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entretiens et videos - Page 836

  • Gaultier Bès : « L’enracinement est une condition sine qua non de la conversion écologique »

    Gaultier Bès, 26 ans, est professeur agrégé de Lettres modernes dans un lycée public de banlieue. Il est marié et père d’un enfant. Il est l’auteur de Nos Limites - Pour une écologie intégrale (Le Centurion, 2014) et le directeur adjoint de la revue Limite, dont le premier numéro paraîtra début septembre. Il a bien voulu répondre aux questions du R&N.

    R & N : Gaultier Bès, on dit de vous que vous êtes un "catho écolo". Est-ce exact ? Que faut-il entendre derrière ces mots ? Pourquoi cette fibre "écolo " ?

    Gaultier Bès : « Catho écolo » ? Je comprends l’expression, mais je récuse l’étiquette. Il faut s’entendre sur les mots. Je suis chrétien, catholique - ou du moins je m’efforce de l’être, par la grâce de Dieu - ce qui implique de chérir et de servir la Création toute entière. Nous n’en sommes ni les propriétaires ni les souverains, nous en sommes les gardiens. Mériterons-nous cette parole de bénédiction que le maître adresse au « serviteur bon et fidèle » dans la parabole des talents : « tu as été fidèle pour peu de choses, je t’en confierai beaucoup ; entre dans la joie de ton maître » (Matthieu, 25) ? Au fond, je n’apprécie guère le mot « catho » qui me semble être une réduction culturelle, sociologique, et donc caricaturale, de ce que signifie, fondamentalement, professer la foi catholique. Il s’agit justement de s’affranchir de certains codes et réflexes, d’un certain vocabulaire (celui des « valeurs » notamment, qu’on finit par confondre avec la vérité de notre foi), pour devenir plus radicalement disciple du Christ. De même, le mot « écolo » est ambigu, charriant avec lui un ensemble de représentations que je ne fais pas toujours miennes. Le slogan « sauver la planète (ou le climat) », par exemple, formule emphatique qui participe d’une sorte de néo-pélagianisme selon lequel l’humanité pourrait obtenir par elle-même, par sa seule créativité technique, le salut du monde. Ou encore les idées de « croissance verte » ou de « consommation éco-responsable » qui me semblent ne pouvoir mener qu’à un amendement superficiel de nos modes de vie, là où il faudrait une révolution – une conversion si vous préférez. L’écologie ayant été définie à l’origine comme « sciences des conditions d’existence », il s’agit moins de notre point de vue de devenir « écologiste » que d’être plus intégralement, plus radicalement chrétien, en favorisant la vie sous toutes ses formes. Beaucoup d’entre nous font donc de l’écologie, comme Monsieur Jourdain de la prose, sans le savoir ! Pour ma part, cette conscience écologique, je ne l’ai pas toujours eue. Elle me vient de certaines lectures suivies de rencontres déterminantes : entre autres, celles d’Olivier Rey (philosophe et mathématicien) et de Vincent Cheynet (directeur du mensuel La Décroissance). J’ai été aussi profondément déterminé par une enfance à la campagne, par le scoutisme, et par certaines expériences décisives comme une longue marche, seul à 17 ans, sur les chemins de Compostelle. Quand on a eu la chance de goûter à la beauté d’une nature préservée, comment peut-on continuer à supporter qu’on la défigure ? [... ;]

    La suite sur Le Rouge et Le Noir

    http://www.actionfrancaise.net/craf/?Gaultier-Bes-L-enracinement-est

  • NSA : «D'un point de vue technologique, la France est une colonie américaine»

    Mediapart et Libération ont révélé ce mardi soir que les trois derniers présidents français ont été mis sur écoute par la NSA au moins de 2006 à 2012. Que vous inspire cette surveillance ? Est-elle inédite ?

    Tout cela n'a rien de nouveau, et ce n'est pas la première fois qu'il est révélé que la NSA écoute des dirigeants Européens. La fois précédente, il s'agissait d'Angela Merkel. Qui pouvait s'imaginer un instant à l'époque que la Chancelière Allemande avait droit à un traitement privilégié par rapport aux présidents Français ?

    De nos jours, du simple citoyen au plus haut dirigeant, la confiance a totalement disparu. Chez les politiques, cela se traduit par une explosion de la mise sous surveillance de tous -du Français lambda aux dirigeants politique (de son propre pays ou d'un pays étranger)-, chez les citoyens, cela se traduit par une explosion du phénomène des lanceurs d'alerte, dont Wikileaks est un symbole. La confiance est un phénomène réciproque. Si vous ne vous fiez pas à quelqu'un, il n'y a que peu de chance d'établir une relation de confiance réciproque avec lui. Si, en tant qu'État, vous espionnez vos alliés, la confiance va être difficile à établir. Si vous surveillez vos citoyens, il en sera de même, et si vous êtes dans un régime démocratique, rester au pouvoir sans avoir la confiance du peuple peut s'avérer délicat.

    Edward Snowden avait déjà révélé les techniques de surveillance de la NSA en 2013. Les services de renseignement en ont-ils réellement tenu compte ?

