entretiens et videos - Page 833
-
TVL : Entretien exclusif avec des volontaires français séparatistes revenus du Donbass
-
Piero San Giorgio - Mythe N.3 - Les Survivalistes seront les premiers a mourir
-
Entretien avec Fabrice Robert, fondateur de NOVOpress
Entretien accordé par Fabrice Robert, fondateur de NOVOpress, au quotidienPrésent.
1/Depuis quand existe votre site et dans quelles circonstances a-t-il été fondé ?
Novopress.info a été créé en 2005. Nous allons donc pouvoir fêter cette année les 10 ans du site.
Les médias « classiques » ont longtemps détenu le monopole de l’information. Grâce au réseau des réseaux, il me paraissait important – à l’époque – de tenter l’expérience d’un nouveau média susceptible de proposer une information alternative en ligne. Et le constat est désormais sans appel. Internet a permis de révolutionner l’accès à l’information tout en permettant une diversification de ses acteurs.
Pourquoi avoir choisi un tel nom ? « Novo » signifie, en latin, « renouveler » ou encore « refaire ». NOVOpress se donnait alors comme objectif de refaire l’information face à la propagande du système et face à l’« idéologie unique ». On ne parlait pas encore, à l’époque, de réinformation, mais l’approche était – avec du recul – assez similaire. Dans un certain sens, on peut dire que NOVOpress a joué un rôle de précurseur par rapport à qu’il est convenu d’appeler aujourd’hui, la réinfosphère.2/Qu’est-ce qui vous différencie des autres sites de la réacosphère ? D’un site comme F. de Souche par exemple ?
Je pense, tout d’abord, qu’une certaine complémentarité entre les différentes plateformes ne peut que servir notre combat commun contre l’idéologie unique. Plus l’écosystème réinformationnel se développera sur le Net, plus nos idées se diffuseront.
NOVOpress se propose d’analyser, avant tout, l’information sous un angle identitaire. Mais nous nous faisons aussi le relais d’initiatives intéressantes qui se développent au sein des milieux patriotes.
Autre particularité importante de NOVOpress. Servir de caisse de résonance à des actions et projets destinés à sensibiliser l’opinion publique et mettre face à leurs responsabilités un certain nombre d’acteurs en les obligeant à se positionner. C’est ainsi que depuis 10 ans, NOVOpress a souvent servi de base au déclenchement d’actions qui s’appuient sur deux logiques convergentes : l’audience du site sur le web et la présence d’un appareil militant actif. Nous l’avons souvent dit. La rue et les réseaux informatiques sont nos permanences politiques !
3/Vous vous présentez comme une « agence de presse française indépendante », comment recueillez-vous vos infos ?
Outre des entretiens et nos propres contenus rédactionnels, NOVOpress met aujourd’hui beaucoup l’accent – à travers son contenu – sur les réseaux sociaux (Twitter, mais aussi Facebook) et certaines plateformes emblématiques du web 2.0 (comme YouTube, Flickr).
Nous considérons que, chaque jour, des milliers de contenus pertinents sont noyés dans un océan d’information numérique. Des documents plus anciens peuvent aussi être exhumés et constituer des pépites pour nos lecteurs.
Notre stratégie suit une double logique : nous souhaitons informer, mais aussi enrichir l’internaute. Par ailleurs, nous savons que le flux d’information en continu crée de l’infobésité. En sélectionnant les contenus intéressants et qualifiés – dont certains n’ont jamais été traités par d’autres —, nous voulons recréer de la rareté au sein de l’abondance.NOVOpress apparaît comme un « médiagrégateur social », une sorte d’entonnoir informationnel qui se propose de filtrer l’actualité qui compte.
4/Qui collabore à NOVOpress et quel est votre public ?
NOVOpress est animé par une petite équipe de rédaction. Mais nous travaillons dans une logique de réseau avec une approche participative. Chacun peut participer au projet en nous transmettant des informations (un tweet, un statut Facebook, une vidéo, une photo, un article de presse, un document d’analyse ou de réflexion, etc.). Nous sommes toujours en quête de nouvelles « têtes chercheuses », de veilleurs et de personnes qui maîtrisent bien les réseaux.
Quant à notre public, je pense qu’il est tout simplement composé de personnes qui refusent l’idéologie de la pensée unique et du Pasdamalgam.5/Les journaux, les médias libres, les blogs politiquement incorrects vont se retrouver dans la ligne de mire avec le projet de loi Taubira et la possibilité de bloquer les sites. Vous qui n’avez pas pour habitude de museler vos paroles, vous sentez-vous menacé ?
L’Internet reste le dernier espace de liberté face à l’hyper-classe politico-médiatique. Et je pense que nous assistons aujourd’hui à une tentative de reprise en main du Système pour tenter de contrôler les hommes et les idées.
Finalement, le plus inquiétant demeure l’absence de véritable mobilisation des citoyens français face à la mise en place de lois liberticides. En effet, pour défendre leurs libertés individuelles, pour marquer clairement leur refus d’être espionnés par l’État — grâce à la loi Renseignement —, les Français n’ont pas réellement bougé.Alors, oui, la menace existe. Mais j’ose espérer que nous trouverons toujours des solutions technologiques pour contourner la censure.
6/Vous nous faites l’amitié de publier sur votre site la Une de Présent chaque jour. Croyez-vous encore en la presse papier ?
Aujourd’hui, il est certain qu’Internet a bouleversé la donne. Mais, dans le même temps, les nouveaux modes d’accès à l’information, qu’il s’agisse d’équipements (smartphone, tablette) ou des réseaux sociaux (Facebook, Twitter) ont augmenté l’appétit du public pour l’actualité. S’ils savent adopter une bonne stratégie, les médias traditionnels ont donc encore un rôle à jouer.
