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culture et histoire - Page 1902

  • HEIDEGGER ET LE NAZISME (SUITE SANS FIN)

    Sur cette question souvent abordée ces derniers temps, chaque commentateur y met sa vision du monde et de la philosophie, toute interprétation étant infinie. Soit on démontre que le philosophe était un nazi pour le discréditer avec toutes les variantes possibles, sa philosophie l'étant en partie ou non. Soit on affirme qu'il ne l'a pas été (ou que cela a été une erreur très passagère sans conséquence). Pour l'instant, il semble que cet engagement a été bien plus fort qu'on a bien voulu le dire. Cette affaire procure à certains une joie maligne de pouvoir ainsi juger négativement le grand philosophe et de se trouver ainsi mieux que lui. L'attitude parfois ambiguë d'Heidegger par la suite a surtout été celle d'un homme qui a cherché à assurer sa survie philosophique et même économique après la guerre.
    Nous allons donc poser la question :
    Y-a-t-il des points communs entre la pensée de Heidegger et un courant de la pensée allemande antidémocratique, anti-judéochrétien, anti-rationaliste que l'on retrouve aussi chez Nietzsche, interlocuteur posthume du grand philosophe d'origine catholique, ces thèmes pouvant se retrouver dans le nazisme ?
    Heidegger était profondément Allemand. Cette évidence a de l'importance. Il a très peu quitté son pays et a eu comme lieu de réflexion la Forêt Noire, au sud de ce pays qui est la vraie et belle Allemagne qu'imaginent par exemple les Français. Il fut imprégné de ces thèmes récurrents à la culture allemande : la dureté et la pureté. L'être authentique dans toute sa dureté d'acier et sa pureté de cristal pouvait-il avoir une âme de démocrate ? La démocratie ne peut que fabriquer des individus tièdes, soumis, atomisés par le consensuel. On comprend tout par lassitude. Société démocratique qui met en avant des individus à la morpho-psychologie insignifiante, société qui refuse le conflit, l'affrontement, alors que « l'homme libre est guerrier ». On ne peut plus nier ou affirmer. Règne de la médiocrité, des médiocres, de l'insignifiant, du «modeste» qui rassure, triomphe des mots pompeux et creux, de la «tolérance», puisqu'il n'y a plus rien à refuser ou affirmer. Société où n'existent, comme l'écrivait le poète italien Marinetti, ni tragique ni émotion et qui évolue inexorablement vers le vide spirituel. Pour ce courant de pensée, le démocrate est fondamentalement inauthentique puisqu'il est le produit de l'opinion commune, du «on». Chez Heidegger on trouve aussi une apologie de l'origine avec, entre autres, celle des Allemands qui ont gardé leur langue originelle qui est devenue un bel instrument chez ce peuple de penseurs, poètes et musiciens.
    Pour le philosophe de Freibourg, la philosophie parle allemand comme elle a parlé grec.
    On trouve aussi l'éloge de l'enracinement, du sol natal, sol de l'enfance, des ancêtres. L'être enraciné s'oppose à l'errance, critique donc de la modernité, de l'américanisme opposé à l'esprit germano-européen. Philosophe de l'Etre, il avait sans doute ressenti plus qu'un autre la néantisation de l'Occident et la menace du nihilisme qui pesait sur celui-ci La pensée de gauche voit dans l'appartenance à un sol, un pays ou une nation le produit du hasard, ce qui est dépréciatif.. Dans la pensée heideggérienne, les notions de facticité, d'être jeté, d'être au monde donnent à cette appartenance une signification des plus profondes. Heidegger appartient au courant anti-rationaliste qui est aussi un prolongement de la phénoménologie husserlienne où toutes les certitudes scientistes, la mathématisation du monde, l'idée de raison, le réalisme naïf ont été mis à bas. On peut d'ailleurs noter que Husserl a été très étudié par les catholiques et même les ecclésiastiques. Car c'était sans doute la première fois qu'un courant de pensée majeur et puissant, non religieux, (la phénoménologie) remettait la science, vieille et grande rivale de l'Eglise et de la religion à sa place. La science a cru et croit encore être la vérité ou le réel alors qu'elle n'est qu'une construction axiomatique de l'esprit qui se surajoute au monde perçu qui est premier et dans lequel baignent tous les individus depuis leur naissance. La science même si elle nie, a comme fondements ultimes des postulats métaphysiques. Puisque n'existent que le subjectif et l'affectif, les mythes et la poésie ont droit de cité à la constitution de toute vérité au même titre que les modes de connaissance qui ont cru pendant longtemps depuis Descartes à l'objectivité de leurs méthodes.
    La question dans la question est : Heidegger était-il raciste ? Certains n'ont pas hésité à la poser avec toute la dose de culpabilité que ce qualificatif peut engendrer de nos jours. Le philosophe avait connu une amourette avec une étudiante juive Hannah Arendt dont la jeunesse, le beau visage à l'époque et la maturité philosophique avaient attiré l'homme de trente cinq ans qu'était à ce moment là Heidegger. Mais ceci en général ne prouve pas grand chose. Plus fondamentalement Heidegger croyait au destin exceptionnel du peuple allemand et à i sa mission spirituelle pour combattre la décadence. Il fallait protéger «racialement» ce peuple allemand et ses points de vue rejoignaient parfois ceux d'Eugen Fischer, hygiéniste de la race qui, entre autres, était très inquiet de l'africanisation de la France dans les années trente, due à ses colonies. Que dirait-il de nos jours ? Heidegger ne croyait sans doute pas au racisme biologique puisqu'il avait lui-même déconstruit l'idée de science de façon encore plus radicale que Husserl, mais pour lui c'était le « peuple qui devait décider » de sa santé et de sa préservation.
    par Patrice GROS-SUAUDEAU  nov . déc 2002

