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culture et histoire - Page 1869

  • La Propriété privée

    Les Dieux ont soif

    Nos modernes Crésus au nez courbe qui boivent goulument les richesses liquides du Pactole, ont toujours soif !
    Si Midas changeait tout ce qu’il touchait en or, eux changent l’or en ordure, car à peine ont-ils trempé leurs lourdes lippes avides dans le fleuve aurifère, son or vénérable se transforme en hedge funds, comme l’eau du Jourdain en sang.

    La propriété privée.

    On a longtemps présenté le régime capitaliste comme le garant de la propriété privée, et le crime le plus grave que les nantis imputaient aux « partageux » était de vouloir l’abolir.
    Inviolable et sacrée, la Propriété Privée était au nombre des « Immortels Principes », et pour beaucoup l’Arche-Sainte, le sanctuaire qui les contient tous, et les protège sous son couvercle d’or.

    Cependant c’est ce principe auguste et vénérable qui est aujourd’hui foulé aux pieds par le Capital financier.

    Après avoir jeté à la rue des millions de petits propriétaires, puis dilapidé les revenus des épargnants les plus modestes dans des placements hasardeux, puis spéculés avec les sommes allouées au titre de leur « nécessaire sauvetage », après avoir exigé et obtenu de tous les gouvernements prostitués le blocage des salaires, des retraites, et davantage de licenciements, il ne restait plus aux Banksters croulant sous leurs actifs pourris et leurs comptes truqués que le vol à main armée de l’argent des épargnants.
    C’est chose faite désormais à Chypre…
    Là, du jour au lendemain, interdiction aux déposants de retirer leur argent des banques gardées par des flics en armes, et confiscation de 40 à 60% des sommes déposées !
    Tous les comptes ?
    Non, un petit Village global peuplé d’irréductibles privilégiés résiste encore et toujours aux spoliateurs.
    Nous lisons dans l’imMonde : « les transactions commerciales ne seront pas limitées, des grosses sommes se seraient déjà échappées de Chypre, résultats d’un traitement de faveur réservé aux plus gros clients »

    Ainsi, seuls les petits déposants, ceux qui ont économisés sous par sous un modeste pécule, pour leurs enfants, pour leurs vieux jours, seront dévalisés par les fripouilles de Bruxelles.
    Il ne leur restera plus qu’à sceller leur ruine en buvant tous ensemble le fort vin de Chypre et s’enivrer du raisin de la colère contre ceux qui se délectent de leur sang.
    Ce qu’ils firent :
    - « ils boivent notre sang !
    - « ceux qui nous ont volés doivent aller en prison !
    - « Troïka hors de Chypre ! »
    entendait-on scander dans les rues de Nicosie

    La troïka, la trinité du mal, c’est la Sainte-Banque Centrale Européenne, Sa fille la Commission européenne, et trônant dans l’azur, le Père putatif de tous ces satrapes, le FMI, affameur, infamie ! Gloire à Lui !

    Et qui pourrait croire que ce traitement restera strictement confiné à Chypre, ou à

    « Rhodes, Argos, la Sicile et Carthage
    et les peuples obscurs de l’Adige et du Tage » ? [1]

    Personne ! car voici :

    Jeroen Dijsselbloem blême et concis
    De l’Union le missi dominici
    Le patron de tous les Moscovici
    Et s’il n’est pas lui même circoncis,

    il est celui, Veni, vidi, vici, qui a vendu la mèche : « Chypre est un modèle pour traiter les problèmes bancaires » !

    Le banditisme à ciel ouvert, tel est l’horizon indépassable du capitalisme putréfié.
    La boucle est bouclée. Nous avons là un Cercle, car le Capital rejoint dans son agonie sa naissance expropriatrice et sanglante.

    Petit cours de marxisme non-universitaire à l’usage des jeunes générations

    La pègre staliniste, et sa fille-femen gauchiste, ont tellement souillé, non seulement le socialisme réel, mais la théorie elle même, qu’un malentendu fondamental porte sur la question de la propriété.
    Une aubaine pour tous nos Sociologues qui peuvent ainsi se payer le luxe de réfuter la théorie grossière -un économisme couronnée par la subversion- que sous le nom de marxisme ces penseurs-poussifs se sont préalablement donnés la peine de produire.

    Allons plutôt boire à la source : LE CAPITAL livre I . Section 8. [2]

    S’il y a des « travailleurs qui ne possèdent que leur force de travail, c’est parce qu’ils ont été dépouillés de tous leurs moyens de production […]. L’histoire de leur expropriation n’est pas matière à conjecture elle est écrite dans les annales de l’humanité en lettres de sang et de feu indélébiles… »

    Ainsi dans cette huitième section du livre I du Capital, le théoricien va céder la place à un Marx historien et pamphlétaire. Il faut lire, et même peut-être commencer la lecture du Capital par ces pages terribles qui décrivent le procès d’accumulation primitive du capital.
    « La propriété privée, fondée sur le travail personnel, cette propriété qui soude pour ainsi dire le travailleur isolé et autonome aux conditions extérieures du travail, va être supplantée par la propriété privée capitaliste, fondée sur l’exploitation du travail d’autrui, sur le salariat. »
    Marx décrira longuement, minutieusement les mécanismes et la genèse de cette « Expropriation originelle », qu’il résumera ainsi.
    « La spoliation des biens de l’Eglise, l’aliénation frauduleuse des domaines de l’Etat, le pillage des terrains communaux, la transformation usurpatrice et terrestre de la propriété féodale ou même patriarcale en propriété moderne privée, la guerre aux chaumières, voilà les procédés idylliques de l’accumulation primitive […], voilà ce qu’il en a coûté […] pour consommer le divorce du travailleur d’avec les conditions du travail, pour transformer celles-ci en capital et la masse du peuple en salariés »

    « Ainsi donc ce qui gît au fond de l’accumulation primitive du capital, au fond de sa genèse historique, c’est l’expropriation du producteur immédiat, c’est la dissolution de la propriété fondée sur le travail personnel de son possesseur.
    […] cette douloureuse, cette épouvantable expropriation du peuple travailleur, voilà les origines, voilà la genèse du capital.
    L’expropriation des producteurs immédiats s’exécute avec un vandalisme impitoyable qu’aiguillonnent les mobiles les plus infâmes, les passions les plus sordides et les plus haïssables dans leur petitesse.
    Et Marx décrira : « toute une série de procédés violents, dont nous n’avons passé en revue que les plus marquants sous le titre de méthodes d’accumulation primitive. 
    Tantœ molis erat ! Voilà de quel prix nous avons payé nos conquêtes ; voilà ce qu’il en a coûté pour dégager les « lois éternelles et naturelles » de la production capitaliste, pour consommer le divorce du travailleur d’avec les conditions du travail, pour transformer celles-ci en capital, et la masse du peuple en salariés, en pauvres industrieux (labouring poor), chef-d’œuvre de l’art, création sublime de l’histoire moderne. Si, d’après Augier, c’est « avec des taches naturelles de sang, sur une de ses faces » que « l’argent est venu au monde », le capital y arrive suant le sang et la boue par tous les pores. »

    La Vieille Taupe

    Voilà donc sa genèse
    Voici venue l’heure de sa fin infâme.
    Mais comme il ne fut pas renversé le capital entraîne le monde entier dans sa décrépitude.

    Ainsi les événements de Chypre ne surprendront que les idéologues ou les ignorantins, car l’essence du Capital n’est nullement la propriété privée mais la privation de toute propriété pour le plus grand nombre.
    Et la propriété sociale n’était pas une négation de la propriété mais son nécessaire rétablissement, sous une forme plus haute, supérieure.
    Cette profonde connaissance creusera-t-elle à nouveau son sillon, dans la conscience lasse des peuples Européens, exsangues.
    Cette bonne Vieille Taupe, qui mine tous les plans meurtriers, mais sans pour autant réussir à effondrer tout le Temple des maçons-architectes qui enserrent c‘te planète dans leur réseaux de fer, pourrons nous un jour lui crier : « Bien creusé, vieille taupe ! »

    Félix Niesche http://www.egaliteetreconciliation.fr

    Sur la question juive, de Karl Marx, est préfacé par Félix Niesche chez Kontre Kulture :

    Et toujours sur KontreKulture les autres œuvres de l’auteur

    Notes

    [1] Émile Verhaeren

    [2] Toutes les citations sont de Marx

  • Manifeste pour une nouvelle dissidence

    Contre la loi Taubira, la France des invisibles s’est réveillée. Et multiplie les actions de protestation contre la dictature des minorités et du politiquement correct. C’est le temps de la « Nouvelle dissidence ». Un manifeste de janvier 2010 que Polémia rediffuse.

    — La grande oppression —
    La France et les nations européennes ne vivent plus dans une démocratie mais dans une après-démocratie où l’alternance n’est qu’une illusion. Ce n’est plus le peuple qui détient le pouvoir, c’est une classe d’oligarques. Les grands dirigeants financiers, médiatiques, culturels et politiques s’y côtoient. Ils imposent une idéologie dominante devenue idéologie unique.

    1. L’idéologie unique enferme la pensée et l’opinion dans un carré carcéral dont les quatre côtés sont :
    – le libre-échangisme économique voulu par les grands oligopoles mondiaux que sont les transnationales ;
    – l’antiracisme, négateur des réalités ethniques et culturelles, qui culpabilise les défenseurs de l’identité française et de la civilisation européenne ;
    – l’antitradition et l’inversion des valeurs qui bouleversent une expérience multimillénaire et le socle familial ;
    – la vision marchande et mercurienne du monde et l’arraisonnement utilitaire de la vie, de la nature, de la culture.
    L’idéologie unique assujettit durablement les Français et les Européens aux Anglo-Saxons : empêcher la constitution d’une Europe-puissance est d’ailleurs l’une de ses fonctions.

    2. L’idéologie unique impose un despotisme mou à travers quatre logiques totalitaires :
    – le novlangue, les médias-mensonges et les grandes peurs qui s’imposent par la tyrannie médiatique : quiconque s’écarte des vérités officielles est condamné au silence et/ou à la diabolisation ;
    – la normalisation des règles et des comportements édictés :
    • par les bureaucraties nationales, européennes (l’UERSS) et mondiales sous l’influence des grands groupes de pression (lobbies) ;
    • par les grands cabinets de conseil internationaux (les Big Four).
    – la théocratie des droits de l’homme qui assujettit les peuples à travers la Cour européenne des droits de l’homme qui interprète dans le sens de la pensée unique la Convention européenne des droits de l’homme ;
    – la répression de Big Brother qui condamne les crimes contre la pensée grâce aux lois liberticides.

    3. Cette idéologie unique a ses gagnants et ses perdants.
    Du côté des gagnants, la superclasse mondiale (SCM), trente millions de cosmocrates qui ont plus de points communs entre eux qu’avec le peuple dont ils sont issus. Du côté des gagnants aussi, les pays émergents – la Chine notamment – et les bénéficiaires de l’immigration : migrants accédant aux régimes sociaux des pays développés ; employeurs tirant les salaires à la baisse. Du côté des gagnants toujours, les minorités ethniques et sexuelles bénéficiant d’un statut valorisé et de la discrimination positive.
    Du côté des perdants, les anciens pays développés dont la puissance s’affaiblit, l’indépendance se rétrécit et la richesse s’amenuise et, en leur sein, les classes moyennes et les classes populaires dont la force de travail est exploitée par les transnationales et mise en concurrence avec celle des pays émergents et celle des migrants. Du côté des perdants toujours, les familles européennes dont le modèle de vie est dévalorisé et dont les difficultés à se loger et à trouver de bonnes écoles pour leurs enfants sont amplifiées par l’africanisation et l’islamisation.
    La majorité invisible, les autochtones, les Français de souche sont les victimes de la situation. Ils souffrent de discrimination négative et subissent un processus de domestication. Ils ont perdu leur souveraineté, ils n’ont pas la possibilité de s’exprimer utilement par référendum. Les hommes politiques qui les gouvernent ne sont pas des hommes d’Etat mais des médiagogues qui gèrent leur carrière en flattant les médias et en se soumettant à l’idéologie unique. Face à l’inacceptable, il faut trouver la voie d’une nouvelle dissidence.

     
    — La nouvelle dissidence —

    Le système dominant repose sur le déni de cohérence et le déni de réalité. Vers la fin de l’Union soviétique, ceux qui voyaient la situation en face et osaient la dévoiler étaient qualifiés de dissidents : ils avaient pour arme le samizdat, c’est-à-dire la ronéo et l’anonymat. Les dissidents du mondialisme ont, eux, à leur disposition Internet et le pseudonymat, c’est-à-dire un outil subversif – la réinfosphère – infiniment plus puissant. Le rôle de la réinfosphère est de conscientiser l’opinion.

