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international - Page 1289

  • Lessive géopolitique… A qui profite la situation coréenne ?…

    Pertinente analyse des experts russes, qui mène à l’éternelle question à 10 Euros: A qui tout cela profite t’il ? Il est clair que la Corée du Nord ne fait rien sans l’aval de la Chine, donc, gigoter de la sorte donne un prétexte au pays du goulag levant de renforcer son dispositif militaire en Asie pour isoler la Chine plus avant. Ceci immanquablement va étirer l’armée de l’empire et la rendre bien plus inefficace sur les théâtres de conflit au Moyen-Orient et en Afrique. D’un autre côté on peut toujours se demander à quel jeu joue vraiment la Chine ? Son rapprochement récent avec la Russie est-il un leurre ? Vu les énormes intérêts économiques en jeu et l’intérêt que porte l’oligarchie à la Chine depuis plus de 40 ans, tout ceci n’est-il pas qu’un leurre ? La Chine jouera t’elle à terme dans le camp de l’empire ? Cette nouvelle monté de mayonnaise façon américano-sino-coréenne est encore un air de pipeau pour faire monter le sentiment d’insécurité de plusieurs crans… Dans quel but ?

    A suivre de près…

    – Résistance 71 –

    La Russie redoute une situation hors de contrôle en Corée du Nord (Lavrov)

    Al Manar, Le 29 Mars 2013

    url de l’article original : http://www.almanar.com.lb/french/adetails.php?eid=104220&cid=19&fromval=1&frid=19&seccatid=33&s1=1

    La Russie a mis en garde vendredi contre des « actions unilatérales » qui risquent de faire « perdre le contrôle de la situation » en Corée du Nord, où le régime prépare ses missiles pour d’éventuelles frappes contre les Etats-Unis.
   
 »Nous pouvons perdre le contrôle de la situation, elle s’engage dans la spirale d’un cercle vicieux », a déclaré le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, au cours d’une conférence de presse.
   
 »Nous sommes préoccupés par le fait que des actions unilatérales, consistant à intensifier les activités militaires, sont entreprises autour de la Corée du Nord parallèlement à la réaction appropriée du Conseil de sécurité de l’ONU et à la réaction collective de la communauté internationale », a-t-il ajouté.

    La Russie appelle tous les pays « à s’abstenir de montrer leur force militaire et à ne pas utiliser la situation actuelle pour atteindre des objectifs géopolitiques dans la région par des moyens militaires », a-t-il encore dit.

    Selon un expert militaire russe interrogé par l’agence de presse Interfax, la Corée du Nord multiplie les « provocations » sans avoir les moyens d’atteindre les Etats-Unis.
   
 »Pour le moment, la Corée de Nord ne dispose pas de lanceur qui pourrait atteindre les Etats-Unis ou leurs bases dans l’océan Pacifique », a déclaré l’expert sous couvert de l’anonymat.
   
 »Les Coréens du Nord sont aussi loin de fabriquer des têtes nucléaires qui pourraient équiper un missile intercontinental balistique », a-t-il ajouté.

    L’expert a estimé que les photos publiées vendredi par les médias nord-coréens semblant témoigner de projets d’attaque des Etats-Unis étaient de « nouveaux épouvantails » agités par Pyongyang.
   
 »Je ne crois pas à la possibilité de telles frappes. Les Nord-Coréens ont eu recours périodiquement à telles menaces, déjà avant Kim Jong-Un », a-t-il souligné.
   
 »Les déclarations de la Corée du Nord, qui relèvent de la provocation, donnent en réalité un très bon prétexte à Washington pour étendre ses capacités de défense anti-missile dans la région Asie-Pacifique », a encore dit l’expert russe.

    http://resistance71.wordpress.com/

  • Afghanistan : l’insurrection qui vient (première partie)

    Le retrait des troupes de l’ISAF [en français, Force internationale d'assistance et de sécurité, FIAS] et ses conséquences telles que le transfert complet des responsabilités en matière de sécurité aux forces afghanes, la situation sécuritaire, politique et sociale du pays, la corruption endémique ainsi qu’une présence sans cesse réaffirmée des Talibans laissent entrevoir un avenir sombre pour l’Afghanistan.

    2014 : l’année de tous les dangers

    Le retrait total des troupes de l’ISAF et plus particulièrement américaines prévu pour 2014 suscite de nombreuses appréhensions, notamment au sein de la population afghane. Contrairement aux souhaits du haut commandement militaire américain en Afghanistan, Barack Obama a privilégié un retrait total (le fameux « zero option ») et rejeté l’idée de maintenir une présence militaire minimale afin de soutenir le gouvernement afghan. Le « zero option » d’Obama a suscité de vives réactions au sein de la classe politique afghane et certains parlementaires comme Naim Lalaï (Kandahar) n’ont pas hésité à déclarer que « Si les Américains retirent leurs troupes sans un plan, la guerre civile des années 1990 se répétera. (…) Cela permettra aux Talibans de l’emporter militairement » [1].

    De nombreux doutes ont été émis sur la capacité des forces afghanes à assumer seules la pacification du pays : ces questions ne concernent pas seulement les compétences opérationnelles de l’armée ou de la police afghane mais aussi le soutien et la légitimité dont elles jouissent au sein d’un pays encore tribal et gangrené par la corruption. Un récent sondage mené par les Nations Unies sur un échantillon de 7000 Afghans a montré que 80% de ceux-ci pensaient que les forces de sécurité afghanes n’étaient pas prêtes à prendre le relais de l’ISAF [2]. Cette enquête du PNUD a montré que seulement 2 Afghans sur 10 pensent que les forces de police locales peuvent assumer leurs fonctions et pour la majorité des sondés la corruption est un problème majeur [3].

    La formation des forces afghanes (3500 000 hommes) s’est accélérée mais un transfert total des responsabilités en matière de sécurité semble être prématuré. Pour de nombreux experts et militaires occidentaux, les forces afghanes ne sont pas encore aptes à assumer leur mission sans un soutien étranger conséquent. Ce sentiment est aussi partagé par différents parlementaires afghans : pour Mirwais Yasini, « Si les forces américaines quittent l’Afghanistan sans entraîner adéquatement les forces de sécurité afghanes, et sans les équiper, ce sera un désastre » [4]. Sentiment partagé par la parlementaire Shukria Barakzaï qui ajoute que pour les Etats-Unis, cela équivaudra à reconnaître leur « défaite » [5]. Conscients que le « zero option » prôné par Obama pourrait s’avérer catastrophique, certains hauts fonctionnaires américains affirment que Washington compterait cependant maintenir une présence militaire de 3000 à 9000 hommes en Afghanistan après 2014 [6].

    Cette éventualité a été confirmée et précisée du début du mois de janvier 2013 par le Général John R. Allen : trois options ont été formulé, chacune ayant une conséquence sur la conduite de la lutte antiterroriste ainsi que l’avenir du pays. La première option consisterait à maintenir 6000 soldats dont la mission serait de mener des opérations spéciales contre les Talibans [7]. Dans le cadre de ce plan l’Armée Nationale Afghane ne recevrait qu’un soutien logistique et une formation limités : cette première option est considérée comme comportant un « haut risque d’échec » [8]. La seconde option propose un déploiement de 10,000 G.I.s et un renforcement de l’entraînement des forces afghanes ; elle est considérée comme comportant un risque moyen d’échec [9]. La dernière option, qui comporterait un risque d’échec faible, prévoit un déploiement de 20,000 soldats américains auquel s’ajouterait un contingent de l’US Army chargé de patrouiller dans des zones précisément délimitées [10]. Comme l’ont rappelé des membres du Ministère de la Défense américain, le succès de leur implication et du conflit ne repose pas uniquement sur des facteurs militaires mais aussi sur la capacité d’un gouvernement corrompu à fournir à la population afghane les services et infrastructures de base dont elle a terriblement besoin [11]. Contrairement aux souhaits du Général John R. Allen, Barack Obama reste pour l’instant déterminé à ne maintenir en Afghanistan qu’un contingent de 3000 à 4000 soldats américains [12]. Pour certains experts comme Nazif Shahrani de l’Université d’Indiana, le nombre de soldats américains qui sera effectivement déployé après 2014 sera proche de l’estimation la plus basse dans la mesure où il sera difficile de faire accepter à l’opinion publique américaine le maintien ou le redéploiement d’une large force armée en Afghanistan [13].

    Hamid Karzaï n’est pas opposé au maintien de forces américaines après 2014 mais des points de discorde existent avec Barack Obama dans la mesure où le président afghan souhaite que les soldats américains soient responsables de leurs actes et ne soient plus couverts par une immunité juridique – ce qui est inacceptable pour les Etats Unis [14]. Les relations afghano-américaines se sont tendues au cours des derniers mois et au cours de sa visite à Washington, en janvier 2013, Hamid Karzaï a réitéré ses demandes en y ajoutant le souhait de voir les forces américaines opérer hors des villes et villages afghans [15]. Ces revendications sont cependant limitées par le fait que Karzaï doit négocier avec Washington la fourniture aux forces afghanes d’armes lourdes, d’engins aériens modernes et d’équipement médical [16]. Dans le même temps le montant de l’aide, des investissements et des dépenses des Etats Unis (120 milliards de Dollars américains en 2011) en Afghanistan pourrait se réduire considérablement à cause du contexte économique américain, du retrait des troupes de l’ISAF et du degré de corruption affectant le pays [17].

    Les Etats-Unis ont décidé de réduire drastiquement leur effectif militaire et civil présent ainsi que l’ensemble de l’aide financière ou les dépenses militaires et civiles affecté à l’Afghanistan: le personnel militaire et civil américain ne devrait plus qu’occuper 5 bases ou infrastructures à la fin de 2014 (contre 90 à la fin 2011) et ces importantes coupes budgétaires pourraient à terme sérieusement affecter leur sécurité [18]. Washington devrait cependant dépenser 150 milliards de Dollars supplémentaires à la fin 2014 [19]. Aucun progrès militaire significatif n’a été réellement enregistré [20] et la stratégie de transition est en fait une stratégie de retraite souvent perçue comme étant floue [21]. Aussi bien le Département d’Etat que USAID n’ont pu, en dépit de leurs efforts, convaincre, démontrer et mesurer concrètement les effets ou les progrès produits par le volet civil du “surge” ainsi que les différents programmes d’aide civile, reconstruction et développement [22].
    Comme le rapportent la Banque Mondiale et des officiels afghans, le gouvernement afghan, “est si dépendant de l’aide extérieure et des dépenses militaires dans le pays que le gouvernement entier et l’effort de guerre pourraient s’effondrer au cours de 2014 et des années qui suivent sans efforts d’aide extérieure effectifs” [23]. Les élections de 2014 sont une échéance cruciale mais peu d’espoirs quant à un changement positif ou un sursaut qualitatif existent: le futur chef de l’Etat afghan “présidera une législature afghane corrompue et divisée dont les pouvoirs sont trop faibles pour être effectifs et une structure politique au sein de laquelle les gouverneurs ainsi que les chefs locaux sont nommés et n’ont pas de réelle légitimité populaire” [24].

    Face à ces contraintes et à l’évolution du contexte politique, Karzaï semble vouloir se montrer indépendant et diversifier ses alliés: le président afghan a ainsi refusé de signer un accord militaire contraignant et de long terme avec les Etats Unis car ce traité était perçu comme une menace sur la souveraineté de l’Afghanistan [25]. Dans cette optique Karzaï souhaite mettre fin à l’immunité couvrant les soldats américains et s’est indigné du fait que des Afghans soient enfermés dans des centres militaires de détention contrôlés par les Etats Unis et ce, sur le territoire afghan [26].

    La Police Nationale Afghane : un pilier fragile

    A l’image d’une grande partie de la classe politique afghane et des administrations d’Etat, la police est affectée par la corruption. Ce phénomène sape sa légitimité et toute confiance de la part de la population. La corruption au sein de la police est le résultat de la conjonction de différents facteurs tels que la pauvreté générale du pays, les bas salaires, un manque de professionnalisme, des problèmes propres à l’organisation et à la structure interne des services de police mais aussi propres au fonctionnement de l’Etat ainsi qu’au népotisme généralisé.
    Alors que l’Armée Nationale Afghane avait éclaté suite à la chute du régime communiste et à la guerre civile des années 1990 – causant ainsi sa disparition en tant qu’organe de l’Etat remplacé par divers groupes armés puis reconstituté quasiment ex-nihilo avec le soutien de l’ISAF – la police afghane n’a jamais disparu [27]. Echappant au contrôle de Kaboul durant de nombreuses années, celle-ci a poursuivi une existence autonome au sein des provinces où certains combattants se sont imposés comme officiers de police et responsables des services de police locaux [28]. Les salaires dans la police restent peu élevés en comparaison des salaires versés par les firmes de sécurité privée et la paie versée aux policiers en service dans les zones dangereuses ou en conflit est peu attractive. Les bakchichs sont vus comme un moyen d’améliorer l’ordinaire (alors qu’ils introduisent de graves brèches dans le dispositif policier et sécuritaire afghan) et certains services comme la police routière ou les garde-frontières sont extrêmement demandés de par leur fort potentiel lucratif.

