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plus ou moins philo - Page 11

  • La pro-avortement Sophie Montel en dessous des 3% (législative partielle de Belfort)

    Pascal Gannat (FN) n'oublie pas de rappeler la proximité de Sophie Montel avec Florian Philippot, l'homme de la culture du bonzaï...  

    Et quand on pense que ces deux cadres politiques ont eu tant d'influence durant 3 ans cruciaux au FN, exigeant l'expulsion de Jean-Marie Le Pen, détruisant toutes les références de droite au sein du FN, et précipitant une crise majeure nécessitant changement de nom et refondation https://twitter.com/jejeblt/status/957671265388630020 

     Les premiers résultats ici.

    Philippe Carhon

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  • Yvan Rioufol : " Macron, ce faux dur en matière d'immigration"

    Extrait de l'excellente tribune d'Yvan Rioufol :

    "La gauche angélique et irresponsable fait faussement passer Emmanuel Macron pour un opposant déterminé à l’immigration de peuplement (...) Cet étalement de bons sentiments en dit long sur l’aveuglement face au raidissement de l’opinion. Partout en Europe, et singulièrement en France, les gens rejettent majoritairement une immigration qui ne s’assimile plus et qui porte en elle un nouvel antisémitisme.

    Reste que Macron n’est pas l’homme à poigne que croient voir les inconditionnels de l’accueil pour tous. Son soutien à la politique d’Angela Merkel, qui a fait entrer en Allemagne plus d’un million de "migrants" musulmans en 2015, ajouté à son mépris des "populistes" qui réclament le retour aux frontières, ne font pas du président un obstacle sérieux à l’idéologie immigrationniste.

    Tandis que les pays d’Europe de l’Est, qui ont déjà sauvé l’Europe de l’envahisseur ottoman en 1683, sonnent une nouvelle fois l’alarme sur une histoire qui se répète, Macron joint sa voix à celle de l’Union européenne pour accabler la Pologne ou la Hongrie. Le député Guy Verhofstadt a récemment sermonné ces deux nations : "Il n’y a pas de place pour des pays qui rejettent nos valeurs. Toute référence à l’identité nationale est potentiellement fanatique". Pour sa part, le commissaire européen aux migrations, Dimitris Avramopoulos, a admis (Le Figaro, vendredi), parlant d’"impératif moral" mais aussi d’impératif "économique et social" : "Il est temps de regarder en face la vérité. Nous ne pourrons pas arrêter la migration". Macron l’européen demeure, jusqu'à présent, dans cette logique de l'ouverture et du remplacement."

    Philippe Carhon

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  • Les trois liens de l’étudiant à la nation selon Heidegger

    Il ne s’agit point de médire de notre enseignement, mais d’en déplorer l’écroulement national, si l’on prend au sérieux les résultats statistiques de sa partie primaire, hier classée au plus bas en Europe, pour ce qui est de l’arithmétique, et à une place médiocre, sinon alarmante pour un pays se voulant une grande puissance dans le monde, en grammaire. L’effort du présent ministre est à noter, après les folies ou divagations de ses prédécesseurs, d’introduire  la discipline d’une dictée quotidienne, mais cela ressemble, à user d’une métaphore militaire, à une distribution de cartouches sans fusil, car tout l’édifice logique de la grammaire, qui est un art de bien penser, est depuis longtemps écroulé.

    3660863874.jpgL’on parlera de réussites individuelles, ou de succès statistiques « d’apprenants » dans les examens généraux de fin d’études – mot absurde puisqu’il n ‘y aura pas eu de vrai commencement et de fondation assurée -, et de carrières, mais que vaut un savoir au sein d’une nation ou d’une nature de peuple fragilisée, et ignorant qu’elle porte en elle un destin, lequel la broiera si elle ne le maîtrise ? Cette question s’est posée au professeur Heidegger, le terme de professeur étant plus proche de la profession de foi que de l’exercice mécanique de répétitions vides, brillantes mais infécondes, comme une coque de noix vide.

    Lui-même n’eût point été surpris du délabrement de ce corps étudiant, car son engagement politique et celui de sa nation meurtrie et recouvrant cette santé de l’âme qu’est la vérité (selon le mot de Descartes) fut de surmonter le nihilisme ou réduction au néant de la culture entendue comme volonté populaire de garder le savoir et de se former par lui.

