Obama se rend en Belgique pour un discours sur les relations transatlantiques, dont le traité est de plus en plus critiqué. Et pour cause : il est loin d’assurer une vraie protection et l’Europe a davantage tendance à être lésée.
ALENA : Accord de libre échange nord-américain. Ce traité, devenant pour l’Europe le TTIP (Partenariat transatlantique pour le commerce et l’investissement) dont il est le laboratoire, est entré en vigueur le 1er janvier 1994. Il a créé une zone de libre-échange entre les Etats-Unis, le Canada et le Mexique et a notablement favorisé les exportations canadiennes et mexicaines vers les Etats-Unis, mais la crise économique 2008-2010 les ont fait chuter. Confronté à l’opposition de groupes altermondialistes, ALENA a fait l’objet de nombreuses critiques : dépendance économique du Mexique vis-à-vis des Etats-Unis, agriculture dévastée, effets négatifs des envois de fonds, délocalisations d’emplois…
Elargir ce type de traité à l’Europe soulève plusieurs questions auxquelles Christian Harbulot répond ci-après dans un article publié par Atlantico.fr et qui nous est communiqué par un de nos correspondants.
Polémia
Atlantico : Barack Obama passera la journée du 26 mars en Belgique, à l’occasion d’une rencontre politique avec l’Union européenne. L’unique discours que devrait donner le Président américain concerne les relations transatlantiques. Le traité transatlantique est supposé induire une harmonisation progressive des normes en vigueurs, mais fait l’objet de vives critiques. Pourquoi ? Dans quelle mesure peut-il représenter un danger pour l’Europe ?
Christian Harbulot : Le traité transatlantique représente un danger pour l’Europe, dans la mesure où le système qui est appliqué dans le cadre de l’ALENA (qui peut apparaitre comme un laboratoire qui sera transposé ensuite dans le cadre européen) est un système qui, de fait, favorise les Etats-Unis. Pour des raisons tant juridiques et financières que normatives. Il faut comprendre que les Etats-Unis se sont préparés à ce type de système et qu’ils sont dominants dans l’application de ces trois types de sujets. Arrêtons-nous un instant sur cet aspect juridique, dont on parle malheureusement trop peu. Il y a là une dimension stratégique du droit, qui s’explique par la taille critique prise par les cabinets anglo-saxons. En France, en 30 ans, ces cabinets sont passés de 15% à plus de 80% des parts de marché. Ces cabinets ont une attitude qu’on peut qualifier d’ambigüe, en cela qu’ils ont une attitude particulièrement critique face aux mesures protectionnistes, voire défensives, que pourraient prendre un pays comme la France (on l’a vu dans le cadre des OPA de l’affaire Florange), tandis que ces mêmes cabinets ne formulent aucune critique à l’égard de mesures similaires, si pas plus protectionnistes encore quand elles ont lieu aux Etats-Unis. Cette ambiguïté est parfois traduit comme une forme d’hypocrisie par certains.
Prenons aussi l’exemple du tribunal arbitral, présenté comme un risque un peu générique et qui devraient profiter plus aux entreprises qu’à l’intérêt général. Dans les faits, le problème est plus compliqué et ne se limite pas au simple problème entreprise-état. Quand on a bien étudié le fonctionnement de l’ALENA, on réalise que les Etats-Unis font jouer cette masse critique, qu’ils ont bâtie pour défendre leurs intérêts. Autant ceux de firmes multinationales que ceux du système Nord-Américain, au dépend de celui des autres, comme dans le cas du Canada et du Mexique. Il faut craindre une organisation semblable des rapports entre les Etats-Unis et l’Europe.
