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entretiens et videos - Page 839

  • Les institutions européennes sont le champ de bataille de l’uniformisation des normes

    Membre du Front national depuis 1989, Sylvie Goddyn est désormais député européen. Elle répond à Présent :

    G"Je suis titulaire, avec mes collègues Jean-François Jalkh et Mireille d’Ornano, de la très importantecommission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire. C’est celle qui légifère le plus.On a en charge tout ce qui concerne la politique du climat, la pollution de l’air et des eaux, l’alimentation, la santé et donc les médicaments. Vu l’importance économique des sujets abordés, il y a un lobbying très fort. Le premier rapport qui nous est soumis porte sur les nouveaux aliments, ce qu’ils appellent les « novel foods ». Il s’agit entre autres, et je pense que ça va choquer beaucoup de gens, des aliments issus des animaux clonés ou descendants d’animaux clonés et des nanotechnologies. Au mois de juillet, nous avons eu la première réunion de commission.

    Est-ce que vous allez « communiquer » là-dessus ? Les électeurs ne sont absolument pas au courant des décisions concernant les animaux clonés, notamment.

    Bien sûr, nos concitoyens ne sont pas informés, car les médias ne font pas leur travail et c’est un véritable scandale ; il ne peut pas y avoir de démocratie sans transparence, c’est-à-dire sans système d’information exhaustif et libre. Or les tenants du « système » se gardent bien de « communiquer », car les gens seraient encore plus hostiles à l’Union européenne.

    Pourquoi cette absence de transparence ?

    Pour comprendre la construction européenne, il faut sortir des illusions rebattues depuis des décennies sur l’Europe puissance et indépendante. La réalité est que nos institutions européennes sont le champ de bataille de l’uniformisation des normes industrielles, technologiques, médicales, juridiques, etc. Bref, tous les domaines de la vie quotidienne. L’enjeu véritable est de savoir quelle entreprise imposera sa norme à l’ensemble de ses concurrents. D’où le lobbying autour de la commission et du parlement et le soupçon permanent de corruption. En d’autres termes, l’Europe ne s’occupe plus que du particulier. L’intérêt général, qui est la raison même de l’existence des institutions politiques, est totalement oublié. En vérité, il a été abandonné aux véritables initiateurs et maîtres de l’Europe : les Etats-Unis. D’où son impuissance et sa servilité congénitales, qui se manifestent de manière exemplaire dans l’affaire ukrainienne. [...]"

    Michel Janva

  • Entretien exclusif de Novopress avec Francis Bergeron et Samuel Martin de “Présent” (2/2)

    Titre historique de la presse libre, Présent constitue depuis sa fondation en 1982 une bouffée d’air frais dans l’habituel confinement politiquement correct des kiosques. Frappé comme de nombreuses publications par le recul de la presse papier, le quotidien a connu fin 2013 une période de turbulences.

    Repris par une nouvelle équipe d’amis et contributeurs, Présent repart plus que jamais à l’offensive, les combats ne manquent pas et les premières lignes militantes réclament des munitions intellectuelles. C’est dans cet esprit que Novopress a noué en juin dernier un partenariat quotidien avec le journal.

    Nous avons rencontré Francis Bergeron, directeur du comité de rédaction et Samuel Martin, rédacteur en chef.

    Propos recueillis par Pierre Saint-Servant

    Certains ont déjà sonné l’hymne funèbre de la presse papier. C’est pourtant oublier deux choses : d’une part de nombreux titres brillent par leur dynamisme (ElémentsLivr’ArbitresLa Nouvelle Revue d’Histoire), d’autre part que le papier permet de prendre le temps d’une lecture réfléchie et méditée et constitue un support indispensable de transmission horizontale (amis, relations) et verticale (générations futures)…

    Francis Bergeron  : La presse papier ne sera plus jamais la voie royale de la diffusion de l’information. Et spécialement en France où les scléroses du passé (syndicat du livre CGT, code du travail, convention collective des journalistes , système de distribution, et les monopoles en découlant) ont tué une grande partie de cette presse papier. Regardez l’incroyable absence de diversité dans nos kiosques, et la faiblesse des tirages, surtout quand on compare avec les autres pays. Et s’il n’y avait pas les subventions gouvernementales pour la presse à faibles revenus publicitaires, les présentoirs des marchands de journaux seraient quasiment vides , Outre l’évolution des habitudes de lecture (sur écran plutôt que sur papier), ce type d’obstacle spécifiquement français empêche de redonner à Présent et aux journaux de ce type des niveaux de diffusion tels qu’on les connaissait il y a encore vingt ou trente ans.

    Mais la presse papier a sa noblesse. Je dirais même que c’est le média noble par excellence. Le web, les médias sociaux la radio, la télévision, sont des médias de l’instantané, du spontané, de grands déversoirs d’information. La presse papier nécessite davantage de relecture, de qualité, de tri dans l’information, de hiérarchisation de celle-ci, et donc de recul.

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  • Entretien exclusif de Novopress avec Francis Bergeron et Samuel Martin de “Présent” (1/2)

     

    Titre historique de la presse libre, Présent constitue depuis sa fondation en 1982 une bouffée d’air frais dans l’habituel confinement politiquement correct des kiosques. Frappé comme de nombreuses publications par le recul de la presse papier, le quotidien a connu fin 2013 une période de turbulences.

