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culture et histoire - Page 1872

  • Le «brave» général Boulanger

    Cent ans après son suicide et la fin de l'aventure boulangiste, un nouveau livre vient de paraître sur celui que l'on surnomma «le général Revanche». Il manqua de prendre le pouvoir, grâce à son incroyable popularité et aux ramifications d'un mouvement qui recrutait tant à l'extrême droite conservatrice qu'à l'extrême gauche révolutionnaire. Renonçant à franchir le pas d'un coup d'Etat, Boulanger fut finalement vaincu par l'ultime sursaut d'une «Ripouxblique» dont les scandales avaient accru la combativité. Le récit de Jean Garrigues (1) évoque parfois des problèmes plus actuels qu'il n'y paraît.

    La formule est bien connue : « L'Histoire ne repasse pas les plats » et rien ne serait plus erroné ni même plus nocif que d'essayer de faire de la singulière aventure du général Boulanger la préfiguration d'autres échecs (le 6 février 1934) ou d'autres succès (le 13 mai 1958). On a comparé parfois - et l'auteur de ce livre ne s'en prive pas dans sa conclusion - Boulanger à La Rocque, à Pétain ou à de Gaulle. Ce n'est pas toujours faux. Mais ce n'est pas totalement vrai non plus.

    Encore faudrait-il connaître l'homme lui-même et ce livre est un assez bon guide du musée boulangiste. Physiquement, le militaire auquel il ressemble le plus, sur les caricatures du moins, est le général Massu, dont il avait sans nul doute et la bravoure militaire et le sens politique.

    On a peine en ces temps paisibles à imaginer la carrière d'un jeune saint-cyrien de 1855 (promotion Crimée-Sébastopol). Né le 29 avril 1837, à Bourg-lès-Comptes, au pays gallo, fils d'un avoué breton et d'une aristocrate écossaise, le sous-lieutenant Georges Boulanger va se battre avec un fantastique courage. On le verra à la tête de ses hommes en Kabylie, en Italie où il est très grièvement blessé d'une balle qui lui traverse la poitrine de part en part, en Cochinchine ou au Cambodge. Promu capitaine au feu, il est à nouveau blessé devant Paris, par les Prussiens en 1890, puis par les Communards en 1871.

    Il termine l'année terrible comme lieutenant-colonel. Ses notes sont éloquentes : « Caractère hautain, s'appréciant lui-même d'une façon légèrement exagérée. » En termes plus vifs, ce baroudeur est un ambitieux et même un arriviste. La vantardise et l'art du mensonge apparaissent vite comme ses armes favorites. Cet amateur de chevaux et de jolies femmes (au milieu de tant de passades, on lui connaîtra deux grandes passions : Tunis, son alezan noir, et sa maîtresse Marguerite de Bonnemains) va curieusement montrer autant de pusillanimité politique qu'il a fait preuve dans sa jeunesse de témérité guerrière.

    De plus en plus mégalomane, au fur et à mesure qu'il assure sa carrière par un savant mélange d'esbroufe et d'hypocrisie, il se montre à la fois zélé clérical chantant à tue-tête, lors d'un pèlerinage, « Sauvez, sauvez la France, au nom du Sacré-Cœur ! » et républicain avancé, patronné par Gambetta, ce qui ne l'empêche pas de faire sa cour au duc d'Aumale ! Faiseur et charmeur, il obtient ses étoiles en 1880, devenant à quarante-trois ans le plus jeune général de brigade de l'année française.

    On n'a sans doute pas prêté assez d'attention au voyage qu'il accomplit en Amérique, pour diriger la mission militaire française, lors des festivités commémorant le centième anniversaire de la bataille de Yorktown.

    Il rêve peut-être de devenir un «soldat politique», du style La Fayette. Outre-Atlantique, il découvre cette arme fantastique, inconnue encore en Europe, qu'est la publicité. Il lancera plus tard son mouvement comme Barnum son cirque ! Inculture et affairisme. ce continent a tout pour lui plaire, puisqu'il permet de fulgurantes réussites à qui a le sens de l'opportunité, peu de scrupules et un indéfectible optimisme allié à la certitude d'avoir toujours raison. L'innovation de Boulanger dans la vie politique française, ce sera peut-être d'y avoir tenté une carrière à l'américaine, d'autant qu'il a retrouvé aux States un camarade de Saint-Cyr, converti dans les affaires : le « comte» Dillon, qui va devenir un des hommes clés du boulangisme et son grand argentier.

    Directeur de l'infanterie au ministère de la Guerre, Boulanger passe pour un «général républicain» de style radical. Clemenceau, son ancien condisciple au lycée de Nantes, ne jure que par lui. Il en reviendra.

    En attendant, après un passage comme général de division commandant les troupes françaises en Tunisie, durant lequel il se fait surtout remarquer pour ses mauvais rapports avec le Résident, il est nommé, au début de l'année 1886, ministre de la Guerre.

    Ce poste est pour lui un marchepied, ce qui ne l'empêche pas d'être un bon ministre, obsédé qu'il est par l'idée de revanche.

    On ne comprend rien à Boulanger si on ne le replace pas dans le cadre du délire anti-allemand de son époque. Par ses foucades et ses discours, il incarne le coq gaulois contre l'aigle teuton. Son patriotisme belliqueux et revanchard coïncide parfaitement avec le climat, plus chauvin que social, qui constitue alors l'armature même de la République. Parlementaires radicaux ou «opportunistes» savent que le paravent tricolore permet de camoufler bien des intrigues sordides et bien des affaires juteuses, tout en obtenant la neutralité provisoire des conservateurs et des cléricaux. Pour tous ces bourgeois, l'essentiel est d'asseoir le régime des «bleus», tout en évitant le retour des «blancs» ou la revanche des «rouges».