    Le sentiment de méfiance à l’égard de la police est encore plus fort au sein des populations pachtounes bien que de nombreux membres de cette communauté servent au sein de la Police Nationale Afghane. Représentant 1/4 de la population, les Tadjiks se sont taillés la part du lion au sein des forces de police afghane et sont surreprésentés au sein de l’Académie de Police : en 2003 ils constituaient 90% de l’effectif des étudiants [29]. En juillet 2007, sur 223 sous-officiers promus, 167 étaient Tadjiks et le reste était composé de 37 Pachtounes, 11 Hazaras, 6 Sadats, 1 Ouzbek et 1 Gujar [30]. Sur les 376 officiers promus, 210 étaient Tadjiks, 144 Pachtounes, 15 Hazaras, 3 Ouzbeks, 3 Sadats et 1 Pashaï [31]. Pour des raisons salariales ou sécuritaires de nombreux officiers refusent de servir dans les provinces dangereuses et ce sentiment d’insécurité est particulièrement fort parmi les Tadjiks ou Ouzbeks servant dans le Sud. Dans les provinces méridionales de nombreux chefs de la police ont été recrutés localement et pour certains cela peut poser un problème en terme de loyalisme envers les autorités centrales. Le caractère multiethnique des unités de police ou de l’armée est un moyen de renforcer un sentiment d’unité nationale mais peut aussi poser certains problèmes en termes de fonctionnement : ainsi il peut arriver que des tensions inter-communautaires éclatent entre membres des forces de l’ordre et dégénèrent en fusillades se soldant par des morts. De tels drames peuvent aussi se produire pour des raisons criminelles (trafics, corruption), politiques ou personnelles. A la fin du mois d’octobre 2012, de tels incidents avaient entraîné la mort de trois policiers dans la province de Khost [32] et de trois autres de leurs collègues dans la province de Baghlan [33]. Au cours de la même période, dans la province de Herat, un officier de police avait été assassiné par son épouse à cause de son comportement considéré comme déshonorant (consommation d’alcool et mœurs jugées légères) [34].

    En dépit des efforts fournis, la composition ethnique de la Police Nationale Afghane et le comportement de certains de ses policiers reste une source de mécontentement pour de nombreux Pachtounes. Les véhicules provenant des provinces à majorité pachtoune sont sujets à de fréquents contrôles à l’entrée de Kaboul et ces contrôles sont souvent ressentis de manière discriminatoire. De nombreux Pachtounes se rendant dans la capitale afghane pour affaires, raisons familiales ou médicales se sont fréquemment plaints du racket exercé à leur encontre par des policiers souvent décrits comme Tadjiks ou Ouzbeks [35].

    L’Armée Nationale Afghane : un miroir des relations inter-ethniques

    Les forces armées afghanes qui ont un rôle crucial à jouer dans la pacification du pays sont aussi sujettes aux mêmes problématiques : les Pachtounes, majoritaires au sein de la population afghane, y sont sous-représentés alors que les Tadjiks dominent largement le corps des officiers. En prenant en considération le contexte social, politique et sécuritaire de l’Afghanistan, il n’est pas déraisonnable de penser que « Le changement massif dans la composition ethnique de l’ANA au cours des dernières années (…) [peut] mener à une autre guerre civile, entre les Pachtounes et une coalition anti-pachtoune dirigée par les Tadjiks, similaire à celle qui a suivi la chute du régime soutenu par les Soviétiques en 1992 » [36].

    Pour les Pachtounes ce poids des Tadjiks est perçu comme un déni de leur rôle historique et autrefois dominant alors que les Tadjiks restent méfiants voire hostiles envers les Pachtounes qu’ils considèrent comme des alliés objectifs des Talibans [37]. Depuis sa création en 2002 l’ANA et plus particulièrement son corps d’officiers est dominé par les Tadjiks mais la composition de la troupe reste plus ou moins équilibrée ou représentative. Les recommandations du Général Karl Eikenberry ainsi que les efforts produits dans ce domaine par l’armée américaine ont permis, selon une étude de la RAND Corporation, d’arriver à recruter en 2008 40% de volontaires pachtounes et moins de 30% de volontaires tadjiks [38]. L’année suivante un rapport de l’Inspecteur Général Spécial pour l’Afghanistan montrait cependant que les effectifs de troupes entraînées comptaient 41% de Tadjiks (environ 25% de la population) pour 30% de Pachtounes [39].

    La forte présence de Tadjiks au sein de l’ANA est notamment due aux problèmes de recrutement dans les zones rurales des provinces pachtounes de Kandahar et du Helmand [40]. Ainsi, dans la province de Zaboul, le nombre de Pachtounes servant au sein des « kandaks » (bataillons) locaux ne s’élevait qu’à environ 5% des effectifs [41]. En dépit d’un accord conclu entre Hamid Karzai et l’armée américaine prévoyant de corriger ce problème de composition ethnique, les cadres de l’ANA et du Ministère de la Défense, placés par le Maréchal Fahim et ayant servi pour la plupart au sein de l’Alliance du Nord, continuent de dominer l’appareil militaire afghan [42]. Malgré la disgrâce de Fahim en 2004, la prééminence des Tadjiks a été sauvegardée par la présence du Général Bismullah Khan à la tête des forces armées et de l’état-major afghan [43].

    En 2008 au moins 70% des kandaks étaient commandés par des Tadjiks et dans la province pachtoune de Zaboul 2 commandants de kandaks sur un total de 6 étaient d’origine pachtoune [44]. Cet état de fait serait le précurseur d’une possible guerre civile : de nombreux Pachtounes refusent de servir au sein de l’ANA et le fait que le Dari soit devenu de facto la langue de l’ANA a accru le sentiment parmi les Pachtounes que cette dernière est une institution étrangère [45]. Les réformes menées afin d’arriver à un certain équilibre ethnique n’ont pas eu nécessairement les effets escomptés : les craintes ou la méfiance des Pachtounes à l’égard de l’ANA ont fait place à celles des Tadjiks, Ouzbeks ou Hazaras. Mohammed Mohaqiq, un des leaders de la communauté hazara, a affirmé que « L’armée est ethniquement structurée d’une manière à ce qu’elle ne puisse pas combattre les Talibans. Il est possible qu’ils [les soldats afghans] se rendent lorsque les Talibans attaqueront » [46].

    Pour certains analystes américains l’ANA est incapable d’empêcher l’éclatement d’une guerre civile et elle ne pourra que l’atténuer [47]. Pour Matthew Hoh, cette guerre civile est proche et ira en s’aggravant à moins que l’accent ne soit mis sur « la réconciliation politique afin « d’intégrer tous les éléments de la société au sein du gouvernement afghan et des forces de sécurité » [48] – une priorité essentielle et pourtant négligée par les précédentes conférences internationales [49]. Hoh se souvient aussi d’un fait marquant dont il avait été le témoin à Zaboul au cours de la fête de l’indépendance nationale : l’ANA semblait être pour les officiers tadjiks leur création et un avatar de l’Alliance du Nord dans la mesure où, au cours des cérémonies officielles regroupant militaires et policiers, des portraits des commandants de l’Alliance du Nord – dont feu Ahmad Shah Massoud – avaient été installés alors qu’aucun portrait de Hamid Karzaï n’était visible [50]. Dans la province de Zaboul, le Major Général Jamaluddin Sayed (Tadjik) de l’ANA a démis de leurs fonctions l’ensemble des policiers pachtounes qu’il soupçonnait d’entretenir des relations avec les Talibans et a demandé à ce que le recrutement de policiers se fasse à l’extérieur de cette province : « Si nous recrutons des membres de la Police Nationale Afghane originaires de la province de Zaboul, ils auront probablement des relations avec les Talibans » [51].

    Quand l’allié se fait ennemi : la recrudescence des actes de félonie

    Si de nombreux afghans sont craintifs quant à l’avenir du pays après 2014, une part tout aussi importante de la population éprouve une lassitude envers les réalités politiques de l’Afghanistan démocratique (corruption, népotisme, abus de pouvoir, etc.) et certains aspects de la présence militaire étrangère (« dommages collatéraux », atteintes aux biens faisant pourtant généralement l’objet de réparations matérielles ou compensations financières, attitude parfois irrespectueuse de certains militaires, etc.). Cette lassitude a pu se transformer en réelle hostilité suite à des événements tels que la profanation de Corans à Bagram en février 2012. S’il est peu aisé de mesurer précisément l’étendue ou l’évolution de cette hostilité et plus particulièrement la possible radicalisation de certaines parties de la population, une nouvelle tendance inquiétante permet de saisir certains aspects de ce phénomène. Marginales par le passé, le nombre d’attaques menées par des membres des forces de sécurité afghanes contre leurs collègues de l’ISAF n’a cessé d’augmenter.

    L’année 2012 a été particulièrement significative. A la fin du mois de janvier 2012 quatre soldats français perdirent la vie suite à un acte de félonie. A la fin du mois de février 2012 deux officiers américains furent abattus dans l’enceinte du Ministère de l’Intérieur à Kaboul par un garde afghan alors que dans le village de Robat (district de Spin Boldak, province de Kandahar) le capitaine Feti Vogli et le caporal Aleksandr Peci furent assassinés par des policiers afghans alors qu’ils se rendaient à l’inauguration d’un dispensaire et de deux écoles [52]. Le meurtre des deux militaires albanais (un autre militaire étranger de l’ISAF fut blessé) mena à l’arrestation de 11 policiers afghans [53].

    Au cours de la même année, une altercation éclatant dans une salle de sport entre militaires américains et afghans fut conclue par une fusillade ; durant le Ramadan des militaires américains furent abattus lors d’un repas par un collègue afghan ; en août 2012 des militaires américains perdirent la vie suite à un incident similaire dans le Helmand [54]. Ce type d’attaques n’a pas épargné les forces de sécurité afghanes: à la fin des mois de mars et décembre 2012 des policiers félons abattirent respectivement 9 puis 17 de leurs collègues, durant leur sommeil, dans les provinces d’Oruzgan et Paktika [55].

    Comme l’explique Matthew Rosenberg, la recrudescence de ce type d’attaques refléterait l’hostilité croissante d’une partie de la population à l’encontre de la présence étrangère en Afghanistan : « De nombreux officiels de haut rang de la Coalition et afghans considèrent qu’après presque 12 ans de guerre, la vision qu’ont les Afghans des étrangers en est venue à refléter celle des Talibans » [56]. Les réalités du nouvel Afghanistan suscitent désormais plus de lassitude et de haine que d’espoir au sein d’une partie de la population. Anonymement, un officier de haut rang de l’ISAF a expliqué qu’un grand pourcentage de ces actes de félonie étaient motivés par une perception du conflit proche de celle des Talibans, à savoir chasser les « infidèles » d’Afghanistan [57].

    A l’origine, ces actes de félonie (appelés « green on blue attacks » ou « insider attacks » en anglais) semblaient être marginaux mais leur fréquence, ce qu’ils reflètent et la publicité qui en découle traduisent une tendance lourde et profonde. La faiblesse de l’appareil d’Etat afghan et la radicalisation d’une partie de la population inscrivent l’avenir du pays dans une perspective sombre et bien éloignée des spéculations les plus optimistes. Le 11 mai 2012, un jeune soldat afghan de 22 ans nommé Mahmoud ouvrait le feu sur des membres des forces américaines sur une base de la province du Kunar (un mort et deux blessés) [58]. Fier de son acte, Mahmoud put fuir et rejoindre un groupe de combattants Talibans qui l’accueillit chaleureusement [59].

    En mai, Mahmoud avait contacté des Talibans et leur avait fait part de son projet d’assassiner des militaires américains lors de leur prochain passage à son checkpoint [60]. Le soldat félon leur avait aussi demandé de l’accueillir en cas de fuite mais ces derniers s’étaient montrés plutôt sceptiquesdans la mesure où, par peur, de nombreux militaires afghans avaient finalement refusé de passer à l’acte [61]. Mahmoud a confié qu’il avait des camarades partageant ses opinions au sein de l’ANA mais a ajouté qu’il a tenu son projet secret afin que celui-ci ne soit pas éventé [62]. Le soldat félon a grandi à Tajikan, un village du Helmand situé dans une zone sous contrôle taliban en dépit des offensives britanniques et américaines [63]. Le Colonel Khudaidad, qui est en charge du centre de recrutement de l’ANA pour le Helmand, a déclaré que Mahmoud avait été recruté il y a environ quatre ans et provenait d’un milieu modeste: travaillant chez un tailleur afin d’aider les sept autres membres de sa famille, il avait vu dans l’armée la chance de recevoir un salaire régulier, d’apprendre à lire et à écrire ainsi que d’avoir de nouvelles perspectives d’avenir [64]. Mahmoud portait rarement une barbe mais a déclaré qu’il avait grandi et été éduqué dans l’idée que les Américains, les Britanniques et les Juifs "sont les ennemis de notre pays et de notre religion“ [65].

    Au début de l’année 2012 Mahmoud avait été envoyé dans le district de Ghaziabad (Kunar) où la population locale, exaspérée par les abus commis par des militaires américains et l’inaptitude des soldats afghans à assurer la sécurité au-delà du périmètre de leurs postes avancés, avait de fortes sympathies pour les insurgés talibans [66]. Influencé par les sentiments de la population de Ghaziabad, le jeune soldat afghan a progressivement acquis la certitude que les Américains avaient causé la mort de trop d’Afghans et avaient insulté le prophète Mahomet à de trop nombreuses occasions [67]. Résolu à venger dans le sang ces affronts, Mahmoud put contacter les Talibans par l’intermédiaire d’un villageois peu disposé à l’aider et qui se contenta de demander aux insurgés de ne pas abattre le soldat félon en cas de fuite réussie [68]. Le jour fatidique, le soldat félon attendit que certains de ses collègues américains déposent leurs gilets pare-balles et leurs armes avant d’ouvrir le feu: surpris, ces derniers se crurent attaqués de l’extérieur et Mahmoud profita de la confusion générale pour s’enfuir [69]. Traité en héros, Mahmoud reçut le titre honorifique de „Ghazi“ de Ghaziabad, des colliers de fleurs et fut acclamé par une foule d’anciens (les „barbes blanches“), de Talibans et d’hommes de différents âges [70].

