En épousant à Rome, le 14 avril 972, la princesse grecque Théophano, Othon II peut espérer unir, réunir, deux empires qui représentent l'un et l'autre la tradition romaine. Une tradition qui continue, cinq siècles après la décomposition de l'empire romain, à faire flamboyer l'imaginaire des peuples européens.
L'empire, disparu d'Occident à partir de 476, a survécu dans le cadré de l'empire byzantin. l'empereur régnant à Constantinople s'intitule « empereur des Romains » et les Byzantins, pourtant héritiers directs de la culture hellénique, se désignent fièrement eux-mêmes, en grec, par le nom de «Romaioi» (quand l'Islam à submergé, au VIIe siècle, les territoires byzantins d'Asie et d'Afrique, les musulmans ont adopté le terme de Roumis pour désigner leurs ennemis originaires d'Europe). Les Byzantins affirment leur qualité d'héritiers et continuateurs de Rome à travers des symboles (l'aigle) et une titulature : le souverain byzantin revendique le titre d'« empereur des Romains » et dénie à tout autre que lui le droit de porter ce titre. C'est pourquoi Charlemagne, couronné empereur d'Occident en 800 et donc restaurateur de la dignité impériale en Europe de l'Ouest, se contente, par souci diplomatique, de prendre dans sa correspondance officielle avec Byzance le titre d« 'empereur Auguste »... Ses successeurs font de même et lorsque l'un d'entre eux, Louis Il, enfreint la règle et se prétend "empereur des Romains", il suscite force protestations venant de Constantinople.
Après la décadence de l'empire carolingien, au cours du IXe siècle, l'institution impériale ne renaît en Occident qu'en 962 lorsque le roi de Germanie Othon 1er, fils d'Henri 1er l'Oiseleur, est couronné empereur à Rome par le pape Jean XII. Othon bénéficie d'une grande popularité grâce à sa victoire du lechfeld (955) sur les Hongrois, nomades pillards venus d'Asie et qui ont agressé pendant des décennies l'Europe occidentale. Othon le libérateur, incarnant l'identité germanique, rassemble sous son autorité l'Allemagne et l'Italie du Nord, tout en se faisant le tuteur d'une papauté affaiblie par la médiocrité morale de plusieurs pontifes successifs (ainsi Jean XII « se fait remarquer, note Marcel Pacaut dans son Histoire de la papauté, par son amour de l'argent et ses aventures galantes »).
Héritier du titre impérial à la mort de son père (973) Othon Il « n'en avait hérité ni l'énergie, ni la perspicacité, ni l'aptitude à dominer les événements » (Robert Folz, La naissance du Saint-Empire). Mais il subissait, beaucoup plus que lui, la fascination de l'idée romaine de l'Empire. Il n'hésita pas à prendre le titre d« 'empereur Auguste des Romains », ce qui était une façon de s'affirmer le véritable successeur des Césars. Mais aussi, du coup, un défi à Constantinople. Hanté par la nécessité de contrôler l'ensemble de l'Italie, Othon Il voulait reprendre le sud de la péninsule, exposée aux incursions des Arabes venus d'une Sicile qu'ils occupaient depuis 827. Défait par eux en 982, Othon Il préparait la revanche lorsqu'il mourut l'année suivante. Sa veuve Théophano assuma la régence au nom du jeune Othon III.
Nièce de l'empereur byzantin Jean Tzimiscès, Théophano se révéla une femme de grande énergie. Elle donna à son fils une formation soignée, tant sur le plan politique que culturel. À travers elle le monde romano-germanique et le monde grec pouvaient se rejoindre. Ce grand projet devant être réduit à néant, en 1054, par le schisme marquant le divorce définitif entre l'Église latine et l'Église grecque.
P. V National Hebdo semaine du 10 au 16 avril 1997
culture et histoire - Page 1903
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14 avril 972 : empire d'Occident, empire d'Orient
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Vae victis - Ce soir...
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Ils n’aiment pas la France, ils attaquent sa culture et sa langue
Soumise à l’Otan, à l’OMC, au FMI, aux cénacles bruxellois la France est aussi devenue largement une colonie américaine, victime collatérale dans notre système mondialisé des escrocs et de menées perverses de certaines grandes banques anglo-saxonnes, largement responsables de la crise de 2008. Français victimes plus largement de l’ultra libéralisme, issu de l’organisme yankee génétiquement modifié, qui pousse par nature à la destruction des nations et des enracinements. Nous subissons pareillement avec la complicité de nos « élites » qui ne sont plus guère françaises que de nom, une new-yorkisation dans le domaine culturel et une californisation dans le domaine sociétal, totalement étrangères au génie français, aux valeurs helléno-chrétiennes de la véritable civilisation européenne.
Exemple parmi d’autres, c’est ainsi à cette caricature de cinéaste propagandiste planétarien, Steven Spielberg – ce qui ne retire rien à son incontestable savoir-faire - qu’a été donné cette année la présidence du festival de Cannes. Un choix audacieux ont avancé sans rire quelques pontes du cinéma « français » . Le grand Claude Autant–Lara n’en fini pas de se retourner dans sa tombe…
Si le cinéaste Français Eric Rochant affirmait il y a quelques années que «le Front National est le seul parti révolutionnaire français », il est bien combattu comme tel de même que notre pays est bien la cible d’une offensive privilégiée du monde de la finance apatride. La France pays des droits de l’homme, des Lumières, porteuse du message laïc universel est invitée à montrer l’exemple du multiculturalisme, du grand mélange mondial duquel accouchera le mutant idéal : l’homo consumerus-hermaphrodite-lobotomisé.
Dans cette logique de domination du mondialisme sous drapeau anglo-saxon, nous pouvons compter sur les collabos qui actionnent les différents rouages du Système, pour apporter leur aide servile à cette défrancisation accélérée constate Bruno Gollisch.
Il est ainsi tout sauf anodin que soit présenté avant la fin du mois en Conseil des ministres, le projet de loi sur l’enseignement supérieur et la recherche (ESR), défendu par son ministre, l’ex député PS Genevieve Fioraso, qui aura pour conséquence de marginaliser l’emploi de la langue française dans l’enseignement supérieur et la recherche.
L’article L. 121-3du code de l’éducation indique que « la langue de l’enseignement, des examens et concours, ainsi que des thèses et mémoires dans les établissements publics et privés d’enseignement est le français, sauf exceptions justifiées par les nécessités de l’enseignement des langues et cultures régionales ou étrangères, ou lorsque les enseignants sont des professeurs associés ou invités étrangers ».
Or, l’article 2 du projet de loi ESR prévoit cet ajout : « ou lorsque les enseignements sont dispensés dans le cadre d’un accord avec une institution étrangère ou internationale tel que prévu à l’article L. 123-7 ou dans le cadre de programmes bénéficiant d’un financement européen ».
Concrètement, cette précision pour anodine qu’elle apparaisse, aura pour effet d’augmenter les possibilités d’emploi de l’anglais en France, et plus largement de porter un coup à la diversité linguistique en Europe dans la communication entre enseignants de nos différents pays.
Pire encore, le 12 février dernier, 36 sénateurs du groupe socialiste ont déposé une proposition de loi « relative à l’attractivité universitaire de la France » L’article 6 de celui-ci (un ajout à l’article L. 761-1 du code de l’éducation) indique que «(…) la langue de l’enseignement, des examens et concours, ainsi que des thèses et mémoires, dans les établissements d’enseignement supérieur, peut être une autre langue que le français. Pour les étudiants ne justifiant pas d’une connaissance suffisante du français, lorsqu’ils suivent une formation dispensée dans une langue étrangère, cette dérogation est soumise à l’obligation de suivre un cursus d’apprentissage de la langue et de la culture françaises ».