Propos recueillis par Caroline Parmentier
http://fr.novopress.info/190888/entretien-fabrice-robert-fondateur-novopress/
-
Entretien de juillet-août 2015 - 02 - L'Ukraine
Lien permanent Catégories : actualité, entretiens et videos, géopolitique, international 0 commentaire -
Présentation de la chaîne MILITANT
-
Des Lorrains nationalistes persécutés
La Taverne de Thor est une charmante grange située aujourd'hui près de Verdun dans la Meuse à Combres-sous-les-côtes après avoir égayé pendant des années les soirées à Toul de fiers Lorrains peu enclins à se mélanger à la fange urbaine et à la violence des mes. Nous nous rappelons à ce propos des agressions commises dans le Toulois à rencontre d'innocents lycéens par des allogènes excités ne supportant pas leur tenue vestimentaire caractéristique d'une belle conscience politique. Après une grande manifestation culturelle qui avait regroupé près de 2 000 Européens fiers mais d'un calme olympien et la grosse manipulation des média qui avaient décrit les participants comme de vieilles guenilles de SS rabiques de jeux vidéo, le lieu de rencontre enraciné avait dû fermer ses portes. La gauche imbécile qui aime se faire peur entend faire fermer le nouveau local en faisant pression sur les politiques locales par le biais notamment d'une pétition en ligne et la complicité de journaleux détestant la France, ses terroirs et son peuple. Alerté par cette décharge d'adrénaline, nous avons contacté Jérémy F., le propriétaire du local.
RIVAROL : Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs et décrire les caractéristiques de votre établissement ?
Jérémy F. : Tout d'abord nous tenons à vous remercier de nous permettre d'apporter quelques réponses que vous serez les seuls à obtenir car nous connaissons le sérieux de votre journal. Nous sommes un petit groupe d'amis âgés en moyenne d'une trentaine d'années. La plupart d'entre nous sont pères de famille, travaillent et sont parfaitement en règle avec tous les aspects de l'administration de ce pays (qu'elle soit fiscale, judiciaire etc.). Nous avons depuis longtemps pris le parti de passer du temps entre nous afin de ne pas être importunés ni d'importuner qui que se soit (au vu des réactions hystériques provoquées, nous pensons une fois de plus être dans le vrai). Nous avons eu l'opportunité d'investir justement pour pouvoir jouir d'un espace de tranquillité. Il est évident que nous partageons tous une même philosophie de vie qui a priori n'est pas du goût de certaines personnes aussi intolérantes que mal informées. Il s'agit d'un hangar agricole situé près d'une petite route en sortie d'un charmant village de la campagne meusienne. C'est une petite structure d'environ 350 mètres carrés destinée à nous permettre de nous retrouver occasionnellement loin des lieux dits "culturels" entre gens de bonne compagnie. C'est-à-dire que nous désirons tout simplement pouvoir être épargnés de temps à autre par les « progrès sociaux » tels que la drogue et ne pas nous sentir obligés d'avoir les yeux partout de peur qu'un respectable pédophile traîne le sourire aux lèvres et les poches pleines de bonbons autour de nos enfants... Nous n'y pratiquons aucune forme de propagande, ne marchons pas au pas de l'oie et sommes une fois de plus victimes d'une chasse aux sorcières diligentée par des ignorants peu scrupuleux aux pratiques douteuses venues d'un autre âge. Bref ce n'est ni plus ni moins qu'un petit lieu de convivialité sans prétention mais agréable.
R. : Votre public ou clientèle a-t-il effrayé les habitants du village ?
J. F. : Absolument pas. Il est même peu probable que qui que ce soit n'ait, ne serait-ce qu'entraperçu un des "monstres" ! composant ledit public (nous n'avons aucune clientèle). Nous sommes au moins surs d'une chose ; si nous avons foi dans nos estimés média, les gens sont apeurés... Si effectivement certaines personnes ont peur cela n'est dû qu'à une surconsommation de déontologie médiatique.
R. : Pourquoi de telles réactions de la part de ces politiques et associatifs selon vous ?
J, F. : Il serait assez facile de reprendre le leitmotiv de ces amusants personnages : l'ignorance engendre la peur qui conduit à la haine.... Il est beaucoup plus simple de se dire que c'est dans les vieux pots qu'on fait la meilleure soupe. A tel point que même les adjectifs dont nous sommes affublés sont périmés. Nous avons une fois de plus à faire à des gens qui meublent leur néant idéologique par des extrapolations, mensonges, etc. Si l'on tient pour acquis les racontars nous organiserions entre autres : des combats de chiens... (ils sont tellement bien nourris qu'ils ne se battraient même pas pour une croquette), des combats free fight... (non seulement c'est faux mais en plus une question se pose : depuis quand serait-il prohibé de pratiquer du sport France ?), des soirées à 2 000 personnes... (nous ne ferons pas l'insulte à vos lecteurs de leur demander de compter mais 2 000 personnes dans 350 mètres carrés ?). Nous sommes accusés d'afficher des drapeaux à la symbolique plus que controversée (qu'ils se rassurent, même en Meuse les forces de l'ordre ne sont ni aveugles ni stupides et il n'y a ni constatation ni plainte). Et encore nous ne sommes pas exhaustifs. Il est vrai que si nous avions voulu contenter tout ce beau monde, nous aurions ouvert une salle de shoot ou pourquoi pas détruit le gagne-pain d'un honnête agriculteur en organisant une rave party. Cela au moins leur aurait épargné encre et salive. C'est également plus facile (et hypocrite) de critiquer ce qu'ils imaginent de nous plutôt que de se pencher sur les problèmes causés par leur bonne conscience bien-pensante comme par exemple la mort de milliers d'émigrés en Méditerranée venus goûter au miracle de la terre d'accueil. Et en creusant bien, au vu de leur manque de réflexion, ils devraient plutôt nous remercier de donner un sens à leur vie inepte. Nous ne sommes rien de plus qu'une cible de la jalousie qu'ils éprouvent à regard de gens qui, comme nous, veulent une vie saine et n'ont pas l'intention de participer à leur grand suicide collectif.
