur Simon Caboche, d'où leur appellation de cabochiens ou écorcheurs.

    En vue d'abaisser l'autorité royale, il pousse à la formation d'une commission de réforme où siège un certain Pierre Cauchon, docteur de l'Université de Paris, qui se rendra célèbre au procès de Jeanne d'Arc.

    Excédés par la résistance du roi et de ses partisans, les partisans du duc se soulèvent et attaquent la Bastille où s'est retranché le prévôt de Paris Pierre des Essarts. Ils obtiennent son exécution après une parodie de jugement. Singulier prélude à une autre prise de la Bastille, près de quatre siècles plus tard.

    L'Université profite de l'agitation pour préparer une réforme administrative connue sous le nom d'ordonnances cabochiennes (bien qu'elle n'ait rien à voir avec le dénommé Caboche). Ce texte de 259 articles tend à brider le pouvoir monarchique et prévoit une gestion partagée des finances publiques. Tentant de lutter contre les abus des officiers royaux, il aboutit à renforcer néanmoins les pouvoirs de la Chambre des Comptes et du Parlement, et crée une cour de justice. Comme la Grande Charte anglaise de 1215, c'est un premier pas vers la monarchie parlementaire.

    Le roi, contraint et forcé, signe l'ordonnance le 22 mai 1413 et coiffe aussi le capuchon des cabochiens !

    Les Armagnacs de retour

    Les exactions des Bourguignons et des cabochiens réveillent la bourgeoisie modérée de Paris à s'armer et se soulever à son tour, mais contre le parti bourguignon. L'Université elle-même se retourne et qualifie les cabochiens de «fils de perdition».

    Du 2 au 4 août 1413, les cabochiens sont exterminés et le duc de Bourgogne doit céder la place aux Armagnacs et s'enfuir. Le comte Bernard VII, nouveau maître de Paris, se fait nommer connétable par la reine Isabeau de Bavière. Le 5 septembre 1413, il s'empresse d'annuler les ordonnances cabochiennes.

    Ces troubles n'ont pas échappé au nouveau roi d'Angleterre Henri V de Lancastre qui en profite pour reprendre la guerre contre la dynastie rivale des Valois après une interruption de plus de 35 ans. Il débarque en Normandie avec ses troupes. Il va en résulter, à Azincourt, l'une des défaites les plus dramatiques de la France. Elle va se solder par l'invasion du pays, facilitée par l'alliance entre le duc de Bourgogne et l'envahisseur anglais.