    Dans un précédent article nous traduisions l’Appel de ce même  Heidegger à ses collègues d’approuver l’appel du Guide du peuple allemand à quitter l’O.N.U. de son temps, la S.D.N. ou Ligue, Société des Nations de Genève, pour suivre son propre devoir. Nous reprenons ici le texte déjà traduit en 1987 par un défunt ancien maître de philosophie à l’université de Toulouse, Gérard Granel (1930-2000), que nous retraduisons de nouveau, pour être plus fidèle au texte allemand, du discours  dit de Rectorat, adressé par Heidegger à ses étudiants de Fribourg-en-Brisgau, tenu le 27 mai 1933, lors de la solennité de sa prise en charge :

    « La prise en charge  du Rectorat est l’obligation de  la conduite  spirituelle de cette école supérieure. La suite  [le mot Gefolgschaft étant employé au sens ancien chevaleresque d’une suite accompagnant un guide] des maîtres et des élèves croît et se renforce seulement  à partir de l’enracinement véritable et commun  dans l’essence  de l’université allemande. Mais cette essence  n’accède  d’abord à la clarté, au rang et à la puissance, que si  préalablement et en tout temps les guides sont eux-mêmes guidés par  l’inflexibilité de cette charge spirituelle  qui fait entrer de force le destin du peuple allemand dans  l’empreinte  de son histoire. »

    Heidegger indique le sens d’être un Guide et en même temps un Guidé ! Alors s’évanouissent toutes les caricatures ou fantômes de fascisme que nous servent les fast-food de l’esprit.

    « Car le décisif dans (l’acte) de conduire  [« im Führen »] n’est pas le pur et simple aller de l’avant, mais est la force  de pouvoir aller seul, non pas par égoïsme et plaisir de dominer, mais en vertu d’une détermination très profonde et d’une obligation très étendue. Une telle force oblige à l’essentiel, crée la sélection des meilleurs et éveille l’authentique suite  de ceux  qui sont d’un nouveau courage. Mais nous n’avons pas besoin d’abord d’éveiller. La corporation allemande est en marche [die deutsche  Studentenchaft ist auf dem Marsch].

    Et ceux qu’elle cherche, ce sont  ces guides par lesquels elle  veut  élever  sa propre détermination  à une vérité  fondée, savante et la placer  dans la clarté de la parole qui agit  significativement et de l’œuvre.

    A partir de la décision  de la corporation étudiante allemande de tenir ferme au destin allemand  dans son  extrême détresse advient  une volonté d’essence de l’Université. Cette volonté est une vraie volonté, pour autant que la corporation étudiante  grâce au nouveau droit estudiantin  se place lui-même sous la loi de son essence et par là  délimite avant tout cette essence. Se donner à soi-même la loi, est la plus haute liberté. »

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    La fausse liberté académique

    Heidegger de poursuivre en dénonçant les slogans dont on abreuve  aujourd’hui la masse qui est invitée à tout sauf à connaître cette essence populaire ou nationale, au point que le mot traditionnel de peuple (Volk) est  en langage officiel de moins en moins usé en Allemagne, remplacé par du « social », pays   où – sachons le – le père de Madame Merkel, pasteur passé à l’Est après guerre pour mette son séminaire sous la coupe du ministre de l’Instruction Publique, de famille israélite berlinoise immigrée, au début du XXe siècle, de Suisse,  nommé Gyzi, père de l’actuel chef berlinois de « La Gauche » (Die Linke), refusa d’admettre la réunification du pays de novembre  1989 :

    « La tant vantée « liberté académique » sera repoussée de l’université allemande; car cette liberté  était inauthentique [unech]), parce que seulement négatrice. Elle signifiait  surtout insouciance, arbitraire des vues et des inclinations,  licence [Ungebundenheit]  dans le faire et laisser-faire. Le concept de liberté de la corporation étudiante allemande  est maintenant  ramené à  sa vérité. A partir d’elle  se déploient à l’avenir  lien et service de la corporation étudiante.

    Ce qui s’impose à l’étudiant : le lien de la nation au savoir.

    1.Le premier lien est dans la communauté du peuple [Volksgemeinschaft].Il fait un devoir d’avoir part , en  aidant à porter  et en  co-agissant, aux efforts et à la capacité de tous les états [terme préféré à celui plus égoïste  et autodestructeur, au plan national, de classe] et membres du peuple. Ce lien  est dorénavant  affermi et enraciné  dans l’existence  estudiantine par le service du travail.

    2. Le deuxième lien est attenant à l’honneur et au sort  de la nation au milieu des autres peuples. Elle réclame la disponibilité,  assurée dans  le savoir et le pouvoir  et  sanctionnée  par la discipline, à l’engagement  jusqu’au bout. Ce lien  embrasse et parcourt  dans l’avenir  toue l’existence  étudiante  comme un service de défense [Wehrdienst].

    Le distingué Granel traduit par « service militaire », la Wehrmacht étant littéralement une force de défense, tout comme la vérité, selon la même origine indo-germanique, est une défense de la réalité contre les forces destructrices.

    Le dernier point, ou lien– [le mot allemand de Bindung ne signifie pas proprement  une obligation, mais un attachement, un lien, comme un membre est lié au corps, à l’organisme)] –  est le plus important et touche au vif notre société qui n’est plus digne de cette qualification.