    UN CÉSAR D'OPÉRETTE

    Quel meilleur éteignoir qu'un képi ? Boulanger sert à merveille les ambitions d'un régime qui ne tient pas à voir ni l'élite ni le peuple se mêler de trop près à des combines dont la plus ignoble sera le trafic des décorations par le propre gendre du président de la République !

    Seulement, en intronisant un militaire ambitieux à un poste en vue, le gouvernement joue à l'apprenti-sorcier.

    Arrive la revue du 14 juillet 1886. C'est là où tout commence. En une journée Boulanger devient brusquement ultra-populaire, échappant à toutes les tentatives de classification politique. Avant qu'on ne parle de lui comme d'un César, on découvre brutalement, dans ce général de belle prestance, ce que Jean Garrigues nomme très justement « la première star de la vie politique française ». Le retour de Longchamp, c'est-à-dire finalement un non-événement, peut se comparer à la venue de Pétain à Notre-Dame en 1944 ou au discours de De Gaulle à la Bastille une quinzaine d'années plus tard.

    Ce qu'Adolf Hitler connaîtra à Nuremberg après la prise du pouvoir de 1933, Boulanger le connaît avant ! Car tout est là : il n'est pas au pouvoir. Il n'est encore que le pion d'une des innombrables combinaisons ministérielles de la IIIe République.

    SANS DOCTRINE ET SANS SCRUPULES

    Comment prendre le pouvoir ? Telle est la question qui va dominer ces cinq années, dont la courbe fiévreuse, malgré quelques sommets, va aller de la popularité à la solitude, de la griserie à l'échec, du rêve au néant.

    Premier point, capital. Boulanger, qui prétend tout décider par lui-même et mener son mouvement comme une armée, n'a ni doctrine, ni méthode, ni clairvoyance, ni même volonté. Que lui reste-t-il alors ? Du charme et de la chance, et aussi une absence totale de scrupules qui permet parfois les plus brillantes manœuvres mais conduit souvent aux plus sombres déroutes, où tout est perdu, et l'honneur avec.

    S'il n'a pas d'idées - il est seulement «révisionniste», ce qui veut dire désireux de réviser la Constitution le général a des amis (dont le temps montrera la lassitude et l'infidélité). Sensible à la flatterie, il confie les rouages du mouvement à qui l'encense ou pire encore, à qui le rétribue. Car toute cette aventure coûtera beaucoup d'argent.

    Boulanger sera très vite prisonnier des médiocres (les fidèles) et des gredins (les bailleurs de fonds). Cela n'empêche pas une réussite initiale : rassembler des gens que tout séparait.

    Cela va du politicard-type Alfred Naquet, sénateur et israélite, à Marie-Clémentine de Rochechouart-Mortemart, duchesse d'Uzès, chouanne richissime et chasseresse. Les deux piliers de l'entreprise boulangiste ne sont certes pas des hommes dépourvus de qualités : l'ex-marquis Henri de Rochefort-Luçay, aristocrate et communard (sur lequel il faut absolument lire le beau livre d'Eric Vatré, paru aux éditions Lattès) et Paul Déroulède, animateur des cent mille volontaires de la redoutable Ligue des Patriotes, dont l'Histoire a fait un pantin, alors qu'il fut un cœur pur et sans doute la meilleure tête politique du boulangisme. Déroulède et Rochefort symbolisent à eux deux la rencontre «nationale» et «socialiste» d'un mouvement que rejoindront, tôt ou tard, entre beaucoup d'autres, l'ancien général de la Commune Emile Eudes et le jeune écrivain nationaliste Maurice Barrès, l'antisémite catholique Drumont et la future communiste Séverine, le marquis de Morès et l'aubergiste Marie Quinton, la Belle meunière.

    Tous sont unis par la haine des mêmes ennemis : les parlementaires républicains, qu'ils soient radicaux ou opportunistes, et qui ont depuis quelques années multiplié les faiblesses, les scandales et les trafics. On parle alors de «république des escrocs» comme on dira, sous Stavisky, la république des voleurs et aujourd'hui la «ripouxblique» ...

    Voulant à la fois ne pas mécontenter les républicains durs et purs et les partisans de la monarchie, les banquiers juifs et les ouvriers rouges, les cléricaux et les libres penseurs, les bonapartistes et les blanquistes, Boulanger - as du flou artistique - se garde bien de mettre sur pied un grand parti structuré; il se contente d'accumuler les «coups électoraux», d'abord triomphaux puis catastrophiques.

    On l'a, à tort, présenté comme une sorte de «pré-fasciste», en invoquant sa faculté de rassembler la droite et la gauche (et surtout l'extrême droite et l'extrême gauche). Mais il n'en a jamais opéré la fusion. Nul d'entre ses partisans ne s'est rallié à une synthèse «nationale-socialiste» mais chacun est resté au contraire prisonnier de ses origines, tout en imaginant que le général partageait ses idées.

    L'ÉTERNEL RETOUR DE L'HOMME PROVIDENTIEL

    Finalement, il n'y a pas plus de «boulangisme» que de «pétainisme» ou de «gaullisme». Peu d'idées, mais le ralliement à un homme providentiel. Qu'il fût coiffé d'un képi et qu'il traînât un sabre favorisa manifestement les choses, surtout dans les milieux les plus populaires qui sont aussi à l'époque les plus tricolores.