    Les services de renseignement étaient effectivement déjà largement au courant des pratiques de la NSA, et il est plus que certain qu'ils ont adapté leur approche au regard des détails fournis par Edward Snowden. Leur problème tient sans doute plus dans la difficulté qu'il y a pour les dirigeants français à adopter de “bonnes pratiques” les mettant à l'abri des écoutes. On voit régulièrement des ministres ou des présidents utiliser un smartphone, et cela fait rire de façon systématique tous les hackers. Maintenant, vous savez pourquoi.

    Une partie non négligeable des téléphones, et dans une moindre mesure des ordinateurs, vendus dans le commerces sont livrés avec des systèmes de surveillance pré installés -vouloir les utiliser pour échanger de façon confidentielle des informations est parfaitement idiot. Dans un autre ordre d'idée, si vous avez accès aux recherches Google issues du minsitère de l'écologie dans les mois qui précèdent un rendez vous comme COP21, vous avez des renseignements de premier plan sur les préoccupations de votre adversaire.

    Si cette difficulté des hommes politiques à adopter des bonnes pratiques est à mettre en cause, n'y-a-t-il pas également des failles de sécurité au sein du gouvernement français ?

    Il n'y a que ça, et il est difficile d'en vouloir au gouvernement. Les technologies que nous utilisons pour construire nos infrastructures -celles utilisées par le gouvernement comme les autres- ne sont pas souveraines, et celles qui sont d'origine américaine (et elles sont nombreuses) sont presque systématiquement pensées pour permettre à la NSA d'en prendre le contrôle à des fins de surveillance. Nous n'avons pas, ou peu, de technologies souveraines. C'est une réalité avec laquelle il nous faut composer. Le fait d'être, d'un point de vue technologique, une colonie américaine est l'une des conséquences facheuse de ce manque de souveraineté. Les dirigeants politiques en sont souvent réduits à faire du face à face pour les discussions les plus confidentielles. Cela revient à s'éclairer à la bougie, et on s'imagine le manque de performance qui en découle de l'appareil qu'est le plus haut sommet de l'État.

    Ajoutez à cela qu'à ce niveau de pouvoir, la compréhension de la chose technologique est proche du zéro absolu. Et pour cause : on a laissé cette chose aux techniciens, jusqu'au jour où l'on s'est aperçu que Facebook et Google -tous deux inventés par des techniciens- parlaient d'égal a égal avec les chefs d'État de la planète. 

    Comment donc assurer la confidentialité de nos communications en France?

    Comme partout ailleurs, en diffusant au sein des entreprises un ensemble de bonnes pratiques qui, au fur et à mesure que les technologies de surveillance deviennent sophistiquées, doivent être revues et mises à jour. Il faut ensuite s'assurer que ces pratiques sont suivies scrupuleusement et établir un dialogue entre des spécialistes en sécurité et les utilisateurs de technologie, ce qui peut être très complexe.

    L'écrasante majorité des dirigeants -qu'il s'agisse de l'État ou des grandes entreprises- ne comprend strictement rien à la chose technologique. On leur a vendu la technologie par petit bout, année après année: après celle du “search engine marketing” est arrivé l'année des réseaux sociaux, puis du mobile, de l'objet connecté, etc, jusqu'au moment où l'uberisation de l'économie leur a fait comprendre qu'ils n'avaient rien vu venir (tout comme avec la surveillance) et que du coup, il n'y comprennaient vraisemblablement pas grand chose.

    «C'est l'arroseur arrosé. Voilà un gouvernement qui vient de faire voter une loi sur les écoutes et qui se plaint d'être écouté» a déclaré le sénateur UDI Yves Pozzo di Borgo. La loi sur le renseignement devrait en effet être adoptée définitivement ce mercredi. Ces révélations peuvent-elles avoir un impact sur ce vote ?

    Je doute que les révélations de Wikileaks affectent le vote. La loi française sur le renseignement est le reproduction presque à l'identique du Patriot Act américain; Tout, y compris son timming post attentat, a été fait pour la faire adopter dans l'émotion plus que dans la raison, car si les députés avaient la moindre idée des perspectives que cela ouvre à l'évolution du régime politique en France, ils en seraient effrayés.

    Est-ce un hasard que ces informations d'espionnage soient rendue publiques la veille de ce vote?

    Je doute qu'il s'agisse du fruit du hasard. C'est une piqûre de rappel salutaire: au-delà de ce vote, il ne faut plus s'attendre à vivre encore longtemps dans un régime démocratique.

    Sommes-nous déjà dans une société de surveillance généralisée?

    Oui, nous sommes depuis quelques années dans une société de la surveillance, ou tout le monde est potentiellement surveillé par une autorité supérieure qui le fait dant la plus parfaite impunité et sans le moindre contrôle. Vous, moi, les journalistes, les avocats, les parlementaires, mais également les ministres et le président.