    Repris par une nouvelle équipe d’amis et contributeurs, Présent repart plus que jamais à l’offensive, les combats ne manquent pas et les premières lignes militantes réclament des munitions intellectuelles. C’est dans cet esprit que Novopress a noué en juin dernier un partenariat quotidien avec le journal.

    Nous avons rencontré Francis Bergeron, directeur du comité de rédaction et Samuel Martin, rédacteur en chef.

    Propos recueillis par Pierre Saint-Servant

    Francis Bergeron, vous avez aux côtés de Jean-Pierre Blanchard repris les rênes de Présent il y maintenant plusieurs mois, dans quel contexte cette « reprise  » s’est-elle déroulée ?

    Francis Bergeron  : Cette reprise s’est opérée dans un contexte extrêmement simple à exposer, plus compliqué à vivre : le journal était proche du dépôt de bilan, car il ne comptait plus que 2.000 abonnés et 300 ventes en kiosques. Moins de 3.000 lecteurs au total, y compris les abonnements sur Internet. 450.000 € de pertes cumulées. Ne rien faire, c’était la mort assurée.

    Cinq amis de Présent (Jean-Pierre Blanchard, Me François Wagner, qui est le fils de Me Georges-Paul Wagner, l’un des dirigeants historiques dePrésent, Raphaël Dubrule, Zita de Lussy et moi-même) ont répondu à une sorte d’appel au secours d’une partie de la rédaction de Présent et de la totalité de son équipe administrative, et ont accepté, bénévolement, de se partager les différentes actions de pilotage pour redresser le journal.

    Tout changement suscite toujours des interrogations, des inquiétudes, même. Mais en l’occurrence ne rien faire était la certitude que ce quotidien, auquel nous étions tous très attachés, disparaitrait.

    Nous avons pris de front et au plus vite toutes les problématiques du journal : la gestion des abonnements, le loyer de nos bureaux, le réglage des mises en kiosque, la défiscalisation des dons, la prospection etc. Sans parler du contenu rédactionnel.

    Quel bilan tirez-vous des quelques mois écoulés ? Quels chantiers restent à conduire ? Quels sont les motifs d’espérance ?

    Samuel Martin  : Les six mois écoulés ont été difficiles. Réorganiser le travail quotidien tout en l’assurant est une tâche compliquée. Cependant le journal a paru chaque jour et s’est amélioré. Il reste des défauts  ? Des lecteurs nous les signalent, nous les reprochent, peut-être ignorent-ils que ces défauts nous les connaissons mieux qu’eux  : ce sont les nôtres… Heureusement, d’autres lecteurs, plus bienveillants, nous félicitent pour les améliorations effectuées  ! Nous avons à progresser sur l’anticipation et la réactivité. Une plus grande structuration du journal est également un des chantiers de la rentrée. Les motifs d’espérance existent. D’une part il n’est pas possible qu’autant d’efforts conjugués en matières journalistique, commerciale et gestionnaire n’aboutissent pas à un résultat. D’autre part Présent existe «  de nouveau  », si l’on peut dire  : les gens le repèrent mieux en kiosque, et LibérationLe Monde l’ont cité. Cela n’était pas arrivé depuis longtemps. Cette visibilité est une des conditions de relance.

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  • Les politiques d'austérité, «inefficaces et injustes» ?