    La vidéo de propagande de la défection de Mahmoud et son « interview » par un journaliste du Kunar ont eu un impact considérable. Jusqu’à cet événement les membres des forces afghanes qui souhaitaient faire défection pouvaient hésiter de passer à l’acte dans la mesure où ils n’étaient pas sûrs du traitement qui leur serait infligé par les Talibans. Avec la défection de Mahmoud et la diffusion de cette vidéo les Talibans ont clairement invité les membres de l’ANA ou de l’ANP à faire de même et les ont assuré de leur bienveillance. Les Talibans entendent exploiter ce nouveau type d’attaques et les intégrer à une stratégie cohérente : affaiblir l’ANA et l’ANP ainsi que l’Etat afghan, augmenter le sentiment d’insécurité et d’incertitude au sein des forces de la Coalition mais aussi de tous les acteurs de la présence étrangère dans le pays et enfin recruter de nouveaux combattants (qui ont l’avantage d’avoir fait défection avec leur arme ou une partie de leur équipement, d’avoir reçu une formation militaire et surtout de connaître les dispositifs de l’ANA, de l’ANP ou de l’ISAF). Les Talibans ont non seulement pu infiltrer avec succès les forces de sécurité afghanes mais ils peuvent compter désormais sur le ralliement à leur cause de militaires ou de policiers afghans prêts à s’en prendre aux forces étrangères [71].

    Au cours du mois d’août 2012 six G.I.s furent tués par leurs collègues afghans dans le Helmand puis deux attaques similaires coûtèrent la vie à deux soldats américains et dix militaires afghans [72]. Le dimanche 30 septembre 2012 un militaire américain, un “contractor” et trois de leurs collègues afghans furent tués dans le district de Saidabad (province du Wardak) [73]. A l’approche d’un checkpoint tenu par sept militaires afghans, un groupe de soldats américains menant une mission de recherche biométrique fut touché par un tir de mortier et répliqua, tuant 3 soldats de l’ANA et en blessant 3 autres [74]. Les autorités du Wardak et les officiels de l’ISAF ont présenté des versions différentes de cet incident et de ses causes. D’après le seul soldat afghan qui n’a pas été blessé au cours de l’attaque, une dispute aurait éclaté et le félon aurait ouvert le feu sur la patrouille américaine avant que celle-ci ne réplique et qu’un soldat américain ne jette une grenade dans le checkpoint afghan (le témoin s’étant entre temps réfugié derrière un Humvee de l’ANA) [75]. Le porte-parole des autorités provinciales du Wardak, Shahidullah Shahid, a déclaré qu’après avoir reçu un tir de mortier provenant d’insurgés talibans, une patrouille américaine s’est crue attaquée par des soldats de l’ANA et a ouvert le feu sur le checkpoint de ces derniers, menant à une fusillade et à ce drame [76]. Le Ministère de la Défense afghan a sobrement affirmé de son côté que ce dramatique incident était le résultat d’une „incompréhension“ entre militaires américains et afghans [77].

    D’après la version officielle de l’ISAF, des soldats américains ont eu une courte conversation avec leurs collègues afghans avant d’être la cible de tirs blessant mortellement un GI et tuant un „contractor“ civil [78]. Trois soldats de l’ANA furent tués dans la fusillade qui s’en suivit [79]. Le commandant en second des forces de l’ISAF, le Lieutenant-Général Adrian Bradshaw, a confirmé que l’incident se serait produit après une courte discussion entre militaires américains et afghan mais il a aussi ajouté que „Ce qui a été rapporté à l’origine comme étant une suspicion d’acte de félonie est désormais compris comme ayant possiblement impliqué des tirs provenant des insurgés“ [80]. En plus de cet incident, 3 policiers afghans furent tués par des Talibans lors de l’attaque de leur checkpoint dans le Helmand le 30 septembre 2012 [81].

    Ces actes de félonie ne sont plus à considérer comme des actes marginaux et encore moins comme le fait d’individus instables ou isolés : ces actes sont devenus un des phénomènes majeurs de violence les plus typiques de l’année 2012 [82] et ont coûté la vie à 63 soldats de l’ISAF (sur un total de 405 soldats étrangers tués en 2012) [83]. Le quart des soldats britanniques tués dans la province du Helmand ont perdu la vie au cours d’attaques de ce type et les 6 soldats britanniques décédés au cours des six derniers mois ont tous été victimes d’attaques similaires (439 soldats britanniques ont perdu la vie en Afghanistan depuis 2001) [84]. Ces actes de félonie sont en croissance : ils ont coûté la vie à 5 soldats britanniques en 2009 et à 14 autres en 2012 [85]. Une tendance nette s’est dessinée : le taux de mortalité au sein des forces de l’ISAF imputable aux actes de félonie était de 6% en 2011 et en 2012 il a atteint 15% alors qu’il n’était que de 2% au cours des dernières années [86]. Le Pentagone a recensé 45 actes de félonie entre 2007 et la fin 2011 et estime que 75% de ceux-ci se sont produits entre 2010 et 2011 [87]. En 2012 seulement, 47 de ces actes furent recensés alors qu’en 2011 on en avait compté 21 coûtant la vie à 35 soldats [88].

    D’après les officiers de haut rang de l’ISAF, 25% des attaques de ce type peuvent être imputées directement ou indirectement aux Talibans [89]. A Washington on s’inquiète aussi des effets perturbateurs produits par cette nouvelle forme de violence sur le processus de formation des forces de sécurité afghanes et qui est un des éléments clés de la stratégie de retrait des Etats Unis [90]. Ainsi, suite à la recrudescence d’actes de félonie, la formation des nouvelles recrues de la police afghane par des membres des forces spéciales a été suspendue au cours du mois de septembre 2012 [91].

    Après le retrait de l’ensemble des forces combattantes de l’ISAF, les forces afghanes verront leur accès à certaines ressources considérables telles que la force aérienne (reconnaissance, drones, hélicoptères et avions de combat, transport de troupes ou de matériel) ou l’aide médicale se réduire drastiquement [92]. Il n’est pas inutile de préciser que les Talibans disposent d’informateurs au sein des administrations d’Etat, entreprises (comme ce fut le cas en 2008 au sein de la compagnie de télécommunications « Roshan ») et évidemment au sein des organes répressifs afghans : ce dernier élément peut s’avérer être critique dans la mesure où, conjugué aux actes de félonie et les défections de militaires ou de policiers, il pourrait donner naissance à une stratégie visant à saper durablement et profondément l’ANA et l’ANP. Les Talibans ne cessent d’affirmer qu’ils ont infiltré les forces de sécurité afghanes et se sont toujours empressés de revendiquer ces attaques mais ils reconnaissent cependant que dans les faits, ces actes sont majoritairement spontanés et imputables à des soldats ou policiers frustrés par le contexte politique afghan et la présence étrangère [93].

    Ainsi, au début du mois de janvier 2013 un soldat afghan nommé Sheikh (Qasim d’après une vidéo de source talibane) et originaire de Laghman a ouvert le feu sur ses collègues afghans et britanniques sur la base avancée de Hazrat (district de Nahr-e Saraj), dans la province troublée du Helmand [94]. Le soldat félon a pu tuer un soldat britannique du 28ème Régiment du Génie et en blesser 6 autres avant d’être abattu [95]. Ce soldat avait été recruté il y a environ un an et était connu pour son caractère pieux, il dirigeait souvent la prière comme l’ont rapporté certains de ses camarades [96]. Cette attaque (la 73ème de ce type depuis janvier 2008) [97] a été aussitôt revendiquée par les Talibans qui ont précisé que le soldat félon était un militant infiltré [98] mais le gouvernement afghan s’est empressé de démentir cette affirmation: ce drame serait la conséquence d’une dispute entre soldats de l’ANA [99]. La province du Helmand a été le théâtre de 18 attaques similaires au cours des 5 dernières années et au début du mois de juillet 2012, 3 conseillers militaires britanniques et un autre membre de l’ISAF avaient déjà perdu la vie dans le même district de Nahr-e Saraj suite à l’attaque d’un policier afghan félon [100].

    Au cours des trois années précédentes les effectifs des forces armées afghanes ont grossi au point d’attendre 195000 hommes mais le processus de vérification des nouvelles recrues s’est avéré être quasi-inexistant [101]. Conscients de la menace représentée par l’infiltration et les actes de félonies, les forces de la Coalition et le NDS (services afghans de renseignement) ont déclaré intensifier leurs efforts de contre-espionnage en matière de contrôle et de vérification des nouvelles recrues: les soldats afghans revenant de permission devront ainsi être interrogés sur de possibles menaces ou tentatives d’inflitration les ayant visé ou ayant visé leurs familles [102]. Pour Quentin Sommerville, il s’agit « de la reconnaissance du fait que les Talibans contraignent ou obligent les militaires afghans à attaquer les soldats étrangers. Et d’une acceptation sinistre de la part des commandants de l’ISAF que les attaques internes ne peuvent être complètement prévenues » [103]. Les insurgés Talibans peuvent recruter des informateurs et pousser des policiers ou soldats félons à passer à l’acte pour des raisons idéologiques ou plus précisément religieuses, par le biais d’affiliations claniques ou tribales, par la contrainte (menaces de mort sur la personne ou ses proches, enlèvement d’un proche, chantage) ou par la corruption. Ce dernier moyen est facilement utilisable par les Talibans qui disposent d’importantes ressources financières provenant de la production et du trafic d’opium dans leurs bastions du sud : les Talibans peuvent aisément corrompre et recruter un félon en lui versant une somme bien supérieure à sa solde [104].

    Les forces de l’ISAF ont réagi à ces risques en renforçant leurs protocoles de sécurité sur leurs bases avancées et lors des patrouilles : des soldats de la Coalition appelés « anges gardiens » ont désormais la tâche de veiller sur leurs compatriotes et de prévenir tout acte de félonie [105]. Lorsqu’ils sont en opération ou en présence de leurs collègues afghans, les soldats de la Coalition doivent porter un gilet pare-balles et ne doivent jamais quitter leur arme qui doit toujours être chargée [106].

    En février 2012 l’Armée américaine a distribué à ses troupes un manuel de 35 pages (« Inside the wire threats – Afghanistan ») devant les préparer à faire face à ces nouveaux risques [107]. De manière saisissante, ce manuel se référait fréquemment au cas de la lutte menée par l’Armée Rouge contre les Moudjahidines et qui à bien des égards semblait refléter les appréhensions et la situation actuelles : « L’Armée afghane était un allié non-fiable. (…) Elle fit face à des constantes défections dès le début, pas seulement d’individus ou d’unités mais aussi de divisions entières qui rejoignirent les Moudjahidines, prenant leur équipement personnel et leurs fusils ainsi que des tanks et des véhicules blindés » [108]. Ledit manuel ajoutait que « Le plan soviétique originel consistant à pousser l’Armée afghane sur le terrain pour combattre les Moudjahidines fut écarté. Les effectifs limités, le manque d’entraînement et les loyautés douteuses de l’Armée afghane rendirent ce projet trop risqué à mettre en œuvre » [109].

    La crainte et la méfiance croissantes des militaires de l’ISAF à l’encontre de leurs collègues afghans a mené à une dégradation de leurs relations (notamment au cours d’opérations conjointes) mais d’un côté comme de l’autre, les officiels de l’ISAF et des forces afghanes s’accordent à dire que les actes de félonie sont le résultat d’un « clash des cultures » [110]. De nombreux soldats afghans seraient outrés par la décadence occidentale et frustrés de recevoir des ordres de militaires étrangers, ce qui en mènerait certains à passer à l’acte et constitue ainsi un vivier de recrutement potentiel pour l’insurrection talibane [111]. De plus, ces sentiments se sont renforcé suite à la profanation des Corans à Bagram et des cadavres de combattants talibans par des militaires américains ainsi qu’aux raids nocturnes ayant causé de nombreux morts civils [112]. Une enquête menée en 2011 par l’Armée américaine a révélé de son côté qu’ « en moyenne, les soldats américains pensent que 50% de l’ANA est composé d’islamistes radicaux » vulnérables à un possible recrutement taliban [113]. Les résultats de cette enquête ont donné lieu à un rapport non classifié intitulé « Une crise de confiance et d’incompatibilité culturelle » (« A crisis of trust and cultural incompatibility ») et citant de nombreux soldats américains dont un affirmant qu’ « Un reporter attaché à mon peloton m’a dit que durant une conversation avec des soldats de l’ANA, ces derniers ont dit que si les Talibans commençaient à gagner la guerre, ils changeraient de camp et rejoindraient les Talibans » [114].