    1. Première attitude de la dissidence : la réinformation est une gymnastique de l’esprit et de l’âme.
    Elle consiste à chercher à se faire sa propre opinion pour échapper au conformisme et à la pensée perroquet. La réinformation consiste à chercher à connaître la réalité du monde à partir d’une expérience directe plutôt qu’à partir des écrans. Et, pour le recours aux écrans, à bannir autant que faire se peut les programmes de télévision au profit de la vidéo ou de la radio à la demande, et bien sûr des sites alternatifs de la réinfosphère.

    2. La deuxième attitude de la dissidence consiste à libérer les esprits du formatage de l’idéologie unique.
    Libérer les esprits du formatage de l’idéologie unique c’est émanciper les intelligences et les cœurs du politiquement correct, de l’économiquement correct, de l’historiquement correct, du moralement correct, du religieusement correct, de l’artistiquement correct. Face à la dictature de l’émotion conditionnée, il faut retrouver la voie de la raison et les grandes règles de l’esprit européen : en dehors des dogmes religieux, ne peut être dit vrai que ce qui peut être librement réfutable. Toute vérité officielle doit être passée au crible du doute.

    3. La troisième attitude de la dissidence, c’est la force de l’âme.
    L’âme puise son énergie dans les racines de la civilisation européenne et chrétienne et se ressource dans un imaginaire millénaire et/ou dans la foi religieuse. Tout ce qui donne à l’homme une vérité intérieure et le libère des pressions de l’urgence et de la contingence le rend plus fort. Il s’agit ici de refuser de se laisser contaminer par les émotions préfabriquées de l’extérieur pour mieux se réapproprier ses propres émotions : celles qui sont liées à sa terre, à son peuple, à sa langue, à son histoire, à sa religion. Bref, se relier aux émotions de sa famille, de sa lignée, de son clan, de ses coreligionnaires.

    4. La quatrième attitude de la dissidence, c’est le comportement dissident, c’est agir différemment.
    La dissidence, ce n’est pas seulement réfléchir. C’est aussi agir autrement :
    – face au mondialisme économique, faire jouer le localisme, la préférence locale, la préférence nationale, la préférence européenne, le patriotisme économique ;
    – face au déracinement pratiquer une écologie humaine et prochaine : reprendre le contact avec son territoire de vie et la nature qui l’entoure ; accepter comme des contraintes bienfaisantes les lois de la géographie et du climat ;
    – face à la société marchande, se méfier des grands oligopoles de distribution ;
    – face au cosmopolitisme et à l’antiracisme, défendre son identité : choisir l’école de ses enfants ; s’inscrire dans une logique d’enracinement dans ses choix esthétiques et culturels ; préférer l’art caché au financial art ; face au globish pratiquer et respecter la langue française ; face à la volonté de métissage des oligarques, cultiver le « nous » (le Sinn fein des Irlandais) ; face à la mémoire imposée par les maîtres du discours, préférer le souvenir qui renvoie à une réalité charnelle historique : la transmission familiale des événements tels qu’ils ont été réellement vécus par sa lignée.

    5. La cinquième attitude de la dissidence, c’est l’intervention dans la vie de la cité et plutôt à la périphérie qu’au centre.
    La dissidence, ce n’est pas un exil intérieur, c’est une étape vers la reconstruction d’un projet communautaire, c’est l’intervention dans la vie de la cité, là où cela peut être efficace, c’est-à-dire plutôt à la périphérie qu’au centre, plutôt dans la vie locale que dans la vie nationale.
    La dissidence, c’est susciter des actions identitaires ou y participer :
    – contre l’islamisation ou l’africanisation de son quartier ;
    – contre l’imposition du globish dans son entreprise ou son administration.
    Car « les libertés ne sont pas autre chose que des résistances » (Royer-Collard).
    La dissidence, c’est aussi agir pour défendre un héritage que l’on aime : pour la protection d’un site ou d’un paysage, d’un monument, d’une église ou d’un musée, éléments de l’identité française et de la civilisation européenne.
    La démocratie directe spontanée, l’organisation parajuridique de pétitions et de référendums locaux sont à cet égard de bons moyens d’action.

    6. La sixième attitude la dissidence, c’est faire savoir.
    Faire, faire savoir et, grâce à Internet, rendre publiques et visibles des actions frappées d’ostracisme par la tyrannie médiatique.
    Agir, c’est aussi se faire entendre des élus, notamment locaux, pour que la pression du peuple compense la pression du Système.

    7. La septième attitude de la dissidence, c’est participer à la mobilisation de forces immenses mais endormies : les majorités invisibles mais opprimées.
    Ces communautés majoritaires économiquement, socialement et culturellement sont rendues invisibles par les oligarchies dirigeantes et les politiques de « diversité » qu’elles mettent en œuvre à l’encontre des majorités.
    Ces majorités opprimées sont :
    – les classes moyennes et les classes populaires sacrifiées aux intérêts de la finance, et mises en concurrence avec le monde entier sur le marché du travail ;
    – les petites et moyennes entreprises victimes du fiscalisme et des oligopoles mondiaux ;
    – les familles menacées par la théorie du genre et la culture de mort ;
    – les chrétiens et les laïcs, les uns et les autres concernés par l’occupation de l’espace public par l’islamisation ;
    – et, bien sûr, les jeunes mâles blancs (JMB) (expression d’Anne Lauvergeon) objets de toutes les culpabilisations et cumulant contre eux toutes les discriminations (comme jeunes, comme hommes, comme Blancs). Les jeunes hommes blancs (JMB) ont vocation à sortir la vieille Europe de sa dormition.
    Il y a dans tous ces groupes, pour peu qu’ils prennent conscience de leur force, tous les ingrédients d’une révolte susceptible de porter une vague de populisme, courant d’opinion qu’il faut assumer sans complexe.

    8. Vers la révolte du peuple ?
    Allant bien au-delà de l’exil intérieur, la dissidence prend de l’ampleur, sur Internet mais aussi sur les réseaux sociaux et sur les réseaux territoriaux. La réappropriation de son environnement géographique et humain est une exigence croissante. De même que la prise de conscience par le peuple qu’il a un ennemi : la superclasse mondiale et les maîtres du discours qui la servent.
    Avant-garde d’un mouvement qui va en s’approfondissant, le comportement dissident se nourrit d’une prise de conscience des méfaits du Système mondialiste dominant. Et cette prise de conscience conduit à renouer avec le génie français et l’identité européenne : recherche de la vérité, recours aux arts figuratifs, respect des traditions, goût de la liberté, défense de la langue et des patries charnelles.
    La dissidence libère les esprits et forge les âmes : elle est l’étape préalable à la révolte du peuple.
    Après s’être intéressée au novlangue, La Fondation Polémia présente, cette fois, Cinq cents mots pour la dissidence
    Polémia – première diffusion : 25/01/2010, seconde diffusion : 18 avril 2013

  • La stratégie des nouvelles routes de la soie – un modèle de paix pour l’Eurasie

    Pour que les Européens ne restent pas à la traîne du courant de l’histoire – au sujet de l’analyse brillante de la situation géopolitique par Franz Betschon

    Ex: http://www.horizons-et-debats.ch/

    Pendant que les Etats-Unis titubent d’une crise à l’autre, et que l’Europe n’arrive pas à détourner son regard de son ancienne puissance protectrice dans l’espoir de ne pas être entraîné dans l’abîme, il règne en Asie et en Amérique latine une atmosphère de renouveau. Des auteurs comme Kishore Mahbubani essaient depuis un certain temps de démontrer aux contemporains de l’hémisphère occidental qu’on se trouve de toute évidence devant un tournant historique. Mais que faire, surtout en Europe? Avec qui coopérer si ce n’est pas avec la puissance guerrière en déclin?
    Ne serait-il pas tout naturel de tourner le regard vers l’Est? Puisque l’Europe se trouve bien au bord de la grande île mondiale de l’Eurasie. Un regard, cependant pas dans le sens impérialiste de Bismarck qui a localisé «son Afrique» en Europe de l’Est, et pas non plus dans le sens du cliché de la guerre froide, qui appartient heureusement au passé depuis plus de 20 ans. Mais pourquoi pas un rapprochement en partenariat, en amitié et avec considération des mérites des peuples des pays respectifs?
    Si nous ne voyons pas comment l’Asie se développe, l’Asie se développera aussi sans nous en un nouveau centre de gravitation de l’économie mondiale: c’est ce qu’un analyste ayant beaucoup voyagé, ouvert au monde, formé et ancré dans la meilleure tradition suisse, nous soumet à réfléxion: «Das eurasische Schachturnier» [Le tournoi d’échec eurasien], c’est le titre que Franz Betschon donne à son livre, qui sera présenté ci-dessous. Avec ce titre il fait allusion à un livre de Zbigniew Brzezinski qui porte un titre semblable. Mais son ton, le fondement de son analyse et sa perspective sont heureusement en totale contradiction avec l’ouvrage de référence négatif de la géostratégie impériale et de l’outrecuidance de la puissance mondiale.

    «The Empire is over.» L’empire américain, la suprématie de la seule puissance mondiale serait du passé, un ordre mondial centré sur l’Eurasie serait en train de s’installer, uniquement centré sur l’Asie, si l’Europe ne s’avance pas vers l’Asie. C’est la quintessence de ce livre éclairant qui mérite d’être lu: «Das eurasische Schachturnier. Krisen Hintergründe und Prognosen» de Franz Betschon1. Ce citoyen suisse est docteur en sciences techniques et ingénieur mécanique diplômé de l’EPFZ, en plus diplômé de la Harvard Business School à Boston, colonel d’état-major de l’aviation à l’armée. Un scientifique formé dans la meilleure tradition suisse, ouvert au monde et économiste disposant d’une intelligence analytique aigüe. En tant que personne ayant vu du pays et qui, entre autre, a été conseiller d’administration d’une entreprise high-tech israélienne, qui, construite avec de l’aide suisse, appartient actuellement aux entreprises de pointe de son genre dans le monde, l’auteur essaie de comparer et d’approfondir ses expériences et ses observations au moyen de l’étude de sources publiquement accessibles pour comprendre l’actualité et pour ne pas rester en arrière du développement. Betschon a recours à des sources de beaucoup de pays, car dans son activité, il s’est aperçu que le regard européen sur le monde s’est pas mal rétréci pendant les décennies de la guerre froide, et que dans d’autres parties du monde, les mêmes problèmes sont considérés sous un autre jour. Reconnaître les signes du temps veut dire également s’adapter à temps aux nouveaux développements pour mieux contrer des dangers éventuels.
    Comme grand modèle, qui manque dans le monde moderne, surtout en Suisse, et cela douloureusement, Betschon évoque Jean Rodolphe von Salis. Ce que ce citoyen du monde suisse a réussi lors de la Seconde Guerre mondiale depuis la Suisse, et ce qui lui a procuré ainsi qu’à la Suisse l’estime mondiale, c’est-à-dire un jugement cohérent de la situation de guerre, von Salis n’avait pu le faire que sur la base d’un large réseau. Avec des conversations téléphoniques avec ses connaissances dans différents pays, il s’est procuré un grand savoir et cela malgré l’écoute des services secrets.
    Pour nous, c’est plus facile aujourd’hui. Aux temps du World Wide Web, un clic de souris nous amène des journaux de l’espace asiatique, africain, et de l’Amérique latine.

    À partir de quel moment les Etats-Unis sont-ils devenus tellement violents ? Mot-clé : «QDR»

    L’analyse de Betschon sur 200 pages, culminant dans la citation ci-dessus, est passionnante et met de l’ordre dans les idées qui, dans les flots du «tittytainment du mainstream», ont tendance à être incohérents.
    Lorsque l’auteur arrive à la conclusion que les jours de la dominance américaine sont définitivement passés, ce n’est pas sur un fond de ressentiments antiaméricains comme on pourrait le penser. Tout au contraire, l’auteur rend hommage à l’engagement désintéressé des Etats-Unis en Europe pendant les heures les plus noires de la Seconde Guerre mondiale – mais pas sans se poser la question de savoir à partir de quel moment l’Amérique est soudain devenue si violente: qu’elle ait rendu la torture de nouveau acceptable, qu’elle ait mené des guerres préventives sans penser aux principes de Nuremberg, dans lesquels une guerre d’agression est déclarée comme le pire des crimes et à l’occasion desquels le procureur principal Robert ­Jackson avait exigé publiquement qu’à l’avenir les USA veuillent aussi être jugés à la même aune.
    Il est devenu évident que les choses vont mal aux Etats-Unis lors de la publication du plan de 5 ans du Pentagone, le «Quadrennial Defence Review Report (QDR)» des années 2001 à 2006. A l’encontre du droit international, ce rapport exige le droit à la guerre préventive. Afin que le lecteur puisse comprendre cette monstruosité, l’auteur transpose cette mentalité dans la cohabitation de voisins qui s’exprimeraient de la façon suivante: tu peux fusiller ton voisin sans autre s’il te dérange. Tu ne dois remplir que deux conditions: tu dois prétendre que tu t’es senti menacé et viser de telle sorte qu’il ne puisse ensuite plus témoigner.» (Betschon, p. 52) L’auteur donne à réfléchir que, si ce mépris sans pudeur de toutes les valeurs pour lesquelles l’Occident s’est battu pendant des décennies, porte préjudice aux êtres humains au Moyen-Orient en premier lieu, mais à moyen et long terme aussi à la société civile des agresseurs.

