Maxence Hecquard, auteur des Fondements philosophiques de la démocratie moderne (éd. F-X. de Guibert), est aussi un homme d'affaires expérimenté qui connaît bien les marchés de capitaux.
Monde et Vie : Maxence Hecquard, la crise économique a connu cet été une nouvelle étape. Pensez-vous que nous soyons à la veille d'un effondrement du système ?
Maxence Hecquard : Non. Cette crise est grave, mais ne signifie pas encore à mon sens la ; fin du monde capitaliste, malgré ses turpitudes comme le montant astronomique des dettes extérieures des États.
Que se passe-t-il aujourd'hui ? Les investisseurs, c'est-à-dire le marché, prennent conscience que la dette d'un certain nombre d'Etats pourra difficilement être remboursée. En effet, ces États ne produisent pas suffisamment de richesses pour assurer à la fois le service de leur dette extérieure et le fonctionnement normal de leur économie. C'est le cas de presque tous les pays développés - y compris la France -, qui vivent depuis 30 ans au-dessus de leurs moyens, avec un endettement qui, en termes de pourcentage de leur produit intérieur brut (PIB), s'accroît structurellement.
Il faut se souvenir que la dette est à la fois un stock - son volume - et un flux. En effet chaque année, une partie de la dette arrive à échéance et doit être renouvelée : on crée donc une nouvelle dette pour rembourser la première et financer les affaires courantes. À cette occasion, les investisseurs prêtent de nouveau et fixent un nouveau taux d'intérêt, qui suit les aléas généraux des marchés internationaux. C'est ce mécanisme qui crée des difficultés. Car si les investisseurs prennent brusquement conscience qu'un emprunteur, en l'occurrence un État, est insolvable ou risque de le devenir, ils réclament un taux d'intérêt plus élevé pour couvrir ce risque de défaut. On entre alors dans un cercle vicieux : les intérêts augmentant, le pays est obligé de s'endetter encore davantage pour les payer et finalement n'arrive plus à rembourser le capital. C'est ce qui s'est produit en Grèce. Et si la prise de conscience s'étend à d'autres pays - on parle de ceux de l'Europe du Sud, la France n'étant pas à l'abri avec une dette représentant environ 80 % de son PIB -, les taux d'intérêt de leurs dettes montent brusquement, reproduisant le même mécanisme infernal.
La nouvelle dette sert exclusivement a payer les intérêts de la vieille dette
Les États-Unis sont dans la même situation et viennent de perdre leur note AAA. C'était inévitable puisque, depuis plusieurs années, leur nouvelle dette sert exclusivement à payer les intérêts de la vieille dette. Ils s'enfoncent ainsi dans un mécanisme de surendettement, qui ne peut pas durer éternellement.
Pourtant ce phénomène dure depuis des décennies : comment est-ce possible ?
C'est fondamentalement un problème monétaire. Si les États-Unis ont pu s'endetter autant, c'est parce que, depuis l'abandon de l'étalon-or, ils peuvent créer de la monnaie pour assurer les remboursements de leur dette. Le mécanisme des changes flottants permet ainsi à certains de s'endetter massivement tant qu'ils trouvent des prêteurs. Le Japon a financé pendant des décennies les déficits américains et c'est la Chine qui le fait aujourd'hui. L'augmentation de la masse monétaire en dollars, avec la dépréciation qui en résulte, a permis les remboursements réguliers de la dette américaine. L'Europe a imité les États-Unis. C'est parce que le dollar et l'euro ne sont plus convertible en or que l'Occident a pu s'endetter massivement. Mais les marchés ont brusquement pris conscience de ces risques souverains et se sont aperçus qu'il n'était pas exclu que des États occidentaux fassent défaut. D'où la nervosité qui incite beaucoup d'investisseurs à refuser de souscrire à de nouvelles dettes et à vendre les bons du trésor. Ils leur préfèrent les valeurs-refuge : or, immobilier, œuvres d'art, etc.
Une crise des finances publiques entraînerait une crise générale de liquidité, qui se traduirait par une récession mondiale, avec pour conséquence des faillites d'entreprises en chaîne et la chute des marchés boursiers.
Par ailleurs, dans une économie mondialisée, les difficultés d'un acteur sont ressenties dans toute la planète. La mondialisation se traduit donc fatalement par une multiplication des crises.
Néanmoins, le système financier international est extrêmement solide et ce n'est pas la première crise financière qu'il traverse - il s'en est produit tout au long du XXe siècle.
Puisque vous avez posé le diagnostic, examinons les remèdes. Par quels moyens pourrait-on sortir de la crise actuelle ?
Il existe plusieurs manières de traiter le surendettement.
La manière simple et honnête consiste, lorsque l'on a vécu au-dessus de ses moyens, à réduire son train de vie, sa consommation et à accroître son épargne pour rembourser ses créanciers. C'est la politique de rigueur imposée à la Grèce et que l'on envisage aujourd'hui de mettre en œuvre dans l'ensemble des pays occidentaux. Malheureusement je crains que cette politique soit inefficace aujourd'hui. En effet elle reviendrait à mettre le commun des citoyens au pain sec et à l'eau pour rembourser les dettes, alors que les dépenses somptuaires engagées par les pays occidentaux depuis 30 ans n'ont pas profité à toute la population.
Cette politique de rigueur aurait donc un coût social et politique important, difficile à gérer pour les équipes gouvernantes et dont les limites pourraient s'éprouver dans la rue. Les désordres sociaux seraient aggravés par la mauvaise assimilation de populations immigrées souvent désoeuvrées, comme nous l'avons vu récemment en Angleterre. En outre, la disproportion entre la masse des dettes à rembourser et les capacités d'épargne des parties les moins favorisées de la population et même des classes moyennes rend inopérant ce moyen de désendettement, pourtant le plus naturel.
Une seconde solution consisterait à faire défaut, en disant aux créanciers : nous n'avons pas les moyens de vous rembourser, donc nous vous demandons un rééchelonnement des dettes. C'est ce qu'ont fait la Russie en 1998, le Brésil en 1999 et l'Argentine en 2002. Il me paraît cependant difficile d'envisager une telle issue pour des pays nord-américains ou européens, car un défaut officiel entraînerait mécaniquement des provisions sur les bilans des banques, qui sont des détentrices importantes des dettes souveraines de ces pays. Il s'ensuivrait une faillite théorique des banques occidentales très compliquée à gérer par les banques centrales.
Mutualisation et inflation
Un troisième type de solution dissocierait les Etats européens qui ont franchement exagéré (l'Europe du sud) et ceux qui ont été plus raisonnables (l'Europe du nord) en les traitant différemment. C'est déjà le cas, puisque les pays du sud paient des taux d'intérêt très supérieurs à ceux de l'Allemagne, de la France ou de certains pays d'Europe du nord : la différence est de 3 à 5 %. Pour permettre aux États du sud de « relancer la machine », on pourrait envisager qu'ils sortent de la monnaie unique et retrouvent une monnaie nationale fortement dévaluée par rapport à l'euro. Cette dévaluation compétitive leur permettrait de relancer l'économie, de restaurer les exportations et donc de redonner de la compétitivité. Cependant, le coût politique pour l'Europe serait tel que les dirigeants europhiles préféreront une autre solution, plus douloureuse mais préservant la monnaie unique : la quatrième solution.