    Ce « choc des cultures » est à l’origine de certains actes de félonie impliquant des soldats ou policiers afghans outrés par le comportement irrespectueux des militaires américains qu’ils côtoient (mépris de la culture et des traditions afghanes, comportement abusif lors de contrôles ou d’opérations, etc.) [115]. Matthew Rosenberg rapporte que „Dans certains cas, le comportement abusif et corrompu des officiers afghans pousse le tueur à s’en prendre aux Américains, qui sont vus comme soutenant les commandants locaux“ [116]. Il arrive aussi qu’un nombre marginal de ces attaques soit dénué de toute raison logique ou motivation rationnelle, comme ce fut le cas lorsqu’une policière afghane tua à la fin du mois de décembre 2012 Joseph Griffin, un „contractor“ américain de DynCorp International travaillant pour le programme de l’OTAN visant à former la police nationale afghane [117].

    A la fin de l’été 2012 le nombre d’opérations conjointes avec les forces afghanes et impliquant des unités inférieures à la taille d’un bataillon (de 400 à 800 soldats) a été réduit (alors que l’ensemble de ces opérations conjointes mobilise principalement des unités américaines inférieures à un bataillon) et celles-ci doivent désormais être approuvées par un général commandant une des six régions militaires du pays [118]. Le Lieutenant-Général Adrian Bradshaw a expliqué que ces nouvelles règles n’étaient pas le fruit de la recrudescence d’actes de félonie mais était une mesure de précaution après le scandale causé par le film américain calomniant le prophète Mahomet sur Youtube [119].

    Gilles-Emmanuel Jacquet

    À propos de l’auteur
    Titulaire d’un Master en Science Politique de l’Université de Genève et d’un Master en Études Européennes de l’Institut Européen de l’Université de Genève, Gilles-Emmanuel Jacquet s’intéresse à l’Histoire et aux Relations Internationales. Ses champs d’intérêt et de spécialisation sont liés aux conflits armés et aux processus de résolution de ces derniers, aux minorités religieuses ou ethnolinguistiques, aux questions de sécurité, de terrorisme et d’extrémisme religieux ou politique. Les zones géographiques concernées par ses recherches sont l’Europe Centrale et Orientale, l’espace post-soviétique ainsi que l’Asie Centrale et le Moyen Orient.

    Source : Realpolitik.tv. 

    Notes
    [1] Hamid Shalizi, « Afghans say total U.S. pullout would trigger disaster, Reuters », 09/01/2013
    [2] « Afghans Feel Police Not Ready for Security Control », Voice of America, 31/01/2012
    [3] Ibid.
    [4] Hamid Shalizi, « Afghans say total U.S. pullout would trigger disaster, Reuters », 09/01/2013
    [5] Ibid.
    [6] Ibid.
    [7] « As Plans for Afghan Exit Are Sketched, Hope Turns to Hatred », At War, 04/01/2013
    [8] Ibid.
    [9] Ibid.
    [10] Ibid.
    [11] Ibid.
    [12] Frederick et Kimberley Kagan, « How to Waste a Decade in Afghanistan », The Wall Street Journal
    [13] « British Soldier Killed in Afghan ‘Insider’ Attack », Voice of America, 08/01/2013
    [14] Ibid.
    [15] Quentin Sommerville, « British soldier killed by Afghan army gunman in Helmand », BBC, 08/01/2013
    [16] Ibid.
    [17] Ibid.
    [18] Anthony Cordesman, « A Mindless Debate over U.S. Troops in Afghanistan », War News Update, 05/01/2013
    [19] Ibid.
    [20] Anthony H. Cordesman, « The War In Afghanistan at the End of 2012: The Uncertain Course of the War and Transition », Center for International and Strategic Studies, 22/01/2013
    [21] Anthony Cordesman, « A Mindless Debate over U.S. Troops in Afghanistan », War News Update, 05/01/2013
    [22] Ibid.
    [23] Ibid.
    [24] Ibid.
    [25] Quentin Sommerville, « British soldier killed by Afghan army gunman in Helmand », BBC, 08/01/2013
    [26] Ibid.
    [27] « Reforming Afghanistan’s police », Asia Report n°138, 30/08/2007, International Crisis Group
    [28] Ibid.
    [29] Ibid.
    [30] Ibid.
    [31] Ibid.
    [32] Sajad, « Clashes among Afghan leaves 3 dead in Khost province » , Khaama, 20/10/2012
    [33] « Clashes among Afghan police leave three dead », The News, 27/10/2012
    [34] Ibid.
    [35] Antonio Giustozzi, Decoding the New Taliban, Insights from the Afghan field, Hurst and Company, 2009
    [36] Gareth Porter, « Tajik Grip on Afghan Army Signals New Ethnic War », Dissident Voice, 30/11/2009
    [37] Ibid.

    [38] Ibid.
    [39] Ibid.
    [40] Ibid.
    [41] Ibid.
    [42] Ibid.
    [43] Ibid.
    [44] Ibid.
    [45] Ibid.
    [46] Rob Taylor et Mirwaïs Harouni, «
    Afghan Hazara leader skeptical of Taliban peace », Reuters, 30/01/2012
    [47] Gareth Porter, « Tajik Grip on Afghan Army Signals New Ethnic War
    », Dissident Voice, 30/11/2009
    [48] Ibid.
    [49] Gilles-Emmanuel Jacquet, « Les conférences internationales sur l’Afghanistan : une décennie d’approche diplomatique erronée ? », Realtpolitik.TV, 27/11/2012
    [50] Gareth Porter, « Tajik Grip on Afghan Army Signals New Ethnic War », Dissident Voice, 30/11/2009
    [51] Ibid.
    [52] « Afghan police suspected of killing Albanian soldier », Telegraph, 21/02/2012 ; Talia Ralph, « Albanian soldier dead after men in Afghan police uniforms open fire on NATO forces », The Global Post, 20/02/2012 et « First two Albanian soldiers killed in Afghanistan », Xinhua, 21/02/2012

    [53] Ibid.
    [54] Gilles-Emmanuel Jacquet, « Les conférences internationales sur l’Afghanistan : une décennie d’approche diplomatique erronée ? », Realtpolitik.TV, 27/11/2012
    [55] « Afghan policeman kills 9 sleeping fellow officers
    », The Telegraph, 30/03/2012 et Rod Nordland, « Betrayed while asleep, 17 Afghan policemen killed », The New York Times, 27/12/2012

    [56] « As Plans for Afghan Exit Are Sketched, Hope Turns to Hatred », At War, 04/01/2013
    [57] Matthew Rosenberg, « An Afghan Soldier’s Journey From Ally to Enemy of America », The New York Times, 04/01/2013
    [58] « As Plans for Afghan Exit Are Sketched, Hope Turns to Hatred », At War, 04/01/2013
    [59] Ibid.
    [60] Matthew Rosenberg, « An Afghan Soldier’s Journey From Ally to Enemy of America », The New York Times, 04/01/2013
    [61] Ibid.
    [62] Ibid.
    [63] Ibid.
    [64] Ibid.
    [65] Ibid.
    [66] Ibid.
    [67] Ibid.
    [68] Ibid.
    [69] Ibid.
    [70] Ibid.
    [71] Ibid.
    [72] Emma Graham-Harrison, « Six US soldiers killed by Afghans », The Guardian, 11/08/2012 et Qadir Seddiqi, « Afghan security forces kill 2 U.S. troops, 10 Afghan soldiers in 2 attacks », CNN, 27/08/2012
    [73] Ron Nordland, « 5 Are Dead After Clash Between U.S. and Afghan Troops », The New York Times, 10/01/2012
    [74] Ibid.
    [75] Ibid.
    [76] Heidi Vogt et Rahim Faiez, « US and Afghan forces clash, leaving 5 dead », Associated Press, 30/09/2012
    [77] Ibid.
    [78] Ibid.
    [79] Ibid.
    [80] Ron Nordland, « 5 Are Dead After Clash Between U.S. and Afghan Troops », The New York Times, 10/01/2012
    [81] Heidi Vogt et Rahim Faiez, « US and Afghan forces clash, leaving 5 dead », Associated Press, 30/09/2012
    [82] « As Plans for Afghan Exit Are Sketched, Hope Turns to Hatred », At War, 04/01/2013
    [83] « British Soldier Killed in Afghan ‘Insider’ Attack », Voice of America, 08/01/2013 ; Mina Hasib, « Individual in Afghan uniform kill NATO soldier in South », Khaama, 08/01/2013 ; Paul Sperry, « Afghan Allies, Now even top officials in the Kabul government vow to kill Americans », The New York Post, 29/12/2012 et Conflict Barometer 2012, Heidelberg Institute for International Research Conflict (HIIK), 2012, p.103
    [84] Quentin Sommerville, « British soldier killed by Afghan army gunman in Helmand », BBC, 08/01/2013
    [85] Ibid.
    [86] Lisa Lundquist, « Afghan soldier kills 1, wounds 6 in latest insider attack », The Long War Journal, 08/01/2013
    [87] « Afghan police suspected of killing Albanian soldier », The Telegraph, 21/02/2012
    [88] Paul Sperry, « Afghan Allies, Now even top officials in the Kabul government vow to kill Americans », The New York Post, 29/12/2012
    [89] Mina Hasib, « Individual in Afghan uniform kill NATO soldier in South », Khaama, 08/01/2013
    [90] « As Plans for Afghan Exit Are Sketched, Hope Turns to Hatred », At War, 04/01/2013
    [91] Ron Nordland, « 5 Are Dead After Clash Between U.S. and Afghan Troops », The New York Times, 10/01/2012
    [92] « As Plans for Afghan Exit Are Sketched, Hope Turns to Hatred », At War, 04/01/2013
    [93] Matthew Rosenberg, « An Afghan Soldier’s Journey From Ally to Enemy of America », The New York Times, 04/01/2013
    [94] Quentin Sommerville, « British soldier killed by Afghan army gunman in Helmand », BBC, 08/01/2013 et Lisa Lundquist, « Afghan soldier kills 1, wounds 6 in latest insider attack », The Long War Journal, 08/01/2013
    [95] Quentin Sommerville, « British soldier killed by Afghan army gunman in Helmand », BBC, 08/01/2013
    [96] Lisa Lundquist, « Afghan soldier kills 1, wounds 6 in latest insider attack », The Long War Journal, 08/01/2013
    [97] Ibid.
    [98] « British Soldier Killed in Afghan ‘Insider’ Attack », Voice of America, 08/01/2013
    [99] Quentin Sommerville, « British soldier killed by Afghan army gunman in Helmand », BBC, 08/01/2013
    [100] Lisa Lundquist, « Afghan soldier kills 1, wounds 6 in latest insider attack », The Long War Journal, 08/01/2013
    [101] Quentin Sommerville, « British soldier killed by Afghan army gunman in Helmand », BBC, 08/01/2013
    [102] Ibid.
    [103] Ibid.
    [104] Stuart Ramsay, « Afghanistan: Green On Blue Attacks Rising », 08/01/2013
    [105] Ibid.
    [106] Ibid. et Ron Nordland, « 5 Are Dead After Clash Between U.S. and Afghan Troops », The New York Times, 10/01/2012
    [107] Paul Sperry, « Afghan Allies, Now even top officials in the Kabul government vow to kill Americans », The New York Post, 29/12/2012
    [109] Ibid.
    [110] Stuart Ramsay, « Afghanistan: Green On Blue Attacks Rising », 08/01/2013
    [111] Ibid.
    [112] Ibid.
    [113] Paul Sperry, « Afghan Allies, Now even top officials in the Kabul government vow to kill Americans », The New York Post, 29/12/2012
    [114] Ibid.
    [115] Matthew Rosenberg, « An Afghan Soldier’s Journey From Ally to Enemy of America », The New York Times, 04/01/2013
    [116] Ibid.
    [117] Ibid. ; Rod Nordland, « Motive Unclear in Killing by Woman in Afghan Force », The New York Times, 25/12/2012 et Alexandra Zavis et Hashmat Baktash, « Georgia man identified as victim of suspected Afghan insider attack », The Los Angeles Times, 24/12/2012
    [118] Ron Nordland, « 5 Are Dead After Clash Between U.S. and Afghan Troops », The New York Times, 10/01/2012
    [119] Ibid.

    http://fr.novopress.info

  • Énergie : Le futur à contre courant

    Puisant sans frein dans ses stocks d’énergies fossiles, le monde s’achemine-t-il vers un gigantesque black out ? Aux quatre coins de la planète, chercheurs et citoyens militent pour un autre scénario. Une passionnante enquête sur la nouvelle donne énergétique.

