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entretiens et videos - Page 842

  • Le malaise de la France des «petits Blancs»

    Aymeric Patricot s'est attaqué dans son livre à un tabou, celui des conditions de vie des «petits Blancs» dans les quartiers pauvres de la République. Il répond sans ambages aux questions du Figaro.

    Sorti le mois dernier, le livre d'Aymeric Patricot Les Petits Blancs (Plein Jour) s'inscrit dans cette nouvelle approche intellectuelle qui entend porter un autre regard sur des pauvres longtemps oubliés. Dans son livre, ce diplômé d'HEC, de l'EHESS, agrégé de lettres et professeur en banlieue parisienne, s'intéresse à la double peine souvent ressentie par les «petits Blancs», méprisés des élites et se sentant parfois étrangers dans leur propre pays. Afin de mieux comprendre la portée de ses recherches, Aymeric Patricot a bien voulu répondre aux questions du Figaro.

    LE FIGARO. - Que vous inspire le succès en librairie des livres sur la question de l'identité et sur l'histoire de France ?

    Aymeric PATRICOT. - Ils me paraissent traduire une certaine inquiétude. Certes, l'«identité de la France» n'est pas chose figée. Mais on la présente aujourd'hui comme un simple réceptacle à d'autres cultures, d'autres populations. Sans doute faudrait-il trouver un juste milieu entre sa dimension universelle, ouverte, et le fait qu'elle présente une épaisseur, celle de l'histoire, celle des régions, celle des «territoires».

    Lire la suite http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2013/11/29/01016-20131129ARTFIG00459-le-malaise-de-la-france-des-petits-blancs.php

  • "L'antiracisme en échec"

    Pierre-André Taguieff interrogé par Sébastien Le Fol (Le Point)

    Le Point : Dans une tribune au Monde, le journaliste Harry Roselmack a dénoncé "le retour de la France raciste". "Ce qui me chagrine, écrit-il, c'est le fond de racisme qui résiste au temps et aux mots d'ordre, pas seulement au sein du FN, mais au plus profond de la société française. C'est un héritage des temps anciens, une justification pour une domination suprême et criminelle : l'esclavage et la colonisation (...). Si on était capable de lire l'inconscient des Français, on y découvrirait bien souvent un Noir naïf, s'exprimant dans un français approximatif, et dépourvu d'histoire ou, tout du moins, d'oeuvre civilisatrice." Qu'inspire ce diagnostic à l'auteur du Dictionnaire historique et critique du racisme ?
    Pierre-André Taguieff : Il s'agit là de déclarations si générales qu'elles auraient pu être publiées telles quelles il y a dix, vingt ou trente ans. L'annonce du "retour de la France raciste" est régulièrement faite depuis l'épisode poujadiste, en référence à Vichy ou aux années trente. Dans ces diagnostics fabriqués sur le modèle du "retour du racisme" ou de sa "résurgence", on reconnaît aussi la thèse, très répandue dans les milieux antiracistes organisés, du "racisme institutionnel", postulant que la société tout entière est intrinsèquement raciste, en raison de sinistres héritages dont la persistance serait irrémédiable. On n'a donc pas à s'étonner de tels "retours". Aussi sincère soit-il dans l'expression de son émotion, ce journaliste croit pouvoir dénoncer une nouvelle poussée de racisme anti-Noirs en s'appuyant sur une base factuelle plus qu'insuffisante. Ces propos relèvent d'un genre de discours impressionniste très répandu, qui consiste à dénoncer un "climat" ou une "atmosphère" idéologique. Ceux qui dénoncent une nouvelle poussée de racisme anti-Noirs ne font que réagir avec émotion à l'actualité. Aucune étude fondée sur des enquêtes récentes ne permet de conclure dans ce sens.
    Il n'y a pas, aujourd'hui en France, une vague de racisme anti-Noirs. Dans son dernier rapport publié en mars 2013, la Commission nationale consultative des droits de l'homme a établi qu'en 2012, si l'on considère à la fois les actes et les menaces, la violence antisémite a considérablement augmenté (+ 58 %), la violence antimusulmane poursuivant sa hausse (+ 28 %), tandis que "le racisme et la xénophobie connaissent une relative stabilité, avec une augmentation de 2 %", les "personnes d'origine maghrébine" en étant "les principales victimes". L'analyse de l'évolution des faits anti-Juifs (actions violentes et menaces confondues), recensés en France de 1999 à 2012, montre une augmentation brutale de la judéophobie au début des années 2000, avec des "pics" en 2000, 2002, 2004, 2009 et 2012. En 1999, on recensait 82 faits anti-Juifs, en 2000, 744, en 2009, 815, en 2011, 389, et en 2012, 614. Sur la base de ces données, certains observateurs pourraient déplorer un "retour de la France antisémite". Il s'agit, plus exactement, de l'apparition d'une nouvelle vague anti-juive, alimentée par un endoctrinement "antisioniste" provenant de diverses sources.

    Et Christiane Taubira ? N'est-elle pas victime d'un racisme anti-Noirs ?
    Victime d'injures racistes aussi odieuses que grossières, Christiane Taubira est moins visée en tant que "Noire" qu'en tant que ministre devenue emblématique de la gauche au pouvoir, frappée d'une impopularité croissante. Ce qui est vrai, c'est que les vieux stéréotypes anti-Noirs jouant sur la métaphore simiesque ressortent régulièrement. C'est de l'insulte toute faite, du genre de celle qui se diffuse massivement sur le Web. Mais on constate que ces attaques racistes sont unanimement condamnées, à quelques marginaux extrémistes près. Parmi les nombreux Français qui jugent Mme Taubira incompétente et irresponsable, donc "dangereuse", il en est très peu qui approuvent les attaques racistes contre elle. Si la société française était sous l'emprise de passions négrophobes, la situation serait fort différente.

    "Je préfère la voir dans un arbre après les branches que l'avoir au gouvernement", a déclaré une tête de liste FN aux municipales, depuis suspendue, à propos de Christiane Taubira. Quelques jours plus tard, la ministre de la Justice s'est fait traiter de "guenon" par une gamine de douze ans lors d'une manifestation contre le mariage pour tous. Enfin, l'hebdomadaire Minute l'attaque grossièrement à la une en reprenant les mêmes thèmes ("singe", "banane"). N'y a-t-il pas une "banalisation de la parole raciste"?
    Quelques injures racistes flagrantes, aussi intolérables soient-elles, ne permettent pas d'établir un tel diagnostic. La dénonciation de la "libération" ou de la "banalisation de la parole raciste" est un lieu commun de la rhétorique antiraciste, et ce, depuis longtemps. De tels modes de stigmatisation sont régulièrement constatés, et parfois sanctionnés, notamment depuis la loi du 1er juillet 1972. Il n'y a ici rien de nouveau, hormis la fonction de la cible, garde des Sceaux, ministre de la Justice. Encore y a-t-il des précédents. Faut-il rappeler les violentes attaques antisémites lancées contre Pierre Mendès France à l'époque du poujadisme ou contre Simone Veil au moment des débats sur la dépénalisation de l'IVG, qui se sont poursuivies longtemps après la promulgation, le 17 janvier 1975, de la "loi Veil" ? Ou encore, à la une de Minute le 4 novembre 1992, exploitant l'affaire du sang contaminé, la caricature antisémite de Laurent Fabius, représenté en vampire au nez crochu et aux griffes sanguinolentes ? L'opération infâme de l'hebdomadaire Minute, titrant à la une "Maligne comme un singe, Taubira retrouve la banane", doit être condamnée et sanctionnée. Elle ne saurait cependant être assimilée à un appel au lynchage par une version française du Ku Klux Klan. Ni même à un lynchage médiatique, qui suppose la participation de la quasi-totalité des organes de presse à l'opération. Ce qui n'est pas le cas, et l'on s'en réjouit pour la ministre.

