L'on ne peut que se réjouir de la parution du Que lire ? de Jean Mabire regroupant les portraits d'écrivains présentés au long des dernières années dans National Hebdo.
C'est d'autant plus une heureuse initiative que « cette promenade sentimentale dans le jardin des lettres » est complétée par l'heureuse bibliographie réalisée par Anne Bernet.
Il faut se féliciter aussi que les chroniques, qui n'excèdent pas trois pages, sont précédées d'un texte bref de présentation, toujours alerte et accrocheur, et généralement conclues par une de ces chutes dont Mabire a le secret.
Celui-ci a du style comme il a du caractère. Ce Viking écrit d'une plume d'acier trempée dans la meilleure forge de Thor.
Il est évidemment impossible de commenter ici les quelques soixante-quinze stations de la promenade que nous offre ce premier volume de Que lire ?
Mais, à partir des jugements de Jean Mabire, chacun pourra faire son bouquet, allant à la découverte ou à la redécouverte d'auteurs dont certains sont à juste titre tirés de l'oubli dans lequel voudraient les enfoncer les censeurs du « politically correct ».
Jean Mabire est un homme de clan comme il le rappelle souvent, ce qui ne doit pas être confondu avec le sectarisme.
Sa critique littéraire ne vise donc pas à réfréner sa subjectivité.
Si bien qu'en se promenant avec lui à travers les œuvres, c'est aussi l'écrivain et l'homme Mabire que l'on découvre, fidèle à lui-même, à ses élans et à ses rêves, tel que je l'avais perçu quand, il y a bien longtemps, j'étais militant convaincu du journal l'Esprit Public qui réunissait jadis les meilleurs plumes du combat pour l'Algérie française.
Mabire chante toujours « sa belle Europe aux longs cheveux d'or », une Europe aux cent drapeaux qui rassemblerait : les Celtes et les Germains, les Vikings, les Slaves et les Latins.
Son optimisme est entier puisque parlant de Romain Rolland qui fut pour lui un « indo-européen exemplaire » bien plus qu'un militant communiste, il regrette qu'il soit régulièrement oublié alors que « les Etats-Unis de notre continent, Est et Ouest retrouvés, vont sans doute naître avant la fin du siècle. »
Mabire ne s'étonnera pas de ce que je ne partage pas ce que je crois être une illusion sinon une tragique utopie. Ne pensant pas pour ma part que l'on puisse rassembler l'Europe sur une base régionaliste et en effaçant les grandes nations qui la constituent, je ne partage pas son enthousiasme pour le constructionnisme européiste d'un Pierre Gripari, par ailleurs délicieux écrivain.
Mystique du paganisme
Pour être éclectique, Jean Mabire ordonne ses jugements autour de ce que je n'oserais pas appeler une hiérarchie de valeur mais plutôt une hiérarchie d'humeur. Il écrit dans sa préface : « J'estime davantage les libres-penseurs que les conformistes, les aventuriers que les pantouflards, les anarchistes que les dévots, les instinctifs que les intellectuels, les enracinés que les cosmopolites, les enthousiastes que les sceptiques, les écrivains populaires que les auteurs hermétiques, mais j'aime autant les romantiques que les classiques et les révolutionnaires que les conservateurs. »
Ce sont les écrivains « telluriques », « panthéistes », ceux du « sang et du sol » ceux qui pratiquent « la religion de la forêt », les «polythéistes» que Mabire préfère, exécrant les « bigots hypocrites » (les bigots sont en effet toujours hypocrites comme le garde-à-vous est figé et la Marseillaise vibrante... ).
Je ne pense pas exagéré de dire que Mabire est un mystique du paganisme. Entendons-nous bien, il ne rejette certes pas tous les écrivains chrétiens. Mais il préfère ceux, qui sont comme il dit, de type « moyenâgeux », aimant la nature comme François d'Assises, ne comprenant peut-être pas que c'est la louange du Créateur que celui-ci a chantée en aimant et en célébrant comme il se doit la beauté et la bonté de la Création.
Mabire peut en effet trouver beaucoup de paganisme chez les meilleurs écrivains chrétiens s'il confond simplement celui-ci avec l'amour du Réel ! Mais, quelle vision du christianisme a-t-il donc ? Ne confondrait-il pas celui-ci avec je ne sais quel catharisme repoussant la Création comme l'œuvre du mal, ce catharisme qu'exalte pourtant, par ailleurs, sans crainte des paradoxes, son ami Saint-Loup, au demeurant magnifique romancier qui mériterait largement le prix Goncourt que lui subtilisèrent les méchants, les policiers de la pensée. Mabire aime la réincarnation méridionale de Nietzsche chez Antonin Artaud, les hymnes païens aux paysages du Dauphiné chez Henri Béraud, et chez Théophile Briand « la celtique antithèse à la religion du désert ».
Il se plaît à noter qu'Alphonse de Chateaubriand marqué par la tradition chrétienne et royaliste est, par plus d'un trait, panthéiste et révolutionnaire, et que Joseph Conrad a écrit sa détestation de la religion chrétienne et de « l'absurde conte oriental sur lequel elle se fonde ».
S'il admire que, chez Xavier Grall, « barde de révolte », la même ferveur mystique et sans culte, puisse unir paganisme et christianisme, il observe que les paysans de Maurice Genevoix sont « tranquillement païens et ne se plient pas aux habitudes de la masse crédule des campagnes » ...
Après cinquante réflexions du même genre, disons tout net, que l'ami Mabire ne se contente pas d'un anticléricalisme que l'on peut quelque fois partager mais qu'il s'efforce de capter principalement dans les écrivains ce qui peut aller, ou être interprété, dans le sens de son franc militantisme païen.
Ainsi, Le solstice de juin d'Henry de Montherlant est pour lui « le livre le plus féroce sur l'été 40 ». Tellement féroce ajoute-t-il « par son opposition constante de la force païenne germanique et de la chrétienne démission française. »
Je ne sais si cette expression est de lui ou de Montherlant. Quoi qu'il en soit, elle relève d'une prodigieuse injustice, et Mabire, qui n'aime pas les tièdes et les hypocrites, acceptera donc que je m'insurge contre cette évidente contre-vérité !
La France de 1940, en effet, héritait de deux siècles d'antichristianisme véhément, des massacres de la Révolution, des persécuteurs maçonniques, de l'école laïque de principe mais antichrétienne de fait, de la boucherie effroyable de 14/18 exterminant principalement les masses rurales «crédules». Elle était celle de la Chambre des députés du Front populaire, communistes, radicaux et socialistes, aimant bouffer du lard le vendredi saint.
Par contre, il y eut ensuite beaucoup de chrétiens pour sauver l'honneur français : sur les champs de bataille du Nord comme dans l'œuvre de la Résistance menée par le maréchal Pétain, et dans celle de l'armée d'Afrique comme dans la Résistance soutenue par Londres. Et il y en eut aussi pour choisir héroïquement d'affronter sur le front de l'Est les armées rouges de Staline.
Fraternelles prières
Après ce coup de gueule, qu'il me pardonnera avec sa générosité coutumière, je veux dire aussi ma sympathie pour le Viking de National Hebdo. Et d'abord, puisqu'il aime montrer ce qu'il y a de païen chez les chrétiens qu'il aime, il ne me tiendra pas rigueur d'exprimer qu'il y a aussi chez lui, de chrétien.
Observons ce regret émouvant qui pointe quand il rappelle que, par la voix du cardinal Feltin, la bénédiction de l'Église lors de son enterrement fut refusée à cette païenne de Colette que j'aime d'ailleurs autant que lui.
Je ne pense pas que pour l'heure, Mabire souhaite à sa mort la bénédiction de l'Église. Mais je suis persuadé que, même si je ne suis plus de ce monde, que mes amis sauront lui offrir de fraternelles priêres afin que lui soient ouvertes les portes du paradis qu'il mérite, pour avoir tant aimé la Création d'un Créateur qu'il s'est peut-être dissimulé derrière les dieux antiques de ses forêts. Car, comment ne pas observer que le polythéisme, les cultes farouches du sang et du sol, l'attachement au clan, sont les caractéristiques communes de toutes les sociétés pré-chrétiennes, aussi bien des Bédouins d'Arabie que des Indiens d'Amérique.
La fidélité à nos lointains ancêtres doit-elle exclure tout ce que le christianisme, au-delà des erreurs des péchés et des infidélités a apporté de vrai progrès aux sociétés ?
Certes, je puis comprendre combien la complaisance d'une grande partie de l'Église pour les idéologies communistes et autres a pu révulser, particulièrement en ce siècle, des hommes refusant la décadence contemporaine.
Mais d'où vient cette décadence ?
Nous aimons pour notre part méditer cette parole de Chesterton: « Chassez le surnaturel, il ne reste plus que ce qui n'est plus naturel ». Et force est de constater aussi que les sociétés de moins en moins chrétiennes deviennent de plus en plus inhumaines.
Faudra-t-il alors, comme dans le roman de Raspail, se réfugier dans les dernières forêts ?
Le débat avec Mabire vaut d'être mené.
S'il admire chez Curzio Malaparte le fait de passer avec désinvolture d'un parti à un autre comme la marque d'un esprit supérieur, je sais qu'il aime aussi ceux dont l'honneur s'appelle fidélité.
La considération et l'amitié que je porte à Jean Mabire ne sauraient me conduire à le jouer sans discernement.
Au fond de lui, il n'apprécierait pas. Et c'est ainsi que je continuerai à le lire, avec plaisir parce qu'il écrit bien, avec attention parce que nous sommes embarqués sur le même navire et qu'au fond, nous contemplons la mer et les étoiles avec le même regard émerveillé et interrogateur.
