À la suite de notre dossier consacré à « La dictature en marche ! », dans le dernier numéro d’« Éléments », nous avons longuement interrogé Ariane Bilheran, qui vient de sortir une très riche « Psycho-pathologie du totalitarisme » aux éditions Guy Trédaniel. Normalienne, philosophe, psychologue clinicienne, docteur en psychopathologie, collaboratrice de l’« Antipresse » de notre ami et collaborateur Slobodan Despot, nul n’était en effet mieux placé qu’Ariane Bilheran pour analyser l'actuel contexte de répression, en revenant notamment sur la notion de totalitarisme dont l’ombre plane au-dessus de nos têtes.
ÉLÉMENTS : La philosophie politique contemporaine oppose nettement le totalitarisme et la démocratie. Cette distinction vous paraît-elle toujours pertinente ?
ARIANE BILHERAN. En 2010, dans un essai intitulé Tous des harcelés ?1, j’avais créé cet oxymore de « démocratie totalitaire », pour décrire un régime politique qui se donne l’apparence de la démocratie mais se laisse chaque jour gagner davantage par des processus totalitaires. Disons que nous ne sommes plus du tout en démocratie car en démocratie le peuple est souverain. Le peuple ne décide plus rien ; le pouvoir lui a été confisqué : il ne lui reste plus qu’à subir.