    La France est, dans cette période étrange de l'histoire de l'humanité qui débute, une des grandes puissances mondiales de la surveillance. En fournissant une aide logistique et un savoir-faire indéniable en matière de surveillance à de nombreuses dictatures étrangères, notamment en Afrique et au Moyen-Orient, la France surveille non seulement toute cette partie du monde qui reste obscure aux grandes oreilles américaines, mais elle appuie la continuité et l'expansion de la “france-afrique” sur de nouvelle bases, solidement ancrées et, j'en ai peur, durables.

    Sur le plan intérieur, la remise en question des élites dirigeantes par le peuple et la perte des illusions démocratiques ouvre une ère d'instabilité des institutions qu'il semble réaliste de contrer par un renforcement de l'autorité de l'État. Un État panoptique, omniscient et omniprésent à travers les technologies de notre quotidien, est perçu, sans doute à raison, comme une solution plus douce qu'un régime autoritaire. Mais d'une façon ou d'une autre, la classe dirigeante ne peut plus espérer longtemps faire reposer son pouvoir sur une quelconque légitimité, et il lui faut envisager un relais vers autre chose si elle veut continuer de diriger le pays. La surveillance de masse de tout citoyen est une forme de pression qui pourrait permettre demain de résoudre sans violence excessive de nombreux conflits. De récents documents mis à jour par Edward Snowden montrent comment les services anglais, en plus d'opérations de surveillance classiques, infiltrent les réseaux sociaux pour déstabiliser une opposition politique, discréditer un adversaire ou perturber le bon fonctionnement d'un groupe suceptible d'accéder au pouvoir. Ce type de comportement de la part d'un service de renseignement n'a rien de nouveau, mais les moyens techniques utilisés changent la donne de façon radicale.

    En entrant de plein pied dans la société de la surveillance, nous avons profondément altéré les règles de bases des société démocratiques -là où les dictatures n'ont fait que moderniser un dispositif de surveillance plus ou moins passif et pré-existant. Nous sommes entrés dans l'ère du soupçon, une ère où la norme est de ne pas faire confiance. Ne pas faire confiance aux politiques est un réflexe adopté par près de 80% des français, mais cette défiance se généralise bien au delà du politique et des institutions. Ne perdons jamais de vue que la confiance est également la base de l'économie, et que cette dernière finira elle aussi par être affectée.

    La loi sur le renseignement va-t-elle accentuer le phénomène ou peut-elle être un élément de lutte, comme l'estime le député François de Rugy: «La publication de ces écoutes montre justement qu'il faut une loi qui dit ce qui est autorisé ou pas pour les services de renseignement» ?

    Il faut s'attendre à voir nos politique nous débiter dans les jours qui viennent un festival de stupidités. Celle de François de Rugy est assez pitoresque. Cette loi n'a jamais été pensée pour lutter contre les grandes oreilles américaines, car comme le sait parfaitement Mr de Rugy, la France a signé un accord de coopération et d'échange des données issues de la surveillance avec les USA en 2010. Ces accords portent le nom d'”accord Lustre”. Ce fait est connu de tous nos politiques qui prétendent, pour le moment, l'ignorer, quitte à se ridiculiser lors d'une prochaine fuite d'information.

    Là où Mr de Rugy fait très fort, c'est qu'il y a fort à parier que les termes -et donc l'existence officielle- des accords Lustre fassent partie de ce que Wikileaks s'apprête à révéler dans les jours qui viennent. Il pourrait donc se voir taxer de menteur dans moins de 48h, ce qui, en toute logique, ne devrait en rien affecter sa carrière politique, car de toute façon, qui aujourd'hui peut croire ce que raconte un homme politique sur de tels sujets ?

    Source

    http://www.oragesdacier.info/

  • L’entretien accordé par Marion Maréchal-Le Pen : L’Action française ne peut que saluer ce coup de tonnerre dans le ciel faussement serein du républicanisme.

    L’entretien accordé par Marion Maréchal-Le Pen au trimestriel Charles a fait couler beaucoup d’encre avant même sa publication mercredi. Les réponses du jeune député frappent d’abord par leur franchise et par leur pragmatisme. Pas de langue de bois, ni d’envolées lyriques. Elle appelle un chat un chat, qu’il s’agisse de questions privées, de goûts musicaux ou de politique. Sur ce dernier point, quand on l’interroge sur la question de l’identité nationale, elle répond sans ambages que oui, aujourd’hui, « la première religion pratiquée [en France] est l’Islam » et que, non, cela ne remet pas en cause la « chrétienté française » car la civilisation française, elle, demeure chrétienne. Dans sa courte réponse, elle se porte d’instinct au cœur du sujet en condamnant la tendance qui « voudrait que la République efface la France », affirmant pour sa part que « la République ne prime pas sur la France ». L’Action française ne peut que saluer ce coup de tonnerre dans le ciel faussement serein du républicanisme. L’idole droit-de-l’hommiste, la sacro-sainte laïcité, le culte des institutions républicaines, tout cet ensemble de croyances abstraites que la classe politique ose encore parfois défendre (quand elle l’ose !) face à la montée des périls de l’islamisation ou du nihilisme post-moderne n’est aux yeux de Marion Maréchal qu’un château de cartes au regard de la France substantielle, de la France historique, celle des traditions, des clochers, du mode de vie, celle de tout ce produit concret de notre histoire, très majoritairement chrétienne et royale. Madame le député, votre patriotisme spontané et votre bon sens vous ont fait entrevoir le nœud de la politique française, venez le trancher avec nous !