    L'habileté de Boulanger a été de faire croire aux républicains qu'il allait épurer la république et aux royalistes qu'il allait ramener le roi, se présentant aux orléanistes comme une sorte de Franco avant la lettre.

    Au début de juillet 1887, Boulanger n'est plus ministre et le gouvernement le met au vert à Clermont-Ferrand. Une manifestation monstre à la gare de Lyon marque son départ (on croirait Soustelle quittant Alger !). De son exil provincial, le général de division complote. Ce jacobin notoire n'hésite pas à rencontrer secrètement les chefs royalistes et bonapartistes. Il en obtient des promesses et des subsides qui, après sa mise en non-activité avec demi-solde, suivie d'une mise à la retraite officielle, lui permettront de se faire élire triomphalement député du Nord.

    Désormais, il se croit tout permis en cette année 1888, où il conjugue les voix des ouvriers patriotes et des paysans conservateurs, obéissant aux consignes du comte de Paris ou du prince Napoléon.

    1889 s'ouvre par son triomphe à Paris, encore plus boulangiste que la province (sauf dans les beaux quartiers). Seulement la république parlementaire, avec l'aide de la toute nouvelle Ligue des Droits de l'homme et des loges maçonniques, va savoir se défendre par tous les moyens y compris les moyens légaux, sous l'impulsion de Jules Ferry qui était peut-être une crapule mais pas un imbécile.

    Une des premières manœuvres consiste à modifier la loi électorale quand on s'aperçoit qu'elle peut être favorable à Boulanger! La recette fera école.

    On imagine mal l'ampleur de la lutte. Dillon lance une campagne à l'américaine. Fayard imprime à plus de trois millions de livraisons l'Histoire patriotique du général Boulanger. Le journal La Cocarde tire à quatre cent mille exemplaires. On diffuse cent mille de ses bustes en plâtre et des camelots écoulent photographies et images d'Epinal à la gloire de ce candidat que célèbrent les chansonniers. Toute une bimbeloterie fait recette et ses partisans portent même des bretelles boulangistes : «Plus de dos rond», dit la publicité.

    Cette agitation fabrique un héros, mais ne peut longtemps cacher la médiocrité d'un homme. Quand le coup d'Etat est possible, le 27 janvier 1889, il se dérobe et se contente de passer la nuit chez sa maîtresse, qui va désormais totalement obérer sa carrière politique, d'autant qu'elle est gravement malade, phtisique au dernier degré. Le général à l'œillet rouge est amoureux fou de la dame aux camélias ...

    Le gouvernement comprend vite qu'il a devant lui un irrésolu, si confiant par ailleurs en sa bonne étoile qu'il croit parvenir à la magistrature suprême par les seules élections.

    Tandis que le général s'enfuit à Bruxelles, pour éviter la Haute Cour, le pouvoir prononce la dissolution de la Ligue des patriotes, véritable section d'assaut du comité républicain national, puisque telle est l'étiquette du mouvement boulangiste.

    LA DÉROUTE

    Condamné par contumace à la déportation à vie dans une enceinte fortifiée pour atteinte à la sûreté de l'Etat, trahi par les notables conservateurs après avoir déçu les travailleurs révolutionnaires, isolé et secoué à son tour par ce que la presse révèle des coulisses de son mouvement, Boulanger connaît, à l'automne 1889, une véritable déroute électorale dans un pays dont le cœur ne bat plus pour le beau général. Réfugié à Jersey avec sa maîtresse moribonde, il n'est désormais qu'un proscrit sans aucun avenir politique.

    Les élections municipales de Paris, qui fut naguère son plus solide bastion, se soldent par une catastrophe. Au printemps 1890, le boulangisme est fini.

    Voici tout juste cent ans, en 1891, Marguerite de Bonnemains meurt à Bruxelles, le 16 juillet. Son amant, le 20 septembre, se suicide d'un coup de pistolet sur sa tombe. Celui qui l'a naguère mis en selle, Georges Clemenceau, prononce la plus cinglante des épitaphes :

    « Ci-gît le général Boulanger, qui vécut comme il mourut : en sous-lieutenant. »

    Face aux scandales et aux compromissions, il avait incarné, encore plus que la Revanche, ce que l'on pourrait appeler la «Restauration nationale», c'est-à-dire la réconciliation, sous le manteau du patriotisme, des valeurs traditionnelles et des espoirs révolutionnaires.

    En refusant un facile coup d'Etat, il a non seulement ruiné toutes les espérances de ses partisans mais, en même temps, il a entraîné dans sa chute ses alliés monarchistes et communards. Son échec n'a fait que consolider la république bourgeoise, qui devait s'épanouir cent ans plus tard dans le consensus parlementaire unissant aujourd'hui socialistes et libéraux.

    Les héritiers des vaincus de 1891 se doivent de connaître cette triste aventure. Finalement, ce qui a le plus manqué à l'infortuné général, c'est le courage politique, qui est plus rare que la bravoure guerrière; c'est aussi une doctrine solide, un coup d'œil rapide et une ténacité sans faille. Ambitieux mais limité à sa seule personne, il n'a pas été « celui qui sacrifie tout de lui-même à quelque chose de plus grand que lui-même ».

    (1) Jean Garrigues : Le général Boulanger, 380 p., Olivier Orban.

