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tradition - Page 128

  • "Evangéliser la soif d’identité"

    De Guillaume de Prémare, délégué général d'Ichtus :

    "Les crèches de Noël ressurgissent régulièrement dans le débat public. Il s’agit cette fois de la présence de crèches dans les mairies, sur laquelle le Conseil d’Etat est appelé à trancher. Il faut préciser que les crèches publiques ne constituent pas une revendication communautariste des chrétiens. Elles sont des initiatives profanes. Alors, nos crèches chrétiennes sont-elles les otages d’une guerre culturelle ?

    Des chrétiens s’en inquiètent : et la foi dans tout ça ? Il y a ici une crainte légitime de sécularisation purement culturelle et de récupération politique. Cependant, la reconnaissance par le rapporteur du Conseil d’Etat de la légitimité culturelle de la crèche publique ne porte pas de préjudice à la foi, notamment parce que la tradition de la crèche publique vient de la foi manifestée dans la culture commune.

    Dieu merci, la crèche est donc encore dans notre culture commune, comme témoin visible de la foi ; et non confinée dans nos églises et nos maisons. D’une certaine manière, dès lors qu’un symbole chrétien entre dans le « commun », il n’appartient plus aux seuls chrétiens. Aimer et faire vivre le symbole sans avoir la foi a du sens, tant le fait religieux produit et contient un fait socioculturel qui a sa valeur.

    Pour les chrétiens, il y a une forme de dépossession, c’est vrai. L’insécurité culturelle qui touche la sociologie des profondeurs de notre pays fait naître une forte soif d’identité, laquelle s’exprime aussi à travers les symboles chrétiens ; notamment en réaction à cet l’islam visible qui passe au révélateur notre propre vide religieux.

    Il y a ici un risque : la réduction de la religion à une fonction de cohésion socioculturelle ; voire le travestissement du christianisme en une religion identitaire qui dilue la foi. Il faut cependant prendre garde de ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Si les chrétiens érigent des murs autour de la soif d’identité, ils manqueront la responsabilité d’évangéliser cette périphérie existentielle populaire qu’est l’insécurité culturelle.

    La foi produit une culture

    Ceux – agnostiques ou chrétiens « culturels » – qui sont attachés à la culture chrétienne et cherchent à s’y raccrocher ont raison parce qu’elle est belle et qu’elle nous constitue à travers une histoire commune. Les chrétiens devraient-ils les rejeter ou mépriser leurs aspirations ? Au contraire, les chrétiens peuvent leur appliquer la méthode prônée par le pape François vis-à-vis de ce qu’il nomme les périphéries existentielles : « accueillir, accompagner, discerner et intégrer ».

    Rappelons-nous l’enseignement de Benoît XVI aux Bernardins : ce qui est premier, c’est la foi, laquelle produit une culture ; et cette culture devient en retour un témoin et vecteur de la foi.Notre mission est de décrypter le beau qui se déploie à travers les églises, les calvaires, les crèches, l’art sacré, les traditions populaires, etc. Notre mission est de montrer que ce sont des témoignages visibles et vivants de la foi d’un peuple et d’une nation ; et non un simple estimable musée.

    Ce temps historique troublé ouvre la porte de la foi, donne aux chrétiens la possibilité d’expliquer que sans la foi, la culture perd sa sève et se meurt et qu’il serait illusoire de penser en faire vivre la beauté si l’on ne revient pas dans nos églises pour y chercher Dieu. Il s’agit donc d’évangéliser la soif d’identité."

    Michel Janva

    http://lesalonbeige.blogs.com/my_weblog/web.html

  • Les formations d'Ichtus commencent

    Ichtus est une association au service de la l'engagement des catholiques dans la Cité. Elle a pour mission de former, d'informer et d'aider dans leurs projets des entrepreneurs politiques, sociaux et culturels qui cherchent à servir le bien commun en se fondant sur une anthropologie juste et sur la doctrine sociale de l'Eglise. Sa mission est de former et de relier pour agir.