    Le principe des États souverains versus le principe du «Diviser pour régner !»

    L’auteur classe cette politique étrangère de l’Empire, agressive et méprisante pour le genre humain, sur la base de deux principes: le principe d’Etats souverains et le principe du «diviser pour régner». Ce que la génération ayant vécu la guerre froide ne pouvait jamais tenir pour possible, et ce qui rend si difficile un regard clair sur notre présent, c’est le fait que le premier des deux principes, le principe des Etats nations souverains, établi après la guerre de Trente Ans lors de la Paix de Westphalie, ne soit plus représenté aujourd’hui par la démocratie des USA autrefois louée, mais par la Russie autrefois proscrite, pendant que le principe machiavélique du «diviser pour régner», est brandi par George W. Bush et aujourd’hui par le Prix Nobel de la paix Obama. Même si l’auteur ne peut pas vraiment ce réjouir de ce résultat surprenant, il faut reconnaître qu’il présente les faits comme ils sont sans œillères et sans égard pour ses préférences personnelles.
    Ce qui avait déjà été visible en 2007, lors de la Conférence de Sécurité de Munich, à savoir que la Russie sous Poutine n’était plus ce pays postsoviétique faible et à exploiter, mais de nouveau une grande puissance, capable et décidée à se défendre, et cela aussi bien économiquement que militairement, est devenu saisissable pour tout le monde lors de la même conférence en 2008: le Premier ministre russe, Sergueï Ivanov, a présenté un pays sûr de lui tout en soulignant que cela ne signifiait pas de nouveaux blocs et confrontations, mais une cohabitation pacifique d’Etats souverains. Alors qu’au camp opposé, le ministre de la Défense des USA, Robert Gates, a présenté le point de vue d’une hégémonie agressive. Avec cela Gates s’est positionné selon le modèle de l’Empire britannique à la Churchill et pas selon celui de Franklin Delano Roosevelt. Ces deux conceptions opposées de la politique, Betschon les fait très bien ressortir: alors que l’Empire britannique présente une politique de conflits et de manipulation, donc le «diviser pour régner», le président des USA d’avant et pendant la guerre a répondu de l’autre modèle de la coopération, celui des nations souveraines. En raison du décès prématuré de Roosevelt, le pur et dur Truman a rejoint la ligne britannique, et ainsi il a déployé, sans aucun égard, la bombe nucléaire.

    L’Europe et l’Asie se soudent économiquement

    Même si la politique étrangère avant Truman n’a pas toujours été exemplaire comme présenté ci-dessus, il est tout de même bienfaisant que l’auteur se soustraie au dénigrement antirusse de l’Occident et ouvre de nouvelles manières de voir. Car c’est seulement en remettant en question le spectre russe que la voie se libère pour une coopération des pays européens avec les grandes nations du Proche et de l’Extrême-Orient nécessaire depuis longtemps.
    Dans le chapitre «megatrends» [tendances mégas], l’auteur ose émettre quelques pronostics extrêmement passionnants et au fait très convaincants du développement futur: sans se fixer sur une date et un ordre, on pourrait s’attendre aux développements suivants:
    1.    L’Europe et l’Asie se souderont économiquement sans retour.
    2.    L’Eurasie développera une politique fédéraliste de commerce, d’extérieur et de sécurité.
    3.    La notion d’«Occident» deviendra superflue: L’Europe de l’Ouest, l’Amérique du Nord et Israël ne formeront plus une unité.
    4.    L’Europe continentale s’orientera vers l’Est. L’Amérique du Nord ne sera intéressante plus que pour le commerce.
    5.    L’UE et l’OTAN devront être reconsidérés et remplacés par quelque chose de nouveau.
    Et qu’est-ce qui se passerait si les institutions de Bretton Woods et l’ONU étaient transférées vers le nouveau centre de gravité du monde économique, par exemple à Shanghai? Ou bien si les pays asiatiques arrivaient à la conclusion de ne plus avoir besoin de ces institutions dominées par les Etats-Unis et de pouvoir très bien vivre sans elles et même mieux? Et avec l’Europe, on a déjà cohabité depuis 2000 ans – longtemps avant que le double continent américain ait été défiguré par les Anglo-Saxons? Il a fallu beaucoup de temps dans le soi-disant nouveau monde avant que les blancs se soient arraché une excuse concernant le génocide de la population locale.
    Betschon n’est pas sûr que les Européens aient vraiment déjà reconnu les signes du temps et se dirigeront vers l’Asie – néanmoins les Asiatiques viendraient déjà à notre rencontre. Il ne parle pas seulement du tourisme et des boutiques de montres en plein essor à Lucerne et Interlaken, volontiers fréquentées par la classe moyenne chinoise en hausse, mais aussi des investisseurs de Chine et d’Inde qui sauvent de la ruine en Europe de plus en plus d’anciennes marques, comme par exemple le groupe de sociétés indien Tata, qui a repris en 2007 le groupe d’acier britannique Corus, mais aussi les usines d’automobiles Jaguar et Landrover.

    Le monde de demain : L’Amérique latine, l’Asie, l’Europe et à part les États-Unis, sur la touche

    Que nous sommes au beau milieu d’un tournant d’époque est évident notamment en Afrique, où de plus en plus d’entreprises chinoises font ce qui a été réservé aux Européens: établir des relations commerciales, effectuer des investissements, exploiter des matières premières – à la différence près que les Chinois sont capables de lier leurs profits à de vrais bienfaits pour les populations locales. Un fait qu’on n’a jamais rencontré dans le colonialisme européen, dans l’impérialisme et dans le néocolonialisme actuel.
    Alors que l’Occident fixe plein de méfiance le dragon chinois et se demande s’il fonctionne comme l’aigle américain – sur la base d’un militarisme agressif –, nous ne voyons pas que ce monde s’est mué en un monde rectangulaire: aujourd’hui, il est composé de l’Amérique latine, l’Asie, l’Europe et à part encore les Etats-Unis, sur la touche. A part? Nos médias occidentaux omettent volontiers de nous le dire: de plus en plus de décisions importantes sont prises sans l’unique ancienne superpuissance. Horizons et débats a parlé récemment de cette humiliation à Phnom Pen2. Comme cet événement s’est avéré tout simplement inexistant dans les médias du mainstream occidental, on a dû avoir recours à un article de l’«Asia Times» qui a montré clairement que l’Occident à une longueur de retard sur le développement actuel réel. Il y a eu Obama, qui a été décommandé d’une rencontre des Etats Asean. Les USA qui voulaient créer une fissure entre les Etats asiatiques, avant tout entre les petits et la Chine, se sont retrouvés mis à l’écart. Le monde est devenu autre, tout comme Kishore Mahbubani tente de nous l’expliquer depuis longtemps – aimablement, mais avec fermeté. Et si l’Occident ne veut pas en prendre connaissance, la rupture sera irréversible. Cependant, il serait meilleur pour tous d’avancer ensemble vers le futur. Mais pour cela, l’Occident devrait vivre réellement ses valeurs, en haute estime dans le reste du monde, au lieu de faire une politique d’intérêts impitoyable sous couvert de valeurs affichées.

    Le FMI et l’hégémonie du dollar proches de leur fin

    Betschon cite plusieurs événements qui illustrent ce tournant :
    Les dix États de l’Asie du Sud-Est de l’ASEAN – comme on ne les connaît que très peu en Occident, ils seront cités ici: le Brunei, le Cambodge, l’Indonésie, le Laos, la Malaisie, le Myanmar, les Philippines, Singapour, la Thaïlande et le Vietnam –, ces dix États ont créé avec la Chine, le Japon et la Corée du Sud l’Asian Monetary Fund avec les RMB/Yen comme monnaie centrale – un processus qui rendra superflu le FMI dominé par les États-Unis.
    La même chose se passe en Amérique du Sud: la fondation du Latin American Monetary Fund a pour résultat que le FMI doit fermer ses bureaux dans les États l’un après l’autre. Le Venezuela donne aux membres les crédits nécessaires pour pouvoir désintéresser le FMI.
    En Europe, l’euro, prévu comme alternative au dollar, vit une attaque massive et cela pas depuis la Chine ! Mais il y a aussi la Russie, qui ne danse plus aux sons de Washington : là-bas, peu à peu se font les adieux au FMI et à l’hégémonie du dollar en se fiant davantage aux propres ressources et à l’or.
    Ce sont ces processus qui, à long terme, empêcheront les États-Unis, à l’aide de leur planche à billets, de mettre leurs propres dettes sur le dos des autres pays du monde. Avant tout parce que les dépenses pour l’armée doivent être réduites, et que par la suite leur bonne vieille diplomatie de canonnière à la mode des bandes de brigands ne fonctionnera plus.
    Une année centrale pour la diminution de l’influence des USA a été l’année 2008: C’est en même temps que l’effondrement de Lehman Brothers qu’ont eu lieu les événements suivants, sans la contribution des États-Unis, trop occupés par leurs propres problèmes :
    •    À Lima, environ 60 nations se sont rencontrées pour un sommet mondial sur l’alimentation, avec la présence d’Angela Merkel, la Chine, mais sans les USA.
    •    En même temps se sont réunis les ministres des Affaires étrangères des Etats BRICS à Iekaterinbourg en Russie. Étaient invités le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine. Mais pas les USA.
    •    Fin mai, le nouveau président russe a effectué son premier voyage à l’étranger. Jadis on allait d’abord aux USA, mais cette fois, la Chine a été la première destination.
    •    En même temps un sommet important a eu lieu entre le Japon et la Chine – et cela sans les USA, ce qui aurait été impensable auparavant.

    Europe : sortir de l’étau des États-Unis, retour aux propres valeurs

    Dans cette situation d’un monde s’organisant sans problèmes sans l’Empire, l’Europe se retrouve devant la question de savoir si elle ne devrait pas renouer avec ses valeurs éprouvées, lesquelles avaient été désignées avec mépris par les néoconservateurs américains comme celles d’une «vieille Europe»: cela signifierait, d’un côté, abandonner les idées colonialistes tardives, ensuite respecter la souveraineté des autres Etats et la non-ingérence dans leurs affaires internes – donc faire preuve d’un refus de la stratégie douteuse du R2P, ce concept de «Responsability to protect», en effet, cette responsabilité de protéger, comme Hans-Christof von Sponeck3 l’a démontré, a toujours été utilisée comme prétexte pour intervenir dans d’autres pays pour s’assurer les matières premières et pour garder la Chine à l’écart, comme par exemple au Soudan, en Libye, et presque aussi en Syrie, si la Russie et la Chine n’avaient pas déposé leur «niet» courageux. Ou bien, comme l’a expliqué très clairement le politologue russe Fursov:4 en Syrie, les Croisés occidentaux se sont heurtés au Mur chinois !
    Finalement, Betschon conseille à l’Europe de ne pas utiliser de doubles critères de qualité au niveau des valeurs. Il y en aurait déjà assez d’exemples, énumérés dans le livre de Kishore Mahbubani,5 mais aussi dans les exposés du spécialiste en droit international, Hans Köchler,6 qui a entre autre sévèrement critiqué la pratique d’accusation dominée par l’Occident de l’International Criminal Court (ICC).