Bernard ANTONY National Hebdo du 13 au 19 octobre 1994
culture et histoire - Page 1872
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Jean Mabire AUX SOURCES DE L’ÂME
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Edouard Drumont et la catastrophe actuelle... en 1880
Les sondages nous apprennent que tous les Français se plaignent (sauf les islamistes et les infatigables bobos), ce qui prouve que notre époque est peu riche en nouveautés. J’en veux pour preuve la relecture de Drumont, qui au-delà de ses défauts justement condamnés par l’Histoire, a puissamment inspiré Bernanos (peu suspect de fascisme !) dans sa "Grande-peur des bien-pensants". La lecture de Drumont et des différentes facettes de l’interminable dégénérescence occidentale nous convainc une fois de plus qu’à la Fin de l’Histoire - 1806 pour Kojève - le temps est devenu pseudo-cyclique. Et que notre décadence comme celle des Romains peut bien durer cinq siècles ! Le reste est affaire d’élections et de résultats des courses.
***Drumont voit tout arriver, c’est comme si nous étions. La déchristianisation et la pédophilie supposée des religieux ? Elle est bien sûr au rendez-vous.
« Dans un village où j’habitais les Frères étaient adorés, les mêmes instituteurs étaient là depuis vingt ans, ils avaient élevé tout le pays. Un jeune Frère arrive, un scandale se produit et il se trouve que le père de l’enfant, qui se prétendait victime, avait été condamné jadis à vingt ans de travaux forcés pour attentat à la pudeur. Evidemment il y eut, en cette occasion, soit corruption par le père, soit prédisposition maladive héréditaire chez l’enfant à porter son imagination sur certaines idées... »
Cela va de pair avec un déclin rapide de notre enseignement, déclin moral et technique, dénoncé aussi dans les années 1880 par l’inévitable Gustave Le Bon :
« C’est contre le pauvre encore, contre le pauvre uniquement, qu’est édictée la loi scolaire. Le riche trouvera toujours le moyen de faire élever ses enfants chrétiennement, le pauvre ne le peut pas ; pour lui l’athéisme est obligatoire. (...)
Grâce aux méthodes pédagogiques allemandes, que Michel Bréal fit adopter en France, les pauvres cervelles de nos enfants, brouillées par mille notions confuses, devinrent incapables d’aucun effort sérieux. Le niveau des études classiques baissa rapidement et les candidats au baccalauréat en arrivèrent à ne plus savoir l’orthographe. »
Ici au moins nous avons progressé ! Ce n’est plus l’athéisme, c’est l’islamisme qui est obligatoire pour nos pauvres ! Mais on continue ce parcours du combattant.
Le monde nouveau est un monde de superficiels et de gogos : l’éternité des crises boursières est prévue par la banqueroute de Law en 1720 !
« Law fonda véritablement en France, sur des ruines qui n’instruisirent personne, cette exploitation financière de la bêtise humaine qui devait prendre plus tard des proportions si énormes. Il fut l’apôtre plein de hardiesse d’un nouveau Credo, le Crédit, la croyance à des valeurs imaginaires qui allait être la foi d’une société plus naïve que l’ancienne et plus facile à tromper, à la condition de faire appel, non à des idées supérieures, mais aux convoitises, à l’amour du gain. Le succès de l’Ecossais en France est un grand événement, il annonce qu’au chrétien sincère et sensé d’autrefois va succéder un type tout à fait inconnu aux siècles passés, le gogo, le badaud, l’actionnaire... »
Le persan de Montesquieu annonce aussi à l’époque de Law le journaleux, le cynique qui se moque de tout : comme d’autres, Drumont aurait donc pu se passer de ses boucs émissaires coutumiers. Mais l’antisémitisme, comme l’a compris Nietzsche, fait partie de l’arsenal infini de la bêtise moderne.
***Epoque de dépeuplement de la France et d’immigration, le dix-neuvième siècle est aussi l’époque du féminisme moderne, celui de la théosophie et de l’institutrice branchée. Drumont écrit à ce propos :
« Nihilistes de l’amour et de la famille, on les rencontre à chaque pas, les bohèmes enjuponnées, portant le chignon court, le faux-col masculin, et ayant pour signe de ralliement le pince-nez professionnel. Elles enseignent, elles consultent, elles décident. Une cour est autour d’elles... En outre, pour affirmer leur supériorité, elles ont des raffinements extrêmes et contribuent au développement de ce culte de Lesbos, dont les autels de chair voient aujourd’hui tant d’agenouillées. »
C’était avant les excitées de la FEMEN ! Et avant la télé réalité, voici ce que Drumont décrit du déclin de la noblesse, de la vie des salons, de la mode, bien plus horrible qu’aujourd’hui, et du people :
« Tout l’armorial de France, toute la vraie noblesse est présente à cette fête sans nom, à cette espèce de prostitution de soi-même qui, dit justement l’Univers, inspire une sorte d’épouvante... Il n’existe plus, d’ailleurs, de salons qui aient encore une autorité un peu considérable... La médisance spirituelle, l’allusion fine d’autrefois, ont fait place au potin grossier que l’on craint toujours de voir passer de la conversation dans le journal du boulevard... Le club et les courses se chargent des hommes ; la toilette ruine les femmes... On a affublé les femmes du monde d’espèces de selles postérieures, qui les font ressembler à l’animal qu’on a appelé "le vaisseau du désert" et qui en serait plutôt le Polichinelle. »
Certains à droite se sont battus pour les colonies, fabrication de la république de l’époque. Il ne faut pas oublier que Drumont était de gauche, et profondément hostile au capitalisme ainsi qu’aux aventures coloniales. Voici ce qu’il écrit de la conquête de l’Algérie :
« On ne peut évidemment mettre en avant aucun motif patriotique ou élevé.
La politique coloniale, qui a sa raison d’être pour les peuples embarrassés d’un trop plein de population, serait insensée pour la France où le nombre des naissances est inférieur à celui des autres nations, et qui est obligée maintenant d’appeler des ouvriers étrangers sur son sol. Cette admirable Algérie, qui est à nos portes, qui ne demande qu’à être cultivée, et où personne ne veut aller, est là pour nous démontrer l’inutilité de nos possessions lointaines. »
Et voici ce qu’il écrit de la conquête indochinoise :
« En six cents ans, les habitants du Tonkin, qui sont le peuple le plus indigent de l’Asie et qui vivent exclusivement du riz qu’ils récoltent, ne nous achèteront pas pour un million de marchandises.
"Je défie, disait, devant la commission, le vice-amiral Duperré ancien gouverneur de Cochinchine, qu’on me cite un Français pouvant gagner au Tonkin, dans l’industrie, de quoi payer son passage pour revenir en France." »
Drumont note bien sûr l’écroulement démographique et psychique de la France qui a pris de l’avance sur le reste de l’Europe et de l’Amérique WASP. Nous avons créé un trou noir démographique et aujourd’hui l’islamisme galopant de nos contrées n’est qu’une conséquence de cette inversion des valeurs :
« En 1789, la France figurait encore pour 27 pour 100 dans la population totale, en 1815, le chiffre n’était plus que de 20 pour 100, il est aujourd’hui de 18 pour cent.
On sent comme un astre qui entre dans la période glaciaire, dont l’atmosphère radiante diminue. »
Le problème est que le Français moderne s’en fout, et cela Drumont aussi l’a compris le premier, avec son hypersensibilité et sa résignation rebelle. Pour le néo quelque chose, il n’y jamais bobo.
« L’être qui est là est un moderne, un nihiliste, il ne tient à rien ; il n’est guère plus patriote que les trois cent mille étrangers, que l’aveuglement de nos gouvernants a laissés s’entasser dans ce Paris dont ils seront les maîtres quand ils voudront ; il ne se révoltera pas comme les aïeux sous l’empire de quelque excitation passagère, sous une influence atmosphérique en quelque sorte qui échauffe les têtes et fait surgir des barricades instantanément. Un monarque quelconque auquel on aurait à reprocher la moitié des infamies, des prévarications, des hontes sans nombre accumulées par le régime actuel, aurait entendu depuis longtemps l’émeute rugir aux portes de son palais. En réalité tout cela laisse la masse profondément indifférente... »
Ce que j’ai cité se rapproche assez de l’australien Pearson, de Nietzsche ou de Tolstoï à l’époque. Je pourrai aussi citer les autrichiens Karl Kraus et Weininger, génies juifs mécontents de la modernité. Bien sûr le XXe siècle ramènera son retour de bâton avec son lot de patriotisme, de fanatisme de tranchées, de racisme de comptoir et de tueries. Ne vaut-il pas mieux alors demeurer décadent ?
En tout cas, vive les familles qui résistent. L’époque n’est pas drôle, et elle dure.
Nicolas Bonnal http://www.france-courtoise.info
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MATERIEL : Civilisation et soutien du paléolitique à 1715
Toute grande civilisation a toujours eu pour caractéristique essentielle de tendre vers une unité interne la plus forte possible. Cette dernière s’appuie à la fois sur des données fondamentales telles que la religion, l’obsession de la grandeur, la volonté de domination ; la foi en ses seules forces vives culturelles, morales, techniques, spirituelles et sur les moyens de pratiquer ces valeurs, à l’intérieur comme à l’extérieur, grâce à l’administration et à l’armée.
Au fil des âges le fait militaire, composante et reflet de la société, subit parallèlement à cette dernière, de profondes et constantes évolutions.
Le soutien, c’est-à-dire le cheminement suivi, de l’approvisionnement à la réparation, pour assurer l’état optimum d’un matériel, reflète lui aussi les mœurs du temps.
