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tradition - Page 140

  • ACTION FRANCAISE • CHANTS

    Voici donc, sous forme numérique, le carnet de chants dont l'introduction a pour titre : Vers un Folk-Song traditionaliste ? 

    Les anciens, des années 1970 et suivantes, y retrouveront, simplement, la matière de leurs veillées, de leurs repas, de leurs rencontres d’autrefois. Et, bien-sûr, des Camps Maxime Real del Sarte. Souvent, ils connaissaient ce vaste répertoire – le connaissent encore - presque entièrement par cœur.

    Mais, aussi, ce carnet peut sans-doute être utile à la génération d’Action française d’aujourd’hui. Il n'est pas indifférent, nous semble-t-il, que la connaissance, la pratique de ces chants, du moins les plus beaux, soient transmises et maintenues.

    Nous avons conservé à ces pages militantes leurs imperfections d’origine, caractéristiques des techniques de l’époque (1972) : maquettes papier, stencils électroniques, tirage à la ronéo … Traits tordus, lettres baveuses, transparences : on ne s’en étonnera pas. Mais par delà tout cela, de très anciens refrains se sont trouvés ainsi ressuscités ; les illustrations sont choisies avec goût ; les textes sont beaux, parfois superbes ; l’ensemble à l’image des multiples talents de l’auteur de ce travail.

    Les chants eux-mêmes sont de qualité inégale ; certains s’expriment avec la violence propre à leur époque ; nous n’en reprendrions pas aujourd’hui tous les termes, toutes les outrances ; mais ils reflètent une histoire, des luttes et, même, des illusions passées ; d’autres sont purement de circonstance, sans valeur pérenne : sauf pour l'anecdote, leur intérêt est passé ; il reste les très beaux chants puisés aux sources de la Tradition, celle qui ne passe pas. « La fuente permanece » disent nos amis espagnols. La source demeure. Chacun, dans ce très grand nombre de chants (autour de 80), fera le tri de ceux qui ressortent de cette permanence française.   

    Signalons, enfin, que cet épais carnet de 115 pages est bourré de citations qui ajoutent à l'épaisseur historique, politique, française des plus beaux de ces chants et les relient, précisément, à notre tradition. On aura grand intérêt à les lire, à les graver dans nos mémoires.  

     Liens

    Vers un Folk-Song traditionaliste ?

    C H A N T S 

    (Peut être téléchargé et imprimé)

    http://lafautearousseau.hautetfort.com/

  • TRADITION • VERS UN FOLK-SONG TRADITIONALISTE ?

    Séance de travail de la nouvelle jeunesse d'Action française au Camp Maxime Real Del Sarte

    Voici quelle était l'introduction - de 1972 - du « carnet de chants » que plusieurs générations de militants d’Action française ont tenu dans leurs mains, lors de leurs repas ou de leurs veillées. Et, comme dit Brasillach, « nos feux de camp parmi la nuit », dont voici la saison revenue, ce weekend d'août ...  Mais les jeunes d’Action française d’aujourd’hui chantent aussi, beaucoup et plutôt bien. Et le « créneau » que nous signalait l’auteur de ces lignes - qui était aussi l'auteur de ce carnet de chants - demeure ouvert et libre. Après tout, un véritable « printemps français » aura aussi besoin de chants puisés à notre Tradition … Une fois faites les actualisations nécessaires, ce qui est proposé ici nous semble aussi pertinent qu’il y a quarante ans.  Réfléchissons-y !   LFAR

     « NARCISSISME » de la boue (Koestler) ou toxicomanie musicale, l'éthique pop ne prend pas en France. Le hululement électronique des orchestres livides et chevelus nous laisse froids : l'échec des festivals de l'été démontre le fossé culturel qui sépare l'underground américain du malaise français. Seuls se sentiront concernés par les valeurs de Woodstock les chrétiens-progressistes et les bourgeois d'âge mûr qui se bousculaient à Hair. De fait, le refus d'une certaine société de consommation s'exprime des deux côtés de l'océan selon des structures différentes. Nous sommes trop enracinés pour nous réfugier dans les « arrières-mondes consolateurs » et les paradis artificiels ; trop occidentaux pour sombrer avec les clochards hippies dans un dévergondage du bouddhisme. Contrairement aux jeunes « contestants » américains, nous ne combattons pas cette société mercantile comme l'aboutissement logique de nos valeurs héritées (nos « préjugés » en langage maelstrom mais comme leur despotique contraire. Là ou les radicaux d'outre-Atlantique, coupés de tout capital séculaire, sautent dans l'informe et l'indéfini, l’instinct national guide notre révolte vers un retour aux sources françaises.

    Ceci pour en arriver au succès des « folk-singers » à la française qui recèle, dans le cas d'Ogeret, Rocheman ou Kerval, un contenu politique implicite. Ceux-là sont gauchistes ou gauchisants, par mode ou conviction, et s'efforcent de raccorder leur sélection musicale au folklore de mai 68, clause sine qua non d'une honnête diffusion commerciale par les capitalistes du disque. Mais le phénomène est en lui-même ambigu, voire contradictoire : l'écho, la vibration profonde éveillée par les mélodies frustes ou raffinées de l'ancienne France, submergent les méticulosités doctrinaires de la rive gauche.

    C'est une adhésion de la sensibilité, un sentiment de « déjà vécu » traduisant l'inconsciente fidélité au passe national comme l'attachement quasi-biologique, à la particularité française. Ceci est infiniment plus fort que d'artificieux parallèles entre l'histoire et les comédies barbares de Nanterre. Les refrains des grenadiers de Montcalm, les complaintes acadiennes, les ritournelles en l'honneur du roi, les malédictions paysannes contre le « maître de la guerre » ou le prince-évêque de Montbéliard, ou les gracieux couplets parisiens de « la Bataille de Fontenoy », sont irréductibles aux vivisections marxistes. La chanson traditionnelle en France est par nature engagée dans le nationalisme, et résiste au nivellement cosmopolite.

    Le fait se vérifie autour des brasiers nocturnes de Carnac, dans les bistrots rochelais ou les campings méridionaux, quand les vacanciers se muent en auditeurs et bissent ces jeunes inattendus qui chantent sur des rythmes familiers la gloire et la douceur anciennes...

    La chanson populaire est, à l'échelon culturel, un appréciable véhicule de propagande « tous azimuts » : la communication entre classes d'âge différentes, entre parisiens et régionalistes, entre jeunes d'obédiences politiques antagonistes, devient possible et fructueuse le temps d'une rencontre, quand se recompose au hasard d'un refrain cette « joie Ancien Régime » dont parle La Varende (les Manants du roi) comme d'une rare étincelle dans l'orage moderne. Au-delà des démonstrations objectives de la science politique, le mode d'expression du « folk-song » repré­sente à la fois le cri d'un traditionalisme et la manifestation d'une large « amitié française ».