R. : Sous le prisme des média, on a vraiment l'impression que vous êtes la "haine" incarnée ?
J. F. : Oui bien entendu. Nous sommes de véritables monstres. Nous jouons au ballon avec nos enfants, ne les battons pas et ne commettons aucun braquage. Horreur ! Aucun drogué chez nous. Ordures ! On travaille. Salauds ! Aucun pédophile dans nos rangs. Puritains ! On ne pratique pas de tournantes dans les caves. Nous tenons également à préciser qu'aucun d'entre nous n'est propriétaire d'un champ de coton, n'a fait partie de la bande à Baader, de la Fraction armée rouge, ne pratique la délocalisation ou se fait du fric sur le dos des syndiqués. On n'est pas plus protégé par le gouvernement que les sardines. La prétendue bienveillance qui nous serait accordée par l'Etat s'exprime généralement avec des bijoux (que nous appelons affectueusement menottes). Nous ne vénérons aucun des grands bienfaiteurs de l'humanité (Staline, Pol Pot, Mao, etc.) faute de goût ?
Nous ne sommes pas comme certains de ces bien-pensants qui font des rappels historiques (alors qu'ils seraient très certainement bien en peine de pointer notre région sur une carte) tout en voulant faire disparaître Charles Martel et Jeanne d'Arc des livres d'histoire. Nous savons également lire, écrire et compter, contrairement à certains fanatiques de la pétition. Nous remercions nos détracteurs de l'importance qu'ils nous accordent ; 80 personnes (hommes, femmes et enfants) deviennent sous leur plume environ 2 000 nazis assoiffés de sang... Qu'ils se rassurent, chez nous aussi les enfants jouent avec l'innocence qui leur est propre et que nous parvenons tant bien que mal à préserver. Ces chers bambins n'ont ni fusils, bottes ou casques allemands et, comble de l'horreur, ils ont même un papa et une maman. Nous ne sommes pas des nantis mais ils ne manquent de rien et ne grandissent pas dans des rues sordides. Si ce type d'environnement s'appelle « la Haine », alors nous sommes particulièrement fiers d'y vivre.
PS : nous ne sommes pas non plus responsables de la disparition des dinosaures.
Propos recueillis par François-Xavier Rochette Rivarol juillet 2015
-
Aris Chatzistefanou : « Si la rébellion contre l’austérité persiste, ils joueront la carte du fascisme »
Le réalisateur a signé les documentaires « Debtocracy », « Catastroïka » et « Fascism Inc. ». Il est aussi cofondateur du magazine critique Unfollow. Retour sur une défaite grecque aux conséquences incertaines.
Comment jugez-vous l'accord imposé à Alexis Tsipras par les créanciers et ratifié par la Vouli malgré le « non » massif exprimé par le peuple grec lors du référendum du 5 juillet ?
Aris Chatzistefanou. Pour moi cet accord est une capitulation totale, je n'ai pas d'autre mot. Pour la première fois depuis quarante ans, le peuple grec avait enfin la possibilité de s'exprimer, de décider de son futur et ce gouvernement a finalement décidé de tourner le dos à l'expression de la volonté populaire en reprenant des négociations menant à la même impasse qu'avant le référendum. C'est à se demander s'ils voulaient vraiment gagner ce référendum, s'ils n'espéraient pas un résultat plus serré pour se revendiquer d'un mandat trop confus pour aller à la confrontation. Cela crée une situation de danger, pas seulement pour la Grèce, mais pour toute la gauche en Europe. Walter Benjamin disait du fascisme qu'il prospère sur les décombres des révolutions perdues. En ce sens, si la gauche grecque perd cette bataille, cela enverra un message négatif à tous les partis progressistes et à tous les militants de gauche en Europe mais surtout, cela libèrera l'espace pour les nazis d'Aube dorée, qui sont les héritiers en ligne directe des collaborationnistes grecs durant l'occupation allemande. Ils auront l'opportunité de se présenter comme les seuls représentants d'une ligne anti-système, anti-austérité. Dans la nuit de la ratification de l'accord, leur chef, Nikolaos Michaloliakos, s'est approprié un vocabulaire de gauche pour critiquer le capitalisme, l'Union européenne, la zone euro. Nous sommes face à un sérieux danger.
Cette capitulation tient-elle seulement à la volonté du Premier ministre grec, du gouvernement Syriza ? Que dites-vous de l'odieux chantage des créanciers, des institutions européennes, des autres chefs d'Etat et de gouvernement de la zone euro ?