    • Jean Mabire le Choc du Mois • Juin 1991

  • Un « vivre-ensemble » en al-Andalus ? (3)

    Suite et fin des fatwas (décisions de justice) concernant les Chrétiens et les Juifs (dhimmis), issues du livre de Vincent Lagardère.

    Cordoue IXe siècle. Yahyâ b. Yahyâ.

    « La nuit du premier janvier julien que les gens appellent la nativité (de Jésus) est célébrée comme l’une de leurs fêtes ; ils échangent des mets et des cadeaux ; hommes et femmes chôment depuis le matin pour honorer ce jour qu’ils appellent le 1er de l’an.
    Réponse. Tout cela est contraire à la loi religieuse. D’après Yahyâ b. Yahyâ, il n’est pas permis de recevoir à l’occasion de la nativité (de Jésus) des cadeaux d’un Chrétien ou d’un Musulman, ni d’accepter une invitation … »
    (p. 476)

    Cordoue XIe-XIIe siècles. Ibn al-Hâgg.

    « Il ne faut pas aider les Chrétiens à célébrer leurs fêtes, notamment en leur louant des bêtes de sommes. »
    (p. 66)

    Grenade XVe siècle. Al-Qâdî Abû ‘Abd Allâh b. Al-Azraq.

    « Quid des Juifs qui, à l’occasion d’une de leurs fêtes qu’ils appellent la Pâque, font des galettes qu’ils offrent à certains de leurs voisins musulmans ? ces derniers peuvent-ils les accepter et les consommer ?
    Réponse négative contenant plusieurs citations (Ibn Rusd, Ibn ‘Arafa, Ibn al-Hagg). Ibn ‘Arafa allègue l’opinion d’Abû l-Hasan al-Qâbisî interdisant d’accepter les cadeaux des Chrétiens et des Juifs à l’occasion de leurs fêtes ; il déplore que des Musulmans incultes acceptent les cadeaux des Juifs lors de la Pâque. »
    (p. 482)

    Cordoue IXe siècle. Abû Ibrâhîm Ishâq b. Ibrâhîm.

    « Une Chrétienne est déférée au cadi. Née d’un Musulman et d’une Chrétienne qui l’a élevée après la mort du père, elle a épousé un Chrétien dont elle a eu un enfant, il y a vingt ans ou davantage. Interrogée par ce magistrat elle a répondu que son père Chrétien a embrassé l’Islam et qu’après sa mort elle est restée auprès de sa mère et demeurée Chrétienne. La conversion de son père, un mercenaire s’est produite en un lieu autre que celui où elle a vécu. Les voisins affirment que ce Chrétien ayant embrassé l’Islam est mort alors que sa fille n’était pas encore nubile.
    Réponse. Elle doit être considérée comme Musulmane en tant que fille de Musulman à moins qu’elle ne produise une preuve testimoniale établissant le contraire. On l’y contraindra mais sans lui infliger la peine que mérite une renégate. »
    (pp. 53-54)

    Cordoue IX-Xe siècles. Ibn Lubâba.

    « Le conseil des juristes de Cordoue, consulté, approuve la démolition d’une synagogue récemment édifiée à Cordoue. Les tributaires, Juifs et Chrétiens, ne peuvent édifier d’églises ni de synagogues dans les villes musulmanes au milieu des Musulmans. [...] »
    (pp. 55)

    Cordoue Xe siècle. Ibn Zarb.

    « Un jeune Juif de huit ans qui s’est converti ne sera pas retiré à la garde de sa mère et de son père. Une fois adulte, il sera invité à confirmer sa foi et en cas de refus on l’y contraindra par les coups. »
    (p. 58)

    Kairouan IXe siècle. Anonyme et Ibn Abî Tâlib.

    « Un Juif s’habille comme les Musulmans et abandonne la mise qui le distingue d’eux.
    Réponse. Il sera mis en prison, battu et promené ignominieusement dans les lieux habités par les Juifs et les Chrétiens pour l’exemple. Ibn Abî Tâlib a prescrit à l’un des cadis parmi ses subordonnés d’obliger Juifs et Chrétiens à porter leurs ceintures largement déployées sur leur robe pour qu’on les distingue bien, et si l’un d’eux monte à cheval, de l’en empêcher, de lui infliger vingt coups de fouet à nu, puis de le jeter en prison, et en cas de récidive de le battre durement et de l’incarcérer longuement. »
    (p. 111)

    LAGARDÈRE Vincent, Histoire et société en Occident musulman au Moyen Âge. Analyse du Mi’yâr d’al-Wansarîsî, Madrid, Casa de Velazquez, 1995.

    http://histoire.fdesouche.com

  • Un « vivre-ensemble » en al-Andalus ?

    La coexistence pacifique des trois communautés musulmane, chrétienne et juive en al-Andalus est l’un des mythes historiques entretenus par les politiques et idéologues promoteurs du « vivre-ensemble ». Dans une Europe comptant une forte minorité musulmane ne cessant de prendre du poids, présenter l’Islam comme pacifique et tolérant à travers l’exemple de l’Espagne médiévale, paraît nécessaire aux tenants du multiculturalisme.

    Fdesouche Histoire publiera de temps à autres de petites brèves présentant des textes démontrant qu’en dehors de cercles privilégiés, la cohabitation entre les trois communautés religieuses en al-Andalus et plus généralement dans le monde musulman médiéval ne se fit pas dans la paix et l’harmonie mais dans l’intolérance. L’objectif à long terme est de créer une page, récapitulant ces brèves, constituée de citations d’historiens sourcées.