    Ce parcours de formation est un programme de découverte de l'anthropologie et de la doctrine sociale de l'Eglise à travers les grandes questions de l'existence et de la vie en société. C'est une véritable "écologie humaine" pour l'homme et pour tous les hommes. 

    Formation en 6 séances, le mardi soir de 19h30 à 21h30. 
    Première séance le 8 novembre 2016. 
    Lieu Ichtus 49, rue des Renaudes Paris 17

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    Cette formation s'adresse à tous ceux qui veulent transmettre par eux-mêmes à leurs enfants et/ou aux jeunes qui les entourent le précieux contenu du patrimoine français, européen, chrétien, dont ils sont les héritiers et que les programmes scolaires officiels n'enseignent que partiellement, voire pratiquement plus. Elle s'adresse ainsi aux parents, grands-parents, étudiants, enseignants, animateurs de groupes de jeunes. La transmission est à la portée de tous à condition d'éduquer son regard, d'apprendre à voir. 

    Formation en 17 séances, le mercredi matin de 9h00 à 11h00. 
    Première séance le 9 novembre 2016. 
    Lieu Ichtus 49, rue des Renaudes Paris 17. 

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    Michel Janva

  • Numéro spécial Boutang de La Nouvelle Revue Universelle – A commander ici !

    Vient de paraître : Un numéro exceptionnel de La Nouvelle Revue universelle entièrement consacré à Pierre Boutang

    Le 20 septembre 2016, Pierre Boutang aurait eu cent ans. L’exceptionnelle personnalité du jeune prodige que l’on comparaît à Rimbaud lui a fait suivre des chemins tourmentés, mais d’une impressionnante fécondité. La fidélité à Maurras, loin de le brider, a contribué à faire de lui l’un des penseurs les plus incisifs du XXe siècle, aux accents prophétiques pour défier l’horreur nihiliste.

    Autour d’Axel Tisserand et de Gérard Leclerc, une douzaine de voix, libres et diverses, honorent ce centenaire. Plusieurs textes de Boutang, dont des extraits de ses Cahiers inédits, ponctuent cet hommage qui demeurera un ouvrage de référence. 216 pages 

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    Prix, port inclus : 22 euros. 

    Ou abonnez-vous à la revue (trimestrielle) : 1 an pour 70 euros (tarif réduit 40 euros), par chèque adressé à la revue, 1 rue de Courcelles, 75008 Paris – tél. 01 42 57 43 22

    http://lafautearousseau.hautetfort.com/

  • Jean Raspail et les peuples disparus. Mythe du fixisme historique ou récit désolé de la marche du monde vers sa fin ?

    Avant de s'essayer au roman, Jean Raspail consacra la première partie de sa vie active à poursuivre les peuples en voie d'extinction, notamment en Amérique.

    Raspail aux Antilles

    De ces périples naquirent plusieurs recueils, notamment Secouons le cocotier, récit paradoxal de son séjour dans les îles des Caraïbes, Antilles françaises, îles néerlandaises et britanniques, îles indépendantes. Raspail s'y fit observateur et conteur d'une réalité souvent éteinte ou subsistant dans une forme dégénérée, comme chez les peuples blancs de ces îlots de la Guadeloupe, descendants des plus vieilles familles de France, vivant entre eux, reclus, pauvres parmi les pauvres depuis deux siècles. Cette évocation douloureuse prend aussi une coloration toute spéciale sous sa plume, celle de la fixité d'un temps arrêté au milieu de la course du monde. Tout en décrivant à plaisir l'irruption de la modernité aux Antilles, avec les premiers postes de télévision ou les retombées de « l'argent braguette » sur les modes de vie, il s'arrête sur ces survivances, ces témoignages de temps éteints, d'Antilles blanches révolues. C'est avec la même affection pleine d'amertume qu'il conclut son essai avec Haïti, seul pays des Caraïbes resté à peu près pur face à l'américanisation (rappelons que ce témoignage date du début des années 1960), pur face à l'occidentalisation, pur dans son africanité libérée depuis cent-soixante-dix ans alors. Mais comme cette pureté conduit l'île dans le mur, on ne peut s'empêcher de soupirer. Le temps mental des hommes de l'île s'est arrêté, pas le temps biologique, et la démographie galopante autant que la dégradation de l'habitat laissent songeur. En lisant le Raspail d'il y a cinquante ans, on se rend compte que Haïti n'a pas changé. Ici, la confrontation entre l'immobilité de l'esprit national haïtien et la marche du monde matériel haïtien rendent un résultat explosif.

