Parallèlement, cet économisme a donné naissance à une conception de la citoyenneté vidée de sa substance politique. Reposant sur l'idéologie transnationale des droits de l'homme, indépendamment de toute inscription territoriale particulière, cette citoyenneté ne se définit plus par la capacité de participation politique, mais par la jouissance de droits-créances dans le domaine économique ou social et par la constitution d'un espace juridique unifié, le rôle de l’État étant réduit à sa capacité «providentielle» de gestion et de redistribution des biens collectifs. Il est évident que, dans cette dernière conception de la «citoyenneté», la différence de situation, dans un pays donné, entre les nationaux et les étrangers en situation régulière devient imperceptible : tout projet politique commun ayant été évacué, la seule résidence à titre de consommateur ou d'usager ouvre droit à la citoyenneté(11).
En 1992, avec le traité de Maastricht, on est passé de la Communauté européenne à l'Union européenne. Ce glissement sémantique est lui aussi révélateur : ce qui unit est moins fort que ce qui est commun. Le passage d'un terme à l'autre, comme l'a remarqué René Passet, « consacrait la primauté des impératifs du libre-échange sur ceux du rapprochement des peuples »(12).
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