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culture et histoire - Page 1870

  • Chronique de livre: Jean-Claude Michéa, La double pensée, Champs, Paris, 2008

    Jean-Claude Michéa, La double pensée, Champs, Paris, 2008

    couv la dbl pensée.gifJean-Claude Michéa est agrégé de philosophie et contributeur au sein du MAUSS depuis de nombreuses années. De sensibilité  anarchiste, Jean-Claude Michéa n’a pourtant rien à voir avec l’anarchisme subventionné du système comme nous pouvons le croiser dans nos facs ou à travers les différentes initiatives ayant pour objet la destruction de nos sociétés européennes. L’anarchisme de Michéa se situe dans la lignée de la pensée de Georges Orwell, que l’on présente trop peu comme un écrivain socialiste et qu’on résume bien trop à une pensée « anti-totalitaire » systémo-compatible alors même qu’il fut un pourfendeur des effets dévastateurs du libéralisme et du colonialisme au sein même du monde britannique qu’il ne perçut jamais comme une alternative crédible aux « totalitarismes » officiels. A la suite d’Orwell, Jean-Claude Michéa défend la « décence commune », c'est-à-dire l’attitude traditionnelle et universalisable de « donner, recevoir et rendre » qui s‘accompagne du « bon sens » que nous pouvons connaître dans nos sociétés rurales traditionnelles. Cette anthropologie mise en lumière par Marcel Mauss est pour Michéa le synonyme d’une société socialiste.

    Dans le présent ouvrage, qui prolonge L’Empire du moindre mal, Jean-Claude Michéa défend deux thèses essentielles : d’une part le libéralisme économique et le libéralisme « sociétal » ne font qu’un, et d’autre part les libéraux sont capables de prôner tout et son contraire. Ainsi le fait de réclamer un état pour des peuples du « tiers-monde » alors que dans le même temps on s’échine en France à vouloir démanteler l’état et à ouvrir les frontières… La construction de l’ouvrage (compilation d’articles, de réflexions et d’entrevues) n’en fait pas un ouvrage de philosophie « classique » où la pensée se déroule sur un fil mais plutôt un ensemble de considérations autour de ces deux grands thèmes. L’échange avec « Radio libertaire », qui constitue le tronc du livre, est d’ailleurs plutôt vivifiant, non seulement parce qu’il est dynamique, mais parce qu’on ne décèle jamais, autant chez Michéa que chez le journaliste de RL, de langue de bois lorsqu’il s‘agit de mettre la nouvelle gauche (et donc la nouvelle extrême-gauche) face à ses contradictions et ses préjugés.

    Pour Michéa la société  libérale se caractérise par plusieurs phénomènes : la coexistence du Marché, du Droit procédural et la neutralité axiologique. Tout cela conduit à refuser d’aborder les questions sous un angle philosophique, pour éviter les « conflits idéologiques » qui rappellent l’époque sanglante des Guerres de religion. Seules la « main invisible du Marché » et l’extension indéfinie du Droit procédural peuvent conduire à une régulation sociale. Il résulte de la systématisation de ces mécanismes une incompréhension par exemple de la part des libéraux du fait que des associations puissent se questionner de façon philosophique sur le droit à l’avortement ou le mariage homosexuel, alors même que selon la pensée libérale « chacun fait ce qu’il veut » et que le Droit est la seule façon de définir la norme (ou la nouvelle norme). Pour autant Michéa met en garde contre « l’idéologie du Bien » (ou idéologie morale) sur ce type de questions. Dans le cas des homosexuels, il présente différentes « visions » qu’il intègre dans ce qu’il considère comme des écueils : « l’homosexualité représente un « péché » contre la volonté divine (variante islamo-chrétienne), un symptôme de « décadence » et « d’ épuisement vital » (variante fasciste) ou encore une « déviation petite-bourgeoise » (variante stalinienne). » Pour l’auteur, cette « métaphysique du bourreau » (Nietzsche) apparaît comme une contradiction avec la « décence commune ». En revanche il considère qu’une société décente devrait permettre le débat philosophique sur ce type de questions. A travers cet exemple, qui revient à différentes reprises, Michéa n’hésite pas à critiquer les déviances de la gauche qui a délaissé la défense des classes populaires au profit du multiculturalisme (« droit des minorités », « lutte contre toutes les discriminations »), du lumpenprolétariat (terminologie marxiste désignant les éléments déclassés, comprenant les voyous et escrocs divers, les marginaux, qui n’ont aucune conscience de classe et servent les intérêts de la bourgeoisie) et de « l’évolution des mœurs ».

    Michéa défend dans son ouvrage un socialisme communautaire, enraciné, hostile à la hiérarchie et à l’autorité, reprenant ici les apports de Orwell dans 1984, mais aussi de Christopher Lasch, Debord ou encore Rousseau  dont il cite la célèbre maxime suivante : « Méfiez-vous de ces cosmopolites qui vont chercher loin de leur pays des devoirs qu'ils dédaignent accomplir chez eux. Tel philosophe aime les Tartares pour être dispensé d'aimer ses voisins. ». Pour lui, le socialisme réel (la décence commune) se vit dans la proximité de l’individu (famille, quartier, village) et seul un individu capable d’aider ceux qui lui sont proches (comme cela se fait encore dans certaines sociétés indigènes d’Amazonie) peut par la suite se projeter vers l’universel. La plus parfaite manifestation de l’esprit bourgeois étant sûrement cette propension des « stars » du show-bizz à s’acheter une bonne conscience en aidant les populations lointaines alors qu’ils n’ont que mépris pour leurs « compatriotes ». Michéa rappelle d’ailleurs que les paysans sont souvent considérés comme des « ploucs » et des « péquenauds » par nos élites bohêmes parisiennes. Il cherche aussi à distinguer dans Mai 68, le mouvement populaire ouvrier ou paysan (le Larzac), de la rébellion libérale-libertaire estudiantine qui a été parfaitement récupérée par le système et dont Cohn-Bendit est une parfaite icône. La gauche a totalement enterrée le mai 68 populaire, ouvrier ou paysan, comme la trahison mitterrandienne n’a fait que le confirmer après 1981 au profit d’une pensée bourgeoise compatible avec le libéralisme de défense des « exclus », des « sans-papiers » et des « gays ». Bien sûr il note que les libéraux, de droite comme de gauche, s’accordent pour réclamer l’ouverture des frontières, alors même que toute pensée socialiste authentique ne peut pas soutenir un tel projet…