Nous Français avons pris l’habitude, en termes de défense des intérêts français, de nous focaliser sur certains dossiers, comme celui de la politique agricole commune. Parce que nous nous focalisons sur ces dossiers, nous en abandonnons d’autres, et pire encore, nous n’anticipons pas sur les dossiers majeurs. Quelle anticipation sur ce monde immatériel, en émergence ? Aucune. Pour la première fois de l’histoire de l’humanité, on va travailler non plus sur un mais sur deux mondes. Il y a les enjeux de l’économie numérique, de celle de la connaissance. Pour l’heure, il y a un déficit très fort de définition de la stratégie qu’un état comme la France devrait avoir, d’abord pour la France et ensuite au sein du débat européen. C’est là que se situe le déficit, dans le sens où les Etats-Unis ont déjà noué certains contacts dans les zones privilégiées (nord de l’Europe, certains pays de l’Est), qui visent à asseoir leur influence. Il n’y a pas nécessairement harmonie, ou même similitude d’intérêt au sein de l’Union Européenne.
Face à ce danger, comment réagissent les états membres ? Finalement, à qui la faute ? S’agit-il des Etats-Unis qui ne jouent pas franc-jeu, ou bien des membres de l’UE qui n’ont pas de vision politique et stratégique suffisante ? Comment est-ce que cela peut profiter aux USA ?
Il y a effectivement un double langage du côté des Etats-Unis. D’une part, pour faciliter ce marché transatlantique, ils souhaitent effectivement plus de liens et des liens plus ouverts. D’autre part, ils ne veulent pas perdre leurs avantages acquis ; comme le small business act qui ne rejoindra certainement pas la corbeille de la mariée. Ils feront très attention à préserver un certain nombre de dispositions, qui sont en fait de nature protectionniste.
Dans le même temps, le problème vient également du fait que nous n’avons pas une position unitaire, en Europe. Chacun va défendre ses propres intérêts et on voit bien certaines divergences qui affectent certains états. La question se pose : comment négocier avec un état qui, lui, a une vision unitaire comme les Etats-Unis, alors qu’en face, nous arrivons en ordre dispersé ? Il n’est pas possible de négocier à part égale, et dès lors il n’est pas non plus possible de tirer notre épingle du jeu.
Une des questions vitales, c’est de se mobiliser à la hauteur des enjeux. La gouvernance internet est un enjeu stratégique, pas un débat technique. Je crains que, pour l’instant, notre ministre des affaires étrangères n’ait pas pris la mesure de cet enjeu stratégique. Si Laurent Fabius en prend la mesure, il doit se rendre à Ryo, en personne. Et s’il s’y rend, il faut qu’il dise des choses pertinentes : sur cette question, cela signifie que l’Europe et la France doivent tenir compte des contrecoups de l’affaire Snowden et défendre une position face aux Etats-Unis qui ne soit pas une position suiviste. L’Europe doit récupérer son autonomie stratégique.
Les Etats-Unis ont tout intérêt à signer un traité qui soit le plus linéaire possible, soit un traité qui ne fasse ressortir que des questions d’ordre technique. Un traité transatlantique dans lequel on aborde des questions d’ordre stratégique sous l’angle technique entrainerait un déséquilibre favorable aux USA. Il est clair que nous perdrions du terrain, et pas seulement en termes de marchés : sur des questions essentielles comme la définition de l’intérêt général, ou de rapport aux modes de vies. Nous n’avons pas du tout la même approche que les Etats-Unis sur le rapport entre l’agroalimentaire et la santé publique. Il y a en Europe des critères différents. Ça n’est pas pour autant le type de contradiction qu’on pourrait faire ressortir lors des négociations. Il est même possible, via l’approche technique, qu’on cherche à les lisser, de façon à pouvoir faire passer ces différences comme de simples approches normatives différentes.
Qu’en est-il des protections annoncées dans le traité ? Barack Obama se fait-il véritablement le blanc chevalier protecteur des marchés et de l’échange Européen ? Le constat brossé est résolument sombre, mais n’avons-nous rien à y gagner ?
