N’est-ce pas seulement parce que la réponse des Criméens au referendum de ce dimanche nous est connue d’avance que l’Occident s’indigne qu’on ait osé leur poser la question ?
On vote donc aujourd’hui en Crimée. Les conditions dans lesquelles a été décidé et se déroule ce referendum sont il est vrai assez particulières. Justifient-elles pour autant les cris d’orfraie que pousse et les menaces de sanctions que brandit l’Occident au nom de principes qu’il ne respecte pas toujours lui-même et en feignant d’ignorer que les pressions de tout ordre qu’il reproche à la Russie vont au-devant plutôt qu’à l’encontre des vœux de la population concernée ?
Lire la suite
international - Page 1110
-
C’est une Crimée, qui fait oui, oui, oui, oui, oui, oui…
-
Entretien avec Hongbing Song, auteur de «La guerre des monnaies»
Hongbing Song pense que la Chine devrait pousser l’intégration de la monnaie à travers l’Asie, prenant exemple sur l’Allemagne, qui a abandonné le deutsche Mark, mais a pris le contrôle de l’Europe et de l’euro. Bien que n’étant pas reconnue comme une source universitaire, la série La guerre des monnaies de Hongbing Song est très populaire parmi les lecteurs. Song se considère comme un « spécialiste de la finance internationale », qui envisage l’économie en termes de « guerres ». Il croit que l’économie n’est qu’une pièce du jeu politique plutôt qu’une théorie ou une science.
Il explique son impopularité parmi les économistes du courant dominant en disant qu’il est compréhensible que « les économistes rejettent un nouveau système qui remet en question leur système de connaissances monopolistique ».
Dans ses livres, Song tente d’expliquer l’histoire et le développement du monde à travers la perspective des monnaies et de la finance. Il pense que « bien que l’histoire ne se répète tout simplement pas, l’humanité reflétée dans des périodes différentes est étonnamment semblable. » Song espère trouver une solution pour le développement du monde.
Lors de son entretien, Song mentionne que dans le passé, les Chinois ne se sont pas préoccupés des devises. L’argent, le commerce et les relations financières et commerciales ont été négligés pendant des milliers d’années en Chine.
The Economic observer : Que-ce qui vous a poussé à écrire la série La Guerre des monnaies ?
Hongbing Song : J’habite aux États-Unis depuis 14 ans et j’ai passé plus de 20 ans en Chine. Si la Chine veut devenir une puissance mondiale comme les États-Unis, elle doit se concentrer sur plus de choses que sa simple puissance militaire. La principale concurrence entre les deux pays sera l’économie et les finances, plutôt que l’armée traditionnelle ou la guerre. Plus j’y réfléchissais, plus je réalisais que la puissance financière des États-Unis a été sous-estimée par la plupart des gens.
Tous mes livres tentent d’expliquer l’histoire et le développement du monde dans la perspective de la monnaie et de la finance. Les chinois ne sont pas très préoccupés par l’argent, et nous avons négligé l’argent, les échanges et l’influence de la finance sur le commerce pendant des milliers d’années.
Voulez-vous dire que nous n’avons pas conscience de l’importance de l’argent ?
Depuis les années 1940, il y a eu quelques occasions pour les Chinois d’acquérir de l’expérience dans la finance. En tant que puissance économique montante, la Chine pourrait subir des pertes dans la concurrence internationale, si nous ne possédons pas de solides connaissances sur la finance. C’est pourquoi j’ai combiné les deux notions de « monnaie » et « guerre ». Lorsque j’ai d’abord proposé ce concept, les gens étaient confus et ont demandé : « Comment une guerre pourrait éclater entre les monnaies ? » Cependant, lorsque les gens sont devenus plus conscients de l’environnement économique du monde, ils ont commencé à en accepter la possibilité.
Il n’y a pas de recherche systématique sur la concurrence des monnaies et de l’argent en Chine. Seuls les théories monétaires ou l’économie sont étudiées. La Chine a négligé l’importance de la finance comme un outil, une mesure et une arme, qui pourrait être vital pour son développement, son économie et sa sécurité nationale à l’avenir. Par conséquent, mon point central dans les quatre livres est en fait l’influence que l’argent a sur le sort d’un pays et du monde.
Qu’avez-vous trouvé ?
Basé sur un récent sondage que j’ai effectué à l’université ETH de Zurich, nous avons analysé la structure des capitaux propres de 37 millions d’entreprises transnationales et constaté que 147 des plus grands instituts financiers exercent un contrôle sur ces 37 millions d’entreprises. En outre, il y a 20 ou 30 grands groupes de sociétés de portefeuilles derrière ces 147 institutions. Cela montre comment les sociétés de portefeuilles financières minoritaires au sommet de la pyramide contrôlent effectivement la plupart des groupes transnationaux de matériaux de base et de d’énergie.
L’enquête a démontré mon hypothèse dans La guerre des monnaies 2. Il y avait 60 familles qui contrôlaient plus de 60 % des industries aux États-Unis, en dépit de leur récente disparition du classement des plus grandes fortunes du monde depuis 1940. Pourquoi ont-elles disparu, vous demandez-vous ? Est-ce à cause de la guerre ? Cependant, gardez à l’esprit qu’il n’y a pas eu depuis de guerre sur le sol américain. J’ai le sentiment qu’à cette époque, les grandes et indispensables entreprises dans le monde étaient encore contrôlées par une minorité de familles. Les grandes banques et les entreprises sont en fait très centralisées. Beaucoup de grandes familles financières ont mis en place des fonds et fait don de leurs fortunes, surtout après 1930. Ce qu’ils veulent, c’est le contrôle plutôt que la propriété. Bien qu’il y ait peut-être des philanthropes, la pratique courante de mise en place des fondations de charité ne me semble pas logique.
Le monde est vraiment en désordre maintenant. Votre quatrième livre est « La période des États en guerre ». Qui selon vous en sortira « gagnant » ?
D’après la situation actuelle, les États-Unis et l’Europe sont les régions qui sont les plus susceptibles de réussir. En comparaison, la Chine n’est pas encore au même niveau. La compétition pour le leadership de l’économie mondiale se fait donc principalement entre les États-Unis et l’Europe. Bien que la Chine soit également prête, le pays n’est pas encore aussi compétent.
Votre réponse est très différente des autres. Pouvez-vous nous l’expliquer ?
Pour moi, la Chine est encore très fragile, non seulement au sens économique, mais en général aussi. L’énorme édifice économique que nous avons construit a une base très fragile. Comment pouvons-nous prétendre être une puissance mondiale si l’énergie et les matériaux ne sont pas suffisants au niveau national et que le commerce dépend principalement du marché étranger. Pour une véritable montée en puissance, son économie doit être beaucoup plus grande que sa dépendance aux marchés étrangers, comme l’expansion de l’Amérique l’a démontré. Avant son entrée dans la Seconde Guerre mondiale dans les années 1930, seulement 2 % à 3 % de sa croissance économique était attribuée aux marchés étrangers. En d’autres termes, les États-Unis n’avaient pas besoin d’un marché extérieur, et au contraire, les marchés étrangers avaient besoin des États-Unis. Même aujourd’hui, alors que cet État est devenu un immense empire dans le monde, son commerce extérieur ne représente que 8 % de son PIB, alors que le chiffre pour la Chine est de 30 %. Ce n’est que lorsque le pays n’est pas dépendant des autres qu’il peut mener sa propre voie.
Dans votre ère d’États supposés en guerre, est-ce que la Chine a un rôle décisif ?
Je ne suis pas pessimiste à ce sujet. L’idée de base est qu’un grand marché intérieur est la base pour l’ascension d’un pays. Certains ont mentionné l’internationalisation du yuan, mais il est évident que le yuan ne peut pas devenir la monnaie de réserve du monde si le marché intérieur de la Chine n’est pas le plus important du monde. L’économie chinoise est dépendante des exportations, ce qui signifie que la monnaie va refluer lorsque les marchandises seront exportées. Le Japon et l’Allemagne ont tous deux essayé l’internationalisation du mark et du yen. Toutefois, leur part dans la monnaie internationale n’a jamais dépassé 7 %, aussi à cause de leurs économies orientées vers l’exportation.