    Le philosophe montpelliérain aggrave son cas lorsqu’il rappelle par exemple qu’il existe une critique socialiste des droits de l’homme et qu’il se risque à quelques commentaires sur les fondements des Droits de l’homme. Il débute en citant Marx dans La Question Juive : « Aucun des prétendus droits de l’homme ne dépasse donc l’homme égoïste, l’homme tel qu’il est, membre de la société civile, c'est-à-dire un individu séparé de la communauté, replié sur lui-même, uniquement préoccupé de son intérêt personnel et obéissant à son arbitraire privé. ». Voila en une phrase le résumé de ce que sont les Droits de l’Homme. L’auteur poursuit dans la scolie associée par une remarque qui complète notre paragraphe précédent sur l’étouffement calculé du mai 68 populaire : « Le travail de falsification médiatique et universitaire a été poussé si loin, de nos jours, qu’on trouverait difficilement des étudiants (voire des « doctorants ») capables d’imaginer que la critique des droits de l’homme se situait il y’a quelques décennies encore au cœur même de la théorie marxiste et donc, de la plupart des combats révolutionnaires. » Il adjoint à ces considérations des citations d’Engels à propos du mouvement des Lumières, dont celle-ci : « Nous savons aujourd’hui que ce règne de la Raison n’était rien d’autre que le règne idéalisé de la bourgeoisie. ». Le droit des individus conduit nécessairement à une atomisation juridique au sein de la société qui est très différente de l’autonomie souhaitée par les mouvements socialistes originels. Il considère même que les Droits de l’homme sont le signe d’une « anthropologie négative » qui estime que le droit doit empêcher les Hommes de se nuire mutuellement. Cette idée d’une anthropologie libérale, pessimiste et négative, revient régulièrement dans l’ouvrage avec la convocation de Hobbes bien évidemment (« L’homme est un loup pour l’homme») mais aussi par une explication d’ordre plus « psychologique », les libéraux réagissant souvent face à des « chocs historiques » qui conduisent à avoir une image pessimiste de l’Homme et à chercher en conséquence à ce que le Droit empêche de nuire à autrui, la seule limite à la liberté d’un individu étant la liberté d’un autre individu. Par ailleurs, la liberté devient surtout la liberté de consommer et de se créer un « style de vie », d’avoir le choix entre la marque Y et la marque X. Cette critique socialiste des Droits de l’Homme, qui emprunte une nouvelle fois à Christopher Lasch, s’accompagne d’une critique de l’aliénation et de l’utilitarisme. Le socialisme, c'est-à-dire la « décence commune » et non d‘obscures mécanismes de régulation socio-économiques, promeut un homme libéré donc autonome, mais pas un homme égoïste, aliéné et qui agit par vanité et intérêt.

    Sur ce point, les mouvements radicaux ont aussi droit à leur critique en bonne et due forme. Pour Michéa, les mouvements radicaux se meurent par la faute des différents arrivistes et dirigeants qui détournent la contestation révolutionnaire pour leur gloire personnelle. C’est le sens qu’il donne à la Ferme des Animaux d’Orwell, où suite à la révolution des animaux contre les fermiers, les cochons prennent le pouvoir car « tout le monde est égal, mais certains plus que d’autres ». Il voit ici une critique du stalinisme et du fait que les révolutions socialistes ont toutes fini par servir les intérêts d’une caste de « révolutionnaires professionnels ». Ainsi pour lui, il faut envisager un moyen d’empêcher ces révolutionnaires professionnels et les militants dont le dévouement deviendrait trop suspect de détourner la révolution à leur profit. Cela le conduit naturellement à critiquer la « volonté de puissance » de certains militants qui cherchent toujours à imposer leurs vues et peuvent même devenir des « donneurs de leçon ». Il les affuble du nom de Robert Macaire, personnage sans scrupule et prêt à tout pour arriver à ses fins dans le vocabulaire du monde artistique. On ne peut pas lui donner tort, tant les mouvements radicaux ressemblent souvent à des fan-clubs ou des PME au service d’un individu. A ce titre, la médiatisation des mouvements dans cette « société du spectacle » tant décriée par Debord et l’Internationale Situationniste, participe de ces écueils dans lesquels se fourvoient les mouvements radicaux. Il cite un exemple amusant, celui du soutien de TF1 à Réseau Education Sans Frontière via une célèbre émission pour gagner de l’argent, attestant de la tartufferie de ce mouvement… La recherche de la médiatisation revient à jouer la partition du système médiatique : Michéa rappelle que certains mouvements, pourtant fort de plusieurs milliers d’adhérents (comme des mouvements écologistes ou localistes) ne bénéficient d’aucune tribune médiatique, alors que des mouvements de quelques centaines de membres parviennent à obtenir une exposition qui lui paraît suspecte.

    La pensée de Jean-Claude Michéa dans cette ouvrage est extrêmement féconde et il aborde assez largement d’autres sujets comme son parcours personnel, son rapport à l’écriture et à la technologie (il s’inspire en particulier de Jacques Ellul), la pensée des néo-libéraux (Hayek, Friedman, l’école de Chicago), la critique de la notion de néo-conservatisme, la dictature libérale provisoire (Pinochet) ou encore le monde enseignant. Il n’hésite pas à non plus à tancer les incontournables Attali et BHL… c’est donc un ouvrage essentiel, qui se lit très vite et qui prépare à la lecture des deux ouvrages suivants, Le complexe d’Orphée (2011) et Les mystères de la gauche 2013) qui sont des compléments à celui-ci sur deux thèmes bien précis, le refus pour les libéraux et autres « progressistes » de regarder vers le passé et le constat amer que la gauche est devenue le camp du libéralisme le plus abouti (économique et sociétal).

    Pour ma part, si je ne partage pas forcément l’optimisme anthropologique de Michéa à l’heure actuelle tant la société paraît rongée par les maux du libéralisme (individualisme, guerre de tous contre tous, difficulté à pouvoir accorder sa confiance à autrui, etc…) et son rejet de certaines formes de hiérarchie (je ne considère pas que la hiérarchie est nuisible par principe, mais qu’elle devient nuisible si la hiérarchie se considère comme étant distincte du peuple), il n’en demeure pas moins que l’auteur ouvre la voie à une forme de société socialiste communautaire et enracinée basée sur la décence commune et le bon sens populaire, qui cadre plutôt avec nos aspirations et ne fait que confirmer que ce qui nous sépare des authentiques socialistes historiques n’est pas aussi important que certains le pensent. A bon entendeur…

     Jean http://cerclenonconforme.hautetfort.com/

  • Cousteau, Rebatet et la liberté carcérale

    Je me rappelle de ce prisonnier d’une nouvelle de Stephen King qui ne supporte pas d’être remis en liberté. Il se pend à sa sortie de prison. Pour les gnostiques, le corps était déjà une prison. Pour d’autres, c’est la société.

    ***

    En 1945 les écrivains collaborateurs et fascistes Cousteau et Rebatet sont condamnés à mort. Juste à temps leur peine est commuée, car une partie de l’opinion, une fois les passions retombées, les intellectuels notamment, trouvent dangereuse la dérive juridique du temps. Les grands industriels redémarrent leurs usines, Von Braun part à la conquête de l’espace, et nous les écrivains serions seuls fusillés ?

    Mais on les gracie, ce qui va leur permettre de se confier dans un livre passionnant d’entretiens, où nos deux esprits libérés par la mort, la prison et la défaite de leurs idées se lancent dans une méditation du monde digne du Dostoïevski des "Souvenirs de la maison des morts".

    On peut télécharger ce texte gratuitement. Je pourrais en citer d’autres passages notamment sur l’histoire de la littérature. Mais je garde ceux-ci, car ils nous préparent dans un monde qui est devenu une prison, tel que prévu par Hamlet, Rosencrantz et les autres.

    Guil. Prison, my lord?
    Ham. Denmark’s a prison.
    Ros. Then is the world one.

    ***

    Si paradoxal que cela puisse paraître, c’est la prison qui m’a révélé la véritable liberté, de l’esprit, la liberté totale. Ce n’est pas le moindre des plaisirs de la taule.