    Action française

    http://www.actionfrancaise.net/craf/?L-entretien-accorde-par-Marion

  • Entretien avec Charlotte d’Ornellas à propos de la Syrie

    Charlotte d’Ornellas, qui nous fait l’immense plaisir de collaborer quotidiennement à contre-info.com, connait bien la Syrie. Elle livre un témoignage poignant sur ce que vivent les populations en Syrie. Elle balaye plusieurs sujets comme le sort des chrétiens d’Orient, les sanctions internationales, l’image de la France en Syrie etc… Reportage d’Armel Joubert des Ouches pour Reinformation.tv :

    http://www.contre-info.com/

  • Entretien de juin 2015 - Transition énergétique, retraites, armée, Mali

  • Infrastructures, bases militaires, finance… : la discrète mais redoutable stratégie de la Chine pour projeter sa puissance sur les 5 continents

    Table ronde menée par atlantico.fr, avec :

    ♦ Christian Harbulot, historien, politologue et expert international en intelligence économique, directeur associé du cabinet Spin Partners ; il est également directeur de l’Ecole de Guerre Economique et membre fondateur du nouvel Institut de l’intelligence économique.

    ♦ Valérie Niquet, maître de recherche et responsable du pôle Asie à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS), directeur du centre Asie IFRI, professeur au Collège interarmées de défense (CID-Ecole Militaire) où elle assure le cours de géopolitique de la Chine.

    ♦ Laurent Alexandre, chirurgien de formation, également diplômé de Science Po, d’HEC et de l’ENA ; il a fondé dans les années 1990 le site d’information Doctissimo. Il le revend en 2008 et développe DNA Vision spécialisée dans le séquençage ADN. Auteur de La mort de la mort paru en 2011,  Laurent Alexandre est un expert des bouleversements que va connaître l’humanité grâce aux progrès de la biotechnologie.

    ♦ Antoine Brunet est économiste et président d’AB Marchés.

    La Chine a récemment dévoilé son étude de faisabilité du réseau ferroviaire qui connectera l’Atlantique au Pacifique. Un investissement colossal qui, en plus de faciliter le transport de marchandises, s’inscrit dans une stratégie de développement d’une puissance multidimensionnelle.

    Atlantico : Globalement, comment peut-on décrire l’organisation chinoise de sa puissance ? De quoi s’inspire-t-elle et comment cette dernière peut-elle être mise en oeuvre ?

    Christian Harbulot : Pour comprendre la mutation de la Chine, il est nécessaire de s’interroger sur des exemples antérieurs qui lui ont peut-être servi, non pas de modèle mais, de cas d’école pour trouver des solutions à la question centrale : « Comment combler un retard économique corrélatif à un déficit de puissance ? ». La Chine a pris exemple sur le Japon. Pour éviter de se faire coloniser par les puissances occidentales, le Japon a initié une politique de réformes. Affaibli par des siècles de repli sur lui-même, l’empire du Soleil Levant dut relever plusieurs défis :

    – l’élaboration d’une infrastructure industrielle et portuaire nécessaire à la modernisation de son armée et de sa marine,

    – la mutation de l’organisation de la société (revalorisation du rôle des marchands par rapport au monde paysan),

    – la création d’une sphère d’influence en Asie.

    Pour atteindre cet objectif, le Japon devait combler son retard dans la plupart des domaines industriels. Le rattrapage n’était possible qu’en opérant des raccourcis. Les priorités d’intérêt national (marine, ports, industries de défense) nécessaires à la préservation de l’indépendance nécessitaient une remise à niveau rapide des connaissances par rapport aux nations les plus avancées et constituant une menace potentielle. Le rattrapage des économies occidentales a été possible grâce à ce qu’il est convenu d’appeler une pratique du raccourci, c’est-à-dire en assimilant le niveau le plus élevé de la connaissance technique, développé des pays en cours d’industrialisation. En recourant à ce stratagème, le Japon ne faisait que reproduire une démarche initiée en Occident au début des révolutions industrielles, soit pour remettre à niveau des manufactures, soit pour briser un lien de dépendance.

    Cette démarche particulière est symbolisée à l’époque par le slogan « un pays riche, une armée forte ». L’occupation de la Mandchourie a donné aux Japonais l’occasion de bâtir un processus industriel articulé autour d’une compagnie de chemins de fer qui gérait aussi bien les activités économiques (le groupe Nissan est né là-bas) que l’administration locale, l’éducation et la police. Les Japonais avaient pris exemple sur les compagnies de chemin de fer américaines qui étaient à l’origine de la croissance industrielle des Etats-Unis entre la côte atlantique et la côte pacifique. Les Chinois ont subi dans un premier temps les conséquences de cette colonisation économique du Japon puis ont appris à en tirer les leçons.

