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tradition - Page 391

  • L’Irlande catholique face à l’avortement

    Ceci  se passe en Irlande. Savita Halappanavar, ressortissante indienne de 31 ans, est décédée en octobre d’une septicémie : alors que le bébé qu’elle portait dans le ventre était en train de mourir et qu’elle se plaignait de douleur dans le dos,  la direction de l’hôpital lui a refusé l’IVG tant que le cœur du fœtus battait. Savita est morte quelques jours plus tard.

    Le gouvernement irlandais a finalement décidé de déposer un projet de loi autorisant l’IVG dans les cas où la vie de la mère est en danger. «La législation doit définir clairement quand il est possible de mettre fin à une grossesse, c’est-à-dire quand il y a un danger réel et substantiel pour la vie – ou la santé – de la patiente et quand ce danger ne peut être écarté qu’en mettant un terme à la grossesse», a indiqué le département de la Santé. «Je sais qu’il s’agit d’une question très sensible. Mais le gouvernement veut que la sécurité des femmes enceintes en Irlande soit assurée», a également déclaré le ministre de la Santé, James Reilly, ajoutant que les consignes seront données aux professionnels de la santé, tout en «respectant le droit à la vie d’un enfant à naître».

    Contrairement à ce que certains commentateurs semblent suggérer, l’avortement ne va pas être légalement reconnu comme une norme en Irlande : il aura valeur d’exception, lorsque une autre vie que celle du bébé sera également en jeu, à savoir celle de la mère. Aucun déni par conséquent de la vie humaine porté dans le sein de la mère. Et par conséquent aucune position de principe en faveur de l’avortement, reconnu en tant que tel comme un « droit » fondamental. Chaque mot, reporté ci-dessus, exprimé par le département ou le ministre de la Santé sont pesés et donne son sens à la démarche entreprise : à noter que cette position a d’ailleurs toujours été celle de l’Église.

    http://www.contre-info.com/

  • Bienheureux Jerzy Popieluszko : « Mon cri était celui de ma patrie ! »