Aris Chatzistefanou. Il ne s'agit pas seulement de chantage. Nous avons assisté à un coup d'État. De la même façon, la Banque centrale européenne était intervenue en 2011 pour renverser le gouvernement Berlusconi en Italie. Peu importe ce qu'on pense de Berlusconi : c'était un coup d'Etat financier. La BCE s'était alors employée à faire monter délibérément les taux d'intérêts de la dette, pour faire tomber un gouvernement élu. George Papandréou a subi le même sort, il a été remplacé par un banquier non élu, Lucas Papademos, incarnation d'une dictature de la finance. Je ne le nie pas : le gouvernement Tsipras a été pris au piège et s'est retrouvé dans une position très dangereuse. Mais cela tient aussi à leurs erreurs. Ces vingt dernières années, au sein de Synaspismos, puis de Syriza, il y avait cette confusion entre attachement à l'Europe et tabou de l'euro. Exprimer de la méfiance vis à vis de l'euro faisait de vous, à leurs yeux, un nationaliste tournant le dos aux autres peuples d'Europe. Mais l'Union européenne, ce n'est pas une famille de nations ! C'est juste un instrument au service des grandes puissances financières. La direction de Syriza n'a jamais voulu ouvrir les yeux là dessus. Si vous allez à des négociations sans être prêt à envisager le défaut, la sortie de la zone euro et la nationalisation des banques, il n'y a aucun espace de négociation pour vous. Il était évident que dans cette position, sans autres options, les négociateurs grecs se mettaient à la merci du chantage. Il y avait à la fois ce terrible chantage et les erreurs fatales du gouvernement Tsipras.
Vos films décrivent le saccage démocratique qui a accompagné les politiques d'austérité imposées au peuple grec. La dette est-elle devenue un régime politique ?
Aris Chatzistefanou. Absolument. Leur stratégie n’est plus celle de l’intervention militaire. Ils se contentent de dicter leurs choix en contrôlant, via la Banque centrale européenne, les flux de capitaux en direction des pays endettés. Pour l'instant, nous n'avons pas d'armes pour répondre à ce genre d'agression. C'est la même chose que d'envoyer des chars ou des troupes au sol. Vous n'avez pas besoin de tuer des gens, quoique... On le voit en Ukraine, l'UE n'a aucun problème à coopérer avec des fascistes qui tuent mais ça, disons que c'est le dernier stade. Avant, il y a tout une panoplie de mesures de coercition, ils les ont utilisées en Grèce. Dans les années 70 et 80, la dette est devenue le mécanisme principal par lequel ils ont pris le contrôle de nombreux pays d'Afrique, d'Asie, d'Amérique latine. Pour la première fois nous voyons, depuis cinq ans, que ce mécanisme s'applique à des pays de l'Union européenne.
Dans cet accord, quels aspects vous paraissent les plus préoccupants, les mesures d'austérité ou les abandons de souveraineté?
Aris Chatzistefanou. Ces deux aspects sont indissociables. Ils savent que ces mesures d'austérité, que ces privatisations ne pourront s'imposer sans perte de souveraineté, sans attaque directe contre la démocratie, contre la liberté de la presse. Pour rappel, nous avons perdu, au gré des programmes d’austérité, cinquante places dans l'indice établi par Reporters sans frontières, ce qui nous ravale au rang des dictatures ou des pétromonarchies du Golfe.
Pourquoi le choix de la Grèce comme terrain d'expérimentation de ce néolibéralisme autoritaire?
Aris Chatzistefanou. Bien sûr ce sont les failles architecturales de la zone euro qui ont crée et aggravé le problème de la dette mais les défauts structurels de l'économie grecque ont fait du pays un maillon faible. Peut être aussi la Grèce a-t-elle été prise pour cible parce que son peuple est enclin à la rébellion. En détruisant l'économie de la Grèce, ils tentent aussi de réduire au silence l'une des sociétés les plus politisées d'Europe.
D'où vient cette tradition de délibération et de résistance?
Aris Chatzistefanou. Peut-être que la guerre civile n'a jamais vraiment pris fin. Nous sommes le seul pays d'Europe où les collaborateurs des nazis ne se sont pas retrouvés dans la position des vaincus. Ils ont gagné la guerre civile et sont devenus l'armature de l'appareil d'Etat et de la classe bourgeoise, ils ont pris part à la dictature des colonels. Désormais leurs enfants, leurs petits-enfants sont les complices les plus loyaux de cette dictature financière. La gauche, elle, même réprimée, a su entretenir l'esprit de résistance et garder sa clairvoyance : nous devions survivre dans cet Etat contrôlé par les vieux ennemis de la Grèce.
Quelles seront les conséquences de cette défaite sur le peuple grec? Est-ce qu'elle annihile ses capacités de résistance ?
Aris Chatzistefanou. Si vous observez l'humeur des gens dans la rue, vous êtes tentés de dire que le fatalisme va l'emporter. Un tel enthousiasme a accueilli la victoire du « non » au référendum ! Et quelques jours plus tard seulement, découvrir ce nouveau mémorandum était totalement déprimant... Mais je reste optimiste. En fait, je viens de vivre le meilleur mois de ma vie. J'ai découvert un peuple qui, même sous la menace, avec les banques fermées, avec une propagande médiatique lui promettant la mort, a eu le courage de dire « non ». C'est le plus important pour moi. L’autre fois, à Athènes, une jeune couple m’a demandé sa route. L’itinéraire était un peu compliqué. Ils ont réagi en disant, avec humour : « Nous renonçons ! C’est plus simple de retourner à la drachme ! » Peu importe ce que fait la direction de Syriza, je suis sûr à 100% que ce nouveau paquet austéritaire ne pourra être appliqué en pratique. Même le FMI admet que c'est un plan fou. En fait, si je devais garder un instant de ce mois si dense, ce serait le « non » du 5 juillet, qui nous rend fiers et heureux. Ce « non » du peuple grec marquera durablement les consciences, quoi qu’il arrive.
Comment expliquez-vous la résistance des Grecs à l'austérité, sur une si longue durée?