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    3. Le troisième lien de la corporation étudiante est liée à la charge  spirituelle  du peuple allemand. Ce peuple  œuvre à son destin, tandis qu’il insère son histoire  dans la manifestation de la surpuissance  de toutes les  puissances de l’existence humaine  façonnant le monde, et entreprend de  combattre   toujours à nouveau  pour son monde spirituel. Ainsi exposé  au questionnement   extrême  de l’existence propre, ce peuple veut être  un peuple spirituel. Il exige de lui-même  et pour lui-même  dans ses guides et  protecteurs, la clarté la plus  dure  du savoir le plus élevé, le plus étendu et le plus riche. Une jeunesse étudiante  qui se risque tôt  dans la virilité et déploie  sa volonté  sur le sol futur de la nation, se contraint à partir du fond [von Grund aus] à ce savoir. Pour elle le  service du savoir [Wissensdienst] ne devra plus être le dressage accablant  et rapide  à une vocation « distinguée ». Parce que  l’homme d’Etat et le maître, le médecin  et le juge, le pasteur et l’architecte guident [führen] l’existence populaire-étatique  et dans ses traits fondamentaux  éveillent aux forces  de l’être humain façonnant le monde et  se tiennent acéréespour cette raison  ces métiers et l’éducation attachée à eux sont confiés au service du savoir.

    Le savoir n’est pas au service des vocations, mais  à l’inverse: les vocations [ou métiers] suscitent et régissent   ce suprême et essentiel savoir  du peuple  pour sa propre existence. Mais ce savoir  n’est pas pour nous  la prise de connaissance  tranquille  d’entités et de valeurs en soi, mais au contraire  la plus aiguisée dangerosité de l’existence  au milieu  de la surpuissance des étants. Le questionnement de l’être  en général  arrache au peuple  travail et combat  et le contraint à son Etat  auquel appartiennent les vocations.

    Les trois liens – par le peuple au sort de l’Etat dans la charge spirituelle – sont pour l’essence allemande également originels  [gleichursprünglich]. Les trois des services qui en jaillissent – service du travail service de défense et service du savoir – sont également nécessaires et de rang égal.

    Le but de l’enseignement: faire germer ce que le temps seul mûrira

    Après la guerre, Heidegger poursuit cet effort ou patience de pensée, en citant le poète Heinrich von Kleist qui assurait que le sens de  l’effort de penser, travailler, combattre, ou l’effort en un mot qui les lie tous, de poétiser ou, pour le dire mieux, de  renforcer et serrer de plus près le travail de l’activité scientifique dans lequel s’épanouit le philosophie, devait déboucher un siècle plus tard sur la germination d’une créativité qui continuerait de faire renaître l’existence, celle des peuples et du savoir dont ils sont  l’enveloppe. Ce message est dans la vidéo aux sous-titres anglais ci-dessus.

    Cela exige sérieux, continuité de l’effort, persévérance, un questionnement constant de notre origine, ce qui va plus loin et plus haut que l’imitation de modèles, et qu’il entend par la métaphysique. Inutile de dire que notre présent monde a ce dernier terme en horreur. Aussi l’avenir se dérobera-t-il à lui.

    Pierre Dortiguier

    VIDEO: https://archive.org/details/MartinHeideggerVolkPhilosopher

    http://euro-synergies.hautetfort.com/

  • Est-ce un crime de faire réfléchir sur l'avortement ?

    6a00d83451619c69e201bb09e3c93e970d-200wi.jpgStéphane Mercier, philosophe, auteur de La Philosophie pour la vie, licencié par l'univesité catholique de Louvain pour avoir dispensé un cours poussant à la réflexion sur l'avortement, est interrogé dans L'Homme Nouveau. Extrait : 

    Les cadres de l’Université catholique de Louvain ont-ils pris connaissance du cours pour lequel ils vous condamnent ? Que vous ont-ils reproché exactement ?

    Je ne sais pas s’ils ont lu mon cours, mais, puisque le texte que j’avais mis à disposition des étudiants a été diffusé par les médias, ils pouvaient y avoir accès sans problème. Je n’ai eu aucune indication claire sur ce qui posait problème, puisqu’à chaque question que je posais, on me répondait qu’il ne s’agissait pas de « discuter des détails ». Les cadres m’ont aussi reproché d’avoir fait un cours très polémique devant des étudiants qui n’y étaient pas prêts. Je trouve cela extrêmement désobligeant pour eux et je pense, au contraire, qu’il est tout à fait normal que de jeunes adultes puissent réfléchir à certains sujets de société et notamment l’avortement.... D’autant plus le Planning familial intervient dans les écoles pour diffuser la culture de mort auprès d’enfants qui n’ont que 12 ou 13 ans ! L’Université m’accuse également d’avoir développé un argumentaire trop unilatéral ; pourtant, développer une thèse dans une direction est une manière de travailler tout à fait légitime en philosophie ; et je ne pense pas que l’on m’aurait fait ce reproche si j’avais développé un argumentaire « unilatéral » contre le viol ou le génocide. 

    Une-1653.jpgSi l’Université catholique de Louvain s’est rendue coupable d’un véritable scandale en s’opposant publiquement à la doctrine chrétienne sur le respect de la vie humaine, avez-vous au moins reçu le soutien de prêtres et d’évêques ?

