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culture et histoire - Page 1900

  • Quelques lieux communs…

    Léon Bloy tout d’abord… puis Jacques Ellul à sa suite, se sont attaqués aux « lieux communs » de la société bourgeoise. Si Léon Bloy a su parfaitement cerner l’hypocrisie de son temps, Jacques Ellul quant à lui a magistralement moqué les attitudes pseudo-révolutionnaires de ces contemporains.

    Je n’aurais nullement la prétention de me hisser à la hauteur de ses deux géants de la pensée, mais malgré tout, je ne peux m’empêcher de vilipender quelques lieux communs qui ont le don de me faire bouillir chaque fois que je les entends.

    I

    «Chacun fait ce qu’il veut ». Voila le lieu commun bourgeois par excellence. Cette sentence sert à tout justifier. Quand je dis tout, c’est tout et son contraire. Affirmation péremptoire sortie du tiroir, camouflée derrière le paravent de la lutte pour la liberté, quiconque oserait ne serait-ce que réagir à ces quelques mots serait immédiatement soupçonné d’être un odieux réactionnaire ! Et comme tout le monde le sait, être réactionnaire, c’est le mal. Léon Bloy moquait déjà un autre Lieu commun « il faut vivre avec son temps ». J’y reviendrai.

    Il est toujours amusant d’entendre dans la bouche d’un lycéen que « chacun fait ce qu’il veut », puisque l’adolescent peut ici y puiser l’ultime argumentation pour avoir la possibilité de faire la fête. Car « Chacun fait ce qu’il veut » fait souvent bon ménage avec homo festivus. « Chacun fait ce qu’il veut » est l’héritier de mai 68, la formulation longue et moins paradoxale de « Il est interdit d’interdire ». « Chacun fait ce qu’il veut » est hédoniste. Il est aussi totalement immature.

    Lorsque vous voyez cette dame, qui n’a rien de plus, rien de moins que la Française moyenne, les cheveux grisonnant de la retraite « bien méritée » déclamer à la télévision que « Chacun fait ce qu’il veut », c’est tout un univers qui s’écroule. Qu’un adolescent boutonneux et immature jette cela à la face de son interlocuteur comme un enfant jetterait une crotte de nez, soit, mais que cette sexagénaire y saute les pieds joints dedans, c’est le signe que la civilisation  s‘écroule. Bien sûr, un calcul rapide suffira pour comprendre qu’à 20 ans, elle faisait surement partie de la génération du rouquin de Nanterre, et là, en effet, ça n’étonnera plus personne puisque contrairement à une idée reçue, la sagesse ne vient pas avec la vieillesse, sinon les maisons de retraite seraient devenues les temples de l’ère Moderne…

    « Chacun fait ce qu’il veut » c’est le mariage homo autant que le grand patron qui s‘installe en Belgique ou en Suisse, puisqu’après tout, l’un est libre de se marier « avec qui il veut » et l’autre de s’installer « où il veut ». Car ce que les gens veulent, c’est avant tout leur intérêt personnel. Voila les deux faces de la médaille. La bourgeoise sociétale et la bourgeoisie d’affaire ne sont jamais très éloignées quant il s’agit de prôner ce libéralisme putride, ce libéralisme fossoyeur de toute société. Un libéralisme fossoyeur de la décence commune autant que de la civilisation.

    II

    Un autre lieu commun me défrise particulièrement c’est celui de la « représentativité » qu’on nous lâche à tout bout de champs comme on lâche des ballons à la fête foraine.

    La représentativité est encore un avatar du libéralisme. Le parlement « représente le Peuple », telle association représente les gays/handicapés/noirs/juifs/ musulmans/travailleurs/consommateurs… Mais est-ce qu’on vous a déjà demandé votre avis à vous ? Moi non.

    En réalité la représentativité est la plus grosse arnaque du système libéral. Quant un politique assène que « le Parlement représente la nation », qui peut vraiment y croire ?

    Allons, allons, soyons sérieux cinq minutes, un Parlement dominé majoritairement par les professions de la justice, de la médecine ou de l’enseignement ? Un Parlement où il n’y a aucun ouvrier ? Un Parlement où les partis politiques (déjà eux-mêmes fort contestables) siègent sans aucune proportion logique avec les résultats des différentes élections (elles-mêmes contestables) ? Un Parlement où les « représentants » sont parfois absents ? Où certaines lois sont débattues par vingt personnes….

    La guignolade continue lorsqu’on y ajoute que le Président a été élu « par les Français ». Ben voyons… Un peu plus de 50 % des votes, sans compter l’abstention, les votes blancs ou nuls, les non-inscrits… bref le Président doit être élu par un quart de la population en âge de voter… (Limite d’âge fixée arbitrairement, elle aussi). Mais certains continuent de vous dire que c’est le « jeu démocratique », qu’il faut le respecter, que si vous vous opposez à cette représentativité vous n’êtes vraiment pas un démocrate (le mot creux par excellence avec « liberté » et « bonheur »)… pire vous pourriez même devenir un « ennemi de la démocratie », ce qui correspond à peu près à une excommunication en règle. Circulez, il n’y a rien à voir !

    La démocratie a son modèle, lui aussi est sensé être « représentatif », je ne vous parle pas de l’Angleterre, génitrice du parlementarisme en même temps qu’elle générait le libéralisme, je vous parle du fils rebelle, les Etats-Unis. Le pays qu’on qualifie de « grande démocratie », c'est-à-dire un pays où quand vous votez pour un président, non pas ici directement mais via les grands électeurs, vous empochez tous les sièges de l’état où vous êtes majoritaire. Pour ceux qui auraient les yeux embrumés par la fatigue, cela signifie que si votre candidat obtient 52.5% dans un Etat comportant 40 sièges, vous ne remportez pas 21 sièges mais…40. C’est la démocratie. Et représentative en plus ! Donc ça va. En plus les Américains nous ont libérés. Et puis leur président est noir. Et puis ils ont des super séries télé et les fast-food. Voila. Ah oui, ne pas oublier. Si aux Etats-Unis on passe par les grands électeurs, c’est parce qu’on se méfie du peuple et qu’on veut éviter des formes de « populisme » plébiscitaire, comme en France, bien que je vous ai démontré que ce n’était pourtant pas le cas. Car ne pas oublier qu’une vraie démocratie se méfie du peuple, c’est parfaitement logique, ne cherchez pas.

    III

    « Il faut vivre avec son temps », n’est-ce pas ?

    Cette phrase va souvent de paire avec « Chacun fait ce qu’il veut ». Elle est absolument indémontrable, mais ici encore, si vous vous opposez, vous êtes un réactionnaire, ennemi de la démocratie et de la liberté. Et même, tenez-vous bien, de l’égalité. Même si « notre temps » n’est pas particulièrement égalitaire. Mais bon, ça, c’est un détail de l’histoire, hein ?

