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tradition - Page 192

  • L'avenir de l'humanité passe par la famille !

    En cette fête de saint Jean-Paul II, le blog de L'Homme Nouveau publie la conclusion de l'exhortation apostolique Familiaris consortio, qui faisait suite au synode de 1980, consacré à la famille :

    H

    Vers vous, époux, vous, pères et mères de famille;

    vers vous, jeunes gens et jeunes filles, qui êtes l'avenir et l'espérance de l'Eglise et du monde et qui serez, à l'aube du troisième millénaire, le noyau actif et vital de la famille;

    vers vous, vénérables et chers Frères dans l'épiscopat et le sacerdoce, chers fils et filles religieux et religieuses, et vous, âmes consacrées au Seigneur, qui êtes les témoins devant les époux de la réalité ultime de l'amour de Dieu;

    vers vous tous, hommes au jugement droit, qui à un titre ou un autre vous préoccupez du sort de la famille,

    je me tourne avec une ardente sollicitude en achevant cette exhortation apostolique.

    L'avenir de l'humanité passe par la famille!

    Il est donc indispensable et urgent que tout homme de bonne volonté s'emploie de toutes ses forces à sauvegarder et à promouvoir les valeurs et les exigences de la famille.

    Je me sens poussé à demander à ce sujet un effort particulier aux fils de l'Eglise. Dans la foi, ils ont une pleine connaissance du merveilleux dessein de Dieu, ils ont donc une raison de plus de prendre à cœur la réalité de la famille, dans ce temps d'épreuve et de grâce qui est le nôtre.

    Ils doivent aimer la famille de façon particulière. C'est là une consigne concrète et exigeante.

    Aimer la famille signifie savoir en estimer les valeurs et les possibilités, en cherchant toujours à les promouvoir. Aimer la famille signifie reconnaître les dangers et les maux qui la menacentafin de pouvoir les surmonter. Aimer la famille signifie faire en sorte delui assurer un milieu qui soit favorable à son développement. Et c'est encore une forme éminente de l'amour que de redonner à la famille chrétienne d'aujourd'hui, souvent tentée de se décourager ou angoissée par les difficultés croissantes, des raisons de croire en elle-même, dans ses richesses de nature et de grâce, dans la mission que Dieu lui a confiée. «Oui, il faut que les familles d'aujourd'hui se ressaisissent! Il faut qu'elles suivent le Christ!».

    Les chrétiens ont en outre le devoir d'annoncer avec joie et conviction la «bonne nouvelle» sur la famille, laquelle a absolument besoin d'écouter encore et sans cesse et de comprendre toujours plus profondément les paroles authentiques qui lui révèlent son identité, ses ressources intérieures, l'importance de sa mission dans la cité des hommes et dans celle de Dieu.

    L'Eglise connaît la route qui conduira la famille au cœur de sa vérité profonde. Cette route, que l'Eglise a apprise à l'école du Christ et à celle de l'histoire interprétée à la lumière de l'Esprit Saint, elle ne l'impose pas, mais elle ressent en elle-même une exigence imprescriptible de la proposer à tous, sans crainte, et même avec une confiance et une espérance très grandes, tout en sachant que la «bonne nouvelle» comporte aussi le langage de la croix. Or c'est à travers la croix que la famille peut atteindre la plénitude de son être et la perfection de son amour.

    Lire la suite "L'avenir de l'humanité passe par la famille !"

    Michel Janva

    http://lesalonbeige.blogs.com/my_weblog/web.html

  • Guillaume Faye et la “Convergence des catastrophes”

    Dans l’introduction à l’une des versions italiennes du premier livre de Guillaume Faye, Le système à tuer les peuples, j’avais tenté de brosser succinctement son itinéraire politique, depuis ses années d’étudiant à l’IEP et à la Sorbonne. J’avais rappelé l’influence d’un Julien Freund, des thèses de Pareto, de Bertrand de Jouvenel sur ce jeune étudiant dont la vocation allait être de mener un combat métapolitique, via le Cercle Spenglerd’abord, via le GRECE (Groupe de Recherche et d’Études sur la Civilisation Européenne) ensuite. J’avais insisté aussi sur son interprétation de Nietzsche, où, comme Alexis Philonenko, il pariait sur un rire sonore et somme toute rabelaisien, un rire déconstructeur et reconstructeur tout à la fois, sur la moquerie qui dissout les certitudes des médiocres et des conformistes. Je ne vais pas répéter aujourd’hui tout cet exposé, qu’on peut lire sur internet, mais je me concentrerai surtout sur une notion omniprésente dans les travaux de Faye, la notion cardinale de “politique”, oui, sur cette “notion du politique”, si chère au Professeur Julien Freund. L’espace du politique, et non pas de la politique (politicienne), est l’espace des enjeux réels, ceux qui décident de la vie ou de la survie d’une entité politique. Cette vie et cette survie postulent en permanence une bonne gestion, un bon "nomos de l’oikos" — pour reprendre la terminologie grecque de Carl Schmitt — une pensée permanente du long terme et non pas une focalisation sur le seul court terme, l’immédiat sans profondeur temporelle et le présentisme répétitif dépourvu de toute prospective.

    Le bon “nomos” est celui qui assure donc la survie d’une communauté politique, d’un État ou d’un empire, qui, par la clairvoyance et la prévoyance quotidiennes qu’il implique, génère une large plus-value, en tous domaines, qui conduit à la puissance, au bon sens du terme. La puissance n’est rien d’autre qu’un solide capital de ressources matérielles et immatérielles, accumulées en prévision de coups durs, de ressacs ou de catastrophes. C’est le projet essentiel de Clausewitz, dont on fait un peu trop rapidement un belliciste à tous crins. Clausewitz insiste surtout sur l’accumulation de ressources qui rendront la guerre inutile, parce que l’ennemi n’osera pas affronter une politie bien charpentée, ou qui, si elle se déclenche quand même, fera de mon entité politique un morceau dur ou impossible à avaler, à mettre hors jeu. Ce n’est rien d’autre qu’une application du vieil adage romain :Si vis pacem, para bellum.

    L’œuvre immortelle de Carl Schmitt et de Julien Freund

    D’où nous vient cette notion du “politique” ? Elle nous vient d’abord de Carl Schmitt. Pour qui elle s’articule autour de deux vérités observés au fil de l’histoire :

    • 1) Le politique est porté par une personne de chair et de sang, qui décide en toute responsabilité (Weber). Le modèle de Schmitt, catholique rhénan, est l’institution papale, qui décide souverainement et en ultime instance, sans avoir de comptes à rendre à des organismes partiels et partisans, séditieux et centrifuges, mus par des affects et des intérêts particuliers et non généraux.

    • 2) La sphère du politique est solide si le principe énoncé au XVIIe siècle par Thomas Hobbes est honoré : Auctoritas non veritas facit legem (C’est l’autorité et non la vérité qui fait la loi/la norme). Nous pourrions, au seuil de ce XXIesiècle, qui s’annonce comme un siècle de catastrophes, tout comme le XXe, étendre cette réflexion de Hobbes et dire :Auctoritas non lex facit imperium, soit "C’est l’autorité et non la loi/la norme qui fait l’empire". Schmitt voulait dénoncer, en rappelant la science politique de Hobbes, le danger qu’il y a à gouverner les états selon des normes abstraites, des principes irréels et paralysants, parfois vecteurs de dissensions calamiteuses pouvant conduire à la guerre civile. Quelques décennies d’une telle gouvernance et les "nœuds gordiens" s’accumulent et figent dangereusement les polities qui s’en sont délectée. Il faut donc des autorités (personnelles ou collégiales) qui parviennent à dénouer ou à trancher ces "nœuds gordiens".

    Cette notion du politique nous vient ensuite du professeur strasbourgeois Julien Freund, qui était, il est vrai, l’un des meilleurs disciples de Carl Schmitt. Il a repris à son compte cette notion, l’a appliquée dans un contexte fort différent de celui de l’Allemagne de Weimar ou du nazisme, soit celui de la France gaullienne et post-gaullienne, également produit de la pensée de Carl Schmitt. En effet, il convient de rappeler ici que René Capitant, auteur de la constitution présidentialiste de la Ve République, est le premier et fidèle disciple français de Schmitt. Le Président de la VeRépublique est effectivement une "auctoritas", au sens de Hobbes et de Schmitt, qui tire sa légitimité du suffrage direct de l’ensemble de la population. Il doit être un homme charismatique de chair et de sang, que tous estiment apte à prendre les bonnes décisions au bon moment. Julien Freund, disciple de Schmitt et de Capitant, a coulé ses réflexions sur cette notion cardinale du politique dans un petit ouvrage qu’on nous faisait encore lire aux Facultés Universitaires Saint-Louis à Bruxelles il y a une trentaine d’années : Qu’est-ce que le politique ? (Seuil, 1968). Cet ouvrage n’a pas pris une ride. Il reste une lecture obligatoire pour qui veut encore, dans l’espace politique, penser clair et droit en notre période de turbulences, de déliquescences et de déclin.

    René Thom et la théorie des catastrophes

    Comment cette notion du politique s’articule-t-elle autour de la thématique qui nous préoccupe aujourd’hui, soit la "convergences des catastrophes" ? Faye est le benjamin d’une chaine qui relie Clausewitz à Schmitt, Schmitt à Capitant, Capitant à Freund et Freund à lui-même et ses amis. Ses aînés nous ont quittés : ils ne vivent donc pas l’ère que nous vivons aujourd’hui. D’autres questions cruciales se posent, notamment celle-ci, à laquelle répond l’ouvrage de Guillaume Corvus : « Le système (à tuer les peuples) est-il capable de faire face à une catastrophe de grande ampleur, à plusieurs catastrophes simultanées ou consécutives dans un laps de temps bref, ou, pire à une convergences de plusieurs catastrophes simultanées ? ». Au corpus doctrinal de Schmitt et Freund, Corvus ajoute celui du mathématicien et philosophe français René Thom, qui constate que tout système complexe est par essence fragile et même d’autant plus fragile que sa complexité est grande. Corvus exploite l’œuvre de Thom, dans la mesure où il rappelle qu’un événement anodin peut créer, le cas échéant, des réactions en chaîne qui conduisent à la catastrophe par implosion ou par explosion. On connait ce modèle posé maintes fois par certains climatologues, observateurs de catastrophes naturelles : le battement d’aile d’un papillon à Hawaï peut provoquer un tsunami au Japon ou aux Philippines. Les théories de Thom trouvent surtout une application pratique pour observer et prévenir les effondrements boursiers : en effet, de petites variations peuvent déboucher sur une crise ou un krach de grande ampleur.

