culture et histoire - Page 1902
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La bataille de Marignan (1515)
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Retour vers Péguy
Dans ces périodes de crises politiques, économiques et morales il faut aller chercher toutes les boussoles utiles pour tenter de se frayer un nouveau chemin. Un mouvement de retour vers Charles Péguy, me semble tout indiqué. Il ne s’agit pas de le réhabiliter ou de chanter ses louanges, mais de rappeler quelques unes de ses grandes interrogations et passions, de ce poète, ce chrétien, socialiste et dreyfusard, mort pour la France d’une balle au front à la guerre de 1914.
Charles Pierre Péguy est né un 5 septembre 1873, à Orléans, quelques années après la Commune de Paris. Sa famille, modeste, lui apportera ses premières valeurs du travail, de la terre et du pays, mais aussi son inclinaison à la rêverie et à la poésie. Il sera orphelin de son père très tôt, trop tôt, élevé par sa mère et sa grand-mère, il grandira dans un univers de femme. Son éducation sera celle de l’école publique qui le conduira au baccalauréat, puis à l’école normale supérieure au lycée Lakanal à Sceaux. Un élève de caractère tel que le écrira le proviseur du lycée : « Toujours très bon écolier, mais j'en reviens à mon conseil du dernier trimestre : gardons-nous du scepticisme et de la fronde et restons simple. J'ajouterai qu'un écolier comme Péguy ne doit jamais s'oublier ni donner l'exemple de l'irrévérence envers ses maîtres. »
C’est au lycée qu’il perdra la foi enseignée par sa mère et sa grand mère. Il devient très vite un anticlérical convaincu et militant. A l’école normal c’est l’influence de son professeur Henri Bergson dont il recevra l’héritage métaphysique. Le passage d’anticlérical à socialiste, se fera très vite. De même il sera dreyfusard, écœuré par l’antisémitisme montant en France.
Février 1897, c’est la naissance de l’écrivain, il publie son premier article dans la Revue Socialiste et surtout c’est l’année où il achève son Jeanne d’Arc, pièce de théâtre et icône de sa vie avec la Cathédrale de Chartre. Péguy construit sa vision du monde en fondant intimement son aspiration à l’égalité, la liberté, un socialisme fait d’amour et de respect et sa foi chrétienne. Pierre-Henri Simon écrit dans Histoire de la littérature française au XXe siècle, Paris (Armand Colin, 1959) : « … il eut souci de tenir ensemble sa foi politique et sa foi religieuse, Péguy n'entend pas séparer son baptême et sa culture. ».
Il se marie le 28 octobre 1897 avec Charlotte-Françoise Baudoin, dont il aura quatre enfants : Marcel, Germaine, Pierre et Charles-Pierre. En 1889 il fonde, près de la Sorbonne la librairie Bellais. Celle-ci devient très vite, au cœur du quartier latin, le quartier général des dreyfusards et des socialistes.
Il échoue à l’agrégation de philosophie et tout en tournant le dos à l’Université, il collabore régulièrement à la Revue Blanche (1889- 1903), la grande revue de l’époque à laquelle collaborèrent tous les grands écrivains de ce siècle naissant. Il fonde lui-même les cahiers de la Quinzaine, revue littéraire avec l’appui de Romain Rolland, Daniel Halèvy et André Suarès…
C’est à Charles Péguy que revient l’invention des hussards noirs de la république, pour parler des instituteurs et de l’école publique en pleine essor. Il soutient Jaurès, jusqu’au moment où celui-ci, voyant la menace militaire allemande se profiler et la guerre, engage un discours pacifique militant. Non seulement il ne le suivra pas, mais il aura des mots qui seront, hélas comme une tâche, sur une œuvre à l’ensemble admirable. Il écrit cette phrase terrible le 22 juin 1913 dans le Petit Journal : « Dès la déclaration de guerre, la première chose que nous ferons sera de fusiller Jaurès, nous n'avons pas besoin d'un traître pour nous poignarder dans le dos ».
Il développe sa compréhension du monde, un monde judéo chrétien où le peuple français a été irrigué deux mille ans durant par sa terre et le christ naissant. Cette vision très nationale de la France, que reprendront Bernanos et De gaulle à leur compte, n’est pour autant pas ce qu’ils y liront. De la même manière sa passion de l’ordre et de la raison héritée de Bergson n’est pas d’ordre totalitaire, ni même autoritaire. Elle est faite aussi d’amour et d’aspiration à l’égalité et à la justice.
Péguy pense le monde et il y fuit comme une poésie qui irait sans fin vers le point de l’horizon. Il questionne l’univers, il se questionne. Son mysticisme mêlé d’éducation religieuse, se construit autour de quelques figures centrales : jeanne d’Arc, héroïne nationale qui aime passionnément la France et meurt pour elle dans les flammes, la Vierge Marie qui interroge l’âme et protège les plus faibles et les plus démunis et enfin la cathédrale de Chartre dont il délivre tous les mystères dans les cinq prières dans la cathédrale de Chartres :
Ô reine voici donc après la longue route,
Avant de repartir par ce même chemin,
Le seul asile ouvert au creux de votre main,
Et le jardin secret où l’âme s’ouvre toute.Voici le lourd pilier et la montante voûte ;
Et l’oubli pour hier, et l’oubli pour demain ;
Et l’inutilité de tout calcul humain ;
Et plus que le péché, la sagesse en déroute.Voici le lieu du monde où tout devient facile,
Le regret, le départ, même l’événement,
Et l’adieu temporaire et le détournement,
Le seul coin de la terre où tout devient docile,Et même ce vieux cœur qui faisait le rebelle ;
Et cette vieille tête et ses raisonnements ;
Et ces deux bras raidis dans les casernements ;
Et cette jeune enfant qui faisait trop la belle.Voici le lieu du monde où tout est reconnu,
Et cette vieille tête et la source des larmes ;
Et ces deux bras raidis dans le métier des armes ;
Le seul coin de la terre où tout soit contenu.Voici le lieu du monde où tout est revenu
Après tant de départs, après tant d’arrivées.