    Les fatwas (décisions de justice) ont été jusqu’ici peu exploitées par les historiens dans l’analyse des sociétés musulmanes médiévales d’Occident. L’ouvrage de Vincent Lagardère, Histoire et société en Occident musulman au Moyen Âge, présente plus de 2000 fatwas – non commentées – issues du Kitâb al-Mi’yâr, corpus de consultations juridiques rendues par les juristes de l’Occident musulman médiéval compilé par le juriste maghrébin al-Wansarîsî (v. 1430-1508). Constituées de deux parties (la question et la réponse), certaines de ces fatwas permettent d’appréhender les rapports entre les différentes communautés religieuses. – Aetius

    Cordoue IXe siècle. Ibn Muzayn.

    « A un Musulman qui a acheté un vêtement chrétien on dit de ne pas faire la Prière en l’ayant sur lui. Il répond ne pas avoir eu connaissance de cet interdit.
    Réponse. S’il n’a pas eu connaissance du fait que ce vêtement était chrétien ou qu’un Chrétien l’avait touché, son ignorance n’entraîne pas qu’il doive le rendre au vendeur, tout comme il est tenu de garder un esclave présentant un vice qu’il déclare avoir ignoré avant l’achat. »
    (p. 168).

    Espagne XIVe siècle. Abû Abd allâh Muhammad al-Haffâr (maître andalou de Muhammad b. Marzûq).

    « Un Juif tributaire excipe à l’encontre d’un Musulman, de trois titres l’un vieux de quinze ans et les deux autres de onze. Il lui réclame un reliquat, dont il prétend être créancier, de chacun de ces trois engagements. Le Musulman soutient qu’il s’en est totalement acquitté. Doit-on admettre sa déclaration, lui faire prêter serment et le tenir quitte vu la longueur du laps de temps écoulé ou, au contraire, ne tenir compte que de son dire s’il produit une preuve testimoniale ?
    Réponse. Les Juifs ont l’habitude de considérer comme licite de gruger les Musulmans. On ne laisse généralement pas son bien pendant longtemps entre les mains d’un autre, à plus forte raison quand il s’agit d’un Infidèle ayant affaire à un Musulman. Les juristes estiment que les règles du droit sont retournées contre tout prévaricateur et injuste notoire. Aussi, celui qui revendique un droit à l’encontre d’un homme de cette espèce n’a qu’à prêter serment pour obtenir satisfaction. Dans le cas présent on suit la règle inverse et c’est ainsi qu’on doit trancher les affaires dans lesquelles sont impliquées des Juifs. Le Musulman devra donc jurer qu’il s’est acquitté envers le Juif et dès qu’il aura prêté serment, le droit du Juif tombera. »
    (p. 186).

    LAGARDÈRE Vincent, Histoire et société en Occident musulman au Moyen Âge. Analyse du Mi’yâr d’al-Wansarîsî, Madrid, CSIC, 1995.

    A suivre.

  • Un « vivre-ensemble » dans l’Occident musulman médiéval ? (2)

    La coexistence pacifique des trois communautés musulmane, chrétienne et juive en al-Andalus est l’un des mythes historiques entretenus par les politiques et idéologues promoteurs du « vivre-ensemble ». Dans une Europe comptant une forte minorité musulmane ne cessant de prendre du poids, présenter l’Islam comme pacifique et tolérant à travers l’exemple de l’Espagne médiévale, paraît nécessaire aux tenants du multiculturalisme.

    livre Lagardère occident musulman

    Les fatwas (décisions de justice) ont été jusqu’ici peu exploitées par les historiens dans l’analyse des sociétés musulmanes médiévales d’Occident. L’ouvrage de Vincent Lagardère, Histoire et société en Occident musulman au Moyen Âge, présente plus de 2000 fatwas – non commentées – issues du Kitâb al-Mi’yâr, corpus de consultations juridiques rendues par les juristes de l’Occident musulman médiéval compilé par le juriste maghrébin al-Wansarîsî (v. 1430-1508). Constituées de deux parties (la question et la réponse), certaines de ces fatwas permettent d’appréhender les rapports entre les différentes communautés religieuses.

    Cordoue IXe siècle. Ibn Habîb.

    « Un homme laisse un silo ouvert et un porc y tombe et meurt. Peut-on vendre le blé qu’il renferme à un Chrétien ?
    Réponse. On ne peut le vendre ni à un Chrétien ni à un Musulman. Son propriétaire ne doit ni le semer ni en tirer profit et il lui faut empêcher que les Chrétiens n’en profitent. »
    (p. 168).

    Cordoue IXe siècle. Yahyâ b. Yahyâ.

    « La maison de tout marchand de vin doit être brûlée. »
    (p. 52)

    Kairouan Xe-XIe siècles. Al-Qâbisî.

    « Un Musulman a un voisin juif qui a été élevé au milieu des Musulmans. Ils se rendent des services et quand ils se rencontrent sur un chemin contigu, ils échangent des propos et sourient. Cet homme déclare : « Allâh connaît ma haine des Juifs, mais j’ai un doux caractère ». Que penser de sa conduite ? Quand les Juifs vous saluent, comment faut-il leur répondre ?
    Réponse. Il vaut mieux ne pas fréquenter les gens qui n’ont pas ta religion. Tu peux rendre service à un voisin tributaire [càd Juif ou Chrétien] et lui parler avec gentillesse, mais sans déférence. S’il te salue en disant « Que le salut soit sur toi », réponds-lui « sur toi » sans rien ajouter et tu n’as pas besoin de ses nouvelles ni de celles de sa maisonnée. Conduis-toi envers lui comme on doit le faire envers un voisin, mais avec une certaine réserve. »
    (p. 464). [phrase soulignée par la rédaction]

    Fès XIVe-XVe siècles. Isâ b. Allâl Al-Kutâmî Al-Masmûdî (cadi de Fès, v. 1420).