  • 988 : L'oeuvre capétienne en péril

    Cantonné à son duché de Basse-Lorraine, le frère du roi Lothaire, Charles, laissait planer la menace d'un retour des Carolingiens. Face à son cousin, qui s'empara de Laon, Hugues Capet se montra aussi patient qu'obstiné, jusqu'à son entrée solennelle dans la ville libérée.
    Cette année-là - la deuxième de son règne – Hugues Capet, quarante-huit ans, qui venait de faire sacrer par Adalbéron son fils aîné Robert, seize ans, semblait avoir bien établi sa lignée sur le trône de France. C'était sans compter avec le dernier des princes carolingiens, le peu recommandable Charles, duc de Basse-Lorraine, frère cadet du feu roi Lothaire, mort en 986, donc oncle de feu Louis V, mort en 987.
    Trahisons
    Rappelons que, comme son frère Lothaire, Charles était cousin germain d'Hugues Capet, leur oncle commun ayant été feu Otton 1er le Grand, empereur romain germanique, mort en 973, dont le fils, Otton II, était mort à son tour en 983, laissant un fils de trois ans qui, en cette année 988, atteignait tout juste ses huit ans. L'empire était donc tenu à bout de bras par les veuves des deux Otton, respectivement Adélaïde de Bourgogne et la régente, la Byzantine Théophano – deux femmes de tête qui avaient laissé élire Hugues Capet pour se débarrasser des Carolingiens, mais sans enthousiasme.
    Alors Charles crut son heure arrivée. Il avait déjà trahi le roi son frère en 978 quand, celui-ci ayant provoqué par son expédition ridicule contre Aix-la-Chapelle la fureur de l'empereur Otton II, fut à deux doigts de perdre sa couronne. Charles, alors, avait tenté de se faire proclamer roi de France. Exilé, il devait depuis lors se contenter de son petit duché de Basse-Lorraine dont il avait été investi par le même Otton II (ce qui lui avait valu d'être exclu de l'élection de Senlis en 987...). Il s'y sentait d'autant plus mal à l'aise que son voisin le duc de Haute-Lorraine était alors Thierry, fils de Béatrice, soeur d'Hugues Capet ! Pour compliquer encore les choses, étaient apparentés à Thierry l'archevêque de Reims Adalbéron et toute une quirielle de prélats eux-mêmes prénommés Adalbéron...
    À force de se plaindre de son sort, Charles avait réussi à se constituer une petite clientèle. Voici qu'en mai 988, grâce au fourbe et hargneux clerc Arnoul - un fils de la main gauche du roi Lothaire – qui fit semblant de se faire voler les clefs de la ville, Charles s'empara de Laon - la cité carolingienne par excellence -, annonça la réduction des impôts, chassa l'évêque du lieu, Adalbéron dit Ascelin, et emprisonna la veuve de Lothaire, la reine Emma (fille d'un premier mariage de la vieille impératrice Adélaïde avec Lothaire II d'Italie). Protestation des deux impératrices, et, bien sûr d'Hugues Capet qui convoqua un synode pour faire excommunier Charles et le bâtard Arnoul, puis assiégea Laon avec 15 000 hommes qui, même armés d'un bélier géant, ne purent enfoncer la porte principale.
    Coup de théâtre au début de 889. Après la mort du grand Adalbéron (de Reims), le 23 janvier, voici qu'Hugues Capet, écartant le vertueux serviteur du défunt, Gerbert, fit désigner pour la succession épiscopale rémoise contre toute attente ...le clerc félon, Arnoul ! Habileté diplomatique ? Peut-être, mais qui ne porta pas chance à Hugues, car Arnoul s'empressa dès le mois d'août d'ouvrir Reims, la ville des sacres, à Charles, qui déjà se disait roi de France !
    Donner du temps au temps...
    Situation extrêmement périlleuse pour Hugues Capet. Les impératrices laissaient faire. Laon était imprenable. Par deux fois, il fallut battre en retraite. Mais le Capétien était aussi patient qu'obstiné. Il avait grandement raison de donner du temps au temps... Gerbert, un instant engagé du côté de Charles et d'Arnoul, fut le premier à revenir dans le camp capétien. Puis l'on vit resurgir Adalbéron dit Ascelin, que Charles avait chassé de Laon. Celui-ci, encore un fourbe sans pareil, joua la comédie du ralliement, écrivant humblement à Arnoul qu'il se rallierait à Charles s'il lui rendait son évêché de Laon. Charles se laissa apitoyer et lui prépara le dimanche des Rameaux un fastueux souper d'accueil dans la tour de Laon. À la suite de quoi, tandis que Charles et Arnoul dormaient comme des bienheureux, Ascelin introduisit ses complices qui se saisirent des dormeurs et les enfermèrent à double tour.
    Aussitôt Ascelin courut à Senlis annoncer à Hugues Capet la délivrance de Laon. Le roi fit dans la ville une entrée solennelle et obtint sans difficulté le serment de fidélité des autorités. Au même moment, Charles, son épouse, et trois de leurs enfants étaient emmenés à Orléans pour y finir leurs jours en prison. Charles allait y mourir en 995 ; un de ses fils, resté libre, allait mourir jeune sans progéniture. Ainsi finit sans descendance mâle la dynastie des Carolingiens.
    Enfin Hugues Capet allait pouvoir s'occuper d'une chose sérieuse : commencer à faire la France...
    MICHEL FROMENTOUX  L’ACTION FRANÇAISE 2000  du 7 au 20 mai 2009