    Les jeunes d'A.F. sentent l'occasion payante d'intervenir sur un terrain à peu près inoccupé pour l'instant. Il s'agit de récupérer le courant qui se dessine et de lui rendre son contexte politique normal. Un train vient déjà d'être manqué avec la résurrection musicale bretonne, trop souvent contrôlée par des noyauteurs qui lui insufflent un contenu européo­séparatiste ; d'autres trains s'é­branlent vers de fausses directions, particulièrement en terre occitane où s'évertuent les gauchistes sur consignes parisiennes. Le moment est opportun d'entamer sur ce terrain nouveau l’action qui ajoutera au travail d'Ac­tion française, une antenne supplémentaire, et qui soustraira aux adversaires de l'unité nationale le monopole de fait dont ils jouissaient jusqu'a présent. L'affaire est sérieuse et intéressante.  

    http://lafautearousseau.hautetfort.com/

  • JULIUS EVOLA : « LES LIMITES DE LA JUSTICE SOCIALE »

    « Tel que Lénine le voyait, le genre humain se trouvait divisé en deux espèces par un plan horizontal : les exploiteurs ou repus et les exploités ou déshérités. Le seul motif de cette séparation résidait dans le ventre et il n’y avait pas de place pour l’esprit, pas plus d’inspiration divine que satanique (…) L’erreur spécifiquement matérialiste et darwiniste de Lénine fut d’avoir ignoré que si le corps humain est le frère des bêtes, l’âme, dont il ne voulait rien savoir, est la sœur des anges bons ou mauvais. A cause de cela, en opposition à ce qui se passe dans le monde animal et conformément à ce que l’Écriture laisse sous-entendre, l’élément spirituel a la primauté, et ce qui divise véritablement la postérité d’Adam depuis Caïn et Abel, ce n’est pas la lutte pour la vie ou la lutte des classes, mais c’est la guerre des bons et des mauvais anges qui se poursuit depuis le commencement et qui se poursuivra inlassablement jusqu’à la consommation des siècles ».

    Ces phrases du comte Emmanuel Malynski, si l’on met à part leur côté mystique, mériteraient d’être méditées, non seulement pour pénétrer l’essence du matérialisme judéo-communiste, mais pour « rectifier » des tendances qui, opportunément masquées, apparaissent souvent dans des théories et mouvements pourtant d’un tout autre type.

    On parle trop, par exemple, de la « justice sociale », et rares sont ceux qui ont le courage de mettre en lumière le contenu disparate et souvent de contrebande, que possède cette formule dans les différents cas. Que la « justice sociale », avec la « liberté », soit un des termes dont abuse le plus le jargon démocratique, à des fins, et à des fins seulement, de subversion et d’instauration de formes de tyrannie nouvelles et pires que les précédentes (comme l’enseigne la « dictature » du prolétariat), tout le monde le sait, et c’est une chose qui déjà devrait faire réfléchir. Qu’on ne s’illusionne pas : depuis longtemps, partout où l’on parle de « justice », ce n’est pas l’aequitas, mais l’aequalitas qu’on entend : non la vraie justice, exprimée par le principe classique et romain suum cuique, à chacun son dû ─ naturellement, selon les différences de nature, de dignité, de fonction, mais l’opposé, la prétention prévaricatrice que tout soit mis dans une mesure égale à la disposition de tous.

    Or, nous l’avons déjà dit, l’égalitarisme n’est qu’une phase transitoire et un instrument de subversion : il sert à aplanir les voies. Une fois détruits au nom de la « justice » les fondements d’un ordre hiérarchique précédent, une fois éliminées les barrières, se forme un autre ordre, qui est la contrefaçon et l’inversion du premier, comme une pyramide dont la pointe serait en bas. Outre ce qu’on a déjà indiqué sur la « dictature du prolétariat », exprimant un pouvoir qui ne s’est en rien « socialisé » mais qui est devenu le monopole des couches les plus basses, le cas du judaïsme est éloquent. Le Juif a demandé et obtenu l’émancipation ─ lui aussi ─ au nom de la « justice » et de l’« égalité ». Une fois devenu libre, loin de s’assimiler et de travailler « d’égal à égal » à côté du non-Juif, il est passé sur son dos et a occupé, dans de nombreux pays, fût-ce sous une forme parfois invisible, les postes de commande sociaux, politiques et culturels les plus importants.

    De toute façon, il est aisé de se convaincre que, même dans les cas les plus favorables, la formule de la « justice sociale » a d’indéniables relations avec les prémisses matérialistes marxistes dénoncées par Malynski dans l’extrait cité plus haut. Naturellement, il est juste ─ juste au sens humain et sous le mode le plus élémentaire ─ que personne ne souffre de la faim, tandis que d’autres seraient nourris et rassasiés par le produit de leur travail. Mais il est difficile que ceux qui visent à la réalisation de telles exigences n’aient pas en propre une autre idéologie, inavouée et d’autant plus importante pour eux : la volonté de la masse de conquérir des positions enviées, de s’emparer des mêmes biens, méprisés dans la personne d’une autre classe, mais convoités, considérés comme tout aussi essentiels et décisifs.

    On a beaucoup parlé, en relation précisément avec la formule de la « justice sociale », de « déprolétariser » l’ouvrier et le paysan. Mais, dans ce domaine, on fait presque toujours fausse route. La véritable « déprolétarisation » consisterait à reconduire l’ouvrier et le paysan à eux-mêmes, à les désintoxiquer de l’envie, de la soif, des ambitions et des besoins artificiels et antinaturels excités en eux par l’idéologie classiste. Cela reviendrait à les aider à retrouver leurs voies et la dignité de leurs fonctions dans le tout d’un organisme hiérarchique bien différencié. Au contraire, dans de nombreux cas, la justice sociale consiste à accueillir ─ tantôt par peur, tantôt par inconscience, parfois encore par compromis ─ les aspirations antinaturelles et « modernes », inoculées dans les masses par le socialisme et par des idéologies subversives analogues : la « déprolétarisation » signifie alors aider les masses ouvrières à « s’embourgeoiser », à atteindre le plus possible un niveau de vie « bourgeois », avec ses commodités, ses distractions, sa médiocrité ─ pour ne pas dire carrément sa platitude spirituelle. On fait le procès de la bourgeoisie, mais c’est pour que le prolétariat puisse devenir lui-même bourgeoisie, pour qu’il adopte, fatalement, les défauts et les vices mêmes de la bourgeoisie.

    Le facteur spirituel n’entre pas le moins du monde dans tout cela. Salaires, estomacs vides ou estomacs pleins, « droits » ou non droits sur le plan, toujours, de la matière et de l’économie, tels sont les seuls facteurs de la question. Et l’on arrive très difficilement, aujourd’hui, à concevoir ce que l’on considérait comme normal en des temps précédents : à savoir que la richesse et la puissance n’ont rien à voir avec les valeurs et la supériorité ; et puisque les premières ne créent pas les secondes, elles ne les détruisent ou ne les compromettent pas non plus. C’est un fait, d’ailleurs, que l’élément « déprolétarisé », embourgeoisé et urbain de l’Europe centrale, malgré son vernis extérieur « civil », son impertinence envahissante, la conscience de ses « droits » et de sa « fonction sociale », représente un type humain nettement inférieur, du point de vue du caractère et des valeurs intérieures, à l’artisan tyrolien, au paysan calabrais, au berger sarde ou hongrois, quelles que soient l’indigence et les conditions de vie et de culture souvent tristes de ces derniers, quel que soit aussi leur faible désir de « s’élever ». Ceux-là sont encore des hommes et se trompent rarement dans le jugement qu’ils portent sur qui est différent d’eux et vraiment supérieur à eux. Les autres sont de la sciure humaine, un élément informe, tout à la fois impertinent et encombrant.