Cela pourrait servir de leçon à la Chine. Un tiers du PIB de la Chine vient de son marché intérieur, qui représente seulement un neuvième de la taille du marché américain. Le meilleur résultat pour les pays tournés vers l’exportation ne peut pas être mieux que ce qui était le cas pour le deutsche Mark ou le yen.
Quel est l’objectif stratégique de promotion de l’internationalisation du yuan ?À mon avis, la réponse est de remplacer le dollar. Cependant, est-il possible de garantir un encadrement efficace de la négociation des yuans à l’étranger maintenant ? Plus les yuans s’écoulent à l’étranger, plus cela sera dangereux. Il en va de même pour l’évaluation du yuan. Si l’administration d’État du marché des changes et de la Banque populaire de Chine met en place le taux de change à 6,36, alors que l’accord est de 5 à New York, quelle norme le marché va-t-il suivre ? Comme il y a beaucoup de dérivés financiers à l’étranger, le nombre d’accords là-bas peut dépasser celui de Pékin. Dans ce cas, la Chine pourrait perdre le droit d’établissement des prix.
C’est précisément pourquoi je regarde vers le passé. En regardant en arrière, nous pouvons observer comment la livre et le dollar ont augmenté. Lorsque l’on compare le marché intérieur des États-Unis et de la Grande-Bretagne à celui de la Chine, il est impossible de prétendre que le yuan pourrait remplacer le dollar américain d’ici les 30 prochaines années. Il serait préférable de promouvoir une monnaie asiatique et bénéficier de l’internationalisation indirecte des yuans. Cependant, il y a aussi des problèmes, tels que la façon dont l’Asie devrait être intégrée.
Voulez-vous dire la liaison de toute l’Asie ?
Oui. En fait, les Chinois pensent rarement à la raison pour laquelle l’économie asiatique est toujours distraite et contenue par les États-Unis et l’Europe alors que leur économie totale est déjà l’égal des deux puissances. Ils considèrent aussi rarement pourquoi tous les pays asiatiques se tournent vers les États-Unis à la place d’autres pays asiatiques en cas de problème. Si la Chine veut devenir une puissance mondiale, il est essentiel que celle-ci s’intègre à d’autres pays d’Asie.
L’intégration de l’Asie n’est elle pas difficile pour des raisons géographiques, historiques et de relations politiques ?
La racine des problèmes des pays asiatiques ne sont pas les malentendus et les obstacles historiques. Par rapport à ces problèmes secondaires, le principal facteur est externe – le fait que les États-Unis ne veulent pas que l’Asie s’unisse. Il n’y a pas eu autant de guerres en Asie, qu’il y en a eu en Europe, pourtant les pays sont encore très aliénés. Si l’Asie est intégrée en tant que communauté d’intérêt, les États-Unis n’auront aucune chance de rester une superpuissance.
C’est pourquoi j’ai décrit la réconciliation de l’Allemagne et de la France dans le livre. L’Allemagne et la France ont été réunies par la Communauté européenne du charbon et de l’acier. Les deux pays étaient en guerre, lorsque la France a pris les régions de la Ruhr et de la Sarre après la Seconde Guerre mondiale et l’Allemagne a trouvé que leur développement était limité par la France après la guerre. La guerre potentielle dans les années 1950 entre les deux pays a été plus tard éliminée par l’articulation de leurs industries sidérurgiques. L’union est supra-souveraine et ouverte, appelant aussi d’autres pays à s’y joindre. C’est l’origine de la Communauté européenne et de l’Union européenne. Si les pays asiatiques ont des conflits sur la mer à l’est et au sud, pourquoi ne pas prendre l’exemple et intégrer les sources de pétrole là-bas avec une Union supra-souveraine, qui peut lier ensemble les intérêts de la Chine, du Japon et la Corée. D’ici là, aucun de ces pays ne commenceraient une guerre et un nouveau marché asiatique uni sera également créé. Quand une monnaie asiatique pourra enfin être promue, l’influence des États-Unis et de l’Europe sur la région diminuera.
Votre réflexion est typiquement américaine. Accepteriez-vous que les Chinois ne pensent pas normalement de la même manière ?
Oui. Après avoir vécu aux États-Unis, j’ai constaté que la pensée américaine et britannique est la clé de leur succès dans la conduite du monde, car elle se concentre sur l’intérêt national rationnel. Plutôt que de se concentrer sur le « visage » du pays, ils poursuivent les entreprises les plus rationnelles et les plus utiles. Le nationalisme en Chine est trop irrationnel. Ça ne fait pas de différence si nous nous plaignons des autres tout le temps. Cependant, si nous coopérons avec le Japon et unissons les pays asiatiques pour faire une organisation d’intérêt mutuel, la Chine en bénéficiera le plus. Comme dit le proverbe, même les mendiants doivent surveiller leur dos quand ils battent les chiens, comment la Chine pourrait s’opposer à l’Europe et aux États-Unis sans le secours de l’Asie ? La Chine devrait rivaliser avec l’Europe et les États-Unis pour le rôle de premier plan dans le monde. La « diplomatie de grande puissance » que nous avons trop soulignée dans le passé devrait être remplacée par une « diplomatie de voisin ». Même si nous pouvions maintenir une bonne relation avec l’Europe et les États-Unis, comment pouvons-nous attendre d’eux de nous aider sincèrement quand tout le monde est en concurrence avec l’autre pour être le leader du monde ? C’est comme essayer de trouver un poisson dans un arbre. Nous devrions nous tourner vers nos voisins asiatiques pour de l’aide en changeant notre mentalité au sujet de comment devenir le chef de file mondial.
Je ne veux pas dire que nous devrions vivre dans l’histoire, mais je veux montrer que nous ne devrions pas répéter l’histoire non plus – nous ne devons pas être divisés et gouvernés par des puissances étrangères. La Chine devrait intégrer les puissances asiatiques dans un marché commun ainsi qu’une monnaie commune. L’Allemagne a renoncé à son marché intérieur et son deutsche Mark, mais a gagné l’ensemble du marché ainsi que le contrôle de l’Union européenne. Il s’agit de la relation dialectique du « donner » et « gagner ». Comment pouvons-nous obtenir quelque chose sans donner ?
Source : The Economic Observer
-
Quand la Chine dénonce la situation des droits de l’homme aux États-Unis…
Régulièrement accusées par les États-Unis d’être irrespectueuses des droits de l’homme, les autorités chinoises ont décidé de contre-attaquer.
Depuis plusieurs années, la Chine publie tous les ans un rapport officiel dénonçant les « problèmes concernant les droits de l’homme » aux États-Unis. Paru il y a quelques jours, le rapport 2013 souligne notamment, et à juste titre, que le programme de surveillance PRISM est une « violation flagrante du droit international » et « porte gravement atteinte aux droits de l’homme ». Il est aussi reproché aux Américains de ne pas avoir fermé la prison de Guantánamo, ainsi que d’utiliser des drones militaires au Yémen et au Pakistan, causant ainsi la mort de nombreux civils.
Régulièrement accusées par les États-Unis d’être irrespectueuses des droits de l’homme, les autorités chinoises ont ainsi décidé de contre-attaquer. Au-delà du côté piquant de voir les Chinois se muer en donneur de leçons en la matière, cette initiative est l’expression du profond refus de toute ingérence étrangère. À l’instar de beaucoup d’autres pays émergents, la Chine est très attachée à sa souveraineté et n’accepte donc plus d’être déconsidérée par les Américains sous prétexte que son organisation politique ne correspond pas au modèle occidental en termes d’État de droit ou de démocratie.
Lire la suite -
Prix des aliments et des matières premières : les banques inventent l’hyper-spéculation
Qui fait grimper le prix des matières premières, notamment celui des produits agricoles ? Les banques, principaux spéculateurs sur ces marchés. Une nouvelle étape a été franchie : ces banques sont devenues propriétaires d’entrepôts de stockage de métaux ou de produits agricoles, de raffineries de pétrole ou de centrales électriques. Goldman Sachs ou JP Morgan interviennent sur les marchés financiers, mais peuvent également agir directement sur les stocks. Les banques françaises ne sont pas en reste, alors que l’Europe vient pourtant de voter un accord pour tenter de lutter contre cette hyper-spéculation.