  • Maurras, inlassable avocat des langues régionales

    De ses tout premiers engagements de jeunesse, Maurras a-t-il conservé l’idée que décentralisation et défense des langues régionales vont de pair ? C’est une hypothèse naturelle, tant la chose allait de soi dans la Déclaration des jeunes félibres fédéralistes de 1892. Mais ce n’est qu’une hypothèse, qu’il faudrait étayer par des études sérieuses qui, à notre connaissance, n’existent pas.

    Lorsque Maurras construit son corpus doctrinal sur la République centralisatrice, les problématiques linguistiques n’y figurent pas en première ligne, ne serait-ce que parce tous les territoires ne sont pas concernés, ou pas également concernés. On pourrait dès lors formuler l’hypothèse inverse : le combat de Maurras pour la décentralisation, qui a donné lieu à un nombre considérable d’écrits, et son combat pour la langue et la culture provençales, accessoirement pour le breton ou l’alsacien, ont été menés quasi indépendamment l’un de l’autre, avec des rencontres qui ne sont que fortuites.

    Pourquoi se poser cette question ? Simplement parce que l’ouvrage de synthèse que Maurras consacre aux langues régionales et à leur enseignement, Jarres de Biot, date de 1951, soit un an avant sa mort, alors que son équivalent L’Idée de la décentralisation a été composé en 1898.

    Un élément de réponse se trouve peut-être dans l’observation du comportement du pays légal. Tout député, même le plus pénétré d’idéologie jacobine, sera un jour en butte au pouvoir d’un préfet et en tirera la conclusion que, s’il avait été libre de ses mouvements et de ses décisions, les choses seraient allé mieux et plus vite. Il y a donc chez chaque élu un décentralisateur qui sommeille et, lorsqu’il est dans l’opposition, il trouvera aisément matière à faire une proposition en ce sens. Dans L’Idée de la décentralisation, Maurras dresse l’impressionnante liste de ces joutes parlementaires, analysées avec minutie, et nul doute qu’il a continué à les suivre avec attention tout le restant à vivre de la IIIe République. Le scénario en a toujours été le même ; le parti au pouvoir enterre le projet, quelle que soit sa couleur, et c’est l’un des siens qui en représentera un autre semblable lorsque le gouvernement sera renversé, ce qui était fréquent à l’époque.

    Les propositions en faveur des langues régionales, également récurrentes et également toujours retoquées, n’obéissaient pas à la même logique. Elles n’étaient présentées que par des élus des régions concernées, Bretons, Basques, Catalans… qui pouvaient également être décentralisateurs, mais qui souvent ne l’étaient pas. Maurras eut d’ailleurs très tôt affaire à certains dirigeants du Félibrige qui étaient de farouches jacobins. Ceci l’a sans doute amené à faire la part des choses.