    J’ai reçu, à titre individuel et privé, le soutien de plusieurs prêtres, mais aussi de Mgr Léonard, archevêque émérite de Malines-Bruxelles, aujourd’hui à la retraite en France. L’évêque de Liège, en revanche, a prétendu à tort que je m’étais mis les étudiants à dos en traitant la question de l’avortement, alors qu’en réalité, ils ne sont qu’une infime minorité à avoir réagi de manière négative. Le cardinal De Kesel, pour sa part, m’a dit en privé que tout ce qui m’arrivait était bien triste, mais il en est resté là. Quant au porte-parole de l’épiscopat belge, il a estimé que ma condamnation de l’avortement était excessive et irrecevable... Peut-être oublie-t-il en quels termes l’Église parle de l’avortement, jusqu’au pape François, qui a qualifié l’avortement de « crime effroyable » ? Les évêques francophones belges ont un titre honorifique au sein de l’Université catholique de Louvain, mais on peut dire qu’ils n’ont rien fait... Ils portent là une lourde responsabilité. [...]"

    Michel Janva

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  • Une puissante leçon sur “la vraie Europe” lancée par des philosophes européens

    "Une Europe en laquelle nous pouvons croire" : la vibrante déclaration de Paris signée par des universitaires, penseurs et intellectuels de réunis à Paris veut rompre avec la double imposture de la "fausse Europe" : le supranationalisme et le multiculturalisme. Les signataires ont pris acte de la faillite idéologique de l'UE actuelle et du risque pour l'Europe, en minant ses nations à laisser s'évanouir sa grande civilisation . Mais plutôt que de se torturer d'angoisses stériles et d'ajouter encore un autre volume à la littérature abondante sur « le déclin de l'Occident », ces penseurs européens ont préféré exprimer positivement et solennellement leur attachement à ce qu'ils dénomment « la vraie Europe », cachée sous les abstractions à la mode et l'idéologie de notre époque. Cette Déclaration de Paris est un appel retentissant pour une compréhension renouvelée et une appréciation du véritable génie de l'Europe. C'est une invitation aux peuples d'Europe à retrouver activement ce qu'il y a de meilleur dans notre héritage commun et à construire ensemble un avenir de paix, d'espoir et de dignité.

    Déclaration de Paris

  • Aristote en politique: bien commun, cité heureuse et autarcie

          Les leçons d’Aristote, philosophe moral et politique (laissons de côté ici l3e naturaliste) ne sont pas caduques. Elles doivent bien entendu être lues et comprises dans leur contexte. Mais leurs principes restent en bonne part actuels. Rappels d’une doctrine.

          La notion de cité est déterminante dans la philosophie politique d’Aristote. Quelle forme prend cette détermination ?  Pour Aristote l’appartenance à la cité précède et en même temps influe de manière décisive sur la définition de sa philosophie politique, c’est-à-dire du bien en politique. En d’autres termes, l’hypothèse préalable d’Aristote à l’élaboration même de sa pensée politique, c’est que l’existence d’un monde commun, un monde qui s’incarne dans la cité,  précède la définition du bien commun et le conditionne. Pour comprendre ce cheminement, nous verrons d’abord ce que veut dire « la cité » pour Aristote (I). Nous examinerons quelle conception il en a.  Nous verrons ensuite (II) comment la pensée politique d’Aristote prend place dans son analyse de la pratique (praxis).

         La philosophie pratique est pour Aristote la « philosophie des choses humaines ». C’est donc la philosophie de la politique. La pensée aristotélicienne suppose un monde commun, la notion de cité et d’appartenance à la cité. Politikonvient de polis. L’étymologie de politique renvoie à la cité. La pensée d’Aristote n’est jamais une pensée hors sol. Elle part de la cité pour chercher le bien de la cité.

    Une communauté d’hommes libres

         I - La cité (en grec polis) est un Etat avant d’être une ville. Mais c’est aussi une communauté d’hommes libres avant d’être un Etat. C’est une communauté de citoyens libres qui partagent la même histoire, les mêmes héros, les mêmes dieux, les mêmes rites et les mêmes lois. Fustel de Coulanges a souligné l’importance de la religion dans la fondation des cités (La cité antique, 1864). Ainsi, chaque cité grecque a un panthéon différent. La cité en tant que polis n’est pas d’abord une donnée spatiale. Mais il se trouve que (a fortiori dans un paysage accidenté comme celui de la Grèce, ou de la Grande Grèce [Sicile]), la cité correspond aussi à un lieu déterminé, à une géographie particulière. Cette communauté de citoyens dans un lieu particulier, c’est une communauté politique souveraine au côté d’autres communautés politiques, rivales, alliées ou ennemis.

    4055472570.jpg   « Il est donc manifeste que la cité n'est pas une communauté de lieu, établie en vue de s'éviter les injustices mutuelles et de permettre les échanges. Certes, ce sont là des conditions qu'il faut nécessairement réaliser si l'on veut qu'une cité existe, mais quand elles sont toutes réalisées, cela ne fait pas une cité, car [une cité] est la communauté de la vie heureuse, c'est-à-dire dont la fin est une vie parfaite et autarcique pour les familles et les lignages » (Politiques, III, 9, 6-15).  