    Jerzy Popieluszko n'est pas seulement un martyr. C'est le symbole du combat de l’Église catholique contre le totalitarisme. Il y avait près de 300 000 personnes à Varsovie le 8 juin dernier pour sa béatification par le cardinal Amato. Il y avait aussi sa maman, Marianna, et son ami Lech Walesa, le fondateur du syndicat Solidarnosc.
    Quand on entre dans une église en Pologne, on trouve en général, accueillant le visiteur à la porte, un portrait du père Jerzy Popieluszko et une photo du père Maximilien Kolbe. Ce dernier a été assassiné par les nazis en 1941. Popieluszko, lui, ce sont les communistes qui l'ont torturé et tué en 1984. Tous deux expriment l'âme de la Pologne catholique et antitotalitaire.
    Jerzy Popieluszko (1947-1984) est né à Okopy, petit village du nord-est de la Pologne dans une famille modeste de paysans. Parcours classique : enfant de chœur dans son village, il fait ses classes au lycée de Suchowola ; dès ses 18 ans, il entre au séminaire de Varsovie. Il sera ordonné prêtre en 1972. Détail prémonitoire : les images distribuées lors de sa première messe comportent la devise suivante : « Dieu m'envoie, pour prêcher l'Évangile et panser les plaies des cœurs blessés ».
    C'est en août 1980 que le Cardinal Wyszynski, lui a demandé d'être l'aumônier des aciéries de la capitale. Pas d'autre solution pour ce jeune abbé plein de zèle que de se poser en ardent défenseur de l'idéal du nouveau Syndicat Solidarnosc. Lequel est issu des célèbres accords de Gdansk qui, le 31 août 1980, l'ont imposé aux caciques du communisme polonais, Jaruzelski et les autres, comme un syndicat chrétien, libre. Conformément à ses nouvelles fonctions, à 10h00, chaque dimanche, le Père célèbre la sainte messe pour les ouvriers  de Gdansk. Il s'entretient régulièrement avec les animateurs du Syndicat qui deviennent ses amis. Il essaie de les former, en leur offrant des cours sur l'histoire de la Pologne, la littérature et la doctrine sociale de l'Église. Il n'hésite pas à leur proposer un apprentissage de la dynamique de groupe et de l'art de la négociation. Las ... Le 13 décembre 1981, poussé dans ses retranchements, le général Jaruzelski décrète l'état de siège. Le syndicat Solidarité est mis brutalement hors-la-loi. Qu'importe ! Le Père Popieluszko entend bien continuer son ministère auprès de ses animateurs. Alors, tous les mois, depuis cette date fatidique, il célèbre une « messe pour la patrie » dans la paroisse où il a été affecté, Saint-Stanislas-Kotska, en banlieue de Varsovie. Des milliers de personnes viennent entendre sa voix chaude. On se souvient encore de ses vibrantes homélies pour la justice sociale et le respect de la liberté et de la dignité de l'homme. Le texte de ses allocutions courageuses était enregistré par de nombreux militants sociaux-chrétiens de Solidarnosc. et diffusé par cassettes à travers toute la Pologne. Autant dire que le jeune prêtre était considéré comme un dangereux agitateur par les séides d'un régime à bout de souffle et qui commence à éprouver sa propre fragilité. Les événements se précipitent rapidement. À l'automne 1983, une liste de 69 « prêtres extrémistes » a été établie par le gouvernement du Général Jaruzelski et remise au cardinal Glemp, successeur de l'intrépide Mgr Wyszynski. Prière était faite au nouveau Primat de Pologne de faire taire ces gêneurs ensoutanés. Le Père Popieluszko figurait en bonne place sur cette liste, en compagnie, il est vrai, de deux évêques. MgrTokarczuk et Mgr Kraszewski, auxiliaire de Varsovie, et du confesseur de Lech Walesa, l'ineffable Père Jankowski.
    Les 12 et 13 décembre 1983, l'Abbé Popieluszko subit deux jours de garde à vue. La police prétendait avoir découvert chez lui des armes et des explosifs, ainsi que des tracts du Syndicat interdit. La nuit suivant sa garde à vue, il échappe de justesse à un attentat, une grenade ayant explosé dans son vestibule après qu'un inconnu eut sonné à sa porte. Accusé d'« abus de sacerdoce », le jeune prêtre fut convoqué treize fois par la milice, durant les quatre premiers mois de l'année 1984. Il ne bougea pas d'un iota. Ses prêches étaient toujours repris sur des radios libres, émettant depuis l'extérieur de la Pologne. Le porte-parole du gouvernement communiste, Jerzy Urban, aujourd'hui reconverti dans la presse pornographique et anticléricale, qualifia Jerzy Popieluszko de « fanatique politique ». Il semblait que rien ne devait arrêter cette parole de liberté. Il faut organiser plus soigneusement l'élimination. Le vendredi 19 octobre à 22 heures, trois officiers de police arrêtèrent la voiture du Père Popieluszko en rase campagne, sous prétexte d'un contrôle d'alcootest. Son chauffeur parvint à s'enfuir, mais le prêtre resta entre leurs mains. À partir de là, on ne sait ce qui s'est passé avec certitude que par l'autopsie qui a été pratiquée sur son corps, retrouvé plus tard dans un lac artificiel formé par le barrage de Wloclawek, sur la Wisla à une centaine de kilomètres au nord de Varsovie. Le 27 octobre, le capitaine Grzegorz Piotrowski, identifié par le chauffeur, déclare : « C'est moi qui l'ai tué, de mes propres mains ». Il y eut procès à Torun contre les trois exécutants. Mais les commanditaires ne furent jamais retrouvés. Est-ce l'État communiste ? Est-ce une fraction dure de la police politique ? On ne le saura jamais. La peine des trois bourreaux condamnés à la perpétuité, fut bientôt réduite. Tous sont déjà sortis de prison. Mais la tombe du père Popieluszko, située à Varsovie près de l'église où il célébrait ses messes pour la patrie, est devenue un lieu de pèlerinage où se sont déjà rendus des millions de personnes qui le vénèrent comme témoin de la résistance morale et spirituelle de tout un peuple.
    Claire Thomas monde et vie. 26 juin 2010 

  • Jean-Marie Le Pen & Bruno Gollnisch "Quel avenir pour la droite nationale ?"

  • Titre de la note Convention Identitaire 2012 : intervention de Philippe Vardon

  • La religion de l’Europe n’est pas encore faite

    Le sommet constitutionnel réuni à Salonique en ces chaudes journée de solstice d’été 2003 (21 et 22 juin) a présenté l’esquisse d’une ébauche d’embryon de constitution. De timides pas ont été accomplis vers un renforcement du processus décisionnel communautaire par le vote à la majorité qualifiée dans un nombre limité de domaines, la création d’un président du Conseil européen et d’un ministre des affaires étrangères de l’Union.