    Des corridors de développement avec des centres de développement en chaîne perlée

    L’Europe, sur cet ancien et nouveau sol des meilleures traditions occidentales, aurait un allié à l’Est qui comprend déjà aujourd’hui environ un quart de la population mondiale: la Shanghai Cooperation Organisation (SCO). Ses membres que sont la Chine, le Kazakhstan, le Kirghizstan, la Russie, le Tadjikistan, l’Ouzbékistan se rencontrent régulièrement dans ce cadre avec des Etats au statut d’observateur, comme la Mongolie, l’Inde, le Pakistan et l’Iran. Celui en Europe qui croit que rien ne peut là se souder ni ne s’accorder devrait reconsidérer sa façon de voir le monde, remontant à l’antiquité euro-centrée. Une frontière intérieure de l’Eurasie n’existe pas réellement du point de vue géographique et géologique, elle n’est qu’historique et culturelle. Mais là aussi, les frontières s’estompent déjà très tôt, rappelons-nous les interdépendances russes avec l’Europe occidentale en ce qui concerne les échanges d’art artisanal, de scientifiques et de gens au sang bleu. Et derrière la Russie, il y a la Chine qui œuvre déjà depuis le milieu des années 1990 à la création de cinq corridors d’infrastructure qui devront relier l’Asie à l’Europe : les chemins de fer en constitueront seulement l’épine dorsale. Betschon souligne que ces corridors de développement, semblables aux anciennes routes de la soie, créent des centres de développement en chaîne perlée avec un fort rayonnement.

    Pékin – Hambourg : les trains plus rapides que les bateaux

    Mais qui, dans cette Europe au regard toujours fixé sur les États-Unis, s’en est aperçu ? Le 9 janvier 2008 par exemple, un train pionnier a été mis en route pour la première fois avec des biens pour l’Europe, et cela depuis Pékin. Destination Hambourg ! Un trajet de 9800 km à travers six pays. Le résultat? Arrivée à Hambourg au bout de 18 jours – pour la même destination par voie maritime avec des porte-conteneurs on aurait mis presque 40 jours! Un événement qui ouvre de toutes nouvelles dimensions – et un regard sur la carte de l’Eurasie le montre : qu’est-ce qu’il y a de plus naturel que le renforcement des voies terrestres depuis la Chine vers l’Europe ? L’Eurasie est un continent en soi, une masse territoriale naturellement faite pour constituer une seule et même superficie – ce que l’on ne peut vraiment pas dire de la relation entre l’Europe et les Etats-Unis, séparés par deux océans.
    Naturellement, pour l’historien, il y a aussi des souvenirs sombres en ce qui concerne un corridor transeurasien: les pays de l’Europe continentale ont déjà une fois essayé d’établir un lien par voie terrestre avec l’Orient. Qu’on se rappelle le projet du «chemin de fer Berlin-Bagdad». Comme le démontre l’historien Daniele Ganser dans son livre «Europa im Erdölrausch» [L’Europe dans la fièvre pétrolière], on aurait pu transporter de façon peu coûteuse du pétrole depuis l’Irak jusque dans les centres économiques de l’Europe centrale. Et cela sans dépendre de la flotte britannique, donc de l’Empire mondial britannique. Nous savons tous, ce qui est arrivé alors: un petit bout de pays n’était pas intégré dans le pont terrestre germano-habsbourgeois-ottoman: la Serbie. Qu’il y ait eu par la suite ce coup de fusil dans le Sarajevo occupé par l’Autriche – qui devait assurer à la puissance maritime de la Grande-Bretagne le monopole pétrolier au Proche-Orient, et l’on parle là aussi de la Première Guerre mondiale – cela est connu, certes mais peut-être moins connu avec ladite toile de fond sus-mentionnée.
    Les pays européens, la Russie et la Chine doivent se tenir sur leurs gardes et empêcher puissance maritime encore numéro 1, les États-Unis, mettent en scène là quelque chose de semblable à ce que firent les Britanniques en 1914. Des essais de déstabilisation par le passé en Ukraine, en Azerbaïdjan, dans les républiques centrasiatiques pourraient être classifiés en prolongement de cet arrière-fond.

    L’empire marche à reculons – à lire quotidiennement dans les journaux

    Franz Betschon a publié son analyse en 2009. Tout comme von Salis, qu’il vénère, il n’a pas besoin de corriger quoi que ce soit. Au contraire, beaucoup de points problématiques qu’il a cités sont devenus encore plus évidents après trois ans. Que le président Obama ait pu faire admettre Hagl comme ministre de la Défense en dit long: qu’un ministre de la Défense des Etats-Unis mette en garde contre le lobby pro-Israël et aspire à des négociations avec l’Iran, qu’un ministre des Affaires étrangères, John Kerry, visite le Caire, Riad et Doha, mais laisse de côté Tel Aviv, c’est quelque chose. Que maintenant des négociations avec l’Iran soient possibles avec la présence des Etats-Unis, et en même temps aussi la Chine et la Russie, c’est encore autre chose. Que le Premier ministre turc mette sur le même plan le sionisme, le fascisme, l’antisémitisme et l’antiislamisme et les condamne, et se fasse vivement critiquer dans les médias israéliens,7 mais qu’il reste quand-même un allié étroit des Etats-Unis et qu’il veuille, malgré ou bien justement à cause de ces déclarations, adhérer à l’UE, est encore un troisième élément. Qu’un Kenneth Waltz veuille accorder, dans Foreign Affairs de juillet/août 2012,8 la bombe à l’Iran, parce que le monde deviendrait ainsi plus sûr, surtout le Proche-Orient, parce que la puissance nucléaire d’Israël aurait ainsi un adversaire – Israël qui, d’après ce «Grand old man» des sciences politiques américaines, représenterait le danger principal pour la paix dans la région –, voilà qui nous fait dresser l’oreille! Cela sonne un peu comme une stratégie d’échiquier d’un Brzezinski, auquel Betschon se réfère plusieurs fois, mais alors une stratégie de retrait des joueurs d’échec de l’Empire.

    Renouer avec le concept de Roosevelt du respect de la souveraineté des Etats-nations

    Il serait souhaitable pour les habitants de l’Eurasie, mais aussi du Proche-Orient, et cela de quelque nationalité et de quelque appartenance religieuse fussent-ils, que la stratégie chinoise des nouvelles routes de la soie puisse se réaliser et ainsi la cohabitation pacifique économique et politique, et cela sans manœuvres déstabilisatrices transatlantiques. Quels paysages florissants pourraient en résulter, si ce grand continent pouvait se ressouder, comme Kishore Mahbubani ne cesse de répéter. Si les anciens ennemis mortels, Japon et Chine, après les affres de la Seconde Guerre mondiale et après les plus de 30 millions de Chinois tués par les Japonais, peuvent aujourd’hui coopérer paisiblement, pourquoi cela ne devrait-il pas être possible au Proche-Orient? Et pourquoi les Etats-Unis ne devraient-ils pas s’orienter selon le modèle de Roosevelt du respect de la souveraineté des Etats-nations? Vu l’endettement exorbitant, c’est une nécessité de l’heure – et aussi celle du bon sens. Une tâche qui siérait bien au Prix Nobel Obama. Mais l’UE également pourrait se rendre digne de son prix Nobel et enterrer son hostilité en direction de l’Est. La population suisse pourrait alors, dans cette situation confuse et complexe, s’investir comme nation des bons services et vivre son fédéralisme comme exemple d’une cohabitation édifiante et pacifique, et cela sans lorgner du côté des grandes puissances.
    Si le livre de Franz Betschon peut diriger pensée, réflexion et action dans cette direction, il s’avérera riche en effets bénéfiques. On lui souhaite un large lectorat, et bien sûr pas seulement en Suisse.     •

    Tobias Salander, historien  http://euro-synergies.hautetfort.com/

    1    Franz Betschon: Das eurasische Schachturnier. Krisen, Hintergründe und Prognosen. Frankfurt/Main, 2009. ISBN 978-3-8301-1234-1.
    2    David P. Goldman: Un monde sans dominance des USA, né à Phnom-Penh. In: Horizons et débats no 53 du 28/12/12
    3    Hans-Christof von Sponeck: La tentative d’appliquer la responsabilité de protéger a lamentablement échoué en Libye. In: Horizons et débats no 18/19
    du 7/5/12
    4    Frappe contre la Syrie – cible: la Russie. Interview d’Andrej Iljitsch Fursov. In: Horizons et débats no 37 du 10/9/12
    5    Kishore Mahbubani: Die Rückkehr Asiens. Berlin 2008. ISBN 978-3549073513
    6    Hans Köchler: Weltgericht ohne Weltstaat. Strafjustiz unter dem Diktat der Realpolitik? Kommentar zu Idee und Wirklichkeit des Internationalen Strafgerichtshofes zehn Jahre nach dem Inkrafttreten des Römer Statutes. Vienne, 1/7/12.
    http://i-p-o.org/Koechler-ICC-Weltgericht-ohne-Weltstaat-IPO-OP-1July2012.htm
    7    At UN conference, Erdogan calls Zionism «crime against humanity». In: Haaretz du 28/2/13.
    www.haaretz.com/news/diplomacy-defense/at-un-conference-erdogan-calls-zionism-crime-against-humanity.premium-1.506392
    8    Kenneth N. Waltz: Why Iran should get the bomb. Nuclear balancing would mean stability.
    In: Foreign Affairs July/August 2012. Ed.: Council on Foreign Relations. Traduction française in:
    Horizons et débats no 43/44 du 22/10/12

     

    Dans le chapitre «megatrends» [tendances mégas], l’auteur ose émettre quelques pronostics extrêmement passionnants et au fait très convaincants du développement futur: sans se fixer sur une date et un ordre, on pourrait s’attendre aux développements suivants:
    1.    L’Europe et l’Asie se souderont économiquement sans retour.
    2.    L’Eurasie développera une politique fédéraliste de commerce, d’extérieur et de sécurité.
    3.    La notion d’«Occident» deviendra superflue: L’Europe de l’Ouest, l’Amérique du Nord et Israël ne formeront plus une unité.
    4.    L’Europe continentale s’orientera vers l’Est. L’Amérique du Nord ne sera intéressante plus que pour le commerce.
    5.    L’UE et l’OTAN devront être reconsidérés et remplacés par quelque chose de nouveau.

  • Jean Mabire AUX SOURCES DE L’ÂME

    L'on ne peut que se réjouir de la parution du Que lire ? de Jean Mabire regroupant les portraits d'écrivains présentés au long des dernières années dans National Hebdo.
    C'est d'autant plus une heureuse initiative que « cette promenade sentimentale dans le jardin des lettres » est complétée par l'heureuse bibliographie réalisée par Anne Bernet.
    Il faut se féliciter aussi que les chroniques, qui n'excèdent pas trois pages, sont précédées d'un texte bref de présentation, toujours alerte et accrocheur, et généralement conclues par une de ces chutes dont Mabire a le secret.
    Celui-ci a du style comme il a du caractère. Ce Viking écrit d'une plume d'acier trempée dans la meilleure forge de Thor.
    Il est évidemment impossible de commenter ici les quelques soixante-quinze stations de la promenade que nous offre ce premier volume de Que lire ?
    Mais, à partir des jugements de Jean Mabire, chacun pourra faire son bouquet, allant à la découverte ou à la redécouverte d'auteurs dont certains sont à juste titre tirés de l'oubli dans lequel voudraient les enfoncer les censeurs du « politically correct ».
    Jean Mabire est un homme de clan comme il le rappelle souvent, ce qui ne doit pas être confondu avec le sectarisme. 
    Sa critique littéraire ne vise donc pas à réfréner sa subjectivité.
    Si bien qu'en se promenant avec lui à travers les œuvres, c'est aussi l'écrivain et l'homme Mabire que l'on découvre, fidèle à lui-même, à ses élans et à ses rêves, tel que je l'avais perçu quand, il y a bien longtemps, j'étais militant convaincu du journal l'Esprit Public qui réunissait jadis les meilleurs plumes du combat pour l'Algérie française.
    Mabire chante toujours « sa belle Europe aux longs cheveux d'or », une Europe aux cent drapeaux qui rassemblerait : les Celtes et les Germains, les Vikings, les Slaves et les Latins.
    Son optimisme est entier puisque parlant de Romain Rolland qui fut pour lui un « indo-européen exemplaire » bien plus qu'un militant communiste, il regrette qu'il soit régulièrement oublié alors que « les Etats-Unis de notre continent, Est et Ouest retrouvés, vont sans doute naître avant la fin du siècle. »
    Mabire ne s'étonnera pas de ce que je ne partage pas ce que je crois être une illusion sinon une tragique utopie. Ne pensant pas pour ma part que l'on puisse rassembler l'Europe sur une base régionaliste et en effaçant les grandes nations qui la constituent, je ne partage pas son enthousiasme pour le constructionnisme européiste d'un Pierre Gripari, par ailleurs délicieux écrivain.