Via leurs activités de trading, les banques sont les principaux spéculateurs sur les marchés de matières premières et de produits agricoles, car elles disposent de moyens financiers nettement plus élevés que les autres protagonistes en jeu. Une petite visite sur le site du Commodity business awards permet de découvrir une liste de banques et de courtiers qui jouent un rôle de premier plan sur le marché des commodities (marché des matières premières) [1], ou sur celui des produits dérivés basés sur ces commodities. Parmi ces banques, on retrouve le plus souvent BNP Paribas, Morgan Stanley, Crédit Suisse, Deutsche Bank et Société Générale.
Certaines banques vont d’ailleurs plus loin et se dotent d’instruments pour influer directement sur des stocks de matières premières. C’est le cas du Crédit Suisse qui est associé à Glencore-Xstrata, la plus grande société mondiale de courtage en matières premières : cette dernière contrôle en 2013 environ 60 % du zinc mondial, 50 % du cuivre, 30 % de l’aluminium, 25 % du charbon, 10 % des céréales et 3 % du pétrole [2]. Parmi les banques européennes, BNP Paribas est avec Deutsche Bank une banque des plus influentes sur le marché des commodities, elle joue un rôle clé dans le secteur des produits financiers dérivés sur les matières premières.
Quand les banques investissent dans les entrepôts de stockage
Plusieurs banques des États-Unis sont allées plus loin que les européennes dans la stratégie de contrôle d’une part du marché des commodities : JP Morgan, Morgan Stanley et Goldman Sachs. Par exemple, JP Morgan a importé aux États-Unis 31 millions de barils de pétrole au cours des quatre premiers mois de l’année 2013 ! Les banques des États-Unis sont propriétaires de raffineries de pétrole, de centrales électriques, de réseaux de distribution d’énergie, d’entreprises de stockage de métaux, de stocks de produits agricoles, d’entreprises d’exploitation de gaz de schiste…
Comment en est-on arrivé là ? La Fed, banque centrale des États-Unis, a autorisé en 2003 la banque universelle Citigroup à acheter la société de courtage Phibro, en expliquant qu’il était normal de compléter l’activité de la banque sur le marché des dérivés de commodities par la détention physique de stocks de matières premières (pétrole, grains, gaz, minerais…). Quant à Morgan Stanley et Goldman Sachs qui jusqu’en 2008 [3] avaient le statut de banque d’affaires, elles ont pu dès 1999, grâce à la loi de réforme bancaire qui a complété l’abrogation du Glass Steagall Act (la loi d’encadrement des banques, adoptée après la crise de 1929, pour séparer banques d’affaires et banques de dépôts), faire l’acquisition de centrales électriques, de tankers pétroliers et d’autres infrastructures.
Goldman Sachs fait grimper le prix de l’aluminium
C’est ainsi que Morgan Stanley possède des barges, des tankers, des pipelines, des terminaux pétroliers et gaziers ! De son côté, JP Morgan a acheté la divisioncommodities de la Royal Bank of Scotland (RBS) en 2010 pour 1,7 milliard de dollars. Ce qui lui a permis d’acquérir 74 entrepôts de stockage de métaux au Royaume-uni comme aux États-Unis, tandis que la banque Goldman Sachs en détient 112. Ces deux banques détiennent donc ensemble plus d’entrepôts de stockage de métaux que Glencore (qui en possède 179) ! Détenir des entrepôts de stockage est fondamental notamment si une société ou un cartel de plusieurs sociétés (par exemple des banques) veut spéculer sur les prix en stockant au maximum pour faire monter les prix ou en déstockant pour les faire baisser.
C’est ce qui s’est passé concrètement sur le marché de l’aluminium depuis 2008. Selon une enquête menée par le New York Times, depuis que Goldman Sachs a racheté en 2010 les entrepôts d’aluminium à Detroit, le temps d’attente pour être livré en barres d’aluminium est passé de 6 semaines à 16 mois. Les prix ont nettement augmenté (alors que l’offre et les stocks d’aluminium sur le marché mondial se sont accrus), ce qui a provoqué de fortes réactions d’entreprises comme Coca-Cola et le brasseur Miller, gros consommateurs d’aluminium pour la fabrication des canettes… Rien qu’en revenus de stockage d’aluminium à Detroit, Goldman Sachs a engrangé 220 millions de dollars.
Un secteur de moins en moins rentable ?
Après avoir fait de plantureux bénéfices en manipulant les cours, les banques les plus présentes sur le marché physique des commodities ont adopté une stratégie de sortie. Trois raisons principales les ont poussées dans cette direction. Premièrement, les autorités de contrôle se sont rendu compte des manipulations auxquelles se sont livrées plusieurs banques. JP Morgan, Barclays, Deutsche Bank ont dû payer des amendes dans plusieurs affaires concernant notamment la manipulation du marché de l’électricité de Californie. JP Morgan a ainsi accepté de payer une amende de 410 millions de dollars dans cette affaire qui n’est pas terminée [4]. Les autorités américaines, sous la pression de sociétés concurrentes des banques et face à l’impopularité des banquiers en général auprès du grand public, envisagent sérieusement de limiter les activités des banques sur le marché physique des commodities.
Deuxièmement, les bénéfices que tirent les banques de leurs activités sur ce marché ont commencé à baisser depuis 2011-2012. Les prix des matières premières ont d’ailleurs tendance à se contracter. Et troisièmement, le capital dur (Core Tier 1) requis pour les investissements dans les entreprises de courtage pèse plus lourd que d’autres investissements (dettes souveraines par exemple). Du coup, comme les banques doivent augmenter leur ratio fonds propres/actifs pondérés, elles font le calcul qu’il vaut mieux se délester en tout ou en partie des investissements dans le marché physique des commodities [5]. Affaire à suivre.
Une dangereuse bulle spéculative
Il n’en demeure pas moins que les banques resteront très actives sur les marchés des dérivés de commodities et sur tous les segments des marchés financiers qui sont concernés par les matières premières. Leur capacité de nuisance est et restera tout à fait considérable si des mesures radicales ne sont pas prises.
Ces banques sont des acteurs de tout premier ordre dans le développement de la bulle spéculative qui s’est formée sur le marché des commodities [6]. Quand elle éclatera, l’effet boomerang sur la santé des banques provoquera de nouveaux dégâts. Il faut également prendre en compte le réel désastre, bien plus grave, pour les populations des pays du Sud exportateurs de matières premières. L’ensemble des peuples de la planète seront affectés d’une manière ou d’une autre.
Les affameurs sont les « investisseurs institutionnels »
La spéculation sur les principaux marchés des États-Unis où se négocient les prix mondiaux des biens primaires (produits agricoles et matières premières) a joué un rôle décisif dans l’accroissement brutal des prix des aliments en 2007-2008 [7]. Cette hausse des prix a entraîné une augmentation dramatique, de plus de 140 millions en un an, du nombre de personnes souffrant de malnutrition. Plus d’un milliard d’êtres humains (une personne sur sept !) ont faim.
Les affameurs ne sont pas des francs-tireurs. Ce sont les investisseurs institutionnels (les « zinzins ») : les banques – BNP Paribas, JP Morgan, Goldman Sachs, Morgan Stanley et, jusqu’à leur disparition ou leur rachat, Bear Stearns, Lehman Brothers, Merrill Lynch –, les fonds de pension, les fonds d’investissement, les sociétés d’assurances. Ou les grandes sociétés de trading comme Cargill. Les hedge fundsont aussi joué un rôle, même si leur poids est bien inférieur à celui des investisseurs institutionnels. Au niveau mondial, au début de l’année 2008, les investisseurs institutionnels disposaient de 130 000 milliards de dollars, les fonds souverains de 3000 milliards de dollars et les hedge funds de 1000 milliards de dollars.
Augmentation des prix de 183 %
Michael W. Masters, qui dirigeait depuis douze ans un hedge fund à Wall Street, a explicité le rôle néfaste de ces institutionnels dans un témoignage qu’il a présenté devant une commission du Congrès à Washington le 20 mai 2008. À l’occasion de cette commission chargée d’enquêter sur le rôle possible de la spéculation dans la hausse des prix des produits de base, il a déclaré : « Vous avez posé la question : est-ce que les investisseurs institutionnels contribuent à l’inflation des prix des aliments et de l’énergie ? Ma réponse sans équivoque est : oui. » Dans ce témoignage, qui fait autorité, il explique que l’augmentation des prix des aliments et de l’énergie n’est pas due à une insuffisance de l’offre mais à une augmentation brutale de la demande venant de nouveaux acteurs sur les marchés à terme des biens primaires (« commodities ») où l’on achète les « futures ».