    Christiane Taubira estime que les insultes dont elle est l'objet relèvent d'une "attaque au coeur de la République"...
    C'est également un cliché, auquel recourent tous les élus ou les membres de l'exécutif lorsqu'ils sont attaqués. Le président de la République, face aux huées qui le poursuivent, déclare ainsi que "c'est la République que l'on vise". Méthode d'autotransfiguration : "Moi, la République". C'est supposer qu'on ose s'attaquer au sacré à travers lui. C'est en même temps suggérer que toute critique de sa politique relève du sacrilège. Le 12 novembre 2013, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault, oubliant la spécificité raciste de l'attaque contre la ministre de la Justice, a déclaré à l'Assemblée nationale : "Quand on s'attaque à Christiane Taubira, c'est sûrement une blessure personnelle, mais c'est aussi une fonction que l'on attaque et c'est la République que l'on abîme." Il aurait dû dire : "Quand on s'attaque de cette manière à Christiane Taubira..." Mais il a mis en cause toute attaque contre elle, la transformant en personne située au-delà de la critique, faisant d'elle une intouchable, une icône vouée à l'admiration, voire à la vénération. Comme si les critiques contre les ministres de son gouvernement étaient par nature racistes, assimilables à des sacrilèges. On croyait qu'une telle vision était le propre des islamistes les plus obtus et les plus fanatiques.
    La réalité est autre, plus prosaïque : les injures et les huées visent un gouvernement de plus en plus impopulaire, en raison des effets de sa politique. Ce rejet de la gauche au pouvoir, les violences sociales l'expriment d'une façon plus significative. Les "Bonnets rouges" et les mouvements contestataires du même type témoignent de l'orage, fait d'inquiétude, de désespoir et de colère, qui balaie la société française. S'attaquent-ils, eux aussi, à "la République" ?

    L'acharnement contre la ministre de la Justice a suscité dans un premier temps une molle indignation dans la classe politique. Dans un éditorial intitulé "Taubira, la banane et les dérives du politiquement incorrect", le directeur du Monde des livres, Jean Birnbaum, écrit : "Quelqu'un, quelque part, prononce une parole raciste, misogyne ou homophobe ; or, témoin de tels propos, chacun préfère la boucler ; l'ouvrir, ce serait s'exposer au grand ricanement de l'époque : "Marre du politiquement correct ! ; protester, ce serait risquer le pilori". Au nom de la dénonciation du politiquement correct, ne tolère-t-on pas les pires discours ?
    C'est une dérive qu'on peut craindre et un travers socialement observable. Toute vertu, toute idée noble peut devenir l'instrument d'un terrorisme intellectuel. On connaît le principe de la dérive : au nom de la liberté d'expression et de la tolérance, refuser toute limite de l'une ou de l'autre, et, en conséquence, donner dans l'intolérable, ou l'accepter. Certains se couvrent du rejet justifié du politiquement correct pour faire du politiquement incorrect une orthodoxie. Ce qui est inacceptable. Mais on n'en peut conclure logiquement que la censure et l'autocensure, que visent à établir les tenants du politiquement correct, sont d'excellentes choses. Encore moins qu'une chasse aux sorcières lancée contre les anti-Taubira et les anti-Hollande les plus bruyants ou les plus virulents constitue un bon traitement du malaise social. Cette affaire, à l'évidence orchestrée et exploitée par une gauche sur la défensive, pourrait finir en pantalonnade.
    La République n'est pas aujourd'hui menacée par des ligues factieuses, comme elle le fut entre 1934 et 1936. Ce qui se banalise, en France, ce n'est pas "le racisme", qui tout au contraire s'est débanalisé dans la période post-nazie, ni "la parole raciste", qui n'a jamais cessé de se raréfier, à chaque génération, depuis qu'elle est devenue socialement visible et culturellement identifiable, et bien sûr condamnable. Dans le paysage médiatique français, ce qui frappe, c'est la banalisation de l'indignation, qui est pour beaucoup une indignation de complaisance et de convenance. Une indignation antiraciste aussi consensuelle qu'hyperbolique, mue par une surenchère permanente. Mais une indignation sélective, visant un petit nombre de cibles, toujours les mêmes. Avec un effet pervers caractérisé : la répétition des mêmes cris d'indignation dans un consensus sans faille engendre une perte de force rhétorique. Ce discours répétitif mobilise de moins en moins. C'est qu'il n'incite à rien d'exaltant (une pétition, un manif ou un meeting de plus). Il sombre dans le bruit de fond du temps qui passe, et s'efface dans le brouillard du conformisme idéologique. La récitation du catéchisme des indignés provoque l'ennui, suscite une lassitude même chez les récitants, et cela se perçoit, s'entend dans les déclarations figées, se lit dans les formules sloganiques. L'indignation convenue meurt des effets de sa monotonie.

    Jean-François Copé a reproché à Christiane Taubira de ne pas l'avoir soutenu lorsqu'il a été l'objet d'attaques antisémites. N'assiste-t-on pas à une surenchère dans la victimisation ?
    Ce n'est pas la première fois que Jean-François Copé, comme Nicolas Sarkozy avant lui, est victime d'attaques antisémites. Or, elles ne provoquent aucune indignation médiatique, comme s'il y avait de bonnes et de mauvaises victimes des haines à base ethnique. L'inégalité dans le traitement médiatique des deux affaires est flagrante. On a là une parfaite application du principe "deux poids, deux mesures". Faut-il en conclure que l'antisémitisme paraît moins inacceptable que le racisme anti-Noirs ? Ou bien qu'à droite, on se soucie moins de se mettre en scène en tant que victime et objet de compassion ? Ou encore, que la droite est moins versée dans l'art d'exploiter politiquement les injures racistes ?

    Le discours antiraciste n'est-il pas devenu inopérant ?
    Il a le mérite de rappeler des principes, des idéaux, des normes, ceux des sociétés "ouvertes" et des démocraties pluralistes. Mais, en se figeant, en devenant une langue de bois, il perd une grande partie de sa crédibilité. Le moulinage rhétorique de clichés et de slogans n'est guère attractif. Les mobilisations antiracistes ressemblent à des fièvres de courte durée. Le temps d'une manif, d'un meeting ou d'un concert gratuit. Depuis 1983-1984, les organisations antiracistes répètent que leur objectif est de faire disparaître le Front national de la scène politique. Leur échec est aussi flagrant que révélateur. Leurs dénonciations diabolisantes ne sont pas seulement inefficaces, elles paraissent participer à la construction du mouvement lepéniste et renforcer son dynamisme. En outre, les militants qui ont professionnalisé l'antiracisme, ou plutôt tel ou tel antiracisme, tendent à remplacer la réflexion critique, l'analyse des situations, la volonté d'argumenter et le souci pédagogique par des appels à la répression et à la sanction. Le policier et le juge chassent le sociologue et le pédagogue. Quand on a dit que le racisme était un délit, on croit avoir tout dit. Enfin, l'action antiraciste, en érigeant le "racisme" en problème social et politique majeur, engendre une racialisation du débat politique, qui provoque une rivalité mimétique pour le monopole de la parole antiraciste, ainsi qu'une radicalisation des projets répressifs risquant de limiter abusivement le champ de la liberté d'expression. Paradoxe tragi-comique : le combat contre l'intolérance finit par se retourner en lutte pour élargir indéfiniment le champ de l'intolérable. Donc en combat pour l'intolérance. Voilà qui risque de donner à l'expression du racisme un parfum d'interdit.