    Jarres de Biot, que nous publions aujourd’hui et qui n’a été tiré à l’époque qu’en édition de luxe à 500 exemplaires, est sans doute, avec Le Mont de Saturne qui est d’un tout autre genre, le plus achevé, le plus documenté, le mieux argumenté des textes écrits par le Maurras d’après guerre.

    Sa publication fait suite à des polémiques qui se sont déroulées en 1950 pendant la discussion de la première loi républicaine sur l’enseignement des langues régionales, dite « loi Deixonne ». L’un des principaux adversaires de cette mesure fut l’académicien Georges Duhamel qui sonna le tocsin dans plusieurs articles du Figaro. Jarres de Biot est en fait la réponse de Maurras aux articles de Georges Duhamel ; il n’évoque pas la loi Deixonne en tant que telle.

    Il n’est pas inutile de resituer ces événements dans leur contexte. Tout a commencé par l’initiative de deux députés communistes bretons, Pierre Hervé et l’aïeul Marcel Cachin. Ceux-ci exhument une proposition de loi déposée avant guerre par un député démocrate-chrétien nommé Trémintin, laquelle concernait l’enseignement de la langue bretonne à l’école primaire. Ils la rajeunissent quelque peu et la déposent, le 16 mai 1947. Mais juste avant, le 5 mai, le gouvernement Ramadier se sépare des ministres communistes ; c’est le début de la guerre froide en France. La bataille pour la langue bretonne commence donc dans un climat d’affrontement violent qui lui confère un enjeu inattendu ; rapidement, le MRP s’y associe, ce qui met les socialistes en minorité. Ceux-ci tiennent certes le gouvernement, mais sur ce point précis ils doivent composer et finissent par nommer un de leurs, Maurice Deixonne, rapporteur du projet de loi, avec mission occulte de le saboter autant que possible.

    Deixonne est un gros bosseur, qui de son propre aveu ne connaît rien au sujet, et qui de plus a sans doute quelques fréquentations ultra-pacifistes d’avant guerre à se faire pardonner, la plupart de ses amis d’alors ayant fini dans la collaboration. C’est un orphelin qui s’est fait lui-même à coup de brillantes études ; mais dès la fin des années 1920 il interrompt sa carrière universitaire pour s’engager au parti socialiste. Sa puissance de travail impressionne ; d’ailleurs sa la loi sur les langues régionales, qui porte son nom, ne figure même pas dans sa biographie de l’Assemblée, tant il y a fait d’autres choses depuis jugées plus importantes…

    Il s’attelle à la tâche et finalement, contre toute attente, réussit à finaliser un texte consensuel qui sera adopté par l’Assemblée le 30 décembre 1949.

    Entre temps il sera parvenu à faire la jonction avec les députés catalans, puis à intégrer le basque et l’occitan, terme préféré après de longues escarmouches à ceux de provençal ou de langue d’oc. Il aura ainsi pratiquement reconstitué le contenu de la circulaire Carcopino de décembre 1941, qui par la force des choses ne concernait ni le flamand, ni l’alsacien, ni le lorrain, et qui a été abolie à la Libération.

    Il reste alors, ainsi fonctionnait la quatrième République, à faire adopter le texte par le Conseil des ministres. Cela durera toute l’année 1950, jusqu’à promulgation de la loi le 11 janvier 1951. Cette année 1950 verra la polémique gagner la presse, l’Académie Française et tout le monde enseignant, avec d’un côté une alliance de fait entre communistes et MRP, auxquels on peut joindre l’Action française, et de l’autre les jacobins de tout bord, dénonçant les risques épouvantables qu’une heure facultative de langue bretonne à l’école fera immanquablement courir à l’unité française.

    Le texte final de la loi est plus que modeste. Les mots « facultatif », « dans la mesure du possible », reviennent sans cesse. Le ton à l’égard des langues concernées est volontiers condescendant : il est question de « richesse du folklore et des arts populaires » ; rien de bien subversif, et cependant cela a conduit Georges Duhamel à pousser des cris d’orfraie au long de cinq éditoriaux d’avril et de mai 1950. Avec au moins une conséquence heureuse,celle d’avoir incité Maurras à écrire ce qu’il avait sur le cœur, sans doute depuis cinquante ans et plus.