    « Si un seul tributaire nuit aux Musulmans tous les autres perdent toute protection ; leurs biens sont pris et assimilés au butin soumis au quint ; les biens de provenance inconnue reviennent au trésor public dont l’inspecteur s’occupera. »
    (p. 47).

    LAGARDÈRE Vincent, Histoire et société en Occident musulman au Moyen Âge. Analyse du Mi’yâr d’al-Wansarîsî, Madrid, Casa de Velazquez, 1995.

    A suivre. http://histoire.fdesouche.com

  • Côté livres

    le-monde-en-2013-vu-par-la-cia-.jpgLe monde en 2030 vu par la CIA est un livre qui n’échappera pas, entre autres, aux amateurs de géopolitique.
    Il permet de voir sous quel rapport la CIA, à l’influence si grande dans la marche du monde, envisage les prochaines décennies.
    « Le centre d’analyses stratégiques de la CIA a synthétisé toutes les informations en sa possession pour dessiner le monde en 2030 [...] Un rapport à l’influence significative et qui envoie un message clair à Obama ».
    302 p. 18 €. Disponible ici.

    Rescapé du camp 14 est un livre de Blaine Harden. Né « dans un des rescape-du-camp-14-blaine-harden.jpgredoutables camps de travail de Corée du Nord, il est le seul auteur connu d’une incroyable évasion [...]
    Un témoignage unique et hallucinant sur le pays le plus secret du monde, et notamment sur ces camps où sont enfermés à vie tous les opposants à la dynastie stalinienne. Un récit terrible, captivant et nécessaire. »
    287 p. 19,5 €. Disponible ici.

     http://www.contre-info.com/

  • La revue Synthèse Nationale n°31 est parue

     

    AU SOMMAIRE :
     
    EAu-delà de la manifestation contre le mariage homo, la lutte contre le mondialisme ! Éditorial de Roland Hélie
    EDe la reconquête française... Marc Noé
    ELe présent italien annonce-t-il le futur français ? Patrick Parment
    EItalie : un entretien avec Gabriele Adinolfi
    EL'Europe est-elle une grande puissance ? Bernard Bres
    ELe dernier diable d'Europe... Georges Feltin-Tracol
    ELes Frères musulmans et les services secrets occidentaux : un entretien avec Jean-Loup Izambert
    EUn appel de 10 avocats européens en faveur de la Paix en Syrie
    ELes Juifs d’Israël finiront-ils comme les Blancs d’Afrique du Sud ? Jean-Claude Rolinat
    ELes bourrins ne sont pas tous dans l’assiette ! Marc Vidal
    EL’Abbé Norbert Wallez et Hergé... Lionel Baland
    ENotules pour servir à une théorie de la guerre idéologique et culturelle. Jacques-Yves Rossignol
    EMenteurs et affabulateurs de la shoah, ou la vie rêvée des camps… à propos du nouveau livre d'Anne Kling
    Retrouvez les articles de Philippe Randa, Pieter Kerstens, Francis Bergeron, du Marquis 
    135 pages : 12,00 €
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  • La Route des Trolls

    Il me tient à coeur avant de finir cette série de mille billets de pousser à la réhabilitation (de l'absinthe, me dit-on dans l'oreillette). C'est vrai, j'ai gardé la cuiller percée en argent¹ de mon grand-père. De réhabiliter disais-je, la panse de brebis farcie écossaise proposée à Edimbourah sous le doux nom de Haggaisse ! Ouh là là ! "Tout d'abord j'ai cru que c'était de la crotte, puis après y avoir goûté, j'ai regretté que ça n'en fût pas" (Jacques Bodoin, 1958). Nous sommes condamnés au haggis par l'Auld Alliance que l'indépendance prochaine de l'Ecosse peut revivifier. Elle a déjà son site web, très bien fait dit en passant et bien sûr une association active, Le Lien franco-écossais : Auld Alliance, le lien Franco-Ecossais est une association de terrain, jeune et opérationnelle et qui a pour objectif de redonner à l’Auld Alliance ses lettres de noblesse et la place qui lui revient auprès du plus grand nombre, en France, en Ecosse et dans le reste du monde nous dit Patrick Gilles, son président.

    La vieille alliance, scellée en 1165 entre les rois de France, d'Ecosse et de Norvège contre l'Angleterre, a porté fruit de 1296 à 1560, année de sa révocation par l'Ecosse quand les chefs de clans passèrent à la Réforme. Certains effets du traité, comme la double nationalité, perdureront longtemps et le point final de 1906, au moment de l'Entente cordiale, n'en serait pas un². Signalons la compagnie écossaise du siège d'Orléans, la garde écossaise des rois de France, de Charles VII à François II, puis hors-traité, la première compagnie de la garde jusqu'à Charles X, et de nombreux combats ensemble ; signalons aussi le Collège des Ecossais de la rue Cardinal-Lemoine au Quartier latin, en la chapelle duquel repose le cerveau de Jacques II d'Angleterre (Stuart) ; pour finir, rappelons que les deux exils de Charles X furent écossais, à Haly Ruid (Edimburgh), avant que les frimas ne les convainquent de repartir la seconde fois pour l'Autriche. Tout atteste donc de la vigueur de ce lien spécial. La Wikipedia propose un article très complet sur l'Auld Alliance auquel nous vous adressons par ici.