La seule chose que nous avons à gagner à cette entente, c’est une alliance entre Etats-Unis et Europe, face à la Chine. Et sur ce terrain-là, les USA ont compris qu’ils avaient besoin d’un traité transatlantique pour ne pas être laminés par la Chine. Il faudra donc être attentif à ce qui sera négocié, puisque le véritable enjeu se porte contre la menace économique que représente la Chine. Là, effectivement, on peut gagner un certain nombre de choses. Il est très important d’imposer à la Chine des règles qu’elle ne respecte pas forcément. Il n’est pas normal que la Chine continue à laisser contrefaire des produits comme les médicaments (avec tous les risques qui y sont inhérents), ou la contrefaçon de marques de luxe. C’est une nécessité absolue que de les obliger à respecter ces principes. Ce traité pourrait nous aider à, au moins, les amener à un autre type de rapport de force que celui qui prévaut en ce moment.
Quels sont les moyens dont nous disposons aujourd’hui pour nous protéger de ce traité ? Et, à termes, qui va devoir en payer les frais ?
Une des manières de ne pas être pénalisé par ce traité sommeille dans les forces de la société civile, qui doivent jouer un rôle de lanceur d’alerte. Pas comme les ONG type Greenpeace : il faut que la société civile s’exprime sur des problématiques où elle est légitime. Dans l’économie de la connaissance, sur les normes éducatives… Il est vital que nous ne soyons pas aussi démunis qu’aujourd’hui. L’Europe doit pouvoir défendre des intérêts précis : la CNIL ne suffit pas face à ce genre d’enjeu. L’Europe devrait développer son propre réseau internet. Il faut s’emparer de ce sujet du monde immatériel, comme on a pu le faire à propos des voies maritimes par le passé. C’est aussi important, et pour l’instant nous n’y avons pas accès. Au travers des sociétés civiles, on pourra passer outre le déficit des politiques et des entreprises pour rendre les états légitimes à porter ces sujets.
Il est évident, également, qu’une Europe incapable de faire en sorte qu’il y ait un changement nous coûtera cher à nous, contribuable. Qu’il s’agisse de l’éducation de nos enfants, de la notion d’e-commerce ou même d’échange marchands dans ce monde immatériel. Si nous ne réfléchissons pas à ça, c’est notre indépendance qui est mis en danger.
Christian Harbulot, 26/03/2014
Source : Atlantico.fr
Christian Harbulot est historien, politologue et expert international en intelligence économique. Directeur associé du cabinet Spin Partners, il est également directeur de l’Ecole de Guerre Economique, membre fondateur du nouvel Institut de l’intelligence économique. Il est l’auteur de La guerre économique (PUF, Que sais-je ?, 2010).Correspondance Polémia – 30/03/2014
http://www.polemia.com/accord-de-libre-echange-transatlantique-les-europeens-ont-la-memoire-et-la-vue-courte-en-croyant-aux-promesses-damitie-dobama/
économie et finance - Page 659
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Accord de libre échange transatlantique : les Européens ont la mémoire et la vue courte en croyant aux promesses d’amitié d’Obama
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Municipales : pourquoi les impôts locaux vont augmenter après le scrutin
C’est historique : les communes augmentent les impôts locaux après une élection. Les maires nouvellement élus sont confrontés à une baisse de leurs recettes et des promesses électorales à prévoir.
« C’est historique ! Une grande majorité des communes augmente les impôts locaux l’année qui suit une élection », avance Olivier Bertaux, fiscaliste pour l’association Contribuables associés.
« Les impôts locaux augmentent tous les ans mais ces hausses sont généralement plus importantes au lendemain des scrutins », précise l’auteur de plusieurs ouvrages sur l’histoire des impôts. Avant les municipales, la plupart des maires a préféré stabiliser les impôts mais leurs dotations diminuent, un effet rattrapage doit donc avoir lieu au lendemain du scrutin, explique le spécialiste.
Ainsi, en 2009, un an après les dernières élections municipales, les taux des taxes d’habitation et foncière avaient progressé en moyenne de 3,8% dans les communes de plus de 100.000 habitants. Ils avaient ensuite augmenté dans de moindres proportions pour être quasiment stables l’an passé. [...]