Sur ce marché (également appelé « contrat à terme »), les intervenants achètent la production à venir : la prochaine récolte de blé, le pétrole qui sera produit dans 6 mois ou dans 5 ans. Dans le passé, les principaux intervenants sur ces marchés étaient des entreprises qui avaient un intérêt spécifique – lié à leur activité – pour un de ces biens primaires. Par exemple une compagnie aérienne qui achète le pétrole dont elle a besoin ou une firme alimentaire qui se procure des céréales. Michael W. Masters montre qu’aux États-Unis, les capitaux alloués par les investisseurs institutionnels au segment « index trading » des biens primaires des marchés à terme sont passés de 13 milliards de dollars fin 2003 à 260 milliards en mars 2008 [8] ! Les prix des 25 biens primaires cotés sur ces marchés ont grimpé de 183 % pendant la même période !
Il explique qu’il s’agit d’un marché étroit et qu’il suffit que des investisseurs institutionnels comme des fonds de pension ou des banques y allouent 2 % de leurs actifs pour en bouleverser le fonctionnement. En 2004, la valeur totale des « contrats futurs » concernant 25 biens primaires s’élevait seulement à 180 milliards de dollars. A comparer avec le marché mondial des actions qui représentait 44 000 milliards, environ 240 fois plus. Michael W. Masters indique que cette année-là, les investisseurs institutionnels ont investi 25 milliards de dollars dans le marché des futurs, ce qui représentait 14 % du marché. Au cours du premier trimestre 2008, les investisseurs institutionnels ont augmenté de manière très importante leur investissement dans ce marché : 55 milliards en 52 jours ouvrables. De quoi faire exploser les prix !
Le laxisme des autorités de contrôle
Le prix des biens primaires sur le marché à terme se répercute immédiatement sur les prix courants de ces biens. Ainsi, quand les investisseurs institutionnels ont acheté des quantités énormes de maïs et de blé en 2007-2008, la flambée des prix de ces produits a été immédiate.
A noter qu’en 2008 l’organe de contrôle des marchés à terme, la Commodity Futures trading Commission (CFTC), a estimé que les investisseurs institutionnels ne pouvaient pas être considérés comme des spéculateurs. La CFTC définit les « zinzins » comme des participants commerciaux sur les marchés (« commercial market participants »). Cela lui permet d’affirmer que la spéculation ne joue pas un rôle significatif dans l’envolée des prix. Une sévère critique de la CFTC est faite par Michael W. Masters, mais surtout par Michael Greenberger, professeur de droit à l’université de Maryland, qui a témoigné devant la commission du Sénat le 3 juin 2008. Michael Greenberger, qui a été directeur d’un département de la CFTC de 1997 à 1999, critique le laxisme de ses dirigeants qui font l’autruche face à la manipulation des prix de l’énergie par les investisseurs institutionnels.
Il cite une série de déclarations de ces dirigeants dignes de figurer dans une anthologie de l’hypocrisie et de la bêtise humaine. Selon Michael Greenberger, 80 à 90 % des transactions sur les Bourses des États-Unis dans le secteur de l’énergie sont spéculatives [9]. Son expertise est donc sans appel.
« Tirez avantage de la hausse du prix des denrées alimentaires ! »
Le 22 septembre 2008, en pleine tourmente financière aux États-Unis, alors que le président Bush annonçait un plan de sauvetage des banques qui consistait à leur remettre 700 milliards de dollars (sans compter les liquidités qui ont été mises à leur disposition massivement), le prix du soja faisait un bond spéculatif de 61,5 % !
L’économiste français Jacques Berthelot montre lui aussi le rôle crucial joué par la spéculation des banques dans la montée des prix agricoles mondiaux. Il donne l’exemple de la banque belge KBC, qui a mené une campagne publicitaire pour vendre un nouveau produit commercial : un investissement des épargnants dans six matières premières agricoles. Le fonds de placement « KBC-Life MI Security Food Prices 3 » racole des clients avec un slogan cynique : « Tirez avantage de la hausse du prix des denrées alimentaires ! ». Cette publicité présente comme une « opportunité » la « pénurie d’eau et de terres agricoles exploitables », ayant pour conséquence « une pénurie de produits alimentaires et une hausse du prix des denrées alimentaires ».
Du côté de la justice américaine, les spéculateurs sont dans leur bon droit. Paul Jorion, dans une tribune publiée par Le Monde, met en cause la décision d’un tribunal de Washington qui a invalidé le 29 septembre 2012 des mesures prises par la CFTC « qui visaient à plafonner le volume des positions qu’un intervenant peut prendre sur le marché à terme des matières premières, afin qu’il ne puisse pas, à lui seul, le déséquilibrer ».
Le « banditisme bancaire » à l’assaut des matières premières agricoles
Jean Ziegler, ex-rapporteur des Nations Unies sur le droit à l’alimentation, exprime les choses sans détour : « La crise financière de 2007-2008 provoquée par le banditisme bancaire a eu notamment deux conséquences. La première : les fonds spéculatifs (hedge funds) et les grandes banques ont migré après 2008, délaissant certains segments des marchés financiers pour s’orienter vers les marchés des matières premières, notamment celui des matières premières agricoles. Si l’on regarde les trois aliments de base (le maïs, le riz et le blé), qui couvrent 75 % de la consommation mondiale, leurs prix ont explosé. En 18 mois, le prix du maïs a augmenté de 93 %, la tonne de riz est passée de 105 à 1010 dollars et la tonne de blé meunier a doublé depuis septembre 2010, passant à 271 euros. Cette explosion des prix dégage des profits astronomiques pour les spéculateurs, mais tue dans les bidonvilles des centaines de milliers de femmes, d’hommes et d’enfants. Une deuxième conséquence est la ruée des hedge funds et autres spéculateurs sur les terres arables de l’hémisphère sud. Selon la Banque mondiale, en 2011, 41 millions d’hectares de terres arables ont été accaparés par des fonds d’investissements et des multinationales uniquement en Afrique. Avec pour résultat, l’expulsion des petits paysans. » [10]
En février 2013, dans un rapport intitulé « Ces banques françaises qui spéculent sur la faim », l’ONG Oxfam France indique que les quatre principales banques françaises – BNP Paribas, Société générale, Crédit agricole et Natixis (BPCE) – géraient, pour leurs clients, en novembre 2012, au moins 18 fonds qui spéculent sur les matières premières. « Il y a deux façons de spéculer, explique Clara Jamart, responsable de la sécurité alimentaire chez Oxfam France. En prenant des positions sur les marchés de produits dérivés de matières agricoles. Ou par ces fonds indiciels, qui suivent les prix des matières premières agricoles et les poussent à la hausse. » [11] La majorité de ces fonds ont été créés une fois qu’avait commencé en 2008 la crise alimentaire, dans le but manifeste de faire des profits en spéculant sur les aliments et d’autres commodities.
Spéculer sur la vie des gens est un crime
À Bruxelles, le Réseau financement alternatif a également dénoncé en 2013 l’implication de six banques actives en Belgique dans la spéculation sur la faim dans le monde. Environ 950 millions d’euros provenant de clients de banques belgesservent à spéculer sur les matières premières alimentaires. Pour mettre fin à cet ordre des choses et mettre en place une alternative à la crise alimentaire, il est nécessaire d’interdire la spéculation sur l’alimentation – spéculer sur la vie des gens est un crime ! – et interdire aux banques et autres sociétés financières privées d’intervenir sur le marché des commodities (voir l’ensemble des propositions développées sur le site du CADTM).
Face aux crises alimentaires et environnementales actuelles, des changements radicaux sont indispensables et urgents. La sécurité alimentaire de tous passe par des prix agricoles stables qui couvrent les coûts de production et assurent une rémunération décente pour les producteurs. Le modèle des prix agricoles bas, promus par les gouvernements pour augmenter la consommation de masse de produits manufacturés et des services (tourisme, divertissement, télécommunications, etc.), n’est pas durable, ni sur le plan social ni sur le plan environnemental. Ce modèle bénéficie essentiellement aux grandes entreprises de l’agro-business, aux banques privées et, en détournant les attentes démocratiques des populations vers la consommation de masse, aux élites politiques et économiques des pays qui confisquent ainsi le pouvoir.