    Arnaud Montebourg a vivement critiqué les orientations économiques du gouvernement. Le Figaro a interrogé trois économistes pour faire le point sur ces politiques d'austérité qui divisent la majorité.
    Le Figaro - Arnaud Montebourg affirme que les politiques d'austérité contribuent à aggraver les déficits plutôt qu'à les réduire. Est-ce vrai ?
    Thierry Pech, directeur de Terra Nova (think tank de gauche) - Cela dépend de la croissance mais effectivement, lorsqu'un gouvernement augmente les impôts et diminue les dépenses, cela a un impact récessif. Notamment dans une période où le secteur privé n'est pas en mesure de prendre le relais de l'investissement public, comme c'est le cas actuellement en France. Si la croissance est moindre qu'espérée, il y a moins de rentrées fiscales et les déficits peuvent donc se creuser. Aujourd'hui, la stratégie du gouvernement a indéniablement un effet récessif. Par contre, on ne peut pas dire qu'elle ait aggravé les déficits. Elle n'a pas contribué à les réduire mais elle ne les a pas creusés.
    David Cayla, chercheur au GRANEM et maître de conférences à l'université d'Angers, membre des Économistes Atterrés - Le vrai souci c'est qu'une politique d'austérité réduit très peu le déficit en pourcentage du PIB. Elle ne permet pas de réhabiliter les équilibres budgétaires dont a besoin le gouvernement. Il faut donc trouver un moyen de faire une vraie politique de relance et de croissance si, effectivement, on ne souhaite pas aggraver les déficits.
    • Agnès Verdier-Molinié, directrice de la Fondation iFRAP (think tank libéral) - Encore faudrait-il être dans une politique d'austérité! La seule austérité réellement constatée aujourd'hui en France est fiscale, et elle pèse sur les ménages et les entreprises. En revanche, l'austérité qui pèse soi-disant sur les dépenses publiques est encore virtuelle car nous ne sommes pas encore entrés dans les réformes structurelles. La dépense publique totale en valeur continue d'augmenter, elle est passée de 1150 milliards à 1200 milliards. La politique d'austérité du gouvernement se limite pour le moment à des coups de rabots. Quand il dit que «les politiques d'austérité aggravent les déficits là où elles devraient précisément les réduire», Arnaud Montebourg oublie de dire que l'erreur originelle a été de miser uniquement sur les augmentations d'impôts pour réduire le déficit et que cela a cassé la confiance et engendré un trou dans les recettes fiscales de plus de 15 milliards en 2013.
    À partir de quel moment trop d'austérité tue l'austérité ?
    • Thierry Pech - C'est une question d'intensité et de rapidité et l'une des variables principales reste le niveau de la croissance. En France, la consolidation budgétaire a été menée trop rapidement. Aux États-Unis, le gouvernement a attendu que l'économie se consolide et que le secteur retrouve de la vigueur avant de s'attaquer aux déficits. L'Allemagne a peut-être tort d'appuyer trop fort sur la pédale de la consolidation budgétaire mais elle n'a pas tort sur le fait que la France ait des réformes à mener. Le problème de la France, c'est la France.
    • David Cayla - C'est la déflation qui détermine cela. Une forte inflation a tendance à avantager les débiteurs, ceux qui empruntent. Or aujourd'hui, la faible inflation favorise plutôt les créanciers. Au moment où le gouvernement a décidé de mettre en place sa politique d'austérité, l'inflation était de l'ordre de 2 ou 3%. Aujourd'hui, nous avons une croissance nulle et une inflation proche de zéro, la situation est donc beaucoup plus difficile. Le gel des prestations et des salaires dans la fonction publique n'ont donc aucun effet d'économie. On peut dire que la déflation annule l'action du gouvernement.
    • Agnès Verdier-Molinié - Avoir des dépenses publiques qui atteignent 57% du PIB, voilà ce qui est réellement inquiétant. Avoir encore un déficit de 4,3% en 2014 n'est pas moins inquiétant. C'est notre taux de dépense publiques qui pourrait bien nous achever et non trop d'économies sur les dépenses. La difficulté aujourd'hui est de passer d'un modèle où tout passe par les dépenses publiques à un modèle où l'on pense avant tout à la création de richesses et où tout serait fait pour simplifier la création d'entreprises et d'emplois marchands. Si on table seulement sur 0,5% de croissance en 2014 c'est bien parce que les entreprises et les ménages n'ont pas confiance. Comme il est clair que les réformes structurelles ne sont pas menées, les créateurs de richesses s'attendent à de nouvelles hausses mécaniques de taxes et renoncent à investir et à embaucher. Ils renoncent aussi face à la complexité de la règlementation et du code du travail.
    Arnaud Montebourg a critiqué des politiques qui touchent d'abord les classes moyennes et populaires. Est-il possible d'éviter que la consolidation budgétaire ne touche ces populations ?

    Thierry Pech - Pour réduire les déficits publics, il faut prendre en compte trois variables: les dépenses, les recettes et la croissance. Pour augmenter le niveau des recettes, il est possible de calibrer les politiques menées pour qu'elles ciblent plus particulièrement les plus fortunés. Mais pour ce qui concerne les dépenses autres que les dépenses sociales, il est impossible de dire si leur réduction va plus durement impacter une classe qu'une autre. Si l'on réduit les dépenses de l'armée, cela sera-t-il plus défavorable aux classes moyennes qu'aux autres? Impossible à dire. C'est donc sans doute vrai de dire que les politiques de consolidation budgétaire touchent les classes moyennes et populaires, bien qu'il existe une possibilité de compenser certaines mesures.
    Baisses d'impôts: les trois pistes de l'éxécutif.
    • David Cayla - Le gouvernement a réduit les cotisations sociales des entreprises de l'ordre de 40 milliards d'euros. Il pense que les profits réalisés vont favoriser les investissements. Or cela pèse sur les classes moyennes. Je pense que l'une des solutions serait d'augmenter le smic en compensation des baisses de cotisations. Nous avons en France un réel problème de demande. Elle s'effondre et entraine une baisse des profits des entreprises. En augmentant le smic, on contribue à la demande et à la consommation et on ne pénalise pas les profits. Pour une baisse des cotisations de 40 milliards d'euros, le gouvernement pourrait faire un effort de l'ordre de 6 milliards d'euros en faveur du smic.
    • Agnès Verdier-Molinié 
    - Plus de 90 % des Français se considèrent comme faisant partie de la classe moyenne. Rappelons qu'un salarié entre dans les 10% les plus aisés avec 3300 euros par mois. Pour ne pas augmenter les impôts des classes moyennes, la seule solution viable est de baisser les dépenses publiques. Sinon, la fiscalité se comporte comme un matelas d'eau: ce que l'on baisse d'un côté, on le remonte de l'autre pour financer des besoins publics toujours plus importants. Si Hollande et Valls ont vraiment pour projet de réduire les dépenses publiques et décomplexifier pour relancer la croissance, il va falloir passer à la vitesse supérieure et adopter des principes simples: pas de remplacement des départs en retraite dans la fonction publique et augmentation du temps de travail des agents par exemple. La qualité de nos services publics ne dépend pas véritablement des moyens financiers qui leur sont alloués mais de la bonne gestion de ces moyens. Sur ce plan, nous avons collectivement une très grande marche à gravir.