    ***

    Nous avons la chance insigne que la taule ne contrecarre pas notre activité naturelle, qu’elle la favorise même, dans une certaine mesure, puisqu’il est évident, contre toutes les thèses sartriennes, que l’on écrit d’abord pour soi : que toi, qui as été tellement journaliste, tu continues à écrire, c’en est la preuve évidente.

    ***

    Un de mes oncles que j’aime beaucoup m’avait fort scandalisé jadis en m’expliquant que la vie en société n’est tolérable qu’avec des égoïstes... De plus, il n’est envahissant que par exception, seulement lorsque son intérêt est en jeu, tandis que l’altruiste lui, ne nous lâche pas d’une semelle et prétend assurer en permanence votre bien-être matériel ou le salut de votre âme : il vous dorlote, il vous réforme, il vous guide. On finit par souhaiter sa mort.

    ***

    Je t’avoue qu’après deux hivers d’Ino. Il m’était difficile de déclarer que la punition n’existait pas. Mais, depuis, tu m’as montré la réalité du confort carcéral. Tu m’as donné, sans baratins, ni sermons, une leçon de savoir-vivre, j’entends : science de la vie.

    ***

    Mais revenons au confort carcéral ; bien sûr, lorsque tu étais à l’Ino et que je te parlais des plaisirs de la taule, je n’ignorais pas que je faisais de la provocation.

    ***

    Si j’étais condamné à vivre vingt-quatre heures sur vingt-quatre en plein troupeau, j’aimerais autant fendre du bois ou peler des patates continuellement. Le pire supplice de l’Ino.

    ***

    La première est de n’être point astreint à une besogne manuelle. J’ai fait de la terrasse pendant quatorze mois en Thuringe : c’est infernal.

    Si, dans ce bagne, on me forçait à fabriquer des portemanteaux ou des chaussons, je toucherais très vite le fond de la détresse ou de l’abrutissement, et tout ce que je t’ai dit sur les plaisirs de la taule n’aurait plus aucun sens.

    ***

    L’important, pendant notre bref séjour sur cette planète mal fichue, c’est d’éliminer la souffrance autant que faire se peut et d’accumuler le maximum de sensations agréables. Je suis hédoniste à 100 % et je ne m’en cache pas. Or, j’ai découvert ces dernières années que la taule offre à un individu de mon espèce des possibilités de bonheur tout à fait imprévues et d’une qualité telle que je n’en retrouverais l’équivalent, hors de ces murs, que dans des circonstances exceptionnelles.

    ***

    Mais j’ai acquis assez de sagesse pour savoir que la liberté n’est pas un bonheur en soi, que c’est un risque. Il y a, dehors, des millions et des millions d’hommes qui sont nominalement libres mais dont l’esclavage est incomparablement plus pesant que le nôtre et avec qui je ne troquerais mon destin sous aucun prétexte. J’aime autant être ici que d’être le libre employé d’une compagnie d’assurances ou le libre manoeuvre des usines Citroën, ou le libre valet de ferme de Chantecoucou-sur-Lignon, ou de vivre librement dans une caserne prolétarienne ou d’être astreint aux loisirs librement dirigés de la démocratie.

    ***

    Nous ne sommes ni des coupables, ni des innocents, nous sommes des vaincus et nous subissons la loi du plus fort, qui est vieille comme le monde. Nous sortirons lorsque l’ennemi se sera fatigué d’être féroce.

    ***

    Mais dehors, les libres citoyens sont brimés par la flicaille, rançonnés par le fisc, soumis à la conscription, mobilisés à la moindre alerte, jetés dans des guerres pour lesquelles nul ne les a consultés et condamnés, selon les cas, à mort, à l’infirmité temporaire ou à vie, à cinq ans de tranchées ou à cinq ans de stalag. Je ne m’indigne pas. C’est ça la société. Ici comme ailleurs, la société est quelque chose qui emmerde les individus et c’est à l’individu de se débrouiller pour accéder à un échelon où il reçoive le moins possible d’éclaboussures.

    ***

    La négrification de la planète ne pourrait plus que nous divertir. Nous n’avons plus de maison, nous n’avons plus de ville, nous n’avons plus de patrie, nous n’avons plus de race. Mieux encore : nous n’avons plus de contemporains... On ne nous a pas seulement retranchés de cet hexagone. On nous a projetés hors du siècle. Et c’est pour cela que nous éprouvons une telle sensation de liberté.

    ***

    Ca se terminera peut-être très bien, par l’établissement sur cette planète d’une sorte de pax americana, à base de Coca-Cola, de bulletins de vote et de télévision.

    Nicolas Bonnal http://www.france-courtoise.info

  • PEILLON, TOUCHE PAS À NOS GOSSES !

    APRÈS PIERRE BERGÉ, QUI VEUT DISTRIBUER DES PRÉSERVATIFS AUX JEUNES GARÇONS DANS LES COLLÈGES (POUR QUOI FAIRE ?), VOILÀ QUE PEILLON, ASSORTI DE BEL KACEM, ONT DÉCIDÉ EUX AUSSI DE S’ATTAQUER À NOS ENFANTS, MAIS ENCORE PLUS JEUNES : DÈS LA MATERNELLE ! ÇA SUFFIT. PEILLON, TU TOUCHERAS PAS À NOS GOSSES !

    A LIRE DANS LIBÉ... C’EST DONC DU LOURD !

    "L’égalité à mauvaise école

    DÉCRYPTAGE XX -XY. Pour en finir avec les stéréotypes, l’Education nationale lance un dispositif expérimental.

    Par VÉRONIQUE SOULÉ

    Des filles qui travaillent bien à l’école, mais qui manquent d’ambition et qui rêvent de devenir coiffeuses ou maîtresses plutôt que menuisières ou astronomes. Des garçons souvent à la traîne, mais à qui on pardonne volontiers parce qu’il faut bien qu’ils s’agitent. Et, lorsqu’ils réussissent, ce sont eux qui visent les filières les plus prestigieuses - prépas scientifiques, grandes écoles d’ingénieurs… En matière d’égalité filles-garçons et de lutte contre les stéréotypes, l’Education nationale peut franchement mieux faire. Consciente de ses manques, elle assure vouloir enfin passer aux actes.

    Dès cette rentrée, le ministère de Vincent Peillon, en collaboration avec celui de sa collègue aux Droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem, lance un dispositif baptisé « les ABCD de l’égalité » dans dix académies. Au minimum, 500 classes de primaire seront concernées, c’est-à-dire plusieurs milliers d’élèves, et ce dès la maternelle. L’idée est de combattre les clichés et les comportements sexistes qui se développent dès le plus jeune âge, et que l’école ne fait que conforter - petits garçons jouant au foot dans la cour de récré pendant que les filles papotent dans leur coin, les premiers faisant les malins dans la classe tandis que les secondes jouent aux petites filles modèles au premier rang, etc.

    Un manque de mixité

    Pour les sensibiliser au problème, les inspecteurs de l’Education et les enseignant(e)s vont recevoir une formation. Du matériel pédagogique va leur être distribué pour les aider à repérer les attitudes « genrées » [sic !] des élèves, mais aussi leurs propres comportements : des annotations différentes selon le sexe (« A des capacités, peut mieux faire » pour les garçons, « Fait son possible » pour les filles), un manque de mixité dans le placement des élèves en classe, ou encore la parole inégalement donnée avec un avantage pour les garçons.

