Mai 68 vient d'avoir lieu. Michel Pinton, polytechnicien, rencontre Valéry Giscard d'Estaing. Le trentenaire voit en l'ancien ministre des Finances une « forme rajeunie du gaullisme » (1). En 1974, il sera de ceux qui le porteront à l'Elysée. A la création de l'UDF, en 1978, il en devient le secrétaire général. Michel Pinton, qui a aussi été député européen, est aujourd'hui maire de Felletin (Creuse). Ce conservateur souverainiste et catholique, qui n'est pas sans rappeler Jean Jaurès, se bat contre les effets de la mondialisation et contre « l'idéologie européiste » (2).
☟Le Choc du mois: A la suite de quels désaccords vous êtes-vous séparé de Valéry Giscard d'Estaing ?
☝ Michel Pinton : Ce qui a provoqué la rupture entre nous, c'est la différence croissante de nos visions du monde après la chute du mur de Berlin et la signature du traité de Maastricht. Pour vite résumer les choses, je dirais que Giscard a tiré de l'effondrement du communisme et de la marche vers la monnaie unique une idée principale, à savoir qu'il fallait que l'Europe s'unisse, et même, plus encore, qu'elle « s'approfondisse », comme on disait à l'époque. Il mettait toute sa foi dans une sorte de fusion entre la France et l'Allemagne et la création d'une fédération supranationale entre ces deux pays, ce qui me semblait une mauvaise analyse de la situation mondiale et européenne. Je pensais que la chute du mur de Berlin démontrait au contraire que cet élargissement de l'Europe devait aller de pair avec la diversité des choix, et que si l'on cherchait à mettre de force tous les peuples dans le même carcan, cela ne marcherait pas.
Notre rupture pratique est donc venue au moment du traité de Maastricht et de nos divergences sur ce que devait être le devenir de l'Europe : il était naturellement un chaud partisan de l'euro, dans lequel il voyait un instrument essentiel pour faire de l'Europe une unité solide et prospère ; moi j'en avais une vision exactement inverse : celle d'un moule monétaire. Nous nous sommes donc séparés à ce moment-là, et en dépit d'une amitié qui demeure, sans aucun doute, vivace entre nous, nos avis sont désormais trop éloignés pour que nous puissions à nouveau travailler ensemble. L'âge qu'il a aujourd'hui, de toute façon, fait que cela n'a plus grande importance.
« Le pouvoir est ailleurs que dans la volonté du peuple français »
☟ Pour quelles raisons êtes-vous si attaché à la souveraineté nationale ?
☝ La souveraineté nationale, pour moi, c'est une évidence : s'il n'y a pas de souveraineté politique, il n'y a pas de nation. La souveraineté a été le fondement de la politique française depuis plus de mille ans. Par conséquent, si elle disparaît, il n'y a plus de France, tout simplement. Or, on essaie précisément aujourd'hui de nous mener vers cette voie, consistant à partager notre souveraineté avec d'autres pays voisins. En réalité, on ne partage rien : on ne fait que donner le pouvoir à une technocratie irresponsable. Il ne faut pas s'étonner que cela ne soit pas populaire. Le peuple français voit bien, depuis quinze ans, que ses votes ne servent plus à grand-chose et que le pouvoir est ailleurs que dans sa propre volonté.
☟ Vous avez intimement connu Jacques Chirac. Quelles impressions vous a-t-il laissées ?
☝ Je l'ai connu en 1968, en même temps que Giscard. Nos rapports personnels ont été bons jusqu'à ce que, comme secrétaire général de l'UDF, je sois conduit à prendre parfois position contre le RPR, ce qui bien sûr ne lui a pas plu. C'est un homme qui a adopté avec l'âge des positions idéologiques qu'il n'avait pas quand il était plus jeune. Il était très sensible, à l'époque, à une certaine forme de réalisme politique, même si par ailleurs son opportunisme n'avait rien de méchant ou d'agressif. Il faisait avant tout ce qu'il fallait pour plaire à l'opinion et être élu. Je ne l'ai jamais connu animé par les préoccupations ultérieures de ses deux mandats présidentiels, lorsque, une fois président, il s'est fait le champion des droits de l'homme, des minorités et de la repentance anti-vichyste. Dans les années 70-80, ces questions ne l'intéressaient même pas.
☟ Peut-on considérer que vous êtes un dissident à l'intérieur de la droite française ?
☝ Sur certains points, oui, mais il faut savoir exactement ce que l'on entend par la droite. Il y a une droite avec laquelle je ne me suis jamais senti à l'aise, celle qui est européiste, atlantiste, mondialiste, et qui, à mon avis, a renié ses propres racines. Cette droite-là n'a jamais été la mienne. Car c'est aussi une droite qui n'aime pas regarder en face ses propres carences et ses erreurs, et je pense qu'il faut toujours avoir le courage de regarder ses erreurs en face. Par contre, je me sens proche d'une droite qui est avant tout une fibre populaire et une manière de sentir la France.
« On enferme les peuples européens dans un carcan »
☟ Quelles ont été pour vous les fautes politiques principales de Giscard et de Chirac ?
☝ La principale faute de Giscard, c'est de ne pas avoir compris - ou plutôt de ne pas avoir voulu comprendre, car il était assez intelligent pour le faire - qu'ayant été élu en 1974 contre Jacques Chaban-Delmas par un électorat populaire de droite, il ne pouvait ensuite passer une bonne partie de son temps à essayer de séduire des partis de gauche en prenant des mesures que son électorat ne demandait absolument pas. Son européisme, notamment, qui était très fort, ne correspondait pas du tout aux attentes de ceux qui l'avaient élu. Sa défaite a été pour lui une grande surprise, car il était persuadé que ce qu'il faisait répondait aux désirs des Français, ce qui n'était pas vrai.
En ce qui concerne Chirac, c'est un peu la même aventure : il a été élu lui aussi par des votes populaires, qui manifestaient une grande méfiance envers l'Union européenne. Il a été élu en 1995, à l'époque de la préparation de l'euro, et il avait promis lors de sa campagne qu'il y aurait un nouveau référendum après celui de 1992 pour l'application de la monnaie unique ; du reste, sa promesse centrale de réduire la fracture sociale impliquait forcément que l'on ne fît pas l'euro. Or, à peine élu, Chirac s'est dépêché de trahir cet électorat et de mener une politique favorable aux intérêts de Bruxelles, ce qu'il a payé très cher, en décembre 1995. en 1997 et en 2005.
Les deux hommes, en fait, ont commis l'erreur de vouloir s'affranchir de leur électorat. de ne pas tenir les promesses implicites qu'ils lui avaient faites, et de se laisser ainsi attirer par le mirage du centre ou du centre-gauche, qui n'est jamais qu'un faux consensus exalté par une presse en trompe-l'œil.
☟ Y a-t-il un centre politique en France, et quel sens donniez-vous à ce mot lorsque vous dirigiez l'UDF ?
☝ L'UDF, pour moi, c'était le centre-droit. Le RPR, à mes yeux, devait occuper une place tout à fait à droite : je voyais la vocation de Chirac comme étant en fait proche de ce qui serait ensuite celle de Le Pen. Or, Chirac a déplacé le RPR vers le centre et donc a fait surgir, par contrecoup, le Front national. Mais cette évolution n'était pas écrite à l'avance, loin de là, et la bataille entre le RPR et l'UDF, telle que je la voyais dans les années 80, était une bataille pour la possession de la droite populaire. Je ne pensais, pas non plus que l'UDF pût s'élargir depuis le centre-droit vers le centre-gauche. Cela a du reste été impossible : Giscard s'est heurté à l'union de la gauche. Il y a bien un électorat centriste en France, mais il est minoritaire : vous le retrouvez aujourd'hui dans les 7 % de François Bayrou en 2002 et au premier tour des dernières législatives.
☟ Pour quelles raisons êtes-vous devenu, vous le fondateur d'un parti qui se veut européiste, un adversaire déterminé de la construction européenne ?
☝ Je précise que je ne me suis jamais considéré comme un adversaire de l'Europe, mais je suis devenu effectivement un adversaire de l'idéologie européiste à partir du moment où elle a commencé à devenir ce qu'elle est aujourd'hui, c'est-à-dire à partir de 1986 et l'arrivée de Jacques Delors à la tête de la Commission.
Ma vraie hostilité toutefois ne s'est manifestée qu'avec le traité de Maastricht, en 1992. Le projet d'arrimage du franc au mark qui a abouti à l'euro m'a semblé et me semble toujours néfaste, parce que c'est une contrainte qu'on impose aux peuples de l'Europe. On les enferme clans ce que j'ai appelé un carcan, à partir duquel tout découle : on fait de la monnaie unique le point d'ancrage des politiques économiques. Cela me paraît à la fois une hérésie sur le plan de la doctrine économique et une contrainte très forte appliquée à la vie des peuples.
Désormais, à cause de cette politique, il n'y a plus d'ajustement possible que par la pression sur les salaires et sur l'emploi.
C'est une manière de faire que je trouve inhumaine, et qui n'est absolument pas indispensable. Je sais bien qu'elle fait partie des modes actuelles, qui viennent pour l'essentiel des Etats-Unis, mais elle est appliquée avec une rigueur implacable par Bruxelles et par ceux qui nous gouvernent, sans que cela soit justifié par rien de sérieux.
La nécessité d'un « dialogue fécond entre le temporel et le religieux »
☟Vous êtes également très attaché à une certaine forme de collaboration entre l'Etat national et l'Eglise catholique romaine. Pour quelles raisons ?
☝ J'ai surtout réfléchi à la signification profonde de la laïcité. Elle existe dans toutes les nations occidentales, en Europe et aux Etats-Unis : partout, il y a séparation entre l'Eglise et l'Etat. Mais il ne faut pas s'illusionner sur le sens de cette séparation : aujourd'hui, beaucoup veulent faire croire qu'elle signifie coupure. On pense couramment que les convictions religieuses sont seulement une affaire de choix personnel, qui n'ont rien à voir avec la vie publique, laquelle est censée être avant tout dans l'Etat.
J'ai essayé de montrer que c'est faux : en réalité, la séparation entre l'Eglise et l'Etat signifie qu'il doit y avoir un dialogue permanent entre deux puissances qui ont besoin l'une de l'autre, même si leurs domaines d'activité respectifs sont tout à fait différents. Renvoyer les références religieuses au seul domaine privé est une idée dangereuse parce qu'elle nous conduit à des malentendus voire à des crises. D'autant que la voie vers laquelle nous entraînent la mondialisation et le libéralisme économique est quelque chose qui rend la vie des hommes de plus en plus insupportable : on étouffe dans ce système inhumain et mécanique. il bouscule les hommes, détruit les emplois, met de plus en plus de gens au chômage ou les contraint à une vie trépidante.