    Il serait donc opportun de ne pas jouer avec des formules ambiguës et d’appeler chaque chose par son juste nom. Même dans le cadre de la polémique contre la bourgeoisie, on a presque toujours négligé l’essentiel, à savoir la référence aux valeurs et aux motivations qui transcendent le domaine de l’économie et en faveur desquelles le fascisme s’est déclaré explicitement. Le fait d’aller vers le peuple, la justice sociale, l’antibourgeoisie, etc., ne doivent pas servir à une circulation des élites au sens parétien le plus banal, celui d’une classe qui passe sur le dos d’une autre, la remplace, tout en perdant ses qualités originelles et naturelles pour acquérir toutes les caractéristiques et tous les vices de l’autre classe.

    Et il faudrait être encore plus prudent lorsqu’on parle de « justice sociale » sur le plan international, afin que la même équivoque ne se reproduise pas et afin, que une fois, que la motivation matérialiste n’en vienne pas à constituer l’ultima ratio. Le droit des peuples qui « n’ont pas d’espace » est un droit humain. Mais qu’on ne confonde pas les choses, qu’on ne confonde pas un droit avec un autre et qu’on ne ramène pas la dialectique des nations à un échange, mutatis mutandis, de rôles. Ni le fait d’avoir plus, ni a fortiori le fait de ne pas avoir ou d’avoir peu, tant dans l’ordre d’une race particulière que dans l’ordre d’un groupe de races.

    Le seul titre légitime pour le pouvoir et la suprématie, c’est la supériorité.

    Julius Evola

    Essais politiques

    Deuxième partie : Économie et critique sociale

    Article IV : Les limites de la « justice sociale » (1940)

    Édition Pardès, 1988, p. 195-199

    Source : Front de la Contre-Subversion

    https://la-dissidence.org/2016/08/12/julius-evola-les-limites-de-la-justice-sociale/

  • Anthropologie politique. Une société anti-humaine. La nécessité de l’État royal

    Le roi vient, pour ainsi dire, couronner la société, en plaçant l’État au-dessus des querelles politiques inhérentes à la vie humaine. Dans une société atomisée comme la nôtre comme dans une société plus organique comportant une dose égale de démocratie et d'aristocratie, l’État républicain étant composé uniquement des citoyens membres de ces corps, il en vient, même lorsqu'il est de tendance libérale, à s'immiscer partout, avec un esprit partisan qui est celui de ses agents et de ses maîtres. S'occupant d'un nombre sans cesse croissant de tâches, sans jamais abandonner de terrain d'action, au nom du compromis entre les partis qui nécessite de contenter toujours un minimum les groupes minoritaires pour faire tenir ensemble les parts du corps social, l’État croule sur lui-même et, ne parvenant plus à assumer ses missions, entraîne à sa suite la société qu'il irrigue complètement. En outre, les partis se battant pour la tête de l’État et s'en emparant à tour de rôle, leur légitimité pour gouverner la nation est réduite d'autant plus qu'ils n'en représentent qu'une fraction et que leur pouvoir est amoindri dans toutes les portions de l’État qui obéissent à leurs opposants. On le voit bien dans les administrations modernes où, souvent, les agents publics du camp opposé au pouvoir en place obéissent toujours, certes, mais de mauvais gré en accomplissant leurs tâches avec lenteur, parfois en faisant la sourde oreille aux ordres de leurs chefs dans certaines administrations. La tête de l’État, incroyablement affaiblie et sujet des querelles publiques, compense cette faiblesse par une administration de plus en plus tatillonne à la base de la société, sans laquelle l'édifice entier s'effondrerait. La faiblesse est toujours compensée quelque part.

    L'incarnation de l’État par le roi ne permet pas de tout à fait annuler ces querelles, propres à la conscience même des agents publics, et naturellement présentes dans le mécanisme électoral, mais elle en atténue considérablement les effets et rend leur indépendance aux corps qui ont besoin de l'être pour le bien commun, comme la justice, la sécurité intérieure, la diplomatie, etc.

    En effet, le roi ne doit son pouvoir à aucun clan, aucun parti, il est non pas au-dessus mais à part des querelles. Étant la tête de l’État, il la fait échapper à la bataille politicienne et cet esprit irrigue le reste de l'administration. Entendons-nous bien, le roi n'est que la tête d'une société extrêmement composite. Mais justement, il rend possible la conservation de cet organisme complexe, car s'il a autorité pour assurer son gouvernement général, il est à part d'elle et n'a pas de pouvoir pour s'occuper de toutes ses affaires. Le pouvoir étatique étant parfaitement distinct des pouvoirs des corps constitués de la nation, les uns ne se mêlent pas inconsidérément des affaires des autres. Si le roi est le garant de l'unité de la nation, nul autre que lui et son administration ne sont légitimes pour assurer cette mission, mais eux-mêmes ne sont pas légitimes pour se mêler des maints détails de la vie des Français.

    Dans la société présentée lors des articles précédents, il n'était question nulle part d'hérédité. Or, voici justement que celle-ci fait son apparition. En l'occurrence, elle est la condition nécessaire de l'indépendance de l’État. Un roi élu, même pour la durée de son existence, devrait toujours son pouvoir à un groupe, qui exercerait, d'une manière ou d'une autre, son influence sur l’État, ce dont il faut bien se garder. Certes, les partis sont toujours à l'œuvre partout, jusqu'au sommet des structures politiques. Cela fut toujours et on ne voit pas pourquoi cela disparaîtrait. C'est le jeu normal des influences. Mais une chose est de devoir faire avec les comportements inévitables des hommes, une autre est d'institutionnaliser ces comportements et tout ce qu'ils contiennent de luttes, de haines, d'énervement du pays contre lui-même. Le roi héréditaire n'appartient à personne, pas même à lui puisqu'il n'a pas choisi sa place. Il est l'unique personnage exerçant une fonction héréditaire dans le pays, il est cette dose de royauté qui permet une respiration entre la démocratie et l'aristocratie, qui couronne la nation.

    Bien sûr, ses pouvoirs doivent faire l'objet d'une réflexion, car si la royauté est tout à fait à part de la société, alors son pouvoir sera appelé à devenir purement théorique, et le vide créé sera remplacé par l'irruption des partis politiques jusqu'au sommet d'un nouvel État, parallèle à l’État royal, aristocratique d'abord sans doute, puis de plus en démocratique, provoquant en royauté les déboires des républiques démocratiques, comme le montrent fort bien les couronnes actuelles.