    Reprenons. « Il faut vivre avec son temps » signifie souvent inclure dans la loi tout ce que le lobbying et le formatage auront inculqué à grand coup de propagande dans le crâne des honnêtes gens jusqu’à faire apparaître cela comme « normal ». L’histoire démontre que quelque soit le modèle dominant au pouvoir, la société finit tôt ou tard par suivre. Les européens furent païens, puis chrétiens. Les Français furent royalistes, bonapartistes, républicains, pétainistes, gaullistes, libéraux, … Il ne faut absolument pas tenter de comprendre pourquoi. Les honnêtes gens veulent surtout éviter les problèmes, vivre paisiblement. Cette passivité des masses profite bien souvent aux minorités d’activistes, financés, médiatisés, ils donnent l’impression à la masse qu’elle est dans l’erreur. Ainsi, lorsque vous êtes étudiant, vous constatez très vite qu’une poignée de nervis de libéraux contrariés (on appelle ça des libertaires) peut tout à fait contrôler une université, en contrôler les élections et définir le Bien et le Mal. C'est-à-dire que « vivre avec son temps » c’est vivre en subissant en silence les agissements d’une poignée d’excités. Dans le domaine de la grande politique, on appelle ça des lobbies, ils sont représentatifs, si vous vous souvenez. C'est-à-dire qu’une association en carton, financée par un mécène de la grande bourgeoisie, soutenue par un acteur ou un chanteur sans talent faisant glousser les ados et dispensant sa morale à la population lors de grandes fêtes subventionnées par vos impôts, définit pour vous la loi et ce qui est de votre temps. Et vous qui n’êtes financé par personne, dont toute la bobocratie parisienne se tape, vous qui êtes la majorité silencieuse paisible, vous vous faites imposer des lois que vous réprouvez, mais dont on vous a persuadé que « la majorité des Français l’approuve » grâce à un sondage de 1060 personnes, c'est-à-dire jamais vous ni quiconque que vous connaissez.

    « Il faut vivre avec son temps » procède d’une vision de l’histoire totalement contestable. Une histoire qui irait dans le sens du progrès de l’humanité mais où en fait l’Antiquité c’était quand même plus développé que le Moyen Âge, malgré tout. Bien sur tout le monde ne s’accorde pas sur ce qu’est le progrès. Pour certains c’est le fait que « chacun fait ce qu’il veut » et qu’après tout on peut avoir des aventures sexuelles « comme on veut ». Pour d’autres ce sont des voitures volantes, même si je vois toujours pas de prototype de DeLorean par chez moi. Pour d’autre encore, c’est vivre en harmonie avec tous les êtres vivants, dans la paix et l’amour. Le progrès c’est le jour où il y’aura plus de guerre, même si ça n’aura échappé à personne que la société progressiste est belliqueuse envers ceux qui refusent son « progrès ». Encore une fois ce sont toutes les faces du libéralisme bourgeois. Vous pouvez piocher, c’est gratuit ! Moi j’ai l’impression que « vivre avec son temps », c’est un peu tourner le dos à tout ce qui se faisait avant, sauf bien sur les Droits de l’Homme de 1789.

    Car voyez-vous, le passé, c’est rance, ça sent la naphtaline, c’est totalement réac. Mais pas la DDHC de 1789 qui à l’instar des textes religieux est atemporelle. Son actualité ne fait aucun doute ! Que dis-je ? Elle est toujours plus d’actualité ! Prenez Bonaparte, ou plutôt Napoléon Ier, empereur des Français, ça c’est le passé, c’est un autre monde, on peut tripatouiller le code civil de 1804 comme on veut pour « l’adapter ». Mais par contre la DDHC qui lui est antérieure de 15 ans et qui fut le socle de la Première République de 1793, hé bien elle, si vous y touchez, vous êtes l’hérétique, vous mériteriez le bûcher. Mais alors c’est à n’y plus rien comprendre, si notre monde est rationnel, grâce à l’héritage des Lumières, alors pourquoi ce sentiment que la DDHC a été sacralisée et que tout atteinte relèverait du blasphème ? Etrange n’est-ce pas ? Etrange aussi de considérer que les Lumières, c’est «toujours dans l’ère du temps » alors que des penseurs du XIXe et du XXe siècles seraient devenu totalement has been.

    Bref ne vous triturez plus les méninges ! Ce qui est « de notre temps » c’est ce qu’en ont décidé les libéraux. L’énigme est résolue.

    Jean http://cerclenonconforme.hautetfort.com/

  • Réactions tous azimuts contre la modernité

    Philippe Baillet fait parti de ces auteurs qu'il est difficile de classer ou d'étiqueter dans la mesure où cette race d'écrivain n'éprouve nullement le besoin de poser, de se « donner un genre », ou d'appartenir par principe à cette catégorie clairement identifiable d'hommes d'un seul livre, pour exister. Italianiste brillant (on lui doit des traductions de plusieurs grands penseurs transalpins dont Julius Evola, Del Noce, l'analyste et contempteur de « l'irréligion naturelle », et l'adaptation en langue française de l'ouvrage, très complexe, de Roberto Fondi, La révolution organiciste), évolien au nom de la "tradition", nourri des thèses de la Nouvelle Droite mais catholique convaincu, Baillet, qui fut l'un des cofondateurs en 1977 de la revue Totalité, fuit la médiocrité d'une manière épidermique mais s'abreuve en faisant toujours abstinence de préjugés des œuvres et des penseurs qui fourbissent leurs armes dans le grand combat civilisationnel contre la modernité qu'il exècre congénitalement. Modeste, trop modeste, il se définit comme « docteur en rien » alors que sa plume est remarquable et que ses critiques sont toujours étayées d'arguments indéniables, d'illustrations pertinentes et de précisions toujours bienvenues qui n'alourdissent jamais son texte. À ce propos on appréciera la précieuse utilité de ses notes de bas de page qui apportent systématiquement une lumière nouvelle à ses écrits ou une ouverture vers d'autres contrées, vers d'autres idées mais bien sûr toujours en rapport avec les thèmes qu'il développe. Avec son nouvel ouvrage intitulé Pour la contre-révolution blanche, Philippe Baillet explique fort bien pour qui et pour quoi il écrit, pour ceux qui naissent actuellement des décombres de la société moderne, pour les Blancs ayant pleine conscience de l'extrême précarité de leur race, pour les surhommes précoces d'aujourd'hui et surtout pour ceux de demain qui sortiront nécessairement de terre à l'issue de la guerre civilisationnelle inéluctable, comme se sont naturellement métamorphosés en fascistes les survivants virils de la Grande Guerre fratricide. Pour ce faire, il a sélectionné une quinzaine d'articles provenant pour la moitié d'entre eux du Choc du mois "original" (sa première version) où il collabora brillamment à partir du onzième numéro à la toute fin des années quatre-vingt jusqu'à la disparition de la revue, mais aussi de la Nouvelle Revue d'histoire, de Catholica ou de La Nef. La première leçon formulée par l'auteur, exprimée parfaitement par l'exemple même de son travail, est l'importance des mots et des notions utilisés par l'écrivain ou par le journaliste réactionnaire. Si l'on devine aisément qu'un tel cerveau ne peut que mépriser la phraséologie, le verbiage et les énoncés approximatifs (comme tout bon traducteur qui doit exprimer d'une façon optimum, avec fidélité, la pensée subtile d'un auteur), il a surtout compris que les mots étaient des armes et les phrases des bataillons et qu'il ne fallait en aucun cas utiliser, en les adoptant, les termes de l'adversaire. C'est ainsi qu'il rejette le vocable "révolution" dont la connotation est moderniste au profit de l'expression "contre-révolution" qui évoque sans ambiguïté un retour réfléchi aux sources de l'enchantement, de la religiosité et de l'ordre. Mais, posons-nous d'emblée la question, Baillet croit-il réellement à l'ultime victoire du bien sur le mal ou pense-t-il que ce monde est à l'agonie et que les efforts, même surhumains, d'une cohorte de blancs régénérés intellectuellement et spirituellement, ne font et ne feront en fait que retarder les morts de l'esprit et des libertés humaines pour laisser intégralement place à une masse informe vile et servile soumise constamment à l'infâme médiocrité de sa propre image ? Cela n'aurait guère d'importance si à l'image de Donoso Cortès, ce contre-révolutionnaire espagnol qui apparaît dans une certaine mesure comme le précurseur de Carl Schmitt en tant que théoricien de « la situation d'exception » ou de la dictature (qui « a pour la jurisprudence la même signification que le miracle pour la théologie ») Philippe Baillet écrivait et agissait, comme cela semble être le cas, à l'instar de Donoso, en travaillant de toutes ses forces pour le renouveau ou la sauvegarde de la civilisation malgré la certitude de sa fin inéluctable ? « On peut très bien, écrit-il ainsi, jour après jour, faire ce qui doit être fait, remplir son devoir d'état, sur un fond de désespérance à peu près totale en ce qui concerne la possibilité d'inverser le cours des choses ».