Ainsi, un étudiant français ou étranger effectuant ses études en France, aura la possibilité de suivre son cursus intégralement en anglais ! Et ce, Bruno Gollnisch l’a souvent constaté en tant que professeur, alors même que de nombreux étudiants arrivent à l’université avec de grandes lacunes dans la maîtrise de leur langue maternelle française, notamment à l’écrit.
Certes, il est de plus en plus indispensable pour de nombreux jeunes français, de maîtriser une langue étrangère. Mais cette prépondérance voulue d’une caste anglophone portée au pinacle sera un message désastreux envoyé à travers le monde à tous les francophones, les francophiles et autres amoureux et défenseurs de la culture française.
Ils apprendront que des élus français dépositaires d’un part de la souveraineté populaire, habités par un masochisme antinational et une mentalité de soumis, signent eux-mêmes une reddition en rase campagne devant l’hégémonisme de l’anglo-américain.
Le Français a-t-il vocation dans quelques décennies, dans un siècle, à n’être plus uniquement qu’une langue étudiée par une poignée d’érudits et de passionnés…comme le latin et le Grec ? Langue morte d’un pays en sursis que les autochtones auront fui ou qui, selon la sombre prophétie de Jean Raspail, seront encore visibles dans quelques réserves…
Redisons le, il n’est pas encore trop tard pour emprunter le chemin de la résurrection nationale, mais le temps nous est compté et ce coup d’arrêt aux menées du mondialisme doit être donné. Ici et maintenant !
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La spécificité russe sur la scène internationale
Jean Geronimo, docteur en économie, expert des questions économiques et stratégiques russes, Université Pierre Mendès France de Grenoble, est auteur de « La Pensée stratégique russe, Guerre tiède sur l’échiquier eurasien. Les révolutions arabes et après ? » (Sigest, 2012). Il évoque dans l‘interview ci-dessous, et que nous publions sur Contre-Info à sa demande, la pensée stratégique et les nouveaux défis de cette Russie post-communiste.
Pourquoi cette seconde édition, sous-titrée : « Les Révolutions arabes, et après ? » ?
Je voulais expliquer la spécificité de la position russe sur la scène internationale, au regard de l’évolution géopolitique récente accélérée par le « mirage arabe » et, dans ses grandes lignes, verrouillée par la gouvernance néo-libérale sous leadership américain.
Cette évolution touche, d’une manière plus ou moins directe, les intérêts nationaux de la Russie – élargis à sa proche périphérie, la Communauté des Etats indépendants (CEI), qui couvre prés de 99% du territoire de l’ex-URSS. En la définissant comme son « Etranger proche », la Russie veut montrer à l’Occident que la CEI reste sa zone exclusive de responsabilité et, par ce biais, dissuader ses velléités expansives.
Fondamentalement, mon livre vise à présenter la réaction russe face aux doubles menaces constituées par le futur bouclier anti-missiles américain et la propagation du « Printemps arabe », au-delà de son cadre régional. A la base, il y a une totale incompréhension de l’Occident global sur le comportement russe, perçu à travers le prisme désuet de la Guerre froide. Cette seconde édition enrichie du livre, recentrée sur l’imminence d’un « hiver islamiste » – selon l’expression de Poutine –, s’efforce d’éclairer ce point particulièrement délicat.
Depuis la disparition officielle de l’URSS, le 25 décembre 1991, la Russie a le sentiment d’avoir été volontairement marginalisée par l’axe occidental. Au moyen de son levier USA-OTAN, cet axe s’est montré avide de profiter de la faiblesse temporaire de la puissance russe, issue d’une transition post-communiste désastreuse sur le plan économique et rythmée par la terrible « thérapie de choc » imposée par le premier ministre de Boris Eltsine, Yegor Gaïdar. Comme si, selon Andreï Gratchev, ancien conseiller du président Gorbatchev, il y avait eu une volonté inavouée de l’Occident – surtout des Etats-Unis – de voir la Russie post-communiste disparaître de la scène mondiale, en tant qu’acteur majeur, et de la réduire au rang de simple puissance régionale.
Entre 1992 et 1998, après l’application du « modèle de Washington », cette transition néo-libérale en Russie se traduit par une inquiétante décroissance – croissance économique négative, sanctionnée par une compression de prés de 50% du PIB russe sur cette période ! Moscou regrette, aujourd’hui, la volonté occidentale d’étendre son influence en périphérie post-soviétique, considérée comme son pré-carré historique et, en définitive, de renforcer son unilatéralisme armé dans la gouvernance mondiale.
Le vieux rêve gorbatchévien d’un monde post-guerre froide multipolaire, repris par la nouvelle direction russe à la suite d’Evgueni Primakov et poursuivi désormais par Vladimir Poutine, a été brisé.Le discours de Poutine à la Conférence de Munich sur la sécurité en 2007, était-il le symbole d’une inflexion radicale dans la politique étrangère russe ?
Tendanciellement, depuis son arrivée au pouvoir présidentiel, le 30 mars 2000, V. Poutine s’efforce de s’opposer à l’orientation qu’il juge « anti-russe » de la diplomatie occidentale et cela, sur la base de la défense prioritaire de ses intérêts nationaux.
Il le fait en s’appuyant de plus en plus sur un axe eurasien avec la Chine – avec aussi, l’Inde et l’Iran –, surtout depuis la désillusion de 2003 avec l’intervention américaine en Irak, en violation des règles internationales et ce, en dépit de l’opposition sino-russe. Cette orientation eurasienne, catalysée par l’axe sino-russe, est d’ailleurs reprise dans le cadre d’une structure politico-militaire commune, l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS). Depuis 2003, et sous l’impulsion du vieux « soviétique » Primakov, on assiste donc à une inflexion asiatique de la diplomatie russe, en réaction à l’attitude occidentale.
De manière spectaculaire, Poutine a dénoncé l’attitude provocante de l’Occident lors de son célèbre discours de Munich, le 10 février 2007. Il n’accepte pas la sacralisation du « facteur force » – selon son expression – dans la régulation mondiale et dans la stratégie d’ingérence de l’axe USA-OTAN, très politiquement orientée. Il n’accepte pas non plus l’élargissement de l’OTAN à l’ancienne zone d’influence soviétique et l’extension douteuse du bouclier américain ABM, via sa composante otanienne en Europe, aux portes de la Russie. Pour le président Poutine, il s’agit d’une stratégie d’encerclement à finalité politique, consciemment focalisée contre la Russie restée, dans le prisme occidental, l’ennemi héréditaire de la Guerre froide.
En poursuivant le reflux (roll back) de la puissance russe et la neutralisation de son potentiel nucléaire stratégique – via son bouclier anti-missiles –, la politique de l’administration Obama s’inscrit dans une logique atténuée de Guerre froide. Ce faisant, elle oblige la Russie, soucieuse de rééquilibrage stratégique, à renforcer les deux organisations politico-militaires de sa ligne sécuritaire sur l’espace eurasien, l’OCS et l’Organisation du Traité de sécurité collective (OTSC).
Au final, la politique américaine apparaît donc, dans la pensée stratégique russe, comme une menace latente majeure – en quelque sorte, « officialisée » par l’avertissement de Munich.Vous parlez de « pensée unique », pour caractériser les analyses dominantes sur les révolutions arabes, pourquoi ?