    Raspail et la Patagonie

    Ce souci de rendre témoignage de peuples lointains a trouvé, bien sûr, sa pleine expression en Patagonie. Dans Qui se souvient des Hommes ? Nous suivons pas à pas la destinée du peuple des Alakalufs, qui eux-mêmes s'appelaient les Kaweskars, les Hommes, car ils n'en connurent longtemps pas d'autres qu'eux-mêmes, dans cet univers liquide et glacé du détroit de Magellan.  Les Kaweskars, Raspail en rencontra lui-même une famille dans un canot, alors qu'il naviguait sur un bateau de guerre chilien. Il est peut-être le dernier blanc à en avoir vu. Ce peuple, authentiquement disparu, non par extermination, mais par digestion au sein des autres peuples, n'a pas laissé de traces, que quelques photos, de rares vestiges archéologiques, une poussière. Digéré va bien pour qualifier la disparition de ce peuple, plus que l'assimilation, car il s'agit de tout un processus de dégradation et de déliquescence qui a frappé ces familles au fur et à mesure qu'elles rejoignirent les civilisés en Argentine et au Chili. Certains tombèrent en telle décadence physique et morale qu'ils en moururent de langueur au milieu des prévenances empressées de toutes les charités des missionnaires, généreux en médicaments, en nourriture, en bons lits et en cabanes chauffées mais qui n'avaient plus la saveur du pays. Les Alakalufs vivaient encore à l'âge de pierre lorsqu'ils furent brutalement projetés dans la modernité occidentale qui les maltraita d'abord avant de les protéger.

    Tout cela, Raspail en rendit compte, dans ce roman historique patagon, mais en l'élargissant à l'histoire même de la création, Dieu étant acteur passif de l'aventure. Ainsi, l'arrivée de ces Indiens sur le continent américain correspondait-elle au matin du monde, tandis que la mort du dernier Alakaluf sonnait le temps de l'apocalypse et l'entrée dans la gloire du dernier des Hommes.

    Le fixisme historique et la nécessaire frontière entre les peuples

    L'histoire des Kaweskars est éloquente ; ils sont en équilibre avec leur univers et paisibles tant que le monde les ignore et que leur société demeure statique. Mais que vienne le progrès et tout s'effondre. Raspail ne fait que constater. Mais ce constat amer de la confrontation malheureuse entre des civilisations par trop dissemblables il le transposa dans des œuvres, elles, de pure fiction ; Les Royaumes de Borée et Le Camp des saints. Dans le premier cas il s'agit de l'homme du petit peuple à la peau couleur d'écorce, vivant toujours comme au paléolithique, fuyant tout contact avec les hommes blancs, dont il connaît fort bien pourtant les agissements et dont il protège certains êtres choisis, les maîtres du bâton loup, des Pikkendorff. La raison de la protection se comprend bien d'ailleurs ; Pikkendorff respecte le petit homme et ne cherche pas à forcer ses retraites ou son territoire. Lorsqu'un des membres de la famille le tenta, il en mourut, mais d'épuisement, car cet univers n'était pas fait pour lui, et le petit homme lui donna sépulture. C'est la confrontation avec la modernité, le déboisement dans la principauté de Ragusa, puis la débandade des peuples baltiques devant les armées soviétiques en 1945 qui provoquèrent la disparition par annihilation silencieuse du petit peuple. Le dernier membre, à la recherche de ses origines, devait mourir incompris, laissant une descendance métisse ignorante des traditions que lui-même avait oubliées. Cette disparition des peuples fragiles confrontés à la modernité occidentale est un point effleuré également dans Septentrion et Le Son des tambours sur la neige.