    Charlotte Peyronnet et Géraldine Russell Le Figaro :: lien

    http://www.voxnr.com/cc/politique/EupApAkZplVOkxRXzT.shtml

  • Comprendre la droitisation

    Nonfiction.fr : Peut-on dire au regard des résultats des élections à l’échelle des différents pays de l’union que le projet européen a échoué ? L’échec se situant au creux d’un rejet de l’identité européenne ? Et plus spécifiquement que doit-on conclure au niveau national ?

    Nicolas Lebourg : Disons que le projet d’une Europe juridique et du libre marché, en lieu et place d’une Europe politique, voire sociale, a peut-être réussi, mais que les peuples le rejettent. Les abandons de souveraineté populaire (Marine Le Pen n’a cessé de rappeler que le non au Traité Constitutionnel Européen n’avait pas été respecté) et de souveraineté nationale et budgétaire ne paraissent pas avoir sécurisé le continent. L’Union européenne apparaît comme le cheval de Troie du « mondialisme », mais, on ne saurait dire que c’est un rejet de l’identité européenne en soi. D’autant plus que, sur cette question, il est effarant de parler d’ « europhobie » à propos des succès des extrêmes droites. Cette famille politique a souvent été l’une des plus avancées quant aux débats idéologiques sur la construction européenne. Par exemple, Jean Thiriart, l’un des plus grands théoriciens de l’extrême droite radicale, défendait un Etat jacobin eurasiatique avec une citoyenneté unique, que l’on soit Turc ou Danois. Si tant de Français ont voté pour les listes FN ce n’est pas par rejet de l’Europe en soi. Une enquête Harris montre que, comme d’habitude, leur première motivation est l’immigration. Mais, là-dessus il y a convergence des représentations, car l’Union européenne apparaît comme cherchant à faire sauter toutes les frontières : migratoires, économiques, etc. Elle et le PS en France paraissent être les porte-étendards d’un libéralisme total, économique et culturel, face auquel le FN promeut un souverainisme intégral.

    Peut-on parler d’un phénomène qui fait appel à des changements sociétaux d’ordre structurel ou doit-on penser qu’il s’agit simplement d’un phénomène conjoncturel ? Que peut-on espérer des élections régionales et par la suite des présidentielles de 2017 ?

    On est dans le structurel. Il y a en profondeur une demande sociale autoritaire et une ethnicisation du social. Cela se corrobore avec un rejet fort de "l’assistanat", et souvent une équation implicite assistés = immigrés et Français d’origine arabo-musulmane. On a tort de croire que ce que l’on nomme la « droitisation » est un phénomène simplement lié à Marine Le Pen, Eric Zemmour ou Nicolas Sarkozy. Ils sont des révélateurs, des conséquences, participent à la dynamique qu’elle représente, mais non des causes premières. La droitisation est une conséquence de la transformation du monde ouverte symboliquement par le premier choc pétrolier en 1973. Il s’agit d’un démantèlement de l’Etat social et de l’humanisme égalitaire, lié à une ethnicisation des questions et représentations sociales, au profit d’un accroissement de l’Etat pénal. C’est une demande sociale autoritaire qui n’est pas une réaction à Mai 68 mais à la postmodernité, c’est-à-dire à la transformation et à l’atomisation des modes de vie et de représentations dans un univers économique globalisé, financiarisé, dont l’Occident n’est plus le centre.

    Le FN fait, lui, rêver avec la description d’une France de la société industrielle, avec le mythe d’une solidarité des petits. C’est la société organique contre la postmodernité avec ses multitudes et ses individus épars. L’extrême droite fin XIXe faisait peu ou prou le même jeu avec la société traditionnelle contre l’industrielle. Quant à la gauche qui se pense radicale en étant multiculturaliste, elle participe à la droitisation en ethnicisant elle-aussi le social, l’admonestation de la domination de l’homme blanc hétérosexuel étant certes une excuse pour ne pas mener la lutte des classes, mais aboutissant in fine à cette grille ethno-culturelle du social.

    Jusque là, le FN avait toujours été un parti de la demande : c’était le cadre sociologique qui faisait voter FN bien plus que ses capacités propres. C’est fini. Aujourd’hui, le FN apparaît capable de proposer une protection complète, son discours est celui d’un souverainisme intégral (politique, économique, culturel) qui promet à l’électeur de toute classe sociale d’être protégé de la globalisation économique, démographique et culturelle et d’avoir la jouissance tant des gains du capitalisme entrepreneurial (thème du «protectionnisme intelligent») que de la protection de l’État-providence (thème de la «préférence nationale»). Autant, le souverainisme classique est une impasse électorale en France, même Marine Le Pen ayant plongé dans les sondages début 2012 sur cette ligne, autant, là, le FN parvient à une offre très cohérente.

    Quels sont les moyens les plus efficaces pour freiner et combattre la domination politique et idéologique du Front National ?

    Le FN aujourd’hui propose une « vision du monde », un discours global. Où sont les autres offres politiques ? Il y a donc deux points à votre question : qu’est-ce que chaque espace politique pourrait faire ? qu’est-ce que l’on pourrait faire tous ensemble ?