    Valérie Niquet : La Chine a une stratégie de puissance, qui prend des formes différentes et mobilise des moyens très divers pour renforcer la présence et l’influence de la Chine très au-delà de son environnement géographique immédiat. Cette stratégie de puissance répond à des objectifs de développement et d’influence, au service des intérêts vitaux définis par Pékin. Le premier de ces intérêts étant la survie du régime. Toutefois, si la Chine a une stratégie de puissance et d’influence, le succès n’est pas toujours au rendez-vous. Au contraire, la montée en puissance de l’influence chinoise, notamment dans le secteur économique, peut susciter des réactions de rejet. De même, en Asie, la mobilisation d’une thématique hyper nationaliste autour de la défense des « intérêts vitaux », notamment sur mer, a suscité une contre réaction qui nuit à l’affirmation de la puissance chinoise dans sa région.

    Atlantico : Deuxième canal de Panama ; en Himalaya, nouvelle route de la soie ; chemin de fer en Amérique du Sud ; présence sur le continent africain. La Chine investit des sommes colossales dans le développement des infrastructures mondiales. Quels sont les objectifs visés ?

    Valérie Niquet : La multiplication des investissements particulièrement impressionnants dans le secteur des infrastructures dans les pays émergents répond à des objectifs multiples. Il s’agit d’abord, pour des raisons économiques, d’accompagner la stratégie du go out encouragée par pékin dès le milieu des années 1990. L’économie chinoise a besoin de nouveaux marchés, d’un accès assuré aux ressources énergétiques et aux matières premières. Ceci d’autant plus que la croissance qui ralentie en Chine aujourd’hui impose de trouver aussi de nouveaux débouchés pour les grandes entreprises chinoises de construction d’infrastructures qui ont vu les opportunités se réduire en Chine même. Ce phénomène est au cœur des projets de nouvelle route de la soie, vers l’Asie centrale, projets qui s’accompagnent du projet de création d’une banque d’investissement pour les infrastructures en Asie où la Chine pourrait jouer un rôle leader.

    Mais au-delà de ces enjeux économiques, la multiplication des grands projets, soutenus par la puissance financière de la République populaire de Chine (RPC), vise également à illustrer et renforcer l’image de puissance de la Chine, acteur majeur sur la scène internationale. Derrière ces ambitions, on trouve le facteur premier de la stratégie extérieure de la RPC qui est la nécessité  de trouver des relais de légitimité, fondés sur le prestige et le développement économique, qui puisse assurer la survie du régime.

    Christian Harbulot : Dans un contexte différent du Japon, l’évolution de la Chine contemporaine s’inscrit dans cette problématique de politiques de raccourcis dont la finalité est d’assurer la pérennité d’un régime opposé au système occidental. Depuis la création de la République populaire en 1949, la stratégie des dirigeants du Parti communiste chinois a été conditionnée par le rapport de force constant qui les a opposés au monde capitaliste. Le développement de l’économie chinoise était conçu selon des critères de planification socialiste. Il n’était donc pas question de compétition entre économies de marché mais de complémentarité entre les économies de type socialiste. Si la disparition de l’URSS a remis en cause cette différenciation dans le mode de développement, elle n’a pas pour autant fait disparaître les rapports de force géopolitiques entre la Chine et les Etats-Unis. La Chine reste un risque potentiel militaire et économique pour les Etats-Unis et vice versa.

    Pour rattraper son retard sur les pays industrialisés, la Chine communiste n’avait pas d’autre choix que de suivre un chemin parallèle à la voie empruntée par le Japon de l’ère Meiji. Le passage à l’économie de marché a obligé ce pays à prendre des raccourcis par le biais des transferts de technologie et des captations de connaissance dans les pays industrialisés. La rapidité d’exécution de la manœuvre (un siècle pour le Japon, trente pour la Chine)  souligne l’intensité de la démarche chinoise qui est comparable aux démarches japonaise et coréenne dans la mesure où l’optique de développement est indissociable d’une vision politique de puissance. Dans le cas du Japon (ère Meiji), la politique de raccourcis venait en appui d’une volonté de préserver l’indépendance. Dans le cas de la Corée du Sud (post guerre de Corée), elle s’inscrivait dans la perspective de faire jeu égal puis de dépasser la Corée du Nord. Dans le cas de la Chine (post Bande des quatre), le challenge était double : changer de modèle économique et se hisser au plus haut niveau de l’économie mondiale. Le point commun à ces trois démarches est la priorité donnée à la conquête des marchés extérieurs afin d’accumuler de la richesse pour consolider les fondements militaires et géopolitiques de la puissance. Dans les trois cas, la politique de raccourcis est articulée avec des mesures de nature protectionniste.

    Atlantico : Avec les investissements de Pékin en Grèce, dont l’ambition est de faire du Pirée l’un des ports « les plus compétitifs du monde » (voir ici), la Chine ne semble pas indifférente au vieux monde. Quels sont les projets chinois en Europe et aux Etats-Unis ? Comment la Chine investit-elle dans les pays occidentaux comparativement aux autres ?