    Dans votre Dictionnaire historique et critique du racisme, vous allez jusqu'à parler des "conséquences indésirables d'un antiracisme devenu machine à exclure et à tuer socialement". L'antiracisme serait donc un racisme inversé ?
    Non, mais dans certains cas, l'antiracisme fonctionne de la même manière que le racisme qu'il prétend combattre. Notamment comme mode de stigmatisation qui, même si l'accusation n'est pas bien établie, entraîne la mort sociale du stigmatisé. L'accusation de "racisme" permet de disqualifier facilement un contradicteur, sans prendre la peine de répondre à ses arguments. En outre, depuis les années 1980, les instrumentalisations politiques de la "lutte contre le racisme" se sont banalisées. Chaque parti, chaque groupe de pression, voire chaque groupe religieux, culturel ou ethnique ("communauté") a son "racisme" qu'il dénonce de préférence à tous les autres, jugés négligeables, insignifiants ou inexistants. Ceux qui privilégient la lutte contre l'"islamophobie" ne sont pas les mêmes que ceux qui sont particulièrement sensibles aux nouvelles formes de la haine anti-juive et veulent les combattre. Cette fragmentation conflictuelle de l'antiracisme favorise la rivalité ou la concurrence entre les organisations antiracistes, qui ont tendance à voir le racisme dans l'oeil de l'autre et à s'attribuer une pratique authentique des exigences antiracistes.

    Vous montrez dans votre dictionnaire que l'antiracisme a toujours hésité entre plusieurs discours. Aujourd'hui, n'est-il pas tiraillé entre l'éloge des différences et le refus de celles-ci ?
    L'idéologie antiraciste, surtout depuis les années 1960, oscille en permanence entre l'appel à respecter ou célébrer les différences de groupe et le rappel de l'impératif d'assimilation, impératif anticommunautariste qui est celui de la tradition républicaine d'origine jacobine. Elle se caractérise également par une tension interne entre l'idéal du métissage, biologique et culturel, qui va dans le sens de l'uniformisation ou de l'indifférenciation, et l'idéal de la "diversité", qui bétonne et sacralise les différences groupales. Enfin, l'idéologie antiraciste ne cesse d'hésiter entre la lutte contre les inégalités et, au nom du "respect de l'autre", la défense des identités ethniques, des spécificités culturelles, etc. S'ajoutent à ces contradictions les divisions liées à des allégeances politiques ou religieuses incompatibles, sources de conflits insurmontables (par exemple, entre antisionistes et pro-israéliens). C'est pourquoi un "front antiraciste" unifié est impossible.

    Certains estiment que l'antiracisme actuel est utilisé pour neutraliser toute critique de l'immigration. Qu'en pensez-vous ?
    C'est là en effet l'une des fonctions idéologiques négatives que remplit l'antiracisme contemporain : il fait pression pour interdire le libre examen des questions délicates ou sulfureuses, par exemple celle de l'immigration, et exerce en permanence une censure suspicieuse dans l'espace des débats publics. D'une façon générale, à quelques nuances près, les antiracistes communient dans l'adhésion à ce que j'appellerai l'immigrationnisme rédempteur, qui consiste à ériger l'immigration en fatalité intrinsèquement bénéfique, ou en méthode de salut pour une vieille nation épuisée. C'est sur la base d'une telle immaculée conception de l'immigration que certains antiracistes assimilent abusivement toute critique des flux migratoires incontrôlés à un indice de racisme ou de xénophobie. Au point de laisser entendre que les 69 % de Français qui estiment qu'il y a "trop d'immigrés" en France (enquête CSA, décembre 2012) sont à classer parmi les racistes ou les xénophobes. En outre, comme ce pourcentage a progressé depuis 2009 (+ 22 points), on en infère que le racisme et la xénophobie "montent". Ces interprétations abusives des résultats de sondages alimentent une vision catastrophiste de l'évolution de la société française, qui serait saisie par les "vieux démons" du racisme. Il reste à se demander qui a intérêt à diffuser cette vision d'une "France raciste", et de plus en plus "raciste".

    "Tant que la droite et la gauche se contentent du thème de la République, sans prendre en compte les diversités de notre société, ethnicisée, il y aura des poussées de l'expression raciste", estime le sociologue Michel Wievorka. Qu'en pensez-vous ?
    Partisan du multiculturalisme, qu'il pense être "la solution", Michel Wieviorka répète la même formule sentencieuse depuis plus de vingt ans. Il semble y croire. Ce qu'il ne voit pas, ou refuse de considérer, c'est que le surgissement de multiples formes de racismes ou d'ethnismes est une conséquence de la fragmentation multicommunautariste de la société française et du relatif épuisement du modèle républicain d'assimilation. La "diversité" n'est qu'une désignation euphémisante de la société multiraciale ou pluriethnique, société multiconflictuelle qui alimente les rivalités et les haines communautaires. Une fuite en avant dans la politique des identités ou dans l'illusion multiculturaliste ne peut qu'aggraver la situation. Il reste une voie, certes pavée de difficiles problèmes à résoudre : "régénérer" la tradition républicaine, ce qui implique de cesser d'invoquer "la République" comme une idole et de la repenser comme un projet collectif, orienté vers le bien commun, lui-même à redéfinir à l'époque de la mondialisation. Et le bien commun ne se réduit pas à un "vivre ensemble" de consommateurs normalisés et de membres de groupes ethniques qui se surveillent, se jalousent, se méprisent ou se haïssent. La citoyenneté est à réinventer.

    À gauche, l'antiracisme n'est-il pas en train de remplacer l'anticapitalisme ?
    Depuis le ralliement subreptice, sous Mitterrand, de la gauche non communiste à l'économie de marché et l'irruption du Front national sur la scène politique, facilitée par cette même gauche, l'antiracisme tend à se substituer au vieil antifascisme, centré sur les "résurgences" plus ou moins fantasmées du nazisme. L'antiracisme ne remplace pas l'anticapitalisme, il fait couple avec lui. Chacun de ces deux "ismes" a un contenu suffisamment flou pour pouvoir s'adapter aux situations nouvelles en se redéfinissant. Aujourd'hui, à gauche, l'anticapitalisme politiquement correct vise la seule financiarisation de l'économie, et l'antiracisme en vogue est celui qui privilégie la lutte contre certaines catégories de victimes (Maghrébins, Arabes, Africains ou "Noirs", Roms, etc.), en en oubliant d'autres, les Juifs au premier chef, mais aussi les "Blancs" (Européens, chrétiens, "Français de souche", etc.). En outre, lorsqu'elle est fortement contestée, la gauche gouvernante n'hésite pas à utiliser l'appel à lutter contre le racisme ou l'extrême droite comme tactique de diversion, non sans jeter la suspicion sur la droite.

    Au printemps dernier, suite à un vote au Parlement, la France a supprimé le mot "race" de sa Constitution... tout en réaffirmant qu'elle "interdit et condamne le racisme". N'y a-t-il pas là une contradiction ?
    La contradiction est flagrante, et l'opération contre-productive. C'est le mariage de la bonne volonté antiraciste et de l'aveuglement, sous l'égide d'une tendance à légiférer frénétiquement et d'un moralisme autoritaire. Les deux principaux arguments avancés par les "éliminationnistes" sont les suivants : 1° le mot "race" est dénué de sens, car, dans l'état actuel des connaissances scientifiques, il ne correspond pas à une réalité génétique définissable ; 2° le mot "race" est dangereux, car il reste chargé de préjugés et de stéréotypes qu'il est susceptible de transmettre ; ce mot serait donc à jamais souillé par les usages racistes qu'on en a fait dans le passé, pour justifier l'esclavage moderne, le colonialisme et l'impérialisme occidental, le nationalisme xénophobe et la politique génocidaire nazie. "Race" serait donc un mot en lui-même impur et contagieux, à éviter : vision naïve du langage. Une idée fausse s'ajoute à ces deux arguments douteux : l'idée que toute différenciation et toute catégorisation des groupes humains alimenterait le racisme. C'est faire le choix de l'obscurantisme.