Pendant des siècles, l’acte guerrier en tant que tel requérant seul l’attention, le soutien est passé sous silence. En outre, il se confond souvent avec la fabrication.
Il faut attendre le XVIe siècle et la mise en place d’une armée qui par son organisation, préfigure l’armée moderne, pour que cet effort de rationalisation rejaillisse sur les corps chargés de l’entretien des matériels.
La civilisation néolithique, c’est-à-dire de la « pierre nouvelle », voit l’apparition du savoir-faire. Si le matériau de base reste toujours la pierre, l’Homme a appris à distinguer des composantes plus dures et à polir la matière de base. L’invention des outils est à la fois cause et effet de l’évolution du comportement. L’Homme devient sédentaire : il défriche, se livre à la culture, et construit des huttes. Puis des groupes organisés se forment, préfiguration des sociétés à venir qui travailleront et se défendront ensemble.
Enfin, par longues étapes successives, l’Homme apprend à utiliser les métaux existant à l’état naturel, le cuivre et l’or, à les retrouver ensuite dans certains minerais et à les isoler pour obtenir le premier alliage (cuivre et étain) qui donnera le bronze. Le fer, la roue, la domestication du cheval apparaîtront plus tard.
L’ancêtre de tout perfectionnement mécanique est bien cette roue, moyen des premiers transports, principe fondamental (cycle, cercle) de toute évolution.
L’Homme guerrier de la préhistoire, homme libre, élaborait lui-même ses armes. Mais avec l’apparition d’un embryon de société, dès les premières civilisations antiques, il n’en est plus de même en raison de la spécialisation des métiers (forgerons, tanneurs, etc.) et de la domination de l’Homme sur l’Homme poussée à son paroxysme — l’esclavage.
Cette tendance va s’accentuer dans les civilisations égyptienne, mésopotamienne et achéménide où, objet du mépris du guerrier, le fabricant d’armes sera esclave ou, au mieux, fera partie du plus humble des prolétariats urbains.
La civilisation égyptienne
Constituée dans la seconde moitié du IVe millénaire av. J.-C. elle se déroule sur 3 500 ans. Tout comme la civilisation chinoise, ses fondements paraissent assis sur la poursuite d’un âge d’or, songe fabuleux, dont la religion, particulièrement puissante, se fait l’écho. Cet âge d’or appartenant au passé, toutes les forces vives de ces nations vont s’appliquer à le faire revivre en pénétrant toujours plus au fond des traditions, en les élevant jusqu’au plus haut degré de perfection et de rigueur et, par là- même, en rejetant tout progrès, toute velléité d’évolution qui irait à leur encontre. C’est le temps des civilisations hiératiques, figées, tournées vers la contemplation d’elles-mêmes, riches de leur vie intérieure, les yeux au fond de l’âme.
Dès les temps les plus reculés, le roi est Dieu – croyance profondément ancrée au cœur des hommes et non simple imagerie pour asseoir la puissance d’un homme. Sa fonction essentielle, outre la religion, se rapporte à la guerre, même si les Égyptiens se livrent à l’éloge fréquent de la paix.
Les accessoires indispensables et inséparables de l’unité sont l’administration et l’armée dont la force réside dans l’élaboration de règles communes, de voies larges ouvertes au lieu de chemins sinueux.
L’organisation administrative est la seule possibilité d’exploitation rationnelle d’un pays démesurément allongé.
L’armée doit décourager l’ennemi extérieur et briser les ferments de rébellions internes. Toutefois, en temps de paix, n’existent ni revues, ni inspections, ni manœuvres. L’administration militaire est négligée et la profession de soldat ne jouit pas d’une bonne réputation (du moins sous l’Ancien Empire). Aussi emploie-t-on des mercenaires, avec les dangers de troubles et de séditions que cela comporte.
Sur le plan intérieur, le rejet d’une armée permanente par la population provient à cette époque de l’influence conjointe d’une centralisation étatique très poussée, autour d’un chef unique, avec l’administration comme principal agent de transmission et d’exécution, et de l’état d’esprit très particulier d’un peuple extraordinairement docile qui non seulement recherche l’ordre, l’autorité et ressent le besoin d’un encadrement poussé mais encore risque de connaître un véritable désarroi général si la centralisation vient à se relâcher.
Les aspirations profondes de ses sujets permettent au pharaon de pousser à leur terme les tendances unificatrices, en luttant à la fois contre l’aspiration des grands à l’autorité individuelle et celle des collectivités locales très isolées à l’autonomie.
La scission entre le soldat et le peuple va s’atténuer peu à peu, la récompense du mercenaire consistant en l’attribution d’un lot de terre transmissible à l’héritier mâle qui devient obligatoirement un soldat. Ainsi se réalise l’interaction soldat-peuple et peuple-soldat. Le nombre de soldats étrangers diminue alors, et la pratique de la conscription s’estompe. L’armée tend de plus en plus à devenir permanente, aux mains de professionnels et, sous le Nouvel Empire, à partir de 1500 av. J.-C. se crée une véritable aristocratie militaire.
Cette armée, permanente ou non, est d’abord dotée sous le Moyen- Empire (2000 à 1500 av. J.-C.) d’infanterie lourde et d’infanterie légère. L’armement et l’équipement à base de bois ou de cuir n’évolueront vers l’utilisation systématique du fer qu’avec le Nouvel Empire. Il faut ajouter qu’à partir de cette époque la « charrerie » prendra une importance considérable. Des arsenaux fourniront les équipements. La misère des ouvriers, esclaves ou sous-prolétaires urbains, deviendra terrible. Le forgeron sera toujours « à la gueule du four » et empestera plus « que les œufs de poisson ».
La civilisation mésopotamienne : Sumer et Assur
Le génie mésopotamien, surtout empirique, comme en témoignent le code d’Hammourabi à Babylone et la bibliothèque d’Assurbanipal à Ninive, découlerait de la conception d’une réflexion profonde divine qui ne laisserait de place qu’à des traducteurs, les plus précis et les plus minutieux possibles.
Ainsi l’armée assyrienne des VIIIe et VIIe siècles av. J.-C. dans laquelle le service militaire et l’entraînement sont obligatoires, est surtout remarquable par la différenciation des unités et de leurs équipements selon les missions qui leur sont assignées : chars de guerre, cavalerie lourde, infanterie divisée en corps d’archers et de piquiers, sapeurs.
Il faut ajouter que des artisans habiles pratiquant l’alliage et la soudure, isolent à l’état pur cinq métaux : or, argent, cuivre, étain et plomb. Mais l’armement est semblable à celui que possédaient les Égyptiens du Nouvel Empire.
Ici apparaît le premier « soutien » vraiment organisé, toujours conséquence de ce génie empirique qui interdit les idées révolutionnaires et fulgurantes mais pousse le parti qui peut être tiré de l’existant à sa plus haute expression. A l’inverse des Égyptiens dont la conquête est généralement interne (vers les sources du Nil), les Sumériens et Assyriens sont des peuples conquérants dans toute l’acception du terme. Pour ne pas être dépendante des pays traversés, l’armée assyrienne possède un train d’équipages avec chameaux et ânes, chargé de la ravitailler en nourriture et en matériel.
Mais Assur et Ninive tombent sous les flèches des Mèdes.
La civilisation de la Perse achéménide
« Moi, Xerxès, grand roi, Roi des rois, roi des pays aux nombreuses races, roi de cette terre grande au loin, fils de Darius le roi, achéménide, perse, fils d’un Perse, aryen, de race aryenne. »
En 546 ou 545 av. J.-C. le roi perse Cyrus s’empare de Sardes. Peuple d’origine indo-européenne, installé au cours du ne millénaire av. J.-C. dans la partie occidentale du plateau de l’Iran, les Aryens, dirigés par les Mèdes et alliés aux Babyloniens, détruisent Ninive et reçoivent la Haute- Mésopotamie après le partage de l’empire assyrien. Et, de peuple allié, il devient peuple dominateur.
Les Perses fondent une civilisation composite (550 à 331 av. J.-C.), où la tolérance pour les idées et les religions des peuples conquis va jusqu’à la participation. L’assimilation autour du noyau pur y est trop imparfaite pour permettre l’existence d’un sentiment national.
De force, ce cosmopolitisme devient faiblesse et ferment actif de décomposition de société et de décadence. Traduction dans les faits de cet état d’esprit, l’armée pourrait être grande par la possibilité de réunir des effectifs nombreux, mais les combattants vont à la bataille sous la menace du fouet ou de la mort immédiate, les soldats ne comprennent pas la langue de leurs chefs, enfin l’armement disparate ne laisse aucune possibilité d’un soutien efficace.
Que peuvent les Iraniens, noyau pur, cavaliers formidables et les 10 000 « Immortels », ces fantassins de la garde, au milieu de cet état en décomposition, contre les hordes déferlantes d’Alexandre ?
Alexandre
Dans ses conquêtes, Alexandre (356-323 av. J.-C.) tend toujours à réaliser une unité humaine, soubassement d’une unité morale : son génie lui fait entreprendre la réalisation de la plus gigantesque communauté entrevue.
Héritier d’une armée puissante, conçue par Philippe II, son père, il doit en partie ses succès foudroyants à l’essor remarquable de la technique militaire : emploi de la cavalerie, des machines, des éléphants, entraînement imposé aux hommes. Pour la première fois au monde sont créés des parcs de machines : tours roulantes, béliers, catapultes qui lancent des projectiles de pierre ou de plomb plus ou moins lourds selon qu’elles sont utilisées en campagne (catapultes légères) ou lors de sièges (catapultes lourdes). Ces services techniques sont sous les ordres du grand maître, l’ingénieur Diadès.