    Valérie Niquet : La chine s’intéresse aux pays émergents. Elle s’intéresse également, et plus particulièrement depuis la crise financière de 2008, à l’Union européenne.

    Là encore les objectifs sont multiples. Il s’agit de trouver de nouveaux marchés pour les produits chinois – dont le coût est mieux adapté aux capacités des consommateurs – en Europe orientale. Les investissements chinois dans le port du Pirée, doivent s’entendre d’abord comme la volonté de faciliter l’accès des produits chinois aux marchés européens. La Chine est également présente dans le secteur de la construction d’infrastructure où ses entreprises jouissent d’un avantage significatif en matière de coûts. Enfin, on assiste – toujours pour des raisons d’accès aux marchés – à une délocalisation des ateliers chinois, dans le secteur du cuir ou du textile, en Italie par exemple. Délocalisation qui permet de bénéficier du label UE.

    Enfin, on a pu constater que les investissements chinois auprès de certains Etats européens après la crise financière avaient également pour objectif de tenter de gagner des soutiens au sein de la commission européenne. Par ailleurs, l’intérêt des capitaux chinois pour des entreprises européennes – notamment dans certains secteurs technologiques de pointe – doit également être noté.

    Christian Harbulot : C’est une question qui mériterait une étude à part entière. Les Chinois reprennent la démarche japonaise des années 1980 (création de points d’appui comme les Japonais en ont  saisi l’opportunité en Grande Bretagne et en Italie, quitte à construire à l’époque ce qu’on a appelé des usines tournevis qui étaient des usines de montage sans grande valeur ajoutée pour le pays d’accueil). Les Chinois ont une approche un peu similaire dans certains pays qui leur donnent une possibilité d’approche plus facile que d’autres. Le cas du Pirée est un test important pour évaluer la portée de leur déterminisme stratégique. Mais de manière générale, les Chinois ont une politique très opportuniste. Ils prennent là où on les laisse prendre. Le secteur de l’industrie du contreplaqué en garde, en France, un triste souvenir. Mais les Français savent aussi apprendre et les remettre à leur place comme ce fut le cas en Basse Normandie.

    Atlantico : La stratégie de grignotage territorial de la Chine semble désormais s’étendre aux eaux internationales…

    Valérie Niquet : C’est à partir des années 1970 que la Chine a commencé à affirmer ses revendications dans la zone, et notamment à partir de l’affaiblissement du Vietnam qui était en guerre. Dans les années 1980, la Chine s’empare d’un premier archipel, celui des Îles Paracels, revendiquées par le Vietnam et qu’elle occupe aujourd’hui. Au fur et à mesure du développement de ses capacités navales, qui au début était très limitées, la Chine a étendu ses prises de position en fonction des opportunités en mer de Chine Méridionale, en saisissant un certain nombre d’îlots qui appartenaient soit au Vietnam, soit au Philippines, dans l’archipel des Spratleys. Depuis la fin des années 2000, la Chine a renforcé considérablement ses revendications et ses avancées. En 2009, elle a notamment commencé à parler de ses intérêts vitaux sur mer -ce qui était nouveau – en multipliant les incidents et les incursions en Mer de Chine méridionale. La cible favorite étant les Philippines et le Vietnam.

    Depuis cette année, la Chine a choisi une nouvelle stratégie. Pour essayer de conforter sa présence, elle renforce et multiplie les constructions sur les îlots. Les objectifs sont multiples : accélérer pour marquer son territoire, renforcer ses revendications en Mer de Chine méridionale,  et donner aux gardes côtes et aux bateaux de pêche chinois des lieux où relayer la présence chinoise, pour imposer ses positions dans la région.

    Atlantico : Outre les avantages économiques et stratégiques, la Chine peut-elle en retirer un avantage sur la scène diplomatique mondiale ?

    Valérie Niquet : La multiplication des partenariats avec les pays émergents notamment a également pour objectif de renforcer, dans l’idéal, l’influence de la Chine et son poids sur la scène internationale. Au delà de ses capacités d’actions financières et économiques, la Chine bénéficie également d’un multiplicateur de puissance exceptionnel avec son statut de membre permanent – doté d’un droit de veto – au sein du conseil de sécurité de l’ONU. Pour Pékin, toute réforme du Conseil de sécurité intégrant d’autres grandes puissances asiatiques telles que l’Inde ou le Japon, entraînerait une diminution relative de son statut de grande puissance et d’unique représentant, au sein du Conseil de sécurité, du monde de développement.

    En renforçant sa présence en Afrique, en Amérique latine, ou en Asie centrale, la Chine peut également renforcer son image de puissance globale, au-delà du théâtre asiatique. Il s’agit également pour Pékin de proposer et de légitimer un contre modèle opposé aux valeurs des démocraties libérales.

