
La Prusse apparaît ainsi comme le pays où les grandes contradictions du monde moderne ont paru se résoudre. La liberté authentique n'y a pas été vécue comme opposée à la plus stricte discipline. La volonté historique n'y a pas été entamée par l'esprit de tolérance. La conscience nationale s'y est édifiée par le moyen du sens communautaire et social. Le pays d'Albrecht l'Ours et des Teutoniques, de Fichte et de Savigny, de Hegel et de Kant, de Scharnhorst et de Bismarck, de Bebel et de Rosa Luxemburg, de Niekisch et de von Stauffenberg est à prendre en bloc – et si le débat de ces derniers mois s'est trouvé dès le départ faussé, c'est que chacun a voulu y tirer la couverture à soi, sans réaliser qu'il n'y a pas une “Prusse monarchique” et une “Prusse républicaine”, une “Prusse réactionnaire” et une “Prusse révolutionnaire”, une “Prusse des Teutoniques” et une “Prusse des Lumières”, mais une seule et même Prusse, dont l'histoire est illuminée et comme symbolisée par la figure, elle-même “contradictoire” au plus haut degré, de ce grand “despote éclairé”, célébré par Thomas Mann, que fut Frédéric II, une seule et même Prusse dont les contradictions font à la fois la normalité, la richesse et l'exemplarité (2).
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