    Mais ce ne sont là que des propositions qui devront être approuvées à l’unanimité des 25 États constituants lors d’une conférence intergouvernementale, du mois d’octobre prochain à mai 2004. Or, plusieurs constituants ont déjà fait savoir qu’ils s’opposeraient au projet : les britanniques entendent préserver leur souveraineté intégrale en refusant toute évolution vers une constitution fédérale. L’Espagne, la Pologne et l’Autriche contestent la répartition des votes au Conseil des ministres, qui leur est moins favorable que celle accordée par le traité de Nice…

    Gageons que ces nouvelles pommes de discorde (en plus de celles qui ont été jetées à propos de l’Irak, de la Turquie, de la politique agricole commune…) occuperont les prétoires de l’Europe virtuelle pendant longtemps. C’est exactement ce qu’attend le grand rival américain qui a clairement et cyniquement annoncé que sa politique vis-à-vis du vieux continent serait fondée sur le vieux principe du « diviser pour mieux régner ». L’Europe, toujours plus présente dans les discours, semble encore loin de se réaliser dans les faits, même si la sphère d’intérêts communs grandit et finira par nous contraindre à définir l’intérêt général européen et à le faire prévaloir sur les égoïsmes tribaux, fût-ce ceux des vieux États-nations, lorsqu’une divergence, réelle ou imaginaire, les sépare.

    Racines chrétiennes ?
    Une autre querelle de clochers concerne la religion de l’Europe. Lors du sommet de Salonique, plusieurs pays, dont l’Espagne, le Portugal et la Pologne, ont insisté pour que la future constitution de l’Union européenne « mentionne explicitement les racines chrétiennes de l’Europe ». Le premier ministre polonais, Leszek Miller, a particulièrement insisté sur cette exigence en disant : « On ne peut parler d’Europe sans parler de chrétienté ». Le « club chrétien » n’a pas eu gain de cause en l’occurrence puisque le préambule proposé par la Convention sur l’avenir de l’Europe se contente de mentionner « les héritages culturels, religieux et humanistes de l’Europe, dont les valeurs sont toujours présentes dans son patrimoine ».

    Le plaidoyer pour la référence au christianisme dans le préambule de la future Constitution européenne est une position défendue avec ardeur par un certain nombre de personnalités notamment d’obédience catholique qui voient là l’occasion de relégitimer au niveau paneuropéen des valeurs religieuses en perte de vitesse. Cette offensive s’inscrit dans la stratégie médiatique du pape Jean-Paul II qui cherche à remobiliser les foules autour du thème chrétien à travers ses multiples voyages et les manifestations du genre des Journées mondiales de la jeunesse. Luthériens, calvinistes et orthodoxes gardent généralement une réserve prudente sur ce sujet qui a le don d’irriter le clan des laïcs (ceux-ci y voient non sans raison une dangereuse immixtion du religieux dans le champ politique). Voici quelques mois, Joseph Yacoub, professeur de relations internationales à l’université catholique de Lyon, résumait cette prise de position avec les arguments suivants : « L’Europe est diverse mais elle est aussi chrétienne comme d’autres mondes sont musulmans, hindous, bouddhistes, taoïstes ou animistes. Le dire n’est en rien préjudiciable aux autres religions présentes dans ce continent comme le judaïsme et l’islam (…) Le reconnaître solennellement, l’affirmer et l’incorporer dans les considérants préambulaires de la loi fondamentale, sans effet juridique, ne porte aucune atteinte aux autres croyances et convictions. Au contraire, cela permet de mieux se définir dans le débat avec les autres religions » (Le Figaro, Débats et opinions, 31/10/2002).

    On peut s’attendre à ce le « club chrétien » (qu’il conviendrait d’appeler « christianiste » pour mieux définir sa volonté d’influence dans le domaine politique) revienne à la charge pendant la conférence intergouvernementale de octobre à mai pour tenter de modifier la définition laïque de l’Europe proposée à Nice en décembre 2000 et reprise à Salonique en juin 2003. Si on peut comprendre cette offensive idéologique du point de vue d’un chrétien engagé dans la politique, on ne saurait accepter qu’elle aboutisse à imposer à tous les Européens, chrétiens ou non, le chapeautage d’une référence chrétienne suprême, même sans effet juridique (référence qui, notons-le en passant, arrangerait bien, outre Rome, pour des raisons d’influence morale et politique, l’axe Washington/Tel-Aviv). C’est le point de vue que je défends ici, non comme une conclusion ferme et définitive mais comme l’ouverture d’un débat face à ceux qui souhaiteraient le clore une fois pour toute par l’arbitraire d’une définition générale imposée à tous comme principal référent religieux de nos peuples. Car c’est bien de cela qu’il s’agit, que la position soit exprimée de façon maximaliste (« on ne saurait parler d’Europe sans parler de chrétienté ») ou minimaliste (« l’Europe est diverse mais elle est aussi chrétienne comme d’autres mondes sont musulmans… »).