    On comprend mieux, par ailleurs, pourquoi, en France en particulier, l'œuvre de Donoso et sa vision millénariste de la politique ne se diffusèrent que parcimonieusement, là où la tradition a été profondément rationalisée sinon "positivisée" par les théorèmes maurrassiens. Et nous pourrions nous demander sur ce point si la préparation de la dictature puis son organisation peuvent être correctement menées par des cerveaux ayant irrémédiablement fait le deuil d'une victoire finale, sensiblement irréversible, sur le plan mondain, et qui auraient été "vaccinés" contre tout enthousiasme né du sentiment du possible triomphe permettant souvent le dernier coup de rein paradoxalement fatidique... Les articles consacrés à Friedrich Nietzsche et surtout, selon nous, au poète et romancier Antonin Artaud (initialement paru en 1988 soit 40 ans après sa mort) ont certainement été motivés par ce même "mystère" constitué par la juxtaposition au sein d'une même cervelle d'un pessimisme concernant l'avenir de l'occident donc du monde voué à l'apocalypse et d'une volonté viscérale, instinctive, de lutter contre « l'insupportable », loin de tout dandysme jugé par l'auteur comme une posture impossible en notre temps. En effet, Artaud qui a tenté (malgré la maladie taraudeuse) de lutter contre « la putréfaction de la culture occidentale » en "littérature", au théâtre et au cinéma (Maurras écrivait dans Trois idées politiques que « le bon peuple veut des modèles, et l'on s'obstine à lui présenter des miroirs ») a été contraint pour survivre encore lors de ses dernières années pendant lesquelles la réalité lui était devenue insupportable de « devenir fou» du fait de sa faiblesse découlant peut-être d'un excès de lucidité, plutôt « que de forfaire à une certaine idée supérieure de l'honneur humain ». Ou la difficulté de rester soi dans un monde empoisonné...

    Cependant l'ouvrage de Philippe Baillet ne se limite pas à ces questions psychologiques et philosophiques liées à la plus pure métaphysique, au demeurant fort intéressantes, mais décrypte également les actions néfastes des penseurs du système dont l'imbécillité seule rivalise avec leur malhonnêteté et leur méchanceté. Ceux-là accompagnés de la justice (systémique) et des media ont créé un nouveau régime que le paléo-conservateur et racialiste Samuel Todd Francis (1947- 2005) a appelé (pour la première fois dans la revue Chronicles eu 1992) anarcho-tyrannie, système sociopolitique où les vrais criminels ne sont pas réprimés en même temps que le sont les citoyens innocents, Sur le sujet, Baillet offre à ses lecteurs un article inédit (et le plus long du recueil) d'une remarquable densité dans lequel sont présentés avec force précisions les courants conservateurs américains et où sont mises en exergue les spécificités et l'essence du paléo-conservatisme qui ne peut en aucun cas être comparé avec l'idéologie des néocons dont le postulat est le mondialo-sionisme. Ici le constat des agressions commises par le système à l'encontre des Blancs et résumé par un petit texte de Robert S. Griffin (que l'ami Jim Reeves connaît bien) est d'une magnifique limpidité : Ces agressions permanentes visent à faire adopter par les Blancs « trois opinions contradictoires dans le domaine racial. Premièrement, la race n'existe pas : deuxièmement, elle existe mais n'a pas d'importance : troisièmement, elle existe et importe, et, en ce qui concerne les Blancs, leur race est quelque chose dont ils doivent se sentir coupables et qu'ils doivent expier ». Et Baillet d'ajouter avec ironie que « tous les actes racistes de l'histoire, sans exception, ont été commis par des Blancs non juifs : et ces actes, bien sûr, ne pouvaient avoir pour seule et unique cause que la malignité profonde, la méchanceté viscérale des Blancs non juifs. » Tel est le miroir sur lequel se reflète en permanence l'image dénaturée de la masse blanche qui pour se faire pardonner (et la contrition doit être, semble-t-il, éternelle) ne possède qu'un moyen: Se saigner et fondre, humiliée, jusqu'à complète disparition.
    Valentin BARNAY. RIVAROL 29 OCTOBRE 2010

    Philippe Baillet, Pour la contre-révolution blanche, portraits fidèles et lectures sans entraves, Editions Akribeia (45/3, route de Vourles, 69230 Saint-Genis-Laval. « vww.akribeiafr », 188 pages, 18 euros (frais d'envoi = 5 euros ; 2 livres et plus = 6,5 euros).