Aris Chatzistefanou. Il n'y a pas d'autre choix ! Ce n'est pas seulement la posture de la Pasionaria, « mourir debout plutôt que vivre à genoux ». Certains parlent de « dignité », pour moi ce n'est pas une affaire de dignité, simplement il n'y a pas d'autre solution. Nous avons subi ces cinq dernières années deux mémorandums qui ont détruit l'économie grecque. Nous avons commencé avec une dette à 115% du PIB et après la période dite de « sauvetage », elle est montée à 180% du PIB. Les nouvelles projections évoquent une dette à 200% du PIB avec ce troisième mémorandum. Nous avons perdu un quart du PIB. Il n'y a aucun précédent historique dans un pays qui n'est pas en guerre. Nous avons 1,5 millions de chômeurs. Plus de la moitié de la jeunesse est privée d'emploi. Dire « stop », ce n'est pas une histoire de dignité, c'est une affaire de survie.
L'opposition entre le « oui » et le « non » au référendum a mis au jour un fort clivage de classe. Cela laissera-t-il des traces ?
Aris Chatzistefanou. Il est toujours bon de revenir aux fondamentaux, à la lutte des classe. La cartographie électorale du « non » et du « oui » révèle une claire conscience de classe. Mais ceci posé, je crains que la droite et l'extrême-droite ne tirent avantage de cette situation. Le système lui même, s'il constate que cette rébellion du « non » ne s'éteint pas, sera tenté d'instrumentaliser le fascisme pour dévoyer le mouvement populaire. Nous en sommes à ce point très critique. Bien sûr, l'histoire ne se répète pas, si ce n'est sous forme de farce, mais cela me rappelle 1923 lorsqu’Hitler, après l'échec du putsch de la Brasserie, a été mis en prison pour quelques mois. Au fond nous sommes dans la même position, avec toute la direction d'Aube dorée en prison ou en procès.
Cette victoire des usuriers de la Grèce va-t-elle entraver la montée des forces anti-austérité ailleurs en Europe, en Espagne en particulier ?
Aris Chatzistefanou. Nous devons attendre et observer la suite des évènements. La montée de Podemos était, c'est vrai, indexée sur celle de Syriza, jusqu'aux élections législatives du 25 janvier. Ils ont aussi profité de la victoire du « non », avant que l'adoption du nouveau mémorandum ne se traduise pour eux par une chute dans les sondages. Personnellement, j'attends de Podemos quelque chose de plus radical. Je ne suis enthousiasmé ni par leurs propositions ni par leur stratégie. Ils sont bien plus modérés que Syriza qui, déjà, est un parti de gauche modéré. Mais c’est une évidence, ce qui se passe en Grèce est déterminant pour le devenir du mouvement contre l'austérité partout en Europe. J'espère que les militants de Syriza, majoritairement opposés à cet accord, ne s'en tiendront pas là et, surtout, que le peuple grec trouvera les ressources pour réagir.
Entretien réalisé par Rosa Moussaoui
source : humanite.fr :: lien
http://www.voxnr.com/cc/tribune_libre/EuFZupZFuyAnhqAsQR.shtml
-
Entrevue #21 : "Adriano Scianca, responsable culturel de CasaPound Italia"
1) Le Cercle Non Conforme : Merci Adriano d'avoir accepté cet entretien. Pouvez-vous présenter votre parcours militant et intellectuel à nos lecteurs? Comment êtes-vous devenu le responsable des affaires culturelles au sein de Casapound et en quoi consiste cette fonction?
Adriano Scianca : Mon parcours militant est très simple, car avant d'entrer à CasaPound je n'ai eu absolument aucune autre expérience politique. J'ai commencé à fréquenter ce mouvement en tant que simple sympathisant, en prenant immédiatement conscience de sa force, de son énergie ainsi que de la clairvoyance de son programme et de son idéologie. Ensuite j'ai amplifié au fur et à mesure mon engagement et mon implication.
Mon parcours intellectuel est évidemment plus complexe, je suis passé par une forte identification de jeunesse à la doctrine de Julius Evola et puis, dans un second temps, par une découverte des thèses de la Nouvelle Droite française et de celles de Giorgio Locchi, ce génial intellectuel italien qui a longtemps vécu à Paris.
Être le responsable culturel de CPI [CasaPound Italia] consiste à superviser l'organisation des conférences de notre section principale, à Rome, mais aussi à coordonner celles qui se déroulent dans toutes les sections d'Italie, et enfin à s'occuper de tout ce qui à trait à la formation, à l'information et à la communication entre les militants de CPI.2) Le C.N.C. : Comment a été reçu l'ouvrage Casapound, une terrible beauté est née en Italie et en Europe ? A l'heure actuelle peut-on dire que cet ouvrage a contribué à fortifier l'image et la doctrine de Casapound ?
A.S. : J'espère en effet que le livre a contribué à l'image et à la doctrine de CasaPound. Quant à sa réception, je dois dire qu'en France elle a été plus marquée qu'en Italie. Chez nous il a été beaucoup lu surtout par les militants, et du reste j'ai fait des présentations dans quasiment chaque section de CPI. Il n'y a toutefois qu'en France que ce livre a généré un véritable débat, parfois de manière assez virulente. C'est parce que votre pays a un rapport différent à la culture et aussi parce que les milieux identitaires donnent une grande importance aux discours doctrinaux.
3) Le C.N.C. : Casapound est perçu en France comme un mouvement social adossé à un projet métapolitique (radio, musique, esthétique, …). ZetaZeroAlfa et son leader, Gianluca Iannone, sont pour beaucoup dans cette impulsion initiale. Quel bilan tirez-vous de l'action culturelle du mouvement depuis son origine ?