Oui, le plus troublant est ce relatif consensus sur les « révolutions » arabes qui s’exprime, désormais, de manière unilatérale contre le régime Assad, devenu soudainement gênant – un peu à la manière de feu Kadhafi. Comme un ennemi (idéologique) à abattre.
Pour caractériser cette configuration, associée à une structure d’intérêts relativement complexes et contradictoires, mais motivés par la volonté d’éliminer un « dictateur qui massacre son peuple », Moscou parle de scénario libyen. Par cette expression, la Russie sous-entend la mise en œuvre d’une stratégie manipulatoire soumise à un objectif politique précis visant, en réalité, autre chose que les intérêts légitimes du « bon peuple syrien » et la défense des droits de l’homme, en général.
En référence à l’expérience libyenne, Moscou redoute une possible instrumentalisation d’une résolution de l’ONU avec la complicité tacite de l’OTAN, en vue d’une intervention militaire et réaliser, par ce biais, un vieil objectif de la Guerre froide visant à l’expulser de la région. Selon moi, il y a une volonté délibérée de créer un seuil critique conduisant le « système » (le régime syrien) à surréagir et à « perdre la tête » – pour, à terme, légitimer un devoir d’ingérence. La stratégie de harcèlement continu contre les forces pro-Assad s’inscrit, de manière indiscutable, dans la réalisation de cet objectif. La multiplication des incidents avec la Turquie, plus ou moins suscités par cette dernière, s’explique à partir de cette problématique qui a, il y a peu, justifié l’installation par l’OTAN de missiles Patriot à visée (théoriquement) défensive, à la frontière turco-syrienne. Depuis peu, les prétextes d’une intervention se multiplient – dont celui, redondant, de l’utilisation d’armes chimiques par « celui qui massacre son peuple ».
Et, cela, à partir d’une simple rumeur, allègrement reprise par les médias occidentaux sans la moindre vérification – une fois de plus. Inquiétant.Pourquoi parler d’ « évolutions » arabes, et non de révolutions ?
Au départ, ces « révolutions » semblent spontanées et répondent au juste désir d’émancipation de peuples longtemps privés de droits et de libertés. « Semblent », car Moscou n’écarte pas l’idée – depuis le début de la crise – d’une main extérieure pour précipiter l’éclosion précoce d’un « Printemps démocratique ». Et, a priori, mes informations personnelles accumulées depuis 2 ans le confirment. Les dés sont, donc, politiquement pipés.
Même dans l’hypothèse de véritables « révolutions », ces dernières ont été progressivement soutenues et guidées de l’étranger au profit, notamment, de puissances ambitieuses enclines à renforcer leur pouvoir régional. Sans parler du rôle trouble des grandes puissances occidentales adeptes, dans un premier temps, d’un encouragement aveugle de la rébellion et, dans un second temps, de son soutien armé. Au nom de droits de l’homme à géométrie variable.
Cette orientation est évidente dans le cas syrien, avec l’implication insidieuse des puissances saoudienne, qatarienne et turque – en totale violation du principe westphalien de souveraineté des Etats-nations. A cela, s’est greffée l’ingérence croissante des services secrets occidentaux. Je préfère donc parler d’évolutions consciemment orientées. Le terme « révolutions » est idéologiquement connoté et traduit un déterminisme excluant toute critique ou vision alternative. C’est la porte ouverte à la pensée unique et, surtout, à la justification morale d’une ingérence politique programmée.Quelle est la position officielle de la Russie sur la Syrie. Et comment mieux la comprendre ?
Officiellement, et conformément aux lois internationales sur la souveraineté des Etats, la Russie ne veut pas s’impliquer militairement dans un conflit interne pour éviter son exacerbation et aggraver le chaos. Et cela, d’autant plus qu’elle sort d’un lourd traumatisme.
Elle n’a pas oublié le « piège afghan » de 1979, tendu par Zbigniew Brzezinski, alors conseiller à la Sécurité du président Carter, pour l’enliser dans un conflit périphérique. La « leçon » afghane – comme plus tard, celle de 1999 en ex-Yougoslavie, avec le bombardement de l’OTAN – est profondément ancrée dans la mémoire stratégique russe. En outre, l’indépendance auto-proclamée du Kosovo, le 17 février 2008, a été ressentie par elle comme une véritable gifle diplomatique. Trop longtemps occultée, la Russie veut désormais s’affirmer sur la scène mondiale et, dans cette optique, elle veut faire de la question syrienne, une « preuve » de son retour comme grande puissance, respectée et écoutée. Pour Moscou, seule une solution négociée permettrait de sortir de l’impasse syrienne – conformément aux accords de Genève, du 30 juin 2012.
Moscou s’efforce donc d’adopter une attitude neutre et équilibrée, privilégiant une reprise du dialogue entre les parties prenantes à la crise, comme pierre angulaire de la future transition démocratique – qu’elle n’exclut pas sans Assad, si le peuple le décide (c’est d’ailleurs, aussi, la position du président syrien). Ce faisant, la Russie s’oppose ouvertement à la coalition arabo-occidentale qui exige, comme préalable incontournable, le départ d’Assad. Un non-sens, auto-destructeur pour la Syrie et donc, pour la région.
Cette configuration explique le veto russe – associé à celui de la Chine – aux résolutions successives du Conseil de sécurité de l’ONU, portées par les membres de cette coalition et structurellement favorables à l’opposition anti-Assad. Comme d’ailleurs, l’information médiatique quotidiennement diffusée par l’Organisation syrienne des droits de l’homme (OSDH) sur la crise syrienne, asymétrique et non contrôlée, donc potentiellement manipulable. Avec, en définitive, une désinformation choquante – la fin justifiant les moyens.
Or, l’extrême hétérogénéité et islamisation de cette coalition ne présage rien de bon sur la transition post-Assad.Vous parlez « d’enjeux cachés » dans le déroulement de la crise syrienne. Pouvez-vous expliquer ?
Aux traditionnels enjeux politiques de contrôle d’une zone névralgique, il y a la volonté de gagner la bataille de l’énergie, via le contrôle des sources et circuits énergétiques majeurs. Par ailleurs, à l’instar d’autres acteurs de la région, le Qatar aurait un projet gazier stratégique passant par le territoire syrien pour « rentabiliser » ses exportations énergétiques et garantir ses débouchés. Le potentiel gazier syrien, a priori considérablement sous-évalué, serait donc un objectif implicite de cette guerre qui ne dit pas son nom et qui est aussi, par ricochets, une guerre contre l’Iran.
Dans le même temps, il y a en effet le désir de toucher l’Iran en affaiblissant un de ses principaux alliés de la région et, par ce biais, fragiliser le nouvel axe du mal émergent Chine-Iran-Russie. Car la puissance économique et politique montante de cet axe eurasien est de plus en plus redoutée par le leadership américain, contraint à une reformulation de sa stratégie dans la région. Nouveau réalisme oblige.
Au final, « l’hyperpuissance américaine », pour reprendre l’expression de Hubert Védrine, doit aussi gérer son déclin économique, aujourd’hui rendu inéluctable par la pression concurrentielle accrue des « émergents ». Ce déclin est accéléré par un interventionnisme politico-militaire de moins en moins soutenable et économiquement épuisant – parfaitement anticipé par Paul Kennedy, en 1987, dans son fameux livre « The Rise and fall of the great powers ».