    Que peut-on attendre de cette suppression ? Un recul du racisme ?
    Si l'on pose la question de l'efficacité, on voit mal en quoi supprimer le mot "race" du texte de la Constitution française (ou dans les manuels scolaires, par exemple) contribuerait à la lutte contre le racisme. Tout d'abord, le mot "race" a de nombreux synonymes ou quasi-synonymes qu'il faudrait aussi supprimer. Il en va ainsi des mots "ethnie" ou "groupe ethnique", "nation", "culture", "communauté", etc. Et il y a un racisme sans référence à la "race", que j'ai appelé naguère le néoracisme différentialiste et culturel. C'est la racialisation des représentations qui est le vrai problème, non l'usage d'un mot. Les mots "juifs", "musulmans" ou "chrétiens" peuvent prendre un sens racial et désigner des "pseudo-races" ou des "quasi-races" à mépriser, rejeter ou exterminer.
    Ensuite, en supprimant des mots, on ne supprime pas les idées qu'ils évoquent : s'interdire d'employer un mot ne revient pas à éliminer les représentations qui lui étaient associées, car elles le sont également à un grand nombre d'autres mots ("origine" ou "origine commune", "filiation", "hérédité", "parenté", "ascendance", "ressemblance", etc.). Un raciste n'a nul besoin du mot "race" pour exprimer sa haine ou son mépris. Il lui suffit de puiser dans le stock des images, métaphores et analogies qui bestialisent ou diabolisent certains groupes humains. Jouer de l'implicite et du sous-entendu a plus de force polémique que recourir à une catégorisation raciale explicite (du type "race inférieure"). Enfin, pour lutter contre le racisme, c'est-à-dire contre des attitudes, des comportements, des formes institutionnelles (discriminatoires, ségrégationnistes, etc.), ainsi que des dogmes idéologiques, il faut bien pouvoir les désigner et les qualifier en tant que "racistes". On conservera donc le mot "racisme", alors même qu'il dérive du mot "race" qu'on a prohibé. Inconséquence. Pour être cohérents, les "éliminationnistes" auraient dû proposer aussi la suppression des mots "racisme" et "antiracisme" dans les textes officiels. Ils ont su s'arrêter à mi-chemin sur la voie de l'absurdité.
    Pierre-André Taguieff, "Dictionnaire historique et critique du racisme" (Puf)

  • Bruno Gollnisch: « Je ne célèbrerai pas ces parodies de mariage »

    Bruno Gollnisch est député FN au parlement européen et conseiller régional de . Il est aussi membre du bureau politique du FN. Nous lui avons posé des questions sur la situation de la France, la loi Taubira..

    1) Plus d’un an après l’élection de Hollande, quelle est la situation de la France aujourd’hui ?

    Mauvaise! On peut dire que la chute semble continue, que le déclin parait inéluctable: insécurité, immigration, imposition et fiscalisme, perte des repères moraux,… Les raisons de désespérer seraient nombreuses, mais la France a aussi prouvé par le passé qu’elle sait se sauver alors que tout semble perdu! Nous tâchons donc de batailler pour accomplir le redressement nécessaire.

    2) On vous a vu dans de nombreuses manifestations contre la loi Taubira sur le mariage gay, êtes-vous pour l’abrogation de la loi ?

    Il s’agit là d’une bonne illustration de ce dont je vous parlais: la mobilisation impressionnante, pendant plusieurs mois, de centaines de milliers de français, prouve que l’espérance est nôtre! J’ai bien évidemment participé autant que possible à ces mobilisations. Mais cette loi a malgré tout été votée, et là où la pseudo droite UMP a déjà tout lâché, le Front National a pris l’engagement de l’abroger. J’ai par ailleurs annoncé dans ma campagne municipale à Hyères (83) qu’élu Maire, je ne célébrerai pas ces parodies de mariage.

    Pour lire la fin

  • Le temps des grands changements arrive


    Entretien exclusif avec Jean-Yves le Gallou

    Jean-Yves Le Gallou sera présent à la Fête du Livre de Renaissance Catholique, le 8 décembre prochain à Grand’Maisons (78 - Villepreux).
    En préparation à cette dédicace, nous l’avons interrogé sur La tyrannie médiatique ainsi que sur Le nouveau dictionnaire de Novlangue et lui avons demandé d’inviter à sa manière un large public à venir le rencontrer et poursuivre cet entretien lors de cette 22ème Fête du Livre.
    Nous remercions le président de Polémia pour cette agréable marque d’amitié.

    Renaissance Catholique : Pourquoi avoir écrit La tyrannie médiatique ? (1)
    Jean-Yves Le Gallou : J’ai écrit cet ouvrage parce que la réalité du régime dans lequel nous vivons est la tyrannie médiatique : les hommes politiques d’abord, mais aussi les juges, les intellectuels, les « experts » et parfois même les hommes d’Église cherchent à plaire aux médias : au risque de devenir des médiagogues. Un médiagogue ne cherche ni le vrai, ni le juste : il cherche à plaire, il cherche le « convenable », c’est-à-dire le « politiquement correct », « l’artistiquement correct », « l’historiquement correct », « le religieusement correct ». La tyrannie médiatique analyse en profondeur le fonctionnement de cette perversion de la liberté de l’esprit.

    RC : Et la réédition de votre dictionnaire de la Novlangue ?
    J.-Y. Le G. : La Novlangue est la langue de la superclasse mondiale. Elle sert à exprimer l’idéologie dominante. Elle a ses mots tabous (« frontières » par exemple) et ses mots sidérants (« réac », « raciste », « dérapage », par exemple). Elle applique les principes définis par Orwell dans 1984 : « La vérité c’est le mensonge », « la paix, c’est la guerre ». Il faut connaître la langue de l’ennemi pour éviter qu’elle ne prenne le contrôle de notre cerveau. Le nouveau dictionnaire de Novlangue (2) est un outil de travail. Le maîtriser est une mesure de prophylaxie.

    RC : Quel a été l’accueil de la presse et des lecteurs à ces deux ouvrages ?
    J.-Y. Le G. : Sans surprise. Silence de cristal dans la grosse presse écrite et les vieilles télévisions.
    Bonne reprise dans la presse dissidente. Excellent buzz sur les sites Internet alternatifs et les réseaux sociaux.
    Bref, rien chez les dinosaures, beaucoup sur la réinfosphère. Beaucoup de commandes sur Internet.
    Et beaucoup d’encouragement des lecteurs.

    RC : Quel message souhaiteriez-vous adresser aux lecteurs qui viendront vous rencontrer le 8 décembre prochain à Villepreux ?
    J.-Y. Le G. : Je crois que le temps des grands changements arrive. Que les cycles historiques de rupture des traditions (1968), d’ouverture des Frontières (1963) de culpabilisation (1972), et même des Lumières, parviennent à leurs termes. De grands bouleversements s’annoncent.