Sparte
Sparte, à un degré moindre, de par son importance plus restreinte que l’Egypte et la Chine, réunit cette même vénération des traditions, cette immutabilité, ce hiératisme où le corps et l’esprit sont également figés. Repliée sur elle-même, fermée au monde extérieur, ancrée dans ses concepts de grandeur, d’élitisme, de société arrivée au plus haut degré de perfection à travers les « égaux » et l’art militaire, Sparte restera une énigme, un bloc d’airain qui, portant en son sein toutes les grandeurs, mais atteint par les faiblesses du monde extérieur en évolution, sera démantelé et précipité dans sa chute.
Rome et son empire
A l’instar de celui d’Alexandre, le génie de Rome est un génie d’assimilation. Polybe écrit : « Plus que n’importe quel autre peuple, les Romains savent modifier leurs coutumes et en prendre les meilleures. »
Cela se retrouve à travers l’armement. L’artisan romain apprend à imiter le bouclier oblong et bombé des Gaulois, le pilum fait d’un fer effilé sur une tige de bois des Samnites, le glaive court des Ibères (tout ceci pour l’infanterie), la lance aux deux pointes métalliques, la cuirasse et le solide bouclier équipant la cavalerie et emprunté aux Grecs, enfin les machines de guerre copiées des Grecs et des Carthaginois. Mais le sens de l’organisation et l’esprit pratique des Romains leur permet d’adopter des solutions astucieuses, comme celle des « corbeaux », grands grappins formant passerelle qui permettent l’immobilisation du navire ennemi et la transposition sur mer de ce qu’ils connaissent le mieux : le combat d’infanterie. Faut-il ajouter que les premiers navires de guerre ont été imités ?
D’Hannibal et des guerres puniques, ils apprennent l’usage des machines de guerre, d’abord à leurs dépens, puis maîtrisent et même dépassent en compétence les inventeurs macédoniens. Les principales machines de jet sont alors la catapulte et le scorpion qui lancent de gros traits, la baliste qui projette des pierres ainsi que l’onagre. La catapulte et le scorpion permettent le tir tendu, les autres machines, le tir courbe.
Le soutien de ces matériels, très nombreux à la fin de l’empire (une baliste par centurie, montée sur des affûts roulants tirés par des mules et un onagre par cohorte sur des charriots tirés par des boeufs) est probablement confié à la « chambrée » (onze soldats) qui sert chaque baliste ou bien au soldat lui-même, puisque chaque légionnaire, en plus de ses armes et de ses rations journalières, porte pieux et outils. Une telle prévoyance pour l’élaboration du camp ne peut que se retrouver au niveau de la réparation du matériel. Il faut ajouter que la questure distribue matériel et fournitures.
Sous la Rome républicaine qui voit au siècle av. J.-C. la création de la légion, l’armée représente l’alliance intime de l’armée de métier et de la milice de citoyens. Le service militaire est obligatoire, l’équipement à la charge du soldat, ce qui réserve l’infanterie lourde et la cavalerie aux plus riches, les principales charges militaires pesant sur la classe moyenne des paysans propriétaires qui fournit le gros des légionnaires. L’armée connaît la pratique du licenciement en hiver.
Pour lutter contre les abus des riches refusant la conscription, Marius (en 107 av. J.-C.) renonce à désigner d’autorité les recrues et accepte tous les citoyens riches ou pauvres qui désirent s’engager. Après la phase d’utilisation de plus en plus massive des étrangers parmi les auxiliaires et l’extension du droit de cité à tous les Italiens, l’édit de Caracalla (en 212) étend le droit de cité à tous les hommes libres et efface toute distinction juridique à l’intérieur de l’empire et par conséquent de l’armée.
Sous César, l’armée n’est constituée que pour les campagnes. Mais à partir du ter siècle, pendant le Haut-Empire, elle devient permanente. Grande dévoreuse d’hommes, elle entraîne l’extension du recrutement à partir du IIIe siècle.
Une des formes les plus originales de ce soutien permanent inscrit dans le métier de chaque soldat est assurément la formidable infrastructure, cause et conséquence des limes.
Contrairement à la République, l’Empire œuvre non seulement pour l’unité morale, mais également pour l’unité économique et sociale. Cette détermination trouve comme moyens de nivellement social l’administration d’une part, l’armée à travers le recrutement de plus en plus démocratique de ses chefs et ses implantations d’autre part.
Les limes sont aux confins de l’empire, l’ultime barrière contre les assauts répétés des barbares. Protection du monde romain que ce soit en Bretagne, le « mur d’Hadrien » de la Tyne au Solway Firth, doublé plus au nord par le « mur d’Antonin » du Firth of Forth à la Clyde, ou entre Rhin et Danube, le limes de Germanie, constamment perfectionné depuis l’époque des Flaviens jusqu’à la mort d’Antonin, couvrant les Champs décumates (plus de 500 km) en amont de Bonn, se détachant du Rhin et rejoignant le Danube en amont de Ratisbonne (Regensburg), le limes est constitué de remparts de bois ou de pierre ponctués de fortins; le tout est complété par un réseau très ramifié de routes reliant tous ces postes entre eux et avec les camps principaux des légions dans l’arrière-pays. Le soldat y est sédentaire, chargé surtout d’une fonction de guet. Il cultive son champ et doit subvenir à tous ses besoins. Sa vocation de terrassier y est poussée au plus haut degré, mais le contact permanent avec la population, certes facteur de romanisation, affaiblit son esprit militaire. Cet ouvrier se sait assuré, grâce à l’excellence des communications, de percevoir dans les camps reculés les approvisionnements nécessaires à l’entretien de ses matériels.
De manière à la fois paradoxale et très compréhensible, les civilisations les plus guerrières sont celles qui ont laissé le moins de renseignements sur le soutien; de manière paradoxale puisque appelés à naître, vivre et mourir par l’art de la guerre; de manière compréhensible, puisque d’une part la fabrication et le soutien de l’arme, défensive ou offensive, sont réservés aux couches les plus basses de la société (esclaves, sous- prolétariat urbain) et que, d’autre part, seul l’exploit guerrier en tant que tel se révèle, pour elles, digne d’intérêt.
Le Moyen-Age
Après la chute de l’Empire romain, la décomposition de la société, le chaos provoqué par les invasions barbares ne déboucheront que quelques siècles plus tard sur un embryon de société organisée : la société féodale. Aux XIe et XIIe siècles, celle-ci est caractérisée par le contraste entre la médiocrité effective du souverain et la haute mission qu’il doit remplir. Le pouvoir réel est détenu par les grands féodaux grâce à « l’hommage ». A l’origine le fief étant octroyé avec pour contrepartie l’hommage, puis l’hommage découlant de la possession du fief, ce dernier devient héréditaire. Les grands féodaux vont asseoir leur puissance sur une organisation guerrière, la chevalerie, qui tout en prétendant répondre à l’idéal édicté par les conciles de Charroux et du Puy (en 989 et 990) et qui se résume à un devoir de protection des biens de l’église et des petites gens sans défense, va en réalité accentuer plus profondément la différence sociale entre le guerrier et le rustre. Une poussée démographique permettra l’extension de la chevalerie continentale.
La technique du combat et le soutien découlent de ces conceptions de caste où prime le combat au corps à corps et par là-même, l’armement individuel. Durant cette période les armures sont de véritables œuvres d’art et le forgeron, grâce au progrès du travail du fer, devient l’auxiliaire indispensable et disputé du seigneur. Le renforcement et le luxe de l’armure évoluent de façon parallèle à l’accroissement des revenus seigneuriaux ; l’usage des projectiles est abandonné aux piétons, la cavalerie ayant le rôle dominant. Les valets d’armes de l’époque peuvent d’ailleurs être presque assimilés aux responsables actuels de l’entretien.
Cette conception individualiste de l’art militaire évoluera aux XIVe et XVe siècles, temps de troubles et de mutation. Cette évolution sera liée à l’accroissement de la puissance de feu, à l’importance plus grande dévolue à l’infanterie, à la tolérance, à la coopération des « armes », enfin à la pratique de manœuvres sur le terrain.
Depuis le XIIIe siècle, l’Occident sait raffiner le salpêtre et le mélanger au soufre et au charbon de bois. L’invention de l’affût, au XVe siècle permet l’augmentation du nombre et du volume des bouches à feu. Toutefois, cette évolution est compromise par les problèmes du coût de cette arme nouvelle et de l’exploitation minière.
Au début du XVe siècle il faut être « maître » pour devenir artilleur, car le métier d’artilleur consiste à construire le matériel, le canonnier se bornant à l’utiliser. Ainsi apparaît une spécialisation au sein de l’armée qui va de pair avec la volonté d’entretenir un personnel permanent. Auparavant les maîtres du soutien étaient réquisitionnés suivant les besoins parmi les artisans civils et la soldatesque se trouvait uniquement là pour les protéger.