Nous avons ainsi toute une partie de nous-même qui est atrophiée à l'intérieur de ce système ; dès lors le seul moyen que nous avons de vivre comme des êtres humains, c'est d'avoir une ouverture spiritualiste vers autre chose. Les doctrines purement matérialistes du libéralisme ou du communisme ne peuvent pas suffire à diriger un peuple. Cela aboutit à des phénomènes qui nous troublent, et qui sont en effet troublants, parce qu'indices de déséquilibre.
Je crois donc qu'on ne peut pas comprendre ce qu'est l'homme moderne si l'on ne comprend pas le danger de cette césure entre la vie politico-économique et la vie religieuse. Les deux sont nécessaires. Il ne s'agit pas bien sûr de revenir à une alliance entre l'Eglise et l'Etat, qui doivent restés séparés ; mais il faut parvenir à trouver un équilibre qui corresponde au besoin de liberté de l'époque actuelle par un dialogue constructif entre les deux puissances. L'histoire de France d'ailleurs nous apprend que les périodes durant lesquelles la nation est à la fois la plus rayonnante et la plus ordonnée sont celles où il y a ce dialogue fécond entre le temporel et le religieux. A l'inverse, quand les deux puissances se tournent le dos ou se combattent, progressivement, la nation se déchire et entre en déclin.
« La centralisation administrative est allée beaucoup trop loin »
☟ Est-ce au nom de ces convictions que vous avez pris la tête du mouvement qui s'est opposé à l'adoption du Pacs ?
☝ Au moment du débat sur le Pacs, j'ai pris la tête d'un mouvement des maires, qui a d'ailleurs été une réussite puisque le gouvernement Jospin a dû renoncer à l'enregistrement des Pacs en mairie. Je l'ai fait au nom de convictions personnelles et républicaines. Mais je me sentais d'autant plus fort que j'avais aussi pour moi à la fois la raison et l'appui des différentes religions qui existent en France, dans la mesure où précisément le dialogue dont je vous parle sur ces matières était clair et aboutissait à une conclusion irréfutable.
Je pense de même que la perspective du mariage homosexuel vise à introduire un conflit grave entre les deux puissances, dont nous aurons du mal à sortir. La conscience française sera déchirée, ce qui se traduit toujours chez nous par des oppositions politiques, des troubles sociaux, des conflits de toute sorte.
Le malaise, d'ailleurs, est déjà là et croît de façon perceptible.
☟ Vous avez été successivement consultant privé à l'étranger et maire de votre ville natale dans le Limousin, Felletin. Ces deux expériences à l'opposé l'une de l'autre vous ont-elles enseigné des vérités différentes ?
☝ Elles m'ont surtout montré les deux faces apparemment contradictoires de notre époque. La carrière privée de consultant que j'ai menée en Europe et aux Etats-Unis m'a montré la face heureuse de la mondialisation, dont j'ai profité : celle des vastes sujets d'envergure internationale, de l'argent gagné facilement, des contacts multiples avec des gens de tous les pays. Mais, j'en ai vu aussi les limites : les échanges entre personnes s'y bornent à des rapports superficiels.
Mon expérience publique dans le limousin, elle, m'a montré l'autre face de la mondialisation : celle des tout petits qui sont écrasés par le système, qui subissent la précarité, les bas salaires, la chute des petites entreprises traditionnelles. A Felletin, j'ai dû agir avec les pouvoirs limités du maire, qui n'ont rien à voir avec ceux d'un législateur ou d'un chef d'Etat, mais j'y ai appris qu'il était faux de croire que le meilleur barrage protecteur aux excès de la mondialisation soit l'Etat. Cette croyance est une erreur grave, dont témoigne par exemple l'évolution du Royaume-Uni, où Margaret Thatcher a ouvert le pays aux grands vents de la mondialisation avant que Tony Blair poursuive cette politique en tentant de l'équilibrer par un usage beaucoup plus important du rôle de l'Etat. Or, toutes les statistiques montrent que son succès est très limité. Si en France nous faisons la même chose et continuons à mettre tout notre espoir dans l'Etat, comme le fait notre classe dirigeante depuis vingt ans, nous subirons les mêmes déconvenues parce que cela ne fonctionne pas.
En réalité, l'Etat et la mondialisation marchent main dans la main, au détriment de l'homme et de sa liberté. L'Etat place les individus détruits par le système sous sa tutelle, au moyen d'innombrables subventions qui les privent de toute responsabilité et donc de leur vraie dignité.
Mon expérience limousine locale m'a prouvé au contraire que la solution se trouve dans la reconstitution de ce que j'appellerais des sociétés intermédiaires, bien compromises aujourd'hui. La commune et la région sont deux d'entre elles, et j'ai essayé de voir comment, même avec des moyens très faibles comme ceux dont dispose ma ville de Felletin, on pouvait très concrètement, sur le plan économique, écologique et social, résister au laminoir de la mondialisation. Et après douze ans d'exercice et de combats quotidiens, je peux dire que la réponse est positive,
Encore faut-il que l'on puisse quelque peu se dégager de cet engrenage terrible dans lequel nous broie la puissance conjuguée de l'Etat et de la mondialisation. C'est d'abord une question de volonté de la part de nos dirigeants. Or, nos gouvernements sont très velléitaires, et les moindres ébauches de décentralisation sont toujours compensées par des mesures allant en sens inverse.
☟ La plupart des fédéralistes sont européistes et la plupart des souverainistes partisans de la centralisation. Y aurait-il donc un paradoxe Pinton ?
☝ Je crois qu'il s'agit d'un faux paradoxe, dans la mesure où la centralisation politique me paraît pour un pays comme la France, quelque chose de nécessaire : c'est la raison pour laquelle je suis un partisan farouche des institutions de la Ve République, et je suis sévère pour notre classe politique qui les a déviées et polluées. Mais la centralisation administrative, elle, est allée beaucoup trop loin et a abouti à cette double dictature de l'Etat et du marché qui n'est pas une bonne chose pour la société française.
On a trop tendance à les confondre toutes les deux, ce qui rend le débat politique en France impossible.
Philippe Marsay le Choc du Mois Juillet 2007
1. « Je voyais sans doute à l'époque le giscardisme avec une certaine naïveté », nous confie-t-il aujourd'hui, ajoutant : « Les faits ont démontré qu'il y avait là une part d'illusion. »
2. Michel Pinton vient de publier Le Maire et la Mondialisation, éditions François-Xavier de Guibert, 224 pages, 19 euros.
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« S'il n'y a pas de souveraineté politique, il n'y a pas de nation »
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Aymeric Chauprade : “Où vont la Syrie et le Moyen-Orient ?”
Conférence donnée par Aymeric Chauprade à Funglode, Saint Domingue, le 27 novembre 2012. Texte intégral.
Comprendre la géopolitique du Moyen-Orient c’est comprendre la combinaison de multiples forces.
Nous allons voir qu’il faut faut envisager au moins la combinaison de 3 logiques :
- les forces intérieures qui s’affrontent à l’intérieur d’un même État, comme la Syrie, l’Irak ou la Libye. Des conflits ethniques (Kurdes et Arabes), ou confessionnels anciens (chiites, sunnites, Alaouites, chrétiens…).
- les logiques d’influence des grands acteurs de puissance régionaux (l’Iran, l’Arabie Saoudite, le Qatar, Israël, la Turquie, l’Égypte…) et la façon dont ces acteurs utilisent les logiques communautaires dans les États où ils essaient d’imposer leur influence (Liban, Syrie, Irak)
- le jeu des grandes puissances (États-Unis, Russie, Chine, France, UK…) et en particulier la géopolitique du pétrole et du gaz.
À cette analyse géopolitique, il faut être capable de marier une analyse de science politique, et de comprendre en particulier ce qui se passe sur le plan des nouveaux courants idéologiques du monde arabe ou bien sur le plan de la légitimité des régimes politiques qui tremblent.
Par ailleurs il ne faut surtout pas avoir l’idée que les dynamiques qui secouent le Moyen-Orient sont très récentes. Il n’y a jamais eu de stabilité au Moyen-Orient dans les frontières que nous connaissons aujourd’hui. Si les Anciens parlaient à propos des colonisations et protectorats de pacification ce n’est pas pour rien. Seules les structures impériales, que ce soit l’Empire ottoman ou les Empires occidentaux, ou même dans une certaine mesure la Guerre froide entre l’Ouest et l’Est, ont en réalité gelé momentanément les affrontements claniques, tribaux, ethniques et confessionnels du Sahara jusqu’aux déserts d’Arabie en passant par le Croissant Fertile.
En réalité, il y a là une constante à peu près universelle. Là de véritables États-nation homogènes n’ont pu se former, la guerre civile est devenu une sorte d’état instable permanent.
Pour comprendre ce qui se passe en Syrie et les perspectives, je vais commencer par inscrire notre réflexion dans une trame globale.
Les États-Unis et leurs alliés sont sortis vainqueurs de l’affrontement bipolaire en 1990 et l’effondrement de l’URSS a rendu possible, à la fois l’extension de la mondialisation libérale à de nombreux pays du monde, et des transformations géopolitiques majeures comme la réunification de l’Allemagne et l’explosion de la Yougoslavie.
Les États-Unis ont tenté alors, portés par cette dynamique, d’accélérer le plus possible ce phénomène et d’imposer l’unipolarité, c’est-à-dire un monde centré sur leur domination géopolitique, économique, culturelle (softpower).
Ils se sont appuyés sur le droit d’ingérence face aux purifications ethniques ou aux dictatures, comme sur la lutte contre l’islamisme radical (depuis le 11 septembre 2001 en particulier) pour accélérer leur projection géopolitique mondiale.
Mais c’était sans compter sur une logique contradictoire : la logique multipolaire qui a été d’une certaine manière l’effet boomerang de l’expansion capitalistique soutenue par les Américains après la chute de l’URSS. Dopées par la croissance, ce que les Américains voyaient comme des marchés émergents, sont devenues des nations émergentes, soucieuses de compter de nouveau dans l’histoire, de restaurer leur puissance et de reprendre le contrôle de leurs ressources énergétiques ou minières. De la Russie à la Chine, en passant par l’Inde, le Brésil, la Turquie, jusqu’au Qatar, partout des États nation forts de leur cohésion identitaire et de leurs aspirations géopolitiques, s’emploient à jouer un rôle géopolitique croissant.
Washington a compris très tôt que la Chine marchait vers la place de première puissance mondiale et qu’elle ne se contenterait pas de la puissance économique mais s’emploierait à la devenir aussi la première puissance géopolitique. Perspective incompatible avec la projection géopolitique mondiale des États-Unis, qui dominent encore l’Europe avec l’OTAN, contrôlent l’essentiel des réserves de pétrole du Moyen-Orient et tiennent les océans grâce à leur formidable outil naval.
Dans cette compétition entre les États-Unis et la Chine, qui déjà dans le Pacifique fait penser aux années qui précédèrent l’affrontement entre les Américains et les Japonais dans la première partie du XXème siècle, le Moyen-Orient tient toute sa place.