A. S. : Je crois que l'activité culturelle de CasaPound est sans aucun doute un succès. En peu d'années nous avons organisé une centaine de conférences rien qu'à Rome (auxquelles il faut ajouter toutes celles faites dans le reste de l'Italie), et certaines d'entre elles ont occupé les premières pages des journaux nationaux. Nous avons été les premiers en Italie à recevoir et à donner la parole aux Grecs d'Aube Dorée, hélas ostracisés comme d'autres mouvements nationalistes européens. Nous avons été l'unique mouvement nationaliste en Europe à faire face – tout en restant fermes sur nos positions – à un ancien terroriste communiste comme Valerio Morucci (auteur de l'enlèvement et de l'assassinat de l'homme d'Etat démocrate chrétien Aldo Moro) ou aux associations homosexuelles. Nous avons accueilli dans notre local des parlementaires de tous les partis, des intellectuels de toutes opinions. Nous avons fait des conférences sur des auteurs surprenants comme Kerouac ou Bukowski.
En plus du mien, je renvoie aussi aux deux livres (un essai et un roman) que Domenico Di Tullio, notre avocat et ami, a dédié à CPI. Et enfin aux livres sur CasaPound, écrits par des étudiants, des sociologues, des journalistes, quasiment toujours de gauche.4) Le C.N.C : Lors du colloque de l'Institut ILIADE, vous êtes intervenu pour vous exprimer au sujet du mont Palatin, un « haut lieu européen ». Y a-t-il pour vous d'autres lieux dans la ville de Rome où vibrent l'âme européenne et notre plus longue mémoire ?
A. S. : Étant à tout point de vue une ville sacrée, Rome est parsemée de lieux de ce type. Si l'on doit en citer un, nous pouvons parler de l'Ara Pacis, l'autel dédié à Auguste en 9 av. JC à la déesse de la Paix, originellement situé dans une zone du Champ de Mars consacrée à la célébration des victoires. Monument évocateur, aujourd'hui malheureusement mis en cage dans une horrible architecture moderne, qui démontre de façon plastique l'incapacité de notre époque à sauvegarder son meilleur héritage. D'un point de vue profane, j'ai plaisir à rendre hommage aux quartiers entiers qui portent l'empreinte du style fasciste : de l'EUR au Forum Italique jusqu'à la Cité Universitaire.
5) Le C.N.C. : Le futurisme est une référence qui revient fréquemment dans l'univers de Casapound de même que l'esprit d'avant-garde. Comment définiriez-vous l'avant-garde culturelle pour le XXIeme siècle ?
A. S. : Il est difficile de fixer les contours exacts d'une avant-garde avant qu'elle ne prenne corps. Mais nous pouvons déterminer certaines de ses caractéristiques possibles. L'avant-garde du XXIeme siècle devra être caractérisée par une pensée forte, elle devra être en lien avec l'élémentaire, avec l'essentiel. Ce sera une pensée vitaliste et constructive. Son objectif principal sera de repenser l'identité européenne, qui ne peut plus se limiter aux seules images de Stonehenge et du Parthenon grec, elle doit dire quelque chose aux jeunes d'aujourd'hui et surtout de demain.
6) Le C.N.C. : Dans le parc du Pincio, nous pouvons admirer de nombreux bustes de personnages célèbres de l'histoire italienne et européenne, si vous deviez vous référer à un seul des personnages présents dans ce parc, lequel serait-il et pourquoi ?
A. S. : Si je dois en choisir un seul je parlerai de Nicolas Machiavel, qui est aujourd'hui dépeint comme le théoricien d'un cynisme politique à la House of Cards, alors qu'il fut en réalité un bon patriote, partisan des forces (virtù) républicaines (romaines NDT) et de l'héritage romain. Machiavel a parlé de la necessité de reconnaître l'autonomie du politique plusieurs siècles avant Carl Schmitt, et a rêvé d'une Italie libre et souveraine bien avant que notre nation trouve l'unité et l'indépendance.
7) Quels seraient pour vous les dix livres incontournables de la bibliothèques idéale de tout européen ?
Étant donné que les listes de ce type sont toujours arbitraires et dans une certaine mesure « symboliques », je vais essayer d'établir avec une liste qui reflète en quelque sorte ma sensibilité :
1) Homère, l'Iliade et l'Odyssée ; 2) Virgile, l'Enéide ; 3) Friedrich Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra; 4) Martin Heidegger, L'auto-affirmation de l'université allemande ; 5) Giorgio Locchi, Wagner, Nietzsche et le mythe surhumaniste ; 6) Jean Raspail, Le camp des Saints; 7) Alain de Benoist, Comment peut-on être païen ?; 8) Filippo Tommaso Marinetti, Mafarka le futuriste ; 9) Ezra Pound, Cantos; 10) Dominique Venner, Un Samouraï d'Occident.
Traduction : Aymeric
-
Les chrétiens d’Orient : une présence nécessaire
Mgr Pascal Gollnisch, directeur de l’Œuvre d’Orient et vicaire général pour les Orientaux, lance un cri d’alarme en faveur des chrétiens d’Orient menacés de disparition. Entretien.
La Nef – Pouvez-vous nous dire en quelques mots ce qu’est l’Œuvre d’Orient ?