  • Stéphane Hessel et les vertus du Bien


    Que ceux qui sont pour le Bien et contre le Mal lèvent le doigt. Hormis quelques brebis noires au bêlement dissonant et particulièrement louche, vous aurez pour réponse une majorité écrasante d’assentiments très corrects. Il ne faut pas creuser plus loin pour expliquer le succès d’opinion d’un Stéphane Hessel, le triomphe commercial, en 2010, de son opuscule à trois sous « Indignez-vous ! », vendu à plus de 2 millions d'exemplaires en France, traduit dans une trentaine de langues. La France, lisant ce brûlot ampoulé, aurait dû mille fois se soulever, coiffée de ce bonnet phrygien dont le « Grand homme » s’était affublé un jour, comme une sorte de Stroumpf sans culotte. Mais rien ne se passa, sauf les éternels embouteillages du week end…

    Il y avait bien eu pourtant des attroupements, en Europe ou à Nouillorque … très peu en France… Indignados d'Espagne, indigneti d'Italie, indies d'Occupy Wall. Mais on s’époumone, on s’indigne véhémentement, et le monde tourne toujours en écrabouillant les innocents... Sale Monde immonde ! Méchants riches ! …

    Le vieillard très digne de 95 ans a bien eu, le cabotin, son enterrement de première classe dans la Cour d’honneur des Invalides, avec trompettes et drapeau, garde d’honneur et discours ronflants. Pourquoi, au juste ? Certes, il fut Résistant, comme d’autres, et déporté, comme d’autres. Il fut diplomate, comme certains. Et militant.

    Voilà… Il fut courageux, sans doute. Mais cela suffit-il, soixante ans plus tard, à forger un prophète ?

    Que reconnaissons-nous en lui ? Ecoutons le chef de l’Etat : c’était donc «un homme qui fut une conscience, un grand Français, un juste», « un homme libre : libre de ses choix, libre de ses engagements, libre de sa vie». «La liberté, c’était sa passion, son idéal», «c’est en son nom qu’il fut un Français libre». Soit, voilà qui est bien. Mais tous ces mots emphatiques, cette répétition insistante sur le terme « libre », la connotation qui s’attache au substantif « juste », la formule quelque peu publicitaire qui inclut le vocable très affecté « passion », tout cela sent un peu la rhétorique de classe d’instruction civique de collège, vague à souhait, déclamatoire, un brin pompeux. En somme, de l’huile de moteur pour République un peu poussive. Certes, c’est la loi du genre, mais on aurait aimé un peu plus de précision, plutôt que le rappel ridicule qu’ « il lança à la face des fatalistes, des résignés, des frileux son slogan "Indignez-vous !"». Et cette précision : ce fut une invitation «non à la révolte mais à la lucidité». On n’est jamais trop prudent !

    Et quelle action proposer ? François Hollande a rappelé son engagement auprès de Pierre Mendès France puis de Michel Rocard, «dont il partageait la conception de la gauche ». La gauche américaine, quoi… Le Victor Hugo à la sauce hollywoodienne mis en comédie musicale (pensez-vous, il était gaillard, pour son âge ! Et comme il sautait comme un cabri, en compagnie de cet autre cabotin hargneux, Cohn-Bendit !).

    Hollande n’a pas enterré un nom bien dangereux ! Etait-il, du reste, notre « président normal », the right man pour ce faire ? On en doute, et l’amitié qui le liait à l’Indigné professionnel a de quoi surprendre. On lui passera, si l’on veut, l’intervention en Libye, mais que dire de sa participation au terrorisme perpétré par les très sanguinaires djihadistes, qui mettent actuellement la Syrie à feu et à sang, sans d’ailleurs que le Vieillard sublime y ait vu autre chose que le flash des photographes ? Que dire aussi de la précarité, de la misère programmée par un libéralisme cyniquement assumé, bien qu’enfumé par des réformes sociétales dilatoires ? On aurait aimé plus de « lucidité » de la part du patriarche !

    L’Ancien, on le sait maintenant, poussait l’amour de la gloriole jusqu’à mentir sur son pedigree, et il faut avouer que c’est là un bon lazzi dans cette Commedia ! Plusieurs fois, selon les mauvaises langues, il s’est vanté d’avoir « participé » « à la rédaction (…) de la charte des droits de l'homme ». Il aurait été « associé à la rédaction » de cette charte. Les médias, non démentis, se sont hâtés d’en faire un «  co-rédacteur ». Le gros mensonge ! Certes, en 2008, il a avoué à mi-mot la semi-supercherie. Mais en 2010, lors de la publication de « Indignez-vous », il a repris à son compte cette usurpation flatteuse.

    Mais que celui qui n’a jamais péché lui jette la première pierre ! A 95 ans, il est normal d’anticiper sur les délices du paradis, même si c’est contre la vérité ! Et puis l’ivresse des plateaux, des micros, des grelots de la renommée… Il faut bien que vieillesse passe !

    Il y a eu bien sûr les jérémiades acrimonieuses du venimeux Prasquier, président du Crif, qui a accusé le héros d’être antisémite, un peu comme on avait osé le reprocher au Juif Edgar Morin. Pour mériter l’apothéose, il faut, pour le lobby sioniste érigé en tribunal, se mettre au garde-à-vous devant l’Etat d’Israël, et se taire, comme le font la plupart des intellectuels français et des médias, complices ou terrorisés, devant les crimes de Tsahal. On peut alors bien reconnaître à Stéphane Hessel un certain courage, qui lui interdira sans doute le Panthéon. Pensez-vous, un antisémite à côté des plus grandes gloires de la France (à l’exception des autres…).

    Mais bon, les méfaits d’Israël sont tellement gros que, si l’on bénéficie d’un brin d’honnêteté, on ne peut qu’en dire du mal. Pas de quoi casser la patte à un canard. Le Crif aurait mieux fait de se taire, car voilà une publicité supplémentaire dont les criminels de guerre israéliens se seraient bien passés.

    C’est du reste la faute inexpiable que les organes de propagande sionistes, dont l’éventail est considérable, condamnaient avec virulence chez Hugo Chàvez. Le hasard a voulu en effet que L’Indigné et l’Homme d’Etat mourussent à peu près au même moment. Les deux aimaient les mots. Mais le second prenait les risques que l’autre avait abandonnés depuis belle lurette. Et il se coltinait avec de la chair et de l’âme humaines, non avec le souffle éthéré des mots (bien que le mot, bien sûr, puisse être une arme), mais avec de l’action.

    A propos d’arme, le mot hessellien fait penser à une carabines à air comprimé, qui ne fait pas bien mal.

    Seulement, la vie, le combat politique, ce n’est pas seulement la lutte entre le Bien et le Mal, comme voudrait nous le faire croire cet autre phénomène de foire qu’est BHL. Bien sûr, d’une certaine façon, les intellectuels de cour, qui hésitent entre rôle de bouffon ou de clown triste, ont toujours quelque part un peu de sang sur les mains. BHL, lui, en est imprégné, du sang des innocents. Une éponge. Stéphane Hessel, pour sa part, c’est un peu le Capitan de la Commedia dell Arte, un antique soldat, qui eut son heure de prestige, mais dont l’épée flageole, et le nez hume un peu trop au vent les vapeurs du songe.