Celle-ci consisterait à mutualiser les dettes en substituant aux dettes des Etats les plus dépensiers une dette de l'ensemble de l'institution européenne, ce qui conduirait les fourmis à contribuer à payer les dettes des cigales.
Les peuples-fourmis ne risquent-ils pas de réagir négativement à cette mutualisation ?
L'opinion publique des pays les moins endettés et les plus performants économiquement sera mécontente, mais ce mécontentement suffira-t-il à enrayer ce processus ? Aujourd'hui, tous les pays européens sont engagés dans une fusion d'abord économique, puis politique. J'entends fort peu de voix demander le retour à une indépendance complète - y compris monétaire - des nations. Cette crise représente d'ailleurs une formidable opportunité politique pour réduire le pouvoir des nations en difficulté. Cette contrepartie politique justifiera les efforts financiers de l'Europe du nord, qui va accroître son emprise sur l'Europe du sud. Ça vaut bien quelques sacrifices des retraités allemands...
Toutes les mesures de règlement de la crise vont dans le sens de cette mutualisation de la dette. Ainsi, quand la Banque Centrale Européenne acquiert des dettes des États qui ne trouvent pas preneur, elle fait fonctionner la planche à billets pour les financer. Or, la BCE est elle-même financée par l'ensemble des États membres de l'Europe. Il s'agit donc bien d'un mécanisme de mutualisation.
De même, quand le Fonds de garantie européen s'endette auprès des États membres pour racheter la dette des Etats en difficulté, il s'agit encore d'un mécanisme de substitution et de mutualisation. Et la règle d'or qui a été envisagée la semaine dernière par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel est elle-même une condition pour avancer sur le chemin de la mutualisation complète des dettes européennes.
Cela suffira-t-il à régler le problème du surendettement ?
Non, car le surendettement est général, même s'il est plus grave dans certains pays. Mutualisée, la dette extérieure de l'Europe est aussi importante que celle des États-Unis - gigantesque. À court terme, la mutualisation rassure les créanciers et permet de gagner du temps, mais elle ne réduit pas la dette.
Une fois de plus la réduction de la dette passera invariablement par l'inflation. On fera fonctionner la planche à billets pour rembourser les dettes. C'est ainsi que l'on a réglé toutes les crises de surendettement majeur, dans tous les pays. Il était exclu de recourir à cette solution lors de la construction de la monnaie unique européenne, parce qu'on nous la présentait précisément comme un remède à l'inflation ; mais cette monnaie unique n'ayant pas empêché le surendettement, l'inflation va revenir.
Il y a déjà eu une importante inflation cachée, au moins sur les biens de consommation...
Oui, mais elle est insuffisante pour régler le surendettement, qui est d'une tout autre ampleur. On peut penser que celle à venir serait beaucoup plus importante, comparable à l'inflation à 15 % que l'on a connue en France à la fin des années soixante-dix. En pâtiraient essentiellement les gens qui ont une épargne monétaire, autrement dit les classes moyennes et les retraités. Comme nous sommes des pays vieillissants, cette politique inflationniste est plus difficile à faire accepter politiquement qu'il y a 30 ans, c'est pourquoi nos gouvernants se gardent de l'annoncer.
En pâtiraient aussi les pays comme la Chine, le Japon et les États du Moyen-Orient, qui ont investi massivement dans la dette souveraine de l'Occident vieillissant et consommateur : lequel leur répondrait cyniquement que les pertes qu'ils constateraient sur leurs dettes libellées en dollars ou en euros seraient la compensation des taux de change artificiellement bas dont ils bénéficient et qui leur ont permis de s'industrialiser au détriment des pays occidentaux.
Mutualisation et inflation : telle est la solution. Il s'agit d'un défaut de paiement qui ne dit pas son nom.
Vous avez posé le diagnostic de la crise et analysé les moyens d'y remédier, mais quelles sont ses causes ?
Nous sommes surendettés parce que nous avons vécu au-dessus de nos moyens ; et nous avons vécu en cigales parce que notre monde a perdu toute règle morale : sa seule règle est de consommer et de jouir de ce monde comme d'une chose qui nous appartiendrait. Telle est la cause profonde de la crise.
L'Occident doit faire son mea culpa. En quelques générations, il a dévoré l'ensemble des riches ses de la planète, sans enrichir les populations des pays sous-développés et sans même se reproduire correctement. La frénésie de la consommation a été le seul moteur de la croissance occidentale, alors que celle-ci aurait dû se fonder sur une saine croissance démographique. Ceci a engendré des flux migratoires et de nombreux désordres (comme le problème des retraites) que personne ne veut vraiment reconnaître. Je pense que nous allons certes passer cette crise, mais qu'à long terme la situation ne s'améliorera pas. L'effondrement du système finira par arriver si l'on ne règle pas les problèmes structurels de notre société. Ceux-ci ne sont pas économiques mais moraux. Ils touchent au bon ordre de la nature et à la nécessité de vivre conformément à nos moyens en pratiquant, comme disent les philosophes, la justice.
Propos recueillis par Hervé Bizien monde & vie . 27 août 2011
économie et finance - Page 813
-
Maxence Hecquard : « Les problèmes structurels de notre société ne sont pas économiques mais avant tout moraux »
-
2 mai 1716 : la fortune anonyme et vagabonde
Autorisée par lettres patentes, une banque est fondée à Paris le 2 mai 1716. Société par actions, au capital de 6 millions de livres, cette banque privée, d'escompte et d'émission, habilitée à émettre des billets au porteur, est étroitement liée au pouvoir puisque 75 % de son capital sont en billets d'Etat. Le paiement des impôts en billets de banque sera d'ailleurs autorisé le 10 avril 1717. Ces privilèges sont dus à l'appui que fournit le Régent Philippe d'Orléans au fondateur de la banque John Law.
Ce personnage est pourtant quelque peu louche. Fils d'un orfèvre installé à Edimbourg et qui a acheté à grands frais des domaines qui lui permettent de se faire appeler « baron de Lauriston », John Law, après avoir dissipé sa fortune à Londres, a nomadisé à travers toute l'Europe avant de jeter son dévolu sur Paris en 1708. Il fréquente les tripots et joue gros jeu. S'étant introduit dans l'entourage du duc d'Orléans, il capte son attention en lui proposant des solutions hardies pour remédier aux difficultés financières de l'Etat. Les dépenses de l'Etat, qui ont doublé entre 1689 et 1967, ont doublé à nouveau entre 1701 et 1714... Cet accroissement des dépenses ne peut être couvert que par un ensemble d'expédients et par le recours à l'emprunt. C'est dans cette conjoncture difficile que Law prétend apporter un remède miracle. Après un départ précipité de Paris, sur ordre du lieutenant de police qui l'accuse de malversations (« il en savait trop aux jeux qu'il avait introduits dans cette capitale »), l'aventurier y revient après la mort de Louis XIV et retrouve aussitôt l'oreille de Philippe d'Orléans, désormais Régent - et très sensible aux questions d'argent, comme devaient l'être nombre de ses descendants.