En conséquence, le redécoupage régional des cartes géopolitique et énergétique se présente comme l’enjeu clé de cette guerre sans nom.A vous suivre, il s’agit aussi d’une « guerre de l’information » ?
Oui, sans aucune ambiguïté. Pour mémoire, rappelons que lorsque G.W. Bush a lancé sa fameuse croisade en Irak en 2003, il a reconnu – et ce n’est pas par hasard – que la première guerre à gagner était celle de l’information. Les révolutions libérales (« colorées ») en zone post-soviétique à partir de 2003, et plus tard, les révolutions arabes depuis 2010, sont une stricte application de ce « principe bushien ».
Noam Chomsky démontre, dans ses œuvres, le rôle crucial des stratégies de désinformation dans les démocraties. Pour V. Poutine, l’information a un rôle politique, via l’activité décisive d’ONG à financement étranger dans la structuration et la manipulation de l’opinion publique. Il l’a personnellement vérifié lors des dernières campagnes législatives et présidentielles russes, avec Golos – ONG russe chargée du monitoring des élections, mais très liée aux dollars et donc, aux intérêts américains via National Endowment for Democracy (NED) et United States Agency for International Development (USAID). Pourrait-on imaginer un scénario inverse aux Etats-Unis ? Cela a conduit, fort justement, Vladimir Poutine à renforcer la législation russe contre ces nouveaux « agents d’influence », soutenus de l’étranger – et, dés lors, définis comme des agents politiques.
Dans les années 2000, dans le cadre des « révolutions de couleur », les ONG à financement américain ont eu un rôle clé dans l’arrivée au pouvoir des « libéraux » dans certaines républiques post-soviétiques, comme la Géorgie (2003), l’Ukraine (2004) et le Kirghizstan (2005). En 1989, lors de la révolution polonaise, elles ont aussi joué un rôle non négligeable – avec, encore, le soutien de NED. Troublante inertie.
En conséquence, Poutine définit l’information comme levier des nouvelles stratégies du soft power, moins coûteuses sur les plans politique et économique, mais terriblement efficaces dans le monde inter-connecté d’internet, fondé sur l’immédiateté communicationnelle. « L’hyper-information » mal contrôlée peut, en effet, alimenter des stratégies politiques de déstabilisation des pouvoirs en place. Une telle tentative a été observée au Kazakhstan en décembre 2011, contre le président pro-russe et ami de V. Poutine, Nazarbaïev. A la même époque, ce scénario s’est répété contre le candidat Poutine qualifié, lors des manifestations de rue successives, de nouveau « dictateur soviétique ». Les clichés ont, décidément, la vie (trop) longue.
Le discours de Poutine souligne le danger de futures révolutions portées par le soft power et la manipulation de l’information pour renverser des régimes hostiles, comme cela se passe au Moyen-Orient et bientôt, comme il le redoute, en périphérie post-soviétique. Poutine craint, en particulier, une extension du « Printemps arabe » dans les régions musulmanes de l’espace russe économiquement sous-développées, donc fragilisées et courtisées par les idéologies de l’Islam radical – ce qu’il dénonce comme la menace imminente d’un « hiver islamiste ».
Dans ce cadre, ne pas comprendre la réaction russe relève d’une ineptie intellectuelle.A la fin de votre livre, dans le post-scriptum, vous développez le concept de « Guerre tiède »…
En opposant à nouveau Russes et Américains, via des axes géopolitiques relativement hétérogènes mais structurés autour de la défense d’intérêts communs, cette guerre s’inscrit dans le prolongement d’une forme actualisée et désidéologisée de la guerre « froide ». Structurellement, il s’agit toujours d’une guerre d’influence, par alliés interposés – mais recentrée sur l’économique. C’est ce que j’appelle la guerre « tiède ».
Ainsi, la transition post-communiste du nouvel ordre international est caractérisée par une nouvelle forme de conflictualité bipolaire opposant, dans un terrible face-à-face, l’axe arabo-occidental (soutenu par la Turquie) et l’axe eurasien sino-russe (soutenu par l’Iran). En creux, c’est aussi la question d’un monde post-occidental plus démocratique qui se joue – selon le terme utilisé par Hélène Carrère d’Encausse dans son livre de 2011, « La Russie entre deux mondes ». Cette question est portée par le pouvoir économique et politique croissant des puissances émergentes du 21e siècle, contestant la traditionnelle domination du Nord. Ces puissances, principalement les BRICS, revendiquent leur place dans la nouvelle gouvernance mondiale et ses instances décideuses – ce qui, selon la phraséologie gorbatchévienne, passe par une « Perestroïka internationale ».
Fondamentalement, cette Guerre tiède est axée sur le contrôle des Etats stratégiques, en particulier les « pivots géopolitiques », pour reprendre la terminologie de Brzezinski. Ces Etats « pivots » fondent leur force moins sur leur puissance intrinsèque que sur leur capacité de nuisance et sur leur localisation au cœur d’espaces et de carrefours stratégiques. Zbigniew Brzezinski l’explique fort bien dans son ouvrage majeur, véritable bible de la politique étrangère américaine depuis 1997, « Le grand Echiquier ». De ce point de vue, l’Arabie saoudite peut être considérée, selon moi, comme le nouveau pivot géopolitique de la stratégie américaine sur l’Echiquier arabe.
Aujourd’hui, ce pivot régional est activé contre les intérêts russes au Moyen-Orient, pour poursuivre le reflux de l’ancienne puissance communiste. Par ce biais, Washington transforme la Syrie en pièce maîtresse de cette impitoyable partie d’échecs. Or, en s’appuyant sur le facteur religieux, elle provoque une inquiétante politisation de ce dernier – exprimée par la montée de l’Islam radical, comme vecteur identitaire et accélérateur des « révolutions ». Au final, la crise syrienne cache donc un enjeu géopolitique majeur, médiatisé par de puissants rapports de force.
Au coeur de la Guerre tiède, les coûts collatéraux humains et politiques sont déjà énormes et, sans doute, irréversibles – avec, en particulier, le renforcement de la fracture chiites/sunnites comme levier d’une terrible conflictualité inter-confessionnelle.
Les Révolutions arabes, et après ?« La Pensée stratégique russe. Guerre tiède sur l’échiquier eurasien. Les révolutions arabes et après ? » (Sigest, 2012 – 14,95 e). Préface de Jacques Sapir.
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Méridien Zéro - Europe contre Occident
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Le nihilisme, cette religion laïque
Vincent Peillon est le modèle des idéologues parmi nos ministres, dont on a l'impression qu'ils rivalisent dans ce domaine. Il vient de publier un livre-manifeste intitulé Refondons notre école. Mais ce n'est pas seulement de l’École qu'il nous parle, c'est de la République et du Mental nihiliste des ministres républicains...
Vincent Peillon présente bien, il est propre sur lui, parfaitement décontracté d'apparence. Bref un petit côté gendre idéal et qui, vu son âge, a déjà donné satisfaction. Mais cette apparence amène cache un redoutable ratiocineur, parfaitement à son poste au ministère de l’Éducation nationale. Spécialiste de Jean Jaurès et de Ferdinand Buisson, il envisage ces Maîtres non comme des magots de brocante mais comme des docteurs de l'avenir. Dans son manifeste Refondons l’École, il se montre élève discipliné des grands anciens, dont l'enseignement idéologique est dûment reçu et actualisé dans l'ambiance gauche-bobo, propre à notre Bel aujourd'hui.