    Qui seront donc les « indignés » de demain ? Ces bobos phraseurs qui se la jouent dans la rue en ne voilant le sein qu’ils ne veulent pas voir ? Foin de cette réalité scandaleuse de la vie telle qu’elle est ! Il faut se salir les mains, parfois, dirait Sartre. Eh oui ! Les Grillini, qui veulent refuser la nationalité italienne aux fils d’immigrés nés sur la botte, tout « indignés » qu’ils sont, auraient-ils reçu la bénédiction du pape de l’ « Indignation » ? On peut en douter. Seront-ce les ouvriers licenciés qui vont « tout casser » pour protester, et peut-être interdire aux travailleurs immigrés de briser leur grève, comme on l’a vu à Peugeot Citroën ? Des « indignés » peu recommandables, loin des romans à l'eau de rose...

    Claude Bourrinet http://www.voxnr.com

  • Hommage à Maurice Ronet, le cinéma de la droite absolue

    Hydre absolue, ivre de ta chair bleue...

    Valéry

    Je participerai à une émission de Radio Courtoisie (le 12 mars prochain, à 21h30) consacrée à Maurice Ronet par mon ami Arnaud Guyot-Jeannin. J’en profite pour proposer ce petit texte en en-cas. Le sujet Ronet, un des plus aristocratiques qui soient, me poursuit tel une ombre rebelle depuis vingt ans ou presque. Même le bref hommage d’Eric Neuhoff n’y suffira pas...

    Maurice Ronet avait milité discrètement dans les années 70 au Parti des Forces Nouvelles de Tixier-Vignancour, donnant en quelque sorte raison à Jean Parvulesco qui affirmait quinze ans avant - d’Espagne dans la revue de la Phalange -, que la nouvelle vague était « fasciste ». Cette déclaration tempétueuse était bien sûr à tempérer mais il y aurait à dire sur Godard (qui fait d’ailleurs parler Parvulesco dans l’immortel A bout de souffle), Chabrol et Gégauff (revoir la scène très provo des Cousins, avec Brialy grimé en officier allemand) et sur Rohmer (deux amis se saluent bras tendu dans la collectionneuse en prononçant le cri de guerre Montjoie !). Ronet a tout en tout cas du beau ténébreux maudit, du dandy de droite, du guerrier maudit, du nihiliste caviar, même s’il vaut mieux que les héros parfois caricaturaux et ennuyeux du bon Drieu.

    Ronet excellait à se faire détester et tuer : pensez à la Piscine (il joue le rôle d’un Américain !) et bien sûr à l’extraordinaire Femme infidèle. Il se moquait de lui-même disant qu’il avait été tué une trentaine de fois au cours de sa carrière. Sa dernière mort, d’ailleurs abjecte, se produit dans l’horrible film la Balance, qui montre peut-être une transition terminale dans le cinéma français : on n’y sera effectivement plus en France, après. Le vieux fusil a changé d’épaule. Vogue la galère.

    Je fais un crochet par les studios américains. Ce n’est pas un hasard si le seul film d’extrême-droite du cinéma français se joue avec Delon et Ronet, sans oublier Anthony Quinn : c’est bien sûr les Centurions, hymne à la gloire de Bigeard et des paras d’Alger, provocation intenable dès l’époque puisque l’excellent film de Mark Robson, tourné d’ailleurs à Almeria, justifiant quelque peu la torture, fut ostracisé dix ans durant (quel honneur !).

    Au début des années 80, alors qu’il sait sans doute qu’il va mourir, notre grand homme (plus encore que grand acteur), marié à une très belle fille Chaplin (et petite-fille du prix Nobel irlando-américain O’Neill !) désire aussi adapter pour la télé encore française une vie du général Boulanger. Le sujet est important car si Boulanger n’avait pas flanché à l’époque, l’histoire de la France et de l’Europe aurait été changée (que ce serait-il passé en cas de chute de la république méprisée et de nouvelle défaite face à l’Allemagne ?). Cela montrait en tout cas que Maurice Ronet s’intéressait en tout cas aux sujets pointus, et qu’on le suivait : car il y avait encore une télévision et un cinéma nationaux, je le maintiens sans sourciller. De cette fin de carrière je recommanderai aussi l’étonnant Madame Claude, avec une Françoise Sagan géniale, film d’un chic vulgaire et racoleur. Ronet y joue un ami de la dame et essayeur dandy de belles espionnes. Le film traite aussi de l’affaire Lockheed qui défraya la chronique dans les années 70 quand une partie des Bilderbergs (la Trilatérale) décida de se débarrasser de l’autre en prétextant des achats militaires (les fameux avions défectueux)... Le cinéma français s’intéressait à de ces choses...

    Mais ce qui est surtout intéressant chez Maurice Ronet, c’est sa culture, sa recherche personnelle. Il a adapté les génies absolus de la littérature américaine, Poe et Melville, avant que l’Amérique - comme le cinéma français - ne soit plus l’Amérique. Ronet adapte deux fois Edgar Poe, l’excellent Scarabée d’or et l’extraordinaire Ligeia, un des plus beaux textes jamais écrits en hommage à la femme. Jugez-en en trois lignes traduites il est vrai par Baudelaire(1) :

    « Une intensité singulière dans la pensée, dans l’action, dans la parole était peut-être en elle le résultat ou au moins l’indice de cette gigantesque puissance de volition qui, durant nos longues relations, eût pu donner d’autres et plus positives preuves de son existence. »

    Ce film est introuvable. On peut par contre voir sur Youtube le prophétique Bartleby de Melville où l’éternel Michel Lonsdale adapte dans le Paris grisonnant des années 70 l’extraordinaire petit résistant à la matrice du maître de Moby Dick. Lonsdale traînaille autour du palais Brongniart comme si l’on pressentait que c’était à cet endroit que se jouerait la fin de notre histoire. Ici et à Wall Street naturellement. Je voudrais bien ne pas le faire, répète Bartleby d’une manière cyclique.

    Le grand opus est bien sûr celui sur les dragons de Komodo, que je cite comme joyau mythique dans ma "Damnation de stars"(2). Ronet les compare à des chevaliers, à des héros solaires aux armures brillantes (pensez à Excalibur) qui bataillent près du cratère du Krakatoa (je sais, ce n’est pas la même île !!!) au commencement du monde, mythologie éclatée, au commencement du temps et de l’espace. De ce moyen-métrage (j’allais écrire moyen âge) fantastique, Ronet avait tiré un livre publié dans la célèbre et formidable collection j’ai lu, l’aventure mystérieuse, qui nous a tant permis de rêver quand nous avions dix ans et que nous attendions la venue des soucoupes violentes et des tibétains télépathes ! Les années 70 sont aussi les années fastes de Pierre Kast, qui tourna les Soleils de l’île de Pâques et avec qui le feu follet de la droite absolue oeuvra. Je me suis souvenu qu’avec Jünger bien jeune j’ai regretté aussi que soixante-dix s’efface. Nous avions soixante ans d’écart mais nous savions qu’après cette décennie sauvage et décalée, libertaire et païenne, sur fond d’agonie de tout, nous ne reverrions plus rien. Et ça n’a pas manqué.