    Bien qu'elle ne soit plus mère des arts, des armes et des lois, la France aurait tout intérêt à chercher un rapprochement avec certains pays du Nord qui ont encore un préjugé favorable à son égard, l'Ecosse et la Norvège en sont, l'Islande aussi. On peut discuter à l'infini de nos intérêts bien compris en Méditerranée ou en Afrique, mais ils nous coûtent finalement beaucoup sans parler de l'énergie diplomatique consommée à entendre chiens et chats, à vouloir sauver des positions indéfendables parce que abandonnées il y a longtemps, faute d'idées et de persévérance, quand ce n'est pas d'intelligence comme aux Echelles du Levant. Certes la pression démographique situe nos problèmes au sud, mais l'avenir de l'Europe est au nord, par le réchauffement climatique (si le GIEC a raison)

    Les trois empires du nord et leurs affidés les plus puissants vont commercer par la route des glaces avant la moitié de ce siècle. Fini le détroit de Malacca, le Bab el-Mandeb, le canal de Suez, le goulet de Gibraltar. Par exemple, le Nordic Barents de l'armement norvégien Tschudi a passé 41000 tonnes de fer vers la Chine par la route du nord-est à l'été 2010, en économisant 4000 milles nautiques. Son boss s'appelle Christian Bonfils. Le Monchegorsk russe a fait l'aller-retour Mourmansk-Shanghai pour du nickel et des diverses en fret retour en 58 jours sans assistance, chargement-déchargement compris. Le port industriel sibérien de Dudinka sur le Ienissei n'est maintenant qu'à vingt jours de mer de Shanghaï jusqu'à l'automne. La Chine veut faire à son tour les deux routes du nord³ pour ne pas être en reste et cet orgueil est bien placé. Les Russes enchantés repeignent les brise-glace. On va avoir besoin de points d'appuis techniques le long de la route jusqu'en Europe occidentale.


    Nous avons des antériorités au nord qui nous permettent de ne pas apparaître comme des intrus, du moins si nous remisons notre arrogance de roquets. Saurons-nous participer à la synergie boréale pleine de promesses ? Faisons feu de tout bois et appuyons-nous par exemple sur l'Auld Alliance pour mettre un pied industriel sur zone. Un seul exemple, un seul ? Creusot-Loire fut longtemps et le demeure peut-être, un producteur reconnu de virures pour brise-glace qu'il pétardait dans un cirque pyrénéen. Plus ? Nous sommes très bons en appareillage nautique et en réparation navale nucléaire, en optique laser et dans tous domaines au service des navires. N'attendons pas que l'Allemagne relance la vieille Hanse avant de proposer des joint-ventures sur des bases logistiques écossaises d'abord, norvégiennes voire islandaises ensuite à nos amis nordiques. Trouvons-nous de vrais ministres à la bonne taille et des industriels trempés. Les Nordmen ne savent pas encore qu'ils nous attendent.

    (1) La fée verte fut interdite en 1915 par la coalition des ligues de vertu, de l'Eglise catholique et des viticulteurs. Rocard a libéré l'absinthe en 1988.
    (2) Le Dr Siobhan Talbott de l'université de Manchester a passé le traité et sa révocation au broyeur de laboratoire en 2011 pour prouver qu'il était toujours en vigueur (clic). Le commerce particulier entre les deux pays fut florissant jusqu'au début du XX° siècle. Ce travail a valu au jeune docteur le Pollard Prize 2011 décerné par l'Institut de la recherche historique de l'université de Londres.
    (3) Les deux routes, Nord-est et Nord-ouest, cheminent respectivement le long des côtes sibériennes et canadiennes

     

  • Jean-François MATTEI sur la sous-culture

    Marseille, 6 avril 2013 - Café politique de Lafautearousseau avec Jean-François MATTEI : "L’avènement programmé de la sous-culture..."

    La Faute à Rousseau

  • Langue française : diagnostic vital engagé

     

    Langue française : diagnostic vital engagé
    Le 20 mars, le projet de loi Fioraso, qui engagera définitivement le processus de mise à mort de notre langue maternelle, sera présenté au conseil des ministres. Le gouvernement anti-français de collaboration avec l’impérialisme anglo-saxon achèvera ainsi, avant le plongeon mortel dans la grande zone de libre-échange transatlantique, un travail sournois, haineux, de sape de notre civilisation. La porte sera alors largement ouverte, non seulement dans les champs politique et économique, mais à l’intérieur de nous-mêmes, dans ce que nous avons de plus intime, pour que s’engouffre cette puissance dévastatrice qui abattra plus que la France, plus que son corps, son esprit.

    Cette loi est une ignominie, une scélératesse, une bassesse aussi putride que l’est le mariage dit « pour tous ». Une clique d’idéologues s’est emparée des rênes de notre pays pour le déconstruire méthodiquement, avec la patience de Judas qui trament leur petite perfidie jour par jour, pas à pas. La loi Toubon, de 1994, qui proscrivait, dans tout ce qui regardait la sphère publique, l’usage d’un autre idiome que le français, langue de la République et de la France historique, n’a cessé d'être bafouée sous la pression des milieux libéraux, de la Commission européenne, et avec la complicité du Conseil constitutionnel, d’une « élite » vendue corps et âme à la civilisation américaine, et le mépris tenace de nos gouvernants pour tout ce qui rappelle une France perçue comme un archaïsme, un résidu « rance » du passé. Les bobos, dans leur détestation de la France, ont préparé le terrain pour la venue du barbare.