    Corvus soulève donc la question sur le plan de la gestion des États voire du village-monde à l’heure de la globalisation : l’exemple de l’ouragan qui a provoqué fin août les inondations de la Nouvelle-Orléans prouve d’ores et déjà que le système américain ne peut gérer, de manière optimale, deux situations d’urgence à la fois : la guerre en Irak, qui mobilise fonds et énergies, et les inondations à l’embouchure du Mississippi (dont la domestication du bassin a été le projet premier de Franklin Delano Roosevelt, pour lequel il a mobilisé toutes les énergies de l’Amérique à l’"ère des directeurs" — ces termes sont de James Burnham — et pour lequel il a déclenché les deux guerres mondiales afin de glaner les fonds suffisants, après élimination de ses concurrents commerciaux allemands et japonais, et de réaliser son objectif : celui d’organiser d’Est en Ouest le territoire encore hétéroclite des États-Unis). La catastrophe naturelle qui a frappé la Nouvelle-Orléans est, en ce sens, l’indice d’un ressac américain en Amérique du Nord même et, plus encore, la preuve d’une fragilité extrême des systèmes hyper-complexes quand ils sont soumis à des sollicitations multiples et simultanées. Nous allons voir que ce débat est bien présent aujourd’hui aux États-Unis.

    Qu’adviendrait-il d’une France frappée au même moment par quatre ou cinq catastrophes ?

    En France, en novembre 2005, les émeutes des banlieues ont démontré que le système-France pouvait gérer dans des délais convenables des émeutes dans une seule ville, mais non dans plusieurs villes à la fois. La France est donc fragile sur ce plan. Il suffit, pour lui faire une guerre indirecte, selon les nouvelles stratégies élaborées dans les états-majors américains, de provoquer des troubles dans quelques villes simultanément. L’objectif d’une telle opération pourrait être de paralyser le pays pendant un certain temps, de lui faire perdre quelques milliards d’euros dans la gestion de ces émeutes, milliards qui ne pourront plus être utilisés pour les projets spatiaux concurrents et européens, pour la modernisation de son armée et de son industrie militaire (la construction d’un porte-avions par ex.). Imaginons alors une France frappée simultanément par une épidémie de grippe (aviaire ou non) qui mobiliserait outrancièrement ses infrastructures hospitalières, par quelques explosions de banlieues comme en novembre 2005 qui mobiliserait toutes ses forces de police, par des tornades sur sa côte atlantique comme il y a quelques années et par une crise politique soudaine due au décès inopiné d’un grand personnage politique. Inutile d’épiloguer davantage : la France, dans sa configuration actuelle, est incapable de faire face, de manière cohérente et efficace, à une telle convergence de catastrophes.

    L’histoire prouve également que l’Europe du XIVe siècle a subi justement une convergence de catastrophes semblable. La peste l’a ravagée et fait perdre un tiers de ses habitants de l’époque. Cette épidémie a été suivie d’une crise socio-religieuse endémique, avec révoltes et jacqueries successives en plusieurs points du continent. À cet effondrement démographique et social, s’est ajoutée l’invasion ottomane, partie du petit territoire contrôlé par le chef turc Othman, en face de Byzance, sur la rive orientale de la Mer de Marmara. Il a fallu un siècle — et peut-être davantage — pour que l’Europe s’en remette (et mal). Plus d’un siècle après la grande peste de 1348, l’Europe perd encore Constantinople en 1453, après avoir perdu la bataille de Varna en 1444. En 1477, les hordes ottomanes ravagent l’arrière-pays de Venise. Il faudra encore deux siècles pour arrêter la progression ottomane, après le siège raté de Vienne en 1683, et presque deux siècles supplémentaires pour voir le dernier soldat turc quitter l’Europe. L’Europe risque bel et bien de connaître une "période de troubles", comme la Russie après Ivan le Terrible, de longueur imprévisible, aux effets dévastateurs tout aussi imprévisibles, avant l’arrivée d’un nouvel "empereur", avant le retour du politique.

    "Guerre longue" et "longue catastrophe" : le débat anglo-saxon

    Replaçons maintenant la parution de La convergence des catastrophes de Guillaume Corvus dans le contexte général de la pensée stratégique actuelle, surtout celle qui anime les débats dans le monde anglo-saxon. Premier ouvrage intéressant à mentionner dans cette introduction est celui de Philip Bobbitt, The Shield of Achilles : War, Peace and the Course of History (Penguin, Harmondsworth, 2002-2003) où l’auteur explicite surtout la notion de "guerre longue". Pour lui, elle s’étend de 1914 à la première offensive américaine contre l’Irak en 1990-91. L’actualité nous montre qu’il a trop limité son champ d’observation et d’investigation : la seconde attaque américaine contre l’Irak en 2003 montre que la première offensive n’était qu’une étape ; ensuite, l’invasion de l’Afghanistan avait démontré, deux ans auparavant, que la "guerre longue" n’était pas limitée aux deux guerres mondiales et à la guerre froide, mais englobait aussi des conflits antérieurs comme les guerres anglo-russes par tribus afghanes interposées de 1839-1842, la guerre de Crimée, etc. Finalement, la notion de "guerre longue" finit par nous faire découvrir qu’aucune guerre ne se termine définitivement et que tous les conflits actuels sont in fine tributaires de guerres anciennes, remontant même à la protohistoire (Jared Diamonds, aux États-Unis, l’évoque dans ses travaux, citant notamment que la colonisation indonésienne des la Papouasie occidentale et la continuation d’une invasion austronésienne proto-historique ; ce type de continuité ne s’observa pas seulement dans l’espace austral-asiatique).

    Si l’on limite le champ d’observation aux guerres pour le pétrole, qui font rage plus que jamais aujourd’hui, la période étudiée par Bobbitt ne l’englobe pas tout à fait : en effet, les premières troupes britanniques débarquent à Koweït dès 1910 ; il conviendrait donc d’explorer plus attentivement le contexte international, immédiatement avant la Première Guerre mondiale. Comme l’actualité de ce mois de janvier 2006 le prouve : ce conflit pour le pétrole du Croissant Fertile n’est pas terminé. Anton Zischka, qui vivra centenaire, sera actif jusqu’au bout et fut l’une des sources d’inspiration majeures de Jean Thiriart, avait commencé sa très longue carrière d’écrivain journaliste en 1925, quand il avait 25 ans, en publiant un ouvrage, traduit en français chez Payot, sur La guerre du pétrole, une guerre qui se déroule sur plusieurs continents, car Zischka n’oubliait pas la Guerre du Chaco en Amérique du Sud (les tintinophiles se rappelleront de L’oreille cassée, où la guerre entre le San Theodoros fictif et son voisin, tout aussi fictif, est provoquée par le désir de pétroliers américains de s’emparer des nappes pétrolifères).

    Aujourd’hui, à la suite du constat d’une "longue guerre", posé par Bobbitt et, avant lui, par Zischka, l’auteur américain James Howard Kunstler, dans La fin du pétrole : Le vrai défi du XXIe siècle (Plon, 2005) reprend et réactualise une autre thématique, qui avait été chère à Zischka, celle du défi scientifique et énergétique que lancera immanquablement la raréfaction du pétrole dans les toutes prochaines décennies. Pour Zischka, les appareils scientifiques privés et étatiques auraient dû depuis longtemps se mobiliser pour répondre aux monopoles de tous ordres. Les savants, pour Zischka, devaient se mobiliser pour donner à leurs patries, à leurs aires civilisationnelles (Zischka est un européiste et non un nationaliste étroit), les outils nécessaires à assurer leurs autonomies technologique, alimentaire, énergétique, etc. C’est là une autre réponse à la question de Clausewitz et à la nécessité d’une bonne gestion du patrimoine naturel et culturel des peuples. Faye n’a jamais hésité à plaider pour la diversification énergétique ou pour une réhabilitation du nucléaire. Pour lui comme pour d’autres, bon nombre d’écologistes sont des agents des pétroliers US, qui entendent garder les états inclus dans l’américanosphère sous leur coupe exclusive. L’argument ne manque nullement de pertinence, d’autant plus que le pétrole est souvent plus polluant que le nucléaire. Pour Corvus, l’une des catastrophes majeures qui risque bel et bien de nous frapper bientôt, est une crise pétrolière d’une envergure inédite.