La suite surLe Figaro
http://www.actionfrancaise.net/craf/?Municipales-pourquoi-les-impots
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Le nouveau capitalisme criminel
Entretien avec Jean-François Gayraud réalisé par Pierre Verluise
Jean-François Gayraud est haut fonctionnaire de la police nationale. Il a publié Le nouveau capitalisme criminel, Le Monde des mafias. Géopolitique du crime organisé, Showbiz, people et corruption, La Grande Fraude. Crime, subprimes et crises financières et Géo-stratégie du crime (avec François Thual). P. Verluise est Directeur du Diploweb.com.
Géopolitique du capitalisme criminel. Le Commissaire divisionnaire Jean-François Gayraud vient de publier un ouvrage remarquable : "Le nouveau capitalisme criminel. Crises financières, narcobanques, trading de haute fréquence", aux éditions Odile Jacob. Il répond aux questions de Pierre Verluise, Directeur du Diploweb.com.
Pierre Verluise : Quelle est la part de la criminalité dans la crise financière de 2007-2008 ?
Jean-François Gayraud : Pour comprendre ce qui s’est produit en 2008 avec la crise des subprimes, il faut d’abord diagnostiquer le contexte global. Quel est-il ? Le capitalisme s’est profondément ré-agencé à partir des années 1980, aux Etats-Unis et ailleurs, à partir d’une doxa néo libérale. Le nouveau visage du capitalisme comporte depuis des dynamiques et des vulnérabilités aux comportements criminels particulièrement fortes. Ce capitalisme est devenu excessivement dérégulé, mondialisé et financiarisé. Ces trois caractéristiques font que ce capitalisme est désormais criminogène : il recèle des incitations et des opportunités aux fraudes d’une intensité nouvelle. La crise financière s’est déclenchée aux Etats-Unis à partir d’un petit secteur financier : le marché de l’immobilier hypothécaire. La bulle immobilière fut en partie gonflée par des pratiques de crédit totalement frauduleuses ; des centaines de milliers de prêts furent perclus d’infractions toutes simples : faux en écriture, abus de confiance, escroqueries, abus de faiblesse, etc. Par le biais du mécanisme de la titrisation et d’agences de notation complaisantes ou franchement malhonnêtes, ces fraudes se sont retrouvées dans les fameux « produits financiers innovants » vendus sans devoir de précaution et de conseil sur les marchés à Wall Street. La bulle boursière s’est ainsi à son tour formée à partir de véritables fraudes. C’est pourquoi la crise des subprimes peut être rebaptisée sans exagération de crise des subcrimes . L’analyse criminologique que je propose ne relève donc pas de la métaphore facile par laquelle « fraude » serait simplement le synonyme de « prédation ». Il s’agit de vrais crimes, mais qui n’ont pas reçu de décantations judiciaires sérieuses ! D’ailleurs, le rapport de la grande commission d’enquête du Sénat des Etats-Unis (FCIC) qui est venu ensuite autopsier cette crise utilise le mot « fraude » 147 fois ! Est-ce vraiment un hasard ? J’ai analysé la crise des subprimes sous cet éclairage criminologique dans La grande fraude (Odile Jacob) en 2011. Et je me livre dans Le nouveau capitalisme criminel (Odile Jacob, 2014) à un exercice similaire pour d’autres crises financières issues de la dérégulation : Japon, Mexique, Albanie, etc.
Pierre Verluise : Votre approche est innovante, me semble t-il ?