Voici le lieu du monde où tout est pauvre et nu
Après tant de hasards, après tant de corvées.Voici le lieu du monde et la seule retraite,
Et l’unique retour et le recueillement,
Et la feuille et le fruit et le défeuillement,
Et les rameaux cueillis pour cette unique fête.Voici le lieu du monde où tout rentre et se tait,
Et le silence et l’ombre et la charnelle absence,
Et le commencement d’éternelle présence,
Le seul réduit où l’âme est tout ce qu’elle était.Péguy sera éclectique dans ses choix, poète, il écrit des pièces de théâtre et des essais, politique, il s’engage pour défendre Dreysus et la Commune de Paris, mystique il redonne au christianisme des sources qu’il avait oublié. Comment aurait-il vieilli si la mort guerrière ne l’avait pas fauché à 41 ans, lui qui vieillissant se réchauffait au cœur de la nation et des traditions. Il laisse un dernier ouvrage l’Argent (1913) où il exprime son rejet de la modernité. Eu-t-il été Mélenchon fustigeant l’argent et la finance internationale, ou Marine le Pen vantant les mérites de sa terre et de ses frontières ? Heureusement Péguy est Péguy enterré au cœur de 1914 dans sa France qu’il aimait tant et pour laquelle il versât son sang.
Il ne verra pas la bataille de la Marne, tué le 5 septembre 1914 à Villeroy, en pleine action avec sa compagnie qu’il incitait à ne pas céder un seul pouce de terrain aux allemands.
Péguy est enfoui dans notre mémoire collective, un silence lourd règne sur les pourtours de sa mémoire. Les parvis de son tombeau voient passer de nombreuses silhouettes grises qui se récitent entre eux les vers délicieux, j’y suis par besoin parmi les ombres :
« Adieu, Meuse endormeuse et douce à mon enfance,
Qui demeure aux près, où tu coules tout bas.
Meuse, adieu : j’ai déjàcommencé ma partance
En des pays nouveaux où tu ne coules pas.
Voici que je m’en vais en des pays nouveaux :
Je ferai la bataille et passerai les fleuves ;
Je m’en vais m’essayer à de nouveaux travaux,
Je m’en vais commencer là-bas des tâches neuves.
Et pendant ce temps-là, Meuse ignorante et douce
Tu couleras toujours, passante accoutumée,
Dans la vallée heureuse où l’herbe vive pousse,
O Meuse inépuisable et que j’avais aimée »
par
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PRIVATISER L'ECOLE
Le titre de ce flash n'est ni un gros mot ni une galéjade et en évoquant l'école nous couvrons évidemment tout l'ensemble éducatif français, l'équivalent d'une armée soviétique d’après les connaisseurs. Il rassemble environ 15 millions d'élèves et étudiants ainsi que 1 million d'enseignants. Un objectif raisonnable pour un gouvernement soucieux du bien commun serait de privatiser ce Mammouth. A se limiter aux aspects économiques qui ne sont pas et de loin les seuls, les avantages seraient immenses. Les économistes savent que toute privatisation diminue les dépenses de moitié grâce à l’amélioration de la qualité des services rendus. Plus la fonction à privatiser est importante plus il s'impose de la faire.
Le budget de l'Education Nationale est grosso modo de 60 milliards d'euros, l'importance de l'enjeu est donc immense. Vu l'énormité du Mammouth des étapes seraient nécessaires, les bienfaits suivant chaque étape.
UN SUPPOSE MINISTRE
L’événement nouveau depuis quelques jours est que Vincent Peillon, le supposé ministre de l'Education Nationale, a mal à la tête, se prenant régulièrement les pieds dans le tapis et jetant dans la rue des quantités d'enseignants. Il n'est qu'un supposé ministre ; à lire la liste des membres du gouvernement il est accompagné et surveillé par plusieurs collègues ayant leur mot à dire. Cette pyramide incertaine reflète tout bêtement l'avidité financière des politiques et l'absurde règle de la parité ; le résultat est évidemment pour chaque mouvement les ridicules réunions interministérielles avec leurs cacophonies habituelles. Nous avons même vu dans le passé de grandissimes parlottes organisées dans la France entière pour brasser du vent sans aucun résultat.
Plus grave, il s'ajoute derrière cette façade l'ombre portée des syndicats seuls et largement maîtres de la manœuvre avec à leur tête le FSU. Plusieurs des prédécesseurs de Vincent Peillon s'étaient plaints de ce que les syndicats étaient informés avant eux des événements.
Comme tous les Mammouths qui rongent la France, l'Education Nationale s'efforce d'agrandir son territoire. Elle tente de capter la formation professionnelle des adultes et, depuis peu, la petite enfance avec pour objectif final de la faire échapper à l'influence légitime des parents.
LES CONSEQUENCES
Les résultats, indépendamment de l'effet de ruine évoqué plus haut, sont fortement négatifs. Sur le plan de la réussite scolaire et de l'apprentissage des fondamentaux, la France n'est pas dans les meilleurs. Parallèlement la qualité s’est écroulée non seulement par développement de l’illettrisme mais aussi par baisse générale de tous les niveaux. En première année d’Université, certains présumés étudiants ne savent pas vraiment lire.
Ayant véhiculé l'idée du bac pour tous, le Mammouth a déprécié l'importance du bac en laissant entrer à l'Université de faux étudiants. La fausse idéologie du « bac plus tant» joue un rôle formidablement destructeur dans tout le corps social. Pourquoi ne pas aller à un bac plus vingt pour ensuite faire valoir des droits acquis à une pré-retraite ?