    Une dizaine de cours au total sont aussi prévus, de la maternelle au CM2. Par exemple, dans le cadre de l’histoire de l’art, le prof pourrait prendre un tableau ancien montrant deux enfants de sexes différents habillés et coiffés pareil pour aborder le rôle de l’éducation.

    Les ABCD de l’égalité

    « La formation des enseignantes est au centre du dispositif, souligne Patrick Bacry, de la Mission égalité filles-garçons de l’académie de Créteil, l’une des dix pionnières qui vont expérimenter les ABCD de l’égalité. Il ne s’agit surtout pas d’en faire des boucs émissaires. Mais c’est un problème sociétal qui les touche aussi. Même s’ils font de leur mieux, de façon tout à fait inconsciente, ils peuvent avoir des comportements nourrissant des stéréotypes ou les laissant s’exprimer. A tous les niveaux, des inspecteurs jusqu’aux élèves eux-mêmes, il faut encourager une prise de conscience. »

    L’expérience va être évaluée au printemps 2014. Si elle se révèle concluante, elle sera étendue à la rentrée suivante à d’autres académies et progressivement généralisée. Le ministère de l’Education ne veut surtout pas brusquer les choses, au risque de braquer des enseignant(e)s souvent fatigué(e)s de voir se succéder les réformes et se multiplier leurs missions. « Ils auront déjà beaucoup de nouveau à la rentrée, souligne-t-on rue de Grenelle, une partie des écoles va notamment passer aux quatre jours et demi. » Après des siècles de traitement différencié, il serait pourtant grand temps que les 6,7 millions d’écolier(e)s jouent à égalité."

    QUAND ON SAIT CE QUE PEILLON EST CAPABLE DE PENSER : VOILÀ SA PROSE, RÉVÉLÉE PAR LES 4 VÉRITÉS

    Peillon, prédicateur de la religion révolutionnaire :

    Voici ce que Vincent Peillon écrivait dans La Révolution française n’est pas terminée, 2008, le Seuil :

    « La révolution française est l’irruption dans le temps de quelque chose qui n’appartient pas au temps, c’est un commencement absolu, c’est la présence et l’incarnation d’un sens, d’une régénération et d’une expiation du peuple français. 1789, l’année sans pareille, est celle de l’engendrement par un brusque saut de l’histoire d’un homme nouveau. La révolution est un événement méta-historique, c’est-à-dire un événement religieux. La révolution implique l’oubli total de ce qui précède la révolution. Et donc l’école a un rôle fondamental, puisque l’école doit dépouiller l’enfant de toutes ses attaches pré-républicaines pour l’élever jusqu’à devenir citoyen. Et c’est bien une nouvelle naissance, une transsubstantiation qui opère dans l’école et par l’école, cette nouvelle église avec son nouveau clergé, sa nouvelle liturgie, ses nouvelles tables de la loi. » [...]

    Anne Lys - La suite sur LES 4 VÉRITÉS

    HALTE AU FOU ! http://www.actionfrancaise.net

  • Les « machines » ou le vote communautaire aux USA

    Les Etats-Unis, premier pays à accéder à la démocratie au XVIIIe siècle, inaugurèrent une de ses déclinaisons un peu particulière au travers du gouvernement des villes, du milieu du XIXe siècle jusqu’au milieu du XXe, ce qu’on appela les « political machines ».

    Ce système, issu d’un usage primaire de la démocratie, était adapté aux besoins non moins primaires des nouveaux Immigrants. Si les pères fondateurs étaient arrivés pour des raisons religieuses, ceux du XIXe étaient plutôt poussés par la misère et la famine vers l’Amérique. Devenant rapidement citoyens et électeurs, ils s’attiraient les attentions intéressées des partis politiques qui voulaient gouverner les villes. Aidés et secourus par des associations caritatives liées à ces même partis, ils fournissaient en retour les bataillons électoraux nécessaires pour leur assurer la pérennité du pouvoir. La machine électorale ne recherchait pas la victoire d’un maire pour l’accomplissement d’un projet politique déterminé mais avait pour seule ambition sa propre survie afin de fournir toutes sortes de prébendes à sa clientèle. On était loin des aspirations politiques des aristocrates puritains de la Nouvelle Angleterre, inventeurs de la démocratie américaine.

    Cette pratique discutable fut essentiellement le fait du Parti Démocrate qui s’en fit une spécialité. Le parti Républicain n’y a eu recours qu’exceptionnellement. L’enfer étant pavé de bonnes intentions, la raison originelle de cette déviance trouva son origine dans les traditions de solidarité d’une communauté irlandaise très soudée pour des raisons historiques, liées au sort tragique de la mère patrie.
    De philanthropique à l’origine, la machine présenta vite tous les avatars conséquents à un tel contexte : clientélisme, spéculation, népotisme – et son corollaire l’incompétence des fonctionnaires -, et surtout au stade ultime, le règne du crime organisé sur certaines villes. Chicago en constitua l’exemple le plus significatif. Au final la machine a disparu très lentement à certains endroits, tant elle était incrustée.

    I. La vie politique américaine et ses particularités

    Contrairement à la vie politique européenne, il n’y a pas d’affrontements idéologiques aux Etats-Unis, ou du moins les idéologies américaines diffèrent des idéologies européennes. Les deux partis principaux sont très peu différents à nos yeux, leur dualité reposant sur la question de la primauté du pouvoir central fédéral ou du sur celle du pouvoir des différents Etats. Au départ les Démocrates étaient anti-fédéralistes, c’était les milieux d’affaires du Nord, composés par l’aristocratie urbaine et puritaine, défendant la liberté des Etats face au pouvoir fédéral. Le Parti « Républicain-Démocrate » (qui devint ensuite le Parti Démocrate) naquit en 1798. Il a évolué au fils des circonstances vers une doctrine inverse dès 1890 puis dans les années 1930 avec Roosevelt et le New Deal.

    Le Parti Républicain est né plus tard, mais les partis qui en sont à l’origine étaient au départ partisans de la décentralisation. C’était plus le parti des ruraux, partisans de l’esclavage. Le Parti Républicain, « Great Old Party » vit le jour en 1854 et regroupa des dissidents nordistes du parti Whig (une formation éphémère) et du Parti Démocrate, en opposition aux partisans démocrates du pouvoir des Etats. Surtout ils étaient protectionnistes. Le problème de l’esclavage fut le déclencheur. Les bien-pensants qui aujourd’hui encensent Lincoln et dénigrent les Républicains oublient que ce Président nordiste qui a mené la Guerre de Sécession contre les esclavagistes du Sud, était républicain. Et que cela ne fut pas sans incidence au départ sur le vote Noir.
    En fait, il y eut inversion des choix, les fédéralistes sont les ancêtres des Républicains, les Républicains ceux des Démocrates.

    Les USA sont une démocratie décentralisée de proximité. Les élections des instances représentatives se font au niveau des Etats. Les Américains élisent les gouverneurs, les shérifs, les maires… Les élus locaux ont une grande autonomie, les opportunités électorales sont nombreuses. Pour comprendre aussi le pourquoi de la mise en place du système des political machines, il faut avoir à l’esprit le « système des dépouilles ». Un président démocrate, Jackson (1829/1837) avait licencié des fonctionnaires incompétents à son arrivée. Du coup, après lui, son successeur républicain licencie tous les fonctionnaires de l’administration précédente. Depuis, l’habitude a perduré et la fonction publique change après chaque élection.