Jean-François Gayraud : Je tente depuis ces dernières années de donner corps à une véritable « géopolitique et géo économie du crime ». Je souhaite que la criminologie sorte d’une certaine torpeur, d’un certain vase clos, afin qu’elle prenne le grand air de la modernité et des grands espaces de la mondialisation. Le crime est désormais une réalité centrale de la modernité et non une marge folklorique. Dans Le nouveau capitalisme criminel, j’entreprends à nouveau d’éclairer des phénomènes de niveau macro économique, en l’occurrence ici des crises financières, avec la lumière criminologique. Je ne sous estime pas combien une telle entreprise peut se heurter à de multiples objections, en particulier en France où la réflexion sur le crime est monopolisée par une sociologie criminelle misérabiliste, obsédée par la « culture de l’excuse » et qui ne sait même plus lever la tête pour s’intéresser aux crimes élitistes : ceux des élites légales mais aussi ceux des élites du crime. Les cloisonnements disciplinaires traditionnels dans les milieux académiques et un positivisme un peu étroit consubstantiel à la pensée économique font que le crime est rarement invité dans la réflexion globale. C’est à mon sens un oubli mortifère car on s’interdit de porter un diagnostic juste sur certaines pathologies issues de la modernité post guerre froide.
Pierre Verluise : Depuis la crise, la régulation a-t-elle vraiment progressé ?
Jean-François Gayraud : Non. Toutes les lois votées sont purement cosmétiques. Elles n’ont pas su ou pas pu toucher à l’architecture et à l’économie du système financier international, en particulier dans ce qu’il a de plus déviant et criminogène.
Les modifications apportées ne relèvent pas du changement de cap. Les législateurs européens et américains se sont contentés de rajouter des canots de sauvetage autour du Titanic. Canots qui bien évidemment ne profiteront qu’aux premières classes lors de la prochaine crises financière. Ce qu’il faut comprendre, c’est que, d’une certaine manière, il n’y a jamais de « crise financière » stricto sensu ; il n’y a que des crises politiques : il faut en effet interroger les dispositifs normatifs et les politiques publiques qui en amont mettent en place des systèmes aussi dérégulés et criminogènes. Et à ce stade du raisonnement il convient alors de comprendre comment sont votées les lois de dérégulation et comment se font les élections ? D’où vient l’argent des campagnes électorales et quel est le poids du lobby de la finance ? Les principes mortifères issus du fameux « consensus de Washington » ne tombent pas de la planète Mars ! La finance impose désormais un rapport de force – feutré en apparence mais violent en coulisse - aux pouvoirs politiques contemporains. Nombre d’Etats sont littéralement « capturés » par les puissances financières. Et ce phénomène ne touche pas que les seuls « paradis fiscaux et bancaires » ! Le phénomène est central aux Etats-Unis. Par exemple, qui est le premier employeur en France des inspecteurs des finances ? Bercy ou les quatre grandes banques universelles qui font habituellement notre fierté ? Cela crée sans nul doute possible, de manière mécanique, de subtiles convergences de vues aux conséquences profondes....
Pierre Verluise : Pourquoi le trading de haute fréquence pourrait-il provoquer de nouveaux effondrements partiels ou systémiques ?
Jean-François Gayraud : Sans débat public, à bas bruit, les marchés financiers fonctionnent depuis une vingtaine d’années autour d’ordinateurs et d’algorithmes surpuissants, dans un monde plus proche des romans de Philipp K. Dick que des récits balzaciens. A la très grande vitesse de la nanoseconde, des centaines de milliers de transactions irriguent en continu les plate formes boursières dispersées sur toute la planète. Or cette équation "très grands volumes" et "très grande vitesse" produit de l’invisibilité sur les marchés ; une invisibilité telle que les régulateurs en charge de la police des marchés sont devenus quasi aveugles. Le THF n’est pas qu’un outil ; ou plus précisément, comme tous les outils, il n’est pas neutre. Comme toute technique, quelqu’en soit l’utilisation bonne ou mauvaise, elle transforme profondément tant l’architecture que le fonctionnement des marchés financier contemporains. Les très grandes banques et les fonds spéculatifs, qui sont les acteurs centraux du "THF", expliquent que cette technique est utile et saine. On ne peut que douter, me semble t-il, de l’utilité sociale de cet outil, mais c’est un débat macro-économique hors de mon coeur de sujet. En revanche, le "THF" pose trois séries de problèmes relevant clairement de la sécurité nationale. Et ces trois questionnements ne sont jamais exposés. D’abord, l’outil du "THF" ne peut que développer les fraudes financières à grande échelle : leur invisibilité matérielle et intellectuelle risque en effet d’être un encouragement permanent aux mauvaises pratiques et pour les mauvais acteurs. Ensuite, pour sortir du cadre pénal, on peut s’interroger sur l’économie même de cette technique : n’a-t-on pas légalisé le délit d’initié, encouragé la concurrence déloyale et institutionnalisé la spéculation criminelle ? Enfin, on sait que les marchés financiers fonctionnant avec le "THF" subissent des tensions constantes ; déjà, des effondrements se produisent régulièrement : parviendra-t-on à contenir les suivants ?