    Mystique du paganisme
    Pour être éclectique, Jean Mabire ordonne ses jugements autour de ce que je n'oserais pas appeler une hiérarchie de valeur mais plutôt une hiérarchie d'humeur. Il écrit dans sa préface : « J'estime davantage les libres-penseurs que les conformistes, les aventuriers que les pantouflards, les anarchistes que les dévots, les instinctifs que les intellectuels, les enracinés que les cosmopolites, les enthousiastes que les sceptiques, les écrivains populaires que les auteurs hermétiques, mais j'aime autant les romantiques que les classiques et les révolutionnaires que les conservateurs. »
    Ce sont les écrivains « telluriques », « panthéistes », ceux du « sang et du sol » ceux qui pratiquent « la religion de la forêt », les «polythéistes» que Mabire préfère, exécrant les « bigots hypocrites » (les bigots sont en effet toujours hypocrites comme le garde-à-vous est figé et la Marseillaise vibrante... ).
    Je ne pense pas exagéré de dire que Mabire est un mystique du paganisme. Entendons-nous bien, il ne rejette certes pas tous les écrivains chrétiens. Mais il préfère ceux, qui sont comme il dit, de type « moyenâgeux », aimant la nature comme François d'Assises, ne comprenant peut-être pas que c'est la louange du Créateur que celui-ci a chantée en aimant et en célébrant comme il se doit la beauté et la bonté de la Création.
    Mabire peut en effet trouver beaucoup de paganisme chez les meilleurs écrivains chrétiens s'il confond simplement celui-ci avec l'amour du Réel ! Mais, quelle vision du christianisme a-t-il donc ? Ne confondrait-il pas celui-ci avec je ne sais quel catharisme repoussant la Création comme l'œuvre du mal, ce catharisme qu'exalte pourtant, par ailleurs, sans crainte des paradoxes, son ami Saint-Loup, au demeurant magnifique romancier qui mériterait largement le prix Goncourt que lui subtilisèrent les méchants, les policiers de la pensée. Mabire aime la réincarnation méridionale de Nietzsche chez Antonin Artaud, les hymnes païens aux paysages du Dauphiné chez Henri Béraud, et chez Théophile Briand « la celtique antithèse à la religion du désert ».
    Il se plaît à noter qu'Alphonse de Chateaubriand marqué par la tradition chrétienne et royaliste est, par plus d'un trait, panthéiste et révolutionnaire, et que Joseph Conrad a écrit sa détestation de la religion chrétienne et de « l'absurde conte oriental sur lequel elle se fonde ».
    S'il admire que, chez Xavier Grall, « barde de révolte », la même ferveur mystique et sans culte, puisse unir paganisme et christianisme, il observe que les paysans de Maurice Genevoix sont « tranquillement païens et ne se plient pas aux habitudes de la masse crédule des campagnes » ...
    Après cinquante réflexions du même genre, disons tout net, que l'ami Mabire ne se contente pas d'un anticléricalisme que l'on peut quelque fois partager mais qu'il s'efforce de capter principalement dans les écrivains ce qui peut aller, ou être interprété, dans le sens de son franc militantisme païen.
    Ainsi, Le solstice de juin d'Henry de Montherlant est pour lui « le livre le plus féroce sur l'été 40 ». Tellement féroce ajoute-t-il « par son opposition constante de la force païenne germanique et de la chrétienne démission française. »
    Je ne sais si cette expression est de lui ou de Montherlant. Quoi qu'il en soit, elle relève d'une prodigieuse injustice, et Mabire, qui n'aime pas les tièdes et les hypocrites, acceptera donc que je m'insurge contre cette évidente contre-vérité ! 
    La France de 1940, en effet, héritait de deux siècles d'antichristianisme véhément, des massacres de la Révolution, des persécuteurs maçonniques, de l'école laïque de principe mais antichrétienne de fait, de la boucherie effroyable de 14/18 exterminant principalement les masses rurales «crédules». Elle était celle de la Chambre des députés du Front populaire, communistes, radicaux et socialistes, aimant bouffer du lard le vendredi saint.
    Par contre, il y eut ensuite beaucoup de chrétiens pour sauver l'honneur français : sur les champs de bataille du Nord comme dans l'œuvre de la Résistance menée par le maréchal Pétain, et dans celle de l'armée d'Afrique comme dans la Résistance soutenue par Londres. Et il y en eut aussi pour choisir héroïquement d'affronter sur le front de l'Est les armées rouges de Staline.

    Fraternelles prières
    Après ce coup de gueule, qu'il me pardonnera avec sa générosité coutumière, je veux dire aussi ma sympathie pour le Viking de National Hebdo. Et d'abord, puisqu'il aime montrer ce qu'il y a de païen chez les chrétiens qu'il aime, il ne me tiendra pas rigueur d'exprimer qu'il y a aussi chez lui, de chrétien.
    Observons ce regret émouvant qui pointe quand il rappelle que, par la voix du cardinal Feltin, la bénédiction de l'Église lors de son enterrement fut refusée à cette païenne de Colette que j'aime d'ailleurs autant que lui.
    Je ne pense pas que pour l'heure, Mabire souhaite à sa mort la bénédiction de l'Église. Mais je suis persuadé que, même si je ne suis plus de ce monde, que mes amis sauront lui offrir de fraternelles priêres afin que lui soient ouvertes les portes du paradis qu'il mérite, pour avoir tant aimé la Création d'un Créateur qu'il s'est peut-être dissimulé derrière les dieux antiques de ses forêts. Car, comment ne pas observer que le polythéisme, les cultes farouches du sang et du sol, l'attachement au clan, sont les caractéristiques communes de toutes les sociétés pré-chrétiennes, aussi bien des Bédouins d'Arabie que des Indiens d'Amérique.
    La fidélité à nos lointains ancêtres doit-elle exclure tout ce que le christianisme, au-delà des erreurs des péchés et des infidélités a apporté de vrai progrès aux sociétés ?
    Certes, je puis comprendre combien la complaisance d'une grande partie de l'Église pour les idéologies communistes et autres a pu révulser, particulièrement en ce siècle, des hommes refusant la décadence contemporaine.
    Mais d'où vient cette décadence ?
    Nous aimons pour notre part méditer cette parole de Chesterton: « Chassez le surnaturel, il ne reste plus que ce qui n'est plus naturel ». Et force est de constater aussi que les sociétés de moins en moins chrétiennes deviennent de plus en plus inhumaines.
    Faudra-t-il alors, comme dans le roman de Raspail, se réfugier dans les dernières forêts ?
    Le débat avec Mabire vaut d'être mené.
    S'il admire chez Curzio Malaparte le fait de passer avec désinvolture d'un parti à un autre comme la marque d'un esprit supérieur, je sais qu'il aime aussi ceux dont l'honneur s'appelle fidélité.
    La considération et l'amitié que je porte à Jean Mabire ne sauraient me conduire à le jouer sans discernement.
    Au fond de lui, il n'apprécierait pas. Et c'est ainsi que je continuerai à le lire, avec plaisir parce qu'il écrit bien, avec attention parce que nous sommes embarqués sur le même navire et qu'au fond, nous contemplons la mer et les étoiles avec le même regard émerveillé et interrogateur.
    Bernard ANTONY National Hebdo du 13 au 19 octobre 1994

  • Edouard Drumont et la catastrophe actuelle... en 1880

    Les sondages nous apprennent que tous les Français se plaignent (sauf les islamistes et les infatigables bobos), ce qui prouve que notre époque est peu riche en nouveautés. J’en veux pour preuve la relecture de Drumont, qui au-delà de ses défauts justement condamnés par l’Histoire, a puissamment inspiré Bernanos (peu suspect de fascisme !) dans sa "Grande-peur des bien-pensants". La lecture de Drumont et des différentes facettes de l’interminable dégénérescence occidentale nous convainc une fois de plus qu’à la Fin de l’Histoire - 1806 pour Kojève - le temps est devenu pseudo-cyclique. Et que notre décadence comme celle des Romains peut bien durer cinq siècles ! Le reste est affaire d’élections et de résultats des courses.

    ***

    Drumont voit tout arriver, c’est comme si nous étions. La déchristianisation et la pédophilie supposée des religieux ? Elle est bien sûr au rendez-vous.

    « Dans un village où j’habitais les Frères étaient adorés, les mêmes instituteurs étaient là depuis vingt ans, ils avaient élevé tout le pays. Un jeune Frère arrive, un scandale se produit et il se trouve que le père de l’enfant, qui se prétendait victime, avait été condamné jadis à vingt ans de travaux forcés pour attentat à la pudeur. Evidemment il y eut, en cette occasion, soit corruption par le père, soit prédisposition maladive héréditaire chez l’enfant à porter son imagination sur certaines idées... »

    Cela va de pair avec un déclin rapide de notre enseignement, déclin moral et technique, dénoncé aussi dans les années 1880 par l’inévitable Gustave Le Bon :

    « C’est contre le pauvre encore, contre le pauvre uniquement, qu’est édictée la loi scolaire. Le riche trouvera toujours le moyen de faire élever ses enfants chrétiennement, le pauvre ne le peut pas ; pour lui l’athéisme est obligatoire. (...)

    Grâce aux méthodes pédagogiques allemandes, que Michel Bréal fit adopter en France, les pauvres cervelles de nos enfants, brouillées par mille notions confuses, devinrent incapables d’aucun effort sérieux. Le niveau des études classiques baissa rapidement et les candidats au baccalauréat en arrivèrent à ne plus savoir l’orthographe. »

    Ici au moins nous avons progressé ! Ce n’est plus l’athéisme, c’est l’islamisme qui est obligatoire pour nos pauvres ! Mais on continue ce parcours du combattant.

    Le monde nouveau est un monde de superficiels et de gogos : l’éternité des crises boursières est prévue par la banqueroute de Law en 1720 !

    « Law fonda véritablement en France, sur des ruines qui n’instruisirent personne, cette exploitation financière de la bêtise humaine qui devait prendre plus tard des proportions si énormes. Il fut l’apôtre plein de hardiesse d’un nouveau Credo, le Crédit, la croyance à des valeurs imaginaires qui allait être la foi d’une société plus naïve que l’ancienne et plus facile à tromper, à la condition de faire appel, non à des idées supérieures, mais aux convoitises, à l’amour du gain. Le succès de l’Ecossais en France est un grand événement, il annonce qu’au chrétien sincère et sensé d’autrefois va succéder un type tout à fait inconnu aux siècles passés, le gogo, le badaud, l’actionnaire... »

    Le persan de Montesquieu annonce aussi à l’époque de Law le journaleux, le cynique qui se moque de tout : comme d’autres, Drumont aurait donc pu se passer de ses boucs émissaires coutumiers. Mais l’antisémitisme, comme l’a compris Nietzsche, fait partie de l’arsenal infini de la bêtise moderne.

    ***

    Epoque de dépeuplement de la France et d’immigration, le dix-neuvième siècle est aussi l’époque du féminisme moderne, celui de la théosophie et de l’institutrice branchée. Drumont écrit à ce propos :

    « Nihilistes de l’amour et de la famille, on les rencontre à chaque pas, les bohèmes enjuponnées, portant le chignon court, le faux-col masculin, et ayant pour signe de ralliement le pince-nez professionnel. Elles enseignent, elles consultent, elles décident. Une cour est autour d’elles... En outre, pour affirmer leur supériorité, elles ont des raffinements extrêmes et contribuent au développement de ce culte de Lesbos, dont les autels de chair voient aujourd’hui tant d’agenouillées. »

    C’était avant les excitées de la FEMEN ! Et avant la télé réalité, voici ce que Drumont décrit du déclin de la noblesse, de la vie des salons, de la mode, bien plus horrible qu’aujourd’hui, et du people :

    « Tout l’armorial de France, toute la vraie noblesse est présente à cette fête sans nom, à cette espèce de prostitution de soi-même qui, dit justement l’Univers, inspire une sorte d’épouvante... Il n’existe plus, d’ailleurs, de salons qui aient encore une autorité un peu considérable... La médisance spirituelle, l’allusion fine d’autrefois, ont fait place au potin grossier que l’on craint toujours de voir passer de la conversation dans le journal du boulevard... Le club et les courses se chargent des hommes ; la toilette ruine les femmes... On a affublé les femmes du monde d’espèces de selles postérieures, qui les font ressembler à l’animal qu’on a appelé "le vaisseau du désert" et qui en serait plutôt le Polichinelle. »

    Certains à droite se sont battus pour les colonies, fabrication de la république de l’époque. Il ne faut pas oublier que Drumont était de gauche, et profondément hostile au capitalisme ainsi qu’aux aventures coloniales. Voici ce qu’il écrit de la conquête de l’Algérie :

    « On ne peut évidemment mettre en avant aucun motif patriotique ou élevé.