    http://fortune.fdesouche.com/

  • L'Italie eurosceptique de Beppe Grillo

    Surprise à l'italienne : aux dernières législatives, le meneur du Mouvement cinq étoiles, a recueilli près de 25 % des suffrages aux élections législatives et sénatoriales de février 2013. Sa particularité: être hostile à l'Europe de Bruxelles.
    Il est Italien, s'appelle Beppe Grillo, et est connu comme humoriste. Ce qu'il est... mais pas seulement. Preuve en est que, le mois dernier, la formation politique de Beppe Grillo, le M5S, a remporté environ un quart des voix transalpines, faisant jeu égal, ou presque, avec Silvio Berlusconi - qu'on disait, pour sa part, fini.
    Devant eux, ce n'est pas Mario Monti, mais la coalition de gauche. Quant à l'ex-président du Conseil imposé à l'Italie par Bruxelles, contraint à la démission au vu des résultats de sa politique, les Italiens, en ne lui accordant que 10 % de leurs suffrages, l'ont renvoyé dans les cordes. Il est vrai qu'aller de Goldman Sachs au Palais Chigi, à Rome, en passant par la Commission européenne, et sans la faveur d'une élection, ne prédispose pas à la popularité.
    Bruxelles, justement, en a des sueurs froides, qui croyait la démocratie devenue son jouet sur l'étendue de son territoire. Or voilà qu'un homme réputé anti-européen, et que l'on voudrait bien traiter de clown - comme certains politiques allemands l'ont fait à leurs dépens -, réussit, par le seul mérite de sa popularité et de sa gouaille, à mettre KO debout son champion - qui ne se gênait pas, jusque-là, et malgré sa situation délicate, pour faire la leçon à son homologue britannique David Cameron. Et par là, à rendre l'Union européenne plus impopulaire encore qu'elle ne l'était...
    En attendant, et malgré les tentatives de certains politiques de relancer le système des urnes, une large majorité d'Italiens manifeste son souhait qu'on lui donne un nouveau gouvernement, plutôt que de recommencer ce qui pourrait bien ressembler à une farce électorale. Et ce, malgré les analyses plus ou moins savantes qui déclarent l'Italie ingouvernable...
    Beppe Grillo ne semble pas étranger à ce sentiment populaire. Non que son programme soit apparemment très clair aux yeux de ses électeurs. Mais il a le mérite de leur dire qu'on ne leur imposera pas, lui présent, plus d'Europe qu'ils n'en peuvent supporter. Raison pour laquelle, notamment, il a renvoyé Pier Luigi Bersani, patron de la coalition de gauche, à son rêve impossible, en refusant de lui prêter main forte pour une alliance gouvernementale. Ni même d'accorder le vote de confiance à un gouvernement, quel qu'il soit, dirigé par ledit Bersani... On ne saurait être plus clair. Et la raison affichée de ce refus est très nette : c'est encore l'Europe.
    L'Italie « K.O. debout »
    Certes, Grillo se défend d'être anti-européen. Il affirme souhaiter seulement un plan B pour l'Europe... mais c'est quasiment la même chose, puisque les européistes les plus convaincus, quelle que soient leur origine, sont d'accord pour affirmer qu'il n'y a jamais eu - mieux : qu'il ne peut pas y avoir - de plan B pour l'Europe. « Qu'est-il advenu de l'Europe ? », répond-il.
    Pour le savoir, il veut remettre la question européenne entre les mains de ses concitoyens : « Je ferai un référendum en ligne sur l'euro, sur la directive Bolkenstein, sur le traité de Lisbonne - tous ces sujets, pour lesquels notre Constitution a été laissée de côté. » Ça ne laisse effectivement guère de place à l'idée d'une coalition avec la gauche de Bersani... à tel point qu'il affirme avoir décidé de quitter la scène politique si les élus de son parti décidaient, contre son avis, d'une telle alliance.
    Il y a à cette volonté de revoir l'Europe une raison essentielle. Et c'est au quotidien économique allemand Handelsblatt notamment, qu'il est allé la donner, en soulignant que l'Italie est « de facto déjà sortie de la zone euro », qu'elle est « KO debout », et qu'il lui faudra « cinq à dix ans » pour retrouver la croissance.
    D'où la nécessité qu'il affirme de renégocier la dette italienne. « Quand les intérêts atteignent cent milliards d'euros par an, on est mort », affirmait-il voilà quelques semaines. Et, précisait-il, la situation est à ce point précaire en Italie que « dans six mois (…) on ne pourra plus payer les retraites et les salaires du service public ».
    Alors, quand on lui parle du soutien de l'Europe, Beppe Grillo rigole. Il est convaincu que les pays en mesure d'aider l'Italie ne le feraient que le temps nécessaire « pour récupérer les investissements de leurs banques dans les obligations italiennes ».
    « Après, claironne-t-il, ils vont nous laisser tomber. »
    Il ne faut pas chercher plus loin la raison de son succès. Voilà un langage, proche de leurs préoccupations, que comprennent les Italiens !
    Olivier Figueras monde & vie 19 mars 2013

  • Champs-Élysées, 24 mars 2013 : la fracture

    La gauche, arrivée au pouvoir sans que nul n’y prenne garde, avec seulement 30% des inscrits, s’arroge le droit et le devoir de changer la civilisation.
    Les Français, étrangers dans leur propre pays par la grâce des gouvernements des quarante dernières années, privés de leur souveraineté et de leur monnaie, endettés par les largesses à crédit de gouvernants qui comblèrent ainsi l’insatiable appétit des syndicats, abêtis par une régression intellectuelle orchestrée par « l’éducation nationale », se voient imposer, toujours au nom de « l’égalité », une transgression morale qui videra de tout sens leur mode de vie.¢
    À force d’être dupés, par leur vote pour des potentats locaux, et ensuite de se trouver parqués par ces élus pour une fin de vie silencieuse, les Français ont perdu les modes opératoires de la révolte et ceux de la défense du Bien et de sa liberté.
    Or voilà qu’à l’appel d’un groupe improbable d’animateurs sociaux, ils délaissent leur confort et descendent en masse dans les rues de Paris le 13 janvier 2013 pour réclamer qu’on les respecte.
    Et ils croient que les totalitaires qu’ils ont placés au gouvernement vont les entendre, mieux, les écouter.
    Mais ceux-là qui sont ministres, sont aussi marxistes, gramcistes, voire trotskistes, et pensent qu’ils sont le Bien, au moins l’Avenir, et qu’eux dans la rue, sont la piétaille enfermée dans ses traditions morbides, et qu’ils doivent les en extraire.
    On va leur changer la vie.
    On va les faire changer de civilisation.
    Et ce sont des incultes venus de bien des régions du monde qui veulent accoucher d’une « civilisation » qui illuminera ces Gallo-Romains attardés.
    Alors, ces derniers constatent qu’on se moque d’eux et se réveillent. Certes il est un peu tard pour ceux qui depuis vingt ans les appellent à la lucidité, mais enfin, les écailles leurs tombent des yeux et ils reviennent à Paris le 24 mars, plus nombreux.
    Les autres, ceux qui sont installés dans les palais nationaux, les ignorent. Celui qui a la charge du maintien de l’ordre se rend au spectacle. Monsieur Valls, applaudit madame Valls quand plus d’un million de citoyens le conspue : c’est dire s’il s’en inquiète !
    Les voici ces Français, entassés dans un corral allant de l’Arc de Triomphe de l’étoile à celui de la Défense.
    Et quelques chefs de patrouille affublés d’une femme de spectacle, les ont dotés de bleu pastel, de rose bonbon et de blanc seringua.
    On leur dit qu’ils ont raison, que c’est intolérable, mais qu’il faut respecter la loi, alors qu’on les a conviés à la contester, et même encouragés à y désobéir si d’aventure elle devait être adoptée.
    Au  pied du podium sur-sonorisé, certains ont apporté des drapeaux français. Pensez-vous qu’ils soient naïfs ! Comme s’il s’agissait de défendre la Patrie !
    Mais eux sont venus sauver la France du désastre. Rien d’autre ne pouvait réunir autant de peuple.
    Et les plus jeunes, qui savent que les illégitimes sont ceux qui écrivent la loi veulent l’imposer, passent les barrières et se répandent sur la place de l’Etoile en chantant la Marseillaise et en criant « Hollande démission ».
    Les policiers, gendarmes et CRS n’y croient pas, ne s’opposent pas vraiment, mais ferment les Champs-Élysées en hâte.
    La grande masse ne suit pas, écoutant les joueurs de flûte sur leur podium perchés. Il y a même des Raffarin pour oser venir leur faire la leçon, alors qu’il approuvait il n’y a guère le mariage entre messieurs et entre dames. Mais devant un million de votants, on n’est pas à un mensonge près.
    Avenue Foch, des Français appuyés contre les barrières sont aspergés, les yeux dans les yeux, par d’autres Français casqués qui épinglent à leur tableau de chasse un vieil homme, peut-être leur père, et quelques enfants (Neveux, cousins, frères, fils ?).
    Est-il possible que derrière la tenue de samouraï du 21ième siècle on perde toute affection, toute fidélité ? Même certains mercenaires ont plus d’honneur.
    Enfin, on laisse libre la moitié de l’Etoile mais on empêche la venue de ceux des avenues Foch et Carnot. Sur quel prétexte, ceux-là plutôt que ceux-ci ?
    D’ailleurs, ayant remis en place un cordon de CRS en haut de la Grande Armée là où la brèche a été ouverte et alors que l’Etoile est toujours occupée par des centaines de manifestants que l’on ne chasse pas, on le retire aussitôt.
    Alors qu’on croit bloquer les Champs-Élysées à l’Etoile et qu’on fait le méchant avenue Foch, on laisse ouvertes les rues donnant sur les Champs-Élysées et par lesquelles la foule s’y rend sans encombres.
    Çà et là, des escouades de gendarmes ou de CRS parlent aux citoyens en colère, ailleurs, à quelques dizaine de mètres on les matraque, la police discute calmement avec les manifestants ici, avec un brassard elle réprime violemment là.
    On sent les ordres et les contre-ordres, les sympathies et les antipathies, c'est-à-dire une confusion et une déchirure au sein même de l’appareil de maintien de l’ordre.
    Enfin, on comprime ceux qui sont installés au Rond-point des Champs-Élysées et que l’immense foule de leurs amis n’a pu rejoindre sur l’ordre d’une Barjot en rose qui réclame de l’autorité qu’elle charge les « fachos » qui sont sur les Champs-Élysées.
    Si cette masse avait suivi, la cinquième république eût vécu sa dernière nuit et le pays aurait peut-être pu reprendre en main son destin.
    L’Histoire dira s’il s’est agi d’une erreur des organisateurs ou de leur volonté d’empêcher l’aboutissement du mouvement.
    S’il s’avère qu’ils étaient en « mission », leur responsabilité sera lourde et il faudra qu’ils rendent des comptes. Car, au point où nous en sommes, la Constitution est morte, et seul un nouveau régime, réécrivant les règles de l’état et ne signant que les engagements nécessaires après s’être retiré des traités, pourra offrir un avenir au nom de France.
    En 1958, cela s’est accompli grâce à la révolte et dans l’illégalité jusqu’à la régularisation offerte par un homme d’état nommé René Coty.
    En 2013, rien de tout ceci n’existe, ni hommes d’état, ni armée patriote et forte. Du Peuple seul pourra surgir l’âme qui refondra la nation.¢
    Georges Clément, Écrivain, Membre du Comité de Lépante
    Ancien membre du Conseil national souverainiste
    Ancien vice-président de la Voix des Français
    Ancien président de SOS Spoliations et violences
    Ancien président du Comité francilien de défense du Franc

  • Thierry Meyssan : L’affaire chypriote sert à attirer les fonds européens vers Wall Street

    Washington a été prompt à utiliser la crise financière chypriote pour mettre en œuvre la stratégie de captation de capitaux que je décrivais il y a trois semaines dans ces colonnes [1]. Avec l’aide de la directrice du Fonds monétaire international, l’États-unienne Christine Lagarde, ils ont remis en cause l’inviolabilité de la propriété privée dans l’Union européenne et tenté de confisquer un dixième des dépôts bancaires, prétendument pour renflouer la banque nationale chypriote affectée par la crise grecque.
    Il va de soi que la finalité annoncée n’est qu’un prétexte car loin de résoudre le problème, cette confiscation si elle devait être mise en œuvre ne pourrait que l’aggraver. Menacés, les capitaux restants fuiraient l’île provoquant l’effondrement de son économie.
    La seule véritable solution serait d’annuler les dettes en anticipant les recettes d’exploitation du gaz chypriote. Ce serait d’autant plus logique que ce gaz bon marché relancerait l’économie de l’Union européenne. Mais Washington en a décidé autrement. Les Européens sont priés de continuer à se procurer leur énergie au prix fort au Proche-Orient, tandis que ce gaz à bas prix est réservé à alimenter l’économie israélienne.
    Pour masquer le rôle décisionnaire de Washington, ce hold-up bancaire n’est pas présenté comme une exigence du FMI, mais comme celle d’une troïka incluant l’UE et la BCE. Dans cette perspective, la confiscation remplacerait une dévaluation rendue impossible par l’appartenance à la zone euro. Sauf qu’ici la dévaluation ne serait pas une politique de Nicosie, mais un diktat du patron de la BCE, Mario Draghi, l’ex-directeur européen de la banque Goldman Sachs, qui est précisément le principal créancier de Chypre.
    Madame Lagarde, ex-conseillère juridique du complexe militaro-industriel US, ne cherche pas à nuire à Chypre, mais à affoler les capitaux basés en Europe et à les guider jusqu’à Wall Street pour qu’ils relancent la finance US. Pourquoi s’en prendre à cette île ? Parce que c’est un des rares paradis fiscaux restant au sein de l’Union européenne et parce que les dépôts y sont principalement russes. Pourquoi le faire maintenant ? Parce que les Chypriotes ont commis l’erreur d’élire comme nouveau président l’États-Unien Nikos Anastasiades. Ils ont ainsi marché sur les pas des Grecs qui, victimes du même mirage américain, avaient élu comme Premier ministre l’États-unien Georgios Papandreou.
    Cette petite cuisine a cependant mal tourné. Le Parlement chypriote a rejeté à l’unanimité des suffrages exprimés la taxation confiscatoire des dépôts bancaires. Il y a là un apparent paradoxe. Le gouvernement libéral veut nationaliser une dixième des capitaux tandis que le Parlement communiste défend la propriété privée. C’est que cette nationalisation ne se ferait pas au profit de la collectivité nationale, mais de la finance internationale.
    Les conseils amicaux ont donc fait place aux menaces. On parle d’exclure Chypre de la zone euro, si les représentants de son Peuple persistent dans leur refus. Ce n’est pourtant guère possible. Les traités ont été ainsi conçus que la zone euro est un voyage sans retour. Il n’est pas possible de la quitter de son propre chef, ni d’en être exclu, à moins de quitter l’Union européenne.
    Or cette option, qui n’avait pas été envisagée par les racketteurs, est redoutée par Washington. Si l’île sortait de l’Union, elle serait rachetée pour une dizaine de milliards de dollars par Moscou. Il s’agirait du plus mauvais exemple : un État de la zone d’influence occidentale rejoignant la zone d’influence russe, dans un chemin inverse à tout ce à quoi on a assisté depuis la chute de l’URSS. Il ne manquerait pas d’être suivi par les autres États des Balkans, à commencer par la Grèce.
    Pour Washington, ce scénario catastrophe doit être évité coûte que coûte. Il y a quelques mois, il avait suffit au département d’État de froncer les sourcils pour qu’Athènes renonce à vendre son secteur énergétique à Moscou. Cette fois, tous les moyens, même les plus anti-démocratiques, seront utilisés contre les Chypriotes s’ils résistent.
    La Russie feint de ne pas être intéressée. Vladimir Poutine a négligé les offres avantageuses d’investissement qui lui ont été faites par le gouvernement Anastasiades. C’est qu’il n’a pas l’intention de sauver les oligarques russes qui avaient planqué leurs capitaux dans l’île, ni l’Union européenne qui les avaient aidé à organiser leur évasion fiscale. En coulisse, il a négocié un accord secret avec Angela Merkel qui devrait permettre une solution financière à la crise, mais devrait aussi déboucher sur une vaste remise en cause de règles européennes. Au passage, le Tsar a glané des informations étonnantes sur les investissements de la Russie dans l’île durant l’ère Medvedev ; des informations qu’il pourrait utiliser comme moyen de pression supplémentaire sur son inconsistant Premier ministre. 