    Le christianisme n’est pas un ferment d’unité pour l’Europe
    Une première série d’objections concerne l’identité du christianisme et de l’Europe. Voici les remarques de l’historien René Sédillot :

    « Il faut reconnaître que le christianisme n’est européen en aucune manière. Pourquoi chercherait-il à s’incorporer au petit continent qui sert de presqu’île à l’Asie ? Il vise à la fois plus haut et moins loin. Le christianisme, comme l’Empire romain, a des ambitions universelles, et il les légitime d’avantage. Quand Saint Paul s’adresse aux Colossiens, il parle pour tous les hommes de tous les temps : “Il n’est plus question de Grec ou de Juif, de Barbare, de Scythe, d’esclave, d’homme libre ; il n’y a que le Christ, qui est tout et en tout” (…) comprenons qu’en supprimant la clôture qui, dans le temple de Jérusalem, isolait le parvis des Juifs de celui des Gentils, il a refusé les frontières entre les hommes (…) La religion nouvelle se dit catholique, d’un mot grec qui signifie universel (…) Plus qu’européen, le christianisme est oriental. Jésus le Nazaréen est d’Asie, et il ne quitte la Palestine que pour une fuite africaine. Des douze apôtres, onze sont de Galilée, Judas est peut-être de Judée. Deux seulement, Pierre et André, ont dû mettre le pied sur le continent européen. Saint Paul est un Hébreu né en Cilicie (…) Ce christianisme d’ambition universelle et d’essence orientale n’est d’ailleurs pas, pour l’Europe, un véritable ferment d’unité, parce qu’il est lui-même divisé… ».

    Suit une brève description des multiples hérésies, dissidences, réformes et contre-réformes et des guerres de religion auxquelles elles ont donné lieu (Survol de l’histoire de l’Europe, Fayard, 1967).

    René Sédillot reconnaît par ailleurs que l’universalité de la règle monastique et les croisades ont contribué à unifier l’Europe. Mais il est facile de répliquer que les croisades ont également opposé les Européens entre eux, notamment la campagne contre les Albigeois, et que certains ordres monastiques comme les Dominicains se sont particulièrement illustrés pendant les siècles d’épuration religieuse aux mains de l’Inquisition. Plus généralement, les guerres de religion atteignent des sommets d’horreur avec la guerre de trente ans au XVIIe siècle, véritable guerre civile européenne qui a donné le ton aux affrontements idéologiques ultérieurs.

    La religion en général et le christianisme en particulier, surtout lorsqu’ils sont exacerbés par une instrumentalisation politique, constituent, aujourd’hui encore, d’importants facteurs de division entre Européens. L’exemple de l’Irlande et des Balkans ne permet pas d’en douter.

    Que l’idéologie chrétienne, de nature apolitique, ait pu être instrumentalisée au service de l’unité européenne à certains tournants de l’histoire, notamment à l’époque carolingienne, est indéniable, même si cet effort d’unification s’est soldé par l’extermination et la conversion forcée des peuples hérétiques (Saxons, Wisigoths, Lombards…). Mais cela ne saurait nous faire oublier la guerre de religion comme puissant facteur ou, à tout le moins, comme complice de la grande fracture continentale. L’argument de la chrétienté comme ciment de l’Europe ne tient pas la route, encore moins aujourd’hui, à l’heure de la grande désaffection – et de la prolifération des obédiences sectaires – qu’hier.

    Notons en passant que « ce christianisme d’ambition universelle et d’essence orientale » (Sédillot) s’est transplanté hors d’Europe, notamment dans les deux Amérique, où il a pris racine avec une vigueur proportionnelle à celle avec laquelle il s’estompait du sol européen. Voici quelques mois, le Congrès des États-Unis, par 346 voix contre 49, recommandait « le jeûne et la prière pour que Dieu protège l’Amérique » (formule employée par Abraham Lincoln en 1863). Il n’est pas un conseil de ministres étatsunien, pas une assemblée politique de quelque importance qui ne débute ni ne s’achève par une prière collective. Cette expression politique de valeurs religieuses est aux antipodes de la tradition laïque à laquelle adhèrent les sociétés européennes qui, depuis de nombreuses décennies, ont cessé de confondre salut public et salut éternel, même si, comme le souligne Joseph Yacoub, la référence chrétienne est encore présente en filigrane dans la politique de certains États européens (Norvège, Danemark, Allemagne, Italie, Espagne, Pologne, entre autres).