    Cette entreprise de destruction programmée est à placer sur le même plan que l’intégration militaire aux forces de l’Otan, le projet de démantèlement de l’armée française, l’alignement inconditionnel sur les positions diplomatiques et stratégiques de l’empire américain, l’abdication face aux marchés, aux puissances financières internationales, l’acceptation de la désindustrialisation de notre économie, de son ravalement au secteur des services, l’abêtissement du système éducatif, l’effacement perfide de toute trace de nos gloires historiques dans la mémoire du peuple, la fatale soumission au chômage de masse et la mise en tutelle de tout esprit critique par un appareil de propagande omniprésent.

    Et ce qui enrage particulièrement, outre ce sabotage en règle qui devrait nous inciter à nous soulever immédiatement, c’est l’hypocrisie écoeurante avec laquelle il est conduit, au nom de l’utilité, de la nécessité, et de toutes ces bonnes raisons censées nous pousser à accepter la « réalité » d’un monde absolument intolérable pour un Français digne de ce nom. L’argument fallacieux avancé pour justifier la substitution de notre langue par une langue étrangère, évincement supposé rendre plus « attractif » (anglicisme emblématique !) notre enseignement supérieur pour des « Coréens et des Indiens », n’est bien sûr qu’un sophisme, car si des étudiants étrangers viennent en France poursuivre leur cursus, c’est bien sûr pour la qualité de l’enseignement (prodigué en français, vieille langue scientifique, langue de Descartes, au demeurant !), et par amour du français. On voit bien ce qui se cache derrière ces contorsions rhétoriques : c’est la volonté, chez ces gens censément de « gauche », mais semblables en ce domaine comme en d’autres à leurs compères de « droite », d’intégrer la France à la logique capitaliste mondiale, et de l’anéantir dans sa volonté d’autonomie, dans sa singularité civilisationnelle.

    Pour récapituler tous les arguments qui nous convainquent de l’absurdité d’une telle entreprise de décivilisation, et de sa nocivité même, je ne saurais trop conseiller la lecture de Contre la pensée unique (aux éditions Odile Jacob), ouvrage magnifique de notre talentueux linguiste Claude Hagège, véritable champion de la lutte pour la défense et l’illustration de notre langue. Dans cet essai brillant et rigoureux, l’auteur démonte le mythe de l’utilité d’emprunter l’anglais pour les échanges internationaux (et a fortiori nationaux !), y compris dans les secteurs économiques et scientifiques. Ces assertions mainte fois pilonnées par les médias ne sont que de la vulgaire propagande, que les personnes insuffisamment informées répètent sans y porter assez d’attention.

    Pire, l’adoption de l’anglais est l’aveu clair et net de la volonté de s’immerger dans l’univers matérialiste, marchand, hostile à la haute culture, du monde anglo-saxon. C’est se plier au joug de l’argent, abdiquer toute valeur réellement spirituelle. Il n’est pas fortuit que les héritiers des libertaires de mai 68, hargneusement hostiles à une culture considérée comme « bourgeoise et élitiste », aient rejoint les rangs des militants de la cause entrepreneuriale, pour s’en prendre à notre langue. Tout ce beau monde se concilie dans l’usage approximatif de la syntaxe, un vocabulaire singulièrement appauvri, l'utilisation immodérée de termes angais, la haine de Madame de Lafayette ou de Proust. On retrouve le même jargon, le même pot pourri de sophismes usés à la portée de tout petit cadre dynamique complètement inculte chez les responsables de « gauche » comme de « droite », au parti socialiste comme à l’UMP, à la CFDT comme au MEDEF.

    Cette démagogie, qui voudrait opposer la haute culture à la basse, quand le peuple français, dans sa longue histoire, a toujours voué une admiration franche et heureuse pour les Rabelais, les Molière, les Corneille, les Voltaire, les Victor Hugo etc., est l’aveu d’une vulgarité qui est à l’image de ce que tous ces gens nous proposent, et contre quoi s’offusque le goût français. Shakespeare, Swift, Stevenson, De Quincey, Poe, Melville, Orwell etc. nous ont offert une langue littéraire admirable, et parfois inégalée, mais lorsque, maintenant, à l’époque des tarmacs métissés, des hôtels cosmopolites, de la télévision infestée par la marchandise et le mensonge, on entend parler cette langue chuintante, douteuse, sommaire et grossière qu’est le globish, on ne peut qu’éprouver la sensation d’être englué dans un immense chewing gum empâtant le monde avec une bouillie infecte qui colle à la boue.

    L'objectif suprême est clair, sans véritable ambiguïté pour celui qui voit assez loin : à terme, il s'agit, pour la ploutocratie atlantiste et mondialiste, d'unifier une caste apatride, qui parlera anglo-américain, remisant les peuples dans les marges de la consommation et de la production, et réduisant leurs langues à un misérable patois avili et ridiculisé.

    On peut rêver, pour défendre ce qui est plus que nous, qui est nous, mais davantage, qui incarne ce qu’il y a eu de meilleur en nous, l’intelligence, l’esprit, la beauté, notre mémoire, de défiler aussi nombreux que ceux qui ont combattu le « mariage pour tous ». Il y va de notre survie, et d’une résistance à l’Ordre mondial, que d’autres soutiendront probablement à notre place, si nous disparaissons définitivement, quand nous ne serons plus qu’un vague souvenir historique.
    Claude Bourrinet http://www.voxnr.com