Le Moyen-Orient représente 48,1% des réserves prouvées de pétrole en 2012 (contre 64% en 1991) et 38,4% des réserves de gaz (2012, BP Statistical Review ; contre 32,4% en 1991).
Pour les États-Unis, contrôler le Moyen-Orient, c’est contrôler largement la dépendance de l’Asie et en particulier celle de la Chine. L’AIE dans son dernier rapport prédit en effet que l’Asie absorbera 90% des exportations en provenance du Moyen-Orient, en 2035.
Comme l’Agence Internationale de l’Énergie nous l’annonçait début novembre 2012, la production de pétrole brut des États-Unis dépassera celle de l’Arabie Saoudite vers 2020, grâce au pétrole de schiste. Les États-Unis qui importent aujourd’hui 20% de leurs besoins énergétiques deviendraient presque autosuffisants d’ici 2035.
Rappelons qu’en 1911 quand le gouvernement américain morcela la gigantesque Standard Oil (de laquelle naîtront Exxon, Mobil, Chevron, Conoco et d’autres encore), cette compagnie assumait alors 80% de la production mondiale. Si les États-Unis redeviennent premiers producteurs mondiaux, nous ne ferons que revenir à la situation qui prévalait au début du XXème siècle.
Entre 1945 et maintenant, l’un des grands problème des Américains a été le nationalisme pétrolier, qui du Moyen-Orient à l’Amérique Latine, n’a cessé de grignoter son contrôle des réserves et de la production.
Il se passe donc exactement ce que j’écrivais il y a déjà presque dix ans (ce qui ne me rajeunit pas!), au moment de la Deuxième guerre d’Irak. Les États-Unis ne cherchent pas à contrôler le Moyen-Orient pour leur propres approvisionnements puisqu’ils s’approvisionneront de moins en moins au Moyen-Orient (aujourd’hui déjà le continent africain pèse plus dans leurs importations), mais ils chercheront à contrôler ce Moyen-orient pour contrôler la dépendance de leurs compétiteurs principaux, européens et asiatiques.
Si les Américains contrôlent encore le Moyen-Orient dans 20 ans (et je ne parle même pas de l’Afrique qui ne maîtrisera certainement pas son destin et sera sans doute partagée entre des influences occidentales et chinoise), cela signifie qu’ils auront une emprise énergétique considérable sur le monde et donc que la valeur stratégique de pays comme la Russie, le Venezuela (premier pays du monde devant l’Arabie Saoudite en réserves prouvées de pétrole : 17,9% contre 16,1% soit 296,5 milliards de barils de réserves sur le 1,65 trilliard du monde : BP 2012) ou le Brésil (grâce à son off-shore profond) aura alors fortement augmenté puisqu’ils seront des réservoirs alternatifs précieux l’un pour l’Europe et l’Asie, l’autre pour l’Amérique Latine.
Je fais partie de ceux qui ne croient pas à la raréfaction du pétrole. Non seulement parce que dans les faits, et contrairement à tous ceux qui n’ont cessé d’annoncer un peak oil qui ne s’est jamais produit, les réserves prouvées n’ont jamais cessé d’augmenter et que les perspectives avec le off-shore profond et le pétrole de schiste sont gigantesques, mais, au-delà, parce que je suis très convaincu par la thèse dite abiotique de l’origine du pétrole, c’est-à-dire que le pétrole n’a pas pour origine la décomposition des dinosaures dans les fosses sédimentaires mais qu’il est un liquide abondant qui coule sous le manteau de la terre, qu’il est fabriqué à des températures et des pressions gigantesques à des profondeurs incroyables, et que par conséquent ce que nous extrayons est ce qui est remonté des profondeurs de la terre par fracturation du manteau.
Nous n’avons pas le temps d’entrer dans ce débat scientifique mais selon l’explication biotique ou abiotique les conséquences dans le domaine de la géopolitique sont radicalement différentes. Si le pétrole a une origine biotique la question est bien celle de l’épuisement et des conséquences géopolitiques de la raréfaction puis de l’épuisement. Si le pétrole a une origine abiotique, l’enjeu est bien le off-shore profond et toutes les techniques de fracturation permettant de faire remonter le liquide précieux des profondeurs du manteau.
Mais revenons au pétrole du Moyen-Orient et souvenons-nous de quelques faits essentiels.
En brisant le régime de Saddam Hussein, les Américains ont tué dans l’œuf deux logiques qu’ils combattaient depuis toujours :
- le nationalisme pétrolier en Irak. Ils visent désormais le nationalisme pétrolier iranien.
- le risque de sortie du pétro-dollar : le fait d’accepter de se faire payer son pétrole en euro ou dans une autre devise que le dollar : ce que Saddam Hussein avait annoncé vouloir faire en 2002 et que les Iraniens font aujourd’hui et qui explique largement pourquoi les Américains imposent un embargo drastique sur les hydrocarbures iraniens.
Le lien entre pétrole et dollar est l’une des composantes essentielles de la puissance du dollar. Il justifie que les pays disposent de réserves en dollar considérables pour pouvoir payer leur pétrole, et par conséquent que le dollar soit une monnaie de réserve principale. Par voie de conséquence, ce lien pétrole/dollar est bien ce qui permet aux États-Unis de financer leur formidable déficit budgétaire et de se permettre une dette fédérale de plus de 15 000 milliards de dollars. Aujourd’hui tout le monde parle des dettes et crises européennes, mais les États-Unis sont, sur le plan de l’endettement (endettement fédéral, endettement des États, endettement des ménages) dans une bien pire situation que les Européens. Cependant leur bouclier s’appelle “dollar” et on peut penser qu’ils ont utilisé le talon d’Achille grec des Européens pour affaiblir l’Union européenne et fragiliser l’euro. Imaginez que la crise de la Grèce n’ait pas éclaté, et alors vous aurez ce qui se passait avant son éclatement : les banques centrales des émergents continueraient à accumuler de l’euro et à diminuer leur réserves de dollars… On comprend mieux pourquoi la Grèce a été conseillée par Goldman Sachs et JP. Morgan…
En imposant un embargo drastique sur l’Iran (9,1% des réserves prouvées selon BP 2012, soit le 3e rang mondial ; 15,9% des réserves prouvées de gaz soit le 2ème rang derrière la Russie avec 21,4% et devant le Qatar avec 12%) les Américains tentent aussi de briser l’un des derniers pays à vouloir contrôler son système de production pétrolier et gazier.
Quel est donc le lien avec la Syrie ? On en parle peu, mais la Syrie joue un rôle stratégique dans les logiques pétrolières et gazières au Moyen-Orient.
Or en 2009 et 2010, peu avant que n’éclate la guerre, la Syrie a fait des choix qui ont fortement déplu à l’Occident.
Quelles sont les données du problème?
Depuis la fin de la Guerre froide, les États-Unis essaient de casser la dépendance de l’Union européenne au gaz et au pétrole russe. Pour cela, ils ont favorisé des oléoducs et gazoducs qui s’alimentent aux réserves d’Asie centrale et du Caucase mais qui évitent soigneusement de traverser l’espace d’influence russe.
Ils ont notamment encouragé le projet Nabucco, lequel part d’Asie centrale, passe par la Turquie (pour les infrastructures de stockage) visant ainsi à rendre l’Union européenne dépendante de la Turquie (rappelons que les Américains soutiennent ardemment l’inclusion de la Turquie dans l’UE tout simplement parce qu’ils ne veulent pas d’une Europe-puissance), puis la Bulgarie, la Roumanie, la Hongrie, l’Autriche, la Tchéquie, la Croatie, la Slovénie et l’Italie.
Nabucco a clairement été lancé pour concurrencer deux projets russes qui fonctionnent aujourd’hui :
- Northstream qui relie directement la Russie à l’Allemagne sans passer par l’Ukraine et la Biélorussie.
- Southstream qui relie la Russie à l’Europe du Sud (Italie, Grèce) et à l’Europe centrale (Autriche-Hongrie).
Mais Nabucco manque d’approvisionnements et pour concurrencer les projets russes, il lui faudrait pouvoir accéder :
1/ au gaz iranien qui rejoindrait le point de groupage de Erzurum en Turquie
2/ au gaz de la Méditerranée orientale : Syrie, Liban, Israël.
À propos du gaz de la Méditerranée orientale, il est essentiel de savoir que depuis 2009 des bouleversements considérables se sont produits dans la région.
Des découvertes spectaculaires de gaz et de pétrole ont eu lieu en Méditerranée orientale, dans le bassin du Levant d’une part, en mer Égée d’autre part.
Ces découvertes exacerbent fortement les contentieux entre Turquie, Grèce, Chypre, Israël, Liban et Syrie.
En 2009, la compagnie américaine Noble Energy, partenaire d’Israël pour la prospection, a découvert le gisement de Tamar à 80 km d’Haïfa. C’était la plus grande découverte mondiale de gaz de 2009 (283 milliards de m3 de gaz naturel) et en 2009 donc, le statut énergétique d’Israël a radicalement changé, passant d’une situation presque critique (plus que 3 ans de réserves et une très forte dépendance vis-à-vis de l’Égypte) à des perspectives excellentes. Puis en octobre 2010, une découverte encore plus considérable a brutalement donné à Israël plus de 100 ans d’autosuffisance en matière gazière! Israël a trouvé un méga-gisement offshore de gaz naturel qu’il estime être dans sa ZEE : le gisement Léviathan.
Léviathan est situé à 135 km à l’ouest du port d’Haïfa, on le fore à 5000 m de profondeur, avec 3 compagnies israéliennes plus cette fameuse compagnie américaine, Noble Energy. Ses réserves sont estimées à 450 milliards de m3 (pour avoir un ordre de grandeur, les réserves mondiales prouvées de gaz en 2011 sont de 208,4 trilliards de m3, soit 208 400 milliards de m3 et un pays comme la Russie possède 44,6 trilliards). Quoiqu’il en soit, en 2010, Léviathan fut la plus importante découverte de gaz en eau profonde de ces 10 dernières années.
Je ne donne pas de détail ici sur les découvertes faites parallèlement en mer Égée, mais elles sont considérables et je vous demande simplement de garder en tête que la Grèce est désormais un pays extrêmement potentiel sur le plan gazier ce qui participe peut-être aussi du déclenchement d’une crise européenne qui aboutira bientôt… à la privatisation totale du système énergétique grec…
Voici ce que le US Geological Survey estime à propos de la Méditerranée orientale (formée en l’espère de de 3 bassins : bassin égéen au large des côtes grecques, turques et chypriotes ; bassin du Levant au large des côtes du Liban, d’Israël et de Syrie ; bassin du Nil au large des côtes égyptiennes).