    II. Les Irlandais catholiques débarquent en nombre

    Les Irlandais catholiques arrivent en nombre à New York au milieu du XIXe siècle. De la misère de leur île natale et de sa situation politique sous le joug anglais, ils importent un état d’esprit né du « whiteboysism ». Les white-boys, aussi appelés les Niveleurs, les Lady Clare ou les Molly Maguire, sont des personnages dont le signe de reconnaissance est une chemise blanche, un ruban vert et balle au fusil. Ils se sont organisés contre la domination anglaise par la création de tribunaux parallèles. La main mise anglaise sur l’Irlande s’étant opérée par la spoliation des terres (raison première de l’intérêt porté par l’Angleterre exsangue sur la verte Erin), cela se traduisait par le fait que les litiges opposant les propriétaires anglais aux fermiers irlandais, voyaient toujours des verdicts favorables aux Anglais, devant les tribunaux légaux, comme il est aisé d’imaginer. Il « convenait » donc de rejuger. Les White Boys prononçaient des verdicts contraires. Afin de faire exécuter les « sentences », ils exerçaient des menaces directes sur les propriétaires anglais (envoi d’une balle comme avertissement sans frais…). Les travailleurs étrangers délocalisés en Irlande par les Anglais, ou les fermiers irlandais qui acceptaient de reprendre les fermes dont les propriétaires anglais avaient auparavant expulsé des fermiers irlandais, étaient aussi l’objet de leurs « attentions ».
    Bien évidemment c’était une organisation clandestine et illégale (pouvant aller jusqu’au meurtre des récalcitrants) mais, basée sur des principes de justice, la population irlandaise la respectait. Elle reposait sur la solidarité, la loi du silence, l’organisation. Cela n’avait rien à voir avec une milice, dont l’existence se « justifie » par l’absence de pouvoir existant, même oppressant et spoliateur. Là il s’agissait d’organisation parallèle.

    Les Irlandais arrivés les premiers en tant qu’immigrants au XIXe siècle à New York ont donc une solide expérience de l’organisation, et parlent anglais. Ils ont juste à adapter leurs habitudes de rebelles à la démocratie des villes américaines pour les diriger. New York fut la première grande ville de l’histoire à être dirigée par « le peuple » ou du moins des élus qui le représentait directement.

    ● Saint Tammany et le Parti Démocrate

    Les Irlandais récupèrent à leur profit une organisation antérieure, la société de Saint Tammany. Tammany, Chef indien du Delaware, se convertit au Christianisme et fut canonisé en 1770. La Société de Saint Tammany était vouée à lutter contre l’influence des grands aristocrates et les « mauvais » étrangers, une vision que d’aucuns qualifieraient volontiers de « populiste » de nos jours. Les structures de l’organisation ont des références indiennes, le chef ou « grand sachem » doit être né en Amérique. Ils tentent d’exercer une influence par leurs votes sur la démocratie. En 1832, ils parviennent à faire élire leur héros (un homme d’origine modeste), le général Andrew Jackson, choisi par le Parti Démocrate comme candidat. C’est ainsi que débute leur « fusion » avec le Parti Démocrate, parti qui auparavant attirait à lui les aristocrates autochtones …par méfiance envers les Irlandais… Ironie des circonstances, le Parti Démocrate devient le pilier des Irlandais.

    ● La prédominance irlandaise sur New York

    L’Amérique est une terre d’immigration, les nouveaux arrivants obtiennent vite la nationalité américaine. De plus, en 1826 est supprimée une clause qui imposait un cens électoral. Pour s’en rendre compte, relevons qu’il y avait 18.000 électeurs en 1825 à New York, 43.000 en 1835. Pour l’élection du maire le suffrage est indirect au départ, mais direct après 1834.

    De plus l’immigration irlandaise explose entre 1846 et 1848 consécutivement à la grande famine. Les Irlandais s’installent nombreux dans la sixième circonscription de l’East Side. En 1850, un quart de la population de New York est d’origine irlandaise, cinq ans plus tard elle est d’un tiers. Contrairement à d’autres immigrés dont les Scandinaves et les Allemands, plus ruraux et qui vont s’installer à l’intérieur du pays, les Irlandais choisissent la ville, et ils y fondent des églises catholiques. Nombreux et dotés du droit de vote car devenus Américains, on assiste d’après le sociologue Moynihan, à la « fusion entre les usages de la campagne irlandaise et la politique de la ville américaine ».

    III. La machine

    Un parti préexistant, le Parti Démocrate et une structure antérieure, la société de saint Tammany, ont permis aux Irlandais de commencer à élaborer un « système » – la machine – qui devait leur permettre de mettre la main sur New York. Et dès le milieu du XIXe, la machine fonctionne.

    Au départ, il y a échange de bon procédé : entraide (Saint Tammany) contre « bon » usage de son bulletin de vote. Toutes les organisations irlandaises d’entraide, même apolitiques, avaient des liens avec le Parti Démocrate. Un immigré fraîchement débarqué a du mal à survivre dans la grande ville sans aide. L’aide c’est la Providence. Pour trouver un logement – la ville est surpeuplée – un travail ou un marché (si c’est un petit entrepreneur), et quelques fois pour certains, nourriture et vêtements. La « machine » est là pour aider.
    Elle aide aussi les malades (fourniture de médicaments) ou les victimes d’accidents (nombreux incendies à l’époque qui font de nombreux sinistrés), a aussi ses entrées dans le système judiciaire pour les délits mineurs. Elle aide aussi les personnes en faillite pour se reconstruire, organise des kermesses pour trouver de l’argent pour les familles des travailleurs victimes d’accidents du travail. Elle fournit aussi des aides au plan administratif. Elle s’adapte aussi aux immigrants suivants, qui ne sont plus essentiellement irlandais ni anglophones : Juifs d’Europe centrale, Italiens, etc. C’est l’intelligence du système.
    Mais la machine aide aussi les autres « pauvres » ou les immigrants installés. En fait, elle se substitue à une aide sociale d’Etat qui n’a jamais vraiment vu le jour en Amérique où les aides sont souvent restées aux mains de bienfaiteurs privés.

    L’aide étant subordonnée au bulletin de vote, il est vital de garder l’électeur sur le territoire. La naturalisation est encouragée mais surtout, l’électeur doit s’engager moralement à ne pas déménager en échange du service rendu. Ce qui est parfois un peu contraignant, l’Irlandais aurait tendance à chercher à s’installer dans des quartiers agréables, dès que sa situation s’améliore… L’Eglise catholique qui y trouve aussi son compte, participe également à ces incitations à l’enracinement électoral. L’engagement est moral, la loyauté est au cœur du système.

    ● Le boss : les élus passent, le boss est éternel

    Particularité du système, la pierre angulaire n’est pas l’élu, c’est le boss. Il est au cœur de chaque circonscription, ou ward. En fait le système a deux piliers.
    La machine n’est pas au service du politicien élu, c’est le politicien qui est au service de la machine. C’est à lui [le Maire] qu’il revient d’accorder des avantages aux électeurs afin de faire marcher la machine en leur faveur. Entre autres applications, à New York en 1855, sur 1149 agents de police municipaux, 431 sont d’origine irlandaise, soit un quart.
    Le boss a des lieutenants, un par secteur de son ward, afin de « surveiller » l’électorat, sait-on jamais. Mais c’est le boss qui se montre aux populations en difficulté quand il y a lieu. Il promet l’aide de la machine sans leur demander leur vote. Il sait que « les pauvres sont plus reconnaissants que les riches » … Il dispose d’emplois en réserve dans la fonction publique ou peut influencer les employeurs inféodés à la machine pour qu’ils emploient ses obligés.