L'ascension de Law est spectaculaire. Les billets émis par sa banque, se substituent à la lettre de change traditionnelle, jusque sur la place d'Amsterdam. Le 4 décembre 1718, un édit transforme la banque privée en Banque Royale. Par ailleurs, Law a fondé en août 1717 la Compagnie du commerce d'Occident, dont sa banque a souscrit le capital. Obtenant le privilège exclusif du commerce avec la Louisiane et le Canada (pour les peaux de castor), la Compagnie reçoit ensuite le monopole du commerce avec les Indes, la Chine et l'Afrique.
L'argent des particuliers afflue rue Quincampoix, au siège de la banque Law obtient le bail des fermes et gère le remboursement de Ia dette publique par une émission continuelle de monnaie fiduciaire. Tout semble lui sourire. Consécration : il accède au contrôle général des Finances en janvier 1720. Les billets remboursables au porteur et à vue, obtenus contre de bons écus, représentent bientôt la somme fabuleuse de 2 696 400 000 francs. La fureur spéculative est au comble et l'on se bouscule frénétiquement rue Quincampoix.
Mais quelques grands personnages (dont le duc de Bourbon et le prince de Conti), qui ont beaucoup investi, prennent peur et se dégagent. Le château de cartes s'écroule, la panique se répand. Des milliers d'imprudents sont ruinés du jour au lendemain, certains se suicident.
Quelques malins ont fait des fortunes spectaculaires. Law, lui, s'enfuit sous un déguisement jusqu'à Bruxelles.
P. V national Hebdo du 30 avril au 6 mai 1998 -
Nice : le tribunal administratif condamne la mairie pour le bail de la mosquée !
Le Tribunal administratif a condamné hier la mairie de Nice pour le bail de la mosquée rue de Suisse. Le bail en question était établi entre la ville de Nice, dont le maire est Christian Estrosi, et l’association islamique de la mosquée, située rue de Suisse. Suivant les recommandations du rapporteur public, le juge a finalement condamné la municipalité. La décision établissant le bail a donc été annulée, le Tribunal estimant même qu’elle était « entachée d’une illégalité d’une particulière gravité » : la mairie avait en effet sous-évalué le coût du loyer des locaux, accordant en plus une remise de 50% sur ce loyer déjà diminué.
Christian Estrosi avait ainsi apporté son soutien à la nouvelle grande mosquée de Nice-est, ainsi qu’à des extensions pour les mosquées de l’Ariane et des Moulins, alors que la ville comptait pourtant déjà 18 lieux de culte islamiques !
Preuve, s’il en fallait, que les politiques, fussent-ils estampillés à droite, développent délibérément l’islamisation sur le territoire français ! Car comment expliquer autrement un tel zèle auprès des associations islamiques ?
Il reste que le problème se situe encore en amont : tant que l’immigration de masse continuera de déferler en France, l’équilibre culturel du pays sera évidemment affecté. Et ce n’est pas l’immigration suédoise qui pose un problème culturel en France !
-
Olivier Delamarche : « Un jour on sera tous Chypriotes »
Olivier Delamarche, du groupe Platinium Gestion, le 26 mars 2013 sur BFM Radio, met les points sur les i, dans l’émission “Intégrale Placements“, face à Guillaume Sommerer et Cédric Decoeur.
« Vous êtes Portugais, vous êtes Espagnol, vous êtes Italien, est-ce que vous laissez vos sous dans une banque ?
Avec une dette massive comme aujourd’hui dans tous les pays, il y aura un défaut de paiement.
En France les dépôts sont de 2000 milliards, le fonds d’indemnisation des banques en faillite est de 2 milliards, vous faites comment pour garantir ?
On a eu un défaut de l’Irlande qui est passé totalement inaperçu, ils ont ré-étalé la dette à 35 ans, c’est-à-dire à vie.
Les épargnes ne sont absolument pas en sécurité dans les pays endettés. » -
Écoracialisme (6) - Une géopolitique des écosystèmes
Voici, aujourd’hui, publié en avant-première, le sixième extrait du prochain livre de Frédéric Malaval, Ecoracialisme.
Après avoir présenté dans son introduction sa thèse selon laquelle des évolutions irrépressibles obligeront les différentes races humaines à vivre dans leur écosystème d’origine, Frédéric Malaval a développé plusieurs argumentaires qui se construisent à partir d’observations sur la société humaine, sur un certain confort de vie après les grandes calamités du XIXe et de la première moitié du XXe siècle, sur « l’insondable origine des peuples » et, enfin, dans son cinquième extrait, sur une certaine modernité venue tout droit des Etats-Unis au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale. Dans ce sixième extrait, publié ci-après, son approche se fixe sur une géopolitique directement issue des écosystèmes, avec évidemment une évolution qui se fait et se défait au gré des ressources naturelles de la planète. polemia
(…) Cette approche écosystémique permet aussi d’éclairer la géopolitique associée aux deux révolutions industrielles des XIXe et XXe siècles.
La première révolution industrielle est la conséquence de l’utilisation du charbon dans les machines à feu, objet de la thermodynamique. (…) La seconde révolution industrielle a comme origine la substitution du pétrole au charbon comme combustible alimentant les machines à feu.
(…) Mais alors que l’utilisation du charbon repose sur la maîtrise politique des territoires où se déroule la première révolution industrielle, le recours au pétrole va changer la donne géopolitique. Il y a alors rupture avec une géopolitique traditionnelle associant territoire et ressources. Le jeu géopolitique est modifié par le recours au pétrole. En effet, de nombreux Etats n’ont pas ou plus la maîtrise politique des territoires où se situe cette ressource à l’origine des caractéristiques écosystémiques de leur société. Ce découplage alimente toute la géopolitique depuis les années 1930, période où le pétrole s’impose comme l’énergie du futur. Une nouvelle vision de la Seconde Guerre mondiale en est issue. Celle-ci opposa des empires (USA, Russie soviétique, Royaume-Uni, France, Chine) ayant la maîtrise politique des territoires où se situait cette nouvelle ressource, à des nations qui n’en disposaient pas (Allemagne, Japon, Italie). L’effort de guerre de l’Allemagne ne pouvait s’appuyer que sur les ressources pétrolières de Roumanie, l’obligeant à une stratégie reposant sur la Blitzkrieg, incapable qu’elle était de soutenir une guerre longue. Les trop faibles ressources naturelles du Japon et de l’Italie les plaçaient dans la même situation à l’origine du Pacte Antikomintern (1936) et le rêve de se retrouver ensemble, installés sur les gigantesques ressources de l’Eurasie centrale.