    La politique coloniale, qui a sa raison d’être pour les peuples embarrassés d’un trop plein de population, serait insensée pour la France où le nombre des naissances est inférieur à celui des autres nations, et qui est obligée maintenant d’appeler des ouvriers étrangers sur son sol. Cette admirable Algérie, qui est à nos portes, qui ne demande qu’à être cultivée, et où personne ne veut aller, est là pour nous démontrer l’inutilité de nos possessions lointaines. »

    Et voici ce qu’il écrit de la conquête indochinoise :

    « En six cents ans, les habitants du Tonkin, qui sont le peuple le plus indigent de l’Asie et qui vivent exclusivement du riz qu’ils récoltent, ne nous achèteront pas pour un million de marchandises.

    "Je défie, disait, devant la commission, le vice-amiral Duperré ancien gouverneur de Cochinchine, qu’on me cite un Français pouvant gagner au Tonkin, dans l’industrie, de quoi payer son passage pour revenir en France." »

    Drumont note bien sûr l’écroulement démographique et psychique de la France qui a pris de l’avance sur le reste de l’Europe et de l’Amérique WASP. Nous avons créé un trou noir démographique et aujourd’hui l’islamisme galopant de nos contrées n’est qu’une conséquence de cette inversion des valeurs :

    « En 1789, la France figurait encore pour 27 pour 100 dans la population totale, en 1815, le chiffre n’était plus que de 20 pour 100, il est aujourd’hui de 18 pour cent.

    On sent comme un astre qui entre dans la période glaciaire, dont l’atmosphère radiante diminue. »

    Le problème est que le Français moderne s’en fout, et cela Drumont aussi l’a compris le premier, avec son hypersensibilité et sa résignation rebelle. Pour le néo quelque chose, il n’y jamais bobo.

    « L’être qui est là est un moderne, un nihiliste, il ne tient à rien ; il n’est guère plus patriote que les trois cent mille étrangers, que l’aveuglement de nos gouvernants a laissés s’entasser dans ce Paris dont ils seront les maîtres quand ils voudront ; il ne se révoltera pas comme les aïeux sous l’empire de quelque excitation passagère, sous une influence atmosphérique en quelque sorte qui échauffe les têtes et fait surgir des barricades instantanément. Un monarque quelconque auquel on aurait à reprocher la moitié des infamies, des prévarications, des hontes sans nombre accumulées par le régime actuel, aurait entendu depuis longtemps l’émeute rugir aux portes de son palais. En réalité tout cela laisse la masse profondément indifférente... »

    Ce que j’ai cité se rapproche assez de l’australien Pearson, de Nietzsche ou de Tolstoï à l’époque. Je pourrai aussi citer les autrichiens Karl Kraus et Weininger, génies juifs mécontents de la modernité. Bien sûr le XXe siècle ramènera son retour de bâton avec son lot de patriotisme, de fanatisme de tranchées, de racisme de comptoir et de tueries. Ne vaut-il pas mieux alors demeurer décadent ?

    En tout cas, vive les familles qui résistent. L’époque n’est pas drôle, et elle dure.

    Nicolas Bonnal http://www.france-courtoise.info

  • MATERIEL : Civilisation et soutien du paléolitique à 1715

    Toute grande civilisation a toujours eu pour caractéristique essentielle de tendre vers une unité interne la plus forte possible. Cette dernière s’appuie à la fois sur des données fondamentales telles que la religion, l’obsession de la grandeur, la volonté de domination ; la foi en ses seules forces vives culturelles, morales, techniques, spirituelles et sur les moyens de pratiquer ces valeurs, à l’intérieur comme à l’extérieur, grâce à l’administration et à l’armée.

    Au fil des âges le fait militaire, composante et reflet de la société, subit parallèlement à cette dernière, de profondes et constantes évolutions.

    Le soutien, c’est-à-dire le cheminement suivi, de l’approvisionnement à la réparation, pour assurer l’état optimum d’un matériel, reflète lui aussi les mœurs du temps.

    Pendant des siècles, l’acte guerrier en tant que tel requérant seul l’attention, le soutien est passé sous silence. En outre, il se confond souvent avec la fabrication.

    Il faut attendre le XVIe siècle et la mise en place d’une armée qui par son organisation, préfigure l’armée moderne, pour que cet effort de rationalisation rejaillisse sur les corps chargés de l’entretien des matériels.

    La civilisation néolithique, c’est-à-dire de la « pierre nouvelle », voit l’apparition du savoir-faire. Si le matériau de base reste toujours la pierre, l’Homme a appris à distinguer des composantes plus dures et à polir la matière de base. L’invention des outils est à la fois cause et effet de l’évolution du comportement. L’Homme devient sédentaire : il défriche, se livre à la culture, et construit des huttes. Puis des groupes organisés se forment, préfiguration des sociétés à venir qui travailleront et se défendront ensemble.

    Enfin, par longues étapes successives, l’Homme apprend à utiliser les métaux existant à l’état naturel, le cuivre et l’or, à les retrouver ensuite dans certains minerais et à les isoler pour obtenir le premier alliage (cuivre et étain) qui donnera le bronze. Le fer, la roue, la domestication du cheval apparaîtront plus tard.

    L’ancêtre de tout perfectionnement mécanique est bien cette roue, moyen des premiers transports, principe fondamental (cycle, cercle) de toute évolution.

    L’Homme guerrier de la préhistoire, homme libre, élaborait lui-même ses armes. Mais avec l’apparition d’un embryon de société, dès les premières civilisations antiques, il n’en est plus de même en raison de la spécialisation des métiers (forgerons, tanneurs, etc.) et de la domination de l’Homme sur l’Homme poussée à son paroxysme — l’esclavage.

    Cette tendance va s’accentuer dans les civilisations égyptienne, mésopotamienne et achéménide où, objet du mépris du guerrier, le fabricant d’armes sera esclave ou, au mieux, fera partie du plus humble des prolétariats urbains.

    La civilisation égyptienne

    Constituée dans la seconde moitié du IVe millénaire av. J.-C. elle se déroule sur 3 500 ans. Tout comme la civilisation chinoise, ses fondements paraissent assis sur la poursuite d’un âge d’or, songe fabuleux, dont la religion, particulièrement puissante, se fait l’écho. Cet âge d’or appartenant au passé, toutes les forces vives de ces nations vont s’appliquer à le faire revivre en pénétrant toujours plus au fond des traditions, en les élevant jusqu’au plus haut degré de perfection et de rigueur et, par là- même, en rejetant tout progrès, toute velléité d’évolution qui irait à leur encontre. C’est le temps des civilisations hiératiques, figées, tournées vers la contemplation d’elles-mêmes, riches de leur vie intérieure, les yeux au fond de l’âme.

    Dès les temps les plus reculés, le roi est Dieu – croyance profondément ancrée au cœur des hommes et non simple imagerie pour asseoir la puissance d’un homme. Sa fonction essentielle, outre la religion, se rapporte à la guerre, même si les Égyptiens se livrent à l’éloge fréquent de la paix.

    Les accessoires indispensables et inséparables de l’unité sont l’administration et l’armée dont la force réside dans l’élaboration de règles communes, de voies larges ouvertes au lieu de chemins sinueux.

    L’organisation administrative est la seule possibilité d’exploitation rationnelle d’un pays démesurément allongé.

    L’armée doit décourager l’ennemi extérieur et briser les ferments de rébellions internes. Toutefois, en temps de paix, n’existent ni revues, ni inspections, ni manœuvres. L’administration militaire est négligée et la profession de soldat ne jouit pas d’une bonne réputation (du moins sous l’Ancien Empire). Aussi emploie-t-on des mercenaires, avec les dangers de troubles et de séditions que cela comporte.

    Sur le plan intérieur, le rejet d’une armée permanente par la population provient à cette époque de l’influence conjointe d’une centralisation étatique très poussée, autour d’un chef unique, avec l’administration comme principal agent de transmission et d’exécution, et de l’état d’esprit très particulier d’un peuple extraordinairement docile qui non seulement recherche l’ordre, l’autorité et ressent le besoin d’un encadrement poussé mais encore risque de connaître un véritable désarroi général si la centralisation vient à se relâcher.

    Les aspirations profondes de ses sujets permettent au pharaon de pousser à leur terme les tendances unificatrices, en luttant à la fois contre l’aspiration des grands à l’autorité individuelle et celle des collectivités locales très isolées à l’autonomie.

    La scission entre le soldat et le peuple va s’atténuer peu à peu, la récompense du mercenaire consistant en l’attribution d’un lot de terre transmissible à l’héritier mâle qui devient obligatoirement un soldat. Ainsi se réalise l’interaction soldat-peuple et peuple-soldat. Le nombre de soldats étrangers diminue alors, et la pratique de la conscription s’estompe. L’armée tend de plus en plus à devenir permanente, aux mains de professionnels et, sous le Nouvel Empire, à partir de 1500 av. J.-C. se crée une véritable aristocratie militaire.

    Cette armée, permanente ou non, est d’abord dotée sous le Moyen- Empire (2000 à 1500 av. J.-C.) d’infanterie lourde et d’infanterie légère. L’armement et l’équipement à base de bois ou de cuir n’évolueront vers l’utilisation systématique du fer qu’avec le Nouvel Empire. Il faut ajouter qu’à partir de cette époque la « charrerie » prendra une importance considérable. Des arsenaux fourniront les équipements. La misère des ouvriers, esclaves ou sous-prolétaires urbains, deviendra terrible. Le forgeron sera toujours « à la gueule du four » et empestera plus « que les œufs de poisson ».

    La civilisation mésopotamienne : Sumer et Assur

    Le génie mésopotamien, surtout empirique, comme en témoignent le code d’Hammourabi à Babylone et la bibliothèque d’Assurbanipal à Ninive, découlerait de la conception d’une réflexion profonde divine qui ne laisserait de place qu’à des traducteurs, les plus précis et les plus minutieux possibles.

    Ainsi l’armée assyrienne des VIIIe et VIIe siècles av. J.-C. dans laquelle le service militaire et l’entraînement sont obligatoires, est surtout remarquable par la différenciation des unités et de leurs équipements selon les missions qui leur sont assignées : chars de guerre, cavalerie lourde, infanterie divisée en corps d’archers et de piquiers, sapeurs.

    Il faut ajouter que des artisans habiles pratiquant l’alliage et la soudure, isolent à l’état pur cinq métaux : or, argent, cuivre, étain et plomb. Mais l’armement est semblable à celui que possédaient les Égyptiens du Nouvel Empire.

    Ici apparaît le premier « soutien » vraiment organisé, toujours conséquence de ce génie empirique qui interdit les idées révolutionnaires et fulgurantes mais pousse le parti qui peut être tiré de l’existant à sa plus haute expression. A l’inverse des Égyptiens dont la conquête est généralement interne (vers les sources du Nil), les Sumériens et Assyriens sont des peuples conquérants dans toute l’acception du terme. Pour ne pas être dépendante des pays traversés, l’armée assyrienne possède un train d’équipages avec chameaux et ânes, chargé de la ravitailler en nourriture et en matériel.

    Mais Assur et Ninive tombent sous les flèches des Mèdes.

    La civilisation de la Perse achéménide

    «  Moi, Xerxès, grand roi, Roi des rois, roi des pays aux nombreuses races, roi de cette terre grande au loin, fils de Darius le roi, achéménide, perse, fils d’un Perse, aryen, de race aryenne. »

    En 546 ou 545 av. J.-C. le roi perse Cyrus s’empare de Sardes. Peuple d’origine indo-européenne, installé au cours du ne millénaire av. J.-C. dans la partie occidentale du plateau de l’Iran, les Aryens, dirigés par les Mèdes et alliés aux Babyloniens, détruisent Ninive et reçoivent la Haute- Mésopotamie après le partage de l’empire assyrien. Et, de peuple allié, il devient peuple dominateur.

    Les Perses fondent une civilisation composite (550 à 331 av. J.-C.), où la tolérance pour les idées et les religions des peuples conquis va jusqu’à la participation. L’assimilation autour du noyau pur y est trop imparfaite pour permettre l’existence d’un sentiment national.

    De force, ce cosmopolitisme devient faiblesse et ferment actif de décomposition de société et de décadence. Traduction dans les faits de cet état d’esprit, l’armée pourrait être grande par la possibilité de réunir des effectifs nombreux, mais les combattants vont à la bataille sous la menace du fouet ou de la mort immédiate, les soldats ne comprennent pas la langue de leurs chefs, enfin l’armement disparate ne laisse aucune possibilité d’un soutien efficace.