    Que les États-Unis soient plus chrétiens que l’Europe ne garantit pas qu’ils soient plus justes ou plus raisonnables dans leurs pratiques politiques internationales comme nous avons pu le constater lors des récents conflits internationaux. On peut même penser que l’audace et l’agressivité parfois criminelle des « faucons » autour du président étatsunien (depuis la période Kissinger) obtiennent dans le public un degré de légitimation et de ferveur proportionnel au niveau de bonne conscience procurée par la certitude d’être dans le camp de la « vraie foi ». L’incompréhension à l’égard des Arabes et le favoritisme exagéré envers Israël qui interdisent tout règlement équitable de la question palestinienne s’abreuvent à la même source monothéiste.

    Les valeurs au crible du star system
    Il en va autrement pour l’Europe qui, sans avoir rompu ouvertement avec l’héritage judéo-chrétien, s’en est éloignée sensiblement depuis un bon demi-siècle. Si l’on additionne le nombre des athées avoués (qui se comptent par dizaines de millions dans l’Europe de l’Est), le nombre des non-pratiquants (une large majorité en France) et celui des croyants hérétiques (comme les nombreux admirateurs du dissident Eugen Drewermann en Allemagne), force est de conclure que le référent chrétien au sens orthodoxe ne peut s’appliquer qu’à une minorité d’Européens qui sont d’ailleurs loin d’être d’accord entre eux sur sa signification (l’œcuménisme ne prend pas, malgré les efforts du pape).

    Reste la question des valeurs. Des trois mondes qui structurent aujourd’hui nos existences d’après le sociologue Helmut Schelsky (Politik und Publizität, Seewald, 1983), la famille (foyer de valeurs communautaires), le travail (source des valeurs économiques) et les médias (terrain d’expression des mythes de la modernité), aucun n’est imprégné de valeurs typiquement chrétiennes, sauf pour une petite minorité de croyants-pratiquants (pas plus de 10 à 15 % des Français). Quant aux valeurs idéales, aux « grands récits » mythiques, il y a belle lurette que le star system a soufflé la vedette au catéchisme chrétien comme d’ailleurs à la catéchèse laïque et républicaine (la silhouette au chapeau de Jean Moulin est une figure de mode aussi peu signifiante politiquement que l’était celle du Che au béret à l’époque où elle donnait le ton). C’est parce qu’ils ont su se fondre dans le star system, producteur incessant de symboles éphémères, pieux ou profanes, que des exceptions comme l’abbé Pierre et mère Thérésa (et Jésus superstar) ont pu rivaliser avec Johnny, Madonna et Lady Diana.

    Si le recours au référent chrétien n’est pas une réponse crédible à la grande question des valeurs de l’Europe, qu’en est-il de la laïcité qui nous est scandée à tout bout de champ comme une panacée universelle ? Schelsky, entre autres, estime que l’homme occidental, « écartelé » entre ses trois univers contradictoires (famille, travail, médias) tombe dans une dépendance accrue à l’égard du troisième (télémania, pub-idéologie, hyperconsommation). Or, les valeurs laïques s’avèrent incapables de faire face à l’extraordinaire subversion médiatique des esprits. Les dérisoires combats publicitaires d’arrière-garde menés à grands frais par certains gouvernements contre la consommation de tabac, de drogue, d’alcool, contre la vitesse au volant, les comportements racistes, l’incivisme, etc. apportent la preuve de cette carence. Les valeurs laïques se caractérisent par leur négativité, leur refus de laisser les idéologies religieuses considérées comme « privées », voire sectaires ou tribales, s’emparer du champ politique censé rester neutre. Mais cette neutralité est toute relative et imprégnée de valeurs qui, à défaut de l’expression politique qui leur sont refusées, n’en continuent pas moins d’exercer une influence sur le milieu socio-politique. Les sociétés contemporaines laïcisées ne proposent que des anti-valeurs assez incapables de résister aux diverses subversions communautaires ou publicitaires qui les assaillent de tous côtés. Elles finissent souvent, comme aux États-Unis, par devenir la proie des lobbies et des minorités influentes qui imposent, au hasard des changements politiques, une formule idéologique fondée sur un équilibre oligarchique plutôt que sur les objectifs démocratiques mis en avant par le principe de laïcité.

    Penser l’Empire et « devenir grec »
    Si la réponse laïque, acceptée par défaut, est tout aussi insuffisante que la réponse chrétienne à la question des valeurs de l’Europe, vers quelles sources les Européens pourraient-ils se tourner afin de cesser d’être ballottés par des enjeux qu’ils ne maîtrisent pas et qui, pourtant, décident de leur sort ?

