Les réactions de l'idéologie égalitaire héritée du jacobinisme n'ont pas manqué de se manifester au lendemain de l'arrestation au Japon de Carlos Ghosn.
Ce pelé ce galeux est parvenu à sauver un double groupe employant désormais dans le monde quelque 500 000 personnes dans 122 usines.
Quand il avait pris la direction de Nissan en 1999, cette entreprise semblait moribonde. Elle ne croulait guère que sous 17 milliards d'euros de dettes : une bagatelle comparée aux pertes et subventions cumulées de la SNCF, depuis 20 ans.
Effectivement ce dirigeant industriel était mieux rémunéré qu'un joueur de football ou que la veuve d’un chanteur de rock. Scandaleux, n'est-il pas ? L'éditorial de L'Humanité le soulignait ce 20 novembre, sous la signature du camarade Ducoin : "il était l'homme des rémunérations indécentes". N'avait-il pas "perçu de Renault 7,4 millions d’euros pour la seule année 2017, auxquels s’ajoute la modeste contribution de Nissan, 8,8 millions d’euros."
Tous ces chiffrages doivent probablement surprendre et même choquer beaucoup d’entre ceux qui, comme votre serviteur et comme la plupart de ses lecteurs, ne bénéficient pas de revenus comparables.
Mais si je me fie aux travaux du concile de Trente (1545-1563), l’envie figure bien au nombre des péchés capitaux que condamne l’Église romaine, et plus généralement, depuis sa définition par Évagre le Pontique (346-399) cette passion mauvaise a toujours été combattue par l’orthodoxie chrétienne.
Si l'on compare ces millions qu'il a gagnés aux milliards de pertes qu'il a su éponger, cela le situe dans une fourchette de 0,15 %. on pourrait se demander si une autre sorte d'indécence n'éclabousse pas aussi les régisseurs étatiques de nos désastres nationalisés.
Si j'en crois L'Opinion[1]: "L’arrestation du patron de Renault-Nissan intervient dans un contexte de débat sur l’immigration". Or, "de nombreux Japonais ne cachent pas leur satisfaction quand des étrangers sont pris en défaut."
Les contribuables hexagonaux devraient pouvoir, eux aussi dans cette affaire, se frotter les mains.
En effet, immédiatement, le n°2 de Nissan, avec une élégance qu'on doit saluer, a pu annoncer, tout seul, le jour même, et à l'avance, les conclusions d'un conseil d'administration du groupe japonais devant se tenir le 22 novembre.
Ceci amenait l'ancien ministre de l'Économie Thierry Breton, ce 21 novembre, à dénoncer une arrestation "d'une violence extrême" et à mettre en accusation la gouvernance de Nissan.[2]
Bruno Le Maire a très rapidement tranché, de son côté, au moment où notre compatriote subissait un interrogatoire musclé à Tokyo, et au mépris de la présomption d'innocence[3] : le vilain patron, l'affreux fraudeur ne pourra plus diriger les usines Renault, bien que notre ministre des Finances préféré l'affirme en règle avec le fisc français.
L'intéressé va donc pouvoir être nommé à la tête de notre chère [très chère] compagnie ferroviaire monopoliste. Celle-ci conserve à sa tête Guillaume Pépy parce qu'on ne sait pas, depuis 10 ans, par qui le remplacer[4].
Autre satisfaction : les faux lettrés vont sans doute encore disserter du rapport à l'Argent dans la culture française.
Aux débuts de la cinquième république le diable exerçait la profession mal définie de promoteur immobilier. Il s'est par la suite reconverti en très méchant traideur de la finance mondiale. Carlos Ghosn vient de rejoindre le club.
À la bonne heure : L'Huma croit pouvoir jubiler ; malgré son déclin et ses divisions, le parti communiste enregistre enfin un motif de satisfaction. Champagne pour tout le monde.
JG Malliarakis
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Apostilles
[1] cf. "L’affaire Ghosn montre les limites de l’ouverture du Japon aux étrangers"
[2] sur France Inter au micro de Léa Salamé.
[3] cf. Déclaration des Droits de l'Homme de 1789, Art. 9. "Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi."
[4] Et qu'on ne sait pas non plus où le nommer. Mais il reste peu probable que Nissan veuille de lui.
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