Pierre Verluise : Pourquoi, à ce jour, la lutte contre l’argent sale reste-t-elle un échec flagrant ?
Jean-François Gayraud : Les Etats ne parviennent à capter que moins de 1% de l’argent sale. Pourquoi ne le dit-on pas ? Pourquoi une telle omerta ? J’essaye de détailler les causes profondes, structurelles, de cet échec, au delà des petites explications ponctuelles et techniciennes que l’on nous assène en général. Il y a me semble t-il trois raisons majeures que je ne vais ici qu’effleurer. L’une est temporelle et historique : ce combat est très récent ; il n’a vraiment pris une certaine consistance que depuis la fin des années 1990. La deuxième est plus géopolitique : l’existence de dizaines d’Etats pirates à travers le monde, de type paradis fiscaux et bancaires, qui constituent autant de trous noirs permanents dans la raquette de la régulation et du contrôle. Enfin, il y a une causalité relevant du droit : nous autorisons ou laissons se développer les instruments juridico financiers d’opacification et d’anonymisation de la propriété du capital que sont par exemple les trusts et autres fiducies.
La question du blanchiment d’argent est centrale car l’argent recyclé dans l’économie légale permet au crime non seulement de jouir de ses profits mal acquis, mais surtout d’acquérir des parts de l’économie et de la finance légales ; et par conséquent de se doter face aux pouvoirs élus d’une position haute. Contrairement à ce que nous assène la doxa libérale dans sa version la plus fondamentaliste, l’argent du crime n’est jamais neutre : il est faux de considérer que Pecunia non olet. En se blanchissant d’un point de vue formel, en se légalisant, l’argent du crime vient griser voire noircir les institutions légales, quelles soient politique, économiques ou financières. C’est tout le biotope démocratique qui en est bouleversé. Ce qui semble se blanchir noircit en réalité notre monde légal. Ces transformations invisibles sont comme toujours les plus profondes et les plus durables, donc les plus dangereuses.
Source : Diploweb : http://www.diploweb.com/Le-nouveau-capitalisme-criminel.html
Jean-François Gayraud, Le nouveau capitalisme criminel. Crises financières, narcobanques, trading de haute fréquence, aux éditions Odile Jacob, 2014, 368 pages. ISBN : 9782738130723
Financiarisé, mondialisé et dérégulé à l’excès, le capitalisme n’est-il pas devenu criminogène, tant il offre désormais d’opportunités et d’incitations aux déviances frauduleuses ?
C’est ce qu’indique la dimension criminelle qu’ont prise certaines crises financières, au Japon, en Albanie, en Espagne ou encore au Mexique et en Colombie. C’est ce qu’implique l’extension du trading de haute fréquence, qui permet de négocier à la nanoseconde des milliers d’ordres de Bourse. Et c’est enfin ce qu’induit le blanchiment d’argent sale à travers les narcobanques.
Éclairant toujours plus profondément la géo-économie et la géopolitique du crime organisé, Jean-François Gayraud montre ici que, sur les marchés financiers, le crime est parfois si systématique qu’il en devient systémique dans ses effets. De curieuses coopérations et hybridations se nouent ainsi entre criminels en col blanc, gangsters traditionnels et hommes politiques corrompus.