    La droite a perdu le libéralisme comme credo avec la crise de 2008, et a pensé pour partie s’en sortir avec la « droitisation » (la ligne Buisson). Puisque l’État n’était pas au rendez-vous de la crise, la stratégie autoritaire s’est réfugiée dans l’excitation de la demande altérophobe avec le discours de Grenoble en 2010. Or, l’accent mis sur la réduction de l’Etat en termes économiques et son accroissement en matière sociétale (loi sur la burqa par exemple) ne constitue pas un alliage fonctionnel. Pour preuve: chez les travailleurs indépendants, cœur de cible électorale pour la droite, le vote FN a été de 22% en 2002, 9% en 2007 (année du sarkozyste «Travailler plus pour gagner plus»), 17% en 2012, et a bondi à 28% aux européennes. Un grand parti de droite devrait être capable de proposer un capitalisme méritocratique d’ascension sociale. Il lui faut présenter un Etat défendant la nation et la paix sociale dans le cadre du marché globalisé.

    La gauche est quant à elle minée par le sentiment du déclin, thème culturellement de droite passé à gauche avec la destruction de l’Etat-providence. Pour l’électorat droitisé, le PS représente une alliance des « élites mondialisées » et des communautés. A la gauche de gouvernement de montrer qu’elle ne se situe pas dans ce jeu : par la lutte sans pitié contre la corruption, en imposant la participation des travailleurs aux bénéfices et celle des actionnaires aux sacrifices. Et puis, enfin, que la gauche radicale abandonne les postures pour la lutte des classes… Les gauches françaises ne cessent de chercher des dérivatifs à celle-ci. Il y a la tentation communautaire déjà évoqué, mais aussi celle d’un souverainisme monétaire chez les intellectuels, comme s’il y avait eu un bon capitalisme national avant l’euro… C’est un débat légitime la monnaie, mais tel qu’il est posé c’est surtout une utopie à la fois technocratique et sorélienne (au sens où elle pose un horizon qui démotive la lutte à la base). Cela fait différenciation, par rapport aux politiques économiques qui paraissent trop proches avant et après 2012, mais ce n’est pas un combat "pour la cause du peuple".

    Enfin, il y a bien un problème aujourd’hui quant à la définition que fait la gauche du lien entre la personne et la société . Donc, il faut rappeler aux uns que, non, la laïcité n’est pas la disparition de la pluralité d’opinions dans l’espace commun, mais la séparation des églises et de l’Etat. Il faut redire aux autres que, non, la République n’est pas la somme de communautés, mais un contrat entre citoyens. Il faut répéter à tous que le socialisme c’est, selon ce que disait Jaurès, non réclamer des droits personnels mais vouloir une société nouvelle.

    En définitive, par-delà les clivages, il y a un besoin de faire revivre la République hors de ce que Gaël Brustier nomme judicieusement « le verbalisme républicain ». On ne peut se contenter de mots, et il y a des mesures que l’on peut imaginer. Pour faire de nouvelles modalités d’intégration sociale et politique, on pourrait avoir un service civique qui donnerait des bonus de formation permanente ou qui permettrait de passer les concours de la fonction publique sans avoir le baccalauréat. On dirait ainsi aux individus aujourd’hui non intégrés que la République leur est reconnaissante, et qu’elle cherche à relancer l’ascenseur social.

    Il faut créer une participation des citoyens au fait politique sans pour autant déconstruire la démocratie représentative et les corps intermédiaires, comme le propose Marine Le Pen, par exemple en instaurant l’élection des sénateurs au suffrage universel direct à la proportionnelle. Nous passons d’un président de la République historiquement impopulaire à un autre qui bat son record, et avant c’était le 21 avril… : il y a bien un problème avec des institutions qui ne se font pas faites pour une société de communication. Pour remettre sur ses jambes l’humanisme égalitaire et les valeurs de la République (qui ne se limitent pas à l’ordre mais incluent l’émancipation des personnes), il faut qu’il redevienne clair que celle-ci n’a rien à voir avec l’oligarchie.

    notes

    Propos de Nicolas Lebourg recueillis par Nonfiction, 5 août 2014.

    source: Fragments sur les temps présents 

    http://www.voxnr.com/cc/dt_autres/EuplupAlVuqvanSLdu.shtml

  • Philippe de Villiers: « L’Europe est devenue la cinquante et unième étoile du drapeau américain. »

    Philippe de Villiers de retour de Yalta en Russie où il a rencontré Vladimir Poutine pour un accord de plusieurs implantations de parcs d’attraction culturels de style Puy-du-Fou, a donné une interview à Figarovox, dont voici les principaux extraits:

     « l’avenir de l’Europe ne doit pas s’écrire sur le continent américain, mais sur le continent européen. L’Europe ne peut pas se faire sans la Russie. Il a cité l’expression du général de Gaulle, «l’Europe de l’Atlantique à l’Oural», une Europe de forme confédérale qui respecte les souverainetés. »

    « Je n’ai fait que répéter ce que j’entends tous les jours autour de moi en France dans les milieux populaires, cette phrase qui revient dans la bouche des gens de bon sens: «Il faudrait aujourd’hui en France un gars comme Poutine à la place de Hollande!».

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  • Aux sources du capitalisme indien

    Aujourd’hui la 10e puissance mondiale en termes de valeur nominale du PIB, l’Inde reste largement absente des travaux comparatifs sur les variétés du capitalisme contemporain. L’historien de l’économie Claude Markovits revient ici sur le rôle du colonialisme, de la diaspora ou encore de la caste sur l’évolution de l’industrie et du capitalisme en Inde.