Cette approche éclaire les grands mouvements de cette période à l’origine du monde dans lequel nous vivons aujourd’hui. L’Italie engagea le mouvement en cherchant à conquérir les pétroles de la Libye ; l’Allemagne au printemps 1942 s’associa à l’Italie dans sa lutte contre le Royaume-Uni pour maîtriser l’Afrique du Nord tout en s’engageant au même moment vers les champs de pétrole du Caucase de la Russie soviétique. Le Japon, de son côté, optait pour la conquête des pétroles de l’Asie du Sud-Est (Philippines, Malaisie) après avoir été refoulé en Sibérie à la bataille de Khalkhin-Gol en 1939, là aussi contre la Russie soviétique. Par manque de ressources durables, ces trois protagonistes échouèrent dans leurs tentatives d’accéder au pétrole, laissant aux empires en place la maîtrise du monde. Le différentiel démographique entre les deux blocs n’est pas le seul responsable de ces défaites. Malgré les hautes qualités de leurs armées, l’impossibilité d’accéder au pétrole participa à leur échec.
(…) L’actualité rend compte quotidiennement des mouvements dont la finalité poursuit le jeu engagé dans les années 1930 et dont la justification est le découplage entre ressources énergétiques et souveraineté politique. Avant d’envisager la fin du pétrole comme énergie de référence, sa maîtrise politique est vitale pour les sociétés modernes ultra-complexes (ou ultra-artificialisées, c’est pareil) ne possédant pas cette énergie sur leur sol ou voulant empêcher les autres d’y accéder. C’est le grand jeu géopolitique depuis 1950. Une sorte d’écopolitique… Or, les données de cette écopolitique changent fondamentalement avec les évolutions que l’extension de la technosphère a permises sur l’ensemble de la planète. Le plus important est la forte croissance démographique que cela a engendrée en tous points du globe. La conséquence la plus directe est la fin de la suprématie européenne, tant démographique que technologique.
La question démographique a déjà été traitée. La question technologique mérite une attention particulière car elle est déterminante pour qu’un peuple existe en soi.
(…) Aujourd’hui, des savants berbères, arabes, turcs ou perses, mais qui travaillent souvent en Europe ou en Amérique, sont réputés dans de nombreux domaines. Ainsi, l’invention de la logique floue en mathématiques est attribuée à un Iranien. Mais il travaille en Amérique. Un constat s’impose : de l’Atlantique à l’Océan indien, le monde musulman a les personnalités pour maîtriser les techniques qui firent la force des Européens chrétiens.
Quant aux Africains, régulièrement stigmatisés pour leur refus d’embrasser la Modernité, leurs contributions les plus fameuses sont le téléphone cellulaire, le réfrigérateur, l’ascenseur, etc. Dans les années 1890, l’illustre Thomas Edison perdit même un procès contre un inventeur africain à qui il contestait l’invention du système de télégraphie à induction. Granville T. Woods gagna finalement les droits du brevet. Depuis, Woods est au monde africain ce qu’Edison est au monde européen.
(…) La conclusion à tirer de cette évocation est que la techno-science n’est plus l’apanage des Européens. Tous les peuples possèdent la capacité de créer une technosphère. Mais pour des raisons que les spécialistes étudient, ils avaient initialement refusé de surartificialiser leurs écosystèmes. Cela était-il nécessaire d’ailleurs ? La Modernité européenne, en revanche, a fait ce choix. Pourquoi les autres ne l’ont-ils pas fait ? Par sagesse écologique sans doute. En des temps où chaque peuple vivait sur le territoire dont il était issu, cela n’empêchant pas les mouvements intraclimatiques, une certaine forme de cohérence collective préservait les fondamentaux de chaque civilisation, forcément adaptée aux contraintes naturelles irrépressibles qu’elle vivait. Les cités grecques, par exemple, ne cessaient de se faire la guerre avant que Rome ne leur apportât la Pax romana IIe siècle av. JC), mais elles prenaient soin d’éviter de le faire pendant la période des récoltes les obligeant à des luttes brèves et violentes. Ceci est à l’origine du modèle grec de la guerre. En outre, les peuples étaient isolés les uns des autres : mers, montagnes et déserts limitant les migrations interclimatiques. En Europe, cet équilibre fut transgressé. Cela a permis à cette civilisation d’envahir l’écosphère, de détruire les autres civilisations, mais pas les peuples. Or, ceux-ci réagissent maintenant à la fois par la démographie et par la technologie.
(…) Le rêve d’une société mondiale unifiée par un ordre marchand sous la tutelle des Etats-Unis s’effrite chaque jour. Des manifestations quotidiennes de ces fractures saturent la Toile. Ainsi, en avril 2011, Superman décidant de renoncer à sa nationalité américaine pour embrasser « la citoyenneté du monde » provoqua une réaction d’indignation d’Américains refusant la symbolique associée à cette mutation. Même dans la matrice de la Mondialisation, le peuple s’interroge sur l’abandon des identités d’essence nationale.
Aujourd’hui, l’alternative apparaît limpide, reléguant dans les oubliettes de l’Histoire tous les autres antagonismes. A la mondialisation capitaliste est opposée une approche plus particulariste, mais qui se cherche encore. Alors que le monde est pensé par l’oligarchie mondiale européenne comme unifié par la mondialisation, il est en train de se fractionner. Les contraintes de tous ordres, mais surtout celles relevant de l’écologie, vont imposer à chaque peuple, dans un monde de 10 milliards d’habitants maîtrisant tous la technologie, de réintégrer son espace d’évolution naturel. Cela permettra, d’une part, de limiter autant que faire se peut l’artificialisation des écosystèmes et, d’autre part, de bénéficier des atouts « militaires » que donne le fait de vivre sur son sol pour s’opposer à d’éventuelles tentatives de conquête de peuples exogènes. Tout cela est positif car au sentiment de supériorité européen va succéder un monde diversifié où chaque peuple inséré dans son écosystème d’origine limitera ainsi son artificialisation au niveau suffisant lui permettant de vivre. La paix durable voulue par la Modernité se réalisera par la PostModernité. La fameuse guerre des civilisations que nous promettent les uns et les autres est donc un leurre car elle n’est écologiquement pas possible.
Frédéric Malaval Polémia 26/03/2013
-
Chômage : Nouveau pic historique attendu pour février
Le nombre d’inscrits à Pôle emploi en février pourrait dépasser le record de taux de chômage en métropole (10,8%), enregistré en 1994 et 1997 (3,185 millions). [NDLR: Il s'agirait alors d'un nouveau "record" pour la seule catégorie A, soit la 22e augmentation consécutive pour cette seule classification de chômeurs].
[...] En tenant compte des inscrits exerçant une activité réduite, Pôle emploi recensait fin janvier 4,6 millions de demandeurs d’emploi en métropole (4,9 avec l’Outre-mer). Les demandeurs d’emplois de longue durée (plus d’un an) n’ont jamais été aussi nombreux: près de deux millions, et chaque mois 90.000 chômeurs épuisent leur droit à une indemnisation.
La série de menaces de suicides après la mort par le feu d’un chômeur à Nantes le 13 février a dramatiquement souligné les difficultés de Pôle emploi à faire face, et le désarroi des chômeurs, dont le nombre a augmenté de plus de 10% sur la seule dernière année.
L’Insee prévoit un taux de chômage de 10,6% en métropole mi-2013 (11% avec les départements d’outre-mer). L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), dont les prévisions sont à plus long terme, entrevoit une «stabilisation fin 2013», autour de 11,25% de la population active.