Eric Toussaint
http://www.voxnr.com/cc/di_varia/EFAulZuVyFVHqxAphO.shtml
Source : http://www.bastamag.net/Comment-les-banques-speculent-sur via http://www.michelcollon.info/Prix-des-aliments-et-des-matieres.html
[1] Les commodities regroupent le marché des matières premières (produits agricoles, minerais, métaux et métaux précieux, pétrole, gaz…). Les commodities, comme les autres actifs, font l’objet de négociations permettant la détermination de leurs prix ainsi que leurs échanges sur des marchés au comptant, mais aussi sur des marchés dérivés.
[2] Glencore-Xsrata est une compagnie de négoce et courtage de matières premières fondée par le trader Marc Rich. Elle est basée en Suisse, à Baar, dans le canton de Zoug, paradis fiscal bien connu par les fraudeurs de haut vol. Marc Rich (décédé en 2013) a été poursuivi à plusieurs reprises pour corruption et évasion fiscale. Il a été amnistié par le président Bill Clinton le dernier jour de son mandat présidentiel, ce qui a provoqué un scandale considérable. Glencore-Xsrata possède en tout ou en partie 150 mines et sites métallurgiques. Selon les données disponibles, avant la fusion avec Xsrata qui a eu lieu en 2013, Glencore contrôlait environ 60 % du zinc mondial, 50 % du cuivre, 30 % de l’aluminium, 25 % du charbon, 10 % des céréales et 3 % du pétrole. Cette société très controversée a reçu en 2008 le prix du Public Eye Awards de la multinationale la plus irresponsable. Glencore-Xsrata est présente dans 50 pays et emploie 190 000 personnes. Le patron et principal propriétaire de Glencore-Xsrata (il détient 16 % des actions), Ivan Galsenberg, aurait perçu une rémunération d’environ 60 millions de dollars en 2013. Crédit Suisse et Glencore-Xsrata collaborent étroitement sur le marché chinois. Les autres grandes sociétés spécialisées dans le courtage (trading) de commodities (en dehors des banques qui y sont très actives) sont Vitol (Pays-Bas), Cargill (Etats-Unis), Trafigura (Pays-Bas), Noble Group (Hong-Kong/Singapour), Wilmar (Singapour), Louis Dreyfus commodities (France), Mitsui (Japon), Mitsubishi (Japon), ADM (États-Unis). Le revenu cumulé de Glencore et de ces 9 sociétés s’est élevé à la somme colossale de 1200 milliards de dollars en 2012. Voir Financial Times, « Tougher times for the trading titans », 15 avril 2013.
[3] Morgan Stanley et Goldman Sachs ont obtenu leur licence de banque universelle en pleine crise afin de bénéficier d’un plus fort soutien de l’État et éviter le sort de la banque d’affaire Lehman Brothers.
[4] Financial Times, « JPMorgan nears commodities sale », 6 février 2014. Barclays de son côté a payé une amende de 470 millions de dollars dans la même affaire.
[5] JP Morgan a annoncé début 2014 son intention de vendre ses activités physiques decommodities, Deutsche Bank a fait de même. Morgan Stanley a passé un accord avec le pétrolier russe Rosneft pour lui céder une partie de son business.
[6] Bien sûr, parmi les puissants protagonistes du marché des matières premières et des produits alimentaires, il faut ajouter les grandes entreprises spécialisées dans l’extraction, la production et la commercialisation des commodities : dans les minerais, Rio Tinto, BHP Billiton, Companhia Vale do Rio Doce ; dans le pétrole, ExxonMobil, BP, Shell, Chevron, Total ; dans les aliments, en plus de Cargill déjà mentionné au niveau de courtage, Nestlé, Monsanto et bien d’autres, dont plusieurs sociétés chinoises.
[7] Sur les causes de la crise alimentaires de 2007-2008, lire Éric Toussaint, « Une fois encore sur les causes de la crise alimentaire », publié le 9 octobre 2008, sur le site du CADTM. Voir également : Damien Millet et Éric Toussaint, « Pourquoi une faim galopante au XXIe siècle et comment l’éradiquer ? », publié le 24 avril 2009, ici.
[8] « Assets allocated to Commodity index trading strategies have risen from $13 billion at the end of 2003 to $260 billion as of March 2008 »
[9] Voir Testimony of Michael Greenberger, Law School Professor, University of Maryland, before the US Senate Committee regarding « Energy Market Manipulation and Federal Enforcement Regimes », 3 juin 2008, p. 22.
[10] Jean Ziegler, « La faim est faite de main d’homme et peut être éliminée par les hommes », interview donnée à Éric Toussaint, publiée le 11 février 2012 sur le site du CADTM. Jean Ziegler est l’auteur de Destruction massive, géopolitique de la faim, Éditions du Seuil, Paris, 2012.
[11] Voir Le Monde, « Quatre banques françaises accusées de "spéculer sur la faim" », 11 février 2013. Sur la campagne internationale d’Oxfam, voir Financial Times, « Food price peculation taken off the menu », 4 mars 2013. Voir également sur le site d’Oxfam : EU deal on curbing food speculation comes none too soon, 15 janvier 2014.
[12] Il est auteur du livre Procès d’un homme exemplaire, Éditions Al Dante, Marseille, 2013 ; Un coup d’œil dans le rétroviseur. L’idéologie néolibérale des origines jusqu’à aujourd’hui, Le Cerisier, Mons, 2010. Il est coauteur avec Damien Millet du livre AAA, Audit, Annulation, Autre politique, Le Seuil, Paris, 2012 ; La dette ou la vie, Aden/CADTM, Bruxelles, 2011. Ce dernier livre a reçu le Prix du livre politique octroyé par la Foire du livre politique de Liège. Prochain livre à paraître en avril 2014 : Bancocratie chez ADEN, Bruxelles. -
Pour l’Espagne en déliquescence, le salut par les juifs ?
La crise économique espagnole semble sans fin à ceux qui la subissent. Le chômage continue à culminer à 27 %, le double chez les jeunes ; la croissance a encore été négative, à près de - 2 % l'an dernier. La promesse de retour à une croissance, encore plus faible pour ne pas dire fictive que la française, semble encore optimiste, surtout après des annonces similaires tous les semestres ou presque depuis 2008. Le léger regain de compétitivité de l'Espagne au sein de la Zone Euro, à l'évidence radicalement inadaptée à son économie, à été obtenu par une nette baisse des salaires réels - avec toutes les conséquences sociales négatives - ; les usines espagnols pourront ainsi espérer concurrencer plus efficacement les françaises. Le secteur immobilier ne paraît encore pas près de se remettre de l'éclatement de la bulle spéculative il y a sept ans ; l'effondrement des revenus des Espagnols, doublé de la trop grande prudence des banques dans l'octroi de prêts - après une phase d'irresponsabilité totale - ne pousse pas à la reprise de ce secteur essentiel, et la stagnation générale de l'Europe conduit à une absence de relais par des investisseur du reste de l'Union Européenne. L'Espagne subit depuis 2008 tous les inconvénients de sa présence dans l'UE et en a perdu les avantages. Les déficits des comptes publics continuent de s'accumuler année après année, donc la dette publique augmente régulièrement ; une nouvelle crise de la dette espagnole est donc loin d'être exclue, d'autant plus que le système bancaire demeure-lit fragile.