         Dans Politiques (nous nous référerons à la traduction de Pierre Pellegrin, Garnier Flammarion, 1990), Aristote s’attache à déterminer quels doivent être les rapports des hommes entre eux. C’est là le cœur de la politique. Cela ne concerne que les hommes qui vivent dans un cadre politique, c’est-à-dire dans une cité. Les Barbares sont donc exclus et, à l’intérieur même de la cité, les esclaves et les femmes. Les Barbares sont certes, tout comme les esclaves et les femmes, des êtres rationnels, mais ce ne sont pas des êtres politiques.

         Que sont les êtres politiques au sens grec ? Si l’homme possède le langage, et pas seulement la voix, c’est qu’il est destiné à vivre en société. Par le langage, l’homme peut se livrer au discours et à la délibération. Aristote explique cela ainsi : «  § 10. […] la parole est faite pour exprimer le bien et le mal, et, par suite aussi, le juste et l'injuste ; et l'homme a ceci de spécial, parmi tous les animaux, que seul il conçoit le bien et le mal, le juste et l'injuste, et tous les sentiments de même ordre, qui en s'associant constituent précisément la famille et l'État. § 11. On ne peut douter que l'État ne soit naturellement au-dessus de la famille et de chaque individu ; car le tout l'emporte nécessairement sur la partie, puisque, le tout une fois détruit, il n'y a plus de parties, plus de pieds, plus de mains, si ce n'est par une pure analogie de mots, comme on dit une main de pierre ; car la main, séparée du corps, est tout aussi peu une main réelle. […] § 12. Ce qui prouve bien la nécessité naturelle de l'État et sa supériorité sur l'individu, c'est que, si on ne l'admet pas, l'individu peut alors se suffire à lui-même dans l'isolement du tout, ainsi que du reste des parties ; or, celui qui ne peut vivre en société, et dont l'indépendance n'a pas de besoins, celui-là ne saurait jamais être membre de l'État. C'est une brute ou un dieu.  » Or chacun comprendra que les brutes sont plus courantes que les dieux.

        Aristote poursuit : « § 13. La nature pousse donc instinctivement tous les hommes à l'association politique. Le premier qui l'institua rendit un immense service ; car, si l'homme, parvenu à toute sa perfection, est le premier des animaux, il en est bien aussi le dernier quand il vit sans lois et sans justice. […]. Sans la vertu, c'est l'être le plus pervers et le plus féroce ; il n'a que les emportements brutaux de l'amour et de la faim. La justice est une nécessité sociale ; car le droit est la règle de l'association politique, et la décision du juste est ce qui constitue le droit » (Politiques I, 1253a).

          Mais, comment vivre bien en société, c’est-à-dire en fonction du bien ? Comment faire ce qu’ordonne la vertu ? « Comment atteindre à ce noble degré de la vertu de faire tout ce qu’elle ordonne » (Politiques, IV, 1, 6).

         Comment s’incarne cette recherche de la vertu ? Aristote voyait pour la cité trois types de constitutions possibles : la monarchie, l’aristocratie, le gouvernement constitutionnel (politeia) ou république. Le premier type, la monarchie, est le gouvernement d’un seul, qui est censé veiller au bien commun. Le deuxième type, l’aristocratie est censée être le gouvernement des meilleurs. Le troisième type, le gouvernement constitutionnel, ou encore la république, est censé être le gouvernement de tous.

         Ces trois régimes ont leur pendant négatif, qui représente leur dévoiement. Il s’agit de la tyrannie, perversion de la monarchie, de l’oligarchie (gouvernement de quelques-uns) comme dévoiement de l’aristocratie, de la démocratie comme perversion du gouvernement constitutionnel (Politiques, III, 7, 1279a 25). « Aucune de ces formes ne vise l’avantage commun » conclut Aristote.

     3055149930.jpg   Notons que la démocratie est, pour Aristote, le gouvernement des plus pauvres, à la fois contre les riches et contre les classes moyennes. Le terme « démocratie » est ainsi pour Aristote quasiment synonyme de démagogie. (Cela peut choquer mais nos élites n’ont-elles pas la même démarche en assimilant toute expression des attentes du peuple en matière de sécurité et de stabilité culturelle à du « populisme », terme aussi diabolisateur que polysémique, comme l’a montré Vincent Coussedière dans Eloge du populismeet Le retour du peuple. An I ?) 

        Pour Aristote, la politique est un savoir pratique. Il s’agit de faire le bien. Dans la conception aristotélicienne de la cité, tout le monde est nécessaire mais tout le monde ne peut être citoyen. Seul peut être citoyen celui qui n’est pas trop pris par des tâches utiles. « Le trait éminemment distinctif du vrai citoyen, c’est la jouissance des fonctions de juge et de magistrat » (Politiques, II, 5, 1257a22). Le paysan et l’artisan ne peuvent être citoyens, pas plus que le commerçant.