Lors d’un déplacement en banlieue parisienne, Jean-Marc Ayrault a d’abord vanté les différents outils mis en place par le gouvernement. A fin mars, 15.000 jeunes, peu ou pas qualifiés, bénéficieront d’un emploi d’avenir, emploi aidé de longue durée, le «mouvement est en marche», a-t-il estimé alors que l’objectif est de 100.000 d’ici à fin 2013.Quant aux contrats de génération, entrés en application la semaine dernière pour favoriser l’embauche en CDI des jeunes et le maintien dans l’emploi des seniors, M. Ayrault a signé lundi, en Seine-et-Marne cette fois, l’un des tout premiers contrats. Le gouvernement en espère 500.000 d’ici à la fin du quinquennat.
Le Premier ministre a aussi annoncé le recrutement de 2.000 CDI supplémentaires d’ici septembre chez Pôle emploi, après un renfort équivalent en 2012.
Le service public de l’emploi, qui avait vu ses effectifs amputés de 1.800 postes en 2011 en pleine croissance du chômage, est régulièrement critiqué pour l’inefficacité de son organisation interne ou sa déshumanisation.
Mais depuis sa création fin 2008 (fusion ANPE-Assedic), Pôle Emploi doit gérer 1,5 million de chômeurs supplémentaires, dont 950.000 sans aucune activité (+43%) et pour le ministre du Travail, Michel Sapin, le niveau des moyens du service public était une «vraie question». [...]
Les syndicats ont salué les recrutements à venir, «bienvenus» car «face aux situations d’inquiétude, voire de désarroi des salariés privés d’emploi, la pression sur les personnels est aujourd’hui très forte», a réagi dans un communiqué la CFDT (premier syndicat).
Pour améliorer l’accompagnement des chômeurs, Pôle emploi tente depuis début 2013 de s’y prendre autrement, en concentrant ses moyens vers «ceux qui en ont le plus besoin» et propose aux autres un suivi plus allégé.
«Il était nécessaire d’accroître les moyens humains» pour que cette réforme «produise pleinement ses effets qualitatifs d’amélioration du suivi et de l’accompagnement des demandeurs d’emploi», a expliqué dans un communiqué le ministère du Travail.
Sur France 2 jeudi, le président de la République va tenter de convaincre que les différents outils mis en place par son gouvernement et la future loi sur la réforme du marché du travail pourront permettre d’inverser la courbe du chômage avant fin 2013.
-
Patricia Adam (PS) : "Bercy veut tuer le ministère de la défense"
Patricia Adam, présidente socialiste de la commission de la défense de l’Assemblée nationale, estime qu’"on ne peut plus descendre" davantage le budget de la défense.
LE MONDE : Vous demandez au président de préserver le budget de la défense, comment le convaincre ?
Patricia Adam : Nous n’avons jamais été dans une période aussi importante, au regard des options stratégiques du pays à l’horizon des vingt prochaines années. Le retour à l’équilibre des comptes publics est aujourd’hui l’enjeu principal pour le président de la République. Respecter un déficit de 3 % du PIB comme le veut l’Europe est un enjeu stratégique. Mais il faut trouver un bon équilibre : mesurer, s’il doit y avoir des efforts sur la défense, les conséquences que cela peut avoir sur nos capacités à intervenir comme nous le souhaitons (seuls sur une durée courte et "en premier" comme on l’a fait au Mali, ou uniquement avec d’autres alliés), sur l’entraînement de nos forces, et sur notre industrie.
Le scénario de Bercy vise à tuer le ministère de la défense. Dès 2015, si on le suit, il ne lui restera que la sécurité nationale (la gendarmerie), les forces spéciales et la dissuasion. Toutes les forces conventionnelles auront disparu.
Ce n’est pas en tuant le budget de la défense que l’on équilibrera les comptes. Sur ce point, une communion d’idées avec l’opposition règne à la commission de la défense, car l’enjeu est la sauvegarde des intérêts nationaux.
Les députés socialistes ont adressé à François Hollande une lettre pour lui rappeler que le budget de la défense baisse depuis cinquante ans et que si un ministère a fait des efforts de rationalisation, c’est bien celui-là. Le budget représentait 4,3 % du PIB en 1966, 2,97 % en 1981, 1,6 % en 2002, 1,56 % en 2012. On ne peut plus descendre.
La défense a devant elle une "bosse budgétaire" – des commandes qui ne sont pas financées – de 45 milliards d’euros, et il manque 4 milliards sur la loi de programmation 2009-2014. Comment faire ?
Le delta par rapport à la trajectoire financière est impossible à combler, même avec une croissance économique retrouvée importante, à laquelle nous ne pensons pas. Autour de nous, les menaces ne sont pas en diminution, le monde se militarise, et les Etats-Unis n’ont plus la même posture vis-à-vis de l’Europe. Nous demandons au moins le maintien en l’état du budget à 31 milliards d’euros pendant deux à trois ans en volume, en escomptant un rebond de croissance en 2016. La défense peut encaisser deux-trois ans d’apnée, mais pas plus.
Quelles solutions concrètes proposer ?
Nous pouvons encore repousser quelques programmes d’équipement. Les états-majors ont des solutions d’attente et ont fait des propositions d’économies intéressantes. Mais il nous faut des recettes exceptionnelles : elles peuvent venir de la vente des participations de l’Etat dans les groupes industriels de défense, c’est une proposition que nous faisons.
Faut-il sortir la défense de la règle des 3 % ?
La France est le seul pays en Europe avec le Royaume-Uni à continuer à faire un effort de défense. Même si l’on met de côté la dissuasion, cet effort est aussi l’assurance-vie des autres Européens. Nos engagements internationaux, les opérations que nous menons doivent être considérés dans la sécurité collective. La question de l’agrégat retenu pour le calcul du déficit devient essentielle. La question peut être débattue. Nous n’avons pas le choix. C’est un débat entre les pays qui ont la volonté de faire et les autres.
Quel rôle va jouer l’expérience du Mali dans les arbitrages ?
Le président a pris au Mali une décision rapide, en connaissance et en responsabilité. Il a parfaitement conscience de la qualité de son armée, de la formation de ses hommes et de ses capacités, mais aussi de ses manques. Il a aussi conscience de l’importance de la voix de la France au plan international, au conseil de sécurité de l’ONU, vis-à-vis des Américains qui nous apportent leur aide, et face aux Européens.
On ne peut pas vouloir des avancées de l’Europe en matière de défense en baissant la garde. Si nous le faisons, nous envoyons un signal complètement négatif. Compte tenu du point auquel nous sommes arrivés, la seule question à se poser est : que veut-on faire de notre outil de défense ?
-
La Veuve Noire et "1984"
Cray Black Widow
On comprend bien que la traque aux terroristes et aux pédophiles motive une surveillance plus étroite des transmissions sur Internet, mais à tout le moins cette lutte légitime est le wagon de tête d'un train bien plus long qui officialise une surveillance inavouable au bénéfice des ayant-droits sur contenu (ils sauveront la Hadopi) mais surtout bien évidemment à celui des polices les plus basses. Médiapart peut s'inquiéter.