Etre étudiant devient un métier. Mieux vaut gagner sa vie en faisant de fausses études que de s’escrimer à aller dans un marché du travail incertain et, en cas de succès dans la recherche du boulot, de devoir se lever tôt le matin pour aller en fait payer des impôts. La création d’une catégorie administrative spéciale de logements, le logement étudiant, que l’on veut, bien à tort, encourager est un fait. C’est d’autant plus facile que ces étudiants, certains ne sachant presque pas vraiment lire, ont retenu au moins de leurs premières études que le droit au logement ferait partie des droits de l’homme, seul horizon qui leur est proposé.
Une obligation scolaire prolongée abusivement après treize ans décourage des élèves imperméables aux études abstraites d'aller vers les enseignements professionnels où ils auraient trouver leur avenir.
Force est enfin de constater que sous l'influence de gauchistes et même sous des gouvernements de la prétendue droite, les manipulateurs du Mammouth ont diffusé des idéologies délétères comme la théorie du genre, nouvelle fausse idole du monde contemporain.
SE LIBERER DU MAMMOUTH
Quel serait le chemin pour nous libérer du Mammouth par étapes ? La privatisation pourrait commencer par le bon scolaire qui permettrait aux parents de s’adresser à l’école de leur choix ceci dans une saine concurrence. L'absence du bon scolaire est une véritable punition infligée aux parents qui choisissent l'éducation de leurs enfants et qui doivent payer deux fois. L’observation d’exemples positifs à l’étranger ferait gagner du temps dans la mise au point des détails. La population serait, à coup sûr, favorable ainsi qu’on avait pu le voir lors de la célèbre manifestation nationale pour la liberté de l’enseignement après l’arrivée au pouvoir de Mitterrand.
La mise en vente des universités serait relativement facile à faire. L'incroyable prospérité des universités américaines indépendantes avec la grande qualité de leur formation est bien connue. La vente de certains lycées célèbres pourrait suivre.
Si ce rêve ne se réalise pas le Mammouth risque de mourir à petit feu dans sa mauvaise graisse, pour le plus grand dommage des moins favorisés qui ne savent pas ou ne peuvent pas échapper à son emprise.
Michel de Poncins http://libeco.net -
Vae Victis La Dame Du Lac
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2 octobre 741 : Charles Martel
Carlus Magnus, « Charles le Grand » : ce surnom a donné Charlemagne. Pourtant, le qualificatif de «Grand» fut au moins aussi largement mérité par un autre Charles - le grand-père de Charlemagne, Charles Martel.
À l'abbaye d'Echternach, le moine chargé de noter dans un Calendrier les grands événements écrit : « Octobre 741, mort du roi Charles. » lapsus révélateur : le grand chef franc qui vient de mourir à Quierzy, dans la vallée de l'Oise, n'a jamais porté le titre de roi. Pourtant, sa dépouille est ensevelie à Saint-Denis, la nécropole des rois mérovingiens. C'est la meilleure preuve du fait que, sans porter la couronne, Charles Martel a bel et bien été un souverain, un chef du peuple.
Il connut des débuts très difficiles. Fils de Pépin d'Herstal et d'une concubine nommée Alpaide, il a reçu le nom de «Carl», nouveau dans l'anthroponymie de la Gaule et qui signifie « brave, valeureux ». Il va, tout au long de son existence, montrer qu'il mérite amplement un tel nom (les Francs avaient l'habitude de donner à leur fils des noms à consonance guerrière : ainsi Clodo-wech, qui devait donner Clovis puis Louis, signifiait « combat de gloire »). À la mort de son père qui, avec le titre de maire du palais, détenait la réalité du pouvoir, au nom du roi mérovingien, Carl prend le contrôle de l'Austrasie (partie nord-est du royaume franc, où se trouvent les grands domaines patrimoniaux du clan familial pippinide, dont est issu par son père le jeune Carl).
Carl ne veut pas se contenter de régner, comme ses aïeux, en Austrasie. Il veut aussi s'imposer en Neustrie. (la partie occidentale du royaume franc). C'est chose faite après de durs combats, qui soudent autour de lui une communauté guerrière composée de chefs de clans qui lui apportent la fidélité de combattants d'élite. Il sait s'attacher durablement ces hommes rudes en utilisant une institution, la vassalité, qui crée une solidarité entre guerriers et devait rester pendant de longs siècles un principe de base dans la société médiévale.
En échange du service armé de son vassal, le seigneur doit lui apporter une rétribution digne de lui. Dans le monde des Francs, la richesse c'est la terre. Carl distribue donc à ses hommes des terres. Mais Carl ne veut pas amoindrir son patrimoine familial. Il «emprunte» donc des terres au plus riche propriétaire foncier de l'époque, c'est-à-dire l'Église. En échange de ce procédé cavalier, il apporte à l'Église son appui, total, dans l'œuvre d'implantation qu'elle a entreprise en Frise, en Thuringe, en Bavière - toutes régions restées très rétives à l'égard de la christianisation.
Plus encore, Carl se fait le champion de la cause chrétienne face à l'Islam. Lorsqu'une armée arabo-berbère, venue d'Espagne, ravage l'Aquitaine, pillant et détruisant tout sur son passage, et vise la ville sanctuaire de Tours, Carl marche à sa rencontre et la détruit à Moussais, entre Poitiers et Tours. C'est, écrit un chroniqueur anonyme, la victoire des « gens d'Europe, des hommes du Nord » sur les envahisseurs musulmans.
C'est surtout à ce titre que devait passer à la postérité celui qui allait recevoir, dans ces textes du IXe siècle, le surnom de «Martel». C'est-à-dire celui qui frappe comme un marteau. Est-ce un hasard si, dans la mythologie germanique, le dieu de la guerre Thor, a pour arme préférée un marteau ?