    Il convient donc que la royauté dispose d'un véritable pouvoir d'action politique légitime, c'est-à-dire limité à sa sphère, et que cependant le dialogue demeure toujours entre les autres composantes de la nation, pour éviter qu'une séparation trop stricte ne provoque un affrontement entre les trois pouvoirs démocratiques, aristocratiques et royaux, avec à l'issue la disparition de l'un ou de deux sur les trois.

    Le dialogue doit donc toujours demeurer dans l’État, ce qui implique une participation des autres composantes de la société à son fonctionnement, mais en distinguant, sans séparer, ce qui relève de la participation légitime du peuple à l’État, et ce qui, au nom du bien commun, doit rester purement et uniquement royal.

    A suivre…

    Gabriel Privat

    Du même auteur :

    -          Publié le jeudi 17 septembre 2015 : Anthropologie politique. Une société anti humaine. La Famille

    -          Publié le vendredi 16 octobre 2015 : Anthropologie politique. Une société anti humaine. L'enracinement territorial

    -          Publié le 18 novembre 2015 : Anthropologie politique. Une société anti humaine. Le lien professionnel

    -         Publié le 28 décembre 2015 : Anthropologie politique. Une-société anti humaine. Promouvoir une famille humaine

    -          Publié le 27 janvier 2016 : Anthropologie politique. Une société anti humaine. Promouvoir un enracinement territorial.

    -          Publié le 20 février 2016 : Anthropologie politique. Une société anti humaine. Créer un monde du travail.

    -          Publié le 15 mars 2016 : Anthropologie politique. Une société anti-humaine. Faut-il une aristocratie à la société humaine.

    -           Publié le 14 avril 2016 : Anthropologie politique. Une société anti-humaine. Comment rétablir le prestige social et visible de l'aristocratie ?

    -           Publié le 11 mai 2016 : Anthropologie politique. Une société anti-humaine. Vers des corps civils aristocratiques.

    -          Publié le 16 juin 2016 : Anthropologie politique. Une société anti-humaine. Le pouvoir naturel de l'Etat

    http://www.vexilla-galliae.fr/royaute/idees/2057-anthropologie-politique-une-societe-anti-humaine-la-necessite-de-l-etat-royal

  • Anthropologie politique. Une société anti-humaine. L’État royal au cœur du dialogue politique

    Le roi étant la tête de l’État, il doit disposer des moyens de le gouverner, afin que cette définition ait du sens, et qu'il ne devienne pas, à terme, un personnage détaché de l’État lui-même, sorte d'institution politique à exemplaire unique, en orbite à l'écart du monde, astre vers lequel on se tourne de temps à autres pour se rassurer, mais dont on ne ressent plus véritablement le besoin politique quotidien, comme c'est le cas dans les royautés actuelles.

    Le roi est donc à la fois le chef de son gouvernement et de son administration. Les règlements qui organisent celle-ci relèvent de lui. On peut dire que c'est la part propre de l’État. La question est autre pour les lois et la justice. En effet, ces deux réalités sont communes à l’État et à la nation, en ce sens que si l'administration est au service de la nation, elle est un membre de l’État, tandis que la loi n'est pas spécifiquement la chose de l’État, elle organise le fonctionnement de toutes les composantes du pays et donc concerne chacun des citoyens. C'est pourquoi il est impératif que cohabite, à la tête de la vie politique, à côté du roi, un Parlement possédant le droit de légiférer. Le roi possédant son titre de manière héréditaire, on ne peut le dire responsable devant son Parlement, à la différence du gouvernement qui, nommé par le souverain, est cependant plus éphémère. Sa fonction n'est pas héréditaire, ni même viagère, et s'il ne dépend pas des majorités parlementaires, il doit bien se présenter devant le Parlement pour lui proposer des lois, de même qu'il doit dialoguer avec celui-ci au sujet des lois qui émaneraient de lui. Ce face à face dialogué entre le Parlement et le gouvernement inclut une responsabilité de l'un envers l'autre. C'est-à-dire que le Parlement doit pouvoir rejeter les projets de loi du gouvernement.

    Il n'est aucune mesure commune à toute la nation qui ne saurait échapper à cette règle du dialogue nécessaire entre le roi et son peuple par l'intermédiaire du gouvernement et du Parlement.

    Pour autant, le gouvernement peut-il être renversé par le Parlement, et le roi peut-il dissoudre le Parlement ? Un conflit politique justifierait cette porte de sortie, qui donnerait l'avantage à l'une ou l'autre des parties en présence et finalement engendrerait la domination politique durable du roi ou du parlement. Ce dernier point est trop lourd de conséquences pour que l'on puisse l'envisager. Il apparaît donc que le roi ne doit pas avoir le pouvoir de dissoudre son Parlement, et que le gouvernement ne doit pas pouvoir être renversé par ce dernier, car ce serait, dans un cas comme dans l'autre, entamer une action illégitime car grignotant la souveraineté de l'une de ces deux puissances. De la même manière, le roi ne doit pas pouvoir disposer d'un veto contre les décisions du parlement et le parlement ne doit pas pouvoir bloquer les décisions du roi.

    Ce respect du principe de la souveraineté, dans toute sa pureté, pourrait cependant entraîner des blocages institutionnels inextricables qui, à terme, entraîneraient l'affaiblissement de l'une des deux forces pour en sortir.

    Le seul moyen d'éviter ce blocage durable est, d'une part le dialogue entre les groupes en présence, que nulle loi ne peut ni prévoir, ni interdire ; d'autre part la stricte répartition des tâches et des rôles entre les différents corps de la société.

    Notamment, le rôle de l’État, sur lequel le roi a le pouvoir direct, doit être clairement défini.

    Considérant que l’État, en vertu du principe de subsidiarité, assume ce que nulle autre structure intermédiaire ne pourrait mieux entreprendre que lui, son champ d'action doit avant tout être national et stratégique. L'échelon national est celui de la coordination et de la régulation des forces intermédiaires en présence, par le biais d'une administration assurant avant tout un contrôle normatif et veillant à l'indépendance du pays. En somme, l'armée, la justice, l'émission de la monnaie, la garde des frontières, la diplomatie, dépendent directement de l’État, de même que la surveillance de l'application de règles nationales dans tous les domaines, dans la limite d'une mission d'harmonisation et pas d'implication directe dans l'action des corps intermédiaires. Cet État doit disposer des moyens nécessaires à ses missions, ce qui signifie qu'une part de l'impôt, normalement voté comme toute loi par le Parlement, lui est légitimement attribuée.

    Hors ces domaines d'action nécessaires à la vie du pays, ce sont les corps intermédiaires et leurs représentants qui sont légitimes.

    Les deux groupes ne peuvent se court-circuiter dans leurs domaines propres, mais ils peuvent toujours discuter, dialoguer en vue d'amender le domaine l'un de l'autre, car si on n’est pas légitime à intervenir, on a toujours son bon sens pour juger du bien-fondé de l'action de l'autre.