    Cette organisation bicéphale fait toute la différence. Un boss, n’est pas un élu de l’élite. C’est l’interface agissant. Traditionnellement pour l’élite, l’engagement en politique est un devoir, un service rendu à ses concitoyens, moins favorisés. Mais la classe à laquelle il appartient, la bourgeoisie, attend de ses représentants traditionnels des lois en faveur de ses intérêts. Là, c’est un peu la même chose sauf que l’élu est redevable au peuple, et que l’idéologie en est loin. Le peuple a des besoins plus primaires qui ne s’embarrassent pas de justifications idéologiques. L’idéologie est un souci d’intellectuel, du moins de celui qui est libéré du souci de sa survie…

    ● Les dérives et les réactions qu’elles entraînent

    Les machines sont coûteuses car elles doivent organiser de nombreuses manifestations pour encadrer les citoyens (parades, défilés). Elles font payer les chefs d’entreprise afin de bénéficier de leurs bienfaits. Avec ces budgets considérables, arrive la corruption même si tous les bosses ne sont pas corrompus. De plus, si les immigrants participaient à la vie de la société américaine en votant, ils n’étaient plus consultés sur le choix des candidats. Mais surtout, l’élu au service de la machine devait être un candidat docile, sans grande personnalité, afin d’être là uniquement pour faire tourner la machine. On atteignait ici les limites de ce système clientéliste. Ceci provoqua de nombreuses réactions de l’élite. Un boss resté célèbre, évoque une… corruption honnête et une corruption malhonnête. L’honnête profite du système mais agit dans l’intérêt de la ville. Il explique ce qu’est une « honnête spéculation ».

    Ce système de clientélisme politique est tel qu’il gagne le système politique entier. Un président, Garfield est assassiné en 1891 (par un « client » mécontent). En réaction, le Pendleton Act, en 1883, met fin ou en partie au système des dépouilles. Le Civil Service Commission, met sur pied un système de concours pour accéder aux postes de fonctionnaires fédéraux. Le système va être opérationnel entièrement au milieu du XXe siècle.

    Dans les villes comme New York il y a tentative de confier l’administration à des commissions de professionnels vers 1850-1860. Mais surtout on adopte l’usage du vote à bulletin secret pour la première fois, lors des présidentielle de 1896. Ces changements vont limiter les dégâts mais pas avant le milieu du XXe siècle. Entre temps, Chicago a offert un exemple paroxystique des dérives.

    ● Chicago, de la machine à la corruption généralisée et au crime

    Chicago fut une ville turbulente, bastion des luttes sociales américaines. En 1830, Chicago n’est qu’un bivouac. En 1850, elle compte 300.000 habitants, 1 million en 1890, 1,7 million en 1900. Elle voit arriver des Irlandais puis des Allemands. Il y a de nombres rixes vers 1850, en 1855 les émeutes de la bière mettent en relief le besoin de contrôler la municipalité. Au départ, il y a alternance entre Républicains et Démocrates selon leur capacité à fournir des emplois aux nouveaux arrivés, c’est le terreau du absolu du clientélisme et du gouvernement des machines. C’est une ville de revendications ouvrières au départ. Là encore, on l’oublie en France mais le 1er mai naquit à Chicago, en 1886. Une manifestation pour réclamer la journée de 8 heures entraîna des émeutes où des ouvriers et des policiers furent tués. Il s’ensuivit les exécutions de huit leaders ouvriers anarchistes, les « Martyrs de Haymarket ».

    C’est aussi à Chicago qu’eurent lieu les tentatives du « Mouvement Progressiste » au début du XXe siècle. Des hommes politiques d’origine sociale aisée voulaient prendre la municipalité en défendant la cause des ouvriers. Mais ces derniers à la botte des machines démocrates, se défièrent d’eux car ces hommes politiques étaient suspects de sympathie pour les Républicains. Il y eut aussi tentative de réorganiser la machine en 1931 par un élu démocrate, un maire originaire de Bohême, Anton Cermak. Il s’est appuyé sur les immigrants récents contre le maire précédent lié au syndicat du crime, assassiné en 1933. Il voulait intégrer les Noirs. En effet, Chicago voit arriver une forte immigration noire du Sud après 1910, avec le cortège classique, la ségrégation et les émeutes quand des Noirs veulent fréquenter des lieux réservés aux Blancs. Malgré tout ils s’organisent dans leurs quartiers au sud de la ville et votent républicain (Lincoln était républicain). Oscar de Priest devint le premier élu municipal noir en 1915, puis au congrès en 1928, remplacé en 1934 par un autre Noir mais démocrate. Les Noirs sont nombreux mais la machine électorale démocrate pour conserver son électorat blanc faisait perdurer la ségrégation. La machine atteint là toutes ses limites.

    En 1955, Richard Daley, d’origine irlandaise est élu maire. Il est démocrate et est réélu grâce à la machine jusqu’en 1976. Il est considéré comme le « dernier boss des grandes villes » (en fait il fut maire) et fut très controversé. Il a modernisé la ville, a réduit la ségrégation, aidé au départ des classes moyennes noires des ghettos bastions, mais a laissé les autres habitants encore plus à la merci de la machine démocrate. Il pratiqua le déni de réalité sur l’existence du ghetto pour conserver l’électorat populaire blanc. De là l’émergence du mouvement Black Power dans les quartiers noirs du West Side ou South Side. On assista à une ethnicisation du vote. Quelques membres des classes moyennes noires purent quitter les ghettos, les autres tentèrent de s’allier aux Latinos. Surtout Daley fut soupçonné de toucher des pots de vin, car il dissout toute une unité de police sous un prétexte futile, celle justement chargée d’enquêter sur les activités criminelles. Le ghetto noir se radicalise, on voit émerger à Chicago les Blacks Panthers. Ils tentent par la violence, de regrouper des Noirs, des Latinos et des Blancs opposés au système Daley. En 1969, ils sont tout simplement assassinés dans leur appartement par la brigade antisubversive du département de police.

    ● Al Capone et la machine

    Chicago, voit l’émergence du crime organisé, grâce aux réseaux de la machine. Les responsables de la pègre intègrent les circuits municipaux. Al Capone, né à Naples en 1895, a grandi à New York parmi la pègre. Durant la Première Guerre Mondiale il acquiert sa célèbre balafre ou scarface. Il gagne Chicago et met la main sur la criminalité italienne de la ville. La prohibition est ratifiée au niveau national le 29/01/1919 par le 18éme amendement de la Constitution.

    Dès 1920, il achète les policiers et les juges de la ville avec la complicité des politiciens. Le phénomène alerte dès les débuts les esprits honnêtes – un réseau important d’hommes d’affaires, de journalistes, de politiciens – tentent de réagir. Il y a mise en place de commissions contre le crime. Ils parviennent à démontrer la corruption de 712 officiers de police dont ils obtiennent le transfert en n 1920. Le 14/02/1929, c’est le massacre dit de la Saint Valentin, en fait celui des concurrents irlandais de Capone.