“Les ressources pétrolières et gazières du bassin du Levant sont estimées à 1,68 milliards de barils de pétrole et 3450 milliards de m3 de gaz” “les ressources non découvertes de pétrole et gaz de la province du bassin du Nil sont estimées à environ 1,76 milliards de barils de pétrole et 6850 milliards de m3 de gaz naturel”.
L’USGS estime que le bassin de Sibérie occidentale (le plus grand bassin de gaz connu) recèle 18 200 milliards de m3 de gaz. En clair, s’agissant du seul gaz, le bassin du Levant c’est plus de la moitié du bassin de Sibérie occidentale.
Bien évidemment ces découvertes ont attisé les rivalités entre États voisins. Israël et le Liban revendiquent chacun la souveraineté sur ces réserves et l’un des différends profonds entre le président Obama et Benjamin Netanyahu est que les États-Unis, en juillet 2011, ont appuyé la position libanaise contre Israël (car Beyrouth estime que le gisement s’étend aussi sous ses eaux territoriales). Il semblerait que la position américaine vise d’une part à entretenir la division pour jouer un rôle de médiation, d’autre part à empêcher Israël de devenir un acteur autosuffisant.
Or notre Syrie se trouve au cœur de ces problématiques !
D’abord concernant Nabucco.
En novembre 2010, l’Arabie Saoudite et le Qatar ont demandé à Bachar el Assad de pouvoir ouvrir des oléoducs et gazoducs d’exportation vers la Méditerranée orientale. Ces oléoducs leur permettrait en effet de desserrer la contrainte du transport maritime via le détroit d’Ormuz puis le Canal de Suez et d’envoyer plus de gaz vers l’Europe (notamment le Qatar, géant gazier du Moyen-Orient). La Syrie a refusé, avec le soutien marqué de la Russie qui voit dans ces plans la volonté américaine, française, saoudienne et qatarie de diminuer la dépendance européenne au gaz russe.
On comprend donc la compétition qui se joue entre, d’une part les Occidentaux, la Turquie et les monarchies du Golfe, d’autre part, la Russie, l’Iran et la Syrie, auxquels s’est ajouté l’Irak dirigé par le chiite Maliki et qui s’est fortement rapproché de Téhéran et Damas au détriment des Américains.
En février 2011 les premiers troubles éclataient en Syrie, troubles qui n’ont cessé de s’amplifier avec l’ingérence, d’une part de combattants islamistes financés par le Qatar et l’Arabie Saoudite, d’autre part de l’action secrète des Occidentaux (Américains, Britanniques et Français).
Le 25 juillet 2011, l’Iran a signé des accords concernant le transport de son gaz via la Syrie et l’Irak. Cet accord fait de la Syrie le principal centre de stockage et de production, en liaison avec le Liban et l’idée de Téhéran est de desserrer ainsi la contrainte de l’embargo. Gelé par la guerre, le chantier aurait étrangement repris le 19 novembre 2012, après l’élection d’Obama donc et la reprise de négociations secrètes entre les États-Unis et l’Iran.
Du fait même de sa position centrale entre les gisements de production de l’Est (Irak, monarchies pétrolières) et la Méditerranée orientale, via le port de Tartous, qui ouvre la voie des exportations vers l’Europe, la Syrie est un enjeu stratégique de premier plan.
Ajoutons à cela la question de l’évacuation du pétrole kurde.
Il existe un oléoduc qui aujourd’hui achemine le pétrole de Kirkuk (Kurdistan irakien) à travers l’Irak puis la Jordanie et enfin Israël. Mais Israël pourrait aussi voir réhabilité l’ancien oléoduc Mossoul Haïfa (que les Britanniques utilisèrent de 1935 à 1948).
Ajoutons à cela que la Syrie dispose de réserves dans son sol et probablement en off-shore. Le 16 août 2011, le ministère syrien du pétrole a annoncé la découverte d’un gisement de gaz à Qara, près de Homs, avec une capacité de production de 400 000 m3/j. S’agissant du off-shore, nous avons parlé tout à l’heure des estimations de l’USGS concernant le bassin du Levant, il faut ajouter cette prédiction du Washington Institute for Near East Policy qui pense que la Syrie disposerait des réserves de gaz les plus importantes de tout le bassin méditerranéen oriental, bien supérieures encore à celle d’Israël. Vous voyez là encore, mon leitmotiv et ce que j’ai souvent dit ici : l’avenir c’est le off-shore profond et cela va donner à la mer une dimension géopolitique considérable. Délaisser la mer et son espace maritime est donc, pour n’importe quel pays du monde, une erreur stratégique tragique.
Il est évident donc que si un changement politique favorable aux Occidentaux, aux Turcs, Saoudiens et Qataris intervenait en Syrie, et que celle-ci se coupait de la Russie (les navires de guerre russes mouillent dans le port stratégique de Tartous, un port qui peut bien sûr accueillir des tankers approvisionnés à partir des oléoducs qui y arriveraient), alors toute la géopolitique pétrolière et gazière de la région serait bouleversée à leur avantage. N’oublions pas l’Égypte, exportatrice de gaz naturel, et qui elle aussi aimerait voir son gaz raccordé à la Turquie via la Syrie.
Cette simple donnée pétrolière et gazière doit nous faire comprendre la raison pour laquelle la Syrie est attaquée par les Turcs, les Occidentaux et les monarchies du Golfe, et inversement pourquoi elle n’est lâchée ni par les Russes, ni par les Iraniens, ni par les Irakiens.
Il nous faut maintenant comprendre les dynamiques géopolitiques internes de la Syrie.
La Syrie c’est un peu plus de 20 millions d’habitants : 80% d’Arabes sunnites, 10% d’Alaouites une forme d’islam rattachée au chiisme, mais pas celui d’Iran) et 10% de chrétiens.
Bachar el-Assad a à ses côtés 2 millions d’Alaouites encore plus résolus que lui à se battre pour leur survie et plusieurs millions de minoritaires qui ne veulent pas d’une mainmise sunnite sur le pouvoir.
Il faut comprendre qui sont ces Alaouites. Il s’agit d’une communauté issue, au Xème siècle, aux frontières de l’Empire arabe et de l’Empire byzantin, d’une lointaine scission du chiisme, et qui pratique un syncrétisme comprenant des éléments de chiisme, de panthéisme hellénistique, de mazdéisme persan et de christianisme byzantin. Il est très important pour notre analyse de savoir que les Alaouites sont considérés par l’islam sunnite comme les pires des hérétiques. Au XIVème siècle, le jurisconsulte salafiste Ibn Taymiyya, ancêtre du wahhabisme actuel et référence de poids pour les islamistes du monde entier, a émis une fatwa demandant leur persécution systématique et leur génocide.
Cette fatwa est toujours d’actualité chez les salafistes, les wahhabites et les Frères musulmans, c’est-à-dire tous ceux que le pouvoir alaouite affronte en ce moment !
Avant le coup d’État d’Hafez el-Assad en 1970, les Alaouites n’ont connu que la persécution de la part de l’islam dominant, le sunnisme.
Il faut quand même savoir que jusqu’en 1970, les bourgeois sunnites achetaient encore, par contrat notarié, de jeunes esclaves alaouites.
Les choses se sont arrangées avec l’installation de l’idéologie nationaliste baathiste en 1963, laquelle fait primer l’arabité sur toute autre considération, et surtout de 1970.
En résumé, la guerre d’aujourd’hui n’est que le nouvel épisode sanglant de la guerre des partisans d’Ibn Taymiyya contre les hérétiques alaouites, une guerre qui dure depuis le XIVème siècle ! Cette fatwa est à mon avis la source d’un nouveau génocide potentiel (semblable à celui du Rwanda) si le régime vient à tomber. Voilà une donnée essentielle que les Occidentaux font mine pourtant d’ignorer.
Pourchassés et persécutés durant des siècles, les Alaouites ont dû se réfugier dans les montagnes côtières arides entre le Liban et l’actuelle Turquie tout en donnant à leur croyance un côté hermétique et ésotérique, s’autorisant même le mensonge et la dissimulation (la fameuse Taqqiya) pour échapper à leurs tortionnaires.
Mais alors vous vous demandez, comment ces Alaouites ont-ils fait pour arriver au pouvoir?
Soumise aux occupations militaires étrangères depuis des siècles, la bourgeoisie sunnite de Syrie (un processus similaire s’est produit au Liban) a commis l’erreur habituelle des riches au moment de l’indépendance du pays, en 1943. Le métier des armes à été relégué aux pauvres et non aux fils de “bonne famille”. L’armée a donc été constituée par des minorités : une majorité d’Alaouites mais aussi des chrétiens, Ismaéliens, Druzes, Chiites.
Hafez el-Assad venait de l’une de ces familles modestes de la communauté alaouite. Il est d’abord devenu chef de l’armée de l’air puis ministre de la défense avant de s’emparer du pouvoir par la force afin de donner à sa communauté sa revanche sur l’Histoire (avec ses alliés Druzes et chrétiens).
Vous comprenez donc tout de suite que le régime, soutenu par 2 millions d’Alaouites, sans doute 2 à 3 millions d’autres minorités, mais aussi une partie de la bourgeoisie sunnite notamment de Damas, dont les intérêts économiques sont désormais très liés à la dictature, n’a pas d’autre choix que de lutter à mort.
Quand je dis lutter à mort, je parle du régime que je distingue de Bachar el-Assad. Le régime est plus puissant que Bachar et peut s’en débarrasser s’il estime qu’il en va de sa survie. Mais s’en débarrasser éventuellement ne signifie pas mettre une démocratie qui aboutirait inéluctablement (mathématiquement) au triomphe des islamistes, comme en Tunisie, en Libye, en Égypte, au Yémen…
Les Chrétiens de Syrie ont vu ce qui s’est passé pour les Chrétiens d’Irak après la chute de Saddam Hussein. Ils voient ce qui se passe en Égypte pour les Coptes, après la victoire des islamistes. Les Druzes savent aussi qu’ils sont, comme les Alaouites, considérés comme des hérétiques à détruire par les combattants salafistes et les Frères musulmans.
Il est absolument illusoire de penser, comme on le pense en Occident, que les Alaouites accepteront des réformes démocratiques qui amèneraient mécaniquement les salafistes au pouvoir.
Je le répète : l’erreur consiste à penser que le pays est entré en guerre civile en 2011. Il l’était déjà en 1980 quand un commando de Frères musulmans s’est introduit dans l’école des cadets de l’armée de l’air d’Alep, a mis de côté des élèves officiers sunnites et des alaouites et a massacré 80 cadets alaouites en application de la fatwa d’Ibn Taymiyya. Les Frères musulmans l’ont payé cher en 1982 à Hama, fief de la confrérie, que l’oncle de l’actuel président a rasée en y faisant peut-être 20 000 morts. Les violences intercommunautaires n’ont en réalité jamais cessé mais cela n’intéressait pas l’Occident car il n’y avait à ce moment aucun agenda pétrolier et gazier concernant la Syrie, ni aucun agenda contre l’Iran.