    Que peuvent les Iraniens, noyau pur, cavaliers formidables et les 10 000 « Immortels », ces fantassins de la garde, au milieu de cet état en décomposition, contre les hordes déferlantes d’Alexandre ? 

    Alexandre

    Dans ses conquêtes, Alexandre (356-323 av. J.-C.) tend toujours à réaliser une unité humaine, soubassement d’une unité morale : son génie lui fait entreprendre la réalisation de la plus gigantesque communauté entrevue.

    Héritier d’une armée puissante, conçue par Philippe II, son père, il doit en partie ses succès foudroyants à l’essor remarquable de la technique militaire : emploi de la cavalerie, des machines, des éléphants, entraînement imposé aux hommes. Pour la première fois au monde sont créés des parcs de machines : tours roulantes, béliers, catapultes qui lancent des projectiles de pierre ou de plomb plus ou moins lourds selon qu’elles sont utilisées en campagne (catapultes légères) ou lors de sièges (catapultes lourdes). Ces services techniques sont sous les ordres du grand maître, l’ingénieur Diadès.

    Sparte

    Sparte, à un degré moindre, de par son importance plus restreinte que l’Egypte et la Chine, réunit cette même vénération des traditions, cette immutabilité, ce hiératisme où le corps et l’esprit sont également figés. Repliée sur elle-même, fermée au monde extérieur, ancrée dans ses concepts de grandeur, d’élitisme, de société arrivée au plus haut degré de perfection à travers les « égaux » et l’art militaire, Sparte restera une énigme, un bloc d’airain qui, portant en son sein toutes les grandeurs, mais atteint par les faiblesses du monde extérieur en évolution, sera démantelé et précipité dans sa chute.

    Rome et son empire

    A l’instar de celui d’Alexandre, le génie de Rome est un génie d’assimilation. Polybe écrit : « Plus que n’importe quel autre peuple, les Romains savent modifier leurs coutumes et en prendre les meilleures. »

    Cela se retrouve à travers l’armement. L’artisan romain apprend à imiter le bouclier oblong et bombé des Gaulois, le pilum fait d’un fer effilé sur une tige de bois des Samnites, le glaive court des Ibères (tout ceci pour l’infanterie), la lance aux deux pointes métalliques, la cuirasse et le solide bouclier équipant la cavalerie et emprunté aux Grecs, enfin les machines de guerre copiées des Grecs et des Carthaginois. Mais le sens de l’organisation et l’esprit pratique des Romains leur permet d’adopter des solutions astucieuses, comme celle des « corbeaux », grands grappins formant passerelle qui permettent l’immobilisation du navire ennemi et la transposition sur mer de ce qu’ils connaissent le mieux : le combat d’infanterie. Faut-il ajouter que les premiers navires de guerre ont été imités ?

    D’Hannibal et des guerres puniques, ils apprennent l’usage des machines de guerre, d’abord à leurs dépens, puis maîtrisent et même dépassent en compétence les inventeurs macédoniens. Les principales machines de jet sont alors la catapulte et le scorpion qui lancent de gros traits, la baliste qui projette des pierres ainsi que l’onagre. La catapulte et le scorpion permettent le tir tendu, les autres machines, le tir courbe.

    Le soutien de ces matériels, très nombreux à la fin de l’empire (une baliste par centurie, montée sur des affûts roulants tirés par des mules et un onagre par cohorte sur des charriots tirés par des boeufs) est probable­ment confié à la « chambrée » (onze soldats) qui sert chaque baliste ou bien au soldat lui-même, puisque chaque légionnaire, en plus de ses armes et de ses rations journalières, porte pieux et outils. Une telle prévoyance pour l’élaboration du camp ne peut que se retrouver au niveau de la répa­ration du matériel. Il faut ajouter que la questure distribue matériel et fournitures.

    Sous la Rome républicaine qui voit au siècle av. J.-C. la création de la légion, l’armée représente l’alliance intime de l’armée de métier et de la milice de citoyens. Le service militaire est obligatoire, l’équipement à la charge du soldat, ce qui réserve l’infanterie lourde et la cavalerie aux plus riches, les principales charges militaires pesant sur la classe moyenne des paysans propriétaires qui fournit le gros des légionnaires. L’armée connaît la pratique du licenciement en hiver.

    Pour lutter contre les abus des riches refusant la conscription, Marius (en 107 av. J.-C.) renonce à désigner d’autorité les recrues et accepte tous les citoyens riches ou pauvres qui désirent s’engager. Après la phase d’utilisation de plus en plus massive des étrangers parmi les auxiliaires et l’extension du droit de cité à tous les Italiens, l’édit de Caracalla (en 212) étend le droit de cité à tous les hommes libres et efface toute distinction juridique à l’intérieur de l’empire et par conséquent de l’armée.

    Sous César, l’armée n’est constituée que pour les campagnes. Mais à partir du ter siècle, pendant le Haut-Empire, elle devient permanente. Grande dévoreuse d’hommes, elle entraîne l’extension du recrutement à partir du IIIe siècle.

    Une des formes les plus originales de ce soutien permanent inscrit dans le métier de chaque soldat est assurément la formidable infrastructure, cause et conséquence des limes.

    Contrairement à la République, l’Empire œuvre non seulement pour l’unité morale, mais également pour l’unité économique et sociale. Cette détermination trouve comme moyens de nivellement social l’administration d’une part, l’armée à travers le recrutement de plus en plus démocratique de ses chefs et ses implantations d’autre part.

    Les limes sont aux confins de l’empire, l’ultime barrière contre les assauts répétés des barbares. Protection du monde romain que ce soit en Bretagne, le « mur d’Hadrien » de la Tyne au Solway Firth, doublé plus au nord par le « mur d’Antonin » du Firth of Forth à la Clyde, ou entre Rhin et Danube, le limes de Germanie, constamment perfectionné depuis l’époque des Flaviens jusqu’à la mort d’Antonin, couvrant les Champs décumates (plus de 500 km) en amont de Bonn, se détachant du Rhin et rejoignant le Danube en amont de Ratisbonne (Regensburg), le limes est constitué de remparts de bois ou de pierre ponctués de fortins; le tout est complété par un réseau très ramifié de routes reliant tous ces postes entre eux et avec les camps principaux des légions dans l’arrière-pays. Le soldat y est sédentaire, chargé surtout d’une fonction de guet. Il cultive son champ et doit subvenir à tous ses besoins. Sa vocation de terrassier y est poussée au plus haut degré, mais le contact permanent avec la population, certes facteur de romanisation, affaiblit son esprit militaire. Cet ouvrier se sait assuré, grâce à l’excellence des communications, de percevoir dans les camps reculés les approvisionnements nécessaires à l’entretien de ses matériels.

    De manière à la fois paradoxale et très compréhensible, les civilisations les plus guerrières sont celles qui ont laissé le moins de renseignements sur le soutien; de manière paradoxale puisque appelés à naître, vivre et mourir par l’art de la guerre; de manière compréhensible, puisque d’une part la fabrication et le soutien de l’arme, défensive ou offensive, sont réservés aux couches les plus basses de la société (esclaves, sous- prolétariat urbain) et que, d’autre part, seul l’exploit guerrier en tant que tel se révèle, pour elles, digne d’intérêt.

    Le Moyen-Age

    Après la chute de l’Empire romain, la décomposition de la société, le chaos provoqué par les invasions barbares ne déboucheront que quelques siècles plus tard sur un embryon de société organisée : la société féodale. Aux XIe et XIIe siècles, celle-ci est caractérisée par le contraste entre la médiocrité effective du souverain et la haute mission qu’il doit remplir. Le pouvoir réel est détenu par les grands féodaux grâce à « l’hommage ». A l’origine le fief étant octroyé avec pour contrepartie l’hommage, puis l’hommage découlant de la possession du fief, ce dernier devient héréditaire. Les grands féodaux vont asseoir leur puissance sur une organisation guerrière, la chevalerie, qui tout en prétendant répondre à l’idéal édicté par les conciles de Charroux et du Puy (en 989 et 990) et qui se résume à un devoir de protection des biens de l’église et des petites gens sans défense, va en réalité accentuer plus profondément la différence sociale entre le guerrier et le rustre. Une poussée démographique permettra l’extension de la chevalerie continentale.

    La technique du combat et le soutien découlent de ces conceptions de caste où prime le combat au corps à corps et par là-même, l’armement individuel. Durant cette période les armures sont de véritables œuvres d’art et le forgeron, grâce au progrès du travail du fer, devient l’auxiliaire indispensable et disputé du seigneur. Le renforcement et le luxe de l’armure évoluent de façon parallèle à l’accroissement des revenus seigneuriaux ; l’usage des projectiles est abandonné aux piétons, la cavalerie ayant le rôle dominant. Les valets d’armes de l’époque peuvent d’ailleurs être presque assimilés aux responsables actuels de l’entretien.

    Cette conception individualiste de l’art militaire évoluera aux XIVe et XVe siècles, temps de troubles et de mutation. Cette évolution sera liée à l’accroissement de la puissance de feu, à l’importance plus grande dévolue à l’infanterie, à la tolérance, à la coopération des « armes », enfin à la pratique de manœuvres sur le terrain.

    Depuis le XIIIe siècle, l’Occident sait raffiner le salpêtre et le mélanger au soufre et au charbon de bois. L’invention de l’affût, au XVe siècle permet l’augmentation du nombre et du volume des bouches à feu. Toutefois, cette évolution est compromise par les problèmes du coût de cette arme nouvelle et de l’exploitation minière.

    Au début du XVe siècle il faut être « maître » pour devenir artilleur, car le métier d’artilleur consiste à construire le matériel, le canonnier se bornant à l’utiliser. Ainsi apparaît une spécialisation au sein de l’armée qui va de pair avec la volonté d’entretenir un personnel permanent. Auparavant les maîtres du soutien étaient réquisitionnés suivant les besoins parmi les artisans civils et la soldatesque se trouvait uniquement là pour les protéger.

    Vers l’époque moderne

    A mesure que le pouvoir royal prend de l’ascendant sur les nobles, l’organisation des armes se fait plus précise. En 1536, onze magasins d’artillerie existent, à raison d’un par province du royaume. Il faut ajouter aux « officiers ordinaires » servant l’artillerie, des canonniers, charpentiers, charrons, forgeurs, déchargeurs, tonneliers et tentiers. Des pionniers sont chargés de la garde et du transport des munitions, poudres et boulets. D’autres sont affectés au service autour des pièces. Quelques chiffres donnent une idée de l’importance des moyens mis en œuvre : 30 pionniers pour chaque canon ; 24 pour une grande couleuvrine, 12 pour une bâtarde, 6 pour une moyenne, 4 à chaque pièce pour faucon et fauconneau. En outre les attelages comportent 23 chevaux pour un canon, 17 pour une couleuvrine, 13 pour une bâtarde, 9 pour une moyenne, 4 à 6 pour les faucons et fauconneaux. Un capitaine de chevaux a la responsabilité de 200 chevaux. Enfin, la composition d’un équipage ordinaire d’armée est la suivante : un équipage ou parc de siège et de campagne (30 bouches à feu répondant à une armée de 30 000 hommes et comprenant 10 canons, 4 grandes couleuvrines, 8 bâtardes et 8 moyennes, sans compter les faucons, fauconneaux et arquebuses à croc), est commandé par un lieutenant d’artillerie délégué du grand maître et 4 commissaires ordinaires ayant sous leurs ordres, outre les officiers comptables et de justice, 94 canonniers, 6 charpentiers, 4 charrons, 4 forgerons, 4 déchargeurs et 1 500 pionniers. Le train se compose d’un capitaine de charroi, de 4 conducteurs ordinaires de charroi, de 7 capitaines de chevaux, de 325 charretiers et de 1 300 chevaux menant, outre les affûts, 200 chariots et charrettes.

    A la fin du XVe siècle, l’armée de Charles VIII combine d’une part les hommes munis d’armes de jet qui préparent les attaques de loin, les hommes bien protégés, équipés d’armes de mains chargés d’enfoncer l’ennemi ou de briser l’attaque par la formation du hérisson, les hommes légèrement armés aptes aux mouvements rapides et d’autre part, les gendarmes des compagnies d’ordonnance bardés de fer, portant la grosse lance avec leurs coutiliers et leurs archers, la grosse infanterie armée pour plus de la moitié des hommes avec de longues piques ou des hallebardes, pour un dixième avec une arquebuse à croc, enfin les arbalétriers à cheval et à pied. L’artillerie compte à cette période 140 bouches à feu à tourillons, en bronze, se chargeant par la gueule.