    Il y a eu deux éditions de Jarres de Biot, comportant en plus du texte lui-même des illustrations et des poèmes. Nous avons noté les variantes entre les deux éditions, et reproduit l’ensemble des illustrations. Nous publierons en revanche les poèmes à part, dans un autre cadre, car ils n’ont aucun rapport avec la loi Deixonne ni avec Georges Duhamel.

    http://maurras.net

  • Méridien Zéro - Diabolisation, nouvelle inquisition, pensée unique

  • “Stendhal rebelle et fidèle” (2ème partie) par Dominique Venner

     Je poursuis mes réflexions malséantes sur Stendhal, commencées le 26 février. Le prétexte était le 230ème anniversaire de la naissance de l’écrivain. J’avais commencé d’expliquer mon attrait métapolitique pour l’auteur du Rouge et le noir. Je poursuis.

    En maints passages La Chartreuse de Parme, est le plus politique des trois grands romans de Stendhal, l’histoire aventureuse ne dissimule qu’à grand peine le brûlot révolutionnaire. Mais le lecteur d’aujourd’hui n’y prête plus attention, puisque l’ancien contenu a perdu son pouvoir subversif. Dès les premières lignes, le ton est pourtant donné. Elles décrivent sans précaution et avec un enthousiasme batailleur l’entrée des troupes de Bonaparte à Milan, le 15 mai 1796. L’imaginaire duché de Parme, qui sert de cadre au roman, est un condensé de corruption et de bigoterie, dans lequel un lecteur français averti d’aujourd’hui peut reconnaître l’anticipation de ce qu’il a sous les yeux.
    Publié en 1839, alors que le courant bonapartiste et libéral avait conquis droit de cité, ce roman passa inaperçu. Quelques années plus tôt, Stendhal s’était inquiété des risques éventuels. Ainsi, avait-il jugé prudent de différer la publication de Lucien Leuwen, roman resté inachevé, dont le héros, un jeune officier bonapartiste, ressemble comme un frère à un jeune spectateur idéaliste du film Der Untergang (La Chute, 2004). Sous-lieutenant de lanciers, réduit à ne sabrer que des bouteilles dans une petite ville de province mal pavée, Lucien Leuwen crie son amertume : “Quelle gloire! Mon âme sera bien attrapée lorsque je serai présenté à Napoléon dans l’autre monde. Sans doute me dira-t-il, vous mouriez de faim pour faire ce métier-là? – Non, général, je croyais vous imiter“…

    Même tonalité dans Le Rouge et le Noir publié en 1830. Né dans un milieu pauvre, engagé vers 1820 comme précepteur des enfants du riche et peu sympathique M. de Rênal, Julien Sorel est contraint de dissimuler son admiration pour l’Empereur déchu s’il veut conserver sa place. Venu trop tard pour “être tué ou général à trente ans“, ne pouvant construire son existence par le rouge de la gloire militaire, il ne lui reste d’autre voie que le noir de la carrière ecclésiastique; la prudence cauteleuse au lieu de la fougue guerrière. A l’horizon, une mitre d’évêque s’il a su plaire et se courber, ou la morne perspective d’une cure de campagne… Stendhal a résumé le sentiment de cette déchéance dans sa correspondance privée : « Comment voulez-vous que deux cent mille Julien Sorel qui peuplent la France et qui ont l’exemple de l’avancement du tambour duc de Bellune, du sous-officier Augereau, de tous les clercs de procureur devenus sénateurs et comtes de l’Empire », ne nourrissent pas des rêves de révolte?

    La nostalgie de l’épopée est soulignée par la présence de quelques demi-solde qui entrent en scène à l’occasion d’affaires d’honneur, par exemple comme témoins dans les duels. De même, l’avocat de Julien Sorel est-il un ancien capitaine de l’armée d’Italie.

    Dans le frémissement des romans de Stendhal, le lecteur attentif découvre sans peine la philosophie morale de l’écrivain sous l’enveloppe de ses héros. Primitivement, chacun d’eux recherche l’aventure, le succès, la gloire et un amour romanesque, mais certainement pas le bonheur. Au final, il choisissent le parti de la hauteur quel que soit le prix. Pendant un temps, ils se laissent convaincre de pactiser avec l’époque par d’habiles mentors, cyniques et parfois même sympathiques (M. de La Mole, le comte Mosca, la Sanseverina, le banquier Leuwen), qui s’efforcent de leur apprendre les règles du jeu social. « Crois ou ne crois pas ce qu’on t’enseignera, explique à Fabrice la Sanseverina, qui s’est mise en tête d’en faire un évêque, mais ne fais jamais aucune objection. Figure-toi qu’on t’enseigne les règles du jeu du whist; est-ce que tu ferais des objections aux règles du jeu du whist ? » Que leur demande-t-on? Seulement d’oublier de penser afin de respecter les tabous de l’époque. La réussite, la fortune, les honneurs sont à ce prix. Ils semblent s’y résoudre. Puis vient un sursaut inattendu de fierté, manifestation de leur goût du geste inutile et de la position sacrifiée. Stendhal fait dire à la jeune et amoureuse Mathilde de La Mole, modèle de dignité et d’énergie : « Je ne vois que la condamnation à mort qui distingue un homme. C’est la seule chose qui ne s’achète pas ». Dans le défi, le héros stendhalien retrouve sa véritable nature.