P V National Hebdo du 16 au 22 octobre 1997
Pour approfondir : Pierre Riche, Dictionnaire des Francs, Bartillat, 1996. -
Méridien Zéro - Reçoit : Laurent Ozon
(Il n'est plus au Front)
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Quelques lieux communs…
Léon Bloy tout d’abord… puis Jacques Ellul à sa suite, se sont attaqués aux « lieux communs » de la société bourgeoise. Si Léon Bloy a su parfaitement cerner l’hypocrisie de son temps, Jacques Ellul quant à lui a magistralement moqué les attitudes pseudo-révolutionnaires de ces contemporains.
Je n’aurais nullement la prétention de me hisser à la hauteur de ses deux géants de la pensée, mais malgré tout, je ne peux m’empêcher de vilipender quelques lieux communs qui ont le don de me faire bouillir chaque fois que je les entends.
I
«Chacun fait ce qu’il veut ». Voila le lieu commun bourgeois par excellence. Cette sentence sert à tout justifier. Quand je dis tout, c’est tout et son contraire. Affirmation péremptoire sortie du tiroir, camouflée derrière le paravent de la lutte pour la liberté, quiconque oserait ne serait-ce que réagir à ces quelques mots serait immédiatement soupçonné d’être un odieux réactionnaire ! Et comme tout le monde le sait, être réactionnaire, c’est le mal. Léon Bloy moquait déjà un autre Lieu commun « il faut vivre avec son temps ». J’y reviendrai.
Il est toujours amusant d’entendre dans la bouche d’un lycéen que « chacun fait ce qu’il veut », puisque l’adolescent peut ici y puiser l’ultime argumentation pour avoir la possibilité de faire la fête. Car « Chacun fait ce qu’il veut » fait souvent bon ménage avec homo festivus. « Chacun fait ce qu’il veut » est l’héritier de mai 68, la formulation longue et moins paradoxale de « Il est interdit d’interdire ». « Chacun fait ce qu’il veut » est hédoniste. Il est aussi totalement immature.
Lorsque vous voyez cette dame, qui n’a rien de plus, rien de moins que la Française moyenne, les cheveux grisonnant de la retraite « bien méritée » déclamer à la télévision que « Chacun fait ce qu’il veut », c’est tout un univers qui s’écroule. Qu’un adolescent boutonneux et immature jette cela à la face de son interlocuteur comme un enfant jetterait une crotte de nez, soit, mais que cette sexagénaire y saute les pieds joints dedans, c’est le signe que la civilisation s‘écroule. Bien sûr, un calcul rapide suffira pour comprendre qu’à 20 ans, elle faisait surement partie de la génération du rouquin de Nanterre, et là, en effet, ça n’étonnera plus personne puisque contrairement à une idée reçue, la sagesse ne vient pas avec la vieillesse, sinon les maisons de retraite seraient devenues les temples de l’ère Moderne…
« Chacun fait ce qu’il veut » c’est le mariage homo autant que le grand patron qui s‘installe en Belgique ou en Suisse, puisqu’après tout, l’un est libre de se marier « avec qui il veut » et l’autre de s’installer « où il veut ». Car ce que les gens veulent, c’est avant tout leur intérêt personnel. Voila les deux faces de la médaille. La bourgeoise sociétale et la bourgeoisie d’affaire ne sont jamais très éloignées quant il s’agit de prôner ce libéralisme putride, ce libéralisme fossoyeur de toute société. Un libéralisme fossoyeur de la décence commune autant que de la civilisation.II
Un autre lieu commun me défrise particulièrement c’est celui de la « représentativité » qu’on nous lâche à tout bout de champs comme on lâche des ballons à la fête foraine.
La représentativité est encore un avatar du libéralisme. Le parlement « représente le Peuple », telle association représente les gays/handicapés/noirs/juifs/ musulmans/travailleurs/consommateurs… Mais est-ce qu’on vous a déjà demandé votre avis à vous ? Moi non.
En réalité la représentativité est la plus grosse arnaque du système libéral. Quant un politique assène que « le Parlement représente la nation », qui peut vraiment y croire ?
Allons, allons, soyons sérieux cinq minutes, un Parlement dominé majoritairement par les professions de la justice, de la médecine ou de l’enseignement ? Un Parlement où il n’y a aucun ouvrier ? Un Parlement où les partis politiques (déjà eux-mêmes fort contestables) siègent sans aucune proportion logique avec les résultats des différentes élections (elles-mêmes contestables) ? Un Parlement où les « représentants » sont parfois absents ? Où certaines lois sont débattues par vingt personnes….
La guignolade continue lorsqu’on y ajoute que le Président a été élu « par les Français ». Ben voyons… Un peu plus de 50 % des votes, sans compter l’abstention, les votes blancs ou nuls, les non-inscrits… bref le Président doit être élu par un quart de la population en âge de voter… (Limite d’âge fixée arbitrairement, elle aussi). Mais certains continuent de vous dire que c’est le « jeu démocratique », qu’il faut le respecter, que si vous vous opposez à cette représentativité vous n’êtes vraiment pas un démocrate (le mot creux par excellence avec « liberté » et « bonheur »)… pire vous pourriez même devenir un « ennemi de la démocratie », ce qui correspond à peu près à une excommunication en règle. Circulez, il n’y a rien à voir !