    (1) La tyrannie médiatique, Via Romana, février 2013, 380 pages, 23 €. Voir notre recension de ce livre dans Renaissance Catholique n° 127, de mai 2013, page 19.
    (2) Nouveau Dictionnaire de novlangue/ Plus de 500 mots pour vous manipuler. Michel Geoffroy, Ed. Polémia, octobre 2013, 10 € (à acheter en ligne sur le site de Polémia).

    RC/J.-Y. LE GALLOU

    http://www.renaissancecatholique.org/Le-temps-des-grands-changements.html

  • Laurent Wetzel : « les politiciens de "gauche" et de "droite" réécrivent l'histoire au gré de leurs intérêts et de leurs préjugés »

    Normalien de la rue d'Ulm et agrégé d'histoire, Laurent Wetzel a enseigné l'histoire, la géographie et l'éducation civique avant de devenir inspecteur d'académie - inspecteur pédagogique régional d'histoire-géographie. Il a par ailleurs été maire de Sartrouville de 1989 à 1995 et conseiller général des Yvelines de 1985 à 1998. Il a publié en 2012 Ils ont tué l'histoire-géo aux éditions François Bourin.
    Monde et Vie : Laurent Wetzel, qu'est-ce qui différencie la droite et la gauche en France ? Ces notions sont-elles encore d'actualité ?
    Laurent Wetzel : Dans la vie politique française, la distinction entre la droite et la gauche remonte au 28 août 1789, lorsqu'au sein de l'Assemblée Nationale Constituante les partisans et les adversaires d'un veto royal absolu se regroupèrent respectivement à la droite et à la gauche du président de séance. Il y a bien longtemps que ce critère a perdu tout intérêt.
    Depuis la Seconde Guerre mondiale, la distinction droite-gauche a moins de sens que jamais.
    Il y eut beaucoup d'hommes dits de « gauche » dans la collaboration : Marcel Déat, Jacques Doriot, René Belin, Gaston Bergery, Claude Jamet, Robert Jospin (le père de Lionel), et tant d'autres passés par la SFIO, le PCF, la CGT et le parti radical-socialiste - le parti nazi n'était-il pas le Parti National Socialiste des Travailleurs Allemands ? Il y eut beaucoup d'hommes et de femmes dits de « droite » dans la Résistance : Honoré d'Estienne d'Orves, le colonel Rémy, Pierre de Bénouville, Marie-Madeleine Four-cade, le colonel de La Rocque, Henri Frenay, et tant d'autres, souvent de sympathie royaliste.
    Il y eut beaucoup d'hommes dits de « gauche » favorables jusqu'au bout à l'Algérie française : Robert Lacoste, Albert Bayet, Jacques Soustelle, Max Lejeune, Pascal Arrighi, etc. Il y eut beaucoup d'hommes dits de « droite » favorables à l'Algérie indépendante lorsqu'elle fut livrée au FLN : Georges Pompidou, Raymond Aron, Paul Reynaud, Roger Frey, Alain Peyrefitte, etc.
    Le parti communiste était-il à gauche ou à l'Est ?
    Il approuva le pacte germano-soviétique d'août 1939 qui favorisa l'agression hitlérienne contre la Pologne et la France. Il n'entra dans la Résistance qu'après l'invasion de l'URSS par l'Allemagne en juin 1941.
    Aujourd'hui, comme naguère, le politicien de « gauche » bâtit sa carrière en sollicitant les électeurs jaloux de ceux qui gagnent ou possèdent plus qu'eux, et le politicien de « droite » exerce le pouvoir avec pour seul souci de trahir les promesses qu'il a faites afin de le conquérir.
    En rappelant le rôle de Marcel Paul à Buchenwald, vous avez mis en cause l'attitude des communistes dans certains camps de concentration. D'où vient la faculté de la gauche de créer des mythes et d'utiliser l'histoire à des fins de propagande ?
    En 1985, le TGI de Versailles m'a en effet relaxé du grief de diffamation envers la mémoire de Marcel Paul, lui qui, selon un autre déporté communiste à Buchenwald, Paul Noirot, avait « à la veille de l'insurrection, laissé partir et massacrer les vieux, les juifs, les hommes jugés les moins précieux » (La mémoire ouverte, 1976, p. 53). J'avais aussi rapporté le témoignage de Margarete Buber-Neumann, déportée à Ravensbrück : « Les communistes travaillant à l'infirmerie ne demandaient pas aux malades : Souffres-tu ? ou bien : As-tu de la fièvre ? mais : Es-tu membre du parti communiste ? C'est ainsi qu'elles faisaient le tri entre individus précieux, c'est-à-dire camarades qu 'il fallait sauver, et les autres la grande masse de celles qui ne valaient rien et dont on ne se souciait pas. » (Milena, 1986, p. 229 et 230).
    La mauvaise foi le dispute à l'ignorance lorsque les politiciens de « gauche » comme de « droite » réécrivent l'histoire au gré des circonstances, de leurs intérêts et de leurs préjugés. C'est par exemple l'invention colportée par les gaullistes selon laquelle le général De Gaulle aurait préfiguré la décolonisation de l'Afrique noire d'après 1958 dans le discours qu'il a prononcé à Brazzaville le 30 janvier 1944, alors qu'il a, ce jour-là, demandé d'« étudier les conditions de l'intégration de nos colonies africaines dans la communauté française ».
    Vous avez publié en 2 012 Ils ont tué l'histoire-géo. Faut-il voir une victoire de la gauche dans cette fin de l'histoire, qui signe à terme la fin de l'identité nationale ? La droite en partage-t-elle la responsabilité ?
    J'étudie dans ce livre l'enseignement de l'histoire-géo ainsi qu'il a été conçu par Nicolas Sarkozy à l’Élysée, François Fillon à Matignon, et Xavier Darcos puis Luc Chatel au ministère de l'Education nationale, c'est-à-dire par des politiciens de « droite ».
    Ce sont eux qui ont décidé de supprimer l'histoire et la géographie comme disciplines obligatoires en terminale scientifique, si bien que les élèves de la série scientifique n'étudient plus au lycée ni l'histoire de la France depuis 1962, ni celle de la montée de l'islamisme depuis la fin des années 1970, ni la géographie des États-Unis, de la Chine et du Japon. Ce sont eux qui ont imaginé pour la classe de cinquième un programme d'histoire démesuré allant de Mahomet à Louis XIV en passant par le Monomotapa, si bien que le Roi Soleil n'est plus étudié que fin juin, c'est-à-dire jamais. Ce sont eux qui ont validé l'épreuve d'histoire médiévale de l'agrégation d'histoire en 2011, alors qu'elle consistait à commenter un texte de 1964 comme s'il était de 1415.
    Mais il n'y a guère mieux à attendre des politiciens de « gauche », même si Vincent Peillon a rétabli l'histoire-géo en terminale scientifique.
    Anne Hidalgo, qui fut Secrétaire général à la culture du parti socialiste, a affirmé sur i-Télé, le 24 septembre 2012, que « le Front National avait soutenu pendant la guerre la collaboration avec les nazis ». Précisons qu'il existait bien un Front National durant la Seconde Guerre mondiale, mais qu'il s'agissait d'une organisation cryptocommuniste qui rêvait de transformer la France en une démocratie populaire...
    Propos recueillis par Eric Letty monde&vie novembre 2013

  • Les dessous de la politique française : portraits tantôt acides, tantôt affectueux….