    http://www.voltairenet.org

  • Syrie : la guerre des mots et des images

    Vous ne le saviez sans doute pas. Et pour cause. Dans ce pays-là, il y a eu 250.000 disparitions forcées en 20 ans dont 34.467 entre 2005 et 2010. Dans une seule fosse commune située près d’une caserne militaire, pas moins de 2000 corps ont été retrouvés. Des opposants politiques ont été donnés en pâture aux caïmans, des rebelles jetés vivants dans des fours crématoires, des syndicalistes éliminés par milliers, des villages bombardés par l'aviation, des jeunes ramassés dans la rue, emmenés en forêt, exécutés puis habillés par leurs assassins en combattants pour faire croire qu’ils ont été tués lors d’accrochages militaires, des militants des droits de l’homme dénonçant la barbarie abattus en pleine rue, des bourreaux du peuple bénéficiant de l’impunité, près de 600.000 personnes déplacées entre 2010 et 2011. Nous avons là toutes les caractéristiques d’une dictature qui assassine son peuple. Et pourtant, ce régime-là n’est jamais décrit comme tel par nos médias. Normal, c’est l’État colombien, enfant gâté de Washington, Paris et Tel Aviv. En somme, un régime ami…

     

    Pour savoir si nos médias sont réellement libres comme ils le prétendent, rient de tel que de comparer le traitement médiatique des conflits qui déchirent la Colombie, État aligné au « monde libre » et la Syrie, vilain petit canard de l’axe du Mal.

    Quand les médias occidentaux parlent de la Syrie, le mot « chabbiha » désignant les forces civiles loyalistes revient en boucle. Les chabbiha sont accusés de crimes barbares pour le compte de Damas.

    Mais avez-vous seulement entendu parler des Autodéfenses unies (AUC), des « Bacrim » ou de la Force Oméga qui sévissent quotidiennement en Colombie ?

    Dans les médias occidentaux, il est interdit de parler de « révolution » et d’insurrection populaire en Colombie.

    En revanche, les chirurgiens esthétiques de TF1, RTL ou France 24 travaillent d’arrache-pied pour relooker les djihadistes à l’œuvre en Syrie en zapatistes fleur bleue.

    En Colombie, les centaines de milliers de paysans pauvres, d’indigènes qui sont engagés à des degrés divers dans la résistance armée n’auraient rien à voir avec le peuple.

    En revanche, l’insurrection anti-baassiste serait la « révolution » de « tout un peuple » et ce, malgré l’existence de millions de citoyens syriens qui expriment une hostilité farouche envers l’opposition et une loyauté sans faille envers le gouvernement.

    Notre presse qualifie la révolution colombienne de « terrorisme », de « gang », de « maffia » ou encore de « narco-guérilla ». Elle est pourtant plus émancipée et moins dépravée que la prétendue « révolution syrienne », cette malheureuse courtisane enfermée dans le harem des rois du Golfe.

    Marie Delcas, correspondante du quotidien Le Monde (30 mai 2012) titrait : « La menace des FARC plane toujours ».

    Imaginez-vous un seul instant que l’Armée syrienne libre soit considérée comme une menace ?

    Lorsque la dictature colombienne commet des crimes, elle est toujours excusée. Dans le cas du régime terroriste de Bogotá, il n’y a ni indignation, ni sanction, ni résolution du Conseil de sécurité de l’ONU, ni menace d’intervention militaire, ni campagne de sensibilisation en faveur des victimes de la dictature, ni discussion sur l’armement des rebelles, ni fourniture de « matériel non létal ».

    Ne vous risquez surtout pas à défendre les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC), principal mouvement de résistance contre le régime de Bogotá, vous finiriez derrière les barreaux pour apologie du terrorisme et pire encore, excommuniés par l’Inquisition bobo pour blasphème idéologique voire hérésie stalinienne.

    Par contre, défendre les égorgeurs, les dépeceurs, les pillards, les génocidaires d’Al Nosra ou de l’ASL qui massacrent le peuple syrien avec l’aide de la CIA, des monarchies obscurantistes du Golfe et des gouvernements européens n’ayant pas plus d’estime pour leur propre peuple que pour le peuple syrien, ça c’est humaniste.

    Si vous parlez de résolution politique du conflit en Colombie, vous serez soupçonné de sympathie envers les FARC parce que « l’on ne négocie par avec des terroristes ». Et si vous parlez de résolution politique du conflit en Syrie, vous serez soupçonné de sympathie envers le président Assad parce que « l’on ne négocie pas avec des dictateurs ».

    Last but not least, les victimes de la répression du régime syrien ont droit à toutes les larmes et c’est légitime. Mais jamais les victimes du régime colombien. Eux n’ont ni voix, ni rêve, ni visage.

    Vous avez dit conditionnement idéologique ?

    Vous avez dit indignation sélective ?

    Bahar KIMYONGUR  http://www.legrandsoir.info

     

  • Le retour des Turcs « allemands »

    [Article du journaliste Laurent Glauzy en exclusivité pour Contre-info]

    Depuis 2006, les flux migratoires entre l’Allemagne et la Turquie ne cessent de s’inverser. En 2009, pour la première fois, 40 000 immigrés d’origine turque ont quitté l’Allemagne pour rejoindre le pays du Bosphore en plein essor économique, tandis que 30 000 de leurs compatriotes entreprenaient le chemin inverse. Grâce à la formation professionnelle reçue en Allemagne, les rapatriés turcs « allemands » peuvent prétendre à de meilleurs salaires et à des postes plus attractifs.

    Nombreux sont aussi les jeunes Turcs qui, ayant le mal d’un pays connu à travers les vacances, décident aujourd’hui de boucler leurs bagages pour s’engager dans l’armée. Leurs rêves se brisent dans la dure réalité d’une caserne d’Antalaya entre les gardes, les corvées et les ordres d’un sous-officier qu’ils ne comprennent pas. Ces recrues parlant souvent mieux le bavarois que le turc sont considérées comme des étrangers sur la terre de leurs ancêtres. Alors, après quelques mois, ils retournent définitivement en Allemagne. D’autres mettent à profit leurs économies pour ouvrir un commerce. La grande majorité des immigrés turcs sont de jeunes universitaires. « Un tiers des étudiants turcs vivant en Allemagne, envisagent leur carrière en Turquie, car par rapport à l’Allemagne le pays des origines offre un meilleur profil professionnel », argumente Marc Landau, Directeur de la chambre de commerce germano-turque. D’ailleurs, en Turquie, au siège de Mercedes-Benz, 30 % des employés occupant des postes de direction sont des Turcs « allemands ».

    Istanbul constitue le lieu de la plupart de ces retours. Le marché du travail y est prometteur et le choc des cultures y demeure supportable. Emine Şahin est architecte. Bien qu’elle eût une enfance choyée dans une petite ville du Land de Hesse, des amis allemands et une bonne scolarité, elle préfère tourner la page et quitter l’Allemagne. A Izmir, sur les bords de la côte occidentale, un emploi de chef de projet lui a été confié. Elle explique que « tous n’ont pas compris le potentiel que possède les Turcs d’Allemagne, car ils vivent entre deux mondes et sont déjà préparés à la globalisation ».

    L’élite de ces rapatriés se rencontre au Teras6, un bar bien fréquenté d’Istanbul. Ses membres désirent nouer des liens et former un réseau de connaissances. Ils redoutent cependant le contact avec cette culture inconnue et notamment avec la bureaucratie locale. C’est pourquoi, beaucoup de Turcs rechignent encore à partir d’Allemagne. Ils ne viennent pas comme des Turcs mais comme des Allemands : avec des valeurs et un mode de vie allemands. En Allemagne, certains universitaires d’origine turque préfèrent retarder leur projet de retour. Ils savent que leurs compétences seront concurrencées par des rémunérations encore trop basses : le salaire minimum est de 729 lires turques (380 euros) contre 170 euros pour l’aide au chômage. En outre, les nouveaux « rapatriés » sont perçus par leur « concitoyens » comme des rustres ou des prolétaires nouveaux riches arborant avec mauvais goût de fausses chaînes en or et conduisant des BMW en location. D’éminents Turcs d’Allemagne comme le régisseur Fatih Akin, le footballer Mesut Özil ou le Président des Grünen (écologistes) Cem Özdemir, surnommé par les médias turcs l’« Obama des Turcs », témoignent de cette réalité. Ces enfants d’immigrés sont l’objet en Turquie de beaucoup de scepticisme comme l’expose la chanteuse Şebnem Kisaprmak dans « Ich bin kein Deutschländer » (Je ne suis pas d’Allemagne). Elle parle sans scrupule de ces familles qui quittent l’Allemagne pour la Turquie, achètent un terrain, un bien immobilier et tirent vers le haut le prix du marché foncier. En préambule d’une rencontre de l’équipe nationale de football, quand la chanteuse pop belgo-turque Hadise Açikgöz entonna et écorna l’hymne national, elle a déclenché l’ire des nationalistes : « Elle n’a jamais été turque ; son turc est mauvais et elle n’a aucune connaissance de la culture turque », entendait-on. En 1969, Şükriye Dönmez était une enfant quand elle s’est installée avec ses parents à Kreuzberg, quartier populaire de Berlin (ouest) où elle vécut pendant quarante ans. Devenue actrice puis régisseur, elle habite maintenant dans un quartier culturel d’Istanbul qui ressemble à Kreuzberg. Elle y prépare un film sur le retour des Turcs d’Allemagne. Le titre sera « Kültürschock ».

    Ankara n’a jamais mené de politique d’aide au retour. En février 2008, à Cologne, le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan avait même reproché à ses ressortissants d’avoir abandonné « leur identité turque » et qualifiait « l’assimilation des immigrés turcs en Allemagne de crime contre l’humanité ». Jusqu’à présent l’orientation de la Sublime Porte se limitait à l’envoi de quelques imams en Allemagne, où aucun institut culturel turc n’était recensé. Cependant, Ankara a changé d’optique et entend fonder un « bureau pour les Turcs à l’étranger », une institution vers laquelle la diaspora mais aussi les rapatriés pourront se tourner. Et si les missions précises de ce bureau ne sont pas clairement définies, il y a quelques semaines, Erdogan défendait ce projet portant « l’espoir de la Turquie qui entend la voix de ses frères ouvriers travaillant en Europe et en Allemagne ».

    Laurent Glauzy http://www.contre-info.com
    Juillet 2010
    Article tiré de Atlas de géopolitique révisée, tome II

  • Effondrement du dollar et cycles de Kondratiev

    L’économiste russe Alexandre Aïvazov se fonde sur la théorie des cycles de Kondratiev pour prévoir l’effondrement de l’économie américaine aux alentours de 2014 et le transfert du leadership mondial vers la Chine. Le texte étudie également les perspectives de la Russie dans le monde “post-dollar”. Une synthèse du livre non traduit en français « Quand le dollar s’effondrera » (articles écrits entre 2008 et 2012).

    L’économiste russe Nikolai Kondratiev a émis une théorie des cycles longs, indiquant que l’économie pouvait se décomposer en périodes de croissance et de déclin, qui durent chacune entre 30 et 60 ans.

    À travers ses travaux, Kondratieff tente de démontrer la corrélation entre les cycles économico-boursiers et les excès de création monétaire basés sur la dette.

    Un cycle de Kondratiev est un cycle économique de l’ordre de 30 à 60 ans aussi appelé cycle de longue durée. Mis en évidence dès 1926 dans son ouvrage Les vagues longues de la conjoncture, il présente deux phases distinctes : une phase ascendante (phase A) et une phase descendante (phase B).