La démocratie a son modèle, lui aussi est sensé être « représentatif », je ne vous parle pas de l’Angleterre, génitrice du parlementarisme en même temps qu’elle générait le libéralisme, je vous parle du fils rebelle, les Etats-Unis. Le pays qu’on qualifie de « grande démocratie », c'est-à-dire un pays où quand vous votez pour un président, non pas ici directement mais via les grands électeurs, vous empochez tous les sièges de l’état où vous êtes majoritaire. Pour ceux qui auraient les yeux embrumés par la fatigue, cela signifie que si votre candidat obtient 52.5% dans un Etat comportant 40 sièges, vous ne remportez pas 21 sièges mais…40. C’est la démocratie. Et représentative en plus ! Donc ça va. En plus les Américains nous ont libérés. Et puis leur président est noir. Et puis ils ont des super séries télé et les fast-food. Voila. Ah oui, ne pas oublier. Si aux Etats-Unis on passe par les grands électeurs, c’est parce qu’on se méfie du peuple et qu’on veut éviter des formes de « populisme » plébiscitaire, comme en France, bien que je vous ai démontré que ce n’était pourtant pas le cas. Car ne pas oublier qu’une vraie démocratie se méfie du peuple, c’est parfaitement logique, ne cherchez pas.
III
« Il faut vivre avec son temps », n’est-ce pas ?
Cette phrase va souvent de paire avec « Chacun fait ce qu’il veut ». Elle est absolument indémontrable, mais ici encore, si vous vous opposez, vous êtes un réactionnaire, ennemi de la démocratie et de la liberté. Et même, tenez-vous bien, de l’égalité. Même si « notre temps » n’est pas particulièrement égalitaire. Mais bon, ça, c’est un détail de l’histoire, hein ?
Reprenons. « Il faut vivre avec son temps » signifie souvent inclure dans la loi tout ce que le lobbying et le formatage auront inculqué à grand coup de propagande dans le crâne des honnêtes gens jusqu’à faire apparaître cela comme « normal ». L’histoire démontre que quelque soit le modèle dominant au pouvoir, la société finit tôt ou tard par suivre. Les européens furent païens, puis chrétiens. Les Français furent royalistes, bonapartistes, républicains, pétainistes, gaullistes, libéraux, … Il ne faut absolument pas tenter de comprendre pourquoi. Les honnêtes gens veulent surtout éviter les problèmes, vivre paisiblement. Cette passivité des masses profite bien souvent aux minorités d’activistes, financés, médiatisés, ils donnent l’impression à la masse qu’elle est dans l’erreur. Ainsi, lorsque vous êtes étudiant, vous constatez très vite qu’une poignée de nervis de libéraux contrariés (on appelle ça des libertaires) peut tout à fait contrôler une université, en contrôler les élections et définir le Bien et le Mal. C'est-à-dire que « vivre avec son temps » c’est vivre en subissant en silence les agissements d’une poignée d’excités. Dans le domaine de la grande politique, on appelle ça des lobbies, ils sont représentatifs, si vous vous souvenez. C'est-à-dire qu’une association en carton, financée par un mécène de la grande bourgeoisie, soutenue par un acteur ou un chanteur sans talent faisant glousser les ados et dispensant sa morale à la population lors de grandes fêtes subventionnées par vos impôts, définit pour vous la loi et ce qui est de votre temps. Et vous qui n’êtes financé par personne, dont toute la bobocratie parisienne se tape, vous qui êtes la majorité silencieuse paisible, vous vous faites imposer des lois que vous réprouvez, mais dont on vous a persuadé que « la majorité des Français l’approuve » grâce à un sondage de 1060 personnes, c'est-à-dire jamais vous ni quiconque que vous connaissez.
« Il faut vivre avec son temps » procède d’une vision de l’histoire totalement contestable. Une histoire qui irait dans le sens du progrès de l’humanité mais où en fait l’Antiquité c’était quand même plus développé que le Moyen Âge, malgré tout. Bien sur tout le monde ne s’accorde pas sur ce qu’est le progrès. Pour certains c’est le fait que « chacun fait ce qu’il veut » et qu’après tout on peut avoir des aventures sexuelles « comme on veut ». Pour d’autres ce sont des voitures volantes, même si je vois toujours pas de prototype de DeLorean par chez moi. Pour d’autre encore, c’est vivre en harmonie avec tous les êtres vivants, dans la paix et l’amour. Le progrès c’est le jour où il y’aura plus de guerre, même si ça n’aura échappé à personne que la société progressiste est belliqueuse envers ceux qui refusent son « progrès ». Encore une fois ce sont toutes les faces du libéralisme bourgeois. Vous pouvez piocher, c’est gratuit ! Moi j’ai l’impression que « vivre avec son temps », c’est un peu tourner le dos à tout ce qui se faisait avant, sauf bien sur les Droits de l’Homme de 1789.
Car voyez-vous, le passé, c’est rance, ça sent la naphtaline, c’est totalement réac. Mais pas la DDHC de 1789 qui à l’instar des textes religieux est atemporelle. Son actualité ne fait aucun doute ! Que dis-je ? Elle est toujours plus d’actualité ! Prenez Bonaparte, ou plutôt Napoléon Ier, empereur des Français, ça c’est le passé, c’est un autre monde, on peut tripatouiller le code civil de 1804 comme on veut pour « l’adapter ». Mais par contre la DDHC qui lui est antérieure de 15 ans et qui fut le socle de la Première République de 1793, hé bien elle, si vous y touchez, vous êtes l’hérétique, vous mériteriez le bûcher. Mais alors c’est à n’y plus rien comprendre, si notre monde est rationnel, grâce à l’héritage des Lumières, alors pourquoi ce sentiment que la DDHC a été sacralisée et que tout atteinte relèverait du blasphème ? Etrange n’est-ce pas ? Etrange aussi de considérer que les Lumières, c’est «toujours dans l’ère du temps » alors que des penseurs du XIXe et du XXe siècles seraient devenu totalement has been.
Bref ne vous triturez plus les méninges ! Ce qui est « de notre temps » c’est ce qu’en ont décidé les libéraux. L’énigme est résolue.