          L’esclavage, qui n’était pourtant pas très ancien dans la Grèce antique, est justifié par Aristote. Il permet aux citoyens de s’élever au-dessus de certaines tâches matérielles. « Le maître doit autant que possible laisser à un intendant le soin de commander à ses esclaves, afin de pouvoir se livrer à la vie politique ou à la philosophie, seules activités vraiment dignes d'un citoyen » (Politiques, I, 2, 23). La vision qu’a Aristote de la société est incontestablement hiérarchique.  

         Toutefois, l’inégalitarisme d’Aristote n’empêche pas qu’il défende l’idée d’un minimum à vivre pour tous. « Aucun des citoyens ne doit manquer des moyens de subsistance » (Politiques, VII, 10, 1329a). Ce point de vue est logique car Aristote définit le but de la communauté comme « la vie heureuse » : « Une cité est la communauté des lignages et des villages menant la vie heureuse c’est-à-dire dont la fin est une vie parfaite et autarcique. Il faut donc poser que c'est en vue des belles actions qu'existe la communauté politique, et non en vue de vivre ensemble ». (Politiques, III, 9, 6-15).

            Le bonheur de la cité et l’autarcie sont donc liés. L’autarcie est l’une des conditions du bonheur, et un signe du bonheur. Cela, qui est notre cité, est limité et cela est bien, justement parce que ce qui est bien tient dans des limites. Que nous disent les limites ? Que le bien a trouvé sa place. Qu’il est à sa place. Cette notion d’autosuffisance ou encore d’autarcie s’oppose à un trop grand pouvoir des commerçants, c’est-à-dire de la fonction marchande. C’est aussi une vision hiérarchique où sont respectées les diversités et les inégalités, car si toutes les diversités ne sont pas des inégalités, beaucoup le sont.

         La question de la taille de la cité n’est pas un détail dans la pensée d’Aristote. Elle fait partie du politique, comme le remarque Olivier Rey (dans Une question de taille, Stock, 2014). « Une cité première, note Aristote, est nécessairement celle qui est formée d’un nombre de gens qui est le nombre minimum pour atteindre l’autarcie en vue de la vie heureuse qui convient à la communauté politique [...]. Dès lors, il est évident que la meilleure limite pour une cité, c’est le nombre maximum de citoyens propre à assurer une vie autarcique et qu’on peut saisir d’un seul coup d’œil. » (Politiques, VII). En d’autres termes, dès que l’autarcie est possible, la cité doit cesser de grandir.

           Ni trop petite ni trop grande, telle doit donc être la cité. C’est le concept de médiété que l’on retrouve ici. La cité doit être comprise entre 10 et 100 000 habitants, précise Aristote (Ethique à Nicomaque, IX, 9, 1170 b 31). Il est évident que 10 est un chiffre que l’on ne doit pas prendre au premier degré. Aristote veut dire que la population de la cité doit au moins excéder une famille, qu’elle est toujours autre chose et plus qu’une famille. L’idée d’un maximum d’habitants est la plus importante à retenir. Etre citoyen n’est plus possible pour Aristote dans une cité trop grande, trop peuplée. Et il semble bien que le chiffre de 100 000 habitants soit l’ordre d’idée à retenir. (On notera que les circonscriptions françaises pour les députés étaient à l’origine de la IIIe République de 100 000 habitants. Un vestige des conceptions d’Aristote ?). En résumé, Aristote rejette le gigantisme.

         Rappelons ce qu’Aristote dit de la vertu majeure de médiété. « Ainsi donc, la vertu est une disposition à agir d'une façon délibérée, consistant en une médiété relative à nous, laquelle est rationnellement déterminée et comme la déterminerait l'homme prudent. Mais c'est une médiété entre deux vices, l'un par excès et l'autre par défaut ; et c'est encore une médiété en ce que certains vices sont au-dessous, et d'autres au-dessus de "ce qu'il faut" dans le domaine des affections aussi bien que des actions, tandis que la vertu, elle, découvre et choisit la position moyenne. C'est pourquoi, dans l'ordre de la substance et de la définition exprimant la quiddité, la vertu est une médiété, tandis que dans l'ordre de l'excellence et du parfait, c'est un sommet » (Ethique à Nicomaque, II, 6, 1106b7-1107a8).      Disons-le autrement : la vertu est l’absence d’excès, ni excès de prudence qui serait alors timidité peureuse ni excès de témérité, qui serait hardiesse inconsciente, et cette façon de s’écarter des excès est une excellence. Pour la cité, le principe est le même : il s’agit de suivre une ligne de crête entre les excès que serait une trop petite et une trop grande taille. En tout état de cause, la question de la bonne taille est importante. Du reste, on ne peut remédier à une trop grande taille par la fermeture des frontières. Selon Aristote, il ne suffirait pas « d’entourer de remparts » tout le Péloponnèse pour en faire une cité (Politiques, III, 1, 1276a). Il faut éviter la démesure. Après, il est trop tard.