Vers l’époque moderne
A mesure que le pouvoir royal prend de l’ascendant sur les nobles, l’organisation des armes se fait plus précise. En 1536, onze magasins d’artillerie existent, à raison d’un par province du royaume. Il faut ajouter aux « officiers ordinaires » servant l’artillerie, des canonniers, charpentiers, charrons, forgeurs, déchargeurs, tonneliers et tentiers. Des pionniers sont chargés de la garde et du transport des munitions, poudres et boulets. D’autres sont affectés au service autour des pièces. Quelques chiffres donnent une idée de l’importance des moyens mis en œuvre : 30 pionniers pour chaque canon ; 24 pour une grande couleuvrine, 12 pour une bâtarde, 6 pour une moyenne, 4 à chaque pièce pour faucon et fauconneau. En outre les attelages comportent 23 chevaux pour un canon, 17 pour une couleuvrine, 13 pour une bâtarde, 9 pour une moyenne, 4 à 6 pour les faucons et fauconneaux. Un capitaine de chevaux a la responsabilité de 200 chevaux. Enfin, la composition d’un équipage ordinaire d’armée est la suivante : un équipage ou parc de siège et de campagne (30 bouches à feu répondant à une armée de 30 000 hommes et comprenant 10 canons, 4 grandes couleuvrines, 8 bâtardes et 8 moyennes, sans compter les faucons, fauconneaux et arquebuses à croc), est commandé par un lieutenant d’artillerie délégué du grand maître et 4 commissaires ordinaires ayant sous leurs ordres, outre les officiers comptables et de justice, 94 canonniers, 6 charpentiers, 4 charrons, 4 forgerons, 4 déchargeurs et 1 500 pionniers. Le train se compose d’un capitaine de charroi, de 4 conducteurs ordinaires de charroi, de 7 capitaines de chevaux, de 325 charretiers et de 1 300 chevaux menant, outre les affûts, 200 chariots et charrettes.
A la fin du XVe siècle, l’armée de Charles VIII combine d’une part les hommes munis d’armes de jet qui préparent les attaques de loin, les hommes bien protégés, équipés d’armes de mains chargés d’enfoncer l’ennemi ou de briser l’attaque par la formation du hérisson, les hommes légèrement armés aptes aux mouvements rapides et d’autre part, les gendarmes des compagnies d’ordonnance bardés de fer, portant la grosse lance avec leurs coutiliers et leurs archers, la grosse infanterie armée pour plus de la moitié des hommes avec de longues piques ou des hallebardes, pour un dixième avec une arquebuse à croc, enfin les arbalétriers à cheval et à pied. L’artillerie compte à cette période 140 bouches à feu à tourillons, en bronze, se chargeant par la gueule.
L’exemple des guerres d’Italie va influencer profondément les progrès de l’armement et les conceptions de l’art militaire ; la fameuse balance, glaive-bouclier se retrouve ici : les boulets ébranlent les murs, aussi entoure-t-on ceux-ci de monticules de terre qui amortissent les chocs.
En 1515, Marignan est la première grande bataille des temps modernes. L’artillerie emporte certes la décision, mais grâce à une étroite coopération avec la cavalerie et l’infanterie.
Le XVIe siècle se caractérise par une amélioration constante de l’armement, telle l’invention vers 1525 de l’arquebuse à rouet : l’étincelle provoquée par le choc du silex sur la roue élimine la mèche que l’on allumait auparavant. Cette arme, d’abord adoptée par les cavaliers, provoquera la mort de l’arc et de l’arbalète.
Au cours de la même période, la notion d’armée nationale commence à l’emporter sur celle d’armée de mercenaires.
L’objectif militaire se traduit par « la stratégie des accessoires » : par une guerre de siège on s’empare des forteresses, « portes » des royaumes et non des centres vitaux. En effet, d’une part le but n’étant pas la destruction de l’ennemi, d’autre part les problèmes de ravitaillement rendant plus que nécessaire la vie sur le pays, l’envahisseur se doit de ne pas pratiquer la politique de la terre brûlée. C’est ainsi que pendant la guerre de Trente Ans (1618-1648) les soldats vivent sur le pays.
Le XVIIe siècle connaît des réformes profondes tant au plan des conceptions stratégiques que pour l’organisation pratique du soutien.
La stratégie des accessoires s’est poursuivie faute de mobilité suffisante des armées ; il faut une journée pour ranger 30.000 hommes en ordre de bataille.
Sur ce point, l’influence de Gustave-Adolphe de Suède est décisive. Il allège le mousquet, répand l’usage du mousquet à rouet (ce qui lui permet de multiplier par trois ou quatre sa cadence de tir), il fragmente son infanterie en petits corps indépendants, donc manœuvriers, le feu devenant de plus en plus efficace contre la cavalerie; il porte le nombre des mousquetaires au double de celui des piquiers, emploie la gargousse pour activer le tir de l’artillerie, augmente le nombre de canons, munit l’infanterie de petites pièces de 4 poussées à bras. Son infanterie deux fois plus nombreuse prépare l’attaque de sa cavalerie qui demeure l’arme de décision.
L’esprit de ces réformes (accroissement de la rapidité et de la puissance de feu, allègement des armes, fractionnement pour une meilleure mobilité) est adopté par Turenne et Condé. On peut détruire l’ennemi et penser à une guerre de mouvement, toutes les armes travaillant pour la cavalerie. Rocroy, Lens en 1643 et 1648 en sont des exemples éclatants.
Richelieu, puis Mazarin, ainsi que les secrétaires d’État à la guerre Sublet de Noyers et Le Tellier mettent un terme aux carences de l’approvisionnement grâce à un système de contrôleurs des guerres chargés de veiller au paiement de la solde, d’assurer le ravitaillement, de juger les délits commis par les soldats, d’obliger les munitionnaires à la constitution de dépôts et à des livraisons de bonne qualité.
Cette stratégie de la guerre de mouvement atteint son apogée entre 1660 et 1680. Les armées connaissent alors le maximum d’efficacité sur le plan puissance de feu : emploi grandissant du fusil (pièce d’acier contre laquelle vient frapper le silex), utilisation des grenades à main pour battre les angles morts, organisation de troupes spéciales de bombardiers et de canonniers, adoption du tir par ricochet du boulet sur le sol ou vers un obstacle, ce qui sème le désordre dans les rangs et permet d’atteindre un objectif dissimulé. Elles développent également leur mobilité par la création des « dragons », infanterie montée très mobile. Louvois organise des convois de charrettes et de fardiers, des magasins près des frontières, des réserves de fourrage, de façon à avoir la possibilité d’entrer le premier en bataille. Au même moment, Vauban se consacre à l’attaque des places; il perfectionne le système des tranchées parallèles aux fortifications ennemies pour abriter des batteries et la pratique des brèches, des sapes en zig-zag pour la progression. Au point de vue défensif, il enterre les murs dans des fossés profonds et croise les feux des bastions.
Mais après 1680, les armées deviennent plus importantes et par conséquent moins manœuvrières et moins efficaces. L’infanterie et le combat sur ligne ont de nouveau la primauté. C’est la fin (provisoire) de la guerre de mouvement.
De l’anarchie individualiste du Moyen-Age et de la chevalerie, l’art militaire évoluera donc vers une organisation de plus en plus poussée, étroit corollaire de la centralisation monarchique. L’armée permanente et nationale succédant à l’armée de mercenaires entraînera une militarisation des spécialistes du soutien et une évolution vers une conception véritable de l’approvisionnement de l’armée en campagne.
Issue de l’infanterie, l’artillerie sera longtemps une arme délaissée et méprisée. Puis, des avantages matériels, un accroissement de l’importance de son rôle attireront vers elle de grands seigneurs. Au sein de l’artillerie, les compagnies d’ouvriers connaîtront et souffriront des mêmes préjugés, jusqu’au jour où, comme pour l’artillerie, l’aspect de haute technicité du service les haussera au niveau d’une arme à part entière.
Lieutenant Anne-Marie MANS http://theatrum-belli.org
Source du texte : Revue Historique des Armées, numéro spécial sur « Le matériel » (1980)
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In memoriam - Petit fonctionnaire
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Maurice Allais, l'économiste détesté de ses pairs
M. Olivier Pastré, personnage redondant et péremptoire auquel on pourra difficilement échapper sur France-Culture, est d'un conformisme comique pour un intellectuel-bo-bo au pedigree impeccable, qui joue en permanence à l'affranchi.
Couvert de distinctions et de diplômes, ce professeur d'économie, doyen de Paris VIII, fut consultant à l'OCDE puis à la CEE, appartint au Commissariat au Plan, fut conseiller du directeur du Trésor, directeur de collections aux Éditions la Découverte, conseiller scientifique de la Revue d'Économie Financière, directeur de collection aux Éditions Perrin, pendant des années éditorialiste quotidien sur France Culture, actuellement producteur sur la même antenne, de L'Économie en Question. Il est membre du Conseil Scientifique de l'Autorité des Marchés Financiers, administrateur de l'Association des Directeurs de Banque, Professional Fellow de l'Institut Europlace de Finance, administrateur de CMP Banque (filiale bancaire du Crédit Municipal de Paris). Mais nous nous intéresserons tout particulièrement à un aspect de sa biographie souligné par le Cercle des Économistes auquel, bien entendu, il appartient : « De 1987 à 2002, Olivier Pastré a été Directeur Général Adjoint puis Directeur Général de GP Banque (rebaptisée, à partir de 1999 SBFl, (Société de Banques Françaises et Internationales), seule banque d'affaires européenne à s'être spécialisée sur le Maghreb et le Machrek. À ce titre, il a dirigé une quarantaine de cadres répartis entre la France, le Maroc, l'Algérie et la Tunisie et a géré cinq fonds d'investissement. Olivier Pastré est (ou a été) administrateur de Medifin et MSIN (Maroc), (société boursière marocaine), d'Union Bank (Algérie) (mise en liquidation dans les remous de l'effondrement de l'empire Khalifa) et d'IM Bank (Tunisie) (International Maghreb Merchant Bank Première banque d'affaires agréée dans un pays du Maghreb, qui fonctionne sous la tutelle des autorités financières tunisiennes). Il a été nommé Directeur Général d'IM Bank en 2000 et Président en 2001. (Ce qu'il est à ce jour). Dans le cadre d'lM Bank, Olivier Pastré a participé à plus de 20 privatisations au Maghreb en tant que conseil du Gouvernement ou d'investisseurs privés ». GP Banque, puis SBFl, était une filiale de la Société Marseillaise de Crédit, rachetée en 2008 à HSBC-France par BPCE - Banque Populaire-Caisse d'Epargne -. Devenue une filiale de Natexis, elle est dirigée par l'Algérien Abderrahmane Hadj Nacer, ancien directeur de la Banque Centrale d'Algérie. Outre que cela montre à quel point l'homme est profondément inféodé au Système financier mondialiste, on ne peut mieux éclairer les liens qui le lient « au Maghreb et au Machrek » et par incidence le peu d'empathie que lui inspirent ceux qui n'ont de goût ni pour l'un ni pour l'autre.