    Graphe retraçant le cycle de Kondratieff et les actifs à privilégier en ces différentes saisons. L’or et le cash sont les valeurs clé du moment. (Cliquer sur l’image pour l’agrandir)

    I. Grandes étapes des bouleversements à venir

     

    La récession qui a éclaté en 2008 dans les pays développés s’est diffusée à toute l’économie mondiale: le monde est entré dans la phase baissière du Cinquième grand cycle de Kondratiev, qui durera jusqu’en 2020-2025. La récession  durera jusqu’à la fin 2009, après quoi surviendra un léger soubresaut de l’économie mondiale dû aux mesures anticrise menées par les gouvernements occidentaux.

    Mais en 2012-2013 commencera une dépression bien plus profonde et grave que la dépression des années 1930. Elle va toucher de plein fouet le secteur réel de l’économie et les pays se protègeront en introduisant des mesures protectionnistes. Parallèlement, ils commenceront à se débarrasser d’un dollar déclinant.

    Quand ces mesures prendront un caractère massif, le troisième défaut du dollar aura lieu (le premier remontant à 1933, le second à 1971), et la pyramide constituée par l’ensemble des dettes accumulées par les USA s’effondrera. Les États-Unis déclareront alors au monde: « la liberté du commerce et la libre-circulation des capitaux sont la principale valeur des USA (à qui elle a permis de consommer 40% du PIB mondial en n’en produisant que 20%). Et comme le reste du monde viole la pierre angulaire de l’économie de marché spéculative et néolibérale avec ses mesures protectionnistes, nous renonçons au dollar en tant que monnaie de réserve. Nos dettes sont effacées« .

    Ce défaut sur sa dette s’accompagnera de la transition vers une nouvelle devise (probablement l’Amero avec le Canada, le Mexique, et peut-être la Grande-Bretagne). Les États-Unis décideront alors librement d’échanger les dollars contre les Amero au taux qui les arrange en fonction des affinités. Certains pays se verront refuser la conversion.

    Suite à cela, jusqu’en 2016, l’économie mondiale s’adaptera à cette nouvelle situation. Le monde entier verra émerger des groupements régionaux de type Union européenne autour de gros pays comme la Chine, l’Inde, la Russie etc. ou de blocs d’États (pays islamiques, Amérique latine). Ces unions se doteront de devises régionales, qui pourraient être adossées à l’étalon or. De nouvelles organisations, formées sous les auspices de l’ONU et libérées des dictats américain, prendront la relève de l’OMC et du FMI, ces instruments de régulation visant en réalité à imposer partout la doctrine néolibérale.

    Pendant la gestation de ces unions régionales on verra apparaître les bases des nouvelles innovations qui constitueront la 6e BASE TECHNIQUE industrielle de la période haussière du VIe cycle de Kondratiev. Il s’agira probablement des nano- et biotechnologies, de l’ingénierie génétique, des technologies de l’information, des télécommunications spatiales et digitales, de l’énergie verte etc. On assistera ensuite à la phase haussière du 6e cycle de Kondratiev. Toutefois, avant cela, on traversera en 2017-2019 à une crise d’adaptation moins profonde que la précédente (2015).

    La phase actuelle, la vague baissière du 5CK (5e cycle de Kondratiev) s’achèvera aux alentours de 2020, puis l’économie entrera dans une phase haussière qui durera environ 20-25 ans. Avant cela, nous devrons donc faire face à une série de crises liées à la gestation de la nouvelle base technique et d’une architecture globale de marché dotée de nouveaux organismes de régulation. Tout ceci se fera sur la base du néo-keynésianisme, qui détrônera l’idéologie libérale qui dominait depuis les années 1980.

    II. La chute inéluctable du dollar

    Après la Deuxième Guerre mondiale, le système financier international fonctionnait selon les règles instaurées à Bretton Woods. Ce système considérait comme unique monnaie de réserve internationale le dollar fermement indexé sur l’équivalent or (1 once d’or = 35 dollars). Différents pays ont d’ailleurs recouru au droit d’effectuer la conversion de leurs dollars en or, comme la France de De Gaulle. Ceci a nettement amenuisé les réserves des USA, qui détenaient 70% de l’or mondial au lendemain de la guerre. Bretton Woods a été remplacé par les accords de Jamaïque, qui déliaient le dollar de l’étalon or. Ce fut le début d’une vaste dégringolade.

    Actuellement, les USA, produisant environ 20% du PIB mondial, consomment près de 40% de la production mondiale avec moins de 5% de la population planétaire. 

    Comment le pays couvre-t-il cette différence? En imprimant des dollars et en émettant des bons du trésor et d’autres titres sans plus de valeur que le morceau de papier sur lequel elles sont imprimées. Le prix de ces obligations ne cesse de baisser, ce dont témoigne notamment la hausse de l’or. Actuellement, la dette américaine atteint 60 milliards d’euros, soit quatre fois le PIB américain et près de la totalité du PIB mondial.

    Si les USA décidaient de rembourser leur dette, ils devraient pendant quatre ans s’abstenir de consommer quoi que ce soit et verser la totalité de leurs revenus. Mais qu’il soit clair que les États-Unis n’ont aucune intention de rembourser leur dette, ce qui causerait une chute des dépenses publiques et une baisse du niveau de vie des Américains. C’est pourquoi ils ont transformé leur système financier en une énorme pyramide financière afin de prolonger sa durée de vie. Le tout appuyé par des agences de notation chargées de « confirmer » la solidité de la pyramide américaine.

    Car l’économie américaine fonctionne en fin de compte comme n’importe quelle pyramide financière. Le principe d’une pyramide? L’afflux de nouvelles entrées financières sert à honorer les engagements envers les investisseurs précédents et à réaliser différentes opérations (publicité, manipulation des taux, etc) visant à attirer encore et toujours de ressources. Mais les entrées d’argent doivent toujours être supérieures aux investissements précédents. C’est pourquoi toute pyramide possède une limite de croissance.

    Le système financier américain arrive actuellement aux limites de sa croissance. Quelle que soit la politique menée à l’avenir, l’effondrement du dollar est inévitable. Des processus de stagflation se dessinent, comme dans les années 1970. Les déficits budgétaire, extérieur et des paiements des USA s’approfondissent. Le niveau d’épargne est devenu négatif pour la première fois de toute l’histoire des États-Unis, et la valeur du dollar a été divisée par 1,5 ces cinq dernières années. L’or et les matières premières, de leur côté, augmentent. La méfiance envers le dollar et le système financier fondé sur cette devise s’intensifie dans de nombreux pays. La fuite hors du dollar vers l’euro a commencé (la Chine ayant déjà annoncé le transfert d’une partie de ses réserves en euros).

    III. Les cycles de Kondratiev

    Il y a plus de 80 ans, l’éminent économiste russe N. Kondratiev a formulé et théorisé l’existence de vastes cycles économiques (45-60 ans) durant lesquels se produit le renouvellement de la « réserve des principaux biens matériels ». Cela signifie que les forces productives mondiales évoluent vers un niveau plus élevé de développement. Ces cycles sont divisés en phase haussière et phase baissière. Le passage d’un cycle à l’autre est basé sur les processus d’accumulation, de concentration, de pulvérisation et de dévalorisation du capital en tant que facteur clé de développement de l’économie capitaliste.

    Pendant la révolution russe de février 1917, Kondratiev fut adjoint au ministre du Ravitaillement des gouvernements Lvov et Kerensky. Dans les années 1920, il est le brillant directeur de l’Institut des Conjonctures Économiques au Commissariat du Peuple aux Finances. Son passé, mais aussi ses théories gênantes démontrant que le capitalisme reprendrait son expansion après chaque crise, lui valut les foudres de Staline.

    « Chaque étape suivante du cycle est la conséquence des conditions accumulées au cours de la période précédente, et les cycles, dans un contexte d’économie capitaliste, se succèdent naturellement, tout comme les phases viennent l’une après l’autre. Il convient cependant de se rappeler que chaque nouveau cycle évolue dans de nouvelles conditions historiques concrètes, à un nouveau niveau de développement des forces productives, c’est pourquoi on n’est jamais en présence de la répétition pure et simple d’un nouveau cycle« .

    Voici la succession des cycles projetée par Kondratiev:

    Ier cycle: – Phase haussière: fin des années 1780-début des années 1790 – 1810-1817

    - Phase baissière: 1810-1817 à 1844-1851

    IIe cycle: – Phase haussière: de 1844-1851 à 1870-1875

    - Phase baissière: de 1870-1875 à 1890-1896

    IIIe cycle: – Phase haussière de 1890-1896 à 1914-1920

    - Phase baissière de 1914-1920 à 1936-1940.

    IVe cycle: -  Phase haussière: de 1936-1940 à 1966-1971

    - Phase baissière: de 1966-1971 à 1980-1985

    Ve cycle: -  Phase haussière: de 1980-1985 à 2000-2007

    - Phase baissière: de 2000-2007 à 2015-2025

    VIe cycle: – Phase haussière: de 2015-2025 à 2035-2045

    Kondratiev a été emprisonné en 1930 et fusillé en 1938, sa théorie ayant été mal perçue des autorités soviétiques (il était notamment hostile à une planification rigoureuse sans prise en compte de la réaction du marché). Son travail est passé aux oubliettes pendant près de 60 ans avant d’être redécouvert dans les années 1985 et affiné par différents économistes. Kondratiev était tout de même parvenu à prédire avec précision la phase baissière de la fin des années 1920 (grande dépression).

    Chaque cycle repose sur un agrégat de technologies de base, vecteur de développement qui va donner naissance à différents secteurs économiques et générer de nouveaux investissements. Il est à noter que cette base technologique est créée pendant la période baissière de la phase précédente, chaque crise contenant les germes de la croissance future. L’évolution du nouveau cycle se caractérise de la sorte: étape pionnière (implantation des nouvelles technologies), expansion (utilisation de masse), saturation, et disparition complète de toute perspective d’expansion future.

    Dès l’étape de saturation, on note une baisse du rythme de croissance, on observe çà et là des phénomènes de surinvestissement et des capacités excédentaires. Le profit devient si faible dans le secteur réel que ce processus n’est plus attrayant. L’argent se dirige alors vers les spéculations financières, où ils dégagent des profits phénoménaux. Des bulles se forment dans l’immobilier, les finances etc., provoquant en fin de compte la disparition du capital qui y est investi.

    Les périodes de crise (phase baissière) exigent objectivement un renforcement du rôle dirigiste et des fonctions de l’État dans l’économie avec une forte restriction de l’utilisation des schémas libéraux. A l’inverse, les périodes de hausse exigent au contraire plus de liberté pour les entrepreneurs et la prise de décisions en matière d’investissement, la levée des obstacles aux flux de capitaux, et une plus grande flexibilité du marché du travail.

    Cette libéralisation est nécessaire afin de permettre l’assimilation des innovations de base, la réorganisation structurelle et l’expansion économique. Cependant, en phase de saturation, cette libéralisation mènera à la surchauffe de l’économie et à la formation de différentes bulles et pyramides, accélérant l’arrivée de la crise et une nouvelle vague d’ »étatisation » de l’économie.

    6CK

    Graphique permettant de visualiser la crise actuelle (phase baissière du Ve CK) et le début de la phase haussière du VIe CK. Verticale: PIB mondial, horizontale: années.

    IV. Consensus de Washington vs. Consensus de Pékin

    Actuellement, la Russie est dominée par le modèle de développement économique néolibéral. Ce modèle est qualifié par Aïvazov de « spéculatif », car son essence est de détruire tout obstacle à l’accumulation incontrôlée de capitaux par le biais de la spéculation. C’est l’économie dite « casino ».

    Ce modèle s’est imposé dans les années 1980 avec l’arrivée au pouvoir de Reagan et de Thatcher. Les vecteurs de cette idéologie étaient les grandes compagnies transnationales qui ont alors accumulé une immense puissance financière et économique. Leur capitale officieuse est la City de Londres, les grandes compagnies ayant auparavant, selon Aïvazov, cherché à s’implanter à Paris en demandant le transfert de la capitale française à Lyon.

    Les grands axes du « consensus de Washington » sont:

    - Politique du pays visant en premier lieu à le rendre attrayant aux yeux des investisseurs.

    - Réduction au strict minimum des programmes d’aide sociale. Monétisation de ces derniers.

    - Politique monétaire restrictive profitant aux riches.

    - Totale liberté de déplacement des capitaux

    - Privatisation et transformation de toute ressource en bien de consommation.

    - Réformes fiscales visant à imposer le gros du fardeau aux couches les plus pauvres de la société.

    Le « consensus de Washington » a été à la base des réformes menées en Russie, en Amérique latine, en Europe de l’Est et en Asie, à l’exception de la Chine, par le biais du FMI et de la Banque mondiale.  Le principe était de forcer ces pays à ne pas créer leur propre système financier, mais à s’arrimer à des devises étrangères, principalement le dollar.

    Face au consensus de Washington a peu émergé une alternative parfois qualifiée de « consensus de Shanghai », qui a permis d’assurer une forte croissance, d’éviter l’instabilité politique, et malgré la pression du FMI/BM, de mettre en place un système financier sous contrôle souverain.

    C’est précisément la Chine qui montre que la croissance économique n’est pas uniquement possible sous la bannière américaine, mais aussi sous le contrôle d’un État souverain. Un État qui soutient l’innovation, renforce la politique industrielle, et soutient l’expansion des entreprises nationales sur la scène internationale.