Le plan a été mis au point pendant la dernière moitié du XIXe siècle
Et pour commencer l'aveu qui tue : « C'est grâce à l'école que la République a fait de ses enfants des Républicains et qu'elle a pu enfin s'établir définitivement ». Le constat est fréquent sous la plume de Peillon : la République n'a pas forcément été un enfant désiré de la Nation France. C'est l'éducation nationale qui a permis que le fait républicain s'incruste dans les mentalités. Le plan a été mis au point pendant la dernière moitié du XIXe siècle par les Républicains qui, entre 1792 et 1799 d'une part, puis 1848-1852 d'autre part, n'avaient pas réussi à s'installer durablement à la tête du Pays. La marque de fabrique de la République sera ce ministère de l'Instruction publique, sous l'autorité duquel « l’École doit non seulement instruire mais éduquer, non seulement transmettre des savoirs mais transmettre des valeurs. Celles de la République. Ni plus ni moins ». Nous sommes au cœur du discours républicain. À l'heure des grandes utopies fascistes et communistes, la France, elle, avait déjà son école. Elle lui donnait tous ses soins comme au berceau de la République.
Las... ce berceau se porte plutôt mal en ce moment. « L'avenir est en crise » écrit Peillon qui aime les formules à l'emporte pièce. « En 2006, l'école française occupe le 27e rang sur 44. [en 2001 le 18e sur 33]. 33 % des élèves sont jugés faibles ou très faibles par les enquêteurs internationaux ». Bref le principal ascenseur social de la nation est en panne. Cela n'empêche pas Vincent Peillon, dans une tradition que l'on doit qualifier de stalinienne, de déclarer que l'on fera tout pour que tous réussissent. Autrefois, on cherchait à faire en sorte que les meilleurs tirent leur épingle du jeu. Mais on a changé tout cela... « La mixité sociale et scolaire (sic) ne porte préjudice à aucun élève bien au contraire ». « Il va falloir se donner les moyens de permettre la réussite de tous et donc revoir ces politiques de ségrégation qui ont échoué ». Vive l'école black, blanc beur ! Elle sera aussi performante que notre équipe de football.
Mas il en va de la société de demain, qui doit être indifférenciée, nous allons le voir.
Cette école n'est plus l'école laïque d'autrefois, et pas seulement à cause de son recrutement. Le contenu de l'enseignement a changé. On pourrait dire d'ailleurs qu'il importe peu. Ce qui est essentiel, c'est d'apprendre à apprendre. Je dirais même : d'apprendre à désapprendre. L'idée est de refuser a priori toute identité reçue et de ne tolérer, éventuellement que les identités choisies : « Il s'agit de donner à l'enfant les moyens de s'arracher à tous les déterminismes qui peuvent peser sur lui. Cela ne veut pas dire l'arracher à sa famille, à son histoire, à sa patrie, à sa religion. Cela veut dire lui donner les moyens de choisir en toute connaissance de cause et par une adhésion volontaire, personnelle et motivée. La première des libertés, c'est la liberté de conscience. Cette liberté est aussi le cœur battant de la laïcité ».
Il faut : « arracher l'enfant aux déterminismes qui pèsent sur lui »
Nous sommes à 1000 lieues de la laïcité selon Jules Ferry. Dans sa célèbre Lettre aux instituteurs, Ferry disait : « si ce que vous dites risque de choquer un seul père de famille dont l'enfant se trouve dans votre classe, abstenez-vous ». On peut dire que cette École d'autrefois se souvenait qu'elle prétendait à la neutralité. Aujourd'hui, plus de neutralité dans la laïcité. Chacun doit être capable de défendre ses convictions et plus exactement de les perdre pour éventuellement les retrouver. Le modèle n'est plus la neutralité mais le nihilisme collectif. Il faut, vous avez bien lu, « arracher l'enfant aux déterminismes qui pèsent sur lui ». Il faut lui donner les moyens de choisir en toute connaissance de cause, en lui ôtant tout ce qui ne relève pas de la Raison. Seule la Raison, au sens où l'entend Vincent Peillon, est capable d'opérer ce mécanisme de désappropriation collective et de réappropriation personnelle. Les enfants qui sortent d'un tel système auront perdu l'identité qu'ils ont reçue, de leur famille, de leur éducation etc. Ils seront capables de retrouver une identité personnelle, parfois, par compensation, particulièrement intense (je pense à l'islamisme de nos banlieues, qui est une réislamisation personnelle de gens auxquels on a voulu tout enlever). Ou bien ils céderont à la grande idée commune, qui est aujourd'hui l'autre nom du socialisme comme le pressentait Igor Chaffarevitch, l'ami de Soljénitsyne : cette génération est mûre pour le nihilisme obligatoire.
En tout cas, ajoute immédiatement Peillon, il faut que ce soit clair : « Un des critères de la rationalité, c'est précisément l'impossibilité de parvenir à une vérité absolue et définitive ». On croirait entendre Bernard Shaw : « La seule règle d'or, c 'est qu 'il n'y a pas de règle d'or ». Cette assertion ministérielle est fausse, soulignons-le au passage : la raison, que ce soit au plan scientifique ou même au plan moral, parvient à des vérités définitives : un théorème ou une loi morale imprescriptible. Mais cette affirmation ministérielle est le premier article du Credo de la nouvelle religion laïque.
Claire Thomas monde & vie 26 février 2013 -
Pelot d'Hennebont, Tri Yann
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Loi sur l’école – Information à la population .
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Vers l'immortalité ?
Quand ont été découverts les chromosomes, les jeunes généticiens disaient leur angoisse devant les perspectives ouvertes par cette nouvelle science. Et le professeur Lejeune s'en alla en pleurant quand il reçut le Prix Kennedy en 1962 aux États-Unis ; un professeur lui avait expliqué que sa découverte allait pouvoir détecter in utero la trisomie et éliminer les porteurs de cette maladie par l'avortement qui allait être légalisé. Or depuis cette époque, les choses se sont accélérées et iront encore plus vite. Le schéma des devoirs de la médecine du futur était ainsi déterminé. Après les anomalies chromosomiques, furent découvertes les anomalies génétiques, puis les anomalies de l'ADN. Celles-ci vont avoir leurs conséquences. Elles sont imprévisibles mais en même temps terrifiantes.
Quand la compassion justifie l'injustifiable
La société est devenue utilitariste. Et au nom de la compassion, toujours invoquée par les médias, l'euthanasie prônée à cette époque par Attali comme règle de la société a permis des affaires Humbert ou Sébire. Mais déjà 2 % de la population belge se fait euthanasier et les corps servent de réservoir d'organes (26 % des greffés du cœur). Nul doute que jouant sur l'émotion, ces catégories s'étendront et s'étendent déjà à tous ceux qui sont fatigués de vivre, puis aux vieillards considérés comme inutiles. En Grande-Bretagne, les nouveau-nés handicapés ne sont pas réanimés ou éliminés à la naissance. Un professeur propose même de ne plus réanimer les enfants à la naissance, alors que pour nous obstétriciens, c'est un geste quasi quotidien. Et en France depuis la loi Veil ces enfants sont tués in utero par le diagnostic prénatal. Ce tri des humains s'étend aux anomalies génétiques détectées par le diagnostic préimplantatoire, une sélection eugénique de même type. Et nous avons vu dans un article précédent qu'en analysant l'ADN, ce qui est désormais facile, il est possible d'éliminer les maladies y compris sur de simples probabilités. En Angleterre par l'observation de l'ADN, sont évincés des embryons sur de simples possibilités de risque de cancer du sein. Nous nous acheminons ainsi vers une humanité normalisée bien objectivée par le mythe de « l'enfant parfait » qui tend à devenir réalité. Dans 20 ans des médecins seront traînés devant les tribunaux pour avoir laissé venir au monde des enfants qui simplement seront laids ; comme on les traîne actuellement pour n'avoir pas diagnostiqué une anomalie fœtale.