Il s’interroge aussi sur le devenir de la finance : portée par sa seule volonté de puissance, par-delà le bien et le mal, n’est-elle pas en train de s’affranchir de la souveraineté des États ? Dès lors, face à des puissances financières aux arcanes si sombres, quelle liberté reste-t-il ?
Voir sur le site des éditions Odile Jacob : http://www.odilejacob.fr/
http://www.voxnr.com/cc/dt_autres/EFAyEuZyZVUhTjTUYd.shtml -
Pourquoi les ministres n'ont diffusé ni revenus ni feuilles d'impôts ?
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L'huile de Palme, un poison dans notre assiette ?
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2014 ne sera pas "l'année du dollar".
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UE-États-Unis : Vers un marché transatlantique
par Guy C. Menusier
Les chefs d’État ou de gouvernement de l’Union européenne et des États-Unis se réuniront à Bruxelles le 26 mars. Ils poursuivront la négociation d’un nouveau partenariat transatlantique, dont l’ampleur et le secret nourrissent de multiples suspicions.
Les Français, comme nombre d’Européens, n’ont pas encore digéré la disparition des frontières douanières au sein de l’Union européenne que, déjà, s’ouvre la perspective d’un plus vaste marché qui dépouillerait un peu plus les États de leurs compétences régulatrices. Le 26 mars à Bruxelles doit, en effet, se tenir une conférence réunissant le président états-unien Barack Obama et les dirigeants européens, l’objectif étant de jeter les bases d’une vaste zone de libre-échange entre les États-Unis et l’Union européenne.
Un gros morceau
L’enjeu est considérable. Au terme de négociations engagées depuis plusieurs mois, dans une exceptionnelle opacité, un texte pourrait être finalisé d’ici à la fin de l’année. Pour autant que les intéressés – politiques, consommateurs, syndicats – ne se rebellent pas d’ici-là. Ce traité Tafta (Trans-Atlantic Free Trade Agreement) tend donc à l’élimination de tous les droits de douane sur les échanges bilatéraux (entre les États-Unis et l’UE). Ce qui n’est pas anodin, sur le plan des principes comme sur celui de la pertinence commerciale, sociale et environnementale. Certes, il ne faut pas peindre le diable sur la muraille. Un accord de partenariat a déjà été signé entre l’Union européenne et le Canada, un autre est prévu avec le Japon. Dans tous les cas, il existe quelques avantages réciproques, mais il faut bien admettre que les États-Unis représentent un gros morceau, économique et politique, avec une doctrine libérale bien affirmée et empreinte de prosélytisme, à laquelle nos néo-sociaux-démocrates ne sont d’ailleurs pas insensibles. D’où de légitimes inquiétudes en ce qui concerne les capacités concurrentielles des entreprises françaises ou encore la sécurité alimentaire.
Acteur effacé du processus en cours, François Hollande éprouve des difficultés à se positionner officiellement. Conscient des risques politiques que comporte cet engagement vers toujours plus de libéralisation du commerce international, le président de la République a promis d’être vigilant quant aux « principes de la politique agricole » et s’agissant de l’exception culturelle. On voudrait bien le croire, mais quand on connaît la soumission de François Hollande aux diktats états-uniens, il est permis d’être dubitatif. D’autant que les dirigeants français pourront toujours se défausser sur la Commission européenne, qui a reçu un blanc-seing du Parlement européen et des États membres pour conduire les négociations avec les Américains.
Voile de mystère
Le texte de l’accord préalable sera rendu public au terme du sommet du 26 mars. Car, aussi étonnant que cela puisse paraître après trois sessions de pourparlers, l’évolution des discussions est demeurée entourée d’un voile de mystère. Le secret entretenu jusqu’à présent de part et d’autre est en tout cas de nature à nourrir les imaginations et à susciter des craintes. La méthode retenue par Barack Obama – une procédure accélérée sans amendement pour la ratification du traité par le Congrès – n’est pas pour rien dans l’actuel climat de suspicion.