    La fin du modèle urbanistique américain

    Les arguments de Corvus, nous les retrouvons chez Kunstler [cf. Too much magic, L’Amérique désenchantée, 2014], preuve une nouvelle fois que ce livre sur la convergence des catastrophes n’a rien de marginal comme tentent de le faire accroire certains "aggiornamentés" du canal historique de la vieille "nouvelle droite" (un petit coup de patte en passant, pour tenter de remettre les pendules à l’heure, même chez certains cas désespérés… ou pour réveiller les naïfs qui croient encore — ou seraient tentés de croire — à ces stratégies louvoyantes et infructueuses…). Kunstler prévoit après la "longue guerre", théorisée par Bobbitt, ou après la longue guerre du pétrole, décrite dans ses premiers balbutiements par Zischka, une "longue catastrophe". Notamment, il décrit, de manière fort imagée, en prévoyant des situations concrètes possibles, l’effondrement de l’urbanisme à l’américaine. Ces villes trop étendues ne survivraient pas en cas de disparition des approvisionnements de pétrole et, partant, de l’automobile individuelle. 80% des bâtiments modernes, explique Kunstler, ne peuvent survivre plus de vingt ans en bon état de fonctionnement. Les toitures planes sont recouvertes de revêtements éphémères à base de pétrole, qu’il faut sans cesse renouveler. Il est en outre impossible de chauffer et d’entretenir des super-marchés sans une abondance de pétrole. La disparition rapide ou graduelle du pétrole postule un réaménagement complet des villes, pour lequel rien n’a jamais été prévu, vu le mythe dominant du progrès éternel qui interdit de penser un ressac, un recul ou un effondrement. Les villes ne pourront plus être horizontales comme le veut l’urbanisme américain actuel. Elle devront à nouveau se verticaliser, mais avec des immeubles qui ne dépasseront jamais sept étages. Il faudra revenir à la maçonnerie traditionnelle et au bois de charpente. On imagine quels bouleversements cruels ce réaménagement apportera à des millions d’individus, qui risquent même de ne pas survivre à cette rude épreuve, comme le craint Corvus. Kunstler, comme Corvus, prévoit également l’effondrement de l’école obligatoire pour tous : l’école ne sera plus "pléthorique" comme elle l’est aujourd’hui, mais s’adressera à un nombre limité de jeunes, ce qui conduira à une amélioration de sa qualité, seul point positif dans la catastrophe imminente qui va nous frapper.

    La "quatrième guerre mondiale" de Thierry Wolton

     Pour ce qui concerne le défi islamique, que Faye a commenté dans le sens que vous savez, ce qui lui a valu quelques ennuis, un autre auteur, Thierry Wolton, bcbg, considéré comme "politiquement correct", tire à son tour la sonnette d’alarme, mais en prenant des options pro-américaines à nos yeux inutiles et, pire, dépourvues de pertinence. Dans l’ouvrage de Wolton, intitulé La Quatrième Guerre mondiale (Grasset, 2005), l’auteur évoque l’atout premier du monde islamique, son "youth bulge", sa "réserve démographique". Ce trop-plein d’hommes jeunes et désœuvrés, mal formés, prompts à adopter les pires poncifs religieux, est une réserve de soldats ou de kamikazes. Mais qui profiteront à qui ? Aucune puissance islamique autonome n’existe vraiment. Les inimitiés traversent le monde musulman. Aucun État musulman ne peut à terme servir de fédérateur à une umma offensive, malgré les rodomontades et les vociférations. Seuls les États-Unis sont en mesure de se servir de cette masse démographique disponible pour avancer leurs pions dans cet espace qui va de l’Égypte à l’Inde et de l’Océan Indien à la limite de la taïga sibérienne. Certes, l’opération de fédérer cette masse territoriale et démographique sera ardue, connaîtra des ressacs, mais les États-Unis auront toujours, quelque part, dans ce vaste "Grand Moyen Orient", les dizaines de milliers de soldats disponibles à armer pour des opérations dans le sens de leurs intérêts, au détriment de la Russie, de l’Europe, de la Chine ou de l’Inde. Avec la Turquie, jadis fournisseur principal de piétaille potentielle pour l’OTAN ou l’éphémère Pacte de Bagdad du temps de la Guerre froide dans les années 50, branle dans le manche actuellement. Les romans d’un jeune écrivain, Burak Turna, fascinent le public turc. Ils évoquent une guerre turque contre les États-Unis et contre l’UE (la pauvre…), suivie d’une alliance russo-turque qui écrasera les armées de l’UE et plantera le drapeau de cette alliance sur les grands édifices de Vienne, Berlin et Bruxelles. Ce remaniement est intéressant à observer : le puissant mouvement des loups gris, hostiles à l’adhésion turque à l’UE et en ce sens intéressant à suivre, semble opter pour les visions de Turna.

    Dans ce contexte, mais sans mentionner Turna, Wolton montre que la présence factuelle du "youth bulge" conduit à la possibilité d’une "guerre perpétuelle", donc "longue", conforme à la notion de "jihad". Nouvelle indice, après Bobbitt et Kunstler, que le pessimisme est tendance aujourd’hui, chez qui veut encore penser. La "guerre perpétuelle" n’est pas un problème en soi, nous l’affrontons depuis que les successeurs du Prophète Mohamet sont sortis de la péninsule arabique pour affronter les armées moribondes des empires byzantins et perses. Mais pour y faire face, il faut une autre idéologie, un autre mode de pensée, celui que l’essayiste et historien américain Robert Kaplan suggère à Washington de nos jours : une éthique païenne de la guerre, qu’il ne tire pas d’une sorte de new age à la sauce Tolkien, mais notamment d’une lecture attentive de l’historien grec antique Thucydide, premier observateur d’une "guerre longue" dans l’archipel hellénique et ses alentours. Kaplan nous exhorte également à relire Machiavel et Churchill. Pour Schmitt hier, comme pour Kaplan aujourd’hui, les discours normatifs et moralisants, figés et soustraits aux effervescences du réel, camouflent des intérêts bornés ou des affaiblissements qu’il faut soigner, guérir, de toute urgence.

    L’infanticide différé

    Revenons à la notion de "youth bulge", condition démographique pour mener des guerres longues. Utiliser le sang des jeunes hommes apparait abominable, les sacrifier sur l’autel du dieu Mars semble une horreur sans nom à nos contemporains bercés par les illusions irénistes qu’on leur a serinées depuis deux ou trois décennies. En Europe, le sacrifice des jeunes générations masculines a été une pratique courante jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Ne nous voilons pas la face. Nous n’avons pas été plus "moraux" que les excités islamiques d’aujourd’hui et que ceux qui veulent profiter de leur fougue. La bataille de Waterloo, à 15 kilomètres d’ici, est une bataille d’adolescents fort jeunes, où l’on avait notamment fourré dans les uniformes d’une "Landwehr du Lünebourg" tous les pensionnaires des orphelinats du Hanovre, à partir de douze ans. La lecture des ouvrages remarquables du démographe français Gaston Bouthoul, autre maître à penser de Faye, nous renseigne sur la pratique romaine de l’"infanticide différé". Rome, en armant ces légions, supprimait son excédent de garçons, non pas en les exposant sur les marges d’un temple ou en les abandonnant sur une colline, mais en différant dans le temps cette pratique courante dans les sociétés proto-historiques et antiques. Le jeune homme avait le droit à une enfance, à être nourri avant l’âge adulte, à condition de devenir plus tard soldat de 17 à 37 ans. Les survivants se mariaient et s’installaient sur les terres conquises par leurs camarades morts. L’empire ottoman reprendra cette pratique en armant le trop-plein démographique des peuples turcs d’Asie centrale et les garçons des territoires conquis dans les Balkans (les janissaires). La raison économique de cette pratique est la conquête de terres, l’élargissement de l’ager romanus et l’élimination des bouches inutiles. Le ressac démographique de l’Europe, où l’avortement remboursé a remplacé l’infanticide différé de Bouthoul, rend cette pratique impossible, mais au détriment de l’expansion territoriale. Le "youth bulge" islamique servira un nouveau janissariat turc, si les vœux de Turna s’exaucent, la jihad saoudienne ou un janissariat inversé au service de l’Amérique.

    Que faire ?

    L’énoncé de tous ces faits effrayants qui sont ante portas ne doit nullement conduire au pessimisme de l’action. Les réponses que peut encore apporter l’Europe dans un sursaut in extremis (dont elle a souvent été capable : les quelques escouades de paysans visigothiques des Cantabriques qui battent les Maures vainqueurs et arrêtent définitivement leur progression, amorçant par là la reconquista ; les Spartiates des Thermopyles ; les défenseurs de Vienne autour du Comte Starhemberg ; les 135 soldats anglais et gallois de Rorke’s Drift; etc.) sont les suivantes :

    - Face au "youth bulge", se doter une supériorité technologique comme aux temps de la proto-histoire avec la domestication du cheval et l’invention du char tracté ; mais pour renouer avec cette tradition des "maîtres des chevaux", il faut réhabiliter la discipline scolaire, surtout aux niveaux scientifiques et techniques.

    - Se remémorer l’audace stratégique des Européens, mise en exergue par l’historien militaire américain Hanson dansWhy the West always won. Cela implique la connaissance des modèles anciens et modernes de cette audace impavide et la création d’une mythologie guerrière, "quiritaire", basée sur des faits réels comme l’Illiade en était une.

    - Rejeter l’idéologie dominante actuelle, créer un "soft power" européen voire euro-sibérien (Nye), brocarder l’ "émotionalisme" médiatique, combattre l’amnésie historique, mettre un terme à ce qu’a dénoncé Philippe Muray dansFestivus festivus (Fayard, 2005), et, antérieurement, dans Désaccord parfait (Tel / Gal.), soit l’idéologie festive, sous toutes ses formes, dans toute sa nocivité, cette idéologie festive qui domine nos médias, se campe comme l’idéal définitif de l’humanité, se crispe sur ses positions et déchaîne une nouvelle inquisition (dont Faye et Brigitte Bardot ont été les victimes).

    C’est un travail énorme. C’est le travail métapolitique. C’est le travail que nous avons choisi de faire. C’est le travail pour lequel Guillaume Faye, qui va maintenant prendre la parole, a consacré toute sa vie. À vous de reprendre le flambeau. Nous ne serons écrasés par les catastrophes et par nos ennemis que si nous laissons tomber les bras, si nous laissons s’assoupir nos cerveaux.

    ► Robert Steuckers, introduction à la présentation par Guillaume Faye du livre La convergence des catastrophes, signé Guillaume Corvus, Bruxelles, 2006.

    http://www.archiveseroe.eu/faye-a112822410

  • Les “Oies Sauvages” : les soldats irlandais au service du Saint-Empire pendant la Guerre de Trente Ans

    Il y a plus de 380 ans commençait l'une des plus grandes ca­tastrophes de l'histoire européenne, dont nous subissons en­core aujourd'hui les séquelles : la Guerre de Trente Ans [1618-1648].