Dans une notice biographique laconique que France Culture consacra le 15 octobre au Prix Nobel d'économie Maurice Allais, tout juste décédé à 99 ans, il trouva néanmoins l'occasion d'agresser le Front National qui « avait, dit-il, tenté de le récupérer » faisant ainsi « une erreur d'évaluation ».
M. Pastré dispose de tribunes considérables dont il use et abuse pour faire passer ses opinions et les messages que ses maîtres de la finance l'ont chargé de diffuser. Et il peut autant qu'il le veut s' en prendre à des gens qui n'ont aucun moyen de répondre à ses attaques. Il devrait savoir néanmoins que le Front National n'a jamais eu à récupérer le Pr Allais parce que depuis 45 ans nous étions dans la même démarche que lui. Et cela a même commencé alors qu'il militait en lisière de l'OAS dans un combat pour l'Algérie Française, dans lequel en effet on ne trouvait les amis actuels de M. Pastré que parmi les porteurs de valises de ceux que combattait Maurice Allais. Ce qui explique largement que le seul prix Nobel d'Économie français ait subi l'habituel traitement au silence réservé aux insoumis. À ceux qui ont la mémoire courte on rappellera ce que cet homme sage et objectif écrivait en 1962 dans L'Algérie d'Evian : « J'estime que les crimes aveugles de l'OAS doivent être condamnés, mais que les hommes qui les commettent ont été rendus « fous furieux » par la politique inhumaine et odieuse poursuivie par le Pouvoir et qu'ils doivent dès lors bénéficier de notre compréhension et des circonstances atténuantes ; j'estime encore qu'un jugement analogue doit être porté quant aux crimes, non moins odieux, commis par les hommes du FLN. J'estime que ces crimes, il était certain qu'ils seraient commis, car on ne peut attendre de gens primitifs et fanatiques, après sept ans de combats clandestins et atroces, au cours desquels ils ont été impitoyablement décimés, qu'ils se comportent en hommes raisonnables et civilisés. De là,je conclus qu'il est non seulement inhumain, mais insensé, pour le Pouvoir de livrer dans de telles conditions (les Accords d'Evian) le groupe minoritaire désarmé à la merci du groupe majoritaire supérieurement armé. J'affirme que c'est là une décision barbare qui restera longtemps au cours des siècles qui vont suivre comme un opprobre ineffaçable pour notre pays ».
En économie comme ailleurs il y a des géants et il y a des nains. Et ce ne sont pas forcément ceux qui monopolisent le discours médiatique qui sont les plus dignes.
Georges MAÎTRE. Rivarol du 29 octobre 2010 -
France souviens-toi de qui tu es !
Lorsque la Révolution Française a éclaté, l’Europe n’en revenait pas de ce que le plus doux, le plus aimable des peuples ait ainsi pu se transformer un en monstre sanguinaire, aveugle prêt à déchiqueter sans discernement quiconque se dressait devant lui. Il est saisissant de lire cet étonnement des contemporains européens dans leur correspondance.
Et depuis ? Depuis qu’est devenu le plus aimable des peuples ? A-t-il toujours le goût du sang aux lèvres ? Si nous regardons l’histoire chaotique et violente qui émaille les deux derniers siècles, nous serions bien tentés de répondre oui. Comme un homme ne se remet jamais d’un meurtre, comme une personne saine se relève difficilement d’un coup de folie meurtrière, la France semble comme abrutie depuis deux siècles. On le dit trop peu, le peuple de France n’est pas encore sorti de l’épisode révolutionnaire. Preuve s’il en est le nouveau maire de Rouen en est encore à débaptiser le salon Louis XVI pour lui donner le nom de… République. La période révolutionnaire, avec sa violence inouïe, a créé une rupture qu’une certaine idéologie a savamment entretenue. Il y a un avant et un après, comme il y a un ancien et un nouveau régime. Que l’on soit monarchiste ou républicain m’importe peu ici, car la cassure qui a eu lieu n’est pas seulement politique. Elle est identitaire et anthropologique. La France n’est plus la même. [...]
Tribune libre de Cyril Brun* - La suite sur Nouvelles de France
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Chronique de livre: Jean-Claude Michéa, La double pensée, Champs, Paris, 2008
Jean-Claude Michéa, La double pensée, Champs, Paris, 2008
Jean-Claude Michéa est agrégé de philosophie et contributeur au sein du MAUSS depuis de nombreuses années. De sensibilité anarchiste, Jean-Claude Michéa n’a pourtant rien à voir avec l’anarchisme subventionné du système comme nous pouvons le croiser dans nos facs ou à travers les différentes initiatives ayant pour objet la destruction de nos sociétés européennes. L’anarchisme de Michéa se situe dans la lignée de la pensée de Georges Orwell, que l’on présente trop peu comme un écrivain socialiste et qu’on résume bien trop à une pensée « anti-totalitaire » systémo-compatible alors même qu’il fut un pourfendeur des effets dévastateurs du libéralisme et du colonialisme au sein même du monde britannique qu’il ne perçut jamais comme une alternative crédible aux « totalitarismes » officiels. A la suite d’Orwell, Jean-Claude Michéa défend la « décence commune », c'est-à-dire l’attitude traditionnelle et universalisable de « donner, recevoir et rendre » qui s‘accompagne du « bon sens » que nous pouvons connaître dans nos sociétés rurales traditionnelles. Cette anthropologie mise en lumière par Marcel Mauss est pour Michéa le synonyme d’une société socialiste.
Dans le présent ouvrage, qui prolonge L’Empire du moindre mal, Jean-Claude Michéa défend deux thèses essentielles : d’une part le libéralisme économique et le libéralisme « sociétal » ne font qu’un, et d’autre part les libéraux sont capables de prôner tout et son contraire. Ainsi le fait de réclamer un état pour des peuples du « tiers-monde » alors que dans le même temps on s’échine en France à vouloir démanteler l’état et à ouvrir les frontières… La construction de l’ouvrage (compilation d’articles, de réflexions et d’entrevues) n’en fait pas un ouvrage de philosophie « classique » où la pensée se déroule sur un fil mais plutôt un ensemble de considérations autour de ces deux grands thèmes. L’échange avec « Radio libertaire », qui constitue le tronc du livre, est d’ailleurs plutôt vivifiant, non seulement parce qu’il est dynamique, mais parce qu’on ne décèle jamais, autant chez Michéa que chez le journaliste de RL, de langue de bois lorsqu’il s‘agit de mettre la nouvelle gauche (et donc la nouvelle extrême-gauche) face à ses contradictions et ses préjugés.
Pour Michéa la société libérale se caractérise par plusieurs phénomènes : la coexistence du Marché, du Droit procédural et la neutralité axiologique. Tout cela conduit à refuser d’aborder les questions sous un angle philosophique, pour éviter les « conflits idéologiques » qui rappellent l’époque sanglante des Guerres de religion. Seules la « main invisible du Marché » et l’extension indéfinie du Droit procédural peuvent conduire à une régulation sociale. Il résulte de la systématisation de ces mécanismes une incompréhension par exemple de la part des libéraux du fait que des associations puissent se questionner de façon philosophique sur le droit à l’avortement ou le mariage homosexuel, alors même que selon la pensée libérale « chacun fait ce qu’il veut » et que le Droit est la seule façon de définir la norme (ou la nouvelle norme). Pour autant Michéa met en garde contre « l’idéologie du Bien » (ou idéologie morale) sur ce type de questions. Dans le cas des homosexuels, il présente différentes « visions » qu’il intègre dans ce qu’il considère comme des écueils : « l’homosexualité représente un « péché » contre la volonté divine (variante islamo-chrétienne), un symptôme de « décadence » et « d’ épuisement vital » (variante fasciste) ou encore une « déviation petite-bourgeoise » (variante stalinienne). » Pour l’auteur, cette « métaphysique du bourreau » (Nietzsche) apparaît comme une contradiction avec la « décence commune ». En revanche il considère qu’une société décente devrait permettre le débat philosophique sur ce type de questions. A travers cet exemple, qui revient à différentes reprises, Michéa n’hésite pas à critiquer les déviances de la gauche qui a délaissé la défense des classes populaires au profit du multiculturalisme (« droit des minorités », « lutte contre toutes les discriminations »), du lumpenprolétariat (terminologie marxiste désignant les éléments déclassés, comprenant les voyous et escrocs divers, les marginaux, qui n’ont aucune conscience de classe et servent les intérêts de la bourgeoisie) et de « l’évolution des mœurs ».