Si la propriété intellectuelle dans un monde aussi maillé que le Village Global reste un vaste débat, le flicage à grand débit d'Internet n'en est plus un, à voir ce qui se passe dans des pays équipés comme la Chine et la Russie. Voici quelques exemples triés par Korben tiré du draft de l'UIT :
- Détecter et bloquer des protocoles comme Bittorrent ;
- Détecter et bloquer la transmission de fichiers contenant des digital rights management (DRM) (gestion des droits numériques) ;
- Détecter et bloquer la transmission de fichiers en provenance d'une personne ou d'un serveur ciblé ;
- Détecter et bloquer la transmission de messages Session Initiation Protocol (SIP) contenant certains mots clés (protocole standard de gestion de sessions en télécommunications multimédia) ;
- Identifier certains serveurs en analysant les paquets qui circulent sur le réseau (pour probablement pouvoir le bloquer ensuite ou envoyer la police le débrancher) ;
- Mesurer le trafic engendré par certaines applications ou protocoles, pour le filtrer, le bloquer ou mettre de la qualité de service (QoS) ;
- Détecter et bloquer certains paquets de logiciels ou de jeux précis ;
- Identifier les gros uploaders de fichiers sur Bittorrent ;
- Identifier et bloquer la voix sur protocole Internet (VoIP) en peer to peer (P2P) selon certains critères ;
- Détecter un utilisateur précis de VoIP en P2P
Pour mieux comprendre il faut aller voir la NSA. Disons déjà que ce n'est pas un service secret puisque ses activités ont fait l'objet d'un reportage fouillé sur Arte le 24 novembre (clic). Au pire ce serait un service discret. La batterie de supercalculateurs Cray Black Widow abrités par l'agence permet de filtrer toutes les conversations provenant des Etats-Unis ou venant des Etats-Unis. On cible un interlocuteur, un réseau, un lieu, on enregistre tout, on écoute à l'envi, on note, on détruit, puis on patrouille les communications sur la base de mots-clés, comme le réseau Echelon en Europe, Essaim en France. Les supercalculateurs vous trient des millions de conversations par seconde en moins de temps qu'il n'en faut pour appuyer sur un bouton. C'est ce traitement super-efficace, le DPI, que viennent vendre à l'UIT des professionnels de l'espionnage que sont Alcatel-Lucent par exemple. L'intérêt des pouvoirs publics est tel qu'il semble plus facile de lutter contre le réchauffement de la planète que contre le flicage généralisé de nos conversations. On assiste à une mondialisation du Patriot Act de George W. Bush.
Pour faire bon poids, signalons aux naïfs qu'un portable éteint dans leur poche peut être activé à distance par l'opérateur et servir de micro ou de GPS à l'envers. L'imagination humaine est sans limites et la puissance cérébrale de l'espèce vaincra l'Ordre à la fin, mais avouons que ce sera sacrément dur. Pendant ce temps, passent dans les lucarnes de petits journalistes, affairés à de petites histoires dérisoires qui sentent le pipi, et tellement contents d'être là. Ils trahissent d'une certaine façon.
On attend avec intérêt la contribution et la décision de Mme Fleur Pellerin, ministre en charge de l'économie numérique auprès d'Arnaud Montebourg, qui jusqu'à récemment plaidait pour une confidentialité accrue des données personnelles transitant sur Internet et pour garantir la fameuse neutralité du Net. Elle prépare un texte d'application en France, mais avec la meilleure volonté du monde il sera sans valeur à l'autre bout du fil : « Je pense que nous pouvons nous engager à proposer au Parlement dans le courant de l'année 2013, vraisemblablement au premier semestre, un projet de loi sur ces questions, sur un corpus de règles qui permettrait de garantir la protection des données personnelles et la vie privée sur Internet ». Par chance, elle est capable et motivée. Fin de la session à Dubaï le 14 décembre. -
Groenland: un nouveau marché pour les ressources énergétiques
Au Groenland, les élections récentes ont été remportées par la sociale-démocrate Aleqa Hammond et elles pourraient fort bien modifier le visage de l’île autonome, sous souveraineté danoise;
Quelques milliers d’électeurs ont choisi la sociale-démocrate Aleqa Hammond pour diriger le nouveau gouvernement du Groenland, une île de dimensions continentales mais qui n’a que la population d’un gros bourg (plus ou moins 57.000 habitants). L’opposition sociale-démocrate du “Siumut” (ce qui signifie “En Avant!”, comme le journal socialiste italien d’antan, “Avanti”, ou son équivalent allemand “Vorwärts!”) a battu le premier ministre sortant Kuupik Kleist et son parti socialiste “Inuit Ataqatigiit” (“Hommes et Solidarité”). Aleqa Hammond a obtenu 42,8% des voix et Kuupik Kleist, 34,4%. Le parti de Madame Hammond a obtenu quatorze sièges et une majorité relative sur les 31 sièges que compte le Parlement du Groenland. Elle devra former une coalition pour s’assurer une majorité absolue. Elle s’est d’ores et déjà affirmée prête à donner vie à une vaste coalition avec tous ceux qui sont disposés à en faire partie.
L’intérêt politique et géographique que suscite aujourd’hui le Groenland est en grande partie dû aux changements climatiques en cours. Le dégel du permafrost en zone arctique a ouvert de nouvelles routes de navigation et a rendu plus facile l’accès aux ressources naturelles, que l’on trouve en abondance sur le “continent blanc” au Nord de l’Europe. Les investisseurs se bousculent pour obtenir une licence et exploiter au maximum les réserves de pétrole, de gaz, de minerais comme le fer, l’aluminium et les terres rares. “Il y a là-bas une quantité énormes de ressources de grande valeur qui attendent d’être exploitées”, a observé Jan Fritz Hansen, vice-directeur de l’association qui regroupe les armateurs danois. L’intérêt que portent les sociétés étrangères coïncide avec les aspirations des Groenlandais à devenir complètement indépendants du Danemark mais pour y arriver, ils doivent disposer de suffisamment de fonds propres; alors seulement, ils pourront satisfaire cette volonté fébrile de s’autonomiser par rapport à Copenhague. “Il sera bien intéressant de voir le résultat des élections”, avait souligné Damien Degeorges, un spécialiste du Groenland, fondateur de l’ “Arctic Policy and Economic Forum”, qui ajoutait que le Groenland avait toujours été jusqu’ici sous-évalué dans les projets de développement futur de la région arctique. Jusqu’à présent, une seule mine fonctionne au Groenland mais les autorités viennent d’augmenter considérablement le nombre de licences octroyées pour exploiter des minerais: le nombre de ces licences atteint désormais le chiffre de 150 unités. Il y a une dizaine d’années, les licences octroyées étaient moins de 10! L’exploitation potentielle des ressources pourrait apporter des richesses considérables aux citoyens du Groenland mais aussi leur faire courir des dangers nouveaux, surtout sur les plans écologique et social: pollutions à grande échelle et bouleversements dans l’ordre social pourraient en résulter.