    Ses principes de base sont:

    - Assurer la croissance en maintenant une indépendance vis-à-vis du capital international.

    - Efforts d’innovation et recherche.

    - Protection des frontières nationales et des intérêts nationaux.

    - Accumulation d’instruments de force asymétrique (par exemple des milliards de dollars de réserves de change).

    La Chine a obtenu une stabilité monétaire, et cherche à renforcer la justice sociale en augmentant la part du PIB redistribuée par l’État et en intensifiant le contrôle sur le gros capital privé. Pékin ne vit pas la mondialisation comme une libéralisation totale, l’État conservant une importante mainmise sur l’économie (de l’ordre de 65%). Le géant asiatique s’impose en outre comme le moteur de processus de régionalisation à différents niveaux (BRICS, ASEAN, OCS, etc).

    V. Trois modèles pour demain

    Nous entrons actuellement dans une phase de grands bouleversements. Le monde, tel les trois preux russes, se demande: par où aller? Actuellement, on voit émerger trois grands modèles, qui se dessineront de façon précise après la phase baissière du cycle de Kondratiev (d’ici 2015).

    a) Le modèle des néoconservateurs américains. Ce modèle est fondé sur la manipulation de la conscience collective à l’aide des médias transfrontaliers, des drogues, et de la culture pop. Son but final: l’implantation de cartes à puce dans tous les domaines de la société, et même l’être humain afin de le contrôler. Les néocons prévoient l’utilisation d’armées de mercenaires privées pour régler les questions sensibles en contournant les organisations internationales. Ses instigateurs cachent leurs fonds dans différents paradis fiscaux. L’utilisation du « terrorisme » à des fins de manipulation collective devrait s’intensifier dans le cadre de ce modèle.

    b) Le modèle néokeynésien ou modèle chinois est pratiquement l’incarnation de l’idée de Kondratiev selon laquelle un plan étatique doit exister, mais qu’il est vérifié et confirmé par le marché. Kondratiev était opposé à une planification dirigiste stricte, mais considérait que les objectifs devaient être combinés à de fines adaptations et réglages de marché, définis par le consommateur final. Un modèle éprouvé lors de la dernière crise, lorsque la Chine a compensé la chute de ses exportations en investissant dans la hausse de son marché intérieur et dans des projets d’investissement. La Chine a réduit ses pertes et aidé d’autres pays à surmonter la crise.

    c) Modèle islamique. Ce modèle acquiert dernièrement un rayonnement croissant. Les investissements réalisés conformément à la loi islamique constituent une sorte de placement éthique. Les investissements dans certains activités telles que la vente d’alcool, la promotion des jeux de hasard etc sont interdits. Les banques islamiques refusent l’usure. Les banques possédées par des actionnaires et les établissements de dépôt y sont séparés. En outre, les établissements islamiques ne prennent pas part aux activités spéculatives et à l’économie dite « casino ».

    VI. D’où vient la Russie?

    La Russie a toujours eu un temps de retard sur l’évolution des autres économies, les guerres ayant au cours de l’histoire constitué la « preuve » de cette arriération.  Alors que l’Angleterre était équipée de navires à vapeur, la flotte russe était uniquement constituée de navires à voile, car l’occident était en phase de gestation d’une nouvelle Base technique. Cette Base technique, la Russie l’a laissée échapper en raison de la « stabilité » prônée par les dirigeants de l’époque de Nicolas Ier. La guerre de Crimée de 1853-56 a mis à jour ce retard pris par la Russie.

    La « stabilité » de l’époque d’Alexandre III et le début du règne de Nicolas II ont débouché sur la défaite lors de la guerre russo-japonaise. La nouvelle base technique fondée sur l’électricité, formée à l’Ouest au dernier tiers du XIXe siècle, n’a commencé à voir le jour en Russie que 40 ans plus tard, sous l’URSS.

    Une seule fois au cours des 250 dernières années, la Russie a été à l’ “avant-garde de la compétition économique”: c’est quand elle a utilisé la grande dépression (phase baissière du IVe CK) afin de posséder les dernières innovations. La façon dont une telle percée a été réalisée (goulag, Golodomor) constitue une autre question.

    Mais le fait est qu’en trois plans quinquennaux, l’URSS est parvenue à faire surmonter au pays un retard de 40 ans. Le pays est remonté dans le peloton de tête, s’assurant la victoire lors de la 2 GM et par la suite ses succès dans le domaine spatial.

    L’URSS a par la suite manqué une nouvelle étape technique durant la « stagnation » sous Brejnev, ce qui a provoqué sa défaite lors de la guerre froide.

    Concernant les perspectives de la Russie dans le futur (6e) cycle de Kondratiev: les slogans scandés par les dirigeants russes, qui appellent à mettre en place une « économie de l’innovation », resteront lettre morte tant qu’ils s’efforceront d’arrimer l’économie russe au dollar américain au lieu de financer la mise en place des infrastructures de la prochaine révolution technologique.

    VII. Où va la Russie?

    La Russie est dans une situation paradoxale: d’un côté Moscou, par la bouche de son leader national, a ébauché une doctrine (Stratégie 2020) absolument en phase avec les exigences du Sixième cycle de Kondratiev; de l’autre, ce même leader national et les personnes en charge de l’économie russe au sein du gouvernement et de la Banque de Russie affichent dans leur politique une totale soumission aux principes du Consensus de Washington et au modèle néolibéral, à l’origine de la crise.

    Les principes du Consensus de Washington ont été imposés à partir de 1992 en Russie sous la pression du FMI. Le défaut de paiement de la Russie de 1998 a été la conséquence directe des réformes libérales menées au pas de course (« thérapie de choc »).

    Si l’on observe la politique monétaire menée par la Russie jusqu’à une date récente, on constate que le principal canal d’émission du rouble est l’achat de devises étrangères. La Banque centrale de Russie imprime de l’argent, stimulant de la sorte l’inflation, non pas en fonction des besoins de l’économie nationale, mais uniquement en vue du rachat des devises étrangères.  D’énorme sommes ont en outre été allouées au Fonds de stabilisation en devise, arrimant de la sorte l’économie du pays au dollar US. Cette politique a notamment obligé les banques et entreprises russes à aller emprunter de l’argent à l’étranger pour assurer leur développement. C’est précisément ce qui a cantonné la Russie au statut d’économie de matières premières.

    Les discours appelant à mettre en place en Russie une économie de l’innovation resteront lettre morte tant que le pays restera attelé au consensus de Washington; les puissances occidentales ne tolèreront pas que la Russie passe du statut de marchand de matières premières à celui de concurrent.

    La Russie est actuellement face à un choix historique. Si notre pays continue d’évoluer dans le sillage du système financier américain, en pensant passivement que « si ça se trouve on s’en sortira », notre système sera enterré sous les décombres de la pyramide américaine.

    En effet, la Russie n’a pour le moment pas été capable de mettre en place un système financier souverain. Le ministère russe des Finances et la Banque de Russie financent en réalité le déficit du budget US, mais pas les banques et corporations russes. Ce n’est que quand le tonnerre a grondé en 2008 que nos autorités financières se sont rappelées l’existence d’un système financier russe autonome, créant en toute hâte un système de refinancement au sein du pays et insufflant de l’argent dans l’économie russe. Ceci a notamment permis  d’éponger les crédits en devises des entreprises russes.

    Les tentatives visant à sauver le système financier actuel sont vouées à l’échec. Si elle se lance dans cette voie, la Russie sera perdante.

    Mais il existe une autre voie possible. La Russie peut saisir au bond la balle de l’initiative civilisationnelle, et se poser en architecte en leader du « monde post-dollar » en promouvant les réformes nécessaires avec les BRICS et d’autres pays.

    Aucun autre Etat que la Russie n’a l’expérience nécessaire dans ce domaine. Même la Chine n’est pas encore assez mûre. Elle n’a pas l’expérience de  puissance mondiale que la Russie, héritière de l’URSS, a formée après la Seconde Guerre mondiale pendant la Guerre froide. L’Europe divisée s’est confinée au rôle de vassale des Etats-Unis.

    La Russie peut être la locomotive de l’architecture du futur système mondial, destinée à surmonter les conséquences destructrices de la phase baissière du Cinquième cycle de Kondratiev. Quand en 2012-2015 l’économie américaine s’effondrera, la Russie, riche de ses étendues immenses, de ses fantastiques réserves de matières premières, des terres les plus fertiles au monde et d’un fort potentiel scientifique, pourrait devenir le centre d’attraction des investissements du monde entier et d’utilisation des technologies de pointe.

    La Russie doit absolument intégrer l’OPEP, créer une « OPEP du gaz », mais aussi promouvoir une « OPEP alimentaire » vouée à organiser la lutte contre la spéculation effrénée sur les marchés.

    Il faut ici se rappeler comment la Russie est parvenue, lors de la phase baissière du 4e cycle de Kondratiev, à utiliser la Grande dépression de 1929 pour rattraper son retard, modernisant et industrialisant son économie, ce qui lui a permis de remporter la Seconde guerre mondiale, d’atteindre la parité militaire avec les États-Unis et, par la suite, de remporter la bataille pour la conquête de l’espace.

    Si la Russie continue durant la phase baissière du 5e cycle de Kondratiev à soutenir un système financier en ruine avec ses réserves de change et les moyens de son Fonds de stabilisation, elle périclitera. Il faut donc investir les fonds russes dans les innovations de la nouvelle (6e) Base technique, dans l’infrastructure du pays, et peut-être en dernière instance dans des corporations occidentales dépréciées qu’elle pourra racheter à bas prix. Mais surtout, elle doit éviter à tout prix d’investir dans les instruments financiers d’un système américain en faillite.

    Les choix historiques ont une importance cruciale: il y a 100 ans, la Russie réalisait une erreur stratégique en se mettant aux côtés de l’Alliance dirigée par l’empire britannique et la dynastie Rothschild. Le résultat fut la révolution, la destruction de l’Empire russe, la guerre civile. Une mer de sang et les souffrances de millions de gens: tel est le prix d’une erreur que Nicolas II paya lui aussi de sa vie.

    Actuellement, la Russie est exactement dans la même situation: choisira-t-elle de soutenir un système appartenant au passé, mais encore puissant, incarné par les pays anglo-saxons et Israël, ou s’alliera-t-elle aux nouveaux centres de l’économie mondiale (BRICS, OCS, Union eurasiatique) représentant le moteur de l’avenir? Telle est la question.

    Impressions russes   http://fortune.fdesouche.com

  • Les trois bases du journalisme

      Il ne vous a pas échappé que les mensonges des médias, non seulement sont de plus en plus gros mais aussi de plus en plus nombreux. Leur "amitié particulière" avec le milieux (au sens mafieux) politique,  l'industrie bancaire et de l'armement y est sans doute pour quelque chose.

        Mais depuis les soit-disantes révolutions arabes "spontanées" , organisées par les USA et Israel dans le but de remodeler tout le moyen orient pour leurs seules besoins (et la création du Grand Israel) , le nombre des média-mensonges est devenue quasiment exponentiel.

      Des reportages sur la Lybie et sur la Syrie bidonnés par la célébrissime  propagandiste CNN (lien) au reportage de Martine Laroche-Joubert, dont le montage plus que douteux  montre la navrante tentative de manipuler l'opinion française et international (lien).

     Depuis quelques jour c'est une orgie d'Amérique qui sature nos écrans 16/9. On a l'impression de devoir aller voter pour les démocrates ou les républicains dans le bureau de vote le plus proche. Quand a l'ouragan Sandy,  si il avait frappé la France , on en aurait moins entendus parlé. D'ailleurs quand il a dévasté Haiti, qui ne se remet toujours pas de son tremblement de terre, nos glorieux journaloppettes  n'ont du en parler qu'a peine 5 minutes.

    Deux poids , deux mesures, comme d'habitude.

        Maintenant c'est au tour du mariage gay, avec en intermède un invraisemblable culte de la personnalité voué a Netanyahu, le lieder de l'extrême droite israélienne la plus hystérique et nauséabonde, depuis les années 30.

    Avez vous entendu parler de la chasse au noir dans les rues des villes israeliennes? Ben non.  (lien)

    Et ne parlons pas de la cabale artistique faite par l'ensemble des médias a Dieudonné, dont ,a l'origine, était juste un petit sketch sur les colons israeliens.

    Gravissime erreur de l'humoriste qui croyait encore en la France de la libre parole. Les chiens chiens a leur maimaitres furent lâchés, et ils se sont régalé.

    De toutes façon , tout cela n'est que rideaux de fumées, de façon a détourner les citoyens des vraies problèmes.

    Et vous allez rire, ça marche!!! 

          Le mensonge par enfumage, le mensonge par amalgame, le mensonge par omission, le mensonge par exagération, le mensonge par détournement d'images, le mensonge par détournement de propos etc... voila résumé le journalisme français.

    Les médias français ont appris a conjuguer le verbe mentir a tous les temps et en toutes occasions.

    La philosophie du bonheur journalistique servant de base non seulement aux médias français mais aussi a ceux de toute la planète entière pourrait être :

      - je n'entends (ou n'écoute) pas la vérité (par contre j'entends bien la voix de mon maître)

      - je ne vois pas la vérité (regardons ailleurs, ça vaut mieux)

      - je ne dis pas la vérité (le plus important)

    La philosophie du bonheur journalistique

    Et surtout rappelez vous : NO VERITAS IN MASS MEDIAS

     La vérité n'est pas dans les médias de masse.

    http://euro-synergies.hautetfort.com/