On dit que le régime est brutal et il est évidemment d’une brutalité incroyable, mais ce n’est pas le régime en soi qui est brutal. La Syrie est passée de l’occupation ottomane et ses méthodes d’écorchage vif, au mandat français de 1920 à 1943, aux anciens nazis réfugiés à partir de 1945 qui sont devenus des conseillers techniques, et ensuite aux conseillers du KGB. C’est évident qu’il n’y a rien à attendre de ce régime en matière de droits de l’homme, de réformes démocratiques… Mais il n’y a rien à attendre non plus des rebelles islamistes qui veulent prendre le pouvoir, et qui disposent d’une fatwa fondamentale pour organiser un véritable génocide des Alaouites. Et d’ailleurs attend-on quelque chose de l’Arabie Saoudite en matière de droits de l’Homme ?
Nous avons un vrai problème de traitement de l’information à propos de la Syrie, comme nous l’avions hier s’agissant de l’Irak, de la Yougoslavie, de la Libye. Une fois de plus le manichéisme médiatique occidental est à l’œuvre, la machine à fabriquer les Bons et les Méchants, en réalité en fonction surtout des intérêts occidentaux. La source unique, je dis bien unique, des médias occidentaux est l’OSDH (Observatoire syrien des Droits de l’Homme) lequel donne par exemple à l’Agence France Presse l’état de la situation en Syrie, le nombre de morts, de blessés, les exactions etc…
Or qu’est-ce que l’OSDH ? Il s’agit d’une émanation des Frères musulmans qui est dirigée par des militants islamistes et dont le fondateur, Ryadh el-Maleh, a été condamné pour violences. Basé à Londres depuis la fin des années 1980, il est sous la protection des services britanniques et américains et reçoit des fonds du Qatar et de l’Arabie Saoudite.
Outre l’OSDH comme référence médiatique, la référence politique des médias occidentaux c’est le Conseil National Syrien, créé en 2011, à Istanbul, sur le modèle du CNT libyen et à l’initiative du parti islamiste turc, l’AKP.
Financé par le Qatar, le CNS a été coulé dans sa forme initiale à la conférence de Doha, début novembre 2012 par Washington. Les États-Unis considéraient en effet depuis des mois qu’il n’était pas assez représentatif et ont suscité à la place la Coalition nationale des Forces de l’opposition et de la révolution. La réalité est que les Américains trouvaient que la France avait trop d’influence sur ce Conseil où elle avait placé l’opposant syrien sunnite Burhan Ghalioun, professeur de sociologie à la Sorbonne. On retrouve là une compétition franco-américaine semblable à celle qui s’était produite en Libye, où petit à petit l’influence française sur les rebelles anti-Kadhafi a été annulée par l’action souterraine des Américains. Il faut dire que si la France compte sur des professeurs de sociologie pour défendre ses intérêts au Moyen-Orient, elle s’expose à bien des déconvenues…
À la manœuvre en coulisse, le redoutable et très intelligent ambassadeur américain Robert S. Ford, considéré comme le principal spécialiste du Moyen-Orient au département d’État ; il fut l’assistant de John Negroponte de 2004 à 2006 en Irak où il appliqua la même méthode qu’au Honduras : l’usage intensif d’escadrons de la mort. Peu avant les évènements de Syrie, il fut nommé par Obama ambassadeur à Damas et prit ses fonctions malgré l’opposition du Sénat.
Cet ambassadeur a fait mettre à la tête de la Coalition nationale des Forces de l’opposition et de la révolution une personne dont la presse ne parle pas : le cheikh Ahmad Moaz Al-Khatib.
Son parcours est intéressant et vous allez assez vite comprendre pour quelle raison je m’y attarde.
Il est un ingénieur en géophysique qui a travaillé 6 ans pour la al-Furat Petroleum Company (1985-1991), une joint-venture entre la compagnie nationale syrienne et des compagnies étrangères, dont l’anglo-hollandaise Shell. En 1992, il hérite de son père la prestigieuse charge de prêcheur de la Mosquée des Ommeyyades à Damas. Il est rapidement relevé de ses fonctions par le régime baathiste et interdit de prêche dans toute la Syrie. Pourquoi ? Parce qu’à l’époque la Syrie soutient l’opération américaine Tempête du Désert pour libérer le Koweït et le cheikh, lui, y est opposé pour les mêmes motifs religieux qu’Oussama Ben Laden : il ne veut pas de présence occidentale sur la terre d’Arabie. Ce sheikh se fixe ensuite au Qatar puis, en 2003-2004, revient en Syrie comme lobbyiste du groupe Shell. Il revient à nouveau en Syrie début 2012 où il enflamme le quartier de Douma (banlieue de Damas). Arrêté puis amnistié il quitte le pays en juillet et s’installe au Caire.
Sa famille est bien de tradition soufie, donc normalement modérée, mais contrairement à ce que dit l’AFP, il est membre de la confrérie des Frères musulmans et l’a montré lors de son discours d’investiture à Doha. Bref, comme Hamid Karzai en Afghanistan, les Américains nous ont sorti de leur chapeau un lobbyiste pétrolier !
Maintenant que nous avons donné des éléments d’analyse sur les forces internes à la Syrie, regardons le jeu des forces régionales externes.
Je l’ai dit, la crise syrienne a éclaté à cause de l’ingérence saoudienne et qatarie (soutenue par les ingérences française, britannique et américaine). L’Arabie Saoudite et le Qatar, avec chacun leurs clientèles, défendent un projet islamiste sunnite pour le Moyen-Orient. De la Libye jusqu’à la Tunisie et l’Égypte, ils ont soutenu le printemps arabe, l’ont peut-être même dire suscité, amenant au pouvoir les Frères musulmans et les salafistes, eux-mêmes en concurrence pour l’établissement d’une société arabe islamique réunifiée dans un seul et même État islamique. On pourrait d’ailleurs s’interroger sur la symétrie étrange entre les Révolutions colorées soutenues par les Américains dans la périphérie de la Russie au début des années 2000, et les révolutions arabes soutenues par le Qatar, l’Arabie Saoudite et sans doute aussi discrètement Washington, au début des années 2010.
En revanche, Ryad et Doha ont bloqué l’éclosion d’un printemps chiite à Bahreïn, et sont intervenus militairement pour sauver la monarchie sunnite bahreïnie confrontée au soulèvement chiite (rappelons que les chiites représentent 70% de la population de Bahraïn, et n’ont rien de négligeable au Koweït ou aux Émirats). Ce fut, en 2011, la deuxième fois après la guerre du Koweït que l’accord mutuel de protection du Conseil de Coopération du Golfe, dit Bouclier du désert, fut mis en action.
Le printemps arabe, dont certains soulignent, à juste titre, qu’il s’est en fait transformé en hiver islamiste, a profité aussi fortement aux pays sunnites du Golfe sur le plan économique. Après la crise de 2008 qui avait notamment touché les Émirats Arabes unis, les monarchies sunnites du Golfe ont vu affluer les fortunes amassées sous les dictatures tunisienne, libyenne, égyptienne. Cet argent amassé sous les régimes effondrés ou en voie d’effondrement ne peut plus aller en Europe, ni même en Suisse, car les règles bancaires (compliance) ne le permettent vraiment plus. Il va donc à Dubaï essentiellement.
Par ailleurs, la chute des exportations de pétrole et de gaz libyen, due à la guerre de 2011 en Libye, a été compensée par une hausse sensible de la production et des exportations de l’Arabie Saoudite, du Qatar, des Émirats Arabes Unis, ce qui a dopé l’économie de ces pays en 2011 et 2012.
Face au jeu sunnite des monarchies du Golfe, l’Irak dominé par les chiites, l’Iran bien sûr et la Syrie, ont formé un axe que l’on peut qualifier de chiite puisque les Alaouites sont une branche particulière du chiisme et qui essaie de résister à la terrible alliance Occident/Turquie/monarchies sunnites du Golfe.
Dans ce jeu complexe, se pose alors la question du jeu d’Israël. Paradoxalement, c’est peut-être le moins simple et l’erreur consisterait à vouloir attribuer à Israël, par facilité, “la main cachée qui dirige”.
Israël, en effet, a longtemps eu comme ennemi principal le nationalisme arabe. L’idéologie baathiste a combattu l’existence d’Israël et soutenu le droit des Palestiniens à récupérer leur terre. Le projet d’un monde arabe unifié, développé et modernisé économiquement grâce aux ressources pétrolières, et avançant vers l’arme atomique (Irak) a longtemps été le cauchemar prioritaire de Tel Aviv.
Mais le nassérisme est mort, puis le baathisme irakien après lui. Reste aujourd’hui le baathisme syrien, mais il est affaibli, et le rêve de Grande Syrie nourri par Damas est contradictoire depuis bien longtemps avec le nationalisme palestinien.
Le problème principal d’Israël maintenant, ce sont ces Frères musulmans qui triomphent partout. Ils ont commencé à s’installer via le Hamas à Gaza (en concurrence avec l’OLP qui tient la Cisjordanie et cette division chez les Palestiniens est conforme aux intérêts israéliens) ; ils sont au pouvoir en Turquie alors que l’armée turque a longtemps été un allié fiable d’Israël ; maintenant l’AKP constitue un problème pour les Israéliens (souvenez-vous de l’affaire de la flotte de Gaza) ; les Frères musulmans sont aussi au pouvoir en Égypte depuis la chute de Moubarak (Égypte avec laquelle, depuis 1978, les Israéliens ont un accord de paix), ils sont forts en Jordanie (accord de paix depuis 1995), ils sont en Tunisie, en Libye, ils sont majoritaires en Syrie et essaient de prendre le pouvoir… Bref Israël assiste à une marée montante de Frères musulmans et de salafistes qui envahit tout le Moyen-Orient et menace ses portes, et ces gens-là ne sont pas particulièrement favorables à la reconnaissance du droit d’Israël à vivre en paix. Leur projet d’État islamique unifié regarde Israël comme les États latins croisés du Moyen-âge.
Il est donc loin d’être certain que la politique américaine de soutien aux islamistes fasse l’unanimité chez les Israéliens. Ceux-ci se sentent de plus en plus seuls. Cette politique pro-islamique de l’Occident pourrait même pousser Israël à trouver des parrains plus fiables que les Américains, la Russie, la Chine ou l’Inde (qui coopère déjà militairement fortement avec Israël face au Pakistan)…
Israël se prépare sans doute, dans un Moyen-Orient où les États d’aujourd’hui cèderaient de plus en plus la place à des États ou régions autonomes homogènes sur le plan confessionnel (sunnites, chiites, Alaouites…) ou ethniques (Kurdes face aux Arabes), à de nouvelles alliances afin de contrer le danger islamiste sunnite.