L'homme machine
Conjointement la médecine par la micro-informatique fait des progrès stupéfiants. Des micro-ordinateurs sont implantés dans le cerveau pour les troubles de la cochlée ; ce qui permet de rendre l'audition. De tels dispositifs appelés implants sont greffés chez les cardiaques ou les malades atteints d'Alzheimer. Des reins artificiels sont été implantés sous la peau et réglés par ordinateurs. Un cœur artificiel a été nus au point. La dépression nerveuse peut être aussi guérie par ces implants.
Si bien qu'en pratique on ne sait plus bien ce qui à terme sera ou ne sera pas bon pour l'Humanité. Or les politiques au lieu de donner des limites se mettent à la remorque des médias. Et un groupe de scientifiques (avec Peschanski), lors des dernières discussions sur le renouvellement des lois de bioéthique, demandait que la recherche soit définitivement libérée ; reléguant ainsi l'humanité au rang de cobaye et laissant le champ libre aux savants fous aux apprentis sorciers. Il s'en est fallu de peu que cette revendication satisfaite. De quoi sera fait le lendemain d'une humanité normalisée au nom d'un progrès irréversible ? Il faut pourtant aller plus loin encore. Le clonage humain qui a été réalisé par Wood en Californie, finira par être autorisé par l'ONU : une possibilité de se survivre à soi-même.
Conjointement, Venter, après avoir créé une nouvelle espèce de bactéries appelée Synthia, progressera dans l'élaboration d'organismes de plus en plus complexes ; y compris humains comme il l'a déclaré lui-même.
Le monde des robots
L'idée des transhumanistes est qu'il doit être possible de télécharger l'encéphale dans un super-ordinateur puis dans un autre corps humain. Ceci permettrait à cet organe de se survivre à lui-même. Il serait alors possible de l'améliorer comme il se fait des avions par exemple. Ainsi serait atteinte une forme d'immortalité. Le monde serait alors dirigé par des cyborgs d'une intelligence croissante devenant progressivement artificielle et à laquelle serait ajoutée de la « mémoire vive » comme à un ordinateur. Des robots de plus en plus sophistiqués seront mis bien sûr à la disposition des humains pour leurs besoins quotidiens et même améliorer leur bien-être. Conjointement les hommes deviendront des robots pensants, issus de la technologie grâce à ces implants brain, ces implante dans le cerveau. Ils deviendront des êtres intelligents artificiels.
Vers le surhomme
Mais il est évident que cette super-technologie en raison de son coût faramineux ne pourra profiter à tout le monde. Tôt ou tard, elle sera réservée à quelques happy fews, quelques heureux élus. Les États seront obligés de se désengager de ces dépenses colossales. Il est évident que remplacer partie ou totalité d'un cerveau par un ordinateur ne sera réservé qu'à une infime minorité ; comme il en est ainsi par exemple des vols dans l'espace. On voit d'ailleurs que les personnages comme les Rockefeller ou Bill Gates dont l'argent a servi à pervertir le monde, jouissent de fortunes colossales dont ils n'ont nullement besoin présentement. Et leur sauf-conduit est la prétention qu'ils ont d'améliorer le monde. En réalité pour eux compte seulement d'accroître leurs propres pouvoirs et plus précisément celui de longévité. À ce jour, Rockefeller peut se faire greffer le cœur artificiel qui vient d'être mis au point. Ce simple matériel sans les frais opératoires et hospitaliers coûte 100 000 euros. Et la production actuelle en est infiniment lente. Une injection intraoculaire de Lucentis, un produit contre la dégénérescence maculaire, coûte 1 000 euros et la guérison n'est que partielle. Or cette maladie progresse avec une incroyable vitesse avec l'allongement de la durée de vie. Le coût du traitement du sida est absolument astronomique. Il en est de même de celui de certains médicaments anticancéreux.
Une sélection par l'argent
Ainsi ceux qui auront les fonds nécessaires et les relations pour se faire greffer dans l'encéphale des microordinateurs seront les « décideurs », car capables de joindre leur intelligence à la technicité des microprocesseurs. Ces futurs immortels auront un pouvoir colossal sur les autres.
Cette super-humanité serait amenée à être les « contrôleurs » du reste d'une population périssable appelée elle à avoir une durée de vie normale ou volontairement limitée. La société des Ubermenschen et des Untermenschen, des surhommes et des sous-hommes de Nietzsche, celle dont le nazisme voulait voir l'avènement. L'oligarchie régnante sur la planète a toujours su s'approprier des facultés nouvelles aux dépens du reste de la population. C'est probablement ainsi que se dessinera la post-humanité qu'appellent de leurs vœux les transhumanistes. Ce mouvement argue de cette évolution pour permettre à l'humanité de se survivre à elle-même au cas où le cerveau des hommes serait victime de « l'effet papillon » et que brutalement l'humanité perdrait l'intelligence.
Nick Boström qui dirige l'Institut pour le futur de l'humanité de l'Université d'Oxford, va plus loin encore. Il pense que l'esprit des hommes sera simulé et stocké sur des ordinateurs ; et que progressivement l'homme biologique serait amené à disparaître.
L'extinction de l'Humanité
Tous ces scénarios de science-fiction se réalisent progressivement. Et les choses iront plus vite que nous le pensons. Il n'est pas question de jeter la tunique de Nessus sur tout cela. Un homme que je pensais intelligent m'a déclaré naguère qu'il ne croyait pas que l'ADN existait. Faut-il le laisser à ses illusions ?
Il faut cependant conclure en faisant quelques remarques. La première est que la création d'espèces nouvelles comme le fait Venter risque de libérer un organisme non contrôlé par l'homme ; celui-ci pourra bien éradiquer l'espèce humaine. C'est ce qu'a déclaré ETC group, organisme international créé en 1930 par Eléonore Roosevelt (nièce de Théodore, président des États-Unis). Cet organisme surveille la biosphère. Il compare la synthèse de Synthia par Venter à l'ouverture d'une boîte de Pandore. Dans un ouvrage intitulé Bio-massacre, il dénonce la biologie synthétique menaçant la biodiversité et les modes de subsistance. À chaque apparition d'un microbe mutant se pose d'ailleurs cette même question. C'est l'histoire du chikungunya, de la grippe H1N1 ou d'Escherichia coli qui ont fait trembler le monde. Telle est de même la position de Nick Boström qui pense que l'Humanité a une chance sur deux de disparaître au travers de la création d'un organisme non maîtrisé.
Par ailleurs, en greffant une multitude d'implants cérébraux, l'homme restera toujours inquiet face à son destin. Il lui restera toujours à définir le sens de la vie. Et à cet égard, tôt ou tard l'humanité devra s'interroger sur ses fins dernières. Et à cela seule la religion peut répondre. Il y a présentement un regain d'intérêt pour la philosophie ; ceci débordera obligatoirement vers la métaphysique. Voilà qui est porteur d'espoir.