         C’est parce qu’elle est parfaitement adaptée à elle-même que la cité tend par nature à l’autarcie. Sa finitude est sa perfection. « Cette polis représente la forme la plus haute de la communauté humaine », note Hannah Arendt (La politique a-t-elle encore un sens ? L’Herne, 2007). Néanmoins, la coopération, l’association entre cités est possible. C’est l’isopolitéia, le principe d’une convention ou encore association entre cités dont l’un des aspects était souvent le transfert de populations pour rétablir les équilibres démographiques (cf. Raoul Lonis, La cité dans le monde grec, Nathan, 1994 et Armand Colin, 2016). Exemple : Tripoli veut dire « association de trois cités ».

         II – Comment la politique s’inserre-t-elle dans ce qu’Aristote appelle praxis ? Et quelles conséquences peut-on en tirer sur la cité ?

        Praxis, technique et production

    2340014810.jpg   Dans la philosophie d’Aristote, on rencontre plusieurs domaines : la theoria (la spéculation intellectuelle, ou  contemplation), l’épistémé (le savoir), la praxis (la pratique) et la poiesis (la production, qui est précisément la production ou la création des œuvres). Nous avons donc quatre domaines.   La theoria c’est, à la fois, ce que nous voyons et ce que nous sommes. L’epistémé, c’est ce que nous pouvons connaitre. La poiesis, c’est ce que nous faisons. La praxis, c’est comment nous le faisons.

          Praxis et poiesis sont proches sans se confondre. La production (poiesis) est inclue dans la pratique (praxis). C’est parce que nous travaillons de telle façon que nous produisons tel type de choses. Mais tout en étant inclue, elle s’y oppose. En effet, la pratique trouve sa fin en elle-même, elle n’a pas besoin de se justifier par une production, par un objet produit, une œuvre produite. La pratique est liée à notre être propre.

        Pour le dire autrement, la production est une action, mais toute action n’est pas une production. Certaines pratiques ne sont pas des productions. Elles n’ont pas pour objet une œuvre comme produit. Un exemple est celui de la danse.

        Une production a par contre sa fin à l’extérieur d’elle-même : travailler pour construire une chaise, ou un attelage de chevaux, par exemple. En outre, ce qui relève de la production mobilise aussi la techné, l’art des techniques. Avec la poiesis, il s’agit de produire quelque chose d’extérieur à soi, ou d’obtenir un résultat extérieur à soi (par exemple, réaliser un bon chiffre d’affaire pour un commerçant). Par opposition à cela, la pratique ou praxis possède en elle-même sa propre fin. Elle est en ce sens supérieure à la production. Ainsi, bien se conduire, qui est une forme de praxis, est une activité immanente à soi.    

             L’enjeu de la praxis est toujours supérieur à celui de la poiesis. Le but ultime de la praxis, c’est le perfectionnement de soi. Ce qui trouve en soi sa propre fin est supérieur à ce qui trouve sa fin à l’extérieur de soi.

         Or, qu’est-ce qui relève de l’action hors la production ? Qu’est-ce qui relève de la praxis ? C’est notamment l’éthique et la politique. Les deux sont indissociables. Ce sont des domaines de la pratique. Là, il s’agit moins de chercher l’essence de la vertu que de savoir comment pratiquer la vertu pour produire le bien commun.  « L’Etat le plus parfait est évidemment celui où chaque citoyen, quel qu’il soit, peut, grâce aux lois, pratiquer le mieux la vertu, et s’assurer le plus de bonheur. » (Politiques, IV, 2, 1324b). L’ordre social et politique optimum est celui qui permet la pratique de la vertu, qui travaille ainsi à atteindre le bien commun. C’est ce qui permet le bonheur des hommes dans la cité.

           Si la vertu politique ne se confond pas avec la philosophie, les deux se nourrissent réciproquement. En recherchant la sagesse, l’homme arrive à la vertu, qui concerne aussi bien l’individu que l’Etat et est nécessaire dans les deux cas. En effet, la politique est « la plus haute de toutes les sciences » (Politiques, III, 7).

          Comment pratiquer la vertu ? Est-ce une question de régime politique ? Qu’il s’agisse de monarchie, d’aristocratie ou de république (régime des citoyens), tous ces régimes peuvent être bons selon Aristote selon qu’ils modèrent les désirs extrêmes et sont animés par la vertu. La politique a des conditions en matière de morale et en matière d’éducation. Dans le même temps, il n’y a pas de morale (ou d’éthique) ni d’éducation qui n’ait de conséquences politiques. Les deux se tiennent. (Platon, ici d’accord avec Aristote, avait souligné que la politique était avant tout affaire d’éducation, d’expérience et de perfectionnement de soi).

           En tout état de cause, le collectif, le commun doit primer sur l’individuel. En matière d’éducation, c’est l’Etat qui doit enseigner ce qui est commun, la famille assurant l’éducation dans le domaine privé. « C’est une grave erreur de croire que chaque citoyen est maitre de lui-même ; chacun appartient à l’Etat. » (Politiques, V, 1, 2) (Mais l’Etat n’est pas un lointain, c’est un proche car nous avons vu que les cités avec des populations de grande taille sont proscrites).