On prévoit l’exploitation d’une mine de fer près d’Issua, à quelques kilomètres seulement de la capitale, où des milliers de tonnes de ce minerais seraient disponibles pour être envoyées chaque année en Chine. Pour sa part, le géant américain ALCOA cherche depuis plusieurs années à installer un complexe de fusion de l’aluminium à Maniitsoq où des milliers de travailleurs chinois seraient embauchés à des prix nettement inférieur aux salaires locaux.
Les élections qui viennent de se dérouler au Groenland, province autonome du Danemark, ont donc porté aux affaires le parti social-démocrate de Madame Hammond, favorable à l’exploitation des vastes ressources minérales de l’île, tout comme l’était d’ailleurs son rival politique, le leader socialiste Kleist. Les gisements d’uranium au Groenland, s’ils étaient exploités, pourraient redimensionner le marché mondial de l’énergie nucléaire. L’île, de par sa position géographique, forme également la porte d’accès à l’Arctique où la fonte progressive des glaces permet d’envisager l’ouverture de nouvelles routes de navigation maritime dans cette zone que l’on considère de plus en plus comme économiquement rentable et exploitable. Certains analystes estiment que l’intérêt que porte la Chine au Groenland est de nature plus économique que géopolitique. En effet, les puissances qui ont, au Groenland, des intérêts géostratégiques évidents sont surtout les Etats-Unis, le Canada, l’Union Européenne et les pays d’Europe septentrionale, sans oublier, bien entendu, la Russie. Tous ces Etats se contentent pour l’instant de sonder les fonds marins et de redéfinir le tracé des frontières maritimes dans l’Arctique. Le réchauffement du Groenland a déjà révélé bien des ressources du sous-sol de l’île, notamment les terres rares, c’est-à-dire les métaux utilisés comme ingrédients principaux dans la fabrication de téléphones cellulaires, d’armes et de technologies ultramodernes. C’est aujourd’hui la Chine qui contrôle environ 90% de la production globale de ces terres rares donc l’exploitation des gisements groenlandais pourrait mettre un terme au monopole chinois en ce domaine.
Les villages de l’île qui jusqu’ici n’ont vécu que de la pêche s’inquiètent bien entendu des changements climatiques, dont l’effet premier est la fonte des glaces. L’uranium dans ce cas pourrait être l’occasion d’acquérir davantage d’indépendance et d’obtenir un travail plus sûr. Tout cela n’est pas sans danger pour la santé et pour l’environnement. Mais il n’y a pas que cela. Le quotidien danois “Politiken” estime que l’exploitation de ces gisements ne fera qu’augmenter le népotisme et la corruption, déjà solidement implantés dans les milieux politiques de l’île. A ce danger, il convient aussi d’évoquer une possible polarisation sociale déstabilisante pour la société groenlandaise: celle qui opposera les centres urbains proches des mines aux villages isolés. Tous ces éléments doivent nous induire à poser des questions quant à l’avenir du Groenland, victime prédestinée des grands consortiums américains et européens sans oublier ceux des pays émergents comme la Chine, la Russie et la Corée du Sud en toute première ligne.
Andrea PERRONE.
(article paru sur le site de la revue romaine “Rinascita”, 15 mars 2013, http://www.rinascita.eu/ ). -
Même le FMI le dit…
Des déclarations du FMI qui heurtent les dirigeants européens
En octobre 2012, le FMI a fourni une clé d’explication de l’approfondissement de la crise en Europe. Son service d’étude a affirmé que chaque euro de réduction de dépenses publiques entraînait une réduction du Produit intérieur brut (PIB) comprise entre 0,9 et 1,7 euro. Wolfgang Münchau, éditorialiste au Financial Times, en déduit qu’en ces temps de crise, un ajustement budgétaire de 3% (c’est-à-dire une réduction de dépenses publiques de 3%) produit une réduction du PIB de 4,5% |1|. Dès lors, la politique suivie par les gouvernements européens conduit à une baisse de l’activité économique et empêche de réduire le poids de la dette publique. Comme le dit Wolfgang Münchau, il ne faut pas se méprendre sur la motivation du FMI :« Le FMI ne dit pas que l’austérité est trop forte, injuste, provoque trop de souffrance à court terme ou que les pauvres sont plus touchés que les riches. Il dit simplement que l’austérité risque de ne pas permettre d’atteindre l’objectif de réduction de la dette dans un délai raisonnable |2|. »
De son côté, si Christine Lagarde, directrice générale du FMI, a laissé entendre qu’on devrait répartir sur une plus longue période le démarrage de certains efforts d’austérité et qu’on pourrait augmenter certaines dépenses publiques afin de stimuler l’économie, c’est qu’elle est mise sous pression par les pays émergents membres du FMI (notamment les Brics, avec en tête la Chine et le Brésil) qui craignent l’effet boomerang de la baisse des importations européennes et critiquent l’importance de l’engagement financier du FMI en Europe. La directrice du FMI a exprimé ce point de vue à Tokyo, lors de l’assemblée annuelle du FMI et de la Banque mondiale en octobre 2012. Le document du FMI et les recommandations de Christine Lagarde ont soulevé des réactions de mécontentement de la part des dirigeants européens. Par exemple, à Tokyo, Wolfgang Schaüble, ministre des Finances du gouvernement Merkel, a publiquement critiqué Christine Lagarde pour son intervention intempestive |3|.
Wolfgang Münchau considère que les réserves exprimées par le FMI sur la profondeur des mesures d’austérité ne modifieront en rien l’attitude des dirigeants européens qui campent sur une ligne dure : « Les gouvernants européens sont paranoïaques quand leur crédibilité est en jeu, et je prévois qu’ils vont maintenir le cap sur l’austérité jusque sa conclusion amère, quand cette politique implosera |4|. »
Les tensions entre le FMI et la Commission européenne se sont de nouveau exprimées publiquement le 14 novembre 2012. Christine Lagarde a contredit l’optimisme affiché par le Luxembourgeois Jean-Claude Junker, président de l’Eurogroupe, concernant les perspectives de la Grèce. Il semble que le FMI veuille mettre la pression sur la Commission afin de peser davantage dans l’orientation à prendre en Europe. Les pays émergents et les États-Unis interviennent à l’intérieur de FMI afin que leur opinion soit retenue dans la solution de la crise européenne, d’autant qu’on leur demande de mettre la main au portefeuille .
Le FMI revient sur les échecs historiques des politiques brutales d’austérité
Une autre étude du FMI a fait couler beaucoup d’encre, il s’agit d’un chapitre des Perspectives de l’économie mondiale publiées juste avant son assemblée annuelle d’octobre 2012. Dans ce chapitre, le FMI étudie 26 épisodes de crise de la dette publique depuis 1875 en prenant comme critère les cas où la dette publique a dépassé 100 % du PIB. Il passe en revue les politiques de sortie de crise qui ont été appliquées. Un des épisodes analysés est celui qui s’est déroulé au Royaume-Uni après la première guerre mondiale |5|. La dette publique britannique atteignait 140% du PIB. Le gouvernement britannique a appliqué une politique radicale d’austérité budgétaire et une politique monétaire très stricte. Le gouvernement dégagea un excédent budgétaire primaire (avant paiement des intérêts) d’environ 7% du PIB pendant toute la décennie 1920 afin de réduire la dette en la remboursant à marche forcée. Mais la dette publique ne diminua pas : en 1930, elle s’élevait à 170 % du PIB et, trois ans plus tard en 1933, elle équivalait à 190 % du PIB.