    L’exemple des guerres d’Italie va influencer profondément les progrès de l’armement et les conceptions de l’art militaire ; la fameuse balance, glaive-bouclier se retrouve ici : les boulets ébranlent les murs, aussi entoure-t-on ceux-ci de monticules de terre qui amortissent les chocs.

    En 1515, Marignan est la première grande bataille des temps modernes. L’artillerie emporte certes la décision, mais grâce à une étroite coopération avec la cavalerie et l’infanterie.

    Le XVIe siècle se caractérise par une amélioration constante de l’armement, telle l’invention vers 1525 de l’arquebuse à rouet : l’étincelle provoquée par le choc du silex sur la roue élimine la mèche que l’on allumait auparavant. Cette arme, d’abord adoptée par les cavaliers, provoquera la mort de l’arc et de l’arbalète.

    Au cours de la même période, la notion d’armée nationale commence à l’emporter sur celle d’armée de mercenaires.

    L’objectif militaire se traduit par « la stratégie des accessoires » : par une guerre de siège on s’empare des forteresses, « portes » des royaumes et non des centres vitaux. En effet, d’une part le but n’étant pas la destruction de l’ennemi, d’autre part les problèmes de ravitaillement rendant plus que nécessaire la vie sur le pays, l’envahisseur se doit de ne pas pratiquer la politique de la terre brûlée. C’est ainsi que pendant la guerre de Trente Ans (1618-1648) les soldats vivent sur le pays.

    Le XVIIe siècle connaît des réformes profondes tant au plan des conceptions stratégiques que pour l’organisation pratique du soutien.

    La stratégie des accessoires s’est poursuivie faute de mobilité suffisante des armées ; il faut une journée pour ranger 30.000 hommes en ordre de bataille.

    Sur ce point, l’influence de Gustave-Adolphe de Suède est décisive. Il allège le mousquet, répand l’usage du mousquet à rouet (ce qui lui permet de multiplier par trois ou quatre sa cadence de tir), il fragmente son infanterie en petits corps indépendants, donc manœuvriers, le feu devenant de plus en plus efficace contre la cavalerie; il porte le nombre des mousquetaires au double de celui des piquiers, emploie la gargousse pour activer le tir de l’artillerie, augmente le nombre de canons, munit l’infanterie de petites pièces de 4 poussées à bras. Son infanterie deux fois plus nombreuse prépare l’attaque de sa cavalerie qui demeure l’arme de décision.

    L’esprit de ces réformes (accroissement de la rapidité et de la puissance de feu, allègement des armes, fractionnement pour une meilleure mobilité) est adopté par Turenne et Condé. On peut détruire l’ennemi et penser à une guerre de mouvement, toutes les armes travaillant pour la cavalerie. Rocroy, Lens en 1643 et 1648 en sont des exemples éclatants.

    Richelieu, puis Mazarin, ainsi que les secrétaires d’État à la guerre Sublet de Noyers et Le Tellier mettent un terme aux carences de l’approvisionnement grâce à un système de contrôleurs des guerres chargés de veiller au paiement de la solde, d’assurer le ravitaillement, de juger les délits commis par les soldats, d’obliger les munitionnaires à la constitution de dépôts et à des livraisons de bonne qualité.

    Cette stratégie de la guerre de mouvement atteint son apogée entre 1660 et 1680. Les armées connaissent alors le maximum d’efficacité sur le plan puissance de feu : emploi grandissant du fusil (pièce d’acier contre laquelle vient frapper le silex), utilisation des grenades à main pour battre les angles morts, organisation de troupes spéciales de bombardiers et de canonniers, adoption du tir par ricochet du boulet sur le sol ou vers un obstacle, ce qui sème le désordre dans les rangs et permet d’atteindre un objectif dissimulé. Elles développent également leur mobilité par la création des « dragons », infanterie montée très mobile. Louvois organise des convois de charrettes et de fardiers, des magasins près des frontières, des réserves de fourrage, de façon à avoir la possibilité d’entrer le premier en bataille. Au même moment, Vauban se consacre à l’attaque des places; il perfectionne le système des tranchées parallèles aux fortifications ennemies pour abriter des batteries et la pratique des brèches, des sapes en zig-zag pour la progression. Au point de vue défensif, il enterre les murs dans des fossés profonds et croise les feux des bastions.

    Mais après 1680, les armées deviennent plus importantes et par conséquent moins manœuvrières et moins efficaces. L’infanterie et le combat sur ligne ont de nouveau la primauté. C’est la fin (provisoire) de la guerre de mouvement.

    De l’anarchie individualiste du Moyen-Age et de la chevalerie, l’art militaire évoluera donc vers une organisation de plus en plus poussée, étroit corollaire de la centralisation monarchique. L’armée permanente et nationale succédant à l’armée de mercenaires entraînera une militarisation des spécialistes du soutien et une évolution vers une conception véritable de l’approvisionnement de l’armée en campagne.

    Issue de l’infanterie, l’artillerie sera longtemps une arme délaissée et méprisée. Puis, des avantages matériels, un accroissement de l’importance de son rôle attireront vers elle de grands seigneurs. Au sein de l’artillerie, les compagnies d’ouvriers connaîtront et souffriront des mêmes préjugés, jusqu’au jour où, comme pour l’artillerie, l’aspect de haute technicité du service les haussera au niveau d’une arme à part entière.

    Lieutenant Anne-Marie MANS http://theatrum-belli.org

    Source du texte : Revue Historique des Armées, numéro spécial sur « Le matériel » (1980)

  • Maurice Allais, l'économiste détesté de ses pairs

    M. Olivier Pastré, personnage redondant et péremptoire auquel on pourra difficilement échapper sur France-Culture, est d'un conformisme comique pour un intellectuel-bo-bo au pedigree impeccable, qui joue en permanence à l'affranchi.
    Couvert de distinctions et de diplômes, ce professeur d'économie, doyen de Paris VIII, fut consultant à l'OCDE puis à la CEE, appartint au Commissariat au Plan, fut conseiller du directeur du Trésor, directeur de collections aux Éditions la Découverte, conseiller scientifique de la Revue d'Économie Financière, directeur de collection aux Éditions Perrin, pendant des années éditorialiste quotidien sur France Culture, actuellement producteur sur la même antenne, de L'Économie en Question. Il est membre du Conseil Scientifique de l'Autorité des Marchés Financiers, administrateur de l'Association des Directeurs de Banque, Professional Fellow de l'Institut Europlace de Finance, administrateur de CMP Banque (filiale bancaire du Crédit Municipal de Paris). Mais nous nous intéresserons tout particulièrement à un aspect de sa biographie souligné par le Cercle des Économistes auquel, bien entendu, il appartient : « De 1987 à 2002, Olivier Pastré a été Directeur Général Adjoint puis Directeur Général de GP Banque (rebaptisée, à partir de 1999 SBFl, (Société de Banques Françaises et Internationales), seule banque d'affaires européenne à s'être spécialisée sur le Maghreb et le Machrek. À ce titre, il a dirigé une quarantaine de cadres répartis entre la France, le Maroc, l'Algérie et la Tunisie et a géré cinq fonds d'investissement. Olivier Pastré est (ou a été) administrateur de Medifin et MSIN (Maroc), (société boursière marocaine), d'Union Bank (Algérie) (mise en liquidation dans les remous de l'effondrement de l'empire Khalifa) et d'IM Bank (Tunisie) (International Maghreb Merchant Bank Première banque d'affaires agréée dans un pays du Maghreb, qui fonctionne sous la tutelle des autorités financières tunisiennes). Il a été nommé Directeur Général d'IM Bank en 2000 et Président en 2001. (Ce qu'il est à ce jour). Dans le cadre d'lM Bank, Olivier Pastré a participé à plus de 20 privatisations au Maghreb en tant que conseil du Gouvernement ou d'investisseurs privés ». GP Banque, puis SBFl, était une filiale de la Société Marseillaise de Crédit, rachetée en 2008 à HSBC-France par BPCE - Banque Populaire-Caisse d'Epargne -. Devenue une filiale de Natexis, elle est dirigée par l'Algérien Abderrahmane Hadj Nacer, ancien directeur de la Banque Centrale d'Algérie. Outre que cela montre à quel point l'homme est profondément inféodé au Système financier mondialiste, on ne peut mieux éclairer les liens qui le lient « au Maghreb et au Machrek » et par incidence le peu d'empathie que lui inspirent ceux qui n'ont de goût ni pour l'un ni pour l'autre.
    Dans une notice biographique laconique que France Culture consacra le 15 octobre au Prix Nobel d'économie Maurice Allais, tout juste décédé à 99 ans, il trouva néanmoins l'occasion d'agresser le Front National qui « avait, dit-il, tenté de le récupérer » faisant ainsi « une erreur d'évaluation ».
    M. Pastré dispose de tribunes considérables dont il use et abuse pour faire passer ses opinions et les messages que ses maîtres de la finance l'ont chargé de diffuser. Et il peut autant qu'il le veut s' en prendre à des gens qui n'ont aucun moyen de répondre à ses attaques. Il devrait savoir néanmoins que le Front National n'a jamais eu à récupérer le Pr Allais parce que depuis 45 ans nous étions dans la même démarche que lui. Et cela a même commencé alors qu'il militait en lisière de l'OAS dans un combat pour l'Algérie Française, dans lequel en effet on ne trouvait les amis actuels de M. Pastré que parmi les porteurs de valises de ceux que combattait Maurice Allais. Ce qui explique largement que le seul prix Nobel d'Économie français ait subi l'habituel traitement au silence réservé aux insoumis. À ceux qui ont la mémoire courte on rappellera ce que cet homme sage et objectif écrivait en 1962 dans L'Algérie d'Evian : « J'estime que les crimes aveugles de l'OAS doivent être condamnés, mais que les hommes qui les commettent ont été rendus « fous furieux » par la politique inhumaine et odieuse poursuivie par le Pouvoir et qu'ils doivent dès lors bénéficier de notre compréhension et des circonstances atténuantes ; j'estime encore qu'un jugement analogue doit être porté quant aux crimes, non moins odieux, commis par les hommes du FLN. J'estime que ces crimes, il était certain qu'ils seraient commis, car on ne peut attendre de gens primitifs et fanatiques, après sept ans de combats clandestins et atroces, au cours desquels ils ont été impitoyablement décimés, qu'ils se comportent en hommes raisonnables et civilisés. De là,je conclus qu'il est non seulement inhumain, mais insensé, pour le Pouvoir de livrer dans de telles conditions (les Accords d'Evian) le groupe minoritaire désarmé à la merci du groupe majoritaire supérieurement armé. J'affirme que c'est là une décision barbare qui restera longtemps au cours des siècles qui vont suivre comme un opprobre ineffaçable pour notre pays ».
    En économie comme ailleurs il y a des géants et il y a des nains. Et ce ne sont pas forcément ceux qui monopolisent le discours médiatique qui sont les plus dignes.
    Georges MAÎTRE. Rivarol du 29 octobre 2010

  • France souviens-toi de qui tu es !

    Lorsque la Révolution Française a éclaté, l’Europe n’en revenait pas de ce que le plus doux, le plus aimable des peuples ait ainsi pu se transformer un en monstre sanguinaire, aveugle prêt à déchiqueter sans discernement quiconque se dressait devant lui. Il est saisissant de lire cet étonnement des contemporains européens dans leur correspondance.

    Et depuis ? Depuis qu’est devenu le plus aimable des peuples ? A-t-il toujours le goût du sang aux lèvres ? Si nous regardons l’histoire chaotique et violente qui émaille les deux derniers siècles, nous serions bien tentés de répondre oui. Comme un homme ne se remet jamais d’un meurtre, comme une personne saine se relève difficilement d’un coup de folie meurtrière, la France semble comme abrutie depuis deux siècles. On le dit trop peu, le peuple de France n’est pas encore sorti de l’épisode révolutionnaire. Preuve s’il en est le nouveau maire de Rouen en est encore à débaptiser le salon Louis XVI pour lui donner le nom de… République. La période révolutionnaire, avec sa violence inouïe, a créé une rupture qu’une certaine idéologie a savamment entretenue. Il y a un avant et un après, comme il y a un ancien et un nouveau régime. Que l’on soit monarchiste ou républicain m’importe peu ici, car la cassure qui a eu lieu n’est pas seulement politique. Elle est identitaire et anthropologique. La France n’est plus la même. [...]

    Tribune libre de Cyril Brun* - La suite sur Nouvelles de France

    http://www.actionfrancaise.net