    Je vais raconter ici l'histoire d'une armée de sans-patrie, dont les soldats ont combattu sur tous les champs de ba­tail­le de la Guerre de Trente Ans en Europe centrale. On les appelait les “Oies Sauvages” (Wild Geese) et on les com­pa­rait à ces oiseaux migrateurs qui quittent à inter­val­les réguliers leur verte patrie insulaire. Mais à la différence des oies sauvages, les Catholiques irlandais, chassés de leur patrie au XVIIe siècle, ne connaissaient qu'un départ sans retour vers le continent. Presque jamais ils ne revenaient en Irlande. Des marins français les introduisaient clandestinement sur le continent via la Flandre ou la Normandie. Débarqués, ils étaient confrontés au néant. Mais ils étaient libres. Un flot ininterrompu de mercenaires irlandais sont ainsi arrivés en Europe continentale. Ils étaient des hommes jeunes ou des adolescents, à peine sorti de l'enfance : la plupart d'entre eux n'avaient que 15 ou 16 ans, les plus âgés en a­vaient 19. Ils voulaient faire quelque chose de leur vie ou du moins voulaient être libres.

    Après 1600, l'histoire irlandaise s'était interrompue. Le pays é­tait devenu une colonie anglaise, où les Tudors, pour la pre­mière fois, avaient appliqué la tactique de la terre brû­lée. Les autochtones irlandais ont été dépossédés de leurs ter­res. Leur sol leur a été arraché. On y a implanté des co­lons protestants anglais ou écossais. Systématiquement, la colonisation de modèle normand dé­mon­trait son efficacité. Déjà, dans la foulée de leurs cam­pagnes contre les Anglo-saxons à partir de 1066, les Nor­mands vainqueurs perpétraient des destructions sans nom pour confisquer définitivement leur histoire aux vaincus. On brûlait leurs villages, on rasait leurs églises et leurs bâ­ti­ments, de façon à ne plus laisser la moindre pierre qui soit un souvenir de leur culture. Ravage, pillage et violen­ce, oppression systématique, famine organisée contre la population : toutes les tactiques utilisées plus tard par les Anglais en Amérique, puis par les Américains ailleurs, ont été mises au point en Irlande.

    Une force militaire inutilisée

    Pourtant, sur cette île ruinée par la colonisation anglaise, il y avait une force militaire inutilisée. Les Irlandais étaient des soldats farouches qui ne craignaient pas la mort. Ils se feront rapidement une solide renommée dans les batailles. Ils étaient commandés par des officiers compétents, d'ex­cel­lente réputation, qui feront l'admiration de tous sur le con­tinent. Dans le Saint-Empire Romain de la Nation Germanique, diri­gé par un Empereur catholique, beaucoup d'Irlandais deve­nus apatrides ont vu un allié puissant voire une puissance protectrice au passé glorieux. Par milliers, ils sont venus s'en­gager au service de cet Empereur de la lignée des Habs­bourgs. Beaucoup sont parvenus en Autriche à la suite de pé­riples fort aventureux.

    La première vague d'immigrants irlandais est arrivée en 1619 en Autriche. Ces jeunes hommes combatifs ont débar­qué sur le continent de deux manières totalement diffé­ren­tes. Les uns sont arrivés par des voies clandestines, opéra­tion osée dans la mesure où les fugitifs de ce type ris­quaient la peine de mort. Les autres ont été recrutés de for­ces par les Anglais en Irlande et, contre leur volonté, ont dû servir dans l'armée anglaise protestante. Sur base de traité qui unissait l'Angleterre aux princes d'Allemagne du Nord, ils se sont retrouvés sur le continent dans des unités auxiliaires anglaises au début de la Guerre de Trente Ans. Par une ironie du destin, comme souvent dans les guerres an­ciennes, il n'y avait quasiment pas d'Anglais ethnique dans ces troupes, mis à part quelques officiers supérieurs. La plupart de ces soldats étaient donc “déportés” hors des Iles Britanniques et ces Irlandais encombrants s'en allaient ainsi mourir sur le Continent comme chair à canons. Les Anglais s'en débarrassaient à bon compte.

    Une infanterie montée

    Ces Irlandais avaient été incorporés dans des régiments de dragons, où les pertes étaient généralement très élevées. Mais au début du XVIIe siècle, ces Irlandais profitent de la première occasion pour se rendre sans combattre aux trou­pes impériales catholiques. Très vite, ils enfilent l'uniforme autrichien. L'Empire aligne ainsi ses premiers régiments ir­landais. La plupart de ces Irlandais choisissent de servir dans les dragons. À l'époque, cette cavalerie était très ap­préciée et on la surnommait “l'infanterie montée”. Les hom­mes se déplaçaient à cheval mais combattaient à pied. Ils étaient très rapides et très mobiles et ne dépendaient pas vraiment du cheval comme la cavalerie proprement di­te. Dans une certaine mesure, ces dragons constituaient une troupe d'élite, crainte et admirée, dont le cri de guerre est devenu vite célèbre : “Den Weg frei !” (La voie libre !). Ra­pières au clair, ils fonçaient dans les rangs ennemis.

    Les Anglais eux-mêmes, comme tous les autres officiers pro­testants, respectaient ces mercenaires irlandais au ser­vice de l'Empereur et les traitaient mieux qu'ils ne les a­vaient jamais traité en Irlande, alors qu'ils étaient devenus leurs ennemis. Ainsi, les Roi de Suède Gustave Adolphe fit soigner les soldats catholiques irlandais après la bataille de Francfort-sur-l'Oder au printemps de 1631, lors de la prise de cette ville par les armées protestantes. Le Roi suédois admirait le courage des Irlandais au service de l'Autriche. L'officier irlandais Richard Walter Butler, au départ recruté de force par les Anglais, était passé aux Impériaux lors de la fameuse bataille de la Montagne Blanche en 1620. Il avait quitté le corps auxiliaire anglais. À Francfort-sur-l'O­der, il était parmi les blessés, sérieusement atteint. Un coup l'avait frappé au bras et sa hanche était percée d'un coup d'estoc. Le Roi de Suède fit soigner ce blessé. Après quelques mois de captivité, il fut libéré.

    Les Britanniques respectaient cet ennemi qu'ils avaient as­servi et humilié jadis. Ces Irlandais jouaient souvent le rôle d'émissaires de l'Empereur, car ils maîtrisaient la langue an­glaise. Les nobles anglais les appréciaient et reconnais­saient pleinement leurs qualités d'émissaires ou d'inter­prè­tes. En 1635, quand la France catholique se joint à la coa­lition protestante et trahit le Saint Empire Romain de la Na­tion Germanique, la situation devient tragique pour les Ir­landais catholiques qui combattent désormais dans les deux camps. Soldats d'élite, on les excite les uns contre les au­­tres. Certains volontaires servaient dans des armées protes­tan­tes. La France du Cardinal Richelieu avait besoin de bons soldats. Officiellement, elle était catholique et, par consé­quent, incitait bon nombre d'Irlandais à la servir. Les Irlan­dais qui traversaient le pays étaient sollicités à rejoindre ses armées. Leur confiance a été trahie par Richelieu qui, souvent, a envoyé ces hommes se battre contre leurs frè­res de sang, fidèles à la légitimité du Saint Empire.

    Dévouement et respect pour l'Empereur

    Ces soldats irlandais avaient un dévouement et un respect pour l'Empereur. Ils étaient les mercenaires les plus fidèles de la cause impériale et autrichienne. En Irlande même, l'a­mour du Saint Empire ne cessait de grandir, de même que le culte de la légitimité impériale. Les mercenaires af­fluaient sans cesse et s'engageaient dans l'armée autri­chien­ne. Souvent des familles entières débarquaient et par­fois tous les fils mouraient sur les champs de batailles, pour le salut du Saint-Empire. Le Comte irlandais Richard Wallis, persécuté par les An­glais, arrive en 1622 avec ses deux fils pour se mettre au ser­vice de l'Empereur Ferdinand II. Nommé colonel, il se bat à la tête de son régiment irlandais à Lützen en novem­bre 1632, une bataille au sort indécis mais qui a exigé un lourd tribut de sang. Wallis y est grièvement blessé. Il meurt de ses blessures à Magdebourg. Son plus jeune fils, O­liver Wallis, reçoit de l'Empereur Ferdinand III un régi­ment d'infanterie. Il fera en Autriche une brillante carrière militaire. Dans les rangs de l'armée impériale, plusieurs ré­giments irlandais sont mis sur pied entre 1620 et 1643. Cha­que régiment comptait de 1.000 à 1.200 hommes. Le nombre des pertes a été très élevé. L'ennemi a parfois annihilé des ré­giments entiers d'Irlandais. Mais, rapidement, de nou­veaux volontaires permettent de les reconstituer. Avant d'ê­tre une nouvelle fois annihilés… Malgré ces pertes dra­ma­tiques, l'Autriche aligne plus de soldats irlandais à la fin de la Guerre de Trente Ans qu'au début.

    L'intégration des immigrés de la Verte Eirinn

    Les officiers (chaque régiment appartient à un colonel) é­taient allemands ou irlandais. Mais tous étaient acceptés. Parfois on mélangeait les recrues allemandes et irlandaises. Les survivants se sont presque tous installés en Autriche, de­venue leur nouvelle patrie. Jamais on ne les a considérés comme des étrangers. Ils étaient des Européens (chré­tiens), qui apprenaient très vite la langue du pays. Ils é­taient fidèles à l'Empereur, leurs mœurs et leur aspect phy­sique ne déconcertaient pas. Dans tous les pays apparte­nant à la monarchie des Habsbourgs, ces immigrés venus de la Verte Eirinn se sont immédiatement intégrés.

    Pendant cette Guerre de Trente Ans, de vastes territoires de l'Empire ont été complètement dépeuplés à causes des opérations de guerre qui y ont fait rage. Il a fallu attendre la fin du XVIIIe siècle pour ramener le chiffre de la popu­la­tion centre-européenne à celui du XVIe siècle. Les pays du Nord du Danube, où les batailles ont été livrées, de même que les territoires catholiques de la Bavière, de la Souabe et de la Forêt Noire (ndt : et de la Franche-Comté impé­ria­le) ont dû être partiellement repeuplés. Bon nombre d'Irlandais au service de l'Autriche sont ainsi de­venus colons, des fermiers qui ont reçu des chambres impériales le droit de mettre en valeur des biens fonciers abandonnés, dévastés ou négligés ; il fallait recultiver des terres auparavant fertiles. Les Irlandais sont restés et ont participé à la reconstruction du Saint-Empire. Leurs des­cen­dants, élevés en Autriche, vivent encore parmi nous.