    Il y a prise de conscience de la problématique clientéliste suite à la crise économique en 1929. Cinquante mille citoyens résidant dans le même quartier que Capone déclarent ne plus vouloir payer l’impôt. La dénonciation de la corruption généralisée amène à confier une mission Eliot Ness. Celui-ci, né à Chicago en 1903, est diplômé de son université. Il échoue à faire le ménage dans la police municipale car personne ne veut témoigner. Mais il réussit à établir que Capone ne paie pas ses impôts au bout de trois ans d’enquête pour établir le dossier. Al Capone plonge, il prend onze ans. Puis il replonge pour fraude et meurt d’une crise cardiaque en 1947 dans sa prison où un espace particulier lui était aménagé.

    ● La machine impossible à enrayer…

    Le système perdure après la Seconde Guerre Mondiale avec le successeur de Capone, Anthony Accardo, Joe le Batteur. Il s’introduit dans tous les milieux organisés de la ville comme le réseau juif, finalement il amplifie le système de corruption des édiles. Après 1945, 100 juges de la circonscription de Chicago sont soupçonnés de toucher des pots de vin. En 1979, c’est l’élection de Jane Byrne, produit de la machine mais qui prétend vouloir réformer le système. C’est un virage à 180°, il y a nouvelle trahison de l’électorat noir. Chicago voit l’élection du premier maire noir en 1983 (Washington) avec le soutien hispanique. Il meurt en 1987. En 1989, c’est l’élection du fils de Richard Daley, modéré, différent de son père. Il gère en homme d’affaires la ville. C’est un professionnel.

    Quand on réalise comment les innocentes sociétés caritatives des débuts du XIXe siècle furent à l’origine des machines et comment celles-ci ont perverti la vie politique des grandes villes américaines, ne faut-il pas s’interroger davantage sur l’aboutissement de tout système décentralisé où la quantité d’argent brassé permet immanquablement aux féodalités de renaître avec leur cortège de corruption, que sur le système américain en lui même ? Les analogies avec nos problèmes sont légions. Nous avons là un parfait exemple également de l’aboutissement de la communautarisation du vote et ses limites. Une communauté d’immigrés très peu différente de la communauté d’accueil au départ – les Irlandais sont blancs et chrétiens – la précarité entraînant une nécessaire solidarité, finit par aboutir à ce qu’un parti devenu « populaire » comme ce fut le cas du Parti Démocrate, ait à choisir parmi les minorités, laquelle satisfaire (petits Blancs, Noirs ou Latinos)… La démocratie reposant sur la démographie on peut deviner aisément la suite, d’autant plus quand on constate que ce parti libéral « bourgeois » et anti-fédéraliste, devint au fil du temps, fédéraliste et populaire sous l’influence des minorités qui l’ont peu ou prou cannibalisé ? Un parti qui a vu ses électeurs blancs des origines glisser vers le Parti Républicain au fil des évolutions opportunes qu’il a eu à subir. Raison pour laquelle le Parti Républicain a gouverné les USA beaucoup plus longtemps que le Parti Démocrate au niveau fédéral. Jusqu’à présent…

    http://histoire.fdesouche.com

    Bibliographie :
    PORTES Jacques, Les Etats-Unis, de l’indépendance à la première guerre mondiale, Paris, Armand Colin, 2008.
    BERNARD Vincent, Histoire des États-Unis, Paris, Flammarion, 2008.
    BRUN Jeanine, America, America !, trois siècles d’immigration aux Etats-Unis, Paris, Gallimard Julliard, 1980.
    KASPI André, La civilisation américaine, Paris, PUF, 1993.
    BOORSTIN Daniel, Histoire des Américains, l’aventure coloniale, naissance d’une nation, l’expérience démocratique, Paris, Robert Laffont, 1993.
    TINDALL George Brown, SHI David, America, a narrative history, New York, Norton, 1999.
    Revue L’Histoire, n°339 février 2009, Dossier Chicago, N DIAYE Pap et ROLLAND Caroline « La saga d’une forteresse démocrate », pp. 40-49 , et HURET Romain « Sous la loi d’Al Capone », pp. 54-59.

  • L’immigration, un épisode des conflits entre l’Europe et l’Afrique ?

    Pierre Milloz trouve dans le « Contrat social » de Jean-Jacques Rousseau une explication aux déplacements de population entre les deux continents.
    « Tous les peuples ont une espèce de force centrifuge par laquelle ils agissent continuellement les uns contre les autres et qui les pousse à s’agrandir aux dépens de leurs voisins. »