    Christian Harbulot : Le Bureau de l’information du Conseil des affaires d’Etat de Chine a publié en octobre 2011 un livre blanc intitulé « Le Développement pacifique de la Chine ». Divisé en cinq parties, il présente le plan du développement de la Chine pour les dix ans à venir, ses principes de politique extérieure, ses contextes historiques et économiques, sa réalité sociale et ses changements à opérer, ainsi que l’influence mondiale qu’elle souhaite exercer.

    Avec ce livre blanc, la Chine cherche à rassurer le monde sur ses visées hégémoniques en prônant le développement pacifique pour la construction d’un monde plus harmonieux, tout en affirmant son rôle d’acteur majeur économique et politique sur la scène internationale.

    Pour mieux accélérer son développement, la Chine fonde sa stratégie sur trois axes majeurs :

    – Sa farouche volonté d’indépendance et d’ouverture à l’égard des autres pays ou nations du monde ;

    – Le rappel d’une défense de ses intérêts nationaux ;

    – Sa nécessité d’accéder à plus de ressources énergétiques des autres pays tels que l’Afrique, les pays émergents.

    La coexistence d’un discours apaisant avec la volonté clairement exprimée de jouer un rôle majeur sur la scène internationale. Cette dialectique paradoxale est au cœur de l’ensemble de la politique globale de la Chine.

    Atlantico : Comment la Chine envisage-t-elle sa domination dans le domaine monétaire ?

    Antoine Brunet : Il y a quelques années, la Chine autorisait que des conversions de dollars australiens en yuans et de yuans en dollars australiens puissent s’effectuer sans difficulté sur le territoire de la République populaire de Chine. Auparavant, la Chine avait déjà autorisé que des conversions puissent s’effectuer en Chine entre le yuan chinois et le yen japonais.

    Ce type de mesures s’ajoute aux initiatives de la Chine  encourageant de multiples pays à commercer avec elle en facturant leurs échanges réciproques non plus en dollars américains mais soit en yuans, soit dans la monnaie du pays partenaire.

    La Chine a pris une série d’autres initiatives pour que les banques centrales de certains pays partenaires puissent se constituer concrètement des réserves de change en yuan : ces quelques banques centrales sont en effet désormais autorisées à acheter et à détenir des titres à court terme émis en yuan par l’Etat chinois, (elles sont par ailleurs autorisées à effectuer à tout moment la démarche symétrique : liquider ces titres et reconvertir les yuans récupérés dans leur monnaie nationale).

    Toutes ces initiatives chinoises convergent vers un seul objectif : promouvoir le statut international du yuan au détriment du statut international du dollar ; et cela jusqu’à ce que le dollar soit définitivement détrôné par le yuan, jusqu’à ce que la monnaie du monde ne soit plus le dollar mais bel et bien le yuan.

    Jusque récemment, toutes les matières premières importantes étaient cotées en dollar (pétrole, gaz naturel, charbon, métaux, matières premières agricoles,…). Cela avait pour conséquence que les pays exportateurs facturaient en dollar, et seulement en dollar, les matières premières qu’ils livraient à l’exportation et se faisaient ensuite régler en dollar, et seulement en dollar, à l’échéance convenue.

    En conséquence de cette pratique, le dollar était auréolé de son prestige et les banques centrales des pays tiers acceptaient, très volontiers d’accumuler des dollars pour un montant de plus en plus considérable. Et cette propension des banques centrales des pays tiers à accepter d’accumuler les dollars qui sortaient du territoire américain (après avoir été émis soit par les banques commerciales américaines, soit par l’Etat américain lui-même) permettait elle-même au système bancaire américain de pouvoir émettre des dollars très largement et sans contrainte particulière. C’est d’ailleurs grâce à cette configuration très particulière que le système bancaire américain a pu financer depuis 2008, des déficits budgétaires colossaux et répétés sans que ni les marchés américains ni l’économie américaine n’en soit sanctionnés. C’est cela que l’on peut désigner comme le privilège du dollar.

    C’est aussi ce privilège que patiemment, depuis 2008 aussi, la Chine a entrepris de remettre en cause avant de l’abattre. Et toutes les initiatives énumérées au début de cet article y contribuent fortement.

    Les dirigeants du Parti Communiste chinois n’oublient pas que si l’URSS a perdu en 1989 la première guerre froide avec les Etats-Unis, c’est en très bonne partie parce que, dépourvue du privilège monétaire, elle n’avait pas eu la capacité financière de répondre par une course aux armements à la guerre des étoiles que les Etats-Unis leur infligèrent à compter de 1982 et qu’ils financèrent très facilement grâce au privilège du dollar. Il y a une articulation très significative entre les initiatives monétaires de la Chine et ses initiatives militaires et territoriales.

    Atlantico : La recherche scientifique et la technologie servent-ils également la construction de la puissance chinoise ? Comment ?

    Laurent Alexandre : Il existe actuellement 5 équipes dont l’objet de la recherche porte sur la modification génétique des embryons. Pour l’instant, une seule d’entre-elle a pu publier ses résultats, lesquels ne sont que partiellement positifs. Cela ne pouvait pas conduire à faire des bébés, mais c’est un premier pas qui a été jugé comme très transgressif : aucune équipe européenne ou américaine n’aurait osé les mener. On pourrait aussi citer l’armée chinoise qui collabore avec plusieurs entreprises pour mettre au point des intelligences artificielles supérieures, et il y a fort à croire que les précautions en la matière ne sont pas les mêmes que dans les pays Occidentaux.