Mgr Pascal Gollnisch – Nous existons depuis le milieu du XIXe siècle. L’œuvre a été créée par des laïcs, ce qui était original à l’époque, professeurs de la Sorbonne. Il s’agissait alors d’aider les écoles fondées au Proche-Orient en général par des religieux et religieuses français, et qui avaient pour mission de s’adresser aux riches comme aux pauvres, aux chrétiens comme aux musulmans. C’est pourquoi, à l’origine, nous nous appelions l’Œuvre des Écoles d’Orient. L’Œuvre s’est étendue naturellement au domaine de la santé, en créant des dispensaires, puis s’est intéressée à la vie en général des Églises catholiques d’Orient. Aujourd’hui donc, nous intervenons dans les domaines de l’éducation, de la santé, de la vie des Églises. Nous nous adressons à toutes les communautés catholiques orientales présentes depuis l’Ukraine jusqu’à l’Inde, c’est-à-dire aussi bien l’Éthiopie, l’Égypte, la Syrie que l’Irak ou la Turquie. Nous n’aidons que les structures catholiques du fait de leur rôle historique dans la région, mais celles-ci soutiennent sur place les autres communautés locales (musulmanes…) par les dispensaires, les écoles… ouverts à tous.
L’Œuvre d’Orient est-elle une particularité française ?
En effet, longtemps, l’Œuvre a reposé sur la fidélité de familles françaises qui, de génération en génération, continuaient à donner. Mais nous avons débordé ce cadre aujourd’hui : nous recevons 70 000 dons chaque année, pour un budget de 15 millions d’euros. Cela reste pourtant une particularité française : nous avons créé une « fille » en Belgique, mais qui peu à peu a pris son autonomie. De même aux États-Unis, avec la Pontifical Mission. Dans les statuts, l’Œuvre d’Orient est une association de la loi 1901, dont le directeur est nommé par l’archevêché de Paris.
En sus d’être directeur de l’Œuvre d’Orient, vous êtes vicaire général pour les Orientaux : qu’est-ce que cela signifie ?
Le principe de l’Œuvre est de secourir et d’aider les Orientaux en Orient même. Mais en France, il existe un ordinariat pour les Orientaux, c’est-à-dire une sorte de tutelle pour les ressortissants des Églises d’Orient installés dans le pays. Le responsable en est historiquement l’archevêque de Paris, c’est-à-dire le cardinal Vingt-Trois aujourd’hui, sauf pour les Églises ayant un évêque spécifique, comme les Ukrainiens, les Arméniens et les Maronites. C’est un quasi-diocèse, et j’en suis donc le vicaire général. Cette tutelle vis-à-vis des paroisses catholiques de rites orientaux consiste à les aider à garder leur personnalité propre tout en prenant place parallèlement dans la réalité française. Cette « diaspora » s’est constituée en plusieurs vagues, depuis les catholiques russes ayant fui la Révolution de 1917 jusqu’à l’immigration contemporaine. [....]
La suite dans La Nef
http://www.actionfrancaise.net/craf/?Les-chretiens-d-Orient-une
-
Michel De Jaeghere : L’universalisme chrétien et l’erreur de la Nouvelle Droite
Michel De Jaeghere est journaliste et écrivain. Il est directeur de la rédaction du Figaro Hors-série et du Figaro Histoire. En 2014, Michel De Jaeghere publiait aux éditions des Belles Lettres un imposant ouvrage consacré à la chute de l’Empire romain d’Occident : Les derniers jours , lauréat du Prix Du Guesclin 2014. M. De Jaeghere a bien voulu répondre aux questions du R&N.Cet entretien est divisé en quatre parties : Partie I : L’irruption du christianisme dans l’Empire païen Partie II : La persécution des chrétiens à Rome Partie III : Le christianisme a-t-il provoqué la chute de Rome ? Partie IV : L’universalisme chrétien et l’erreur de la Nouvelle DroiteEn voici la quatrième et dernière partie.R&N : La Chrétienté fut elle l’héritière de Rome ?M. De Jaeghere : De fait, la romanité a survécu essentiellement grâce à l’Église. La civilisation romaine consistait en l’universalisation du modèle de la vie civique, délivrée de la guerre perpétuelle qu’avait connu le monde grec, par l’hégémonie du Peuple-Roi. Ce modèle mettait au cœur de la vie politique la recherche du bien commun par la discussion rationnelle au sein d’institutions délibératives formées par les possesseurs de la terre, les propriétaires fonciers. Il faisait dès lors de la maitrise de la culture littéraire l’un des marqueurs de l’aristocratie, un passage obligé sur la voie du pouvoir et des honneurs. Les royaumes barbares qui ont succédé à l’Empire romain étaient au contraire de nature tribale. Ils étaient fondés sur la force armée, et c’est par les armes que l’on y progressait dans la hiérarchie sociale. La conséquence fut la disparition progressive de la culture lettrée, puis de l’écriture elle-même ! A la fin du VIe siècle, en Gaule, les grands seigneurs mérovingiens ne sauront plus signer de leur nom.Devant l’effondrement de leur univers, un grand nombre de représentants de l’aristocratie romaine (Sidoine Apollinaire, saint Avit, saint Remi) virent dans l’Église le seul moyen de préserver leur mode de vie, leur influence sociale mais aussi les trésors de la civilisation dont ils étaient les derniers dépositaires. Ils entrèrent en masse dans l’épiscopat et transmirent la culture lettrée à l’intérieur de l’Église. D’un côté, se développa ainsi une aristocratie d’épée, inculte ; de l’autre, une aristocratie ecclésiastique, lettrée, qui apporta avec elle les traditions de la romanité, l’amour des lettres et de la culture. C’est par le maintien de cette hiérarchie épiscopale, au cœur de la tourmente, que la romanité put traverser les siècles obscurs.R&N : L’Église romaine se veut universelle. Son universalisme ne fait-elle pas d’elle un élément de dissolution pour les communautés politiques, comme