UNE RÉCESSION DURABLE, UNE CRISE DE LA NATION ET DES INSTITUTIONS
Le territoire espagnol reste menacé d’éclatement, en particulier au Pays Basque et en Catalogne. Les deux régions sont gouvernées par des partis indépendantistes. Basés sur des fondements ethniques, il y a plus d’un siècle, ces nationalistes sécessionnistes ont complètement apostasié cette dimension essentielle depuis les années 1970 au plus tard ; ils publient régulièrement des documents de propagande avec des individus de couleur en costumes folkloriques basques ou catalans, et vont jusqu'à glorifier le fait que les horaires des prières dans certaines des nombreuses nouvelles mosquées de Barcelone sont indiqués de manière bilingue arabe-catalan et non arabe-castillan... Folie manifeste du nationalisme de gauche. Indépendants, la Catalogne ou le Pays Basque resteraient hélas furieusement immigrationnistes, péril mortel pour des identités déjà menacées. Les autorités de Barcelone ont annoncé récemment à plusieurs reprises qu'elles proclameraient l'indépendance en septembre 2014, à l'occasion des trois cents ans de la prise de la ville par les troupes de Philippe V, premier roi Bourbon d'Espagne, défaite dramatique majeure pour les partisans de la rupture avec Madrid ; cette défaite historique est considérée comme la base de la Nation sécessionniste, un peu l'équivalent du Champ des Merles (Kosovo-Polje) pour les Serbes ou d'Alésia pour nous. Si elle n'est pas absolument certaine, cette déclaration forte de rupture à Barcelone cet automne relève du possible, doublée par un référendum d'approbation, à la portée des indépendantistes. Le Premier ministre espagnol, M. Rajoy, a annoncé que ce serait inconstitutionnel, et qu'il refuserait un tel scénario. Il traite pourtant l'affaire bien à la légère. De toute façon, il est évident que le gouvernement n'enverra pas les chars, et que la Catalogne de facto indépendante le deviendrait de jure. Il reste comme seul frein à la marche à l'indépendance, dans un conteste de crise profonde aussi bien à Madrid qu'à Barcelone, le chantage aux aides européennes, conventions juridiques et commerciales, qui pourraient être coupées en cas de rupture avec Madrid ; il fait réfléchir bien davantage les dirigeants indépendantistes que les discours sans souffle ni effets de Rajoy.
La monarchie est usée par une série de scandales [longuement évoqués dans Ecrits de Paris de février 2014], certains graves, touchant de nombreuses personnalités, particulièrement un gendre et la fille du souverain, pour des montages financiers importants fort audacieux, y compris pour des fondations philanthropiques. Le vieux roi Jean-Charles - qui est depuis 1975, l'infâme liquidateur du franquisme - est devenu franchement impopulaire et contesté. Depuis plus d'un an, il se développe en Espagne une campagne médiatique pour son abdication, au profit de son fils Philippe, pour l'instant seul épargné par les scandales. Toutefois, sa femme, Letizia, impatiente d'occuper le premier plan, n'est pas appréciée des Espagnols, du fait de son caractère ou de ses convictions profondes incompatibles pour les conservateurs avec la fonction de reine d'Espagne, car elle reste in petto agnostique et républicaine, suivant en cela son héritage familial, ce qui ferait pour le moins désordre.
Le Parti Populaire au pouvoir subit, quant à lui, une violente contestation dans la rue, pour son projet de loi de restriction de l’avortement. Les opposants à ce projet défilent dans la rue, plus nombreux que les partisans de la vie innocente. Toutefois ces derniers manifestent en nombre bien plus considérable qu'en France, par centaines de milliers, avec le soutien le plus officiel de l’épiscopat espagnol conciliaire - chose impensable à Paris -. Il s'agirait de supprimer le droit d'avorter en posant une interdiction de principe, assortie cependant d'une tolérance assez large de facto, bien que formellement encadrée ; dans un de ses récents éditoriaux Jérôme Bourbon avait déjà rappelé que la clause de « violence psychologique » revient à une tolérance massive dans les faits ; de même les certificats de deux médecins militants, se présentant comme "neutres" - chose au fond facile -, ne seront pas difficiles à trouver. Les féministes ont causé une grande agitation en Espagne et en Europe pour une simple querelle sémantique, même s'il n'est pas totalement indifférent en soi de rappeler que tuer des enfants avant leur naissance ne saurait constituer un droit positif. Les défections de moins en moins discrètes au sein du groupe parlementaire du Parti Populaire commencent à se produire, sous la pression de la rue et des agences mondialistes. Il n'est pas certain que cette loi symbolique aille jusqu'au bout du processus législatif, ou du moins sans amputations majeures, ce qui achèverait de la vider de son contenu déjà très limité. En outre, le PP a été atteint par de nombreux scandales, de corruption principalement, à tous les niveaux, ce qui fragilise, même si c'est sans lien direct avec le sujet, sa position politique, tout comme son bilan économique désastreux. Enfin, les socialistes du PSOE ont solennellement juré de revenir complètement sur ce texte restreignant, au moins sur le papier, le droit d'avorter, au besoin en aggravant la loi précédente du juif Zapatero - l'une des plus libérales au monde déjà sur l'avortement -, lorsqu'ils reviendront au pouvoir, chose très probable aux prochaines élections générales, et, sur ce sujet précis, il y a tout lieu de croire hélas qu'ils tiendront scrupuleusement parole.
Que fallait-il espérer du Parti Populaire, qualifié souvent par abus de langage ou anglicisme de "conservateur" ? Rien. On constate en Europe qu'il n'y a absolument aucune chose réellement positive à attendre des libéraux, qui, rappelons-le, constituaient la gauche d'avant 1830 et qui sont aujourd'hui la fausse droite. En France, l'UMP a laissé faire en douce ce que clament haut et fort les socialistes, comme les programmes pourris de l'éducation nationale sur la théorie du genre, antérieurs à 2012. En Allemagne, Mme Merkel gouverne avec les socialistes sur un programme antinational, avec l'introduction massive de la double nationalité en particulier et le catastrophique abandon du droit du sang, etc. Au-delà de son échec de gestion, de ses lamentables hésitations sur le combat nécessaire en faveur de l'accueil et de la défense de la vie, de cafouillages systématiques, le Parti Populaire développe une vision fantasmatique de l'Espagne, fondée sur la nostalgie absurde de l'Al-Andalous des Trois Religions, inventée par les historiens libéraux au XIXe siècle. Ce mythe historique est absurde, très loin de la réalité d'une société sous sévère domination mahométane, avec une tolérance précaire des chrétiens et des juifs ; ce mythe a servi d'argument fallacieux contre les conservateurs authentiques attachés au caractère fondamentalement catholique de l'Espagne. À quoi s'ajoute la forte et détestable influence dans le cadre des pays de l'OTAN de la culture du Parti Républicain américain, ultrasioniste depuis les années 1970.
Ainsi, le Parti Populaire (PP) veut faire revenir des millions de juifs, en attendant peut-être autant de musulmans, sinon beaucoup plus, en Espagne. Le tout avec le soutien enthousiaste de l'opposition de gauche, qui tend plutôt à surenchérir sur le sujet.
VERS UN RAPPEL DES JUIFS EN ESPAGNE ?
L'idée d'une loi pour donner massivement la nationalité espagnole aux juifs sépharades date du printemps 2013. Elle est actuellement à l'étude au Parlement, après de larges consultations des rabbins des communautés sépharades en Espagne et à l'étranger. Les sépharades, descendants des juifs expulsés d'Espagne en 1492, pourront bientôt, s'ils le souhaitent, acquérir la nationalité espagnole. "Séphar" signifie "Espagne" en hébreu médiéval. On estime entre 40 000 et 45 000 le nombre de Juifs vivant aujourd'hui en Espagne, revenus aux XIXe et XXe siècles.
En 1924, le gouvernement autoritaire du général Miguel Primo de Rivera promulgua un Décret juridique qui permit d'octroyer la nationalité à des sépharades désireux de quitter des contrées affectées par la guerre. Beaucoup de sépharades de Turquie bénéficièrent de cette loi peu après. De même, le régime franquiste a-t-il très généreusement accordé la nationalité espagnole aux sépharades apatrides des Balkans, précisément aux moments les plus pénibles pour ces communautés en 1942-1944. Il faut se garder de simplifications abusives, des légendes absurdes recopiées ad nauseam sur internet, comme la thèse d'un Franco antisémite complice de Hitler : rien de plus absurde pour un Caudillo, philosémite convaincu, à la suite des libéraux-conservateurs espagnols du XIXe siècle, ou de ses contemporains les papes Pie XI ou Pie XII. Cette loi de 1924 fut réactivée au début des années 1990, durant la guerre civile en ex-Yougoslavie (1991-1995), pour permettre à des familles sépharades natives de cette région de s'échapper en Espagne. En novembre 1992, quelques mois après la commémoration du 500ème anniversaire de l'expulsion des Juifs d'Espagne, les Cortès promulguèrent une loi historique qui considérait, pour la première fois dans l'Histoire de l'Espagne, le judaïsme comme bénéficiant de la stricte égalité avec le catholicisme, la religion officielle de l'Espagne suivant l'héritage franquiste. Cette loi historique fut le fruit de longues années de négociations entre le gouvernement espagnol et la Fédération des Communautés juives d'Espagne - à peu près l'équivalent du CRIF là-bas, et tout aussi central dans la vie politique -, présidée alors par un grand leader communautaire juif, feu Samuel Toledano. Actuellement un sépharade obtient la nationalité espagnole après deux ans seulement de résidence, suivant une procédure accélérée aujourd'hui courante.