    Quel a été l’impact de la période coloniale britannique sur le développement de l’industrie et l’expansion du capitalisme après l’indépendance ?

    Claude Markovits: C’est une idée fort répandue en Inde que l’héritage de la période coloniale a pesé lourd sur le développement industriel et l’expansion du capitalisme après l’indépendance. Mais, quand on cherche à définir plus précisément les aspects négatifs de l’héritage colonial, on se heurte à certaines difficultés.

    La vulgate nationaliste indienne associe la période coloniale à un processus de «désindustrialisation », qui renvoie surtout au déclin de certaines productions artisanales, en particulier dans le textile. Cette question a fait l’objet de nombreux débats dans les années 1980, mais la notion de désindustrialisation a été contestée plus récemment par Tirthankar Roy (Roy, Traditional Industry in the Economy of Colonial India, Cambridge UP, 1999), qui a souligné la résilience de certains secteurs artisanaux.

    Par ailleurs une assez puissante industrie moderne s’est développée en Inde à partir du milieu du XIXe siècle, d’abord dans le textile, puis dans d’autres branches (sidérurgie avec les usines Tata inaugurées en 1911, cimenteries, sucreries). Bien que les capitaux britanniques aient joué un rôle dominant dans certains secteurs comme l’industrie du jute, c’est le capital indien qui a été le moteur principal de ce processus de développement industriel colonial, et la période 1860-1947 a vu la naissance d’un certain nombre de grands groupes capitalistes, dont les deux plus connus sont Tata et Birla.

    Capitalisme et domination coloniale

    À l’indépendance donc l’Inde était le seul parmi les pays coloniaux à disposer d’une certaine infrastructure industrielle et d’une classe d’entrepreneurs déjà ancienne.

    Cependant cette avance apparente masquait des déséquilibres profonds, dont le poids allait se faire sentir de façon durable. L’Inde restait un pays agraire, et l’archaïsme des structures agraires mises en place pendant la période coloniale constituait un formidable obstacle au développement d’une économie moderne.

    L’industrie, après des débuts difficiles, s’était largement édifiée à partir de 1918 à l’abri de barrières douanières, et était donc peu compétitive au niveau international. Par ailleurs la plupart des branches avaient une structure fortement oligopolistique, qui faisait obstacle à l’entrée de nouveaux venus.

    Enfin le secteur industriel était largement aux mains de firmes qui opéraient selon une logique plus financière qu’industrielle, et le secteur bancaire, pour sa part, encore dominé par des intérêts étrangers, n’était pas du tout orienté vers le soutien à l’industrie. Donc la nature même du secteur capitaliste privé qui s’était édifié pendant la période coloniale le rendait peu à même d’enclencher un processus de développement rapide.

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  • Les États-Unis ont désigné Poutine comme leur ennemi. C’est un fait capital.

    Une certaine intelligentsia de gauche a longtemps révéré l’URSS. Mais ce n’est pas forcément pour cela qu’elle aimait la Russie. La preuve par Soljenitsyne naguère ou Poutine aujourd’hui ?
    À l’époque de la guerre froide, les États-Unis s’opposaient, certes, à l’Union soviétique au nom de l’anticommunisme (ce qui leur permettait d’exercer sur leurs alliés une forme inédite de racket à la protection) mais, avertis des réalités de la géopolitique, ils s’opposaient tout autant, voire plus encore, à la Russie « éternelle ». La preuve en est que l’écroulement du système soviétique n’a pas modifié leur attitude en profondeur. La Russie est toujours, pour eux, une puissance à « contenir » par tous les moyens, toute leur politique étrangère visant à l’encercler, à pousser l’OTAN jusqu’à ses frontières et à empêcher les Européens de s’allier aux Russes, comme il serait tout naturel qu’ils le fassent s’ils avaient conscience de la nécessité de penser en termes continentaux. La guerre froide a donc maintenant repris ses droits. Cela va peser sur toute la politique mondiale pour les vingt ans qui viennent.
    En politique, on devient un ennemi dès lors que l’on est désigné comme tel. Les États-Unis ont aujourd’hui désigné Poutine comme leur ennemi. C’est un fait capital. Dans l’affaire ukrainienne, profitant du conditionnement médiatique qui joue en leur faveur, ils sont parvenus à ce résultat prodigieux de faire adopter par l’Union européenne une politique allant directement à l’encontre des intérêts européens. Je fais évidemment allusion ici aux lamentables et très contre-productives sanctions antirusses (mais évidemment pas anti-israéliennes !) que les Européens ont accepté de soutenir – gouvernement français en tête – alors que les inévitables représailles qui s’ensuivront vont leur coûter extrêmement cher. Lorsque ces sanctions ont été annoncées, le ministère russe des Affaires étrangères a simplement déclaré : « Nous avons honte pour l’Union européenne qui, après avoir longuement cherché sa propre voie, a adopté celle de Washington, rejetant ainsi les valeurs européennes fondamentales. » C’est très exactement cela, hélas ! L’Union européenne s’est alignée sur l’Amérique parce qu’elles partagent l’une et l’autre la même idéologie libérale. Le drame est que tout cela se déroule dans l’indifférence générale, alors qu’il s’agit d’un événement de première grandeur.

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  • [Entretien Exclusif ] Philippe Arino revient sur les Veilleurs de Londres.