La dernière remarque est celle du croyant. Il y a un proverbe italien qui dit que c'est le diable qui fait bouillir la casserole, mais Dieu qui en tient le manche. Tant de tsunami que l'explosion de la centrale nucléaire au Japon devraient faire réfléchir les hommes. Or nous vivons dans notre pays sur la véritable bombe que sont nos 54 centrales nucléaires. De quoi détruire toute l'Europe et contaminer toute la planète, ramenant notre terre à l'ère de la préhistoire. Rappelons-nous un de ces négros spirituals qui sont de véritables prières. He has all the world in his hands. Il a le monde entier dans ses mains. Dieu n'a pas créé le monde pour l'abandonner. Là est notre espoir et notre confiance. La seule immortalité qui puisse exister est celle proposée par Jésus dans ses enseignements. Il suffit d'attendre et de prier.
Dr Jean-Pierre Dickès Présent du 27 juillet 2011 -
Voyage au cœur de l'influence
Polémologue tout-terrain, sociologue avisé des médias, spécialiste reconnu de la guerre de l'information, François-Bernard Huyghe analyse toutes les stratégies d'influence et de manipulation des esprits. Au premier chef celles que mettent en oeuvre les lobbyistes - ces stratèges de la guerre économique. Passage en revue des forces en présence.
Le Choc du mois : Deux ou trois mots d'abord sur l'étymologie du mot. D'où vient cette expression de lobbying ?
François-Bernard Huyghe : Le mot vient du vestibule en anglais, donc l'antichambre du pouvoir, puisque c'est dans les couloirs que les représentants des intérêts particuliers rencontraient, entre deux séances législatives, les élus de la Chambre des communes en Angleterre et de la Chambre des représentants aux Etats-Unis. Depuis, le mot est utilisé par métonymie pour désigner ceux qui s'agitent « dans les couloirs du pouvoir ». Voilà pour l'étymologie, mais dans les faits, les lobbies sont des groupes d'intérêts - moraux, civiques, ethniques, régionaux ou surtout marchands - qui tentent de peser sur la décision publique plus qu'ils ne le feraient par leur seul bulletin de vote, en tant que détenteurs d'une fraction de souveraineté. Ces groupes se reconnaissent des intérêts communs et se fixent des objectifs précis. Certains ne peuvent être atteints qu'en infléchissant la décision publique.
Pourquoi a-t-on un problème en France avec le lobbying ?
Il y a d'abord un problème avec le mot. Outre qu'il s'agit d'un anglicisme, il suscite des réticences. Quelqu'un qui parle du lobby homosexuel, israélien, franc-maçon ou arménien chez nous, est tout de suite soupçonné d'être homophobe, antisémite, obsédé du complot et vendu aux intérêts de génocidaires révisionnistes. Il y a même de fortes chances pour qu'il se retrouve devant les tribunaux, alors qu'un Américain pourra volontiers avouer faire partie du lobby gay ou juif, comme d'une chose tout à fait honorable. Mais on n'a pas seulement un problème avec le mot, on en a un aussi avec la chose et son principe.
C'est-à-dire ?
Nous sommes au pays de la loi Le Chapelier, promulguée en 1791, et qui, sous couleur de proscrire les coalitions, le compagnonnage et toutes les associations censées faire obstacle à la liberté de métier, a été de fait une arme contre les syndicats. On craignait qu'ils soient une résurgence d'Ancien Régime. Il faudra attendre 1884 et la loi Waldeck-Rousseau pour qu'ils soient autorisés, le fait de se constituer en corps pour agir sur la décision publique étant présumé suspect. Dans la tradition républicaine française, la loi doit résulter uniquement de la recherche d'un Bien Commun, transcendant les intérêts particuliers et traduisant la Volonté Générale.
À l'inverse, selon la conception anglo-saxonne, si la loi est bonne, elle doit refléter un rapport de force et permettre aux divers intérêts particuliers de s'équilibrer. En France, suivant le concept hérité de Rousseau, le citoyen est censé n'être habité que par la Raison, et non pas mû par la recherche de profits personnels ou entravé par les « brigues » des groupes d'intérêt. Ou pire des « groupes de pression », terme qui évoque des manœuvres occultes empêchant le législateur ou l'administrateur de décider en fonction des seuls critères du bien commun. Cela n'a pas empêché les scandales de corruption de proliférer sous les Républiques successives.
C'est une conception un peu vertueuse, pour ne pas dire hypocrite...
Nous avons bien la chose, si nous n'avons pas le mot. Suivant le principe du service public, tout est affaire d'autorité déléguée de l'élection à la loi et de la loi à l'acte administratif. Mais la réalité nous montre une profusion de réseaux, d'amicales, d'associations d'anciens ceci ou de futurs cela, de corporatismes, de regroupements plus ou moins formels. Les gens qui ont à peu près la même culture, les mêmes revenus, les mêmes origines sociales, se retrouvent et se rendent des petits services. La fiction d'une démocratie vouée à l'intérêt général est de plus en plus difficile à soutenir. Un mouvement général pousse à la prolifération du lobbying.
La différence entre la France et les États-Unis, c'est aussi la volonté de transparence...
Aux Etats-Unis, le lobbying est admis au nom de deux amendements de la Constitution sur le droit d'association et sur la liberté d'expression. Il est soumis à deux conditions : la transparence financière et une déclaration explicite. Le lobbyiste doit clairement s'identifier comme tel et nommer son client. Le lobbying Act a réglementé la profession en 1946. Il a récemment été renforcé à la suite du scandale Abramoff, puissant lobbyiste, proche du Parti républicain, accusé d'escroquerie et de corruption de responsables politiques.
Mais la transparence n'est pas seulement assurée par cette obligation de déclaration. Il existe des associations ou ONG qui surveillent les lobbyistes suivant le principe du « chien de garde » (watchdog) et qui ont fort à faire. Des centres d'information américains comme Sourcewatch ou Prwatch suivent au jour le jour les activités des professionnels du lobbying, leurs campagnes et leurs succès. Une transparence dont nous sommes loin de bénéficier en Europe. Ils ont épingle, lors de la dernière campagne présidentielle, le conseiller pour les affaires étrangères de John McCain, Randy Scheunemann, un ancien lobbyiste, qui avait été payé - cher, très cher - par la Géorgie.
Mais on y vient aujourd'hui à cette transparence. La preuve, tous ces lobbyistes qui s'affichent en tant que tels...
Je connais beaucoup de gens qui font du lobbying, mais je n'en connais guère qui emploient le mot. La plupart préféreront se présenter comme conseils en relations ou communication publique, juristes...
Où en est-on des projets de réglementation du lobbying en France ?
Notre tradition répugne à l'idée d'un mandat impératif du législateur : les élus ne devraient pas se trouver obligés à l'égard d'intérêts privés, locaux ou professionnels. Un député du Cotentin ou des Bouches-du-Rhône est censé n'être pas le député de sa circonscription, mais de la Nation entière. C'est du rêve.
Mais il y a néanmoins depuis peu une volonté d'inscrire le lobbying dans la loi. Cela fait suite à la publication du Livre bleu, que l'on doit à l'un des députés de la Commission des affaires étrangères, Jean-Paul Charié et qui veut « favoriser le lobbying au lieu de le craindre ». Nous pourrions nous diriger vers un système d'accréditation, qui donnerait un statut officiel aux lobbyistes en France et un accès réglementé auprès des législateurs.
Le pouvoir politique semble aujourd'hui voué à une certaine impuissance. D'où cette profusion d'intermédiaires qui viennent se glisser entre lui et le peuple...