On ne peut pas exclure ainsi un retournement de l’histoire où Israël serait à nouveau proche de l’Iran, s’entendrait avec un Irak dominé par les chiites, ce qui lui permettrait d’éteindre le problème du Hezbollah libanais, soutiendrait un petit réduit alaouite en Syrie, un État kurde également… N’oublions pas en effet que le problème principal qui détermine tout pour les Israéliens c’est le problème palestinien. Si les Palestiniens du Hamas se mettent dans les bras du Qatar et de l’Arabie Saoudite (rappelons la visite historique du l’émir du Qatar début novembre à Gaza), alors l’hypothèse de l’alliance chiite n’est pas à exclure.
Comme je l’ai dit, une donnée essentielle est que sur le plan énergétique Israël dispose de l’autosuffisance pour le gaz, et que sur le plan pétrolier rien n’empêche demain, si retournement stratégique il y avait, que le pétrole vienne du Kurdistan irakien ou des chiites d’Irak ou d’Iran.
Le nucléaire iranien dans tout cela ? La réponse à la perspective du nucléaire iranien est-elle à votre avis dans une guerre suicidaire contre l’Iran ou dans une entente avec un futur Iran nucléaire contre l’islam sunnite ? La réponse me semble être dans la question.
Je crois personnellement que la relation États-Unis/Israël va se distendre tout simplement parce que les Américains sont de moins en moins gouvernés par des WASP (White anglo-saxons protestants) qui pour beaucoup étaient convaincus de la dimension sacrée d’Israël (chrétiens sionistes) et que pour des raisons identitaires (changement ethnique de la population des États-Unis) ce phénomène est quasi-irréversible. Je crois que le même problème se pose en Europe. Le changement de population en Europe de l’ouest, l’islamisation d’une partie de la population disons les choses, va contribuer à installer durablement des gouvernements de gauche ou socio-démocrates qui seront de moins en moins favorables à Israël et de plus en plus tenus par des minorités musulmanes agissantes. Un indicateur de cette tendance de fond est que la plupart des extrêmes droites européennes qui avaient une tradition antisémite deviennent au contraire anti-musulmanes et pro-israéliennes.
En conclusion, essayons de tracer quelques perspectives, même s’il est très difficile de prédire l’avenir au Moyen-Orient.
Premièrement, même s’il a en face de lui une majorité de sa population, je pense que le régime syrien peut tenir longtemps car il n’est pas isolé. Deuxièmement, sa cohésion interne est forte pour les raisons que j’évoquais (une guerre de survie pour les minorités confessionnelles au pouvoir) ; troisièmement, le soutien de la Russie est ferme. Et le régime enfin n’est pas enclavé puisqu’il est lié à ses voisins irakien et iranien qui le soutiennent.
Donc la situation actuelle peut perdurer, le conflit pourrir. 37 000 morts selon l’ODSH (source rébellion) au 10 novembre 2012 et 400 000 réfugiés syriens (Turquie, Liban, Jordanie, Irak) ? Certes c’est énorme, mais nombreuses aussi sont les guerres civiles qui ont dépassé les 100 000 morts et qui se sont traduites par le retour aux équilibres initiaux. Ce n’est pas le nombre de morts ou même la majorité qui déterminent l’issue : ce sont les rapports de force réels, internes, régionaux et mondiaux.
Si le régime venait cependant à s’effondrer, je n’envisage pas une seconde que les minorités puissent accepter de rester dans le cadre national actuel sans l’obtention de garanties occidentales extrêmement fortes quant à leur sécurité physique. Et même avec ces garanties j’en doute. Elles signeraient leur arrêt de mort d’autant qu’étrangement les Français et les Américains qui soutiennent et arment la rébellion n’ont demandé aucun engagement “anti-génocidaire” après la chute éventuelle de Bachar. On peut imaginer alors l’Iran et l’Irak soit accueillir ces minorités, soit favoriser, avec l’appui de la Russie, la formation d’un réduit alaouite avec notamment un couloir stratégique jusqu’à Tartous. Mais le problème resterait entier car ce que veulent les Occidentaux c’est l’accès syrien à la Méditerranée et le transit pétrolier et gazier par le territoire de la Syrie.
Mais au risque de vous surprendre, je pense que la baisse de la médiatisation par l’Occident du conflit syrien est le symptôme d’une réalité : l’Occident est en train de perdre la guerre en Syrie. Il peut soutenir le terrorisme à Damas et contre les forces de sécurité, lesquelles opposent une répression cruelle, mais il ne dispose pas de la capacité d’abattre l’appareil sécuritaire syrien. L’armée syrienne dispose de la maîtrise de l’espace aérien et ce n’est pas demain la veille que la France et les États-Unis prendront la responsabilité d’une guerre mondiale avec la Russie. Donc je crois que le régime va tenir. On est arrivé à la situation étrange où la France doit régler le problème d’Al Qaïda au Mali et soutient indirectement Al-Qaïda en Syrie. Le monde est décidément fou.
Une fois de plus, tout ramène à la question iranienne. L’Iran est la clé du futur Moyen-Orient. Si l’Iran revient à son alliance stratégique avec les États-Unis d’avant la Révolution chiite islamique de 1979, alors on peut penser que les États-Unis et Israël s’appuieront sur le chiisme pour faire contrepoids à un islam sunnite globalement hostile à l’Occident. Mais une autre hypothèse est possible : que les États-Unis, la France (n’oublions pas que les priorités de Paris sont aujourd’hui Doha et Ryad) et la Grande-Bretagne, proches de la Turquie (membre de l’OTAN) restent fortement alliées aux monarchies sunnites et entretiennent de bonnes relations avec les républiques dominées par les Frères musulmans (Tunisie, Égypte, mais quid de l’Algérie demain ?) et alors on ne peut pas exclure qu’Israël se découple de l’Occident pour se rapprocher d’un axe Russie/monde chiite hostile à la Turquie et aux monarchies pétrolières.
Reste en suspens aussi l’éternelle question kurde avec le jeu de la Turquie.
Enfin il ne faudrait pas oublier les inquiétantes évolutions dans certains pays d’Europe de l’Ouest comme la France, le Royaume-Uni, la Belgique, pays ou des minorités musulmanes sunnites de plus en plus structurées sur le plan identitaire, de plus en plus revendicatives sur le plan de l’islam, de plus en plus financées par les monarchies sunnites (voir les investissements du Qatar en France), vont sans doute jouer un rôle croissant dans la définition des politiques étrangères de ces pays. Comme vous le savez, en matière de politique étrangère (on l’a vu longtemps s’agissant du lobby juif aux États-Unis), ce ne sont pas les majorités dormantes qui pèsent sur la décision, ce sont au contraire les minorités agissantes organisées. Or dans l’Ouest de l’Europe, ce que l’on a longtemps appelé le lobby juif est de plus en plus faible, concurrencé par le poids du lobby pro-musulman ou pro-arabe dans les partis de gauche notamment.
Une chose finalement est certaine : avant que nous n’aboutissions à de nouveaux équilibres au Moyen-Orient, le chemin sera pavé de nombreuses souffrances…
Aymeric Chauprade http://www.realpolitik.tv
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Le Patriarcat de Moscou soutient les chrétiens de France contre la dénaturation du mariage
MOSCOU (NOVOpress via le Bulletin de réinformation) — Le responsable des relations ecclésiastiques extérieures du Patriarcat de Moscou a adressé une lettre chaleureuse au cardinal archevêque de Paris, André Vingt‑Trois.
Il y a exprimé le soutien et la volonté du Patriarcat de Moscou de travailler ensemble au nom de la défense des valeurs chrétiennes.
Le métropolite Hilarion de Volokolamsk (photo ci-dessus) y déplore notamment, en parlant de la France : « L’érosion des principes moraux dans la vie privée et publique qui se produit dans un pays ayant de profondes racines chrétiennes ».
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D’Amiens à Damas, du passé faisons table rase
Le site du Salon beige ou encore Novopress notamment l’ont évoqué, dans la bonne ville d’Amiens, théâtre l’été dernier d’émeutes violentes dans ses « quartiers pluriels », l’équipe du maire PS, Gilles Demailly, entend préserver le « vivre ensemble »… en s’attaquant aux racines helléno-chrétiennes de notre civilisation. Ainsi le traditionnel « Marché de Noël » de cette ville a été débaptisé cette année et s’appelle désormais « Marché d’Hiver ». Il s’agit, vous l’aurez compris, de ne pas froisser les minorités qui pourraient s’émouvoir de cette évocation de Noël, forcément discriminante à leur encontre, peut être même prosélyte, voire même agressive à l’égard de leur croyance… Ne doutons pas que nos socialistes et autres humanistes assimilés se sont réfugiés derrière le prétexte de la neutralité républicaine et laïcarde pour justifier leur lâcheté coupable et leur mépris des traditions françaises…
Cet état d’esprit, prend une résonance particulière relève Bruno Gollnisch, à l’aune des menaces et des agressions dont sont victimes les chrétiens d’orient. Il pense particulièrement en ce moment au sort de cette minorité dans une Egypte en proie au redoublement des violences anti-coptes, et bien sûr à la Syrie ravagée par le terrorisme islamiste.
Archevêque syrien catholique de la préfecture de Hassaké-Nisibe au Nord-Est de la Syrie, Behnan Hindo, a lancé le 22 novembre un appel à la communauté internationale. Au nom des trois évêques de la région, syrien catholique, syrien orthodoxe et assyrien oriental, et au nom des différentes composantes ethniques de la région, il a demandé que la préfecture de Hassaké soit épargnée.
Pour cela a-t-il dit, il faut que la communauté internationale « fasse pression sur les différents groupes armés et l’Armée syrienne libre (ASL) pour qu’elles n’entrent pas dans notre région afin qu’elle demeure toujours ce qu’elle est: le seul havre de paix et de sécurité en Syrie. »
L’ASL ne l’entend pas de cette oreille là où elle peut frapper. Mercredi, au moins une trentaine de personnes ont été tuées dans l’explosion de deux voitures piégées visant clairement des civils à Jaramana, un district du sud-est de Damas. L’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH), une émanation des Frères musulmans, basé en Grande-Bretagne, a annoncé un total de 54 tués. Des attentats fermement condamnés par le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon.
Interrogé par France 24, un habitant de Damas, « Nabil », explique que ce quartier ou vivent une majorité de Druzes et de Chrétiens, était réputé pour « sa relative sécurité » et accueillait beaucoup de réfugiés fuyant les combats et les violences.