    Alors, Philippe, vous allez exporter la bonne parole auprès de Gog et Magog ? Quel accueil vous ont réservé les londoniens ? 

    Un excellent accueil. Il faut savoir que dans la capitale anglaise, les Français représentent la communauté étrangère la plus représentée en nombre (bien avant les Polonais, les Indiens, les Pakistanais, etc.). En dix ans, la population française résidant à Londres a explosé. Donc l’arrivée d’un Français avait des chances de susciter un écho positif ! Et les événements de l’année dernière en France concernant le « mariage pour tous » ont beaucoup marqué les Anglais et surtout les Français expatriés : d’une part parce que certains ont participé ponctuellement à l’une ou l’autre de nos grandes manifs, ou tout du moins les ont regardées avec beaucoup d’envie et de frustration ; d’autre part parce qu’une loi identique au « mariage pour tous » a été votée exactement au même moment en Angleterre, dans l’impuissance et l’indifférence générales. En plus, ce coup de Trafalgar est venu des conservateurs ! C’est un peu comme si Sarkozy avait fait passer la loi Taubira… Ce traumatisme a besoin d’être exprimé, évacué, verbalisé : certaines familles françaises catholiques m’ont avoué que pendant que « ça » se déroulait, elles n’avaient pas d’autre solution que de se réfugier dans leurs églises pour prier. Il y a bien eu une manifestation d’opposition de 1000-2000 personnes à Trafalgar Square le 24 mars 2013, mais elle reste anecdotique. Les Anglais n’ont pas fait leur deuil et n’ont pas eu leurs révolutions, leurs manifestations, leur débat, leurs veillées, pour se consoler de l’aberration qui s’est passée.

    Retrouvez-vous le même esprit chez les Veilleurs de Londres que chez les Veilleurs français et plus largement la même volonté de se mobiliser ?

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  • Pourquoi il ne faut pas se décourager

    Entretien avec Tugdul Derville, propos recueillis par Frédécic Aimard

    Deux ans après le début du grand mouvement social, peut-on dire que la fièvre est retombée?

    Je ne le crois pas. Le feu reste brûlant sous la cendre. Le temps permet à chacun de prendre la mesure des enjeux et de se former en profondeur. Sept mille sept cents personnes se sont inscrites à l’Université de la vie de VITA en janvier dernier! Le foisonnement d’initiatives, l’émergence publique de nouvelles personnalités, notamment d’intellectuels comme Fabrice Hadjadj, Thibaud Collin, François-Xavier Bellamy ou Gaultier Bès, contribuent à enraciner notre mouvement dans la durée, en lui offrant des perspectives de fécondité culturelle qui vont bien au-delà de l’opposition légitime à une loi.

    Pourtant, les sentiments de lassitude et de désillusion dominent chez certains…

    Cela vient d’une méconnaissance des enjeux, et de l’impatience naturelle. La première année du mouvement social s’était conclue sur la promulgation de la loi Taubira que nous combattions, mais ce texte était insatisfaisant pour ses promoteurs. Or, la seconde année a été marquée par un recul net du gouvernement. C’est d’ailleurs le ministre de l’Intérieur de l’époque, Manuel Valls qui a donné le premier signe de ce retrait le 3 février 2014 au lendemain des dernières grandes manifestations pour la famille. Depuis ce jour, celui qui est devenu Premier ministre a confirmé sa volonté de ne pas rallumer la guerre sociétale. Jusqu’à assurer, depuis Rome, le 27 avril, que toute réforme de la loi fin de vie ne se ferait qu’en cas de  consensus au Parlement. Assurément le ton a changé. Ce n’est pas le moment de baisser les bras.

    Sur la forme, le ton a changé sans doute, mais quelles sont à votre avis les intentions politiques du pouvoir sur le fond?

    Y a-t-il encore un fond politique? Je crains fort que le fond ne soit subordonné qu’à un rapport de forces qu’il nous faut gagner. Et c’est possible. Car nous sommes témoins — à quelques exceptions près — d’un délitement de la responsabilité politique, dans la plupart des partis. Heureusement, une poignée de parlementaires courageux sauvent l’honneur en assumant la protection des faibles comme priorité politique. A contrario, la préférence des leaders est au discours conjoncturel, au double langage, aux petites phrases qui percutent sans rien révéler de leurs options de fond. Mais en ont-ils vraiment? Ils semblent tabler sur les vagues successives d’émotion qui secouent à tour de rôle les Français en effaçant de leurs mémoires les précédents sujets. Les mascarades victimaires autour de la figure du garde des Sceaux me paraissent emblématiques d’une pareille vacuité. Même constat avec la guerre des chefs à l’UMP et le déballage public du linge sale…

    Mais alors, que reste-t-il?

    Des égos, des nombrils. Chacun élabore sa stratégie de conquête de l’opinion, soigne sa crédibilité et son image. Presque tous finissent menacés par leur propre propension à la toute-puissance : comme s’ils suivaient une bonne étoile qui les autorisait à filer droit dans le mur. Nous avons vu, depuis des dizaines d’années, des personnages bien en place s’effondrer en quelques jours, victimes d’une campagne ciblée. Et de nous demander comment ils ont pu se croire invulnérables. Cette mentalité les conduit à céder au plus offrant, en fonction du coût/bénéfice politique de chaque option à court terme.