    A l’issue d’un procès où ses éclats l’ont voué à l’échafaud, Julien Sorel refuse de faire appel de sa condamnation. Mieux vaut mourir que déchoir. De façon imprévisible, Lucien Leuwen assume la faillite de son père et vend tous ses biens pour rembourser les créanciers de sa famille. Fabrice, lui, choisit de revenir volontairement en prison. Chacun à sa façon refuse de transiger alors que tous les autres le font autour d’eux. Ce sont des purs dans une époque de canailles.

    Dominique Venner http://fr.novopress.info

    Source : le site internet de Dominique Venner.

  • “Stendhal rebelle et fidèle” (1ère partie) par Dominique Venner

    J’ai laissé passer l’anniversaire de la naissance de Stendhal (Henri Beyle), voici 230 ans, le 23 janvier 1783 à Grenoble. Mais je vais me rattraper, ayant éprouvé depuis très longtemps une vive dilection pour l’auteur du Rouge et le noir, et pour des raisons qui sont métapolitiques autant que littéraires.

    J’ai mis longtemps à comprendre pourquoi j’avais toujours tant aimé Lucien Leuwen, Julien Sorel et Fabrice Del Dongo. Pourquoi, parmi tous les romans de Faulkner, j’avais élu L’Invaincu, au point d’y revenir au moins une fois l’an. Et pourquoi j’avais lu et relu avec le même enthousiasme Les récits de la demi-brigade de Giono. Oui, pourquoi ces lectures si différentes éveillaient-elles la même jubilation euphorique ? Qu’avaient donc en commun leurs héros ? La révélation me fut apportée un jour que je lisais un peu plus attentivement et sans doute avec l’œil de l’historien les premières pages de La Chartreuse de Parme, l’entrée de Bonaparte à Milan.On ne pouvait s’y tromper. Derrière ce roman d’amour, de cape et d’épée, Stendhal avait laissé parler un cœur très engagé. A leur façon et au nom de causes très différentes, chacun des personnages des romans que je viens d’évoquer montre autant d’attrait pour les causes perdues que de mépris pour des vainqueurs installés et satisfaits.

    Un esprit français est sensible plus qu’aucun autre sans doute à de telles connivences. Nous avons cumulé tant de guerres civiles et de proscriptions, avant et après 1789, que nous sommes quelque peu vaccinés contre le respect sans discussion des institutionnels. Le mépris qu’inspirent des vainqueurs peu estimables, éveille par contraste de l’attrait pour les vaincus et le courage malheureux. Il en fut ainsi pour les Sudistes après la guerre de Sécession et pas seulement sous la plume de Margaret Mitchell. Sur la scène russe d’après 1917, les Blancs ont plus de charme que leurs adversaires victorieux de la guerre civile. Certains vaincus de la Libération ont joui de cette faveur dans l’imaginaire des “Hussards”, peloton caracolant d’étincelants et jeunes écrivains de la génération suivante. Ceux-là ne se sont jamais vraiment expliqués sur leur penchant pour Stendhal. Pourtant, chez celui-ci, on trouve le même mélange excitant d’insolence, d’incivisme et de bonheur.

    Malgré une carrière militaire qui excéda peu une grosse année, l’ancien sous-lieutenant de dragons de l’armée d’Italie resta jusqu’à sa mort habité par une invincible nostalgie de l’aventure napoléonienne. Un athéisme précoce contribua à son aversion pour le conformisme et la bigoterie de la Restauration.

    « Il se piquait de libéralisme, disait son ami Mérimée, et était au fond un aristocrate achevé. » Lui-même n’en disconvenait pas : « Je me soumets à mon penchant aristocratique après avoir déclamé dix ans de bonne foi contre toute aristocratie. » Stendhal jouait sur les mots. Son « penchant aristocratique » n’est pas un effet de l’âge. C’est une disposition native qui lui a toujours fait chérir les comportements chevaleresques et les mœurs raffinées, plus que cette caricature d’aristocratie qu’était la bonne société de 1820 ou de 1830, mélange de nouveaux riches prétentieux, de ci-devant campés sur leur vindicte, et de dévots enrôlés dans cette police de la pensée qu’était la « Congrégation ».