    ► Alexander Ereth, Nouvelles de Synergies Européennes n°50, 2001. (article tiré de Zur Zeit n°21/1998 ; tr. fr. : RS)

    ◘ Lire aussi :

    « Mercenaires irlandais au service de la France (1635-1664) », P. Gouhier, Revue d'histoire moderne et contemporainen° 4/15 (RHMC), 1968, pp. 672-690. [compte-rendu].

    « L’exil jacobite irlandais et l’Ouest de la France (1691-1716) », Diego Tellez Alarcia, Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest n°109-4, 2002.

    http://www.archiveseroe.eu/guerre-de-trente-ans-a112852236

  • L'essence métaphysique du paganisme

    On le sait, mais on l'oublie trop souvent, ce sont les principes situés à la racine même des choses, qui fondent véritablement les idées génériques placées à l'origine des différentes conceptions du monde. Or ce qui distingue radicalement le paganisme du christianisme (termes qui, rappelons-le, concrètement, aujourd'hui, ne qualifient plus en Europe aucune réalité religieuse distincte puisque, que cela plaise ou non, l'histoire a conjugué non sans quelques difficultés il est vrai, ces deux dénominations en un seul destin), est une divergence majeure qui ne porte pas entre polythéisme et monothéisme (1), mais de façon irréconciliable porte sur la notion de création.

    Ce qui spécifie, et sépare de manière catégorique le paganisme de la pensée biblique c'est leur analyse divergente au sujet de l'origine du monde, de l'origine de l'être. Si, pour les païens, le monde est de toute éternité incréé et suffisant ontologiquement, par contre, la pensée hébraique considère le monde comme résultant d'une création "à partir de rien", doctrine que la Bible place en tête de son introduction puisque le premier de ses versets nous dit, "Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre", (2). Les points de vue, les concepts païens et hébreux sont irréductibles, radicalement hétérogènes, il y a une incompatibilité foncière entre les deux approches de la question de l'existence du monde; c'est sur ce point que se trouve la véritable ligne de partage des eaux, la césure entre pensée hébraïque et pensée païenne. C'est sur ce point, et non pas sur l'allégeance exprimée à telle ou telle figure divine, à telle ou telle divinité tutélaire, dans l'attachement à Zeus l'olympien ou au Yawhé du Sinai, que se situe la divergence foncière.

    I. Problème de la pensée religieuse.

    On ne saurait trop insister sur ce que pourrait avoir d'illusoire l'idée, pour fonder une alternative nouvelle, qui consisterait à se rattacher à un paganisme affectif et dévotionnel, dans lequel seraient mis en concurrence et en opposition les dieux qualifiés "d'historiques", et le Dieu dit "unique" de la révélation biblique. C'est, hélas, sur cette fausse opposition, que se développa (et se développe encore...) une sorte de vague reliogisité païenne, dans laquelle est caressé l'espoir hypothétique d'un retour des dieux. Or jamais, sur ces questions, le vouloir ne peut avoir de prise, "il n'est pas possible de faire être par la volonté ou la parole les choses elles-mêmes" (3). Bien souvent, le désir d'un redéploiement d'un paganisme réel, tend à laisser penser, qu'il serait nécessaire de refaire surgir de nouveau les anciens mythes. Or, ou bien ce qui est mort est mort, et de la mort rien ne peut renaître, ou bien en réalité rien n'est jamais mort (les dieux en principe ne meurent pas...) et donc rien n'a jamais disparu, mais se trouve dissimulé sous d'autres appellations.

    Le plus étrange dans l’examen de cette question religieuse, c'est que le paganisme finissant, nous montre une religiosité que l'on peut qualifier sans peine de préparatoire à l'avènement du christianisme, ce qui n'est pas sans poser quelques problèmes. En effet, si nous regardons l'histoire avec attention, nous voyons que lorsque l'empereur Julien (361-363) tenta d'instaurer contre le christianisme triomphant, une religion à ses yeux plus conforme aux traditions gréco-romaines, il exprima sa doctrine en des termes, qui concilièrent le Sol Invictus et Attis: " Un Etre suprême, unique, éternel anime et régit l'organisme universel, mais notre intellect seul en conçoit l'existence. Il a engendré de toute éternité le Soleil, dont le trône rayonne au milieu du ciel. C'est ce second démiurge qui, de sa substance éminemment intelligente, procrée les autres dieux" (4). Ne serait-il donc pas permis de se demander sérieusement, dans quelle mesure, l'évolution des religions grecque et romaine n'a pas favorisé le triomphe du christianisme ?

    Allons-même plus loin : si l'on étudie les choses avec réalisme, ne constate-t-on pas que dès Hésiode, qu'on le veuille ou non, la réflexion strictement religieuse des Grecs commence à ouvrir un chemin vers le monothéisme, et tente de fonder la morale sur la religion ? A Rome, la conception du Jupiter archaïque, arbitre souverain et garant de la bonne foi, attestera une orientation dans le même sens, plus instinctive certes, mais non moins évidente. Sans doute, l'entrée massive des éléments néo-platoniciens et orientaux dans la religion et la pensée hellénico-romaine rapprochera encore Athènes et Rome du christianisme futur, en fournissant un aliment mystique au désaroi du peuple, en répandant la notion de salut, en imposant, confusément encore, la conception d'un hénothéisme qui n'est pas éloigné, dans le stoïcisme, du monothéisme. Mais il est intéressant de voir que le mouvement religieux qui portait les esprits à l'époque impériale fut, dans son ensemble, plus que favorable à la pénétration du christianisme dans l'Empire. Et ce constat, doit nous porter à entreprendre une réflexion plus précise au sujet de la facilité avec laquelle le christianisme prit greffe sur le paganisme. Ceci n'est pas anodin et, disons-le clairement, jamais une religion étrangère n'aurait pu triompher si ne s'étaient pas trouvés des éléments communs à l'intérieur même du système religieux antérieur. Il n'existe absolument aucun exemple historique d'une religion s'imposant sans violence à un système étranger à elle-même, ou plutôt disons, qu'il n'existe qu'un seul exemple historique: le triomphe du christianisme à Rome sous Constantin ; voyons pourquoi.

    Les causes de ce triomphe peuvent se résumer en quelques lignes significatives. Les cultes avaient en réalité, avec la nouvelle religion de nombreux traits identiques: la monolâtrie de fait qu'ils proclamaient, le souci de l'ascèse morale et spirituelle; autant l'admettre, quel que soit le degré d'élévation de tous ces cultes, ils répondaient tous aux mêmes besoins par les mêmes moyens. Fondés sur les notions de mort et de résurrection, de naissance nouvelle et de filiation divine, d'illumination et de rédemption, de divinisation et d'immortalité personnelles, ils prétendaient assurer aux fidèles le contact direct avec la divinité, et l'espoir d'une survie bienheureuse. Ils témoignaient en outre, par le biais d'une dévotion dirigée sur un seul dieu, d'une aspiration au monothéisme très prononcée. A l'intérieur de chaque "secte", le dieu sauveur était conçu comme supérieur à toutes les autres divinités et tendait à les éclipser. Mais il y a plus, les analogies de fond et de forme qui existaient entre tous les cultes conduisirent à penser que sous les noms d'Attis, de Mithra, etc... le même Dieu se manifestait, qu'on le considère comme le Dieu "véritable", ou comme un simple intermédiaire importait peu. Ceci explique pourquoi les tentatives prématurées d'Elagabal recevront de fait, leur consécration officielle grâce à Aurélien (270-275), qui sut habilement réaliser le syncrétisme devenu inévitable. On sait qu'il choisit pour divinité suprême Sol Invictus, dans lequel les fidèles des diverses sectes pouvaient reconnaître aussi bien Baal, qu'Attis, Osiris, Bacchus ou Mithra. Sol Invictus présentait d'autre part, l'avantage d'être assimilable à Apollon, et également à une vieille divinité romaine, Sol Indiges, dont l'origine remontait au temps mythique de la fondation de la cité. Sur cette lancée, Aurélien compléta son entreprise en faisant admettre définitivement la divinité de l'empereur vivant, considéré comme incarnation de Dieu sur la terre. En réalité la seule doctrine qui se heurta à l'antipathie du pouvoir, fut le stoïcisme qui, jusqu'à l'avènement de Marc-Aurèle, servit de refuge hautain à l'opposition.

    Le christianisme, de son côté, héritant du judaïsme l'intransigeance des Macchabées, mit en pratique la parole du Christ: "Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu" (5). Sujets loyaux de l'Empire, les chrétiens refusèrent d'encenser les dieux, et de reconnaître la divinité d'un homme, fût-il l'empereur. Leur crime aux yeux de l'Etat, fut politique et non religieux; ou plutôt, il ne fut religieux que parce que leur attitude manifestait fermement leur volonté de conserver leur foi à l'abri des contaminations du syncrétisme. En fait, l'Empire eût été prêt à accueillir le christianisme comme les autres religions, cela est si vrai, que c'est au nom même du syncrétisme et de l'intérêt de l'Etat que fut proclamée, en 313, l'égalité de la religion chrétienne avec la religion officielle par le rescrit de Licinius: "Nous avons cru, est-il dit, devoir donner le premier rang en ce qui concerne le culte de la divinité, en acordant aux chrétiens comme à tous, la libre faculté de suivre la religion qu'ils voudraient, afin que tout ce qu'il y a de divinité au ciel pût nous être favorable et propice, à nous et à tous ceux qui sont sous notre autorité" (6). Le testament religieux du paganisme gréco-romain finissant, n'était donc pas étranger au christianisme naissant, et les Pères de l'Eglise ne s'y sont d'ailleurs pas trompés, qui ont vu en lui l'une des voies préparatoires que Dieu proposa aux hommes pour découvrir son visage.

