par Chantal Delsol *
Le mouvement décolonial qui s’en prend à l’histoire européenne comporte une contradiction interne, estime le professeur de philosophie politique, Chantal Delsol*, qui refuse toute relecture manichéenne du passé.
Nous nous étions réjouis de voir décapiter les statues de Lénine et de Staline. Sortant d’une longue période totalitaire, pendant laquelle le visage de Big Brother était omniprésent et monopolistique, la destruction des images détestées symbolisait pour les peuples soviétisés le retour à la liberté. La mise à mal récente, pour ne citer qu’eux, de Schœlcher, Colbert, Faidherbe, traduit la volonté d’abolir une vision élogieuse du passé colonial, de l’époque où l’Occident dominait le monde. Il ne s’agit plus d’un régime spécifique, particulièrement odieux, comme pour le soviétisme. Il s’agit de l’histoire tout entière. Ces destructions de la mémoire s’inscrivent dans un bien plus vaste mouvement : on voudrait supprimer les noms des auteurs passés soupçonnés de machisme ou de racisme - c’est-à-dire tous !