    Un indice nous est fourni par le jeune philosophe allemand Peter Sloterdijk qui a récemment défrayé la chronique bien-pensante en soulignant les insuffisances de l’humanisme de pacotille face aux enjeux du monde réel. Dans un petit essai intitulé Si l’Europe s’éveille (Mille et une nuits, 2003), il part du constat que l’Europe, prise dans l’étau de deux impérialismes concurrents, a végété dans des idéologies de l’absence (existentialisme, esthétisme culturel…) depuis 1945, date de son retrait de la scène internationale. Or, l’étau se desserre, l’assoupissement des deux demi-Europe à l’ombre des parapluies nucléaires des « Grands » n’est plus de mise. C’est alors que réapparaît la mythomotricité des tournants de l’histoire européenne, celle qui a permis la transmission (ou translation) de l’empire de Rome aux Carolingiens, puis aux Hohenstaufen et aux Habsbourg. Il ne peut s’agir, bien sûr de la même forme d’empire dynastique aujourd’hui. Mais, sauf à vouloir rester à la remorque d’un impérialisme étranger, les Européens devront concevoir une grande politique (le mot de Nietzsche est cité en exergue par l’auteur) à la fois impériale et démocratique pour se montrer à la hauteur de la situation nouvelle qui est la leur. Voilà le terreau de valeurs politiques nobles, venu de l’Antiquité, qui pourrait bientôt se superposer aux idéologies de l’absence et au désespérant petit individualisme consommateur offert aux masses indifférenciées par les multinationales du divertissement. Une autre piste nous est enseignée par le philosophe français Marcel Conche qui a récemment confié ses pensées à son élève, André Comte-Sponville (Confession d’un philosophe, Albin Michel, 2002). Dans une conférence à l’université de Neuchâtel intitulée « Devenir grec » reprise par la Revue philosophique (janvier-mars 1996), puis par la revue Krisis (janvier 2000), il explique qu’il a délibérément choisi de remonter jusqu’à la source la plus ancienne de l’esprit européen, celle des antésocratiques à partir de Homère, car elle contient les leçons d’héroïsme les plus précieuses que tout un chacun gagnerait à méditer1 : « D’un côté, le bonheur, de l’autre la grandeur, le fécond sacrifice de soi-même (…) Entre l’insignifiance et le sens, il faut choisir (…) Comment vivre sensément ? Chacun de nous, Occidentaux, peut s’essayer à devenir oriental, peut essayer sur lui une sagesse orientale, mais, pour autant qu’il reste fidèle à l’esprit de l’Occident, il n’y a que deux solutions : grecque ou chrétienne (ou judéo-chrétienne), rationnelle ou irrationnelle, philosophique ou religieuse : ou la raison ou la Révélation, ou la philosophie ou la religion, ou Athènes ou Jérusalem. Pour le philosophe, en tout cas, il faut choisir. Tout philosophe est, en droit, l’enfant de la Grèce. Qu’advient-il lorsqu’il a eu, comme aujourd’hui souvent, une éducation chrétienne ? Il doit s’en défaire, se dépouiller de toutes les croyances qui ne lui viennent pas de la lumière naturelle. Au devenir chrétien de Kierkegaard, j’oppose le devenir-païen ou plutôt le devenir-grec (…) La véritable avancée consiste à reculer jusqu’aux Grecs, et ici je dis : jusqu’à Homère ».

    Ces exemples de réflexion sur une autre façon de concevoir l’avenir de l’Europe, ont été offerts dans le sens d’une ouverture de la question des valeurs contre la clôture à l’intérieur du sempiternel dialogue de sourds entre christianisme et laïcité (tous deux, d’ailleurs, dépassés par les événements du devenir continental) au sein duquel certains voudraient l’enfermer.

    L’Europe sort lentement d’un long interrègne au cours duquel elle fut écartelée entre deux matérialismes totalitaires. Pendant cet intermède, sa culture traditionnelle fut laminée par les idéologies productivistes qui lui apportèrent du bien-être matériel au prix (écologique, social et culturel) que l’on sait. Cette période s’achève et nous voici exposés au risque – et à l’extraordinaire aventure – qui consiste à faire un bilan et un tri, à refonder nos propres valeurs en tirant le meilleur parti de l’antique héritage. Il serait dommage de gâcher l’occasion en continuant de nous chamailler à propos de valeurs moribondes.