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Réactions tous azimuts contre la modernité
Philippe Baillet fait parti de ces auteurs qu'il est difficile de classer ou d'étiqueter dans la mesure où cette race d'écrivain n'éprouve nullement le besoin de poser, de se « donner un genre », ou d'appartenir par principe à cette catégorie clairement identifiable d'hommes d'un seul livre, pour exister. Italianiste brillant (on lui doit des traductions de plusieurs grands penseurs transalpins dont Julius Evola, Del Noce, l'analyste et contempteur de « l'irréligion naturelle », et l'adaptation en langue française de l'ouvrage, très complexe, de Roberto Fondi, La révolution organiciste), évolien au nom de la "tradition", nourri des thèses de la Nouvelle Droite mais catholique convaincu, Baillet, qui fut l'un des cofondateurs en 1977 de la revue Totalité, fuit la médiocrité d'une manière épidermique mais s'abreuve en faisant toujours abstinence de préjugés des œuvres et des penseurs qui fourbissent leurs armes dans le grand combat civilisationnel contre la modernité qu'il exècre congénitalement. Modeste, trop modeste, il se définit comme « docteur en rien » alors que sa plume est remarquable et que ses critiques sont toujours étayées d'arguments indéniables, d'illustrations pertinentes et de précisions toujours bienvenues qui n'alourdissent jamais son texte. À ce propos on appréciera la précieuse utilité de ses notes de bas de page qui apportent systématiquement une lumière nouvelle à ses écrits ou une ouverture vers d'autres contrées, vers d'autres idées mais bien sûr toujours en rapport avec les thèmes qu'il développe. Avec son nouvel ouvrage intitulé Pour la contre-révolution blanche, Philippe Baillet explique fort bien pour qui et pour quoi il écrit, pour ceux qui naissent actuellement des décombres de la société moderne, pour les Blancs ayant pleine conscience de l'extrême précarité de leur race, pour les surhommes précoces d'aujourd'hui et surtout pour ceux de demain qui sortiront nécessairement de terre à l'issue de la guerre civilisationnelle inéluctable, comme se sont naturellement métamorphosés en fascistes les survivants virils de la Grande Guerre fratricide. Pour ce faire, il a sélectionné une quinzaine d'articles provenant pour la moitié d'entre eux du Choc du mois "original" (sa première version) où il collabora brillamment à partir du onzième numéro à la toute fin des années quatre-vingt jusqu'à la disparition de la revue, mais aussi de la Nouvelle Revue d'histoire, de Catholica ou de La Nef. La première leçon formulée par l'auteur, exprimée parfaitement par l'exemple même de son travail, est l'importance des mots et des notions utilisés par l'écrivain ou par le journaliste réactionnaire. Si l'on devine aisément qu'un tel cerveau ne peut que mépriser la phraséologie, le verbiage et les énoncés approximatifs (comme tout bon traducteur qui doit exprimer d'une façon optimum, avec fidélité, la pensée subtile d'un auteur), il a surtout compris que les mots étaient des armes et les phrases des bataillons et qu'il ne fallait en aucun cas utiliser, en les adoptant, les termes de l'adversaire. C'est ainsi qu'il rejette le vocable "révolution" dont la connotation est moderniste au profit de l'expression "contre-révolution" qui évoque sans ambiguïté un retour réfléchi aux sources de l'enchantement, de la religiosité et de l'ordre. Mais, posons-nous d'emblée la question, Baillet croit-il réellement à l'ultime victoire du bien sur le mal ou pense-t-il que ce monde est à l'agonie et que les efforts, même surhumains, d'une cohorte de blancs régénérés intellectuellement et spirituellement, ne font et ne feront en fait que retarder les morts de l'esprit et des libertés humaines pour laisser intégralement place à une masse informe vile et servile soumise constamment à l'infâme médiocrité de sa propre image ? Cela n'aurait guère d'importance si à l'image de Donoso Cortès, ce contre-révolutionnaire espagnol qui apparaît dans une certaine mesure comme le précurseur de Carl Schmitt en tant que théoricien de « la situation d'exception » ou de la dictature (qui « a pour la jurisprudence la même signification que le miracle pour la théologie ») Philippe Baillet écrivait et agissait, comme cela semble être le cas, à l'instar de Donoso, en travaillant de toutes ses forces pour le renouveau ou la sauvegarde de la civilisation malgré la certitude de sa fin inéluctable ? « On peut très bien, écrit-il ainsi, jour après jour, faire ce qui doit être fait, remplir son devoir d'état, sur un fond de désespérance à peu près totale en ce qui concerne la possibilité d'inverser le cours des choses ».
On comprend mieux, par ailleurs, pourquoi, en France en particulier, l'œuvre de Donoso et sa vision millénariste de la politique ne se diffusèrent que parcimonieusement, là où la tradition a été profondément rationalisée sinon "positivisée" par les théorèmes maurrassiens. Et nous pourrions nous demander sur ce point si la préparation de la dictature puis son organisation peuvent être correctement menées par des cerveaux ayant irrémédiablement fait le deuil d'une victoire finale, sensiblement irréversible, sur le plan mondain, et qui auraient été "vaccinés" contre tout enthousiasme né du sentiment du possible triomphe permettant souvent le dernier coup de rein paradoxalement fatidique... Les articles consacrés à Friedrich Nietzsche et surtout, selon nous, au poète et romancier Antonin Artaud (initialement paru en 1988 soit 40 ans après sa mort) ont certainement été motivés par ce même "mystère" constitué par la juxtaposition au sein d'une même cervelle d'un pessimisme concernant l'avenir de l'occident donc du monde voué à l'apocalypse et d'une volonté viscérale, instinctive, de lutter contre « l'insupportable », loin de tout dandysme jugé par l'auteur comme une posture impossible en notre temps. En effet, Artaud qui a tenté (malgré la maladie taraudeuse) de lutter contre « la putréfaction de la culture occidentale » en "littérature", au théâtre et au cinéma (Maurras écrivait dans Trois idées politiques que « le bon peuple veut des modèles, et l'on s'obstine à lui présenter des miroirs ») a été contraint pour survivre encore lors de ses dernières années pendant lesquelles la réalité lui était devenue insupportable de « devenir fou» du fait de sa faiblesse découlant peut-être d'un excès de lucidité, plutôt « que de forfaire à une certaine idée supérieure de l'honneur humain ». Ou la difficulté de rester soi dans un monde empoisonné...