    Le climat moral de l’époque stendhalienne est peu différent du nôtre. Seulement, le glissement sémantique, dû à l’écoulement du temps, brouille les perspectives. Il suffit de les éclairer pour que tout se mette en place. Comme jadis dans le monde soviétique finissant, les ancienne idées révolutionnaires se sont muées en opinions conservatrices. Le qualificatif “républicain” qui définissait un dangereux conspirateur vers 1830, désigne cent cinquante ans après un bourgeois rangé. Mais sous les étiquettes changeantes, les hommes, eux, ne changent pas. Comme l’expliquait le banquier Leuwen à son fils, pour réussir en politique et dans le monde, il faut être “un coquin”. Toutes les époques ont eu leurs bien pensants et leurs conformistes prêts à expédier au bûcher les insolents et les réfractaires un peu trop remuants et nuisibles aux coquins. Pour décrypter ce qu’il y a de permanent dans les romans de Stendhal, il suffit de remplacer le qualificatif “libéral” par l’un des sobriquets réservés plus tard aux indociles, et alors tout s’éclaire. En leur temps, puisqu’ils étaient des insoumis, Julien Sorel, Lucien Leuwen et Fabrice del Dongo étaient nécessairement des “jacobins”. Aujourd’hui, on les désignerait sous je ne sais quelle appellation malséante dont les gazettes abondent.

    Dominique Venner http://fr.novopress.info

    source :

    http://www.dominiquevenner.fr/

  • Colonisation culturelle des Français de souche : droite et gauche main dans la main

    Une pétition en ligne vient de voir le jour sur internet pour interdire l’apprentissage du coran dans les écoles françaises. L’instigatrice, Chantal Rageot, explique ce qui a motivé sa démarche : « Je viens d’apprendre que mon petit fils de 10 ans, en école primaire, est obligé d’apprendre le coran et qu’il sera noté sur ce en fin d’année scolaire« .

    Que les chantres de la laïcité au gouvernement introduisent l’enseignement obligatoire du coran dans l’école de la République française, voilà qui est curieux…C’est toujours cette assimilation à l’envers que veulent promouvoir nos dirigeants : ce n’est plus l’étranger qui doit adopter les codes culturels de son pays d’accueil, mais l’autochtone qui se doit d’apprendre ou d’adopter les usages de celui qu’il accueille. En bref, l’assimilation à l’envers est une forme de colonisation culturelle dans laquelle l’indigène doit apprendre la langue de ses colonisateurs. N’est-ce pas Jean-François Copé qui avait fait lui-même cette suggestion, en appelant de ses voeux l’apprentissage de la langue arabe en cours ? :