         La philosophie d’Aristote n’est pas égalitariste, avons-nous déjà noté : chacun a sa place et sa fonction. Pierre Pellegrin résume cela en expliquant que pour Aristote « chacun doit recevoir proportionnellement à son excellence ». Aristote ne pense pas que les hommes soient tous les mêmes même si « tous les hommes pensent que la vie heureuse est une vie agréable » (Ethique à Nicomaque,1153b15), et que le bonheur est ce « qui est conforme à la vertu la plus parfaite, c'est-à-dire celle de la partie de l'homme la plus haute » (Ethique à N., X, 7).    

             La justice, c’est que chacun fasse ce qu’il doit faire en allant vers la perfection dans sa fonction.  Le bien suprême, le bonheur (eudaimonia) des  hommes consiste dans la pleine réalisation de ce qu’ils sont dans la société. Il y a chez Aristote un lien permanent entre justice et politique d’une part, morale et éducation d’autre part. Ce lien consiste à faire prévaloir en nous la partie rationnelle de notre âme sur la partie irrationnelle.

                Les idées d’Aristote sont toutes conçues par rapport à la cité. C’est à la fois leur limite et leur force. Aristote suppose un préalable à toute pensée politique. C’est l’existence d’un monde commun, une cité commune, un peuple commun. Le bien commun, c’est la justice, et la condition de la justice, c’est l’amitié (philia).  « La justice ira croissant avec l’amitié » (Ethique à Nicomaque, VII, 11).

        962139850.jpg    L’amitié n’est pas le partage des subjectivités comme dans le monde moderne, c’est autre chose, c’est l’en-commun de la vertu. « La parfaite amitié est celle des hommes vertueux et qui sont semblables en vertu. » (Ethique à Nicomaque, VIII, 4, 1156 b, trad. Jules Tricot). Hannah Arendt a bien vu cela. Elle rappelle que l’amitié n’est pas l’intimité mais un discours en commun, un « parler ensemble » (Vies politiques, 1955, Gallimard, 1974). « Pour les Grecs, l’essence de l’amitié consistait dans le discours », écrit Hannah Arendt. Le monde commun créé par le partage de l’amitié implique un sens commun du monde et des choses, comme l’avait vu aussi Jan Patocka (Essais hérétiques sur la philosophie de l’histoire, Verdier, 1981). L’amitié  contribue à la solidité de la cité. « Toute association est une parcelle de la cité » (« comme des parcelles de l’association entre des concitoyens »).  Le principe de l’amitié n’est pas véritablement différent de celui de la politique. Il implique la justice et la vérité. « Chercher comment il faut se conduire avec un ami, c'est chercher une certaine justice, car en général la justice entière est en rapport avec un être ami » (Ethique à Eudème, VII, 10, 1242 a 20).

           La politique est donc affaire de contexte – ce qui est une autre façon de parler de monde commun : « il ne faut pas seulement examiner la meilleure organisation politique, mais aussi celle qui est possible » (Politiques, IV, 1, 1288b).

          Pour Aristote, l’homme n’entre jamais en politique en tant qu’homme isolé. Il porte toujours un monde, qui est celui des siens, celui de  sa cité. Après avoir expliqué que la cité vise naturellement l’autarcie, c’est à dire le fait de se suffire à soi, Aristote explique : « Il est manifeste […] que la cité fait partie des choses naturelles et que l’homme est un animal politique  et que celui qui est hors cité, naturellement bien sûr et non par le hasard des circonstances, est soit un être dégradé soit un être surhumain, et il est comme celui qui est injurié en ces termes par Homère : ’’sans lignage, sans foi, sans foyer’’ (...). Il est évident que l'homme est un animal politique plus que n'importe quelle abeille et que n'importe quel animal grégaire. Car, comme nous le disons, la nature ne fait rien en vain ; et seul parmi les animaux l'homme a un langage » (Politiques, I, 2, 1252a).

        La cité d’Aristote n’existe pas que pour satisfaire les besoins. En visant la vie heureuse, qui est un objectif collectif même s’il concerne chacun, elle condamne l’individualisme et met au premier plan l’amitié. Celle-ci n’est pas une affaire privée mais une affaire publique. La vie heureuse est l’affaire de tous et c’est un projet pour tous. Elle est ce qui anime une cité dans laquelle règne la justice.  « Il n’y a en effet qu’une chose qui soit propre aux hommes par rapport aux autres animaux : le fait que seuls ils aient la perception du bien, du mal, du juste, de l’injuste et des autres notions de ce genre. Or, avoir de telles notions en commun, c'est ce qui fait une famille et une cité. » (Politiques, I, 2, 1253a8). L’individu seul pourrait ne viser que son plaisir. La cité le pousse à dépasser sa subjectivité pour se hisser vers la recherche du bien commun.

    Pierre Le Vigan.

    Pierre Le Vigan est écrivain. https://www.amazon.fr/-/e/B004MZJR1M

    Son dernier livre est Métamorphoses de la ville. Disponible en Format numérique ou broché

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