Ce projet de loi de Mariano Rajoy, déjà envisagé de manière analogue par son prédécesseur Zapatero, Premier ministre socialiste, s'inscrit donc dans une continuité historique, comprenant aussi des gestes personnels du roi Jean-Charles, très impliqué sur ces sujets. Au printemps 1992, Jean-Charles fit la première visite royale à la grande synagogue de Madrid, avec à la clé une demande de pardon, sur le modèle de feu Jean Paul II, puis la famille royale et ses armes reçurent la bénédiction judaïque par les rabbins de la synagogue. Ce dernier fait choqua alors beaucoup de rabbins sépharades à l'étranger, adepte des malédictions traditionnelles proférées depuis le XVe siècle contre la Péninsule Ibérique, ses habitants et ses chefs. Depuis, le philosémitisme constant déployé ardemment par toutes les autorités espagnoles a été tel que la majorité des sépharades le reconnaît désormais comme une dimension essentielle de l'Espagne d'aujourd'hui, en réservant les malédictions rabbiniques aux responsables des expulsions au XVe siècle, excluant donc leurs descendants.
Il existe encore un élément essentiel à préciser, la définition du juif sépharade, moins évidente qu'il n'y paraît. En effet, la très grande majorité des rabbins tient pour une judaïsé stricte, combinant ascendance, pratiques religieuses et culturelles authentiques. Le gouvernement et le parlement espagnols sont favorables à une définition plus large, comprenant toutes les populations d'origine juive séfarade, y compris celles devenues formellement chrétiennes, au Sud ou à l'Est de la Méditerranée musulmane, qu'une pratique crypto-juive ait été conservée ou non.
Les rabbins orthodoxes imposent ainsi une reconversion au judaïsme pour les Marranes ou Anoussim, formellement convertis à un moment au catholicisme, ou aux Sabbatéens ou Dônmeh, ayant adopté extérieurement l'Islam à la suite de leur messie Sabbataï Tsevi - forcé de se convertir par le sultan ottoman, sous peine de mort, en 1666 -. Mustafa Kemal Ataturk est très fortement soupçonné d'avoir été un Dônmeh d'origine. Il est très difficile d'envisager le nombre des uns et des autres, les estimations varient de moins de 100 000 au double. Beaucoup ont pu se dissoudre parmi les populations environnantes, le crypto-judaïsme demeurant bien moins structuré sur le temps long que le judaïsme, avec un taux de mariages mixtes parfois significatif pour certaines communautés.
Parmi les marranes, signalons les cas particulier des marranes catalans, surtout implantés dans les Baléares - archipel de langue catalane -, appelés traditionnellement chuetas. Ces chuetas sont encore juifs par le sang, car ils se marient en principe entre eux exclusivement depuis le XVe siècle, du moins pour ceux demeurés à Majorque; ils ont conscience de leur ascendance, mais il n'y a plus de transmission culturelle des principes juifs. Il existe une douzaine de noms typiques de chuetas, attestant donc d'une origine juive lointaine : parmi ces patronymes, relevons par exemple WALLS, ou sa variante courante VALLS.
Le monde compte plus de 2 200 000 sépharades, selon la définition restrictive du grand rabbinat de l'Entité Sioniste, qui en abriterait le plus grand nombre, soit 13 million. Puis viennent la France avec 0,4 million, les États-Unis 0,3 million. Bien moins nombreuses sont les autres communautés, dont les 50 000 séfarades d'Argentine, les 30 000 de Turquie, les 6 000 du Maroc, à quoi s'ajoutent de petits groupes dispersés dans tout le bassin méditerranéen et en e-Bretagne.
En cas de définition législative large des sépharades, les effectifs considérés pourraient doubler, en comptant les demi-juifs et les quarts-juifs, désormais nombreux en Occident. Toutefois, à l'exception peut-être des sépharades argentins, ou sûrement de ceux du monde arabe, l'attractivité de l'Espagne devrait être relativement faible pour eux. D'où cette tentation de définition très large pour les législateurs du PP, qu'on ne voit pas rejeter les juifs non sépharades, ce qui constituerait une intolérable discrimination. Les autorités espagnoles craignent visiblement de ne pas recevoir une immigration juive massive. Elles pourraient paradoxalement recevoir surtout des ashkénazes, à la judaïté douteuse — avec très peu de pratiques ou de sang juif -, venus d'Ukraine, du fait des événements récents, en concurrence avec l'Entité Sioniste. En cas de coup très dur, a priori improbable, les habitants de l'Entité Sioniste pourraient aussi certainement se réfugier en Espagne désormais.
APRÈS LES JUIFS, LES MUSULMANS ?
Pour les libéraux espagnols, l'âge obscurantiste de l'Espagne aurait autant scandaleusement persécuté les morisques que les marranes. Ce fait aurait ruiné l'Espagne. Curieusement, c'est à cette époque que l'Espagne connaît pourtant son Siècle d'Or, et s'impose comme première puissance mondiale, des années 1540 aux années 1640, combinant nationalisme impérialiste et catholicité ardente.
Les morisques étaient les descendants de la population musulmane qui s'est convertie formellement au catholicisme, sous la menace de l'exil des Rois Catholiques, Ferdinand et Isabelle, libérateurs de la totalité de l'Espagne, en 1502. De 1609 à 1614, le gouvernement espagnol a expulsé les 350 000 morisques vers l'Afrique du Nord, constatant l'absence de conversion réelle au christianisme et la pratique massive de l'Islam. Aujourd'hui, il y a environ 5 millions de descendants des morisques dans le seul Maroc, et des millions d'autres vivant en Algérie, Égypte, Libye, Mauritanie, Tunisie et Turquie, évidemment mêlés aux populations locales.
Dans un manifeste publié 3 décembre 2013 par le journal Correo Diplomático - Courrier Diplomatique -, l'intellectuel marocain Ahmed Bensalh es-Salhi soutient que la décision « d'accorder la nationalité espagnole aux descendants des juifs expulsés d'Espagne aux XVe et XVIe siècles, tout en ignorant les morisques, [relèverait] certainement de la ségrégation et de la discrimination flagrante ». Selon lui, « cette décision pourrait également être considérée par la communauté internationale comme un acte historique d'immoralité et d'injustice absolue [...], honteux et déshonorant ». Ce qui est intéressant, c'est de relever la parfaite maîtrise de la langue de gauche, condamnant toute "ségrégation" ou "discrimination", invoquant une obscure « communauté internationale », si chère aussi à Fabius, Kouchner, ou à BHL, mais ce ne doit pas être exactement la même. Des universitaires algériens, quand ils n'insultent pas la France en général et son œuvre civilisatrice en particulier, attaquent aussi à l'occasion l'Espagne, en réclamant repentirs publics, réparations financières, et évidemment immigration totalement libre, pour les Nord-Africains dans la Péninsule voisine.
Or, il y a lieu de craindre que ces plaintes ne soient entendues. Moins de "réparations" morales que pour les juifs, aucun versement financier, mais une généreuse distribution de la nationalité espagnole et l'autorisation d'immigration en Espagne pour des descendants de morisques, ou réputés tels, voilà qui paraît hélas crédible, surtout le jour, sans doute proche, où les socialistes reviendront au pouvoir par alternance mécanique.
La distribution large de passeports espagnols, pour les sépharades, marranes, ou pour les morisques, nettement plus nombreux encore, donnerait un droit illimité de circulation et d'installation, au-delà de l'Espagne, dans toute l'Union Européenne. L'installation en Allemagne, ou en France, réputée pour ses aides sociales généreuses, risquerait d'être préférée par ces populations. Décidément, l'Union Européenne ne fonctionne que pour le pire.