    Mais ce que Raspail a vu et lu sur les peuples animistes primitifs de l'Asie et de l'Amérique, il le craint également pour l'Europe. Ainsi le montre-t-il dans Le Camp des saints, où l'Europe disparaît littéralement, s'écroule sur elle-même au contact de la masse des migrants pauvres, malheureux et dont la simple présence si contraire au mode de vie européen, entraîne la disparition de la civilisation de ces derniers.

    Les dernières cartouches des hussards de Bercheny sur les plages ou dans le réduit du mas provençal du narrateur sont aussi dérisoires, devant l'invasion, que les flèches de bois taillé des petits hommes, les javelots des Oumiates ou les harpons des Kaweskars. Le thème de la disparition de l'Occident confronté à sa propre décadence et à l'invasion extérieure est aussi évoqué dans Sept cavaliers qui n'est autre qu'un conte de la fin du monde européen. Les compagnons d'infortune, par leurs patronymes, leurs attitudes, leurs familles, leurs grades et leurs rangs militaires sont un condensé de l'Europe aristocratique. Leur monde s'écroule de l'intérieur, touché par un venin de mort, mais aussi de l'extérieur avec les invasions tchétchènes. Comme chez les Alakaloufs, ce qui a disparu ne laisse plus aucune trace derrière lui, sinon la sauvagerie inhumaine ; c'est la digestion d'une civilisation.

    Un monde idéal ?

    En parallèle, le monde européen idéal évoqué par Raspail est un univers de hiérarchies sociales strictes, d'honneurs chevaleresques, de discipline militaire, d'uniformes rutilants, de princes servis et obéis sans discuter, de vaillance conquérante, de traditions gaillardes, de cultes ancestraux païens perpétués par le truchement d'un catholicisme impeccable dans ses ornements liturgiques et son grégorien. C'est le monde de la principauté de Septentrion avant que ne commence la révolution, c'est l'univers idéal de l'enfance de Frédéric et Salvator dans Les Yeux d'Irène, c'est le panache du combat de Benoît dans L'Anneau du Pêcheur, c'est la dynastie des Pikkendorff dans Hurrah Zara !

    Mais à y regarder de plus près ce monde est figé ; figé dans des séparations civilisationnelles strictes qu'il est bon de maintenir pour la survie des peuples auxquels la rencontre serait insupportable ; figé aussi dans des époques. Si les Kaweskars sont bien dans leur paléolithique, les Européens des romans de Raspail ne semblent jamais aussi bien que dans une belle époque fin XIXe siècle, ultime avatar d'un grand et bel occident avant le chambardement suicidaire de la première guerre mondiale. Regardez le détail des uniformes des cavaliers, celui de la décoration des trains, des salles d'apparat, de la vaisselle, des voitures, tout cela est à mi-chemin entre les derniers feux du XIXe siècle et l'extrême limite du début des années 1950. Là, nous sommes dans un idéal, figé, et pour lequel la modernité est une catastrophe engendrant la disparition sous forme de mort lente.

    Sous la forme du roman et pour les peuples indiens d'Amérique ou de Sibérie, Raspail a un peu tenu le même rôle que Georges Dumézil dans le domaine de l'essai historique pour les peuples indo-européens, celui d'un passeur de mémoires, de chroniqueur ultime de races éteintes ou de civilisations amnésiques.