    C'est, à n'en point douter, cette stricte distinction des domaines, qui permettrait de limiter les risques de blocages institutionnels. Limiter ne veut pas dire éviter à tout prix. Le conflit politique peut toujours survenir, sur des questions de fiscalité, de choix stratégiques, de mœurs où l'une et l'autre partie aura une opinion divergente et des moyens de pression. Mais les deux structures demeurant essentiellement préservées l'une vis-à-vis de l'autre, on peut espérer que la seule voie du dialogue resterait ouverte pour dégager des solutions communes, préservant ainsi les caractères démocratiques, aristocratiques et royaux de l’État.

    De tels systèmes existent déjà de par le monde, d'une manière ou d'une autre. Ainsi, aux Etats-Unis, le Président est-il le véritable maître de son administration et de son gouvernement, le chef pour les choix stratégiques de son pays, ne disposant pas du droit de dissoudre son Parlement et ce dernier ne pouvant censurer le gouvernement. En France, le Président possède ce que l'on appelle un « domaine réservé » dans les affaires stratégiques, et la Constitution en fait, théoriquement, l'arbitre de la vie institutionnelle du pays. Au Royaume-Uni le Premier Ministre, véritable chef de l'exécutif, ne peut dissoudre son Parlement, et les possibilités, pour ce dernier, de censurer le gouvernement, sont très limitées. Le Premier Ministre britannique, en tandem avec la Reine, est le véritable maître de l'administration et de la politique du pays. Ces systèmes, hérités de conceptions politiques fort anciennes, ont été construits très progressivement, dans des sociétés où la composante royale et aristocratique dominaient, au détriment de la démocratie. L'irruption de l'esprit démocratique a balayé les royautés et les aristocraties qui ne sont plus que l'ombre d'elles-mêmes. On ne reviendra pas sur les conséquences néfastes, pour l'homme, d'une telle prise de pouvoir. Mais on retiendra qu'à condition de rétablir progressivement une société civile cohérente et à visage pleinement humain, il est possible d'envisager donc un État tel que décrit plus haut, sur un mode apaisé, accomplissant le chemin institutionnel inachevé des nations occidentales actuelles.

    Pour le bien de la personne humaine, il apparaît que cette mutation de la société est non seulement souhaitable mais surtout nécessaire.

    Gabriel Privat

    Du même auteur :

    -          Publié le jeudi 17 septembre 2015 : Anthropologie politique. Une société anti humaine. La Famille

    -          Publié le vendredi 16 octobre 2015 : Anthropologie politique. Une société anti humaine. L'enracinement territorial

    -          Publié le 18 novembre 2015 : Anthropologie politique. Une société anti humaine. Le lien professionnel

    -         Publié le 28 décembre 2015 : Anthropologie politique. Une-société anti humaine. Promouvoir une famille humaine

    -          Publié le 27 janvier 2016 : Anthropologie politique. Une société anti humaine. Promouvoir un enracinement territorial.

    -          Publié le 20 février 2016 : Anthropologie politique. Une société anti humaine. Créer un monde du travail.

    -          Publié le 15 mars 2016 : Anthropologie politique. Une société anti-humaine. Faut-il une aristocratie à la société humaine.

    -           Publié le 14 avril 2016 : Anthropologie politique. Une société anti-humaine. Comment rétablir le prestige social et visible de l'aristocratie ?

    -           Publié le 11 mai 2016 : Anthropologie politique. Une société anti-humaine. Vers des corps civils aristocratiques.

    -          Publié le 16 juin 2016 : Anthropologie politique. Une société anti-humaine. Le pouvoir naturel de l'Etat

    - Publié le 11 juillet 2016 : Anthropologie politique. Une société anti-humaine. La nécessité de l'état royal

    http://www.vexilla-galliae.fr/royaute/idees/2102-anthropologie-politique-une-societe-anti-humaine-l-etat-royal-au-coeur-du-dialogue-politique

  • Dostoïevski et la dégénérescence du monde par le réseau

    Ex: http://www.dedefensa.org

    Car il est poussé dans le filet par ses propres pieds ; et il marche sur les mailles du filet...

    Job, 8, 18

    J'ai souvenance d'un brillant texte de notre cher Guy Sorman (qui redonna jadis ses lettres de prosaïsme au Figaro magazine) dans le journal de la « droite » espagnole ABC (BHL est chargé lui de distraire et surtout d'instruire les maigres sections d'assaut du mondialisme dans El Pais). Et Guy Sorman, essayiste pourtant renommé pour ses piles d'invendus, et entre deux éloges des réfugiés considérés comme des forces vives du capital selon les Marx Brothers et Merkel, présentait ainsi son argumentaire : « même la Russie finira un jour par être démocratique et progressiste et globalement dans le global ». Sans oublier la Chine, l'Iran, la Turquie et tous les autres bons copains de ses modèles Américains.

    La Russie n'est donc pas progressiste, branchée et dans le coup, et ce surtout depuis que – selon Marc Ferro – elle a déçu les aspirations prolétariennes d'une gauche que l'on croyait portée plutôt à servir la soupe à la vieille bourgeoisie américanisée.

    Sur la Russie et le progrès j'ai heureusement mieux que Sorman ou BHL : Dostoïevski. Je l'ai aussi sur le thème des « réseaux », sociaux ou numériques, qui aujourd'hui captent, détournent et recyclent toutes les énergies et intellects de la planète terre devenue nervalienne. On cite brièvement cette vision du mage dans Aurélia :

    « Cette pensée me conduisit à celle qu'il y avait une vaste conspiration de tous les êtres animés pour rétablir le monde dans son harmonie première, et que les communications avaient lieu par le magnétisme des astres, qu'une chaîne non interrompue liait autour de la terre les intelligences dévouées à cette communication générale, et les chants, les danses, les regards, aimantés de proche en proche, traduisaient la même aspiration. La lune était pour moi le refuge des âmes fraternelles qui, délivrées de leurs corps mortels, travaillaient plus librement à la régénération de l'univers. (1) »

    Dostoïevski a abordé le thème de la confrontation de la Russie et du progrès, de la Russie et de l’Occident dans plusieurs de ses plus grands livres, en particulier dans l'Idiot et dans Les Possédés, qui eux font allusion à une origine américaine de la prochaine révolution.

    Dans le récit satirique Crocodile (2), il le fait d’une manière parodique, s’en prenant aux préjugés modernistes du dernier homme à venir (et surtout à durer). Il y a l’épisode humanitaire – ne pas maltraiter un pauvre animal, fût-ce un croco –, l’épisode pédagogique – de l’importance de la question économique ! – et pour finir l’épisode gastronomique qui résout la question – en dévorant le crocodile.

    Depuis deux siècles nous nous gorgeons de ce progrès technique et économique, et il semble que l'imbécillité satisfaite qui l’accompagne n’a jamais été plus remise en question qu'à l’époque de Flaubert ou de Dostoïevski. Mais à la même époque un Walt Whitman célèbre les achèvements de ce qu’il est convenu de nommer à la télé la modernité...