    Entretien avec Nicolas Gauthier et Philippe Randa, auteur des Acteurs de la comédie politique, collection « À nouveau siècle, nouveaux enjeux », éditions L’Æncre
    (propos recueillis par Fabrice Dutilleul).
    Depuis combien de temps vous intéressez-vous à la vie politique française ?
    Une trentaine d’années environ, souvent dans les mêmes journaux, Minute, National Hebdo, Le Choc du Mois, Éléments, Réfléchir & Agir, Le Libre Journal de la France courtoise, VoxNr.com, Synthèse nationale. Parfois dans ceux que nous avons dirigés, Paris Scandale, Pas d’panique à bord, Dualpha, du temps où c’était une revue, ou encore le bimensuel Flash. Actuellement, on nous retrouve sur le site Boulevard Voltaire où nous ont accueillis Emmanuelle et Robert Ménard.
    Des médias très à droite, voir au-delà ?
    Et alors ? Au moins, que l’on nous reconnaisse que nous l’assumons parfaitement. Aujourd’hui comme hier ou avant-hier. Il y en a tant d’autres qui ont collaboré à ces titres et jurent désormais le contraire. Ou demandent pardon. En quoi cette presse, certes très marquée politiquement, est-elle plus indigne qu’une autre ? C’est auprès de journalistes chevronnés que nous avons appris à être incorrects politiquement, à écrire correctement… et à l’écrire ! Au risque de contrarier non seulement les partis ou les élus en place, mais aussi des lecteurs sectaires… Après, de quelle droite ou de quelle gauche parlons-nous. Si la gauche, c’est DSK, autant être de droite. Mais si la droite, c’est NKM, autant être de gauche. Où ailleurs, façon Michel Jobert. Quant au Front national, la question ne consiste pas à savoir s’il est toujours d’extrême droite, mais plutôt s’il ne serait désormais pas de gauche. Enfin, d’une certaine gauche. Vous voyez, on n’en sort pas et, pour résumer, ces étiquettes politiques remontant au siècle dernier ne nous semblent plus avoir grand sens en 2013.
    D’où votre livre sur les Acteurs de la  comédie politique ?
    À force de suivre leurs parcours et de ne pas leur faire de cadeaux, nous avons appris à les connaître… Forcément ! D’où l’idée d’en tracer des portraits assez rudes. Nous rentrons dans une grosse période électorale, il n’est pas inutile de se souvenir de certaines déclarations, actes ou postures de ces « gens-là » qui ont fait le don de la France à leurs ambitions personnelles ou à leurs intérêts souvent sonnant et trébuchants et que nombre d’entre eux voudraient bien faire oublier… Bref, il s’agit, non point d’un véritable dictionnaire au sens où un Henri Coston pouvait jadis l’entendre, mais plutôt d’une galerie de portraits, tantôt acides ou affectueux. Et préfacé par notre ami Éric Letty, notre complice de tant d’aventures communes, lui aussi… En tant que royaliste, il se moque bien de la droite ou de la gauche comme de la première fleur de lys accrochée à sa première barboteuse.
    Les Acteurs de la comédie politique, Nicolas Gauthier et Philippe Randa, collection « À nouveau siècle, nouveaux enjeux », éditions L’Æncre, 300 pages, 29 euros
     www.francephi.com.

  • Entretien avec Eric Zemmour On est en guerre civile larvée !

    Voltaire vous propose une série de courtes interviews. Chaque jour, une personnalité — politique, intellectuel, artiste, sportif, etc. — répondra à une question, toujours la même, qui correspond aux interrogations du moment. Aujourd’hui, Eric Zemmour nous fait le très grand plaisir de bien vouloir être présent à nos côtés…

    Crise de régime, crise de société ou révolution : selon vous, sommes-nous en 1958, 1968 ou 1788 ?

    Ce n’est pas une crise de régime car le régime est la dernière protection de François Hollande. Une crise de société ? Oui, mais pas seulement. C’est bien plus que cela. Nous sommes en fait dans la conjugaison d’une quadruple crise :

    Une crise économique d’abord, c’est-à-dire une crise de l’austérité, de l’euro et de la mondialisation qui se fait au détriment de l’Europe.
    Une crise sociale car ce sont les pauvres des pays riches qui entretiennent les riches des pays pauvres et, évidemment, il y a de plus en plus de pauvres dans les pays riches…

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  • Jean-Yves Le Gallou : « les recettes sortent, les dépenses entrent, les élus flambent »