    Mais ces récits doivent être pris pour ce qu'ils sont, des contes, des méditations littéraires et non des manifestes ou des pamphlets comme le font parfois hardiment certains lecteurs de Raspail. Prendre ces histoires pour des manifestes et non des témoignages littéraires nous amènerait à rêver d'un monde mensonger, qui n'a jamais existé, celui de divisions fixes entre des peuples bloqués dans leur évolution. Au temps de la cité grecque, où chaque peuple avait son propre culte et par cette barrière sacrée était radicalement différent de son voisin, les passerelles et les unions existaient déjà, la confrontation ou l'alliance se fit souvent et l'évolution ne cessa jamais. Il n'en est pas différent aujourd'hui.

    Jean Raspail, romancier de génie, s'il se désole de ces disparitions, les sait inéluctables et n'en est que le témoin navré. Avec lui pleurons sur les peuples éteints comme on pleurerait sur les premiers morts d'une innombrable fratrie. Mais sachons-le, c'est un phénomène inévitable de la vie du monde.

    Gabriel Privat

    Du même auteur :

    -          Publié le 20 septembre 2016 : Jean Raspail. A la découverte d'un univers litteraire

    http://www.vexilla-galliae.fr/civilisation/litterature-cinema/2221-jean-raspail-et-les-peuples-disparus-mythe-du-fixisme-historique-ou-recit-desole-de-la-marche-du-monde-vers-sa-fin

  • Chronique de livre : Bruno Favrit "Vitalisme et vitalité"

    Bruno Favrit, Vitalisme et vitalité

    (Editions du Lore, 2006)

    Il est parfois bon de parcourir les bibliothèques d’autrui. Ainsi, c’est en explorant une bibliothèque où le paganisme et les traditions d’Europe ont bonne place que je tombai par « hasard » sur une brochure du nom de Présence Païenne. Son auteur, Bruno Favrit, sans jouir (hélas) de la renommé d’un Jean Mabire ou d’un Christopher Gérard, n’est pas un inconnu et encore moins un débutant.

    Collaborateur à la décapante revue non-conforme Réfléchir & Agir, Bruno Favrit compte une quinzaine d’ouvrages à son actif, principalement des essais sur le paganisme et des romans. En fin connaisseur de la Grèce antique – particulièrement de l’œuvre de Platon – et de la philosophie de Friedrich Nietzsche, l’auteur synthétisait dans la brochure susnommée une vision solaire du paganisme traversée par un vitalisme bienvenu en ces temps moroses d’apathie existentielle et de nihilisme. Quelle ne fut pas ma surprise et ma joie lorsque je découvris que Bruno Favrit avait précisément consacré un ouvrage à la question du vitalisme, et pas n’importe lequel: celui de la Grèce antique. Vitalisme et Vitalité, c’est donc son nom, est un essai dont la lecture devenait par conséquent indispensable…

    « La Grèce comme creuset de la civilisation occidentale est un fait avéré […] Son vitalisme se tient là, dans le champs de tous les possible. C’est ce que nous proposons de méditer à une époque où la sclérose, la limitation, la législation n’ont jamais été aussi pesantes ». Redécouvrir des racines enfouies au plus profond de nous-mêmes à une heure où, justement, plus rien ne doit avoir de racines, ni de sens, où l’existence de chacun se résume à un parcours linéaire allant d’un point A à un point B. Nous autres Européens avons la chance de pouvoir puiser le vitalisme nécessaire quant à notre sauvegarde dans nos nombreuses traditions et cultures : c’est pourquoi nous incarnons la diversité dans l’unité. Néanmoins, la racine prépondérante de notre civilisation Européenne est incontestablement la Grèce antique (« Tout est parti de la Grèce ») qui fut un point de départ pour des domaines tels que l’Art, la Philosophie (qu'elle soit tournée vers la métaphysique ou le politique), la Religiosité et le Sacré, la Science, etc. C’est ce que propose d’étudier la première partie de cet essai.