    Les bébés à la carte – faire des bébés plus intelligents, moins malades – c’est un objectif géopolitique stratégique, il est clair que produire des Bill Gates à la chaîne quand on veut devenir une grande puissance technologique, ce n’est pas idiot, même si ce n’est pas moral de notre point de vue judéo-chrétien. Les Chinois n’ont jamais adhéré à l’éthique judéo-chrétienne. Les Chinois ont une éthique utilitariste, tout ce qui est utile est simplement bon. Tout ce qui concourt à la nation est simplement utile. C’est une inversion par rapport à nos critères moraux. Ils n’ont pas fini de nous inquiéter, de nous dépasser.

    En somme, et dans un certain nombre de cas lorsqu’il s’agit de mettre en œuvre la stratégie de puissance, la Chine ne s’encombre pas des barrières éthiques occidentales. Cette volonté de puissance est assimilable à un bonapartisme technologique que l’on retrouve également dans les technologies : l’une des plus grandes réussites chinoise est probablement la mise au point du super-calculateurs le plus puissant au monde (Tianhe 2), qui réalise 33 millions de milliards d’opérations par seconde.

    Et si ses têtes pensantes vont faire leurs études à Harvard ou à Berkeley, la Chine propose à ses chercheurs expatriés un million de dollars pour qu’ils organisent leur laboratoire au pays natal. Aucun chercheur français ne se voit proposer 1 million de dollar

    Publiée le 12 Juin 2015

    Voir aussiLa Chine parie sur l’Amérique du Sud

    SourceAtlantico .fr

    http://www.polemia.com/infrastructures-bases-militaires-finance-la-discrete-mais-redoutable-strategie-de-la-chine-pour-projeter-sa-puissance-sur-les-5-continents/

  • La construction d'une cité parallèle

    Dissident catholique tchèque, Václav Benda (1946-1999) a développé sous le régime communiste l’idée d’institutions parallèles pouvant redonner vie au corps social et préparer l’avènement d’une société libre. À l’initiative de Stéphen de Petiville, différents textes de Benda ont été traduits et publiés en français sous le titre La Polis parallèleL'Homme Nouveau a interrogé Tugdual Derville sur ce sujet. Extrait :

    3cfb1100bec134db37944be376f27da7"[...] Cette polis parallèle française se tisse déjà depuis des décennies dans le terreau de notre nation... Un terreau social, culturel, spirituel. Mais nous ne le savions pas. Nous n’imaginions pas possible cette réaction de cristallisation provoquée par une réforme hautement symbolique de déconstruction sociale. Cette loi Taubira fut la goutte d’eau – funeste ou salutaire ? – qui fit déborder le vase. Elle a révélé des forces insoupçonnées de résilience, de créativité, d’audace. Elle a produit, dans toutes les générations, une nouvelle énergie et de nouvelles promesses de fécondité. [...]

    Quelle est la frontière entre construction d’un communautarisme et construction de la polis parallèle ?

    C’est un point très bien vu par Václav Benda. Il ne s’agit pas pour lui de créer ex nihilo un nouveau monde « alternatif »... Ni de préparer en catimini je ne sais quel coup de force.Il est significatif que Benda ait pris le soin d’en dissuader ses contemporains, alors que le totalitarisme communiste était autrement plus répressif que celui de la pensée unique d’aujourd’hui. Plutôt que de nous imaginer hors du monde, en ghetto méprisant, nous devons habiter cette société, c’est-à-dire y occuper comme il le suggère tout l’espace laissé vacant par le pouvoir dominateur. La vacuité anthropologique, philosophique et spirituelle de la « pensée unique » ouvre des boulevards à l’initiative. Le sel n’est pas fait pour rester en tas.Progressivement, nous fécondons notre propre pays, stérilisé par l’individualisme libertaire.Mais nous ne sommes pas seuls. Bien des personnes de bonne volonté qui errent aujourd’hui dans cette société éclatée ou « liquide » se trouveront demain à nos côtés, compagnons de route pour participer à cette transformation.Pour cela, il faut continuer à expérimenter, montrer, expliquer, accueillir, ouvrir...Les évènements de janvier 2015 ont mis à jour des expériences magnifiques qui préexistaient comme le Cours Alexandre-Dumas à Montfermeil. Il attire parce qu’il offre une réponse prophétique à un problème sur lequel l’idéologie dominante se casse les dents.Inutile de pavoiser : nous assumons simplement de construire la politique dont notre monde a besoin...

    Nos initiatives n’auront de sens que si elles sont capables de resserrer les liens entre de multiples composantes de la société autour d’un projet commun, jusqu’à régénérer le tissu social, à la manière d’une nouvelle peau, qui s’arrime par tous ses pores au corps tout entier. Il faut « former des cadres », souligne Benda. [...]"

    Michel Janva