Du sénateur Sébastien Meurant :
Alors que, depuis plusieurs semaines, les rumeurs d’une vente de la société Pont-à-Mousson au chinois Xinxing Ductile Iron Pipes se multiplient, je suis sidéré de l’absence de réactions gouvernementales. Mais cela montre, du moins, clairement que cette équipe est bien plus efficace dans le « grand bla-bla » que dans l’action. Elle ne cesse de nous parler d’écologie, elle ne cesse de nous parler d’investissement et de croissance, elle ne cesse de nous parler de « patriotisme européen », mais la réalité est exactement inverse.
1) L’eau est, selon les dirigeants, un secteur stratégique. Jusqu’ici, je suis d’accord. Eh bien, qu’en déduit-on ? Qu’il faut brader notre principal équipementier d’eau à une société chinoise, c’est-à-dire une société liée à l’Etat chinois qui est notoirement l’un des plus gros pollueurs de la planète. M. Macron, M. Philippe, M. Le Maire nous assurent tous que, grâce à leur action énergique, la France va retrouver le chemin de l’investissement et de la croissance. On voit ça ! Dans la pratique, les plus beaux fleurons de l’industrie française partent sous pavillon étranger – souvent bradé bien au-dessous de leur valorisation réelle. M. Le Maire dit, paraît-il, qu’il n’est pas opposé au rachat de Pont-à-Mousson par Xinxing. Cela me laisse pantois. Il s’agit tout de même du dernier haut-fourneau français, ce qui va fortement augmenter notre dépendance à l’étranger sur un secteur pourtant dit « stratégique ».
A entendre les commentaires, on jurerait qu’il s’agit d’une jolie pièce de musée sans grande importance économique. Mais, au-delà de ce dernier haut-fourneau (dont la cession serait par ailleurs hautement symbolique du choix politique de la désindustrialisation), il s’agit aussi d’un chiffre d’affaires de plus d’un milliard d’euros, de 5 usines en France et 5 autres en Europe, de 2200 salariés en France, et – une paille ! – de 1500 brevets. Pense-t-on vraiment qu’il soit insignifiant de céder une société aussi importante ? D’autant que l’acheteur potentiel, lié à l’armée chinoise, est en surproduction et que cela entraînera logiquement la fermeture à brève échéance des usines européennes. En fait d’investissement, nous proposons à une puissance étrangère de récupérer nos brevets, notre réseau commercial et de partir en claquant la porte : brillante conception du développement économique !
Il paraît que voter LREM aux prochaines européennes, c’est voter pour l’Europe-puissance. Heureusement qu’on nous le dit, car nous aurions pu croire qu’il s’agissait de voter pour l’Europe-passoire. Au passage, sait-on comment Pont-à-Mousson s’est trouvé en difficulté financière (en France car, au plan mondial, la compagnie se porte bien) ? Tout simplement parce que les lois idiotes par lesquelles nous nous sommes liés nous-mêmes poussent, quand elles n’obligent pas, à choisir systématiquement le « moins-disant » – même quand ce choix ruine nos emplois ou détruit l’environnement. Encore tout récemment, la société du Canal du Midi – pourtant financée sur fonds publics – a refusé d’acheter les tuyaux de Pont-à-Mousson et préféré les tuyaux d’un fabricant indien de bien moins bonne qualité. A long terme, c’est un choix absurde, même au strict plan économique. Mais c’est un choix malheureusement habituel.
On me dit : on ne peut tout de même pas nationaliser. Mais il existe mille autres solutions. A commencer par celle qui consiste à exiger la réciprocité dans les accords commerciaux. Si, au lieu d’ânonner les mantras des années 1990, nous regardions un peu le monde évoluer, nous verrions que le temps des accords bilatéraux et réciproquement bénéfique est revenu. C’est « l’ancien monde » qui croit encore dur comme fer que l’abaissement unilatéral de nos frontières est systématiquement positif.
En abandonnant à Bruxelles la quasi-totalité des négociations en matière commerciale, nos gouvernants ont fait le choix délibéré de la désindustrialisation et du chômage de masse. Pour ma part, je ne m’y résigne pas et je continue à considérer que la France, si elle n’était pas asservie à des lois ineptes et, plus encore, à des dirigeants qui se moquent comme d’une guigne des Français, a parfaitement les moyens de se défendre dans la compétition économique mondiale.
Ce que nous ferons de Pont-à-Mousson pourrait bien devenir un cas d’école…