    Je crains que ce ne soit ainsi qu’il faille évaluer la nomination de Jean Leonetti par le président de la République pour réviser sa propre loi… Est-ce un coup tactique pour obtenir un changement, voire une dénaturation de l’esprit de la loi fin de vie, avec aval de l’UMP ?

    De quoi dégoûter nos lecteurs de la politique…

    Surtout pas! Le champ est grand ouvert; nous sommes la plus grande minorité structurée; nos convictions sont fondées sur une anthropologie solide ; nous défendons ensemble une vision de l’homme et non pas nos intérêts personnels comme souvent les promoteurs des transgressions libérales-libertaires… C’est plus gratifiant d’agir avec, chevillé au cœur, un sentiment d’utilité, un souci altruiste, et une certitude sur le sens de la vie. Le temps du désenchantement généralisé est propice à l’engagement de ceux qui appuient leur réflexion politique sur des repères clairs. La libération des consciences est entamée.

    Peut-on voir des signes de cette fécondité pour ce que vous appelez votre «famille de pensée»?

    Oui. Ses leaders sont désormais écoutés. Notre famille de pensée a acquis, par sa constance et sa cohérence, une réelle respectabilité. Elle conquiert de nouvelles catégories de français et de nouvelles personnalités. Elle peut de plus en plus s’exprimer dans les médias. Il lui faut accepter d’agir sur le long terme, sans trop d’impatience.

    À ce titre, les tentatives de transformation du mouvement social en résultat électoral dès 2014 m’ont paru précipitées. Mais il ne faut surtout pas déserter ce champ politique. Peu importe si les grands partis oscillent entre l’illusion ou l’explosion. C’est l’élan et l’énergie d’un nombre limité de personnes déterminées et unies qui peut favoriser la mutation culturelle de notre pays : elle est attendue en Europe et dans le monde.

    Mais cette mutation culturelle passe-t-elle par le politique?

    C’est plutôt l’inverse. La vaine politique est largement dépendante de l’état culturel de la société… Elle s’adapte aux mœurs comme la feuille morte se soumet au vent dominant. Cependant, engager la mutation culturelle par la base, aussi humble que cela puisse paraître, c’est déjà faire de la politique. Il faut peut-être que nos amis renoncent à attendre la personnalité providentielle, très vite décevante, pour découvrir que c’est à chacun d’agir autour de soi, à l’image des élus locaux, de toutes sensibilités, qui font de la politique au sens noble du terme, en servant leurs voisins.

    L’action «Parlons la mort» de VITA s’est inscrite dans ce souci de partir de ce que vivent les Français. Engager le débat, s’impliquer dans une association humanitaire, dans les organisations professionnelles, c’est faire de la politique autrement.

    C’est aussi ce que propose le Courant pour une Écologie Humaine. La démarche est exigeante mais enthousiasmante pour qui accepte d’entrer dans le processus de changement. C’est ce que les nouvelles générations font aujourd’hui dans l’élan du mouvement social, quitte à accepter de se «désembourgeoiser».

    C’est-à-dire?

    Il y a quelques années, je rencontrais beaucoup de chrétiens bien placés qui m’expliquaient s’être réfugiés dans un poste à responsabilité ne les mettant pas en porte-à-faux par rapport à leurs convictions…

    Depuis quelque temps, je rencontre de nombreux jeunes qui décident de s’exposer, de renoncer à des avantages ou des situations pour mettre en cohérence vie professionnelle et convictions personnelles. Certains se tournent vers l’enseignement quitte à ne pas prétendre aux salaires de leurs parents…

    C’est à ce prix, en investissant les «lieux où s’élabore la pensée», en y payant de leur personne, qu’ils pourront faire germer une autre culture.

    S’il faut donc patienter, est-ce à dire qu’il va falloir consentir à la GPA ou à l’euthanasie qui semblent inéluctables?

    Ce sont nos adversaires qui s’escriment à utiliser cette figure d’inéluctabilité pour décourager notre résistance. La GPA est un bon exemple. Il y a une guérilla judiciaire, avec comme dernier épisode la position de la CEDH (Cour Européenne des Droits de l’Homme) qui tend à faire plier la France. Mais elle a déclenché la levée de boucliers de nombreuses personnalités de gauche, à la fois attendues et inattendues, derrière Lionel Jospin et Jacques Delors, qui pressent le gouvernement de s’y opposer au nom du féminisme bien compris. Hommage implicite à La Manif pour tous qui n’a eu de cesse d’alerter sur ces thématiques, ce qui légitime aussi le projet de cette dernière de manifester à nouveau le 5 octobre prochain. Cela montre l’existence d’un large front de résistance qui transcende les clivages. C’est la même chose contre l’euthanasie. Ses promoteurs ont beau nous affubler du déguisement de l’intégrisme sans cœur, nous sommes liés à de multiples groupes qui échappent à toute stigmatisation: personnes handicapées, familles, soignants… Et face à nous, les personnes vraiment mobilisées sont peu nombreuses, même si elles disposent de relais médiatiques puissants.À chacun finalement d’agir de toutes ses forces, en se ménageant des respirations pour tenir dans la durée, mais en s’interdisant tout découragement. Très souvent, un échec cache une perspective de victoire…

    http://www.tugdualderville.fr/pourquoi-il-ne-faut-pas-se-decourager