Scipion de SALM. Rivarol du 27 février 2014 -
TVL : Journal du 14 mars
-
TVL : Journal du 13 mars
-
Informatique et surtout Crimée
Si je n’ai pas posté les deux dernières semaines de l’Illustration de 1914, c’est la faute à Bill Gates et à Steve Jobs. Windows 8 m’a causé quelques soucis et, ceux-ci résolus, j’ai eu la prétention de me passer de câble pour transférer les photos de mon iphone sur l’ordinateur via bluetooth…. Il s’avère finalement que c’est impossible, cette fonctionnalité étant verrouillée sur l’iphone. Bref, je reprends mon câble et je recommencerai le w-e prochain.
Sinon, cette affaire ukrainienne entraîne une débauche de bêtise au plus haut niveau de la diplomatie mondiale. A tout seigneur (du "monde libre"), tout honneur : Obama. Il a déclaré "Russia is on the wrong side of history". Quelle prétention !!! Savoir qu’il y a un bon et un mauvais côté de l’Histoire ! Et savoir lequel est le bon ! Les seuls côtés que je connaisse en histoire sont celui du vaincu et du vainqueur, ce dernier ayant souvent seul le privilège de laisser sa version des faits à la postérité. Je serai charitable, je ne m’attarderai pas sur le "right side of history" qui a toujours caractérisé les États-Unis, de l’extermination des Indiens à la seconde guerre d’Irak. Mon petit doigt me glisse qu’en cas de victoire des armées nazies dans les années 40, les USA se seraient vus comme du mauvais côté de l’histoire avec les mêmes actions que celles qu’ils ont eues…
Mais la France socialiste ne pouvait pas rester à la traîne. Et c’est celui qui est, parait-il, le ministre le plus populaire du gouvernement qui s’y colle, Lolo l’antiquaire :
"Un rattachement direct à la Russie voudrait dire changer de système et que l’intégrité territoriale ne serait plus respectée."
"Si vous admettez le principe qu’une région, dans n’importe quel pays, en contradiction avec les règles constitutionnelles de ce pays, peut se rattacher à un autre pays, cela veut dire qu’il n’y a plus de paix internationale ni de frontières assurées."Euh, mon Lolo, ce que tu décris là avec horreur, ça s’appelle le droit des peuples à disposer d’eux-même, il me semble que c’est une des fiertés (légitimes) de la Révolution française d’avoir popularisé le concept. Là en l’occurrence c’est l’assemblée de Crimée, élue légitimement ,qui va demander un référendum (le mot figure dans le dictionnaire, c’est un truc que tu connais pas trop, car il est question de faire appel au peuple pour lui demander son avis puis en tenir compte, tant que tu y es, regarde aussi le mot peuple ça te fera pas de mal). Quel scandale ! En plus, un référendum, mais c’est sanglant ça, ne vaudrait-il pas mieux plutôt une bonne guerre puis un bon traité d’annexion signé dans les règles de la diplomatie internationale depuis des siècles ? En plus, en tant que socialiste, tu aimes tellement ça, toi, les frontières ? Moi je suis de droite et ça ne me dérange pas que les frontières bougent si ça correspond au désir des gens. Si 51% des Alsaciens veulent se rattacher à l’Allemagne, qu’ils le fassent ! Pareil pour les Wallons avec la France. Si les Corses ou les Bretons veulent leur indépendance, qu’ils l’aient ! Qui suis-je pour dire aux gens comment ils doivent vivre ou avec qui ils doivent vivre, cohabiter ? C’est le même raisonnement pour l’immigration, nos élites nous disent avec qui on doit vivre et nous expliquent que c’est une chance pour nous. Pourquoi ne choisirait-on pas ses voisins ?
En recherchant les propos de Fabius, je suis tombé sur ceux proférés aujourd’hui par John Kerry, son homologue américain « La Crimée est une partie de l’Ukraine, la Crimée est l’Ukraine »… Devant tant de mauvaise foi, il n’y a plus qu’à construire une fusée et à s’en aller sur une autre planète.
De mauvaise foi, la Russie en fait également preuve, mais c’est beaucoup moins gros. On ne voit pas Lavrov ou Poutine dénoncer, par exemple, le bain de sang qui menacerait les Russes de Crimée, ils laissent les médias s’en charger pour eux. Car la position russe est également critiquable. Aucune menace réelle ne pèse sur leurs concitoyens et Ianoukovitch, tout légitime qu’il soit (marrant,ça, que l’UE dénonce le parlement de Crimée et pas le gouvernement ukrainien clairement non issu d’une élection), est un bon gros pourri qui a dévalisé son pays pour lui et son clan, et qui mériterait un bon gros procès avec un verdict où on verserait dans sa bouche la quantité d’or fondu correspondant aux sommes détournées pendant son mandat.
-
Qui paye Femen pour partir au Texas déchirer la Bible ?
Inna Schevchenko, chef de file du groupuscule sectaire Femen, s’est livrée à une nouvelle surenchère dans la démonstration de son antichristianisme pathologique. Elle s’est rendue au Texas pour y déchirer une Bible en signe de protestation contre la politique pro-vie de cet Etat américain. La scène s’est passée devant le Capitole et la vidéo circule sur le net. Comme à l’habitude, la virago hystérique était dépoitraillée, le corps recouvert d’inscriptions blasphématoires.
La question qui vient immédiatement à l’esprit, c’est de se demander qui paye Inna Schevchenko pour se consacrer au quotidien à de telles ignominies et être en mesure de passer d’un pays à l’autre pour réaliser ses basses oeuvres. Car un aller-retour Paris-Texas pour quelques minutes médiatisées, ce n’est pas à la portée de n’importe quel blasphémateur…
http://medias-presse.info/qui-paye-femen-pour-partir-au-texas-dechirer-la-bible/7413
-
Ukraine : le monde à l'envers
C'est le titre de l'éditorial qu'Eric Denécé, directeur du centre français de recherche sur le renseignement (CF2R), consacre à ce sujet. Pour mémoire, on rappellera que ce centre a publié sur la Libye et la Syrie deux rapports de très haute qualité, dont l'évolution des situations dans les pays respectifs n'a fait que confirmer la pertinence (on les trouve ici). Extrait de l'éditorial, sur les errements de la diplomatie française.
"Après ses errements en Libye (2011) et en Syrie (2013), voilà de nouveau notre diplomatie en train de se fourvoyer en Ukraine. A défaut d'une vision ou d'une stratégie, la diplomatie française s'agite à chaque crise, tentant d'occuper le premier plan, confondant visiblement communication et réflexion.
Début mars, le président Hollande a salué « la transition démocratique qui s'engage » à Kiev, ignorant probablement que le pouvoir qui était en place auparavant était issu des urnes et avait été renversé par la violence. Puis, il a fermement rappelé, le 6 mars, « son attachement à l'intégrité territoriale du pays ». Sans doute ses conseillers ont-ils omis de lui rappeler le précédent du Kosovo et, surtout, celui de Mayotte. Rappelons également les déclarations pathétiques, inappropriées et stupides du représentant français à l'ONU comparant la situation actuelle en Crimée à l'entrée des chars soviétiques à Prague, en 1968.
Notre politique étrangère semble être fondée sur une perception puérile et partiale des « bons » et des » méchants », si ce n'est sur une appréciation totalement erronée des situations. Or, l'émotion et l'indignation - surtout lorsqu'elles sont infondées - ne sauraient remplacer l'analyse objective des situations au regard du droit, de la géopolitique et de nos intérêts. Seul Hubert Védrine, l'ex ministre des Affaires étrangères, a fait des propositions sensées.
Plus grave, tout se passe comme si nous faisions exactement ce que souhaitent les Américains, sans même qu'ils nous le demandent, comme si la diplomatie française s'était convertie à une vision néoconservatrice du monde. Or cette attitude du serviteur zélé ne nous procure aucune considération - à l'image du revirement américain sur la Syrie dont nous n'avons pas été prévenu - ni bénéfice - comme en témoigne l'absence de retombées économiques de notre intervention en Libye -, nous laissant dans la position peu enviable du dindon de la farce."