    Que l'on n'imagine pas, toutefois, en désespoir de cause, trouver dans le paganisme celto-germanique un "recours", qui représenterait un meilleur garant comparativement à l'héritage greco-latin, car la tradition nordique présente les mêmes dangers que sa soeur du sud. Les incessantes luttes fratricides entre les chefs tribaux dépourvus de toute conscience historique, la lente mais réelle disparition progressive de la classe sacerdotale (Godis), le venin intellectuel que représente l'idée d'une procession du divin d'un centre pur et inaltérable vers le dehors par une série d'hypostases et de démiurges, le sens du péché consistant dans l'éloignement du monde de son sens divin, on retrouve ici les mêmes et identiques facteurs d'une lente progression vers le Dieu unique.

    Que nous enseignent ces faits ? Tout simplement que pour pouvoir échapper au monothéisme il convient, non pas de savoir "comment être païen" au sens religieux du terme, comme beaucoup l'ont cru et, l'imaginent malheureusement encore, mais de comprendre en quoi consiste véritablement l'essence du paganisme, non pas du point de vue religieux, mais du point de vue métaphysique, là où se situe l'authentique et irréductible divergence d'avec la pensée biblique, là où les thèses présentent une fracture, une incompatibilité foncière. Redisons-le, la religiosité n'est qu'une forme culturelle affective non autonome. Liée à un substrat collectif traditionnel, le sens religieux, par sa plasticité, peut se voir dépouillé de ses bases métaphysiques et s'adapter sans difficultés à d'autres conceptions. L'avènement du christianisme en est le plus bel exemple. Ce n'est donc pas au niveau du religieux qu'il nous faut découvrir l'essence du paganisme, mais au niveau de son essence profonde, au niveau de sa métaphysique propre, là où se déploie sa véritable nature. C'est pourquoi, il est vital d'atteindre l'essence de son ontologie, là où la question de l'être se révèle comme centrale, car c'est de ce point seulement que pourra surgir l'aurore d'un nouveau Sacré.

    II. Le fondement de la métaphysique païenne.

    L'originalité de la pensée païenne se situe sur un point fondamental, point qui ordonne tout l'édifice de son essence intime: le problème de l'éternité du monde, de son autosuffisance ontologique. Pour les païens, l'idée que le monde puisse avoir été créé, est une proposition absurde, incongrue, alors qu'elle est la base de la foi chrétienne, qui hérite en cela du créationisme biblique :"Credo in Deum Patrem omnipotentem creator coeli et terrae" (7). C'est là le centre, le coeur, de toutes les divergences.

    La création, en climat théologique biblique, est une opération qui s'effectue "ex nihilo" (8), c'est-à-dire que rien ne lui préexiste, sauf Dieu bien évidemment (ce qui n'est d'ailleurs pas la moindre des incohérences de vouloir faire que la cause de l'existence des choses manque au principe même qu'elle prétend expliquer, échappant elle-même à la loi de la causalité dont on nous dit qu'elle préside à l'existence de toute chose!). Chez les païens au contraire, les dieux sont considérés comme les représentants suprêmes d'un Tout divin. Ils sont les premiers dans l'être, mais non point les premiers par rapport à l'être. Leur transcendance n'est pas reconnue, il n'existe pas de Grand Séparé; dans ces conditions, c'est au Grand Tout qu'est attribué la nécessité éternelle. Le problème pour le paganisme ne se pose qu'à partir d'une matière commune, nul ne s'avise de rechercher la cause de l'être ou du monde. Ce monde, cet être, n'a pas besoin d'autre explication que lui-même; il est nécessaire, et de cette nécessité, chez Aristote, le "Premier moteur" n'en est que le premier bénéficiaire, il n'en est pas la cause. Il meut, il actionne la machine universelle, il ne la crée pas. Son action présuppose quelque chose d'aussi nécessaire que lui, et qui représente une passivité éternelle sous son activité ou son influence.

    Il importe cependant de réfléchir sur la validité et la crédibilité des thèses en présence ; pour ce faire, la philosophie n'a aucunement besoin des sciences physiques ou mathématiques, qui ont d'ailleurs plutôt tendance, depuis quelques années, à flirter étrangement avec la mythologie ou l'imaginaire, et à ne plus être en mesure d'élaborer un discours véritablement sérieux. D'autant que sur la question de savoir si le monde a été créé du néant ou pas, les sciences avouent humblement leur incapacité à pouvoir fournir une réponse, tant leur méthode les rend muettes sur ce sujet. La philosophie par contre, lorsqu'elle exerce son authentique faculté de jugement, dépasse en qualité, profondeur et certitude, toutes les hypothèses des disciplines fragmentaires; elle n'est pas mère de toutes les sciences pour rien!

    La philosophie, effectivement, est capable (lorsqu'elle ne part pas de l'ego, mais du réel expérimenté en tant qu'il est, lorsqu'elle sait que le seul et véritable maître, c'est le réel), de par son jugement propre, de saisir et d'affirmer la vérité touchant l'Univers et les choses, et cette vérité est l'oeuvre de son intelligence analytique, car le réel est structuré selon un ordre et une logique qui relèvent de l'ontologie, c'est-à-dire de la science de l'être. C'est ainsi qu'avant même Nils Bohr ou Costa de Beauregard, et sans l'aide du lourd appareillage des laboratoires de physique nucléaire, on savait déjà au IVème siècle avant notre ère en Grèce, que l'espace et le temps ne sont pas des idées pures ou des catégories a priori, ni un réel consistant, antérieur aux objets qui le remplissent, mais précisément les accidents propres aux substances matérielles, dimensives et permensives.

    III. L'être et le temps.

    Examinons donc à l'aide de la logique analytique la thèse biblique d'une création "ex nihilo", et voyons si ce dont on nous parle, c'est-à-dire d'un état censé avoir précédé le monde, d'un état "d'avant le commencement", est une hypothèse crédible. Cet "avant le commencement" désigne un temps nous dit-on, mais de quel temps parle-t-on ? Y avait-il un temps avant le temps ? Cela n'a, pour dire les choses clairement, aucun sens, cela ne désigne rien; car il n'y a pas, et ne peut y avoir, deux temps, l'un avant où le monde n'existerait pas encore, l'autre après, le temps du monde, venant se superposer au premier comme un rail sur une voie préparée à le recevoir.

    Si le monde est fini en arrière, il n'y a rien avant, ni temps ni autre chose. Il n'y a donc pas d'avant, il n'y a pas, et ne peut y avoir "d'avant le commencement". Pour qu'il y ait eu un moment, fut-il un moment du rien, il faut qu'il y ait quelque chose, or un moment est une position du temps, est le temps, est une mesure des choses existantes. La durée est un attribut, et la durée d'une chose ne pouvant précéder cette chose, il est clair que si cette chose est le Tout, il ne peut y avoir de durée en dehors d'elle. Un jour, nous dit-on dans la Genèse, Dieu se décida à donner l'existence au monde. Un jour! Quel jour ? Ce jour n'existe pas plus que cet "avant le commencement", il n'y a pas de durée où le loger. Le premier jour qui ait existé, c'est le premier jour du monde lui-même. Nous sommes, de ce fait, obligés d'admettre que le monde a toujours existé puisqu'il n'y a pas de jour où il n'ait pas existé !

    La vérité, est que le temps commence avec le monde lui-même: il n'y a pas de temps en arrière; le tout du monde comprend aussi le tout de la durée. Le monde existe et a existé depuis tout le temps qui existe, il n'y a aucun temps possible où il n'ait pas existé, il n'y a pas, en toute logique, "d'avant le commencement" - le monde ne peut pas ne pas avoir toujours existé puisqu'il est. Quant à parler d'un temps "avant la création", d'un temps précédant le temps qu'inaugurerait la création, cela est une pure et chimérique imagination, une vision, un rêve enfantin. En effet, il ne peut y avoir continuité entre ce temps imaginaire et le temps réel, on ne met pas bout à bout un rêve et le réel. On ne peut faire commencer le monde qu'au début de la durée où il existe, car on ne compte les jours que de ce qui existe, ce qui n'existe pas ne peut pas se compter; il n'y a pas de premier jour pour ce qui n'a pas vu le jour: tout commencement est donc forcément une suite.

    IV. L'être et le néant.

    Mais poursuivons, plus avant encore, notre raisonnement, et voyons les conséquences qu'impliquent la croyance en l'hypothèse d'un temps fini en arrière, c'est-à-dire d'un temps ayant commencé après n'avoir pas été. On n'y pense peut-être pas assez, mais si le temps est fini en arrière, on est obligé de se heurter au vide et ainsi de s'imposer à un contact entre le tout et le rien. Or entre l'être et le néant, entre le tout et le rien, il ne peut y avoir contact, "du rien, rien ne vient" (9). C'est d'ailleurs l'opinion de Mélissos de Samos lorsqu'il écrit :"Ce qui était a toujours été et sera toujours (...) car rien n'aurait pu, de quelque manière que ce soit, sortir de rien" (frag., B 8), (10). Surgir du néant c'est ne pas surgir du tout puisque le néant est une pure négation; et voici cependant que l'on fait du néant un point de départ positif.

    Le néant, "est" une pure négation d'existence, le néant "n'est" pas un état, le néant "n'est" que néant, (si toutefois nous pouvons employer le verbe "être" à propos du néant). Pour venir à l'être, ce que l'on implique en parlant d'une création, il faudrait qu'il y ait déjà de l'être, or "de ce qui n'est pas, rien ne peut surgir (...), rien ne peut être créé de rien" (11). Si l'on dit que Dieu a tiré le monde du néant, on sous-entend que du néant puisse apparaître quelque chose, mais le néant n'est pas et ne peut être un réceptacle dont quelque chose puisse être tiré. On l'a pourtant cru et enseigné! Il s'est même trouvé des théologiens chrétiens pour écrire: "le néant est une réalité, puisque Dieu en a tiré le monde" (12). Malheureusement on ne peut du néant faire succéder le monde, une succession dont un des termes est le néant est une absurdité manifeste! Du non-être à l'être, il n'y a ni proportion - ni relation possible - du néant, rien ne peut suivre. Il ne peut y avoir aucune possibilité concrète d'une création, aucun moment pour une initiative créatrice, il n'y a aucun fait nouveau qui aurait du néant avant lui. Dans le néant (si l'on peut ainsi s'exprimer), il n'y a point d'application pour une force, il n'y a ni situation ni modalité quelconque puisque le néant n'est pas, puisque le néant est la négation, l'absence totale d'être.