    
Avec ces quelques lignes du « Contrat social », Rousseau décrivait magistralement le moteur premier de l’histoire universelle. Ce moteur n’a jamais cessé de tourner et, tout comme la nature humaine dont il est l’expression, il connaît alternativement des phases de suractivité et de pause.
C’est pourquoi on peut se référer à ce texte pour analyser les relations millénaires entre l’Afrique et l’Europe. Leur histoire est celle de conflits qui surviennent de façon récurrente à des intervalles variables, parfois pluri-séculaires et à l’occasion desquels les « peuples » de chaque côté de la Méditerranée l’emportent à tour de rôle et s’installent sur la rive opposée pour un temps qui les mènera jusqu’au conflit suivant. P.M.
    L’Antiquité nous montre déjà ce schéma historique.
    Carthage franchit le détroit de Gibraltar et, dans les provinces qui seront celles du Sud espagnol, s’établit si profondément qu’une ville contemporaine porte encore son nom. Elle contrôle aussi la Sardaigne, la Corse et épisodiquement la Sicile. Plus tard, faisant face en son nom à l’Empire romain, Annibal, dans un raid militaire prodigieux mais vain, longera même toute la côte nord de la Méditerranée occidentale.
    Mais bientôt va se dérouler l’épisode inverse. Rome chasse les Carthaginois de l’Ibérie, puis se transporte en Afrique même : elle y défait Carthage à Zama avant de s’y imposer et d’y imprimer durablement sa marque. La romanisation des élites locales de la rive sud de la Méditerranée sera telle qu’elles fourniront, en la personne de Septime Sévère, libyen d’origine, le premier empereur romain qui ne soit pas de souche italienne (si l’on veut bien admettre, avec la majorité des auteurs, la romanité de Trajan).
    Destruction de l’empire romain par les Barbares, première incursion arabe en Europe
    Quelques siècles s’écoulent… quatre… cinq… Ce sont les Barbares qui détruisent l’Empire romain, mais bientôt les Arabes,  venus d’Orient, sont les nouveaux maîtres de l’Afrique du Nord. A leur tour ils franchissent le détroit et, s’avançant hardiment vers le nord, passent aussi les Pyrénées. La défaite de Poitiers les contraint bientôt à limiter leurs ambitions et ils s’installent pour plusieurs siècles en Espagne. Ils y exposent une civilisation étincelante dont on peut aujourd’hui admirer les traces, à Grenade notamment, et qui influe notablement sur la langue espagnole.
    Cet enracinement sur la rive nord ne manque pas de susciter l’inévitable réaction en retour. Ce sera l’œuvre de la Reconquista. Son succès sera long. Bien que, sauf autour de l’année 1200, les Arabes et Berbères d’Afrique du Nord n’aient jamais été en mesure d’apporter une aide significative à leurs compatriotes d’Ibérie, la Reconquista aura exigé plusieurs siècles avant de s’achever en 1492 avec la reddition de Grenade aux Rois catholiques. Ces derniers expulseront les musulmans de Grenade et de Castille dès 1502.
    Et aussitôt, comme pour marquer la permanence des alternances de part et d’autre de la Méditerranée, l’Espagne prend pied sur la rive africaine, occupe Melilla (1497) où elle est encore aujourd’hui et, plus brièvement, Oran (1509) et Bone (1510).
    1830, la France envoie une armée en Algérie
    Encore trois siècles… et voici une nouvelle tentative d’installation sur la rive opposée. En 1830, la France envoie une armée en Algérie et dans les quatre-vingts années qui suivent elle étend sa souveraineté ou sa quasi-souveraineté à l’ensemble de l’Afrique du Nord. Durant cette période, notamment grâce à l’implantation d’une importante minorité d’origine française et européenne, elle diffuse sa civilisation dans des conditions qui gagnent l’acceptation d’une large partie des populations locales.
    Mais, là encore, la réaction en retour arrive et s’inscrit dans le schéma déjà vécu. La puissance qui s’est implantée sur la rive opposée est une nouvelle fois chassée. Mais le sort de la population française installée là et celui des nombreux autochtones ralliés en harkis à la France posent alors un problème non seulement humain mais aussi politique.
    L’enseignement du passé suggère en effet que les « peuples » de la rive sud pourraient un jour essayer à leur tour de s’implanter sur la rive nord : pour cette hypothèse, n’est-il pas capital d’obtenir au moins la sauvegarde sur place de cette importante minorité ? Pourtant, comme si elle avait à payer le prix humiliant d’une déroute militaire, la France accepte l’expulsion de ses citoyens et abandonne honteusement les harkis.
    L’immigration de masse, constatée depuis une quarantaine d’années, notamment au départ d’Afrique du Nord vers la rive septentrionale de la Méditerranée et spécialement vers la France, doit-elle être interprétée comme une nouvelle illustration d’un processus récurrent ? Nombreux sont ceux qui le croient.
    Certes, les modalités et le rythme sont radicalement nouveaux. La différence majeure est dans les motivations. Il n’y a à l’origine de l’immigration africaine contemporaine aucune hostilité, aucune volonté de conquête, mais seulement la recherche de conditions de vie meilleures. Il s’ensuit une autre différence avec les épisodes antérieurs : la traversée et le débarquement sur la rive opposée se font « civilement ».
    Mais l’essentiel n’est pas dans les modalités, il est dans la mise en route d’un processus qu’un chiffre résume d’ores et déjà : actuellement, les immigrés et leurs descendants de première génération représentent 20% de la population totale de la France. Un tel résultat obtenu en moins d’un demi-siècle, alors que le rythme des arrivées ne donne aucun signe de faiblesse, est suffisamment éloquent.
    Ce processus acquerra-t-il un jour le caractère conflictuel que Rousseau décrivait et auquel l’histoire de la Méditerranée conférerait plutôt une sorte de permanence ? S’il le fait, on s’interrogera trop tard sur cette politique, imprégnée de cosmopolitisme et avide d’effacement national, que suit la France depuis plusieurs décennies.
     Pierre Milloz
 14/04/2014 http://www.polemia.com
    Les intertitres sont de la réaction

  • Les institutions de la France sous la monarchie absolue 1598-1789”

    Les institutions de la France d’Ancien régime ont été fort bien étudiées au cours des dernières décennies. On ne saurait que vivement recommander aux étudiants, comme aux personnes voulant compléter leur culture générale, ou glaner des renseignements, les deux volumes de format commode, de M. Philippe Sueur, intitulés Histoire du droit public français XVe-XVIIIe siècle (1). Ils sont bien informés, bien écrits. Ils comportent des index commodes et de substantielles bibliographies.
    Cependant, la réédition de l’ouvrage de Roland Mousnier, illustre professeur de Sorbonne disparu en 1993, Les institutions de la France sous la Monarchie absolue 1598-1789 (2) permet de pénétrer plus profondément dans le passé de notre pays. Ce livre compte, certes, plus de 1.500 pages, mais son intérêt ne faiblit pas. Car Mousnier fait revivre non seulement des institutions mais aussi et surtout des hommes. Il ne s’en tient pas, comme le font souvent ses collègues des facultés de droit, à une conception de l’institution comme « idée directrice, c’est-à-dire l’idée d’une fin déterminée de bien public à atteindre par des procédures prévues et imposées selon un comportement obligatoire » (p. 5). Mousnier estime qui « en simplifiant et en forçant les termes, l’on pouvait presque dire qu’une institution, c’est un groupe d’hommes », « qu’il n’y a institution que si l’idée et les procédures se sont incarnées dans des hommes qui les mettent en œuvre, qui leur donnent force contraignante et imposent ainsi des actions à d’autres hommes. Ce groupe institutionnel est donc en même temps un groupe social. »
    Ainsi, Roland Mousnier ne considère les institutions proprement dites - telles que les conçoivent les juristes - que comme un squelette. Ayant consacré une thèse d’État à La vénalité des offices sous Henri IV et Louis XIII, il avait opéré de grands dépouillements dans les archives de Normandie, et, à Paris, au Palais-Soubise. Il avait ensuite dirigé de nombreuses recherches. Ainsi disposait-il d’une immense documentation. Il la mit en œuvre notamment dans ce gros volume qui contient autant - sinon davantage - d’histoire sociale que d’histoire des institutions proprement dites.
    Officiers et commissaires
    Sa première partie présente d’une part la société française d’Ancien régime, avec sa classification en ordres, d’autre part, l’État, les moyens dont il dispose, qui vont s’accroissant avec le temps. La seconde partie étudie les institutions et leur fonctionnement, mais sans les séparer de la vie de leurs titulaires ; ce qui rend ces pages étonnamment vivantes. En particulier, celles qui ont trait au "procès des trois cents ans", c’est-à-dire à l’opposition et à la lutte qui opposèrent les officiers royaux - propriétaires de leurs offices, donc inamovibles, indépendants à l’égard du pouvoir - et les commissaires - nommés par le Roi, par une "commission" temporaire et révocable, pour un temps et une mission donnés - dont le type même est l’intendant, ancêtre du préfet. Les pages les plus brillantes du livre sont sans doute celles qui évoquent la Fronde et son échec, ainsi que la poursuite de l’affrontement des officiers et des commissaires tout au long du XVIIIe siècle. On voit alors apparaître les fonctionnaires, avec des études du corps des Ponts et Chaussées et du corps des ingénieurs des fortifications...
    Ce livre constitue un monument d’érudition dominée. Il nous charme. Mais, soyons objectif. En dépit de son volume, des lacunes apparaissent : aucun développement substantiel n’est consacré à l’armée, à la marine, à la police, qui furent d’indéniables - et admirables - instruments du développement de la puissance royale ; à un moindre degré, la lacune porte sur les services d’assistance et d’enseignement, dont les ministres ont commencé à se soucier. Mais quittons cette pente où nous entraîne notre esprit critique toujours en éveil. Et profitons de cet admirable travail.
    René PILLORGET L’’Action Française 2000 du 28 juillet au 24 août 2005
    (1) Philippe Sueur : Histoire du droit public français XVe-XVIIIe (col. Thémis droit ; Presses Universitaires, 1982, 2 vol.).
    (2) Roland Mousnier : Les institutions de la France sous la monarchie absolue 1598-1789. Collection Quadrige/Manuels, Paris.