    Nous ne sortirons pas de la crise budgétaire sans profonds bouleversements.
    Aux « Nouvelles de France », nous donnons souvent la parole aux libéraux qui disent dans nos colonnes tout le mal qu’il pensent de l’étatisme et du fiscalisme ambiants. Cette fois-ci, nous avons voulu connaître l’opinion d’un intellectuel identitaire, Jean-Yves Le Gallou, le président de la Fondation Polémia, dont nous publions régulièrement des travaux, sur ce sujet. (E.M.) Entretien.
    Jean-Yves Le Gallou, on vous dit attaché à l’État, alors la révolte antifiscale vous en pensez quoi ?
    La France est – hors poussée de fièvre – un pays où l’impôt rentre plutôt bien.
    Mais à trop tirer sur la corde, la corde casse. Avec 57% de dépenses publiques dans le PIB, le seuil de tolérance est dépassé.
    C’est de la faute à Hollande et aux socialistes ?
    Pas seulement. Quand ils sont arrivés, le taux de dépenses publiques dépassait déjà 56% du PIB. L’UMP leur a laissé un héritage désastreux. La part des dépenses publiques dans le PIB  a explosé depuis 2007. C’est resté longtemps indolore pour le contribuable puisque c’est la dette qui a financé les augmentations de dépenses. Fillon – Premier ministre de Sarkozy – a déclaré en 2007 qu’il était « à la tête d’un État en faillite » puis il a endetté la France de 600 milliards (près de 4 mois de PIB) supplémentaires ! Et il se prend pour un « homme d’État » !
    C’est la faute à Sarkozy, alors ?
    Pas seulement ! Depuis 1981, pas un seul budget n’a été présenté en équilibre. La France a été dirigée par la dynastie des Endettors : Mitterrand, Chirac, Sarkozy et maintenant Hollande (qui fait à la fois de l’impôt et de la dette, chapeau!). Les Français ont leur part de responsabilité : ils n’ont écouté ni Barre en 1988, ni Bayrou en 2007, ni Le Pen en 1988 et 1995. Les Français se sont laissé clientéliser. C’est le côté République bananière…
    Il faut donc réduire le train de vie de l’État ?
    C’est déjà ce qui se fait ! En fin d’année, les administrations n’ont plus de papier, la gendarmerie plus d’essence et les directeurs de ministère roulent dans des voitures dont les maires adjoints de ville moyenne ne voudraient même pas ! Quant à la revue générale des politiques publiques pensées par les grands cabinets de conseils anglo-saxons, son bilan est catastrophique : peu d’économies mais beaucoup de complexité technocratique et de démotivation. Sans parler de la réforme catastrophique des bases de défense.
    Plus sérieusement, les dépenses de l’Etat au sens strict du terme représentent moins du tiers des dépenses publiques. Et le régalien pur (défense, affaires étrangères, justice, intérieur, patrimoine culturel et naturel, grandes infrastructures) de l’ordre de 10% du PIB… Et c’est là-dessus, et là-dessus principalement, que les médias libéraux tapent. C’est étrange.
    Où faudrait-il chercher les économies ?
    Du côté de Leonarda ! Plus largement du côté des dépenses d’assistance qui explosent et singulièrement du côté de l’immigration : les gros bataillons de demandeurs d’asile coûtent cher en logements et aides diverses, les clandestins coûtent une fortune en Aide médicale d’État (800 millions en 2013) sans parler de la CMU, de la complémentaire CMU et du RSA. Et c’est la délinquance venue d’ailleurs qui plombe les budgets de l’Intérieur et de la Justice. Mais là-dessus, le MEDEF et Les Échos sont d’une discrétion de violette…
    Et le gaspillage des collectivités locales ?
    Elles roulent à guichets ouverts et en klaxonnant. Rien n’est trop beau pour les maires et les présidents de région et de conseils généraux. Les subventions aux associations explosent. En Île-de-France, 200 millions de subventions en 2004, 800 millions maintenant. Île-de-France, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Nord-Pas-de-Calais, Rhône-Alpes, c’est plus de 2 milliards de subventions aux associations, le plus souvent politiquement correctes ou de copinage : c’est insupportable. Et c’est dans les collectivités territoriales que l’absentéisme du personnel est le plus fort. Sans parler des emprunts toxiques sur lesquels maires PS, UMP et communistes se sont précipités. Quant aux nouvelles intercommunalités voulues par Chevènement, elles se sont construit des palais et sont une manne d’indemnités pour leurs élus. Le budget de la Défense va baisser de 12%, on pourrait bien baisser de 6% les subventions aux collectivités territoriales, non ?
    « Les Français ont leur part de responsabilité : ils n’ont écouté ni Barre en 1988, ni Bayrou en 2007, ni Le Pen en 1988 et 1995. Les Français se sont laissé clientéliser. C’est le côté République bananière… »
    Vous avez une théorie sur le déficit public ?
    Elle tient en quatre phrases :
    - les recettes sortent ;
    - les dépenses entrent ;
    - les dépenses de clientélisme explosent ;
    - et le déficit s’accroît chaque année de l’augmentation de la charge de la dette.
    Développons ensemble : les recettes sortent…
    « Trop d’impôt tue l’impôt » (Laffer) : il y a donc un exil fiscal des plus riches. Mais là n’est pas l’essentiel.
    L’essentiel, c’est la délocalisation de la matière fiscale en Irlande ou au Luxembourg. Avec des montages juridiques artificiels et des pratiques financières douteuses, les grandes multinationales paient peu d’impôts dans les pays où elles réalisent leurs activités. Ainsi les grandes entreprises technologiques américaines implantées en France (Amazon, Apple, Google) en délocalisent 1 milliard d’impôts. Or elles bénéficient de clients français, d’ingénieurs français, d’infrastructures françaises (routes, postes, télécom, etc.). Ces impôts qu’elles ne payent pas, ce sont les PME qui les payent pour elles, des PME dont le taux réel des impôts sur les sociétés est trois fois plus élevé que celui des grandes entreprises.
    L’essentiel, c’est aussi les travailleurs des pays de l’Est, travaillant sous le statut de leur pays d’origine et ne participant donc ni aux frais généraux, ni aux frais sociaux de la France mais là aussi en bénéficiant.
    L’essentiel, c’est enfin l’exode des forces vives, ces Français dynamiques et entreprenants qui vont créer de la richesse ailleurs. On peut le regretter mais sûrement pas leur jeter la pierre.
    Les dépenses entrent…
    Le « solde migratoire » camoufle cette réalité : d’un côté, des Français à haut potentiel qui sortent, de l’autre, des immigrés qui entrent pour occuper des petits boulots ou bénéficier de nos avantages sociaux ou médicaux. Avec un paradoxe : un État-providence généreux dont les recettes sont territorialisées sur l’Hexagone (et encore, une partie en sort) et des dépenses qui potentiellement s’appliquent au monde entier avec des frontières poreuses à Lampedusa ou Roissy, Saint-Laurent du Maroni ou Mayotte.
    Mais à la marge, cela concerne aussi les travailleurs frontaliers qui produisent en Allemagne ou en Suisse (où, on les comprend, ils trouvent de bons emplois) mais bénéficient des protections françaises ou les expatriés qui viennent passer leur retraite (et les soins médicaux qui vont avec) en France.
    Les dépenses de clientélisme explosent…
    Notre système politique repose sur le scrutin majoritaire. Et le scrutin majoritaire facilite l’élection des maires comme députés. Le clientélisme municipal consolide la détention de leurs mandats : on ne vote pas contre le Père Noël. D’autant que les députés s’arrangent pour que les recettes des collectivités territoriales soient indolores (les reversements de l’État) ou peu douloureuses (un enchevêtrement de taxes difficile à comprendre et une superposition de collectivités plus ou moins irresponsables). Résultat : les dépenses locales ont grimpé très vite.
    L’augmentation mécanique de la charge de la dette…
    Depuis 40 ans, les budgets sont votés en déficit. Et depuis 20 ans, l’inflation est jugulée. Résultat : la charge de la dette pèse, chaque année, à hauteur de 40 milliards sur le déficit.
    Quels remèdes pour que cesse cette gabegie ?
    Le discours convenu sur le « choc de compétitivité » ou ces « satanés 35 heures » n’est pas à la hauteur de l’enjeu. D’autant que la main-d’œuvre française est plutôt productive. Il est illusoire – et indécent – de demander au travailleur français d’être payé 5 euros de l’heure. Il est non moins illusoire d’imaginer aligner notre fiscalité sur celle du Luxembourg ou de l’Irlande.
    Il faut donc des remèdes de cheval ?
    Oui. Il faut notamment mettre les collectivités territoriales et leurs élus à la diète et diminuer drastiquement les reversements qu’elles reçoivent de l’État. Quand ils auront perdu les élections locales, les socialistes le feront d’ailleurs !
    Mais cela ne suffira pas. Il faut aussi changer de paradigmes. À tout le moins rétablir des frontières  physiques, économiques, sociales, juridiques pour reterritorialiser, remettre en phase la population, la production, la fiscalisation et les avantages sociaux.
    Nous ne sortirons pas de la crise budgétaire sans profonds bouleversements.
    Entretien entre Eric Martin et Jean-Yves Le Gallou
    Nouvelles de France, 17/11/2013
    http://www.polemia.com/jean-yves-le-gallou-les-recettes-sortent-les-depenses-entrent-les-elus-flambent/

  • Grandes villes et capitales de l’Europe vont bientôt tomber !

    Entretien avec Renaud Camus

    Avez-vous été choqué par les sifflets et les huées à l’encontre de François Hollande durant les commémorations du 11 Novembre sur les Champs-Élysées, mais aussi à Oyonnax ?

    Choqué n’est pas le mot. Ces huées étaient assez prévisibles. Mais je dirai, pour emprunter le ridicule sabir d’époque, qu’elles « ne sont pas dans ma culture ». Elles sont un signe parmi d’autres, et certes pas le plus grave, d’une société qui se délite, qui perd le sens de la convention, de l’abstraction, de la non-coïncidence avec soi-même dont la civilisation et l’État de droit ont pourtant le plus grand besoin. De mon point de vue, que vos lecteurs commencent à connaître, ni François Hollande, cela va sans dire, ni la haine de François Hollande ne sont à la hauteur de la tragédie qui se joue, le changement de peuple, le Grand Remplacement, la conquête coloniale de notre pays et du continent. On voit les grandes villes et bientôt les capitales de l’Europe tomber les unes après les autres. À Marseille, déjà, l’élection municipale se joue entièrement en termes ethniques. Il ne s’agit plus que de savoir si c’est bien cette fois que la seconde ville de France va officialiser sa soumission à nos conquérants et remplaçants, sous le couvert de la fiction républicaine, de moins en moins tenable, qu’il n’y a de part et d’autre que d’excellents Français, comme il n’y a à Bruxelles que d’excellents Belges, sans doute, et à Londres d’excellents Anglais. Bien entendu les socialistes, en bons apprentis sorciers, jouent avec cette fiction qui a la loi pour elle car ils en espèrent le pouvoir, gardé ou conquis contre toute espérance. Et ils seront emportés les premiers par cette vague qu’ils caressent, car nos remplaçants, une fois qu’ils nous auront remplacés, mépriseront plus encore les remplacistes, dont les socialistes sont la fine fleur, que les résistants comme nous.