    On trouve ce bel extrait, qui explique si bien notre Ronet, dans le livre cité sur les dragons :

    « Beaucoup de gens de notre temps que la fortune a fait naître en pays développés, perdent, jour après jour, le besoin de leurs jambes et celui de la curiosité. Ces gens-là mettent des manteaux à leurs petits chiens, tiennent rigueur aux gouvernements de ne pouvoir empêcher la neige de tomber sur les divines autoroutes où ils se font prendre comme mouches sur le papier à glue, et, grâce à la télévision, se croient au fait de tout ce qui se passe dans le monde. Pourtant, qu’il est dérisoire le petit écran si l’on songe à l’infini des horizons où perpétuellement se transforme et se recrée l’univers. En vérité, l’homme qui cesse de lire et de voyager parce qu’il possède un poste de télévision est comparable à l’enfant qui se fait une idée suffisante du soleil en contemplant les rayons d’ostensoir dont l’embellit son livre d’images. »

    Et comme je n’ai pas envie d’en dire plus, me réservant pour la radio, je laisse Ronet conclure, ouvrir plutôt un débat supérieur, digne de mon "Voyageur éveillé"(3) :

    « L’existence de tout homme n’est que l’incessant combat contre ses propres dragons. »

    Nicolas Bonnal http://www.france-courtoise.info

    (1) <ebooksgratuits.com>
    (2) Filipacchi, 1997
    (3) Les Belles Lettres, 2002
  • Les pièges de la laïcité

    Quelle peut être la place du catholicisme dans le débat entre la laïcité et l'islam ?
    Le débat sur l'identité nationale voulu par Nicolas Sarkozy et son gouvernement avait fait un flop ; celui organisé par l'UMP - et plus précisément Jean-François Copé - sur la laïcité a fait pchitt, comme dirait Jacques Chirac. « C'est un débat essentiel, très différent de celui sur l'identité nationale dans la méthode comme dans l'esprit, avec un calendrier précis, et qui débouchera sur des propositions concrètes », avait annoncé le président de l'UMP. Au terme d'une polémique au cours de laquelle le malheureux a dû affronter les critiques de l'opposition, celles des représentants des religions, de la majorité des obédiences maçonniques, d'une fraction de son propre parti et d'une partie du gouvernement conduite par le premier ministre François Fillon, son fameux débat s'est tenu le 5 avril, en quatre heures « chrono », devant deux centaines de journalistes et trois centaines de militants. Encore n'est-on pas bien sûr qu'il se soit agi d'un débat, puisque les 26 propositions que l'UMP entend présenter pour « permettre une laïcité de rassemblement » avaient été élaborées avant cette rencontre. L'ambiguïté y présidait dès l'origine : on allait y parler de la laïcité et de l'islam. De la laïcité vue par l'islam, ou de l'islam dans une optique laïque ?
    Du rattrapage au remplacement
    Pour ne rien arranger, le nouveau ministre de l'intérieur, Claude Guéant, a augmenté la confusion en croisant la question de l'islam avec celle de l'immigration : deux problématiques qui - comme chacun sait - n'ont rien à voir... « En 1905, a-t-il déclaré en invoquant la date sacrée de la séparation de l'Eglise et de l'État, il y avait très peu de musulmans en France, aujourd'hui il y en a entre 5 et 10 millions. Cet accroissement du nombre de fidèles et un certain nombres de comportements posent problème. » (La fourchette proposée par le ministre de l'intérieur, portant sur quelque 5 millions de personnes, a de quoi laisser songeur : en matière d'immigration, même les évaluations « à la louche » sont plus qu'aléatoires.)
    Dix jours après la publication des 26 propositions de l'UMP, Claude Guéant a présenté celles du gouvernement, qui en sont directement inspirées et tendent elles aussi à encadrer les pratiques musulmanes.
    Les catholiques ne seraient-ils donc pas concernés ? La tentation peut venir de miser sur la laïcité pour contrer l'expansion musulmane (il existait une seule mosquée à Paris en 1920 contre 75 aujourd'hui, à en croire le Guide des mosquées de France sur Internet). À tort. Car il me semble qu'il existe au moins trois dangers dans ce débat entre l'islam et la laïcité.
    Soit cette dernière s'attaque à l'ensemble des religions et met à profit sa confrontation avec l'islam pour régler de vieux comptes avec le christianisme: c'est ce que l'on voit lorsque des crèches de Noël municipales sont supprimées par décision de justice, comme à Moutiers (Oise) en décembre dernier.
    Soit l'Etat pratique une laïcité positive, qui peut certes célébrer les racines chrétiennes de la France mais instaure en réalité, sous prétexte de neutralité, une politique de discrimination positive favorable à l'islam: c'est ainsi que Nicolas Sarkozy, dans son livre La République, les religions, l'espérance, souhaitait mettre en oeuvre politique de « rattrapage » au bénéfice de la religion musulmane, politique qui l'a conduit dès 2006 à commander un rapport (le rapport Machelon) pour étudier le moyen de financer la construction de mosquées avec l'argent public.
    Mais de quel « rattrapage » peut-il s'agir par rapport au christianisme, pierre angulaire de notre civilisation, et particulièrement au catholicisme qui a joué un rôle fondamental dans la construction de la France ?
    Cette politique de « rattrapage » peut en outre tourner assez vite au « remplacement », comme a pu récemment le vérifier le président honoraire d'une amicale des anciens marins de Gisors qui, ayant demandé qu'un aumônier de la marine vienne célébrer la messe d'anniversaire de la création de cette amicale, s'est entendu répondre qu'il n'y avait pas d'aumônier disponible, 31 postes d'aumôniers catholiques ayant été supprimés pour des raisons budgétaires et remplacés par autant d'aumôniers musulmans.
    Troisième cas de figure : le catholicisme disparaît purement et simplement du débat engagé entre la laïcité et l'islam et n'est plus pris en compte. C'est ce qui vient de se passer à Strasbourg, où le maire socialiste, Roland Ries, a répondu à des parents d'élèves lui demandant pourquoi on servait des menus halal dans les cantines scolaires et pas de poisson le vendredi : « Nous servons de la viande halal par respect pour la diversité, mais pas de poisson par respect pour la laïcité ». Entre diversité et laïcité, il n'y a évidemment pas de place pour le christianisme. (On retrouve d'ailleurs ici aussi le principe de discrimination positive.)
    En fait de neutralité, la laïcité à la française apparaît plutôt comme une idéologie anti-religieuse aux prétentions quasi-religieuses : « plutôt qu 'une neutralité, n'avons-nous pas suscité une religion d'État ? » demande Chantai Delsol dans l'hebdomadaire Valeurs Actuelles. Ce laïcisme peut alors devenir intransigeant, au point d'exiger du croyant un comportement schizophrène: qu'il laisse son âme au porte-manteau lorsqu'il sort dans la « sphère publique » et la retrouve le soir lorsqu'il regagne sa « sphère privée ».
    Une idéologie aux prétentions religieuses
    Mais ces prétentions religieuses peuvent aussi s'exprimer dans un nouveau paradigme réceptif et accueillant. Jacques Secondi, auteur d'un article intitulé significativement « Culte laïque » et publié dans le Nouvel Economiste du 7 avril, distingue religion et spiritualité et cite l'éditeur Marc de Smedt, directeur de collection chez Albin Michel : « Les religions ne sont qu 'un outil pour accéder à la spiritualité, d'où l'expression de spiritualité laïque pour ceux qui cultivent ce sentiment en dehors des croyances ou des pratiques religieuses. » Secondi y voit « l'occasion de sortir d'un malentendu historique sur le rapport entre la pratique religieuse dont il faut cadrer les revendications et le sentiment spirituel qui devrait pouvoir s'exprimer librement dans toutes les sociétés. » La laïcité new-age, en quelque sorte...
    On pourrait donner à l'islam une autre réponse, beaucoup plus décontractée : non pas en refaisant du catholicisme une religion d'Etat, mais plus simplement en inscrivant dans la Constitution française sa place éminente, par son apport à l'histoire et à la civilisation française.
    Eric Letty monde & vie . 23 avril 2011