« Les habitants explique-t-il, ont refusé de laisser l’armée régulière entrer et ont formé leurs propres brigades pour contrôler l’entrée dans leur quartier (avec l’accord tacite de l’armée). Ils ont également refusé l’entrée aux milices de l’Armée libre syrienne. Les rebelles ont essayé à plusieurs reprises de venir à Jaramana, mais ils ont été repoussés par ces brigades locales. »
« Ce n’est pas la première fois qu’il y a un attentat à Jaramana. Il y en a déjà eu un il y a deux mois, et une série d’explosions s’est produite il y a un mois. L’Armée syrienne libre avait proféré des menaces : elle demandait aux habitants du district de choisir entre eux et le gouvernement… »
Dans ce contexte de rébellion armée, fortement structurée et noyautée par les djihadistes, contre le régime en place en Syrie, les milices anti-Assad ont utilisé pour la première fois ces derniers jours des missiles sol-air. Le site du quotidien Le Point cite Fabrice Balanche, maître de conférences à l’université Lyon-II et directeur du Groupe de recherches et d’études sur la Méditerranée et le Moyen-Orient (Gremmo) qui estime que les missiles en question « viennent de l’étranger. »
« Officiellement, seule l’Arabie saoudite et le Qatar financent et arment l’opposition syrienne. Le matériel envoyé serait léger : des kalachnikov et des lance-roquette RPG. Il faut dire que les deux pays du Golfe subissent les pressions de Washington et de Paris, qui craignent que des armes lourdes ne tombent entre les mains de groupes djihadistes liés à Al-Qaïda, présents sur le terrain, et qui pourraient ensuite s’en servir contre des intérêts occidentaux dans la région (…)».
« Côté français, on assure ne pas livrer d’armes aux rebelles syriens, contrairement à ce qui a été fait en Libye (…). Ceci n’empêche pas le versement d’argent. Depuis le début de la révolution syrienne, en mars 2011, Paris affirme avoir versé quelque 32 millions d’euros d’aide aux Syriens (…) ».
32 millions d’euros versés avec nos impôts à des groupes qui ont largement mis un pays entier à feu et à sang, pour complaire aux velléités géopolitiques de remodelage de la région de certains cercles et officines…Dans l’intérêt également d’une France indépendante et souveraine sur la scène internationale ? Il est très fortement permis d’en douter.
Spécialiste du mondialisme, « ce processus technocratique de décomposition des nations et d’unification du monde, passant par la constitution de grands blocs continentaux », l’universitaire Pierre Hillard, dans un entretien accordé en juin au blog CNTF, évoquait « les buts à long terme élaborés au sein de certaines officines peu philanthropes ». Il citait notamment les travaux « d’un ancien fonctionnaire du ministère des Affaires étrangères israélien Oded Yinon dans une publication parue en 1982 dans le cadre de « l’organisation sioniste mondiale » (World Zionist Organisation). »
« Publié dans La revue d’études palestiniennes et reproduit dans la revue Confluences méditerranéennes (n° 61 printemps 2007) sous le titre Une stratégie persévérante de dislocation du monde arabe, il est clairement indiqué par son auteur que « Le Moyen-Orient ne pourra pas survivre dans ses structures actuelles sans passer par des transformations révolutionnaires (…). Il s’agit ni plus ni moins de favoriser la dislocation des pays musulmans. »
« Ainsi, il est déjà prévu en 1982 de partager l’Irak en trois blocs (chiite, sunnite et kurde), de pulvériser l’Etat syrien en plusieurs entités ainsi que l’Etat égyptien. Il est ajouté pêle-mêle que le processus doit toucher aussi la Libye, le Soudan, le Liban … A la lecture de ce texte, on se rend compte que les événements qui balaient les Etats arabes depuis 2011 ne sont pas fortuits. »
« Il faut rappeler aussi que cette politique définie par Oded Yinon accompagne le rapport rédigé en 1996 par le Prince des ténèbres , Richard Perle, intitulé A clean break : a new strategy for securing the realm. Ce document, véritable catalogue de déstabilisation des pays musulmans fut présenté à Benjamin Netanyahu dans le cadre d’un think tank israélien : The Institute for advanced strategic and political issues. La corruption et le népotisme qui caractérisent les pays musulmans ne suffisent pas à expliquer les bouleversements profonds en cours du Maroc au Pakistan. »
Constatons simplement de notre côté l’évidence. A savoir que des moyens financiers très importants et que la grosse artillerie médiatique ont été déployés depuis mars 2011 par le Nouvel ordre mondial, ses alliés européens et des pétromonarchies, pour faire chuter la Syrie, avec l’aide sanglante des idiots utiles du djihadisme. Au vu de l’ampleur de ce déchaînement, qui peut douter encore que le régime de Bachar el-Assad, au-delà de ses tares, de ses fautes et de ses imperfections n’a pas le soutien d’une majorité de la population ?
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Le rapport Védrine par Pierre de Meuse
Le 14 novembre, Hubert Védrine, ancien ministre des affaires étrangères, a déposé un rapport au secrétariat de la Présidence sur « Les conséquences du retour de la France dans le commandement intégré de l’OTAN, sur l’avenir de la relation transatlantique et les perspectives de l’Europe de la défense ».
Nous connaissons Hubert Védrine comme un fin professionnel de la politique étrangère de la France, puisqu’il a occupé le bureau de Calonne de 1997 à 2002 prenant souvent des positions empreintes de bon sens, conformes aux besoins de la France en ce domaine. Le fait qu’il ait participé à des gouvernements socialistes ne change rien à l’affaire car la politique étrangère n’est pas une affaire de parti. Pourtant nous n’attendions pas de miracles lorsque le Président Hollande lui a demandé de traiter cette question. Il eût été étonnant que l’ancien ministre ose jeter un pavé dans la mare, et du reste on ne lui aurait pas demandé de faire un rapport s’il ne s’était pas engagé à rendre un document conforme à la pratique des ministères Fabius et Juppé, d’ailleurs fort peu différents l’un de l’autre. L’ancien ministre rappelle que c’est la France qui a œuvré pour la création de l’OTAN au début des années 50. Il rappelle aussi les raisons pour lesquelles le général de Gaulle, le 7 mars 1966, écrit au Président Johnson pour lui faire savoir qu’il n’entendait plus, ni participer aux commandements intégrés, ni mettre ses forces à la disposition de l’OTAN, recouvrant ainsi sur son territoire l’entier exercice de sa souveraineté. Les motifs du général tenaient au refus des USA de placer l’OTAN sous commandement triparti, laissant le commandement aux seuls anglo-américains, et à l’opposition des mêmes à la force de dissuasion. De plus le gouvernement français craignait de se voir engagé sur un théâtre d’opérations où il n’aurait rien à faire. Est-il besoin de se souvenir qu’à cette époque, le danger soviétique n’était pas un vain mot ? Alors qu’après 1990 ce danger est écarté, comment expliquer le retour dans l’OTAN en décembre 1995 sous l’impulsion de Jacques Chirac ? Comment justifier une implication accrue aujourd’hui ?
C’est que, nous dit Védrine, la nature de l’OTAN a changé : aujourd’hui les USA sont tout prêts à partager le fardeau de la défense stratégique de l’Europe, alors que les autres Etats se refusent à y consacrer les efforts minimaux. Le retour de la France, selon lui, valorise le rôle de notre pays par le nombre des militaires français qui participent au commandement et leur efficacité. Pourtant l’ancien ministre constate que des décisions contraires à l’intérêt stratégique de la France ont été prises car le gouvernement français, y compris celui de M. Hollande a"accepté que l’OTAN décide de se doter d’une capacité de défense des territoires et des populations contre les missiles balistiques, sur la base d’une extension du programme de défense de théâtre (ALTBMD : Active Layered Theatre Ballistic Missile Defence)." Il doute que l’industrie européenne soit mise à contribution, suspecte avec raison que ce système, présenté artificieusement comme dirigé contre l’Iran, soit braqué au contraire contre la Russie. Il estime que ce système est dangereux pour notre sécurité et contraignant pour l’indépendance de l’Europe. Même si le rapport n’était légitimé que par ce paragraphe, il mériterait d’avoir été publié ! Mais alors, pourquoi l’accepter ? Parce que nous sommes seuls, parce que nous sommes faibles ! Et Védrine de nous engager à la vigilance. Une exhortation qui se résume à conseiller aux européens de ne pas oublier que les motivations des USA, état des deux océans, ne peuvent être les mêmes qu’un ensemble continental risquant toujours de se trouver marginalisé par rapport à l’Histoire. On ne saurait mieux dire. Ainsi « Vigilance signifie que nous devrons veiller à ce qu’elle reste une Alliance militaire, recentrée sur la défense collective, et le moins possible politico-militaire dans son action. » Il parle d’or, mais s’il craint avec raison l’idéologisation de l’Alliance, alors pourquoi se félicite t-il que l’OTAN ait répondu à un « appel à l’aide d’insurgés » en Libye, acte d’agression contraire au droit international, comme le soulignait Medvedev la semaine dernière, et justifié par une vision idéologique et biaisée des évènements ? Et en Syrie où l’OTAN vient d’accepter la coûteuse et inutile installation de missiles patriot à la frontière turque ? Il ne s’explique pas sur cette lourde contradiction. Peut-être considère t-il que l’exportation de la « démocratie » n’est pas une opération idéologique ? Ses cours de Sciences Po sont peut-être un peu loin. De même pour l'alliance inconditionnelle des USA avec Israël, étrangère aux intérêts de la France et même de l'Europe.
En fait l’auteur du rapport se résigne à ce retour dans l’OTAN parce qu’il ne voit pas d’autre politique possible, même s’il est quelque peu sceptique. Les européens considèrent que l’OTAN suffit à la défense de l’Europe et ne voient aucune nécessité de l’assurer eux-mêmes. Or Védrine n’envisage pas d’évènements possibles nous contraignant à changer nos alliances et se contente de déclarations d’intentions qui n’ont aucune chance d’être suivies. Après tout, pourquoi s’en étonner ? Védrine est un grand commis, mais certainement pas un visionnaire.
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Affaire Femen : la chasse aux catholiques commence (mis à jour)
MAJ 29/11, 19h20 : mauvaise nouvelle. Les gardés à vue passent la nuit au commissariat et seront déférés demain au parquet. C’est suite à cette convocation que l’on saura s’ils sont relâchés ou écroués (prison préventive dans l’attente du procès). « La République gouverne mal, mais elle se défend bien ». Prions bien pour eux. Pensez à les soutenir : ici.
MAJ 29/11, 9h30 : une cinquième personne a été mise en garde à vue ce matin (sa femme vient de nous le confirmer). De plus, la lesbienne extrémiste Caroline Fourest annonce s’être rendu au commissariat du SIT (Service d’Investigation Transversale) hier pour reconnaître les gardés à vue.
MAJ 29/11, 9h00: ce ne sont pas 2 personnes en garde à vue mais 4.
Article du 28/11. Selon nos informations, au moins un participant de la manifestation du 18 novembre contre le « mariage » homosexuel a été interpellée ce matin à son domicile. Probablement accusé d’avoir repoussé énergiquement les agresseurs (Femen), il serait toujours en garde à vue. De plus, un manifestant catholique est convoqué ce soir par la police. Nous vous tiendrons informés des suites de l’affaire.