Un des facteurs les plus évidents de la montée en puissance du lobbying est la prolifération des pouvoirs infra et supranationaux. Là où il y a régionalisation, décentralisation, mais aussi réglementation internationale, le lobbying est en meilleure position que face à un Etat jacobin. Ne serait-ce que parce qu'il trouve une pluralité d'interlocuteurs, voire de pouvoirs, à jouer les uns contre les autres. Par ailleurs, de la réglementation ou de l'autorisation locale jusqu'aux grandes négociations internationales, en passant par l'échelon de la loi, des conditions douanières et fiscales, des normes techniques, etc., les lobbyistes trouvent de nouveaux terrains d'action. Plus la chaîne des conséquences est longue (entendez : plus des actes ont des conséquences économiques, écologiques, sociales ou autres, sur des points éloignés, comme c'est le cas avec la mondialisation), plus il y a de leviers pour le lobbying.
Mais l'effacement du politique...
Le lobbying profite de l'affaiblissement général du politique et des grands schémas idéologiques, comme il bénéficie de la conversion des pouvoirs établis au culte de la gouvernance et de la société civile. La technicité des problèmes - environnementaux par exemple - joue dans le même sens : batailles de chiffres et anticipations supposent conflit entre expertises et interprétations. Plus l'information dont dépend la décision est complexe et abondante, plus les groupes d'intérêts peuvent les sélectionner dans un sens favorable à leurs thèses. La liste des tendances qui expliquent leclosion du lobbying pourrait se prolonger longtemps. Elle devrait aussi comprendre un facteur « sociologique » : le recrutement des cabinets de lobbyistes se fait beaucoup chez les anciens quelque chose, anciens des cabinets ministériels, des organisations internationales, des grandes agences... Il ne s'agit pas seulement d'une question de carnet d'adresses - encore que cet atout ne soit certainement pas négligeable : les élites bureaucratiques familiarisées avec les règles des administrations, leur fonctionnement mental et leurs compétences, sont tentées de rentabiliser ce capital culturel.
On est loin de la vision du lobbyiste, à laquelle on est habitué, en manipulateur de l'ombre ou en corrupteur. Je pense à ce petit chef-d'œuvre hollywoodien, Thank you for smoking, qui donne une vision peut-être caricaturale du lobbyiste, mais franchement hilarante...
Oui et non. Dans ce film, on retrouve toutes les techniques du lobbying. Le personnage, un lobbyiste pro-tabac, est d'abord un baratineur hors pair. Son slogan, c'est : « Jordan jouait au basket, Charles Manson tuait, moi, je parle. » Et son surnom : « Spin sultan », équivalent à peu près à « roi de la manip ». Quant à sa philosophie, il l'a tiré de la fameuse phrase de Barnum : « Chaque minute, une femme met au monde un nouveau pigeon. » Il dîne tous les mois avec ses deux collègues, chargés respectivement de l'alcool et des armes à feu : c'est le MDM (le club des marchands de mort), où ils comparent joyeusement leurs performances en termes de décès. Il y a du vrai dans tout cela, du moins pas tant dans la caricature que dans le cynisme affiché des personnages.
Mais aujourd'hui, le lobbying n'est plus un simple art de bien plaider une cause, si indéfendable qu'elle soit. Ni celui de s'adresser à un interlocuteur unique, le parlementaire. Ses pratiquants ont bien compris que, dans une société où tout finit en « débat de société » et où tout est soumis au pouvoir de l'opinion, il faut compter avec d'autres forces. Notamment les associations de consommateurs, les ONG, ce qu'il est convenu d'appeler « les représentants de la société civile », sans compter les médias, les groupes militants... Il ne s'agit donc pas seulement d'éloquence ou de mauvaise foi, mais aussi de réseaux, d'alliances, de stratégie indirecte.
Et pas toujours de la corruption ?
Il y a aux Etats-Unis une solide tradition de corruption des élus, tempérée par la volonté affichée de transparence. On disait autrefois en argot américain que le lobbying, c'était « bread, booze and blondes » (du fric, de l'alcool et des blondes).
Comment procède le lobbyiste, techniquement parlant ?
La gestion de l'information est devenue de plus en plus technique. Cela n'allège pas le poids du relationnel, mais le lobbyiste doit fournir un travail de recherche, autant sur les éléments du débat que sur les lieux du pouvoir. Le lobbyiste mène une double tâche, d'expertise et de production de l'agenda (art de mettre un sujet sur le tapis ou de lui faire donner la priorité). La familiarité avec les structures et procédures, l'identification du bon interlocuteur, constituent des atouts majeurs On parle maintenant d'« outsourcing ». Le lobbyiste amène l'information jusqu'au législateur.
Un attaché parlementaire, au fond...
Il arrive parfois que le législateur, surtout à l'échelon européen, les sollicite pour qu'ils participent aux projets de lois ou de règlements. Les représentants élus préfèrent souvent connaître l'opinion des lobbyistes, qui font remonter l'information jusqu'aux élus. Naturellement, c'est une information
orientée. Les lobbyistes interviennent dans le cadre de la « consultation des parties prenantes ». C'est de la « coopération ». On cherche à orienter le législateur en lui présentant les conséquences éventuelles de sa future décision, en lui apportant des « points de vue » qui ressemblent à des propositions concrètes.
La principale activité du lobbying ne s'exerce-t-elle pas aujourd'hui dans le champ législatif et administratif ?
Il est évident que plus la norme est internationalisée et technique, plus elle devient abstraite et pointue. Or, on sait que le diable se cache dans les détails. Les commissions et les bureaux de Bruxelles ne peuvent pas consulter à tous les coups les 600 et plus députés européens, du reste pas nécessairement compétents. Si les élus européens sont très loin des électeurs, les fonctionnaires le sont encore plus. Que va bien pouvoir comprendre un fonctionnaire danois chargé de traiter en anglais et en français une question qui touche les producteurs de tomates siciliens ? Pas grand-chose. Il sera forcément sensible à l'aide de lobbyistes qui présentent des options claires et excellent dans les stratégies de synthèse orientée. Selon un chiffre souvent cité, les quatre cinquièmes des directives européennes sont issus des cabinets de lobbying. Lors de la discussion sur la loi sur la modernisation de l'économie, en juin 2008, des députés français se sont indignés que les lobbyistes leur envoient des projets d'amendement tout faits qu'ils n'avaient plus qu'à recopier. À Bruxelles, cette pratique n'aurait surpris personne.
L'autre grande pratique des lobbyistes à Bruxelles, c'est l'infiltration...
Disons l'art de placer des experts amis parmi les « experts nationaux détachés », les END. Les lobbyistes trouvent parfois des alliés précieux dans les ONG. Elles peuvent être utilisées « en contre » pour faire valoir par exemple que le projet concurrent - faire venir de la viande d'un pays de l'Est -est cruel pour les animaux ou que les importations du rival risquent de provoquer une déforestation dont souffrira la population locale. Les lobbyistes sont aujourd'hui en situation d'autant plus favorable que la consultation est intégrée aux procédures du Parlement et de la Commission. On estime à quinze mille le nombre de lobbyistes à Bruxelles.
Ajoutez à cela quelque trois mille groupes d'intérêts et plus de cinq cents fédérations.
C'est le paradis du lobbying...
Un fromage sur un nuage. Ça y ressemble !
Propos recueillis par François Bousquet LECHOCDUMOIS septembre 2009
À lire : François-Bernard Huyghe, Maîtres du faire croire. De la propagande à l'influence, Vuibert, 2008
À consulter : http://www.huyghe.fr