  • Le Spectacle du Monde consacre son dernier numéro aux « Guerres franco-françaises »

    De siècle en siècle, la hantise de la guerre civile n’a cessé d’obséder notre pays, entretenue par les convulsions, séditions, fractures et luttes intestines dont il semble s’être fait une spécialité. Mais comment passe-t-on de ces dernières à la guerre civile proprement dite ? En quoi celle-ci se distingue-t-elle de la guerre internationale ?

    En voulant imposer le mariage homosexuel et ses conséquences, François Hollande a créé un nouveau clivage, une nouvelle ligne de fracture entre les Français tels que le pays n’en avait pas connu depuis la querelle de l’école libre, en 1984. Prenant ainsi le risque de raviver la flamme d’une nouvelle « guerre franco-française ». Mais au-delà de l’opposition virulente entre partisans et adversaires du « mariage gay », force est de constater que, depuis quelques années, l’idée de guerre civile refait surface en France.

    En 2006, l’historien Jacques Marseille publiait Du bon usage de la guerre civile en France (Perrin), essai dans lequel il montrait que l’affrontement entre Français est une véritable passion nationale qui « s’opère autant dans le sang, les déchirures que dans les mises en scène de la refondation ». Plus récemment, l’économiste Nicolas Baverez lançait cet avertissement : « Les décennies de déclin tranquille appartiennent au passé. Sa poursuite entraînerait une brutale chute du niveau de vie qui déboucherait inéluctablement sur la violence politique et une guerre civile froide. » (Réveillez-vous ! Fayard, 2012.) Et lors de la dernière campagne présidentielle, Jean-Luc Mélenchon prédisait « un énorme tumulte », appelant de ses voeux une « insurrection citoyenne ».

    Au début du XIXe siècle, le grand théoricien de la guerre Carl von Clausewitz ne parle pas de « guerre civile », mais de « dissensions civiles » ou de « discordes intérieures », ce qui n’entre pas dans le champ de la guerre stricto sensu. Celle-ci désigne, en effet, comme l’a montré Rousseau, les conflits qui opposent un Etat à un autre et dont le moteur est la « volonté de puissance », alors que dans la guerre civile, il s’agit d’antagonismes religieux ou politiques (idéologiques). Ce ne sont pas deux pays qui s’affrontent, mais deux partis ou deux idéologies, partageant « en deux camps les sujets d’un même Etat ; la guerre est intestine, ne concerne que les membres de la cité » (Marie-Danielle Demélas-Bohy, « La notion de guerre civile en question ».

    En 1871, Karl Marx publie la Guerre civile en France, pamphlet en défense et illustration de la Commune de Paris, qui venait d’être vaincue par les troupes versaillaises. Cet épisode tragique de notre histoire est évoqué dans le livre de Jean-Claude Caron Frères de sang. La guerre civile en France au XIXe siècle (Seyssel, Champ Vallon, 2009), dans lequel l’auteur s’efforce de définir le concept de guerre civile à travers l’histoire, la philosophie et le droit. Selon lui, il faut, notamment sur le plan juridique, la distinguer de la rébellion, de la sédition ou de l’insurrection. On peut parler de guerre civile lorsqu’il y a « intolérance absolue envers un autre construit comme une menace pour l’unité de la Communauté ». Il s’agit donc d’un affrontement violent qui vise à l’« anéantissement » de l’adversaire. Au XIXe siècle, la guerre internationale est encadrée, depuis les traités de Westphalie (1648), par le droit de la guerre, tandis que la guerre civile est une guerre sans droit. Pour nombre de penseurs allemands (Fichte, Hegel, Nietzsche) et français (Maistre, Cousin, Renan), les guerres extérieures sont « bonnes » et les guerres intérieures « mauvaises ». Proudhon exalte « le triomphe de la vertu par la guerre entre les nations », mais estime que la guerre civile, « de citoyen à citoyen », constitue un abandon moral.

    Pour sa part, le politologue Julien Freund, dans un article posthume intitulé « Aperçus sociologiques sur le conflit » (Krisis, « La guerre ? » n° 33, avril 2010), distingue deux types de conflit : « le conflit non belliqueux et le conflit belliqueux ». Le premier implique « une intention hostile », mais sans « volonté délibérée au départ d’anéantir physiquement l’autre ». Le second « se caractérise par l’usage de la violence » ; il s’agit alors de la guerre, qu’elle soit « interétatique » (guerre étrangère) ou « intra-étatique » (guerre civile). Le conflit belliqueux est « celui du tiers exclu, car il se réduit à la relation duale de l’ami et de l’ennemi ». Ainsi, « les guerres civiles peuvent commencer avec une pluralité de camps, mais très rapidement elles se développent selon le schéma de la dualité ami/ennemi ». On assiste alors à la montée aux extrêmes et au déchaînement de la violence.

    Ces phénomènes ont été évoqués dès 1615 par le poète italien Giambattista Marino, protégé de Louis XIII, connu en France sous le nom de Cavalier Marin, qui écrit : « La France est toute pleine de contradictions et de disproportions, lesquelles cependant forment une discorde concordante, qui la perpétue. Des coutumes bizarres, des fureurs terribles, des mutations continuelles, des extrêmes sans demi-mesures, des tumultes, des querelles, des désaccords et des confusions : tout cela, en somme, devrait la détruire et, par miracle, la tient debout. » Par-delà le constat final plutôt optimiste, on constate l’emploi d’une série de mots (discordefureurs,tumultesquerelles…) qui caractérisent des situations de « guerre franco-française ».

    La formule apparaît pour la première fois, en 1950, sous la plume de Louis-Dominique Girard, ancien chef de cabinet du maréchal Pétain et auteur d’un livre au titre éponyme, la Guerre franco-française. Si l’expression est nouvelle, ce qu’elle recouvre ne l’est pas. Dans l’introduction à l’ouvrage collectif les Guerres franco-françaises (Vingtième Siècle, revue d’histoire, n° 5, janvier-mars 1985), on lit que « la plupart des crises profondes qui ont divisé les Français peuvent être assimilées à des failles géologiques ».