Produits sensibles
D’après des informations fragmentaires, l’UE serait prête à lever 96 % des droits de douane existants, ne les maintenant que pour des "produits sensibles" comme le bœuf, le porc et la volaille. De leur côté, les États-Unis proposeraient de lever environ 90 % de leurs droits de douane sur le commerce transatlantique. L’énumération par Bruxelles des produits dits sensibles mérite attention. Rien ne garantit que les Américains accepteront en fin de compte ces exceptions. Mais, en l’état présent, cette réserve permet de désamorcer en partie des mécontentements qui restent circonscrits aux associations pro-environnementales et aux militants d’Attac, lesquels rejettent « le poulet chloré, la viande aux hormones et les organismes génétiquement modifiés ». Autrement dit, la malbouffe à la sauce mondialisée. Outre la libre circulation de produits de consommation, le grand marché transatlantique, incluant les investissements, pourrait favoriser le développement de pratiques et ressources jusqu’alors régulées ou même interdites en France, comme l’exploitation du gaz de schiste. Car le commerce possède sa propre dynamique qui bien souvent finit par se jouer des normes et règles prescrites par des politiques velléitaires. À Bruxelles, Obama se propose en outre d’évoquer des sujets aussi divers que le changement climatique, la question ukrainienne ou l’espionnage des "alliés" par la NSA. Pour un enfumage maximal.
http://www.actionfrancaise.net/craf/?UE-Etats-Unis-Vers-un-marche
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Ce n’est pas une farce : Gaz : la "taxe carbone" arrive le 1er avril
Le 1er avril, les ménages français seront soumis à une nouvelle taxe sur la consommation de produits énergétiques polluants, qui alourdira leur facture de gaz, même si le gouvernement a prévu des compensations pour les plus modestes.
Les ménages étaient jusqu’ici exemptés de la taxe intérieure sur la consommation de gaz naturel (TICGN), collectée depuis 1986 par les fournisseurs de gaz auprès de leurs clients et reversée à l’Etat. Elle est l’équivalent pour le gaz des taxes intérieures de consommation perçues sur les carburants, le fioul ou le charbon.
Mais le gouvernement a décidé de mettre fin à cette exception, dans le cadre de la mise en place de la contribution climat énergie (CCE), sorte de "taxe carbone" qui consiste à lier en partie les taxes sur les énergies polluantes à leurs rejets de gaz carbonique.
Selon le ministère de l’Ecologie et de l’Energie, le montant de la taxe a été fixé à 1,41 euro par mégawattheure à compter du 1er avril.
Elle sera ensuite relevée à 2,93 euros en 2015, et 4,45 euros en 2016.
http://www.actionfrancaise.net/craf/?Ce-n-est-pas-une-farce-Gaz-la-taxe
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Garde à vue supprimée par Taubira : l’espèce d’icône veut finir en beauté !
Le garde des Sceaux, zombie politique d'un mois de mars où son image de perroquet moraliste a pris un sale coup, finit de faire le « boulot » ces jours-ci.
Après des mois d’orgie laxiste, passés à faire en sorte que le maximum de taulards puissent de nouveau humer le bon air du dehors, le festival Christiane Taubira se termine littéralement en feu d’artifice. Le garde des Sceaux, zombie politique d’un mois de mars où son image de perroquet moraliste a pris un sale coup, finit de faire le « boulot » ces jours-ci. Du moins, c’est à espérer, car on n’imagine pas qu’elle conserve son poste au lendemain du désastre électoral qui s’annonce !
Alors tant qu’à faire, le ministre pousse le bouchon le plus loin possible, quitte à écœurer encore un peu plus le monde judiciaire : au nom du gouvernement Ayrault, à l’aide d’une « procédure accélérée » (amendement adopté au Sénat le 24 février dernier), elle projette en effet de supprimer la garde à vue de 96 heures pour escroquerie en bande organisée !
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Lyon : les candidats face au lobby LGBT
Monsieur Havard, candidat UMP, a pourtant signé la charte LMPT pour les Municipales (après avoir tenté à plusieurs reprises de l'amender à sa sauce, avant d'y souscrire).