    Tout phénomène, quel qu'il soit, s'explique par un antécédent d'où il procède, c'est une loi universelle intangible; donc ou bien il n'y a pas de création au sens où l'entendent les théologiens juifs, chrétiens et musulmans, et par déduction le monde ne peut pas avoir été créé, ou alors quelque chose qui n'est pas Dieu échappe à la causalité de Dieu. A cette question il n'existe qu'un remède, puisque nous ne pouvons trouver de sens acceptable au mot création, il nous faut dire (comme l'affirement toutes les traditions extérieures à la révélation biblique): l'univers n'est pas créé, il ne peut être ou avoir été créé de rien, et s'il n'a pas été créé de rien, c'est qu'il est, fut et demeurera. Il est l'être qui en tant que tel ne peut "provenir", puisque pour qu'il y ait de l'être maintenant, il faut obligatoirement qu'il y en ait eu toujours, car la vie vient du vivant, l'être vient de l'être.

    Après avoir très rapidement souligé les difficultés relatives à la thèse créationiste, l'hypothèse d'un premier jour nous devient impensable, la précession du temps et de l'être par le néant aboutit au vide. Or le vide, dans ce cas, serait au minimum un espace ou une durée où l'on pourrait loger quelque chose; ce serait une capacité définie, avec des dimensions. Ce serait donc de l'être, car on ne peut pas dire que ce qui a des dimensions ne soit rien, il en est de même du temps.

    Dire qu'à un moment donné le temps n'existait pas, c'est dire encore qu'il existait. Il ne peut donc pas y avoir de vide temporel à l'extrême bord de l'être, l'être ne peut être bordé par rien, ne peut se voir précéder par rien. On est toujours dans l'être, on ne peut rien supposer d'antérieur à l'être d'autre que de l'être. Dire qu'il puisse exister un état de non existence, serait jouer avec les mots: une négation n'est pas un état. Le rien n'étant rien, en affirmant que le monde fut créé du néant, on ne dit en réalité que du vent. Affirmer que le monde, le cosmos, sont créés du néant, c'est faire préexister le néant, or le néant, nous l'avons vu, ne peut en aucune façon exister ou même préexister, sous peine de cesser d'être du néant. Si le néant était, ce ne serait plus du néant. En conséquence le néant n'étant ni existant, ni préexistant, on peut en conclure que rien ne se crée ni ne se fait à partir de rien. L'être est premier, inévitablement. "L'être est, le néant n'est pas" (13), avait déjà énoncé Parménide, dans son poème qui est comme la parole aurorale de la philosophie; oui l'être est, car la création du monde à partir de rien est un mythe théologique biblique, une expression impropre à laquelle il est impossible de trouver un sens acceptable. "Ce monde, le même pour tous, ni dieu ni homme ne l'a fait, disait déjà Héraclite, mais il était toujours, il est et il sera, feu toujours vivant, s'allumant en mesure et s'éteignant en mesure" (14).

    V. Conclusion.

    En définitive, nous espérons être parvenu à montrer en quoi, aucun espoir sérieux d'une restauration de la pensée païenne n'est envisageable sans une interrogation fondamentale sur l'être.

    Les éléments qui peuplent et enchantent le monde dans les religiosités païennes, ne peuvent trouver à affirmer leur vie sans une profonde compréhension des bases métaphysiques qui les sous-tendent. C'est d'ailleurs faute de cette compréhension que le christianisme a pu se développer, avec une telle facilité, parmi les populations antiques. S'il est donc nécessaire de rallumer certains feux, c'est celui de l'intelligence de l'être qui prime en premier lieu, c'est le seul qui ne soit pas symbolique et donc inutile. Si c'est à partir de l'être que pourra se déployer une nouvelle aurore du sacré, c'est que, "ce n'est qu'à partir de la Vérité de l'être que se laisse penser l'essence du Sacré" (15). La région de l'être est identique à la région du sacré, "le Sacré, seul espace essentiel de la divinité qui, à son tour, accorde seule la dimension pour les dieux, ne vient à l'éclat du paraître que lorsque, au préalable et dans une longue préparation, l'être s'est éclairci et a été expérimenté dans sa vérité" (16).

    La question de l'être est l'unique question de la pensée, et ceci n'est pas une simple formule, car c'est elle qui commande l'ensemble de toutes les régions de l'étant, dont en premier lieu celle du sacré et donc du religieux dans lequel il s'exprime. Aborder la question du paganisme uniquement au niveau de son folklore, c'est confondre le fond et la forme. Seule l'expérience de l'être est une expérience fondatrice, qui nous permettra: " de refluer en nous-mêmes dans notre propre vérité" (17). La pensée doit rassembler notre "habiter", récapituler le pli de l'être et de l'étant, découvrir l'être comme ‘’fond de l'étant" (18), c'est-à-dire effectuer un saut dans l'être en tant que tel. Toutes les tentatives de restauration d'une religiosité païenne, sont de naïves plaisanteries si elles ne sont pas fondées sur une authentique démarche philosophique. La philosophie fut et reste, l'expression la plus achevée de la pensée digne de ce nom. Elle seule représenta un véritable obstacle aux affirmations chrétiennes, et ce n'est pas pour rien qu'il lui fallût de si longs siècles avant de pouvoir resurgir dans son autonomie, alors que dieux, déesses, elfes et fées, parvinrent rapidement à se déguiser sous les masques des saints et des apparitions, et continuent d'ailleurs toujours à y vivre fort bien.

    L' histoire n'est rien d'autre que l'histoire de la vérité de l'être, elle est assignée à un destin en forme d'appel par delà le retrait du Sein. Si, selon la fort belle expression de Hegel, « l’'esprit du monde utilise les peuples et les idées pour sa propre réalisation » (19), l'histoire du monde est donc bien le jugement du monde. Le chemin du savoir répondant à l'essence du dire silencieux, s'accomplira comme mise en lumière de la substance invisible qui séjourne dans le temps, et ceci par delà mythes, symboles et fables de la piété affective. La pensée des choses présentes est le lieu où s'entrecroiseront occultation et dévoilement, le lieu qui livrera la mêmeté de l'être et de la pensée, selon l'intuition lumineuse de Parménide; "comme l'Etre absorbe l'essence de l'homme par la fondation de sa vérité dans l'étant, l'homme fait partie de l'histoire de l'Etre, mais seulement en tant qu'il se charge, qu'il perd, qu'il omet, qu'il libère, qu'il sonde ou qu'il dissipe son essence par rapport à l'Etre" (20).

    Ce n'est donc, si nous l'avons bien compris, que par l'exercice d'une extrême tension de nature ontologique, que nous pourrons revenir à notre source originelle... si tant est que nous l'ayons un jour quittée!

    Jean-Marc Vivenza

    notes :

    (1) On est surpris aujourd'hui, grâce aux recherches récentes, de voir à quel point cette distinction, qui semblait fondatrice il y a peu de temps encore, n'obéit en réalité qu'à une convention de langage, tant il apparaît, en effet, que les tendances monothéistes ou hénothéistes ont travaillé en profondeur la pensée païenne (Mésopotamie, Egypte, Iran, Grèce, Rome), et influencèrent très fortement le polythéisme originaire des Hébreux en l'orientant vers une monolâtrie jalousement exclusive, tant est si bien que Misson écrit: "le monothéisme païen a bien préparé le terrain du christianisme". (cf. Lumière sur le paganisme Antique, A. Neyton, Ed. Letourney, 1995).

    (2) ( Gen., 1, 1), Bible de Jérusalem, DDB, 1990.

    (3) Aristote, Organon, V, Les Topiques, Vrin, 1987.

    (4) P. de La Briolle, La Réaction païenne, vol II, 1934.

    (5) Nouveau Testament, T. B. S., 1988.

    (6) P. Grimal, La civilisation romaine, Arthaud, 1960.

    (7) Ier Concile de Constantinople, (IIème oecuménique, 381).

    (8) (11 Mac., Vll, 8), Bible de Jérusalem, DDB, 1990.

    (9) Proclus, Commentaires sur le Timée, t. I, Belles Lettres, 1968.

    (10) J-P Dumont, Les écoles présocratiques, Folio, 1990.

    (11) Lucrèce, De Natura Rerum, I, 56, Flammarion, 1986.

    (12) Fridugise de Tours, De Nihili et Tenebris, Patrol. Iat., 1526.

    (13) Parménide, Le Poème, PUF, 1987.

    (14) Héraclite, Fragments, PUF, 1983.

    (15) M. Heidegger, Lettre sur l'humanisme, Aubier, 1980. (16) Ibidem.

    (17) M. Heidegger, Essais et Conférences, Gallimard, 1990.

    (18) M. Heidegger, Questions IV, Gallimard, 1990.

    (19) G-H F. Hegel, Leçons sur l'histoire de la philosophie, t. III, Vrin, 1978.

    (20) M. Heidegger, Nietzsche, t. II, Gallimard, 19

    http://www.voxnr.com/cc/dh_autres/EuEFZAZAZpEybOUhOj.shtml

  • A F [Paris-Est] COMPTE RENDU DE RENTREE

    Notre réunion de rentrée qui s’est tenue mardi soir à Saint Mandé a rassemblé une quinzaine de personnes. Le secrétaire général du mouvement nous a présenté la fédération Ile de France, sa nouvelle organisation et ses activités.