    Dans Passage to India ou Song of the Exposition (à comparer avec le cadre médiéval et traditionnel des Tableaux, le chef d'oeuvre pianistique de Moussorgski), le trop célébré Walt Whitman chante et célèbre sur tous les tons le canal de Suez, ce passage qui va réunir l’orient et l’occident, notions fort disparues auxquelles on fait mine de croire encore : car «dans un monde unifié on ne peut s’exiler » (Debord). Avec une accumulation dont il a le secret, le « pohète » américain fait l’état des lieux, et il nous étourdit avec son clinquant verbalisme, chaque mot faisant office de paradigme roturier de la modernité aboyante:

    With latest connections, works, the inter-transportation of the world,

    Steam-power, the great express lines, gas, petroleum,

    These triumphs of our time, the Atlantic’s delicate cable,

    The Pacific railroad, the Suez canal, the Mont Cenis and Gothard and

    Hoosac tunnels, the Brooklyn bridge,

    This earth all spann’d with iron rails, with lines of steamships threading in every sea,

    Our own rondure, the current globe I bring.

    Barde « tendance » avant l’heure, Maïakovski un rien couillon, « animal verbal » (Daudet) plus que poète, Whitman est en extase devant ce qui pétarade. Il admire nos exploits à Suez (dont bien sûr Dostoïevski se moque avec son crocodile du Nil), et il célèbre le chemin de fer unificateur, celui des Anglais aux Indes ou des Américains :

    I see the tracks of the railroads of the earth,

    I see them in Great Britain, I see them in Europe,

    I see them in Asia and in Africa.

    I see the electric telegraphs of the earth,

    I see the filaments of the news of the wars, deaths, losses, gains, passions,

    Of my race.

    Or précisément sur ces chemins de fer qui ont vidé les campagnes et ruiné le contribuable français (la moitié des lignes servant à faire élire un député), ou ont justifié une bonne moitié des crises boursières de l’époque (comme les actions techno d’aujourd’hui), Dostoïevski a quelque chose de peu aimable à dire, et qu'il va dire dans l’Idiot. C’est un autre idiot métaphorique (un simple d’esprit qui voit l’Esprit) que le Prince, l’ivrogne Lebedev qui s’exprime sur les chemins de fer et leur réseau qui selon lui s’en prend aux formes de vie.

    Montrez-moi donc quelque chose qui approche de cette force dans notre siècle de vices et de chemins de fer…

    Lebedev voit dans tout réseau moderne un affaiblissement à la fois spirituel et physique de l’homme, lié au progrès de la matrice du confort matériel. L’homme va être coupé de ses sources de vie et de son tellurisme. C’est aussi la leçon d’Andersen (La Vierge des glaces), de Novalis ou de Vigny (« avant vous j’étais belle et j’allais parfumée »…). Mais Tocqueville nous a aussi prévenus sur les risques que faisaient peser l’égalité et le réseau fort sur les hommes dits modernes. Dans le tome II de sa somme, il décrit, dans un texte mal compris, cet affaiblissement des forces de vie liées au développement étatique:

    « C’est ainsi que tous les jours il rend moins utile et plus rare l’emploi du libre arbitre ; qu’il renferme l’action de la volonté dans un plus petit espace, et dérobe peu à peu à chaque citoyen jusqu’à l’usage de lui-même. L’égalité a préparé les hommes à toutes ces choses : elle les a disposés à les souffrir et souvent même à les regarder comme un bienfait… il ne tyrannise point, il gêne, il comprime, il énerve, il éteint, il hébète, et il réduit enfin chaque nation a n’être plus qu’un troupeau d’animaux timides et industrieux, dont le gouvernement est le berger (3). »

    Retournons à l’Idiot. Lebedev voit le premier, cent-vingt ans avant Tchernobyl, un lien entre l’étoile absinthe de l’Apocalypse (Tchernobyl désigne comme on sait l’absinthe en russe) et l’extension du réseau en Europe :

    « Le collégien lui affirma que l’"Étoile Absinthe" qui, dans l’Apocalypse, tombe sur terre à la source des eaux, préfigurait, selon l’interprétation de son père, le réseau des chemins de fer étendu aujourd’hui sur l’Europe. »

    Lebedev dégage comme le prince Muichkine une aura d’imperfection, d’inadéquation à la mondanité. C’est souvent le cas chez Dostoïevski : le porteur de la vérité doit être ridiculisé ou caricaturé – pour ne pas être pris au sérieux par la compagnie qui doit continuer de se tordre, comme dit Allais.

    Lebedev va désigner une autre cible, qui nous rapproche de la petite société actuelle: l’idéologie du bonheur matériel universel ; le dernier homme dont parle Francis Fukuyama après bien d'autres.

    Vous n’avez pas d’autre fondement moral que la satisfaction de l’égoïsme individuel et des besoins matériels. La paix universelle, le bonheur collectif résultant du besoin !

    Lebedev n’est bien sûr pas un sot : il n’incrimine pas la machine en tant que telle. Il incrimine plutôt la notion de réseau. Par ailleurs il a pleinement conscience que son expression des forces de vie est incompréhensible à un esprit moderne :

    « Par eux-mêmes les chemins de fer ne peuvent corrompre les sources de vie. Ce qui est maudit, c’est l’ensemble ; c’est, dans ses tendances, tout l’esprit scientifique et pratique de nos derniers siècles. Oui, il se peut que tout cela soit bel et bien maudit ! »

    Sur le ton de l’imprécation, emporté par cette inspiration religieuse, Lebedev adresse un défi au monde matérialiste et satisfait, monde sans gouvernail et sans cap même :

    « Je vous lance maintenant un défi à vous tous, athées que vous êtes : comment sauverez-vous le monde ? Quelle route normale lui avez-vous ouverte vers le salut, vous autres, savants, industriels, défenseurs de l’association, du salariat et de tout le reste ? Par quoi sauverez-vous le monde ? Par le crédit ? Qu’est-ce que le crédit ? À quoi vous mènera-t-il? »

    Ainsi Dostoïevski n'encenserait pas ce monde et son crédit ?

    A ce propos le psalmiste dit :

    « Que l’usurier jette le filet sur tout ce qui est à lui... (4) »

    Cent ans avant l’effet de serre et le réchauffement climatique du cerveau qui va avec, Lebedev voit l’avènement de l'homoncule affaibli par sa si riche information et la « thermocratie » (5). Il constate l’absence de la force dans notre société :

    « Et osez dire après cela que les sources de vie n’ont pas été affaiblies, troublées, sous cette “étoile”, sous ce réseau dans lequel les hommes se sont empêtrés. Et ne croyez pas m’en imposer par votre prospérité, par vos richesses, par la rareté des disettes et par la rapidité des moyens de communication !  Les richesses sont plus abondantes, mais les forces déclinent ; il n’y a plus de pensée qui crée un lien entre les hommes ; tout s’est ramolli, tout a cuit et tous sont cuits ! Oui, tous, tous, tous nous sommes cuits !… Mais suffit ! (6) »

    Nicolas Bonnal

    Notes

    (1) Nerval, Aurélia, 2ème partie, VI.

    (2) Lisez mon étude sur france-courtoise.info/pdf/BonnalDostoievskiCrocodile.pdf. Voyez aussi Internet, nouvelle voie initiatique (les Belles Lettres, 2000)...