    Sans doute sommes-nous, pour une bonne majorité d’entre nous (Européens), sans toujours le savoir ni le vouloir vraiment, un peu chrétiens, un peu athées ou laïcs et un peu païens avec une bonne dose de scepticisme. « Le choix de Dieu » (Lustiger) au sens chrétien, juif ou musulman, l’adhésion rigoureuse au credo monothéiste, ne concerne qu’une minorité d’Européens et n’est pas nécessairement lié au choix de l’Europe comme patrie en attente de reconnaissance. Au contraire, une telle vocation, dans la mesure de son exclusivité, dévalue les autres valeurs de l’Europe, celles d’Homère, Eschyle, Machiavel ou Giono : l’érotisme au sens poétique, l’amour de la nature, l’héroïsme guerrier, le politique…

    Avec le recul constant de la conscience historique et des enseignements classiques, le triomphe d’un individualisme de l’indifférence, combien d’entre nous seraient capables de « penser l’empire », et de devenir – ou redevenir – grecs et romains-germaniques comme le permet, comme l’exige la situation nouvelle ?

    C’est la question. En attendant de pouvoir y répondre, en attendant l’avènement d’une véritable haute éducation à l’esprit européen, condition de notre renaissance culturelle, en attendant qu’un élargissement spirituel se superpose à l’élargissement géographique et économique de l’Union européenne, le préambule à la constitution de l’Europe doit rester ouvert et laisser les générations montantes assumer leur destin en puisant dans le patrimoine de valeurs qu’elles jugeront à la hauteur de l’heure historique.

    2003.

    1. À propos du choix d’Achille, qui est, somme toute, celui de l’Europe…

  • Manifestation du 13 janvier : l’abbé de Cacqueray remet les pendules à l’heure

    Entretien vigoureux et sans concession publié sur  la Porte Latine :

    1 – Encouragez-vous les catholiques à se rendre à la manifestation organisée par madame Barjot le 13 janvier 2013 contre le projet du mariage homosexuel,?

    Non. Je le leur déconseille vraiment. S’ils y vont, je pense qu’ils en reviendront ulcérés s’ils ne le sont pas déjà par les propos indignes que ne cesse de proférer cette personne. Je me trouve en profond désaccord avec l’esprit que le comité organisateur de cette manifestation veut lui insuffler. Toutes les concessions, toute l’obscénité, toute la vulgarité, toutes les compromissions semblent permises pour faire du nombre à tout prix.

    Je ne critique pas les organisateurs de cette manifestation de rechercher le nombre. Mais tous les moyens ne sont pas permis pour autant.

    La présence d’un char gay dans la manifestation sur lequel les manifestants sont invités à venir danser est une infamie. Comment est-il possible que le péché contre nature, l’un des quatre qui crie vengeance contre la face de Dieu, puisse être fêté et célébré dans un défilé organisé par des catholiques ? Comment un chrétien ou tout homme à qui il reste un peu de morale naturelle ou de bon sens pourrait-il supporter de voir le vice applaudi ? Il n’en a  pas fallu autant pour que le feu du ciel tombe sur Sodome et Gomorrhe.

    Je rappelle par ailleurs que tous les pèlerinages, processions et manifestations catholiques sont normalement  autorisés en tant que tels dans notre pays. Or, en cette circonstance, ce ne sont donc pas les pouvoirs publics mais les organisateurs eux-mêmes de cette manifestation qui s’auto-censurent et interdisent toute prière et tout symbole catholique. Les catholiques se bâillonnent eux-mêmes : nous facilitons vraiment le jeu de nos ennemis.

     

    Rien ne peut être bâti en dehors de Notre Seigneur Jésus-Christ. S’Il est mis de côté au début d’une entreprise, cette entreprise est vouée à l’échec. Cette manifestation, si elle attire une foule gigantesque, n’en sera pas moins une gigantesque forfaiture pour avoir d’abord banni Notre-Seigneur Jésus-Christ, pour l’avoir ensuite remplacé par Satan en hissant la pédérastie sur le pavois.

    2 – Mais si vous n’invitez pas à venir manifester le 13 janvier dans la manifestation de madame B., que proposez-vous d’autre ?

    J’invite à une nuit de prières qui aura lieu dans tous nos prieurés dans la nuit du vendredi  4 au samedi 5 janvier ou dans la nuit du 5 au 6 janvier. Cette nuit de prières et de pénitence sera faite pour supplier le Bon Dieu, par l’intercession de la très sainte Vierge Marie, d’épargner cette vomissure supplémentaire à notre pays. Que l’on se mobilise nombreux dans chaque prieuré pour participer à ces nuits de prières.

    Par ailleurs, il me semble que des associations catholiques (ou d’autres associations) de plus en plus nombreuses, déjà dégoûtées de la tournure qu’est en train prendre cette manifestation, sont en train d’organiser, ce même 13 janvier, un défilé qui exprimera publiquement la foi catholique. Beaucoup de catholiques et d’hommes de bonne volonté vont le rejoindre. Je ne vois pas des évêques ou des prêtres qui ont désormais annoncé leur venue à Paris, le 13 janvier, se fourvoyer dans une manifestation qui est en train de dégringoler si bas dans la démagogie et dans la boue du péché.