    Il y aurait énormément de chose à dire sur ce berceau civilisationnel que fut la Grèce antique. Nous l’avons dit plus haut : son influence est prépondérante. Or, il s’agit ici d’un essai et non d’une étude universitaire, l’excellente connaissance du sujet conjugué à un esprit de synthèse s’imposent donc. Heureusement, Bruno Favrit manie les deux parfaitement et la lecture de Vitalisme et Vitalité n'en est que plus agréable. Dans la sous-partie « La tradition et les idées » l’auteur développe les thèmes des dieux, des mythes et des différentes écoles de philosophie présocratique avec des figures telles Pythagore, Anaxagore, Parménide, Héraclite et post-Socratique en la figure de Platon. Bien que cité de nombreuses fois, on regrettera cependant l’absence d’une partie consacrée à Aristote, philosophe, au coté de son maître Platon, d’une importance et d’une influence pourtant capitale…

    La mythologie et la religiosité des anciens grecs sont bien entendu à l’honneur. En bon nietzschéen, Bruno Favrit nous gratifie même d’une partie dédiée à Dionysos, expression d’une autre facette du vitalisme européen, celui là-même que le christianisme, poison de l’âme européenne, n’a cessé de diaboliser. D’autres grands thèmes sont pareillement étudiés lors de cette première partie (à savoir les mœurs et l’éducation à Sparte, l’expérience de la guerre et l’expérience métaphysique) dont nous pourrions en résumer la quintessence via la citation suivante : « L’union et la volonté comme moteur de l’action, c’est donc la leçon que nous donne la Grèce. Elle n’appelle pas seulement à ce que l’homme tende à s’identifier aux dieux, mais à ce que la société toute entière s’organise autour de cette idée, davantage du reste qu’une idée : une interprétation du monde. »

    La deuxième partie de l’ouvrage, « De l’homme empêché à l’homme vitalisé », se veut être « le constat d’une déréliction, ses causes et ses effets, et une relecture du monde à travers le prisme vitaliste ». Sont désignés par l’essayiste comme ennemis de l’être et, en ce qui nous intéresse, de l’être européen: l’idéologie du progrès, les monothéismes, l’eudémonisme, le règne de l’Opinion, l’irénisme et l’égalitarisme. L'auteur revient également sur la notion capitale à ses yeux (et nous souscrivons entièrement à son point de vue): le Mythe. Mythos qu’il oppose au Logos. Les mythes, les légendes, et les contes font partie intégrale de notre identité d’Européens, un auteur comme Robert Dun s’attachait particulièrement à ces derniers. Nous avons ici matière à inspirer nos vies et la jeunesse. Plutôt Siegfried et Héraclès qu’Iron Man et Captain America !

    Vitalisme et Vitalité de Bruno Favrit est un essai roboratif, loin de la lourdeur des écrits académiques et de celle du « dernier homme », emprunt de poésie parfois, chose normale pour ce lecteur de Nietzsche ! Ils sont d’ailleurs nombreux aujourd’hui à remettre au goût du jour cette philosophie vitaliste (voir Rémi Soulié et son Nietzsche ou la sagesse dionysiaque). Le renouveau vitaliste sera une étape majeure quant aux retrouvailles avec notre être européen, cette fameuse « âme européenne ». Notre imago mundi est certes politique mais elle est aussi métaphysique, et cette métaphysique se doit d'être vitaliste, c’est à dire « plus que vie ». L’essai de Bruno Favrit est un appel. Espérons qu’il sera entendu !