    Jean François Copé et l'apprentissage de la... par zaxx

    http://www.contre-info.com/

  • La gauche contre les valeurs

    La gauche institutionnelle, aujourd'hui solidement installée à la tête de l'État, semble déterminée à bouleverser patiemment tous nos repères ancestraux au nom d'une conception de la modernité toute acquise aux dogmes du matérialisme ambiant.
    Avec une constance idéologique qui n'a d'égal que son aptitude à dissimuler ses intentions véritables, la gauche a décidé d'anéantir les fondements séculaires qui structurent en profondeur la société française. Au fil de réformes "sociétales" habilement programmées, une puissante offensive souterraine est à l'œuvre : celle-ci demeure dès lors bien peu perceptible par une opinion publique largement anesthésiée par la propagande libertaire du système politico-médiatique en place.
    Un projet subversif
    Les signes récents qui se multiplient ici ou là nous persuadent en tous les cas de la détermination des activistes de la gauche institutionnelle, aujourd'hui solidement installée à la tête de l'État, à bouleverser patiemment tous nos repères ancestraux au nom d'une conception dévoyée de la modernité, en réalité toute acquise aux dogmes permissifs du matérialisme ambiant. Au cœur de ce projet politique subversif, un objectif domine : la destruction méthodique du cadre anthropologique qui configurait depuis toujours la conception universelle de l'homme, dans le but inavoué de promouvoir l'émergence d'un homme nouveau qui serait dépouillé des attributs de son irréductible dignité. Contre l'avis de la majorité silencieuse des Français, le pouvoir socialiste s'apprête à adopter la loi autorisant le "mariage" entre personnes homosexuelles, en attendant de faire inscrire dans notre droit ses inévitables prolongements législatifs, de la procréation médicalement assistée à la gestation pour autrui : après avoir fait son entrée discrète dans les manuels scolaires dès la rentrée 2011, la théorie anglo-saxonne du gender - qui récuse la différence naturelle des sexes pour mieux promouvoir une conception déstructurée de la sexualité - trouve ici une formidable consécration normative. Pour convertir les esprits, surtout les plus vulnérables, les prosélytes ne manquent pas à l'appel : appliquant par avance les consignes de son collègue au gouvernement, Vincent Peillon, ministre de l'Éducation nationale, qui invitait début janvier 2013 les recteurs d'académies à « s'appuyer sur la jeunesse pour changer les mentalités », Najat Vallaud-Belkacem n'a-t-elle pas su, en ministre zélé, porter la bonne parole dans l'enceinte des établissements scolaires dès octobre 2012 pour y vanter les mérites du "mariage" homosexuel auprès de nos chères têtes blondes ?
    Sans père ni mère
    Puisque pour certains enfants le terme de parent remplacera sous peu ceux, beaucoup moins neutres, de père et mère - non sans que ce séisme législatif ne bouleverse par ailleurs les règles de la filiation -, pourquoi, dans la foulée, ne pas profiter de cet effet d'aubaine, au nom de la "lutte contre les stéréotypes", pour débaptiser l'école maternelle et remplacer son appellation, comme le suggère Sandrine Mazetier, député PS, par la dénomination de "première école" ou celle d "’école élémentaire" qui neutraliserait enfin toute « charge affective maternelle » ? Témoignant d'une volonté sournoise d'abolir toutes les différences, y compris et surtout dans le champ sémantique, cette proposition passablement surréaliste a pour elle, malheureusement, d'être en cohérence avec l'esprit du temps présent : n'est-ce pas, en effet, sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy que l'usage administratif du mot "mademoiselle", au parfum si suranné, fit les frais de cette détestable "novlangue" à raison de son caractère jugé "discriminatoire" ? George Orwell, encore et toujours...
    Toponymie revisitée
    Pour nos gouvernants socialistes, la mutation anthropologique doit s'accompagner d'une révolution toponymique qui épouserait une mémoire historique "revisitée", exclusive autant que possible de toute allusion à l'histoire de l'Ancien Régime ou au passé colonial de la France. La refonte controversée de nos manuels scolaires, expurgés ces dernières années des références traditionnelles aux événements marquants de l'histoire de France ou de toute lecture chronologique de notre passé, encourage bien des municipalités socialistes à normaliser leur toponymie, à l'exemple de la municipalité de Rouen qui a débaptisé récemment le "Salon Louis XVI" de l'hôtel de ville pour le renommer "salon République", postérité révolutionnaire oblige ; car nul ne doit ignorer que la France est bien née sous X en 1789 ! Sous le prétexte commode d'attribuer le nom du poète Aimé Césaire, alors disparu, à un lieu de la ville de Gonesse, n'a-t-on pas vu dans le même esprit les édiles socialistes de cette commune du Val d'Oise, quelques années plus tôt, profiter de la circonstance pour débaptiser au passage la place maréchal Lyautey, dont le nom est assurément beaucoup moins conforme au politiquement correct ?
    Le droit de vote des étrangers
    En relançant récemment la question du droit de vote des étrangers non communautaires aux élections locales, le pouvoir socialiste exhume, enfin, dans un dessein purement électoraliste, une promesse de campagne présidentielle qui heurte profondément les traditions républicaines de la France. Sur cette question éminemment symbolique, on oublie trop souvent que le droit de vote a toujours été, en France, indissociable de la citoyenneté que seule confère, en droit, la qualité de ressortissant français. Alors que, sous l'effet anxiogène d'une immigration devenue incontrôlable, la population de notre pays se recompose en profondeur - altérant par là-même l'homogénéité des traits culturels d'une civilisation encore marquée par sa dimension catholique traditionnelle - le maintien légitime du lien indissoluble entre le droit de vote et la nationalité demeure vital : concevoir autrement le droit de vote serait donc porter ouvertement atteinte aux ressorts d'un "pacte républicain" depuis toujours ordonné au bien commun. De fractures anthropologiques en ruptures consommées avec les traits authentiques de notre civilisation, jusqu'où ira donc la frénésie dogmatique d'une oligarchie socialiste qui se sait cependant bien peu soutenue par une base militante davantage préoccupée par les questions économiques et sociales ? Nul ne le sait encore mais, avec une droite parlementaire frileuse, qui peine à tenir un discours véritablement décomplexé sur toutes ces questions capitales, il y a urgence à réagir intensément pour ceux qui, refusant pareilles dérives mortifères, entendent ne pas se soumettre à la dictature du relativisme absolu : les partisans résolus d'un conservatisme éclairé doivent désormais prendre le maquis, dans l'action politique comme dans le débat des idées, en demeurant fidèlement attachés au credo des valeurs spirituelles et morales de la France.
    Karim Ouchikh Président exécutif de Souveraineté, indépendance et Libertés (SIEL)
    Action Française 2000 février -mars 2013