Cependant l'ouvrage de Philippe Baillet ne se limite pas à ces questions psychologiques et philosophiques liées à la plus pure métaphysique, au demeurant fort intéressantes, mais décrypte également les actions néfastes des penseurs du système dont l'imbécillité seule rivalise avec leur malhonnêteté et leur méchanceté. Ceux-là accompagnés de la justice (systémique) et des media ont créé un nouveau régime que le paléo-conservateur et racialiste Samuel Todd Francis (1947- 2005) a appelé (pour la première fois dans la revue Chronicles eu 1992) anarcho-tyrannie, système sociopolitique où les vrais criminels ne sont pas réprimés en même temps que le sont les citoyens innocents, Sur le sujet, Baillet offre à ses lecteurs un article inédit (et le plus long du recueil) d'une remarquable densité dans lequel sont présentés avec force précisions les courants conservateurs américains et où sont mises en exergue les spécificités et l'essence du paléo-conservatisme qui ne peut en aucun cas être comparé avec l'idéologie des néocons dont le postulat est le mondialo-sionisme. Ici le constat des agressions commises par le système à l'encontre des Blancs et résumé par un petit texte de Robert S. Griffin (que l'ami Jim Reeves connaît bien) est d'une magnifique limpidité : Ces agressions permanentes visent à faire adopter par les Blancs « trois opinions contradictoires dans le domaine racial. Premièrement, la race n'existe pas : deuxièmement, elle existe mais n'a pas d'importance : troisièmement, elle existe et importe, et, en ce qui concerne les Blancs, leur race est quelque chose dont ils doivent se sentir coupables et qu'ils doivent expier ». Et Baillet d'ajouter avec ironie que « tous les actes racistes de l'histoire, sans exception, ont été commis par des Blancs non juifs : et ces actes, bien sûr, ne pouvaient avoir pour seule et unique cause que la malignité profonde, la méchanceté viscérale des Blancs non juifs. » Tel est le miroir sur lequel se reflète en permanence l'image dénaturée de la masse blanche qui pour se faire pardonner (et la contrition doit être, semble-t-il, éternelle) ne possède qu'un moyen: Se saigner et fondre, humiliée, jusqu'à complète disparition.
Valentin BARNAY. RIVAROL 29 OCTOBRE 2010
Philippe Baillet, Pour la contre-révolution blanche, portraits fidèles et lectures sans entraves, Editions Akribeia (45/3, route de Vourles, 69230 Saint-Genis-Laval. « vww.akribeiafr », 188 pages, 18 euros (frais d'envoi = 5 euros ; 2 livres et plus = 6,5 euros). -
Stéphane Hessel et les vertus du Bien
Que ceux qui sont pour le Bien et contre le Mal lèvent le doigt. Hormis quelques brebis noires au bêlement dissonant et particulièrement louche, vous aurez pour réponse une majorité écrasante d’assentiments très corrects. Il ne faut pas creuser plus loin pour expliquer le succès d’opinion d’un Stéphane Hessel, le triomphe commercial, en 2010, de son opuscule à trois sous « Indignez-vous ! », vendu à plus de 2 millions d'exemplaires en France, traduit dans une trentaine de langues. La France, lisant ce brûlot ampoulé, aurait dû mille fois se soulever, coiffée de ce bonnet phrygien dont le « Grand homme » s’était affublé un jour, comme une sorte de Stroumpf sans culotte. Mais rien ne se passa, sauf les éternels embouteillages du week end…
Il y avait bien eu pourtant des attroupements, en Europe ou à Nouillorque … très peu en France… Indignados d'Espagne, indigneti d'Italie, indies d'Occupy Wall. Mais on s’époumone, on s’indigne véhémentement, et le monde tourne toujours en écrabouillant les innocents... Sale Monde immonde ! Méchants riches ! …
Le vieillard très digne de 95 ans a bien eu, le cabotin, son enterrement de première classe dans la Cour d’honneur des Invalides, avec trompettes et drapeau, garde d’honneur et discours ronflants. Pourquoi, au juste ? Certes, il fut Résistant, comme d’autres, et déporté, comme d’autres. Il fut diplomate, comme certains. Et militant.
Voilà… Il fut courageux, sans doute. Mais cela suffit-il, soixante ans plus tard, à forger un prophète ?
Que reconnaissons-nous en lui ? Ecoutons le chef de l’Etat : c’était donc «un homme qui fut une conscience, un grand Français, un juste», « un homme libre : libre de ses choix, libre de ses engagements, libre de sa vie». «La liberté, c’était sa passion, son idéal», «c’est en son nom qu’il fut un Français libre». Soit, voilà qui est bien. Mais tous ces mots emphatiques, cette répétition insistante sur le terme « libre », la connotation qui s’attache au substantif « juste », la formule quelque peu publicitaire qui inclut le vocable très affecté « passion », tout cela sent un peu la rhétorique de classe d’instruction civique de collège, vague à souhait, déclamatoire, un brin pompeux. En somme, de l’huile de moteur pour République un peu poussive. Certes, c’est la loi du genre, mais on aurait aimé un peu plus de précision, plutôt que le rappel ridicule qu’ « il lança à la face des fatalistes, des résignés, des frileux son slogan "Indignez-vous !"». Et cette précision : ce fut une invitation «non à la révolte mais à la lucidité». On n’est jamais trop prudent !