    Donatien/C.N.C.

    http://cerclenonconforme.hautetfort.com/le-cercle-non-conforme/

  • « Moralistes et moralisateurs »

     
    3172475277.jpgRien n’incline davantage à la passion que les questions morales. Ce glissement du principe vers la passion n’est pas sans dangers : tous les fanatismes naissent de cette conviction ardente en la justesse universelle de nos principes. Il semblerait que nous devenions dévastateurs et cruels à mesure que nous nous persuadons de l’excellence de nos bons sentiments et du bon droit que des bons sentiments nous confèrent à juger du Bien et du Mal. Le mal que nous infligeons à autrui est d’autant plus terrible qu’il s’inflige au nom du Bien. Il y a dans la morale des moralisateurs, dans la « moraline », pour reprendre le mot de Nietzsche, un élan à la fois vil et prédateur que la volonté de puissance la plus soutenue n’atteint que rarement.
    La déchéance de la morale, loin d’être ce « déclin de la moralité » que déplorent les prudes et les tartuffes, loin de se caractériser par un étiolement des questions morales, par une sorte de quiétisme de l’amoralité, ou par un laxisme plus ou moins « décadent », semble au contraire s’exprimer désormais par une hybris de la morale, une démesure du Bien qui confère à ceux qui en sont possédés un extraordinaire sentiment de puissance.
    Gagnée par l’ivresse de cette hybrispuritaine qui s’étend à des domaines politiques, esthétiques ou métaphysique où elle n’a que faire, cette morale débordante, cette griserie narcissique du Bien abstrait, envahit et subjugue les consciences et les entendements humains au point de les aveugler sur le beau et sur le vrai qui, par essence, ne sont jamais acquis mais toujours à conquérir et appartiennent tout autant aux réalités sensibles, au frémissement de l’immanence, qu’aux réalités intelligibles.
    Il n’est pas un débat littéraire, artistique, politique ou scientifique qui ne soit d’emblée tenu sous le joug d’un jugement moral d’autant plus arbitraire qu’il se fonde sur le refus symétrique des faits et des raisonnements. Ce qui s’oppose au moralisateur, ce n’est point l’immoralité (qui, par la mode de la « transgression » subventionnée, est devenue elle-même moralisatrice) mais bien la morale des Moralistes dont la tradition, pour être devenue plus ou moins clandestine, perdure jusqu’à nous. Cioran dans l’ensemble de son œuvre, Montherlant dans ses « solstices » et dans ses « cahiers », Philippe Muray, avec ses « exorcismes spirituels », qui tiennent à la fois de Pascal et de Voltaire, et plus en amont, le génial Joseph Joubert, contemporain et ami de Chateaubriand, furent les héritiers et les continuateurs, parfois même plus profonds que leurs maîtres, de La Rochefoucauld, de Fénelon, de Saint-Cyran, de Madame de Sablé, de La Bruyère ou d’Etienne-François de Vernage.
    En ces temps qu’il faut bien qualifier d’obscurantistes, en ces temps aveuglés et déprimés, pontifiants et moroses, relire les Moralistes est une façon de se désembourber l’âme, de lui donner, avec le surcroît de la lucidité, cette allégresse, cette joie printanière qui ne s’en laisse pas conter, ces vertus discrètes mais persistantes qui élaguent, allègent et disposent heureusement au combat contre le nihilisme, autrement dit au combat contre la mauvaise-foi. Car tel fut bien le souci majeur des Moralistes : cheminer droit en évitant le mensonge et cette mauvaise foi qui veut élever au rang de vertu sacrée et universelle les données simples de notre amour-propre individuel ou de notre vanité collective.