    (3) De la Démocratie II, IV, ch.6

    (4) Psaumes, 109, 11

    (5) Gilles Châtelet, Vivre et penser comme des porcs (2000).

    (6) L'Idiot, III, chapitre  IV

    http://euro-synergies.hautetfort.com/

  • La Mémoire d'un ordre naturel

    Ce billet a paru dans la rubrique Libres propos du Lien légitimiste n°69, tombé dans les boîtes fin juin (p.17). Ecrit bien avant le référendum britannique, il anticipait sans le savoir la fracture du Royaume Uni par l'exercice du procédé démocratique le plus brutal possible. Galles et Angleterre s'opposent désormais à l'Ecosse et l'Ulster. Londres fait sécession intérieure. L'ancrage monarchique qui tenait ensemble tout l'attirail grand-breton ne semble pas suffire, mais un Premier ministre adroit fait le projet de circonvenir ses pairs au Conseil européen pour satisfaire les brexiteurs sur la forme et les hérauts du libre échange sur le fond.
    Le RU est une fédération de quatre nations, la France un Etat-nation. C'est la différence entre nos deux pays qui laisse tout son intérêt au billet du Piéton réclamant de ré-aimanter la société autour d'un souverain. Cet intérêt est décuplé par la demande anxiogène des Français d'être enfin gouvernés par des hommes en lieu et place des bêtes à concours qui trustent le pouvoir par le jeu mortifère des partis politiques. La constitution de 1958 était faite pour un chef d'Etat naturellement fort, elle fut de bonne application pour son "dauphin" Pompidou, mais montra bien des défauts quand les coteries partisanes la submergèrent ensuite. Il n'est plus besoin d'avoir autorité et charisme aujourd'hui pour prétendre à gouverner la France, mais de soumettre à ses vues un parti rassemblé et convaincre de nombreux sponsors. Nous sommes bien loin de l'ordre naturel. Ce billet entre en archives Royal-Artillerie sous le libellé LLL.
    Bimestriel sur abonnement pour dix euros en version électronique et trente euros pour la version papier (6 numéros). Envoyer le chèque à : Le Lien Légitimiste 2, Le Petit-Prix 37240 La Chapelle Blanche Saint Martin.
    « Puisque donc l'âme est immortelle, qu'elle a éprouvé de multiples réapparitions, et contemplé toutes choses, celles de ce monde et celles de l'Hadès, il n'est rien qu'elle n'ait appris, si bien qu'il n'est nullement surprenant qu'à l'égard de la vertu comme de tout le reste, elle soit en état de se ressouvenir de cela même qu'elle savait antérieurement. Car, puisque la nature tout entière est liée par des affinités, et que l'âme a appris toutes choses, rien n'empêche qu'en se remémorant une seule chose, on ne retrouve de soi-même toutes les autres, à condition d'être courageux et d'une endurance sans faille dans la recherche ; car ce qu'on nomme chercher et apprendre n'est en somme que réminiscence.» (Socrate* à Ménon dans un dialogue de Platon sur la vertu).
    Comme s'il se souvenait d'un ordre naturel vieux comme le Temps, le petit d'homme organise d'instinct son environnement social en pyramide (famille, école, équipe sportive) et l'âge venant il ne s'en départit pas jusqu'à ce qu'on le force à raisonner sur d'autres bases. Est-ce cette inclination qui fait le succès des rois dans l'esprit humain ? Depuis l'aube du monde, l'espèce s'est organisée en pyramide et si d'aventure il s'est vu un peuple différent du modèle courant, il n'en reste rien, à croire qu'il n'a jamais existé. C'est le drame de l'impossible organisation par l'horizontalité, par la démocratie : l'être humain en ressent d'abord le côté artificiel, plaqué sur sa nature profonde, avant que d'être forcé d'y croire par une doxa politique de consommation courante, même si au bout du bout, il s'avère que ça ne marche pas. C'est le point où est rendu notre bel occident, pour paraphraser Maurras. La démocratie d'étage régalien ne marche pas. Pour preuve, à l'étage fédéral on lui substitue la technocratie, seule organisation capable apparemment de développement cohérent. En revanche, au niveau local l'arbitrage démocratique reste pertinent, soyons juste.

    Les défauts inhérents au suffrage universel ont partout suscité des protocoles d'application censés les surmonter. Notre pays, dans ses modes de scrutins avantageant le bipartisme, est un champion de la fabrication des résultats électoraux, dès lors que le peuple est un souverain incapable. Mais le constat n'est pas nouveau. Proudhon** allait jusqu'à nier en termes définitifs le peuple remis en selle par la Deuxième République :

    «Le Peuple, non plus que Dieu, n'a des yeux pour voir; des oreilles pour entendre, une bouche pour parler. Que sais-je, s'il est doué d'une espèce d'âme, divinité immanente dans les masses, comme certains philosophes supposent une âme du monde, et qui, à certains moments, les émeut et les pousse; ou bien si la raison du Peuple n'est autre que l'idée pure, la plus abstraite, la plus compréhensive, la plus dégagée de toute forme individuelle, comme d'autres philosophes prétendent que Dieu n'est que l'ordre dans l'univers, une abstraction ? Je n'entre point dans ces recherches de haute psychologie: je demande en homme pratique de quelle manière cette âme, raison ou volonté, telle quelle, du Peuple, se pose, pour ainsi dire, hors de soi, et se manifeste ? Qui est-ce qui peut lui servir d'organe ? Qui a le droit de dire aux autres : c'est par moi que le Peuple parle ?»