    Depuis quelque temps il a été constaté une forte croissance du nombre de sympathisants et la région Ile-de-France a été divisée en sections pour des activités plus locales. En complément des conférences du Cercle de Flore et des colloques "Carrefour royal", notre section aura la particularité d’être un CINE-CLUB.

    Nous vous invitons à noter d’ores et déjà nos prochains rendez-vous :

    mercredi 5 novembre à 20h projection du film "Un héros très discret" avec Mathieu Kassovitz

    mercredi 3 décembre à 20h projection du film "Marie-Antoinette, reine de France" (1956)

    mercredi 7 janvier : Galette des Rois

    Une activité sera proposée par mois en alternant projection de films et sorties à visée culturelle (il a déjà été évoqué plusieurs propositions : visite du Château de Vincennes, cimetière de Picpus, visite de la Basilique de Saint Denis, parcours Paris sous la Révolution).

    http://www.actionfrancaise.net/craf/?Paris-Est-COMPTE-RENDU-DE-RENTREE

  • 7e Journée de réinformation de Polémia (2/3) – Les Traditions vivantes

    « Les arbres aux racines profondes sont ceux qui montent haut » (Frédéric Mistral).

    « Etre moderne, c’est avoir tout le passé présent à l’esprit » (Joséphin Péladan à propos de la littérature).

    La tradition est l’héritage immatériel d’un collectif d’hommes donné, c’est-à-dire le contenu culturel d’une société humaine liée à travers l’histoire par un événement fondateur ou un passé lointain. Il existe tant de traditions que de communautés humaines qui se reconnaissent un fonds culturel commun. La tradition est donc une conscience collective ; elle peut aussi être, comme c’est parfois le cas aujourd’hui, un inconscient collectif au sens jungien, mais j’y reviendrai plus loin. La tradition vivante représente donc l’ensemble des éléments culturels qui unissent un peuple donné et sont toujours existants de nos jours, ainsi que les pratiques et rites afférents à cette « conscience culturelle collective ». Il s’ajoute pourtant constamment de nouvelles traditions qui perdurent, et d’autres qui meurent. C’est pour cela que la tradition est assimilable à un organisme vivant en perpétuelle croissance.

    L’erreur que nous pourrions commettre serait de confondre la tradition vivante tant avec le folklore (qui est en réalité une partie de la tradition vivante) qu’avec les re-constructivismes « traditionalistes ». Pour autant, sans confondre ces notions, on ne peut pas non plus les opposer. Evoquer la notion de traditions vivantes ne saurait donc être une tentative de ressusciter des traditions disparues, mais bien plutôt constater ce qui, dans notre quotidien, appartient à ce grand héritage immatériel. Premier document : Saint-Jean

    L’héritage immatériel de la tradition ne connaît pas de domaine réservé ; il est présent dans tout ce qui crée le lien social, dans tout ce qui est vivant et immémorial. Les arts plastiques, les arts vivants (théâtre, opéra), la musique, les arts de la table, l’art militaire ou martial, le sport, la chasse, les vêtements, le droit, la philosophie, jusqu’aux usages et convenances de politesse, procèdent de ce qui a été, littéralement, « donné à travers le temps ». Certains pans de la tradition ont survécu dans leurs formes originelles, et leurs expressions sont similaires à celles qui pouvaient être pratiquées il y a plusieurs centaines (voire milliers) d’années. D’autres pans ont emprunté, au cours du temps, d’autres formes, sans pour autant voir leur substance modifiée considérablement. C’est pour cette raison qu’aborder la tradition qui représente l’ordre, voire ce qui « est naturel », ne peut se faire correctement sans convoquer le phénomène de la transgression qui vit à travers la tradition et qui normalement devrait la renforcer, plutôt que la menacer par l’inversion des normes.

    La dimension du partage (et du sentiment) est essentielle à la pleine compréhension de ce que peut représenter, dans nos quotidiens, la tradition vivante. Il est presque incongru de s’interroger sur ce qui fait sens ; la culture qui nous a été transmise par nos parents et qui leur fut auparavant transmise par les leurs, en partage avec l’ensemble d’un peuple, nous est forcément familière.

    S’opère alors conséquemment une double distinction dans la tradition vivante : profane et sacrale, mais aussi collective et intime. La notion d’intimité, avec ce qu’elle implique de sentimentalité, n’est pas fréquemment étudiée ; néanmoins c’est par la sphère intime, familiale, que la tradition se transmet, tout autant que par la sphère collective de la patrie. Si je prends l’exemple de la tradition vivante juridique, la loi découle parfois de la coutume qui est un usage juridique oral, c’est-à-dire provenant d’un fonds en partage ancien, et parfois « intime », opérant sur une sphère plus réduite que la loi qui a une vocation générale (coutume du droit commercial propre à une profession ou à une localité).

    Pour continuer plus en avant, j’aimerais vous faire part d’un extrait de l’ouvrage Droit et Passion du droit sous la Ve République par le doyen Jean Carbonnier :

    « Il a toujours été difficile de découper l’histoire en périodes ; ceux qui sont témoins d’un événement dramatique sont prompts à le qualifier d’historique et à s’écrier, tel Goethe à Valmy, que rien ne sera plus comme avant. En fait, souvent les périodes s’emboîtent les unes dans les autres, et le futur traînera longtemps les paillettes du passé. C’est vrai en général, mais davantage encore quand le droit est en cause. Car, si le droit, ce peut être la promulgation d’un texte, donc une date qui marque une franche coupure, ce sont aussi des applications qui s’étirent dans le temps, des coutumes qui se perpétuent par d’imperceptibles répétitions. Comment croire que toutes ces fibres pourront être tranchées d’un seul et même coup sans bavure ? »

    On ne fera donc pas l’économie d’une mise en perspective du droit avec la tradition vivante lorsqu’on étudiera cette matière. Le même raisonnement est d’ailleurs transposable à toutes les sciences humaines et les disciplines artisanales et artistiques. Rien n’apparaît ex nihilo. Pas même les phénomènes les plus modernes. Prenons l’exemple de la musique électronique et des rythmes répétitifs : ils ne sont pas apparus par miracle mais sont le fruit d’une longue progression des musiques savantes et populaires ; ils sont parfois même des re-constructivismes inconscients (transes collectives et dionysiaques), comme pourrait l’avancer Michel Maffesoli. Les fêtes de village existent toujours ; certaines ont même acquis une dimension internationale (par exemple les Fêtes de Bayonne). Avant les boîtes de nuit, il y avait en France tout un réseau de fêtes de village qui animaient les fins de semaine des ruraux durant l’été ; on y nouait des liens, on y rencontrait son épouse ou un futur partenaire d’affaire.

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  • L'appel des Sentinelles

    Appel reçu des Sentinelles :

    "Les cohortes de la Manif pour Tous ont battu le pavé parisien, dans la joie et le bruit, témoignant du refus des politiques mises en œuvre par le pouvoir en place. Vous êtes indignés depuis ces premières levées de bouclier de 2012, mais que ferez-vous d'ici la prochaine manifestation ?

    Une poignée de sentinelles parisiennes veulent vous suggérer quelque chose.

    Les sentinelles veillent silencieuses et pacifiques, debout face aux lieux de pouvoir pour interpeller la conscience de ceux qui nous gouvernent. Elles veulent chaque jour leur reprocher leurs politiques, leurs lois, leurs idéologies, et leur façon brutale de les imposer au pays.

    Presque tous les jours depuis le 24 juin 2013, des sentinelles sont venues veiller Place Vendôme ou ailleurs à Paris. Dans d'autres villes des sentinelles veillent régulièrement. Leur détermination a eu raison des intempéries, du froid, de la lassitude et de la police.

    Vous pouvez les rejoindre et consacrer une partie votre temps à veiller, debout, en silence, pacifiquement, sans slogan ni signe distinctif, devant un lieu de pouvoir. Veiller de 10 minutes à 3 heures ou plus. Veiller en lisant un livre, ou en jouant sur votre smartphone. Veiller avec de la musique dans votre casque ou en écoutant les bruits de votre ville. Veiller sans se lasser d'être bienveillant, même avec le passant qui vous insulte ou le policier qui tente de vous intimider. Veiller en province, en banlieue ou à Paris. Veiller sans se soucier d'obtenir un résultat immédiat, tangible et palpable. Veiller un jour et revenir un autre jour, et recommencer encore et encore. Veiller malgré la météo. Veiller en répondant aux passants sur le sens de cette lutte. Veiller sous le regard condescendant de ceux qui imaginent que vous avez perdu, et dont vous aimeriez éveiller les consciences.

    Vous êtes les bienvenus chez les sentinelles.

    Que les poignées deviennent des armées."

    http://lesalonbeige.blogs.com/my_weblog/2014/10/lappel-des-sentinelles.html

  • Choisir la vie cherche des écoutantes pour aider les femmes enceintes


    S
    L'antenne d'écoute nationale sosfemmesenceintes créée en 2009 par Choisir la Vie, recherche des écoutantes pour étoffer son équipe :

    "Notre vocation est d'aider les femmes enceintes qui vivent seules, qui sont angoissées, qui traversent des problèmes conjugaux, de précarité, qui ont des inquiétudes diverses ou qui pensent n'avoir que l'avortement comme solution, à trouver une écoute, des réponses et un soutien, qu'il soit temporaire ou dans la durée. La permanence a lieu de 9h à 20h (ou plus pour celles qui le veulent) 7 jours sur 7. Cette permanence se conjugue avec une vie de maman de petits et grands enfants, avec la possibilité de rappeler quand nous ne sommes pas disponibles. De beaux liens se sont tissés notamment avec des mamans dont l'avortement était le seul recours et les remerciements que nous recevons attestent de l'utilité de cette antenne. Une formation est proposée à Valence le 18 novembre ou à Rueil-Malmaison le 21 novembre de 10h à 15h30. Cette antenne d'écoute nationale a besoin de vous alors n'hésitez pas à contacter notre responsable pour toutes questions complémentaires à l'adresse suivante : cecile.decourreges@gmail.com

    Michel Janva

  • Jeune Nation Action devant l'église de sainte-Rita (4/10/2014)