    Ce qui distingue les Moralistes des moralisateurs est à la fois d’une grande évidence et d’une infinie subtilité. Le Moraliste pense avec et selon ses semblables, à l’intérieur d’une société, par l’affinement du goût et de l’intelligence, par le perfectionnement d’une politesse qui n’est pas seulement la crainte de la susceptibilité d’autrui. La morale, pour lui, n’est pas détachée des mœurs, des coutumes, des habitudes, elle s’exerce à l’intérieur d’un faisceau de conditions, d’influences et de savoirs tout en laissant à l’individu le pouvoir de juger par lui-même. On pourrait dire que le Moraliste est un individu libre qui ne croit pas outre mesure en la réalité de l’individu, alors que le moralisateur est un grégaire qui croit absolument en l’individu, ─ d’où l’individualisme de masse dont sa morale est l’illustration. Le moralisateur ne peut penser qu’en accord préalable avec son groupe : il ne pense pas ce qu’il pense, il pense ce qu’il faut penser, en obéissant à l’argument d’autorité des spécialistes. Un journal comme Le Monde exerça ces dernières années avec diligence, puis avec maladresse, cet office particulier de substituer à la pensée tâtonnante du moralisateur un discours en apparence étayé. Le moralisateur cherche le réconfort, le « développement personnel », l’approbation générale alors que le Moraliste cherche le combat, et d’abord le combat avec lui-même, fût-ce au détriment de ses propres valeurs ou certitudes.
    Le Moraliste fait profession de courage et d’esprit critique contre le « bien » lui-même. Sa suspicion ne disperse point les forces mais les décante et les rassemble en une énergie nouvelle, plus claire, plus affûtée, mieux résolue à se déprendre des trop promptes auto-satisfactions. Souvent excellent écrivain, le Moraliste n’est pas moins sourcilleux à l’égard de sa propre bonté qu’à l’endroit de son style. Il ne lui suffit pas d’être lui-même, il veut être au mieux, par estime pour ceux qu’il fréquente. S’il ne veut point être dupe des « bons sentiments », ce n’est point pour s’abandonner à un relativisme où tout vaudrait n’importe quoi mais pour ressaisir la fine pointe de l’intelligence lorsque celle-ci se confond avec une certaine idée de l’équité et de la justesse.
    Savoir, avec La Rochefoucauld, que « le nom de la vertu sert à l’intérêt aussi utilement que le vice », c’est aussi ne pas oublier « qu’il n’appartient qu’aux grands hommes d’avoir de grands défauts ». Les Moralistes interrogent ainsi leur propre morale à l’épreuve de leur commerce avec leurs égaux : « Notre repentir n’est pas tant un regret du mal que nous avons fait qu’une crainte de celui qui nous en peut arriver ». Toute la logique d’Humain, trop humain, et du Voyageur et son ombre de Nietzsche s’ensuit, ainsi que La généalogie de la morale : « Nous avouons nos défauts pour réparer par notre sincérité le tort qu’ils nous font dans l’esprit des autres. » A la différence de la morale du moralisateur, la morale du Moraliste est une morale expérimentale, une morale vérifiée ; elle ne dissipe point l’exigence du bien, mais la précise en l’éloignant : être bon n’est point si facile que l’on croit. « Quand les vices nous quittent, nous nous flattons de la créance que c’est nous qui les quittons ». Ce qui, sans doute, eût fait horreur aux Moralistes du dix-septième siècle, si par quelque paradoxe temporel ils eussent être confrontés à nos modernes moralisateurs, c’est précisément cette indécente et perpétuelle flatterie que le moralisateur s’adresse à lui-même et dont il se gonfle pour imposer aux autres ses propres abandons, son propre dédain pour les êtres et les choses que désirent des natures plus fortes et moins lasses. « L’homme qui se méprise se prise encore de se mépriser » écrivait Nietzsche. Moraliste, Sade le fut aussi à sa façon, en cette phrase admirablement resserrée : « Le passé m’encourage, le présent me galvanise, je crains peu l’avenir ». Véritable devise et cri de guerre contre le nihilisme moderne qui déprécie le passé, s’ennuie dans le présent et se laisse terroriser par l’avenir.

    Luc-Olivier d'Algange

    http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2016/10/22/moralistes-et-moralisateurs.html

  • L’Action française étudiante [Le Mans] Rentrée militante

    Mercredi soir l’Action française étudiante du Mans a fait sa rentrée. Ce fut une réussite !!!