    LES FAILLES répertoriées ici sont les guerres de Religion, la Révolution française, l’affaire Dreyfus, les affrontements des années 1930, Vichy, la guerre d’Algérie et la guerre scolaire de 1984. Un des auteurs de ce recueil, Michel Winock, a publié ultérieurement la Fièvre hexagonale : les grandes crises politiques de 1871 à 1968(Points histoire, 2009), ouvrage dans lequel il décrit les convulsions et les spasmes du siècle qui va de la fin de la Commune aux événements de Mai-68. Ces crises, ces poussées de fièvre ponctuent non seulement ce siècle, mais jalonnent la longue marche de notre histoire nationale. « De leurs ancêtres les Gaulois, dont César, déjà, avait noté la propension aux luttes intestines, les Français ont hérité le goût de la guerre civile. Il n’est pas de siècle, dans leur longue histoire, qui n’ait eu la sienne. » (André Fontaine, le Monde, 9 novembre 1981.)

    De fait, Armagnacs et Bourguignons, catholiques et protestants, jésuites et jansénistes, frondeurs et monarchistes, Montagnards et Girondins, Bleus et Blancs, communards et Versaillais, dreyfusards et antidreyfusards, cléricaux et laïcs, gaullistes et pétainistes, résistants et collaborateurs, partisans de l’Algérie française et soutiens du FLN, soixante-huitards et antisoixante-huitards, mitterrandistes et adversaires des « socialo-communistes », défenseurs de l’école privée et partisans de l’école publique ont laissé dans la mémoire nationale la trace de leurs « épidémies psychiques » et de leurs « convulsions historiques » (Sigmund Freud).

    Dans son maître ouvrage le Mal français (Plon, 1976), Alain Peyrefitte note que « l’histoire de France est celle d’une longue guerre civile, pleine d’assassinats, de charges de police et de déraison ». Ces conflits, dit-il, « naissent, vivent et meurent avec une brutalité d’orage ». Souvent cruelles et sanglantes, les guerres franco-françaises furent toujours des guerres de religion ou des guerres idéologiques. De son côté, Pierre Chaunu, dans son magistral essai la France (Robert Laffont, 1982), met l’accent sur cette exception française qu’est l’« aptitude à la déchirure et à la déchirure idéologique ». Il en explique les raisons par le fait que « la France est une terre de fractures » qui sont « purement affectives, cérébrales, parfois spirituelles ». Ces fractures sont d’autant plus graves qu’elles sont « inexpiables, [qu’] elles vivent profondément dans la mémoire, [qu’] elles se régénèrent inlassablement ».

    Avec l’avènement de la Ve République, dont la Constitution cristallise la bipolarisation du pays, l’antagonisme des deux France demeure vivace et marqué par des périodes de forte tension. Celles des dernières années de l’Algérie française, avec le putsch des généraux et les combats de l’OAS, ou celle de Mai-68, avec les barricades du Quartier latin, la grève générale et la grande manifestation sur les Champs-Elysées de ceux qui refusent la « chienlit ».

    Treize ans plus tard, le 10 mai 1981, François Mitterrand, au soir de son élection, distingue « une France sociologique » et « une France politique », tandis que son Premier ministre, Pierre Mauroy, oppose « le peuple de gauche » à « ceux du château » et affirme qu’« il y a deux lectures de l’Histoire, de l’avenir, de la politique ». Cette double lecture apparaît notamment dans le discours d’investiture de François Mitterrand, le 21 mai, lorsqu’il fait commencer l’histoire de France en 1792, évoque ensuite ses « grandes dates » (1830, 1848 et 1870) et glorifie « le peuple » qui l’a « façonnée ». Lecture de gauche à laquelle répond la lecture de droite du maire de Paris, Jacques Chirac, qui, accueillant le nouveau Président à l’Hôtel de ville, invoque des personnages historiques comme sainte Geneviève, Jeanne d’Arc et Henri IV. Pour l’histoire contemporaine, là où Chirac cite l’Appel du 18 juin 1940, Mitterrand se réfère à la libération de Paris, le 25 août 1944.

    Pour Alain Peyrefitte, les Français semblent condamnés à se débattre « dans le cauchemar de querelles sans fin », une partie d’entre eux étant toujours tentés «d’imposer à une autre sa volonté, et même sa vérité. Mais comme l’adversaire n’est jamais anéanti, une solution de cet ordre porte en germe de nouvelles luttes. Car elle ravive la mentalité dogmatique qui ne supporte pas la contradiction. Elle transforme les désaccords qui auraient pu nourrir un dialogue en conflit. Elle ronge jusqu’au sentiment de l’identité nationale, faute duquel une société malade ne saurait retrouver la voie d’un consensus ».

    Si les conflits qui ont opposé les Français ont souvent été, au fil de leur histoire, des guerres « chaudes », ils ont souvent pris naissance, au XXe siècle, sur ce que Jean-Marie Domenach (Regarder la France, Perrin, 1997) appelle « le terrain du symbolique et de l’imaginaire ». Désormais, note-t-il, « on a affaire à des revendications quasi ontologiques mêlées à la défense d’intérêts catégoriels » : pour ou contre le Pacs, pour ou contre le « mariage homosexuel », d’un côté ; pour ou contre la retraite à soixante ans, pour ou contre la taxation à 75 % des plus hauts revenus, de l’autre. C’est peut-être cette évolution qui a incité Pierre Chaunu à conclure sa réflexion sur la France en se demandant si les discordes qui déchirent les Français « les séparent moins qu’elles ne les unissent dans ces tensions complémentaires qui sont, tout ensemble, notre difficulté d’être et notre richesse ».

    Constat optimiste auquel d’aucuns opposeront les craintes exprimées par d’actuels acteurs et observateurs de la société française, qui laissent à penser que le spectre de la guerre civile ne cesse de hanter notre pays, « ce vieux pays […] accablé d’Histoire, meurtri de guerres et de révolutions » (Charles de Gaulle).

    Alain KIMMEL http://theatrum-belli.org

    Source : Le Spectacle du Monde

    Le dossier comprend :

    • L’éternelle guerre franco-française, par Alain Kimmel
    • La spirale infernale des guerres de Religion, par Christian Brosio
    • La Fronde, entre guerre et anarchie, par François Bousquet
    • La guerre des Camisards, par Jean-Joël Brégeon
    • Vendée, de la guerre au populicide, par Claude Jacquemart
    • Le sang de la Commune, par Christian Brosio
    • La guerre de la laïcité, par Philippe Maxence
    • Les drames de l’épuration, par Régis Constant
    • L’OAS, le sursaut de désespoir, par Claude Jascquemart
    • L’amnistie nécessaire, par Christian Brosio
    • Eric Werner : « Les dirigeants gèrent l’avant-guerre-civile », propos recueillis par François Bousquet