    (Solution du problème social, 1848).
    Et le même de pulvériser ensuite le suffrage universel qui n'est que l'arithmétique d'un arbitrage atomisé par des individus tous inégaux dans leurs capacités d'appréhension des questions sociales, en d'autres termes : faire droit à la quantité jusqu'à ce qu'une fraction de l'Opinion dépasse, même d'un cheveu, les autres pour les combattre légalement, les pressurer, le comble de la stupidité ! C'est le ferment des guerres civiles rampantes qui hantent la République depuis son rétablissement.
    Nos concitoyens sentent bien au fond d'eux-mêmes que notre société est dans l'erreur. Ils ne perçoivent pas l'âme collective dans le désordre ambiant, il faut leur signaler qu'il n'y en a jamais eue. Le peuple n'a pas d'âme, son expression est fabriquée. Dans le passé, on le leur a fait croire mais dans les faits, la démocratie en ses meilleurs moments ne fut que le socle d'élection d'une nouvelle aristocratie capable de gouverner les corps sociaux jusqu'à ce que la dispute intrinsèque au modèle achète l'un et l'autre par le débondage de privilèges dévorant le capital de la nation pour en distraire le plus possible au profit d'intérêts particuliers, relançant déjà l'affrontement des factions que l'on avait su un moment apaiser. Le peuple, certes sans "âme" mais pour le coup unanime, constate la chienlit générale et l'incapacité des procédures politiques à y porter remède : les taux actuels d'impopularité sont accablants. De quelque bord qu'on l'observe, le système est récusé tous les jours dans son financement, ses modes opératoires, sa pseudo-aristocratie.
    Le pays est écrasé de dogmes étatiques portés par une caste de fonctionnaires pléthorique qui finit par engloutir la valeur ajoutée de l'activité économique du secteur libre, sous le regard impuissant d'une caste politique, immense elle-aussi, et dont beaucoup de membres sont des fonctionnaires protégés, caste qu'il faut nourrir d'abondance dans ses réclamations et ses inutilités. Conscients de la captation de l'héritage républicain par une nomenklatura plus habile que savante, certains bégaient une resucée de la Quatrième république sous un numéro Six, plus encore soviétisée que le gouvernement provisoire de la Libération ; d'autres poussent à réduire un Etat impotent au bénéfice d'une approche technique des défis mondiaux par des équipes compétentes au niveau européen ; les rêveurs appellent ànationaliser des capacités de décisions qui ont disparu à jamais du fait de l'incurie crasse de notre propre Etat-nation ! Aucun, du moins si peu, n'appelle à revenir au modèle naturel ressenti en chacun depuis toujours : la pyramide et sa pointe immobile qui sert d'amer à tout le pays.
    Nous devons retrouver le sens du monde en reconstruisant nos sociétés dispersées aujourd'hui en groupuscules hostiles. Le plus simple n'est-il pas d'y réintroduire d'abord l'aimantation générale que constitue partout ailleurs l'affection des peuples pour leurs souverains de chair et d'os ? Et d'accord enfin sur ce premier point, commencer à hiérachiser nos priorités d'intérêt général pour construire le Projet commun dont la France a maintenant un besoin urgent, à peine de fondre comme neige au soleil dans le magma global dont elle n'a pas su tirer tout le parti possible. Il nous reste peu de temps pour exercer ce qu'il nous reste d'autonomie à réparer notre pays. Le temps ? L'organisation mondiale des blocs en cours pourrait bien nous le prendre. Hâtons-nous !

    * « Non seulement Socrate est la plus pure incarnation du bon sens et de la philosophie pratique dont la Grèce ait fourni le modèle, mais il demeure l'immatérielle image du beau moral et du vrai, non moins que l'exemple de la valeur civique et militaire, le symbole de la mort du juste » (Joseph Orsier). Lisez Socrate (chez Platon) un philosophe des plus modernes et des plus "clair" dans sa tête, qui vous changera des philosophes germaniques obscurs à la mode ! Nous avons été créés par la thalassocratie grecque et nous ne venons pas des landes de Courlande ni des marais de Poméranie, l'agonie du néant.
    ** Pierre-Joseph Proudhon (1809-1865), un des plus éminents publicistes du parti républicain socialiste (selon le Lachâtre de 1856), inventeur de slogans définitifs comme "la propriété, c'est le vol" ou "la démocratie, c'est l'envie".
     
  • Université d'été d'Action Française : appel de François Bel-Ker aux anciens d'A.F. ...

    Chers amis, 

    Un bon nombre d'entre vous ont inscrit leur(s) enfant(s) au camp Maxime Real del Sarte ces dernières années. Je les en remercie.

    Certains sont déjà inscrits pour cette année qui promet à son tour, à l'image des précédentes éditions, d'être un succès.

    Parmi vous certains me demandent s'il peuvent venir tout le camp ou simplement quelques jours, c'est, bien entendu possible ! Vous êtes les bienvenus, ainsi que vos enfants, vos filleuls, vos neveux et vos nièces, vos amis et les enfants de vos amis... Le Camp Maxime reste un lieu de réflexion politique où un temps de vacances reste toujours agréable à vivre !

    Vous trouverez plus loin le programme du camp...

    Au plaisir de vous retrouver,

    Belle Vie ! Amitiés,

    François Bel-Ker

    Programme du Camp Maxime Real Del Sarte 2016

    http://lafautearousseau.hautetfort.com/

  • Un numéro de Politique Magazine sur le royalisme aujourd’hui

    Qui a dit que la France était la plus monarchique – et peut-être la plus royaliste – des républiques ?

    par Jean-Baptiste d’Albaret

    Le 21 janvier dernier, ils étaient plusieurs centaines rassemblés en l’église Saint-Germain-l’Auxerrois, à Paris, pour la traditionnelle messe en mémoire du roi Louis XVI… Survivance désuète, folklore, nostalgie ? La question intrigue les médias qui ne manquent jamais d’envoyer quelques caméras pour couvrir l’événement.

    En 1987, feu le comte de Paris réunit à Amboise ses fidèles pour titrer ses petits-fils Jean et Eudes duc de Vendôme et duc d’Angoulême. En pleins préparatifs du bicentenaire de la Révolution, la cérémonie fait l’ouverture des journaux télévisés ! Le 21 janvier 1993, à la surprise générale, plusieurs milliers de personnes affluent vers la place de la Concorde pour commémorer le deux centième anniversaire du martyre du roi dont Emmanuel Macron a déclaré que le peuple français n’avait « pas voulu la mort »… Macron royaliste ? Il y aurait de quoi sourire. Et pourtant, la réflexion du ministre de l’économie, que l’on sait proche de personnalités connues pour leurs sympathies monarchistes, a plus d’épaisseur qu’il n’y paraît. […]

    La suite ici

    http://www.actionfrancaise.net/craf/?Un-numero-de-Politique-Magazine

  • Il est un pays où les églises sortent de terre par milliers

    Il ne s’agit évidemment pas de la France, ancienne terre de chrétienté où, aujourd’hui, l’on détruit les églises pour les remplacer par des parkings et où les mosquées poussent comme des champignons (au demeurant particulièrement vénéneux) mais bien de la Russie qui renaît spirituellement après 70 ans d’athéisme obligatoire.

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    En effet, depuis deux décennies, c’est en moyenne mille nouvelles églises orthodoxes qui y sont construites chaque année. Depuis 2010, 5000 églises ont été ouvertes tandis que les effectifs de l’Eglise orthodoxe russe ont augmenté de 10 000 clercs !

    Par ailleurs, ce renouveau spirituel du peuple russe est encouragé par les autorités politiques du pays. Vladimir Ressine, député à la Douma (chambre basse du parlement fédéral) et membre du conseil d’administration du fonds de soutien à la construction d’églises à Moscou appelle à la construction de 600 nouvelles églises dans la capitale. Le programme en cours de réalisation prévoyant la construction de 200 églises n’est, selon lui, plus d’actualité et insuffisant car les limites administratives de la ville ont été modifiées de sorte que Moscou est aujourd’hui deux fois plus grande qu’auparavant. « Je pense ainsi : on construira à Moscou autant d’églises que cela est agréable à Dieu. » a notamment déclaré ce député. Le dit fonds de construction des églises de Moscou a réuni à ce jour 3,5 milliards de roubles (~ 50 millions d’euros) pour le financement de ses projets.

    Et pendant ce temps-là, en « douce » France…

    Baudouin Lefranc

    http://www.medias-presse.info/il-est-un-pays-ou-les-eglises-sortent-de-terre-par-milliers/59400