    Pardonnez-moi. J’ai un peu dévié. C’était seulement pour rappeler, puisque ce semble être le rôle que le Sort m’a confié, que ni l’écotaxe, ni le mariage gay, ni la réforme pénitentiaire ne sont la question principale. Ce sont des leurres.

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  • Cent mille chrétiens sont éliminés chaque année à travers le monde

     

    Cent mille chrétiens sont éliminés chaque année à travers le monde
    Le Professeur Todd Johnson est le successeur de son collègue David Barrett (1927-2011), "Monsieur Statistiques" pour les chercheurs de sciences religieuses à travers le monde entier, à la tête du Center for the Study of Global Christianity de South Hamilton (Massachusetts), un centre qui est à l'origine des statistiques sur le nombre des fidèles des diverses religions utilisés par un grand nombre d'universités - et aussi d'Eglises et de communautés religieuses - à l'échelle internationale. Johnson sera en Italie en décembre pour un certain nombre d'engagements, et débutera un séminaire par un rapport sur la méthodologie de la statistique religieuse organisé par l'Université Roma Tre, en collaboration avec le CESNUR et avec l'Académie des Sciences humaines et sociales, le 16 Décembre.
    Barrett et Johnson sont également à l'origine de ce qu'ils appellent la «martyrologie» , c'est-à-dire la compilation de statistiques sur le nombre de chrétiens tués « dans des situations de témoignage» ce qui signifie tués parce que chrétiens. Ces chrétiens qui ont été tués, selon Barrett et Johnson, sont au nombre de soixante-dix millions de la mort de Jésus-Christ à l'an 2000, dont 45.000.000 se concentrent durant le XXe siècle. Dans la première décennie du XXIe, de 2000 à 2010, selon Barrett il y en a encore eu un million, soit 100.000 par an. Cette estimation d'une moyenne calculée sur dix ans était de 105.000 en 2011 - l'année où, en commentant ces chiffres lors d'une réunion de l'Union européenne, il la traduisait dans la formule, arithmétiquement logique par rapport au chiffre de 105.000, "d'un chrétien tué toutes les cinq minutes" - alors que l'estimation de Johnson pour 2013, publié dans le numéro 37/1 de sa publication "Bulletin international de recherche missionnaire" était de 100.000.
    Périodiquement, ces chiffres sont attaqués; et récemment une information parue sur le site de la BBC donnait l'impression que Johnson lui-même les avait en quelque sorte redimensionnés ou retirés. Afin de clarifier la façon dont les choses se présentent, j'ai interviewé le professeur Johnson lui-même.

    Professeur, est-il vrai que vous avez démenti la fameuse statistique des 100.000 chrétiens tués chaque année ?
    Mais pas du tout. Il se peut que le journaliste de la BBC ne m'ait pas bien compris, mais j'ai simplement expliqué que la statistique se réfère à une moyenne des dix dernières années, non à une année donnée. Par conséquent, la statistique que nous avons publiée en 2013 correspond à la somme des morts des années 2003 à 2012 divisée par dix. Et la somme divisée par dix donne précisément 100.000. Si nous nous livrons au même exercice l'an prochain, nous ferons le total des morts de 2004 à 2013 et nous le diviserons par dix. Ce chiffre est significatif d'une tendance bien plus que s'il se concentrait sur une seule année où les données peuvent être modifiées par des variables éphémères, et où l'on risque d'annoncer des retournements décisifs causés par des événements positifs ou négatifs qui ne se répéteront pas les années suivantes.

    La BBC objecte que 90% des morts au cours des dernières années ont été tués dans la République démocratique du Congo, où il y a une guerre civile en cours. Quelle est votre réponse?
    Pour certaines des dix années prises en compte par l'évaluation sur dix ans, il est vrai que les données du Congo pèsent jusqu'à 70% - 90% est exagéré, mais nous avons toujours dit que le Congo pesait beaucoup - ce n'est pas une découverte de la BBC - tandis que sur l'échelle de la décennie, si l'on regarde les autres années, nous prenons en considération une donnée non moins importante, celle du Sud-Soudan, où les choses se sont améliorées ensuite. Beaucoup de mes dernières interventions lors de conférences internationales examinent la situation au Congo, et l'affaire est intéressante pour expliquer notre méthode. Il y a certainement des cas où il est difficile de déterminer si des personnes sont tuées en raison du fait qu'elles sont chrétiennes ou pour des raisons ethniques ou politiques. Dans ce cas, nous évaluons le poids du facteur religieux et sur la base de ce facteur nous attribuons un pourcentage du total des personnes tuées à des raisons religieuses. Pour le Congo, nous avons estimé - de façon très prudente et à titre de précaution - que le facteur religieux intervient pour vingt pour cent dans les raisons qui provoquent les assassinats. Je dis prudente et à titre de précaution parce que nous avons recueilli sur le terrain, des centaines de témoignages qui parlent de personnes tuées dans les églises et tuées parce que, pour des raisons religieuses, elles refusent de se battre dans les milices ou a fortiori de s'impliquer dans des guerres qu'ils estiment injustes. Par conséquent, pour chaque année, nous ne comptabilisons pas cent pour cent de chrétiens assassinés au Congo dans nos statistiques, mais seulement vingt pour cent. Nous adoptons des critères similaires pour les autres pays. Les critères, on peut toujours les discuter, mais je dois avouer que je ne comprends pas bien les objections qui vous invitent à soustraire les chrétiens tués au Congo, comme s'ils étaient des victimes de seconde zone par rapport à ceux d'autres pays.

    Mais la BBC affirme que ce ne sont pas des «martyrs». Est-ce vrai?
    La notion de «martyr» n'est pas univoque. Par exemple, la tradition juive - qui considère «martyrs» les victimes de l'Holocauste - ou celle de l'islam qui ont un concept plus extensif du "martyre" que celui du christianisme. Je suis protestant, mais je sais que l'Église catholique a en revanche un concept plus restrictif: seul est "martyr" celui qui offre volontairement sa vie pour sa foi. Si quelqu'un est victime d'une bombe qui fait exploser une église ou un local fréquenté par les chrétiens, pour l'Église catholique, il n'est pas nécessairement un «martyr», alors que pour de nombreux protestants il l'est. Nous sommes conscients de ces différences de terminologie, et c'est pourquoi aujourd'hui nous avons tendance à moins parler de «martyrs» mais plutôt de «personnes tuées dans des situations de témoignage».

    Si la situation au Congo devait s'améliorer, votre moyenne calculée sur la dernière décennie va baisser?
    Il y a des chances, et nous espérons qu'il en sera ainsi. Mais je voudrais ajouter un mot d'avertissement. Lorsque la situation s'est améliorée au Sud-Soudan, nous avons pensé que nous pourrions arriver à des estimations beaucoup plus faibles, et c'est alors qu'a explosé la situation dramatique au Congo. L'histoire du christianisme dans les deux derniers siècles ne conduit pas à l'optimisme: quand la violence s'atténue dans un pays particulier, elle explose souvent ailleurs. Le fait que les chrétiens soient victimes de campagnes de haine, soient discriminés, soient tués en nombre encore élevé dans de nombreuses régions du monde fait craindre que de nouvelles flambées de violence se produisent dans d'autres zones géographiques.