Michéa défend dans son ouvrage un socialisme communautaire, enraciné, hostile à la hiérarchie et à l’autorité, reprenant ici les apports de Orwell dans 1984, mais aussi de Christopher Lasch, Debord ou encore Rousseau dont il cite la célèbre maxime suivante : « Méfiez-vous de ces cosmopolites qui vont chercher loin de leur pays des devoirs qu'ils dédaignent accomplir chez eux. Tel philosophe aime les Tartares pour être dispensé d'aimer ses voisins. ». Pour lui, le socialisme réel (la décence commune) se vit dans la proximité de l’individu (famille, quartier, village) et seul un individu capable d’aider ceux qui lui sont proches (comme cela se fait encore dans certaines sociétés indigènes d’Amazonie) peut par la suite se projeter vers l’universel. La plus parfaite manifestation de l’esprit bourgeois étant sûrement cette propension des « stars » du show-bizz à s’acheter une bonne conscience en aidant les populations lointaines alors qu’ils n’ont que mépris pour leurs « compatriotes ». Michéa rappelle d’ailleurs que les paysans sont souvent considérés comme des « ploucs » et des « péquenauds » par nos élites bohêmes parisiennes. Il cherche aussi à distinguer dans Mai 68, le mouvement populaire ouvrier ou paysan (le Larzac), de la rébellion libérale-libertaire estudiantine qui a été parfaitement récupérée par le système et dont Cohn-Bendit est une parfaite icône. La gauche a totalement enterrée le mai 68 populaire, ouvrier ou paysan, comme la trahison mitterrandienne n’a fait que le confirmer après 1981 au profit d’une pensée bourgeoise compatible avec le libéralisme de défense des « exclus », des « sans-papiers » et des « gays ». Bien sûr il note que les libéraux, de droite comme de gauche, s’accordent pour réclamer l’ouverture des frontières, alors même que toute pensée socialiste authentique ne peut pas soutenir un tel projet…
Le philosophe montpelliérain aggrave son cas lorsqu’il rappelle par exemple qu’il existe une critique socialiste des droits de l’homme et qu’il se risque à quelques commentaires sur les fondements des Droits de l’homme. Il débute en citant Marx dans La Question Juive : « Aucun des prétendus droits de l’homme ne dépasse donc l’homme égoïste, l’homme tel qu’il est, membre de la société civile, c'est-à-dire un individu séparé de la communauté, replié sur lui-même, uniquement préoccupé de son intérêt personnel et obéissant à son arbitraire privé. ». Voila en une phrase le résumé de ce que sont les Droits de l’Homme. L’auteur poursuit dans la scolie associée par une remarque qui complète notre paragraphe précédent sur l’étouffement calculé du mai 68 populaire : « Le travail de falsification médiatique et universitaire a été poussé si loin, de nos jours, qu’on trouverait difficilement des étudiants (voire des « doctorants ») capables d’imaginer que la critique des droits de l’homme se situait il y’a quelques décennies encore au cœur même de la théorie marxiste et donc, de la plupart des combats révolutionnaires. » Il adjoint à ces considérations des citations d’Engels à propos du mouvement des Lumières, dont celle-ci : « Nous savons aujourd’hui que ce règne de la Raison n’était rien d’autre que le règne idéalisé de la bourgeoisie. ». Le droit des individus conduit nécessairement à une atomisation juridique au sein de la société qui est très différente de l’autonomie souhaitée par les mouvements socialistes originels. Il considère même que les Droits de l’homme sont le signe d’une « anthropologie négative » qui estime que le droit doit empêcher les Hommes de se nuire mutuellement. Cette idée d’une anthropologie libérale, pessimiste et négative, revient régulièrement dans l’ouvrage avec la convocation de Hobbes bien évidemment (« L’homme est un loup pour l’homme») mais aussi par une explication d’ordre plus « psychologique », les libéraux réagissant souvent face à des « chocs historiques » qui conduisent à avoir une image pessimiste de l’Homme et à chercher en conséquence à ce que le Droit empêche de nuire à autrui, la seule limite à la liberté d’un individu étant la liberté d’un autre individu. Par ailleurs, la liberté devient surtout la liberté de consommer et de se créer un « style de vie », d’avoir le choix entre la marque Y et la marque X. Cette critique socialiste des Droits de l’Homme, qui emprunte une nouvelle fois à Christopher Lasch, s’accompagne d’une critique de l’aliénation et de l’utilitarisme. Le socialisme, c'est-à-dire la « décence commune » et non d‘obscures mécanismes de régulation socio-économiques, promeut un homme libéré donc autonome, mais pas un homme égoïste, aliéné et qui agit par vanité et intérêt.
Sur ce point, les mouvements radicaux ont aussi droit à leur critique en bonne et due forme. Pour Michéa, les mouvements radicaux se meurent par la faute des différents arrivistes et dirigeants qui détournent la contestation révolutionnaire pour leur gloire personnelle. C’est le sens qu’il donne à la Ferme des Animaux d’Orwell, où suite à la révolution des animaux contre les fermiers, les cochons prennent le pouvoir car « tout le monde est égal, mais certains plus que d’autres ». Il voit ici une critique du stalinisme et du fait que les révolutions socialistes ont toutes fini par servir les intérêts d’une caste de « révolutionnaires professionnels ». Ainsi pour lui, il faut envisager un moyen d’empêcher ces révolutionnaires professionnels et les militants dont le dévouement deviendrait trop suspect de détourner la révolution à leur profit. Cela le conduit naturellement à critiquer la « volonté de puissance » de certains militants qui cherchent toujours à imposer leurs vues et peuvent même devenir des « donneurs de leçon ». Il les affuble du nom de Robert Macaire, personnage sans scrupule et prêt à tout pour arriver à ses fins dans le vocabulaire du monde artistique. On ne peut pas lui donner tort, tant les mouvements radicaux ressemblent souvent à des fan-clubs ou des PME au service d’un individu. A ce titre, la médiatisation des mouvements dans cette « société du spectacle » tant décriée par Debord et l’Internationale Situationniste, participe de ces écueils dans lesquels se fourvoient les mouvements radicaux. Il cite un exemple amusant, celui du soutien de TF1 à Réseau Education Sans Frontière via une célèbre émission pour gagner de l’argent, attestant de la tartufferie de ce mouvement… La recherche de la médiatisation revient à jouer la partition du système médiatique : Michéa rappelle que certains mouvements, pourtant fort de plusieurs milliers d’adhérents (comme des mouvements écologistes ou localistes) ne bénéficient d’aucune tribune médiatique, alors que des mouvements de quelques centaines de membres parviennent à obtenir une exposition qui lui paraît suspecte.
La pensée de Jean-Claude Michéa dans cette ouvrage est extrêmement féconde et il aborde assez largement d’autres sujets comme son parcours personnel, son rapport à l’écriture et à la technologie (il s’inspire en particulier de Jacques Ellul), la pensée des néo-libéraux (Hayek, Friedman, l’école de Chicago), la critique de la notion de néo-conservatisme, la dictature libérale provisoire (Pinochet) ou encore le monde enseignant. Il n’hésite pas à non plus à tancer les incontournables Attali et BHL… c’est donc un ouvrage essentiel, qui se lit très vite et qui prépare à la lecture des deux ouvrages suivants, Le complexe d’Orphée (2011) et Les mystères de la gauche 2013) qui sont des compléments à celui-ci sur deux thèmes bien précis, le refus pour les libéraux et autres « progressistes » de regarder vers le passé et le constat amer que la gauche est devenue le camp du libéralisme le plus abouti (économique et sociétal).
Pour ma part, si je ne partage pas forcément l’optimisme anthropologique de Michéa à l’heure actuelle tant la société paraît rongée par les maux du libéralisme (individualisme, guerre de tous contre tous, difficulté à pouvoir accorder sa confiance à autrui, etc…) et son rejet de certaines formes de hiérarchie (je ne considère pas que la hiérarchie est nuisible par principe, mais qu’elle devient nuisible si la hiérarchie se considère comme étant distincte du peuple), il n’en demeure pas moins que l’auteur ouvre la voie à une forme de société socialiste communautaire et enracinée basée sur la décence commune et le bon sens populaire, qui cadre plutôt avec nos aspirations et ne fait que confirmer que ce qui nous sépare des authentiques socialistes historiques n’est pas aussi important que certains le pensent. A bon entendeur…
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Cousteau, Rebatet et la liberté carcérale
Je me rappelle de ce prisonnier d’une nouvelle de Stephen King qui ne supporte pas d’être remis en liberté. Il se pend à sa sortie de prison. Pour les gnostiques, le corps était déjà une prison. Pour d’autres, c’est la société.
***En 1945 les écrivains collaborateurs et fascistes Cousteau et Rebatet sont condamnés à mort. Juste à temps leur peine est commuée, car une partie de l’opinion, une fois les passions retombées, les intellectuels notamment, trouvent dangereuse la dérive juridique du temps. Les grands industriels redémarrent leurs usines, Von Braun part à la conquête de l’espace, et nous les écrivains serions seuls fusillés ?
Mais on les gracie, ce qui va leur permettre de se confier dans un livre passionnant d’entretiens, où nos deux esprits libérés par la mort, la prison et la défaite de leurs idées se lancent dans une méditation du monde digne du Dostoïevski des "Souvenirs de la maison des morts".
On peut télécharger ce texte gratuitement. Je pourrais en citer d’autres passages notamment sur l’histoire de la littérature. Mais je garde ceux-ci, car ils nous préparent dans un monde qui est devenu une prison, tel que prévu par Hamlet, Rosencrantz et les autres.
Guil. Prison, my lord?
Ham. Denmark’s a prison.
Ros. Then is the world one.***Si paradoxal que cela puisse paraître, c’est la prison qui m’a révélé la véritable liberté, de l’esprit, la liberté totale. Ce n’est pas le moindre des plaisirs de la taule.
***Nous avons la chance insigne que la taule ne contrecarre pas notre activité naturelle, qu’elle la favorise même, dans une certaine mesure, puisqu’il est évident, contre toutes les thèses sartriennes, que l’on écrit d’abord pour soi : que toi, qui as été tellement journaliste, tu continues à écrire, c’en est la preuve évidente.