    3 – Vous ne craignez pas que cette division nuise au combat global contre le projet de loi ?

    Je reconnais qu’il aurait été bien mieux, évidemment, que cette manifestation déjà prévue ne rougisse pas de porter haut et clair la défense de la loi naturelle et la proclamation de l’Evangile. Mais, puisque l’impossibilité morale pour un catholique de se joindre à cette manifestation apparaît nettement, mieux vaut alors qu’un autre rassemblement soit organisé qui permettra et des prières de réparation dans la rue et des admonestations  aux autorités politiques de devoir retirer leur projet.

    D’ailleurs, puisque le nombre semble tenir tant d’importance dans les esprits, il est évident que l’existence de deux manifestations fera venir plus de monde que s’il n’y en avait eu qu’une  seule, comme elle se prépare ! Grâce à Dieu, je pense qu’il y a encore bien des français qui ne sont pas prêts à admettre le grand n’importe quoi. Je connais des catholiques, écoeurés par le projet Barjot, qui étaient sur le point d’annuler les cars qu’ils avaient organisés pour Paris mais qui reprennent espoir à cause de cette manifestation séparée. Les médias additionneront les chiffres des deux manifestations et il sera plus grand que s’il y en avait eu une seule !

    4 – Etes-vous très opposé à  madame Barjot ?

    Je n’ai rien contre madame B. (je ne la connais pas) comme je n’ai rien contre les personnes qui l’entourent et seront présentes à ses côtés le 13 janvier. Je sais simplement que l’homosexualité est un péché grave et que c’est mon devoir de prêtre catholique de devoir le rappeler. Je pense que madame B. lèse gravement les catholiques en banalisant ce péché et en le faisant applaudir et que son rassemblement n’est certainement pas inspiré par Dieu. Elle fait (consciemment ou inconsciemment, je ne le sais pas) le jeu de la révolution en adultérant la réaction qui aurait pu avoir lieu, et qui pourrait encore avoir lieu – nous prions pour cela -si elle amende radicalement son projet. En attendant, c’est faire œuvre de salut public de mettre un terme à la barjotisation des catholiques.

    5 – Un dernier mot ?

    Oui, l’anniversaire de l’Apparition de la très sainte Vierge Marie à Pontmain est le 17 janvier. Je voudrais rappeler la magnifique phrase qui s’inscrivit dans le ciel sous l’apparition de Notre-Dame, le 17 janvier 1871 : « Mais priez mes enfants. Mon Fils se laisse toucher. » Trois jours plus tard, les troupes prussiennes commençaient mystérieusement à se replier. Nous devons croire à la force de la prière pour demander à la très sainte Vierge Marie une victoire que nous n’obtiendrons pas sans Elle.

    Abbé Régis de Cacqueray, Supérieur du District de France de la Fraternité Saint-Pie X

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  • Anticléricalisme : rien de nouveau sous le soleil…

    Le christianisme, voilà l’ennemi !

    La haine que suscite le christianisme a pris la dimension d’un fait de société. Marcel Gauchet le constatait il y a douze ans déjà : « La communauté catholique est la seule minorité persécutée culturellement parlant dans la France contemporaine. »

    Cette persistance d’une hostilité irréductible a même surpris certains milieux chrétiens qui croyaient que la disparition du cléricalisme entraînerait ipso facto celle de l’anticléricalisme. Ainsi l’historien René Rémond le déplorait : « À la vérité nous n’avons pas seulement affaire à un malentendu, mais bien à une hostilité délibérée et déclarée, une haine véritable à l’égard du christianisme en général, et des chrétiens eux-mêmes comme personnes. Certains propos qui entretiennent une culture du mépris tomberaient sous le coup de la loi s’ils visaient d’autres familles de pensée. »1

    Chassé de la vie sociale, politique et intellectuelle, à peine toléré dans un espace privé de plus en plus confiné et surveillé, le christianisme est-il à la veille d’un « nouveau martyre », selon l’expression de Jean-Paul II ? Depuis une douzaine d’années, certains signes des temps sont inquiétants.

    Ce fut l’ancien « Panzerkardinal » Ratzinger caricaturé en Hitler par les Guignols de l’Info et victime de l’hostilité sourde des médias. Ce furent les colonnes de Libération qui accueillirent régulièrement des diatribes christianophobes, en appelant même à une « opération chirurgicale antichrétienne » ! [...]

    Falk Van Gaver - La suite sur Causeur

    http://www.actionfrancaise.net