le prétendent les tenants du néo-paganisme ?M. De Jaeghere : Le christianisme n’invente pas l’universalisme. L’universalisme lui préexiste. La Grèce antique, dont la Nouvelle Droite se réclame, est aussi le monde de l’universalisme. Socrate, Platon ou Aristote sont à la recherche de vérités universelles sur l’homme, d’un Vrai, d’un Bien, d’un Beau qui se rient des frontières. Cela n’empêchera pas Socrate de participer comme hoplite à la guerre du Péloponnèse ainsi qu’aux discussions de l’Ecclesia d’Athènes ! Cette opposition entre universalisme et défense de l’identité, familière à la Nouvelle droite, me parait relever d’une erreur de perspective. Elle consiste à nous mettre devant un choix simpliste entre une identité dénuée de toute préoccupation universelle, et un universalisme coupé de toute racine. Or nous ne sommes ni purs esprits ni élevage de lapins. Nos âmes immatérielles sont mystérieusement liées à nos corps de chair, ce pourquoi le respect de notre identité est légitime et nécessaire, mais doit être une médiation vers l’universel. Maurras dit ainsi que c’est parce qu’il est provençal qu’il est français, parce qu’il est français qu’il se sent romain ; parce qu’il est romain qu’il est humain. En formant sa sensibilité au spectacle d’une allée de cyprès, du battement de la mer sur les rochers ou du moutonnement argenté des oliviers dans la plaine, des origines méditerranéennes peuvent prédisposer une âme à sentir la poésie d’Homère, d’Hésiode ou de Virgile. Mais Homère, Hésiode et Virgile ne sont pas pour autant des poètes du terroir ; ils ne chantent pas la Méditerranée pour nous inviter à y faire du cabotage ; ils prennent appui sur leur univers dans ce qu’il a de plus concret pour nous faire découvrir des idéaux, des sentiments, des vérités qui ont une saveur d’éternité.On peut à bon droit mettre en garde contre une dérive de l’universalisme qui conduirait à considérer comme illégitimes toutes les identités particulières. Parce qu’il est, une fois encore, corps et âme, il est dans la nature de l’homme d’avoir besoin d’enracinement. Il n’y a, justement, rien de plus universel que ce besoin. Mais l’enracinement n’est pas une fin : il est un moyen d’atteindre à l’universel en nous délivrant de nous-mêmes ; en nous enserrant dans une communauté et en nous ouvrant à des beautés qui nous font sentir qu’il faut, pour s’accomplir, se donner à ce qui est plus grand que soi.La critique de l’universalisme dévoyé est légitime : nous ne sommes pas des enfants trouvés destinés à mourir célibataires, des nomades sans terre, sans horizon, sans patrie. Nous sommes héritiers d’un passé et responsables d’un avenir ; nous sommes nés dans une famille, une communauté à laquelle nous sommes redevables, parce qu’elle nous a façonnés, nous à fait passer de la puissance à l’acte, nous a permis de devenir ce que nous sommes en nous donnant notre langue, nos mœurs et notre culture, nos habitudes, nos coutumes, notre façon de réfléchir, notre manière d’appréhender la vie. Cela nous crée à leur égard des obligations particulières, mais cela ne fait pas pour autant de nous, vis-à-vis des autres communautés, des autres hommes, des étrangers absolus.Parce que nous partageons avec eux la condition humaine, et que celle-ci relève d’une certaine nature, invariante dans le temps et l’espace. Pour nous chrétiens, notre condition de fils de Dieu, dotés d’une âme immortelle, rachetés par la Croix, et appelés à la vie éternelle. Mais pour Platon, déjà, notre nature d’êtres doués de raison, d’âmes capables de dialoguer avec elles-mêmes ; pour Aristote notre condition d’animal politique. L’erreur de la pensée mondialiste, si prégnante aujourd’hui, est de délégitimer l’enracinement, en portant au paroxysme un individualisme absolu qui, du fait même de notre finitude, ne peut déboucher que sur le nihilisme : la mort est en définitive, le seul horizon qui s’offre à l’individu sans famille, sans passé, sans patrie. Rien ne le précède ni ne le continue. « Ceux qui pensent que le bien de l’homme est en la chair, et le mal en ce qui détourne du plaisir des sens, qu’ils s’en saoulent et qu’il y meurent », dit Pascal.Mais ce que j’appellerais « l’identitarisme » est une erreur symétrique. Récuser en effet tout universalisme pour s’en tenir au culte maniaque de la seule tradition des ancêtres, au seul soin de sa propre communauté politique, de son peuple, de sa race, dans l’indifférence absolue au monde qui l’entoure, revient à récuser l’unité de la nature humaine. Avec elle, l’idée qu’il existe un droit naturel, un ordre naturel du monde qui s’impose à nous, des lois non écrites qui nous interdisent de nous conduire, vis-à-vis de la création, en démiurges, et vis-à-vis de nos semblables, en tyran ivre de sa puissance ou en macaque libéré de sa chaîne. En critiquant, légitimement, un universalisme dévoyé, il ne faut pas couper l’identité de sa fin, qui est précisément d’atteindre à ce qui nous dépasse et qui nous accomplit. Défendre la légitimité de son enracinement dans une patrie, participer à sa défense et à sa protection, aux combats nécessaires pour sa survie, ne doit pas nous conduire à récuser l’existence d’une nature humaine qui fait de nous, aussi, les frères de tous les hommes. L’identitarisme, en refusant l’universel, se révèle comme une hypertrophie de la pensée moderne. Ses partisans se croient anti-modernes, parce qu’ils se disent prêts à s’oublier pour un idéal supérieur à leur propre vie. Mais le « nous » qu’ils vénèrent n’est au fond qu’un moi collectif, le reflet valorisant d’eux-mêmes. Ils sont en réalité beaucoup plus modernes qu’ils ne se l’imaginent.