***Un de mes oncles que j’aime beaucoup m’avait fort scandalisé jadis en m’expliquant que la vie en société n’est tolérable qu’avec des égoïstes... De plus, il n’est envahissant que par exception, seulement lorsque son intérêt est en jeu, tandis que l’altruiste lui, ne nous lâche pas d’une semelle et prétend assurer en permanence votre bien-être matériel ou le salut de votre âme : il vous dorlote, il vous réforme, il vous guide. On finit par souhaiter sa mort.
***Je t’avoue qu’après deux hivers d’Ino. Il m’était difficile de déclarer que la punition n’existait pas. Mais, depuis, tu m’as montré la réalité du confort carcéral. Tu m’as donné, sans baratins, ni sermons, une leçon de savoir-vivre, j’entends : science de la vie.
***Mais revenons au confort carcéral ; bien sûr, lorsque tu étais à l’Ino et que je te parlais des plaisirs de la taule, je n’ignorais pas que je faisais de la provocation.
***Si j’étais condamné à vivre vingt-quatre heures sur vingt-quatre en plein troupeau, j’aimerais autant fendre du bois ou peler des patates continuellement. Le pire supplice de l’Ino.
***La première est de n’être point astreint à une besogne manuelle. J’ai fait de la terrasse pendant quatorze mois en Thuringe : c’est infernal.
Si, dans ce bagne, on me forçait à fabriquer des portemanteaux ou des chaussons, je toucherais très vite le fond de la détresse ou de l’abrutissement, et tout ce que je t’ai dit sur les plaisirs de la taule n’aurait plus aucun sens.
***L’important, pendant notre bref séjour sur cette planète mal fichue, c’est d’éliminer la souffrance autant que faire se peut et d’accumuler le maximum de sensations agréables. Je suis hédoniste à 100 % et je ne m’en cache pas. Or, j’ai découvert ces dernières années que la taule offre à un individu de mon espèce des possibilités de bonheur tout à fait imprévues et d’une qualité telle que je n’en retrouverais l’équivalent, hors de ces murs, que dans des circonstances exceptionnelles.
***Mais j’ai acquis assez de sagesse pour savoir que la liberté n’est pas un bonheur en soi, que c’est un risque. Il y a, dehors, des millions et des millions d’hommes qui sont nominalement libres mais dont l’esclavage est incomparablement plus pesant que le nôtre et avec qui je ne troquerais mon destin sous aucun prétexte. J’aime autant être ici que d’être le libre employé d’une compagnie d’assurances ou le libre manoeuvre des usines Citroën, ou le libre valet de ferme de Chantecoucou-sur-Lignon, ou de vivre librement dans une caserne prolétarienne ou d’être astreint aux loisirs librement dirigés de la démocratie.
***Nous ne sommes ni des coupables, ni des innocents, nous sommes des vaincus et nous subissons la loi du plus fort, qui est vieille comme le monde. Nous sortirons lorsque l’ennemi se sera fatigué d’être féroce.
***Mais dehors, les libres citoyens sont brimés par la flicaille, rançonnés par le fisc, soumis à la conscription, mobilisés à la moindre alerte, jetés dans des guerres pour lesquelles nul ne les a consultés et condamnés, selon les cas, à mort, à l’infirmité temporaire ou à vie, à cinq ans de tranchées ou à cinq ans de stalag. Je ne m’indigne pas. C’est ça la société. Ici comme ailleurs, la société est quelque chose qui emmerde les individus et c’est à l’individu de se débrouiller pour accéder à un échelon où il reçoive le moins possible d’éclaboussures.
***La négrification de la planète ne pourrait plus que nous divertir. Nous n’avons plus de maison, nous n’avons plus de ville, nous n’avons plus de patrie, nous n’avons plus de race. Mieux encore : nous n’avons plus de contemporains... On ne nous a pas seulement retranchés de cet hexagone. On nous a projetés hors du siècle. Et c’est pour cela que nous éprouvons une telle sensation de liberté.
***Ca se terminera peut-être très bien, par l’établissement sur cette planète d’une sorte de pax americana, à base de Coca-Cola, de bulletins de vote et de télévision.
Nicolas Bonnal http://www.france-courtoise.info
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In memoriam - Xavier
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PEILLON, TOUCHE PAS À NOS GOSSES !
APRÈS PIERRE BERGÉ, QUI VEUT DISTRIBUER DES PRÉSERVATIFS AUX JEUNES GARÇONS DANS LES COLLÈGES (POUR QUOI FAIRE ?), VOILÀ QUE PEILLON, ASSORTI DE BEL KACEM, ONT DÉCIDÉ EUX AUSSI DE S’ATTAQUER À NOS ENFANTS, MAIS ENCORE PLUS JEUNES : DÈS LA MATERNELLE ! ÇA SUFFIT. PEILLON, TU TOUCHERAS PAS À NOS GOSSES !
A LIRE DANS LIBÉ... C’EST DONC DU LOURD !
"L’égalité à mauvaise école
DÉCRYPTAGE XX -XY. Pour en finir avec les stéréotypes, l’Education nationale lance un dispositif expérimental.
Par VÉRONIQUE SOULÉ
Des filles qui travaillent bien à l’école, mais qui manquent d’ambition et qui rêvent de devenir coiffeuses ou maîtresses plutôt que menuisières ou astronomes. Des garçons souvent à la traîne, mais à qui on pardonne volontiers parce qu’il faut bien qu’ils s’agitent. Et, lorsqu’ils réussissent, ce sont eux qui visent les filières les plus prestigieuses - prépas scientifiques, grandes écoles d’ingénieurs… En matière d’égalité filles-garçons et de lutte contre les stéréotypes, l’Education nationale peut franchement mieux faire. Consciente de ses manques, elle assure vouloir enfin passer aux actes.
Dès cette rentrée, le ministère de Vincent Peillon, en collaboration avec celui de sa collègue aux Droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem, lance un dispositif baptisé « les ABCD de l’égalité » dans dix académies. Au minimum, 500 classes de primaire seront concernées, c’est-à-dire plusieurs milliers d’élèves, et ce dès la maternelle. L’idée est de combattre les clichés et les comportements sexistes qui se développent dès le plus jeune âge, et que l’école ne fait que conforter - petits garçons jouant au foot dans la cour de récré pendant que les filles papotent dans leur coin, les premiers faisant les malins dans la classe tandis que les secondes jouent aux petites filles modèles au premier rang, etc.
Un manque de mixité
Pour les sensibiliser au problème, les inspecteurs de l’Education et les enseignant(e)s vont recevoir une formation. Du matériel pédagogique va leur être distribué pour les aider à repérer les attitudes « genrées » [sic !] des élèves, mais aussi leurs propres comportements : des annotations différentes selon le sexe (« A des capacités, peut mieux faire » pour les garçons, « Fait son possible » pour les filles), un manque de mixité dans le placement des élèves en classe, ou encore la parole inégalement donnée avec un avantage pour les garçons.
Une dizaine de cours au total sont aussi prévus, de la maternelle au CM2. Par exemple, dans le cadre de l’histoire de l’art, le prof pourrait prendre un tableau ancien montrant deux enfants de sexes différents habillés et coiffés pareil pour aborder le rôle de l’éducation.
Les ABCD de l’égalité
« La formation des enseignantes est au centre du dispositif, souligne Patrick Bacry, de la Mission égalité filles-garçons de l’académie de Créteil, l’une des dix pionnières qui vont expérimenter les ABCD de l’égalité. Il ne s’agit surtout pas d’en faire des boucs émissaires. Mais c’est un problème sociétal qui les touche aussi. Même s’ils font de leur mieux, de façon tout à fait inconsciente, ils peuvent avoir des comportements nourrissant des stéréotypes ou les laissant s’exprimer. A tous les niveaux, des inspecteurs jusqu’aux élèves eux-mêmes, il faut encourager une prise de conscience. »
L’expérience va être évaluée au printemps 2014. Si elle se révèle concluante, elle sera étendue à la rentrée suivante à d’autres académies et progressivement généralisée. Le ministère de l’Education ne veut surtout pas brusquer les choses, au risque de braquer des enseignant(e)s souvent fatigué(e)s de voir se succéder les réformes et se multiplier leurs missions. « Ils auront déjà beaucoup de nouveau à la rentrée, souligne-t-on rue de Grenelle, une partie des écoles va notamment passer aux quatre jours et demi. » Après des siècles de traitement différencié, il serait pourtant grand temps que les 6,7 millions d’écolier(e)s jouent à égalité."
QUAND ON SAIT CE QUE PEILLON EST CAPABLE DE PENSER : VOILÀ SA PROSE, RÉVÉLÉE PAR LES 4 VÉRITÉS
Peillon, prédicateur de la religion révolutionnaire :
Voici ce que Vincent Peillon écrivait dans La Révolution française n’est pas terminée, 2008, le Seuil :
« La révolution française est l’irruption dans le temps de quelque chose qui n’appartient pas au temps, c’est un commencement absolu, c’est la présence et l’incarnation d’un sens, d’une régénération et d’une expiation du peuple français. 1789, l’année sans pareille, est celle de l’engendrement par un brusque saut de l’histoire d’un homme nouveau. La révolution est un événement méta-historique, c’est-à-dire un événement religieux. La révolution implique l’oubli total de ce qui précède la révolution. Et donc l’école a un rôle fondamental, puisque l’école doit dépouiller l’enfant de toutes ses attaches pré-républicaines pour l’élever jusqu’à devenir citoyen. Et c’est bien une nouvelle naissance, une transsubstantiation qui opère dans l’école et par l’école, cette nouvelle église avec son nouveau clergé, sa nouvelle liturgie, ses nouvelles tables de la loi. » [...]
Anne Lys - La suite sur LES 4 VÉRITÉS
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