Et quelle action proposer ? François Hollande a rappelé son engagement auprès de Pierre Mendès France puis de Michel Rocard, «dont il partageait la conception de la gauche ». La gauche américaine, quoi… Le Victor Hugo à la sauce hollywoodienne mis en comédie musicale (pensez-vous, il était gaillard, pour son âge ! Et comme il sautait comme un cabri, en compagnie de cet autre cabotin hargneux, Cohn-Bendit !).
Hollande n’a pas enterré un nom bien dangereux ! Etait-il, du reste, notre « président normal », the right man pour ce faire ? On en doute, et l’amitié qui le liait à l’Indigné professionnel a de quoi surprendre. On lui passera, si l’on veut, l’intervention en Libye, mais que dire de sa participation au terrorisme perpétré par les très sanguinaires djihadistes, qui mettent actuellement la Syrie à feu et à sang, sans d’ailleurs que le Vieillard sublime y ait vu autre chose que le flash des photographes ? Que dire aussi de la précarité, de la misère programmée par un libéralisme cyniquement assumé, bien qu’enfumé par des réformes sociétales dilatoires ? On aurait aimé plus de « lucidité » de la part du patriarche !
L’Ancien, on le sait maintenant, poussait l’amour de la gloriole jusqu’à mentir sur son pedigree, et il faut avouer que c’est là un bon lazzi dans cette Commedia ! Plusieurs fois, selon les mauvaises langues, il s’est vanté d’avoir « participé » « à la rédaction (…) de la charte des droits de l'homme ». Il aurait été « associé à la rédaction » de cette charte. Les médias, non démentis, se sont hâtés d’en faire un « co-rédacteur ». Le gros mensonge ! Certes, en 2008, il a avoué à mi-mot la semi-supercherie. Mais en 2010, lors de la publication de « Indignez-vous », il a repris à son compte cette usurpation flatteuse.
Mais que celui qui n’a jamais péché lui jette la première pierre ! A 95 ans, il est normal d’anticiper sur les délices du paradis, même si c’est contre la vérité ! Et puis l’ivresse des plateaux, des micros, des grelots de la renommée… Il faut bien que vieillesse passe !
Il y a eu bien sûr les jérémiades acrimonieuses du venimeux Prasquier, président du Crif, qui a accusé le héros d’être antisémite, un peu comme on avait osé le reprocher au Juif Edgar Morin. Pour mériter l’apothéose, il faut, pour le lobby sioniste érigé en tribunal, se mettre au garde-à-vous devant l’Etat d’Israël, et se taire, comme le font la plupart des intellectuels français et des médias, complices ou terrorisés, devant les crimes de Tsahal. On peut alors bien reconnaître à Stéphane Hessel un certain courage, qui lui interdira sans doute le Panthéon. Pensez-vous, un antisémite à côté des plus grandes gloires de la France (à l’exception des autres…).
Mais bon, les méfaits d’Israël sont tellement gros que, si l’on bénéficie d’un brin d’honnêteté, on ne peut qu’en dire du mal. Pas de quoi casser la patte à un canard. Le Crif aurait mieux fait de se taire, car voilà une publicité supplémentaire dont les criminels de guerre israéliens se seraient bien passés.
C’est du reste la faute inexpiable que les organes de propagande sionistes, dont l’éventail est considérable, condamnaient avec virulence chez Hugo Chàvez. Le hasard a voulu en effet que L’Indigné et l’Homme d’Etat mourussent à peu près au même moment. Les deux aimaient les mots. Mais le second prenait les risques que l’autre avait abandonnés depuis belle lurette. Et il se coltinait avec de la chair et de l’âme humaines, non avec le souffle éthéré des mots (bien que le mot, bien sûr, puisse être une arme), mais avec de l’action.
A propos d’arme, le mot hessellien fait penser à une carabines à air comprimé, qui ne fait pas bien mal.
Seulement, la vie, le combat politique, ce n’est pas seulement la lutte entre le Bien et le Mal, comme voudrait nous le faire croire cet autre phénomène de foire qu’est BHL. Bien sûr, d’une certaine façon, les intellectuels de cour, qui hésitent entre rôle de bouffon ou de clown triste, ont toujours quelque part un peu de sang sur les mains. BHL, lui, en est imprégné, du sang des innocents. Une éponge. Stéphane Hessel, pour sa part, c’est un peu le Capitan de la Commedia dell Arte, un antique soldat, qui eut son heure de prestige, mais dont l’épée flageole, et le nez hume un peu trop au vent les vapeurs du songe.
Qui seront donc les « indignés » de demain ? Ces bobos phraseurs qui se la jouent dans la rue en ne voilant le sein qu’ils ne veulent pas voir ? Foin de cette réalité scandaleuse de la vie telle qu’elle est ! Il faut se salir les mains, parfois, dirait Sartre. Eh oui ! Les Grillini, qui veulent refuser la nationalité italienne aux fils d’immigrés nés sur la botte, tout « indignés » qu’ils sont, auraient-ils reçu la bénédiction du pape de l’ « Indignation » ? On peut en douter. Seront-ce les ouvriers licenciés qui vont « tout casser » pour protester, et peut-être interdire aux travailleurs immigrés de briser leur grève, comme on l’a vu à Peugeot Citroën ? Des « indignés » peu recommandables, loin des romans à l'eau de rose...Claude Bourrinet http://www.voxnr.com
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Vae Victis - Être Ou Ne Pas Disparaitre