A notre connaissance, aucune militante « Femen » n’a été interpellée pour avoir agressé physiquement et verbalement les participants à la manifestation, y compris les enfants.
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Europe : La fabrique de pauvres
11 millions en Allemagne, 9 millions en France : c’est le nombre de personnes, comprenant de nombreux enfants, qui vivent en dessous du seuil de pauvreté dans ces deux pays, pourtant parmi les plus riches d’Europe.
En Allemagne, des mères de famille jonglent entre des allocations chômage dérisoires et des “minijobs” à 400 euros. En Espagne, les services sociaux sont asphyxiés par la baisse des crédits et des familles endettées se retrouvent à la rue alors même que les banques ne parviennent plus à vendre les logements vacants qu’elles ont saisis.
Cette misère n’est ni un choix ni une fatalité. Elle est le produit d’un changement de paradigme économique et politique ayant débouché sur un nouveau système.
Autant de témoignages qui illustrent une pauvreté “héritée” dès l’enfance et le sentiment d’impuissance et de honte de ceux qui en sont victimes. Sociologues et politologues mettent en garde : dans des sociétés européennes “en situation d’urgence”, le démantèlement de l’État providence pourrait bien être une bombe à retardement.
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Les attentas du 11 Septembre 2001 P. Ploncard d'Assac
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De quoi l’UMP est-elle le nom ?
La guerre que se livrent François Fillon et Jean-François Copé est une simple querelle d’ambitieux. N’allez pas croire qu’il s’agit d’un combat idéologique. Mettre la main sur le parti, surtout quand on est dans l’opposition, c’est jouir d’un statut envié, avec fric, bagnole qui fait pin-pon et tout un petit personnel qui vous cire les pompes. Vous êtes Vizir et vous n’aurez aucun mal à claquer le beignet à cet ectoplasme d’Harlem Désir sur un plateau télé.
Jean-François Copé se prépare depuis belle lurette, et une courtoise opposition à Sarko du temps où il gérait le groupe UMP à l’Assemblée, à mettre la main sur le parti. Il a eu tout le temps de le modeler à sa pogne. On s’en aperçoit aujourd’hui. Enfin, à l’image de Sarko, il ne cache pas ses ambitions. Mais, ne cherchez pas les idées, il n’en a pas. Il considère qu’il n’est de problème qu’un énarque ne puisse résoudre. C’est, enfin, un libéral très soupe sociale démocrate.
Le cas Fillon est différent. C’est un « suceur de roue » comme l’on dit dans le cyclisme. Longtemps dans l’orbite de Philippe Séguin, il a intrigué pour se faire nommer ministre par Chirac, ce qui est le rêve de tout député de base. Très vite, il a pris le goût du pouvoir, aussi quand Chirac l’a viré, il s’est précipité dans les bras de Sarko. Bonne pioche. Il est devenu pendant cinq ans un Premier ministre fantôme. Ce qui lui allait parfaitement, il est incapable de prendre une décision.
Car, ce qu’aime Fillon par-dessus tout, c’est son train de vie. Il est tout aussi bling bling que Sarko. C’est un frimeur. Et, il s’est pris la grosse tête à Matignon. Il a cru qu’il occupait la fonction. Sarko banané, voici le cruel retour au réel. Plus de voiture qui fait pin-pon et surtout des fins de mois plus étriquées. C’est alors que toute la frange centriste de l’UMP lui a fait comprendre qu’il pourrait être leur Vercingétorix. L’occasion de se refaire une santé au nom d’un pseudo gaullisme social dont il n’a jamais écrit la première ligne.
Le ressentiment, chez Fillon, s’ajoute certainement à une ambition que l’on a un peu vite étiqueté haine. Car la politique, c’est aussi l’art d’assassiner ses amis, son voisin quand ce n’est pas son père et sa mère.
De cette querelle, mis à part ceux qui ont un intérêt direct dans l’affaire pour s’être mouillés dans l’espoir d’une récompense, comme Valérie Pécresse, surnommée la « traîtresse », ou Eric Ciotti, surnommé « Ciottise » et autre vulgaire Wauquiez, la plupart des députés s’en foutent.Car, ce à quoi ils tiennent le plus, c’est le Parti et surtout l’étiquette qui va avec. Sans étiquette, pas d’élection, pas de fric. On ne monte jamais au front à poil. C’est la raison pour laquelle, tous les élus, ramassis de pétochards, se rangeront derrière celui qui aura éliminé l’autre. Sans état d’âme. Et, ils iront avec empressement négocier leur investiture et tout rentrera dans l’ordre.
Le seul qui a vraiment de quoi faire la faire la gueule, c’est Juppé, dit « le Bordelais ». Ce parrain d’opérette a tout foiré et les jeunes générations lui tirent un bras d’honneur. Juste retour des choses quand on a pris trop longtemps les autres pour des imbéciles.
PS : Jean-François Copé, qui vient de s’auproclamer de nouveau président de l’UMP, confirme bien qu’il n’y aura aucune alliance avec une quelconque droite nationale. Les Loges sont toujours à la manoeuvre.
source Patrick Parment dans Synthèse nationale
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Imposture du concept de sans papiers
Comme beaucoup d'autres, après 15 ans de recours systématique aux sources en ligne, je retrouve le plaisir de la presse traditionnelle sur papier. Mais en l'occurrence je ne puis que me féliciter d'avoir commencé par capter l'info sur le site internet du "Monde". Car l'édition imprimée du même journal ne publie pas la même photo : en page 12 on y trouve en effet une sorte de dossier consacré au sujet. Or, celui-ci est illustré différemment, d'une image misérabiliste, fort émouvante en effet : celle d'un malheureux migrant originaire probablement d'Afrique subsaharienne venu à la recherche d'un illusoire eldorado hexagonal. Or, ce garçon n'a trouvé ici que ce que l'on sait, avec en plus l'hiver qui vient. Et sans doute a-t-il payé très cher des passeurs sans scrupules. Peut-être est-il surexploité par d'affreux employeurs, logé dans des conditions épouvantables, etc.
Tout cela tend à nous inspirer, sans aucun doute, et fort légitimement, une infinie tristesse. C'est pourquoi, quoique je sois peu enclin aux mesures restrictives de liberté, je me demande donc si ces "chances" que de tels jeunes offreurs de travail viennent apporter à l'Europe ne bénéficieraient pas, en définitive, d'une condition humaine plus favorable dans leur pays, sous leur climat. Et si par conséquent on ne leur rendrait pas un immense service en leur interdisant de manière effective l'entrée sur notre sol.
Car, quand on parle de "sans-papiers" (et cela s'écrit maintenant dans "Le Monde", journal de référence de la typographie, avec un trait d'union) on commet une erreur sémantique. Osons-le dire : ce terme relève d'une imposture.
Ainsi "Le Monde" en ligne (1)⇓ nous en a administré, sans doute de manière involontaire, la preuve en utilisant pour illustrer la page internet une photo "AFP", que nous reproduisons en vignette de cette chronique... car elle prouve précisément ce qu'il faut bien appeler le caractère mensonger du concept.
Si les maquettistes de cette édition virtuelle du "grand journal du soir" font correctement leur travail, ils corrigeront l'erreur très vite et changeront l'illustration. Vous voyez : je n'emploie pas ici la forme conditionnelle grammaticalement plus correcte "s'ils faisaient... ils changeraient", car elle exprime un doute un peu plus fort, quant au sérieux des intéressés. Non : les correcteurs du "Monde" paraissent un des derniers bastions, – n'écrivons pas : "reliquats", – de l'esprit français d'exactitude (2)⇓
Qu'y voit-on en effet en train d'être éventuellement régularisé : le dossier d'une immigrante de nationalité philippine, dossier dans lequel figure son passeport. Des papiers, ces gens en possèdent, ceux de leur pays, ou ils, s'ils les ont détruits, ils pourraient en retrouver en s'adressant à leur consulat.
L'erreur de bonne foi est réputée, comme chacun le sait, humaine ; la persévérance, elle, comme personne ne l'ignore est qualifiée, par la même sagesse des nations de diabolique.
Or, cette erreur dure depuis plus de 30 ans. Elle investit les lieux les plus inattendus. Par respect, je ne me permettrai pas ici de dire dans quelles enceintes sacrées je l'ai entendue plusieurs fois ; fort heureusement on ne l'y prononce plus.
Certes on peut critiquer la législation républicaine et concevoir d'aménager la loi. Par exemple les dispositions qui empêchent un diplômé des universités françaises de travailler en France de plein droit, et d'acquérir la citoyenneté du pays peuvent sembler absurdes, inconvenantes, déshonorantes, appauvrissantes pour la France.
En revanche avant de changer la loi, on pourrait commencer par adopter le principe que celle-ci ne doit être conçue qu'en vue d'une application effective.
Des Français on exige qu'ils appliquent la loi nationale, des Étrangers on accepte qu'ils la violent : ne peut-on pas y voir une forme discrète de discrimination autant que le signe d'une décadence du Droit ?
Ceux qu'on appelle si gentiment des "sans-papiers" relèvent d'une infraction délibérée, parfaitement consciente, des règles du pays auquel ils demandent de les accueillir. Ceux qui les emploient ne l'ignorent pas non plus. Ne les oublions pas.
De la sorte quand on apprend en même temps que le ministre de l'Intérieur et le conseil des ministres s'apprêtent à régulariser des gens qui violent la loi française depuis 5 ans au moins alors que "les chiffres du chômage" explosent" (3)⇓ il est difficile de penser que le pays en question n'est pas tombé gravement sur la tête, sans doute il y a très longtemps. (4)⇓
Certes aussi "Le Monde" trouve la mesure Valls insuffisante. Il note que "les associations" protestent. En effet, ce qu'on pourrait aussi appeler les "officines immigrationnistes" s'étonnent que les conditions de régularisations des nouvelles circulaires se révèlent plus dures, pour les parents d'enfants scolarisés, que celles d'un certain Sarkozy en 2006. On croit alors rêver
Ces braves gens ont-ils entendu parler de la crise et des difficultés quotidiennes d'un nombre grandissant de Français ?
On se demande sur quelle planète vivent ces militants d'extrême gauche : sans doute se promènent-ils sur l'astre lointain qui vit perdre des centaines de milliers de voix au camarade Mélenchon lors de son discours ahurissant de Marseille.
JG Malliarakis http://www.insolent.fr/
Apostilles
- ce 28 novembre à 10 h 57
- Et on ne peut que recommander leur chronique ainsi que les livres de l'un d'entre eux M. Jean-Pierre Colignon.
- Tel est le titre étalé sur 4 colonnes en première page, toujours du "Monde" de ce 28 daté du 29 novembre.
- C'est ce que Augustine Cochin dans le livre sur "Les Sociétés de pensées" appelle le "patriotisme humanitaire"