Martin Wolf, commentateur au Financial Times, affirme que l’objectif réel de la politique du gouvernement britannique « était de briser le mouvement syndical. Ces politiques aboutirent à la grève générale de 1926. Elles suscitèrent une amertume qui perdura pendant plusieurs décennies après la seconde guerre mondiale |6|. » Cela rappelle tout à fait ce qui est mis en œuvre aujourd’hui en Europe |7|. Wolf explique que les dirigeants européens et le gouvernement espagnol de Mariano Rajoy veulent faire baisser fortement les salaires en utilisant l’arme du chômage. Il affirme : « Dans le même temps, le PIB réel de l’Espagne se contracte. Les efforts pour resserrer la politique budgétaire auront pour effet de le réduire encore. ». Il poursuit en disant que cette politique inspire aussi le gouvernement italien. Il conclut son éditorial par une affirmation qui peut paraître inhabituelle sous la plume d’une icône d’un des principaux quotidiens financiers de la planète : « L’austérité budgétaire et les efforts pour diminuer les salaires dans les pays subissant un étranglement monétaire pourraient briser les sociétés, les gouvernements, voire les Etats. ». En fait, depuis des mois, Martin Wolf enfonce le clou : l’austérité mène les pays droit dans le mur. Il en prend pour preuve le cuisant échec électoral de Mario Monti en mars 2013 en Italie.
Comme l’écrit Wolfgang Münchau déjà cité, les dirigeants européens vont prolonger et approfondir cette politique.
Pourquoi les dirigeants européens radicalisent-ils les politiques d’austérité ?
Ce serait une erreur de considérer que les dirigeants européens sont devenus aveugles. Leur motivation n’est ni le retour à la croissance économique, ni la réduction des asymétries au sein de la zone euro et de l’UE afin d’en faire un ensemble plus cohérent où serait de retour la prospérité. Le patronat qui guide les actes des gouvernements veut avancer dans la plus grande offensive à l’échelle européenne contre les droits économiques et sociaux conquis après la seconde guerre mondiale. De ce point de vue, les politiques menées ces dernières années sont des réussites. Avec les politiques d’austérité qui augmentent le chômage, ils réussissent à accroître toujours plus la précarisation des travailleurs, à diminuer radicalement leur capacité de résistance et de lutte, à réduire les salaires et les différentes indemnités sociales tout en maintenant les énormes disparités entre les travailleurs dans l’UE afin d’augmenter la compétition entre eux. Un des objectifs poursuivis par les dirigeants européens est d’améliorer la capacité des entreprises européennes à conquérir des parts de marché face à leurs concurrents ailleurs dans le monde. Pour ce faire, il faut réduire radicalement le coût du travail, pour reprendre leur expression. Cela implique d’infliger une défaite majeure aux travailleurs d’Europe. D’autres objectifs sont poursuivis : pousser plus loin l’offensive contre les services publics, éviter autant que faire se peut de nouveaux krach bancaires, renforcer le pouvoir des exécutifs (Commission européenne, gouvernements nationaux) face aux pouvoirs législatifs, renforcer les contraintes imposées par les traités de manière à couler dans le bronze les politiques favorables au Capital…
Le coût politico-électoral peut être élevé, mais globalement les grandes familles politiques traditionnelles qui dominent la scène européenne font le pari que si elles perdent les élections, elles reviendront au pouvoir aux élections suivantes. De toute façon, passer dans l’opposition n’implique pas de perdre toute une série de positions acquises dans l’appareil d’Etat central, dans les institutions européennes, sans oublier les pouvoirs locaux (grandes villes, gouvernement des régions).
Ce qui complique un peu le projet des dirigeants européens, c’est la décision de l’administration Obama d’approfondir radicalement les politiques d’austérité qu’elle avait menées dans la foulée de l’administration Bush. Les coupes budgétaires dans les dépenses publiques et sociales en particulier vont s’accroître aux États-Unis. Cela n’aidera pas les entreprises européennes à gagner des parts de marché. Seul le Japon semble vouloir adopter une timide politique de relance, ce qui reste à confirmer.
Conclusion : À l’aune des objectifs décrits plus haut, la convergence est totale entre le FMI et les dirigeants européens. D’ailleurs, depuis décembre 2012, moment où l’administration Obama a annoncé qu’elle allait radicaliser les politiques d’austérité aux États-Unis, on n’a plus entendu de déclarations critiques de la part de Christine Lagarde ou d’autres dirigeants du FMI à l’égard de la politique menée en Europe.
Il ne faut donc pas se méprendre sur le sens des déclarations du FMI : s’il a pris un peu de distance par rapport aux dirigeants européens, ce n’est pas pour les convaincre d’abandonner les politiques structurelles favorables aux privatisations et à l’approfondissement de l’offensive contre les conquêtes sociales de l’après seconde guerre mondiale. Il souhaite gagner du poids dans les décisions et il donne de la voix. On verra dans les mois qui viennent s’il continuera à affirmer qu’il convient de ralentir un peu le rythme auquel les dirigeants européens veulent se rapprocher de l’équilibre budgétaire. Si les travaux de certains services de recherche du FMI contiennent des arguments qui vont plus ou moins clairement à l’encontre des politiques dominantes, l’action globale du FMI n’a pas changé d’un iota. C’est cette action qu’il faut combattre de toutes nos forces.
Eric Toussaint http://www.legrandsoir.info
http://cadtm.org/Meme-le-FMI-le-dit
|1| Wolfgang Münchau, “Heed the siren voices to end fixation with austerity”, Financial Times, 15 octobre 2012.
http://www.ft.com/cms/s/0/07f74932-13bb-11e2-9ac6-00144feabd...|2| “The IMF does not say that austerity is too hard, too unfair, causes too much pain in the short term or hits the poor more than the rich. It says simply that austerity may not achieve its goal of reducing debt within a reasonable amount of time.”
|3| Financial Times, « German minister rebukes IMF head. Schaüble criticises Lagarde call to ease up on austerity », 12 octobre 2012.
|4| Article déjà cité de Wolfgang Münchau, “Heed the siren voices to end fixation with austerity”, Financial Times, 15 octobre 2012. “European policy makers are paranoid about their credibility, and I expect them to hold on to austerity until the bitter end, when the policy implodes”.
|5| Martin Wolf, « Ce que nous enseigne l’histoire de la dette publique », Le Monde, 15.10.2012, http://www.lemonde.fr/economie/article/2012/10/15/ce-que-nou...
|6| Martin Wolf, « Ce que nous enseigne l’histoire de la dette publique », Le Monde, 15.10.2012, http://www.lemonde.fr/economie/article/2012/10/15/ce-que-nou...
|7| Voir Éric Toussaint, « La plus grande offensive contre les droits sociaux menée depuis la seconde guerre mondiale à l’échelle européenne », 3e partie de la série « Banques – Peuples : les dessous d’un match truqué ! », publié le 23 décembre 2012, http://cadtm.org/La-plus-grande-offensive-contre--