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tradition - Page 392

  • Qu’on vire les pédagogistes !

    Tous les cinq ans, une étude internationale, le Programme International de Recherche en Lecture Scolaire (PIRLS), évalue les performances en lecture des enfants de dix ans dans 45 pays. Pour la deuxième fois consécutive, le score des élèves français est en déclin, confirmant d’autres études (PISA par exemple). Ils sont en-dessous de la moyenne européenne.

    M. Peillon, ministre de l’Éducation nationale, s’appuie sur ces piètres performances pour justifier son « pacte de refondation de l’école », notamment son plan de recrutement massif. Plus d’enseignants, serait-ce la solution ? S’il est vrai que la diminution du nombre de professeurs depuis cinq ans est durement ressentie sur le terrain, on sait que la question des moyens n’est pas la principale. D’autres pays font mieux avec, proportionnellement, moins de personnel. Comment, dès lors, remédier à ce désastre ? En tirant les leçons de décennies d’errements pédagogistes.

    L’Éducation nationale a été le terrain d’expérimentation de dangereux docteurs Folamour qui ont pris nos enfants pour cobayes. Au nom de fumeuses théories, ils ont obligé les instituteurs à abandonner des méthodes d’apprentissages éprouvées par des générations de maîtres. Ces méthodes empiriques parvenaient à apprendre à lire, écrire et compter à nos aïeux, parfois à 45 par classe. Aujourd’hui les méthodes prétendument scientifiques échouent dans 25% des cas (rapport Ferrier, 1998) avec des effectifs de 25 par classe. « Prétendument » car la prétention à la scientificité de ces Diafoirus ne va pas jusqu’à mesurer leur efficacité. C’est pourtant en favorisant les méthodes les plus efficaces que le National Reading Plan a réussi à améliorer les performances des écoliers américains en lecture. Faire la même chose en France devrait permettre une amélioration similaire sans coûter un centime à l’État.

    Une autre cause du désastre éducatif de la France est la diminution dramatique du nombre d’heures consacrées à l’enseignement du français tant en primaire qu’au collège. Entre 1967 et 2001, les élèves de primaire ont perdu plus d’une année de français. Au collège, entre 1972 et 2002, c’est également une année de français qui a été perdue. Cela au profit d’activités « d’éveil » ou de « découverte du monde » : informatique, langue vivante, éducation à la santé, au développement durable, et bientôt lutte contre les stéréotypes sexistes. Cela au gré des modes et des lubies de ministres de rencontre. Là encore, la suppression de ces gadgets et le retour à des horaires décents pour étudier le français améliorerait le niveau des enfants de notre pays sans coûter un euro aux contribuables.

    Mais pour faire cela, il faudrait déloger de leurs postes les experts auto-proclamés de l’éducation qui se sont infiltrés dans tous les rouages de l’enseignement. Eux qui, de leur propre aveu, se sont trompés — Philippe Mérieux reconnaissant avoir eu tort de vouloir apprendre à lire à partir de modes d’emploi ; Jean Hébrard estimant que ce qu’il a écrit dans les années 70 ne vaut rien — et qui continuent pourtant à pontifier… Virer ces responsables du désastre culturel subi par la jeunesse de France serait une vraie refondation de l’école. Les finances du pays comme les enseignants ne s’en trouveraient également que mieux.

    Boulevard Voltaire via http://www.actionfrancaise.net

  • La ferme (des célébrités) !

    La mode est aux listes : en réponse aux fulminations de la gauche après l’exil fiscal de Gérard Depardieu -la tribune publiée à ce sujet par l’acteur socialiste Philippe Torreton dans Libération est un modèle de haine brouillonne- circule sur internet les noms des présidents de grands groupes, vedettes, sportifs, artistes, qui refusent de payer leurs impôts en France. Parmi eux Emmanuelle Béart « qui manifeste en France pour encourager les Français à accueillir et nourrir les sans papiers, puis retourne en Suisse, tranquillement » ; ou encore « Yannick Noah qui vit aux USA, vient en France faire la promotion de son dernier album, encaisse ses royalties grâce aux couillons qui l’élisent régulièrement Français le plus populaire de l’année… » . Autre liste à faire le tour de la « toile », celle publiée celle-là par l’association Catholiques en campagne, qui se mobilise pour la défense de la famille et donc contre le mariage et l’adoption pour les couples homosexuels.

     Catholiques en campagne a donc sélectionné « quarante citations de personnalités de toutes familles politiques, d’Evêques, de spécialistes, d’enseignants, d’artistes etc. Ils ont un point commun, ils sont tous contre le projet de loi Taubira dit du mariage pour tous. »

     Au nombre de ceux-ci le maire sarkozyste de Neuilly Jean-Christophe Fromantin, les élus UMP Bernard Accoyer, Jean-François Copé, Philippe Cochet, Daniel Fasquelle, Bruno Gilles, Alain Gournac, Bernard Mantienne Michel Terrot ; le député du Modem Thierry Robert ; Ségolène Royal, la philosophe et épouse de Lionel Jospin,  Sylviane Agacinski ; les anciens ministres socialistes Georgina Dufoix et Elisabeth Guigou; les élus PS Laurent Baumel, Gérard Charasse, Jean-François Debat, Bernadette Laclais, Jérôme Lambert, Annick Lepetit, Bernard Poignant ; le maire « homosexuel » de Chasselas, Jean-Marc Veyron ; la Secrétaire générale du MRC, Christine Meyer ; le député du FG, Patrice Carvalho.

     Au delà du personnel politique sont cités aussi ici les évêques Ginoux, Herbreteau, Jordan, Joseph; l’UOIF, le Grand-rabbin de France Gilles Bernheim (auteur notons-le, d’un argumentaire remarquable contre le mariage homosexuel) ; le théologien Xavier Lacroix, le politologue Laurent Bouvet, le bloggeur du Nouvel Obs Alexandre C., l’auteur de documentaires Jean-Pierre Delaume-Myard, l’anthropologue Claude Lévi-Strauss (+), la psychanalyste Monette Vacquin/JP Winter, le couturier Karl Lagerfeld, l’homme d’ « affaires » Bernard Tapie ; les artistes Dave, Catherine Lara et Hervé Villard complètent le tableau…

     A dire vrai Bruno Gollnisch s’étonne cependant  que la pression du politiquent correct ( ?), une volonté de consensus ( ?) ou l’ignorance ( ??) conduisent Catholiques en campagne à ne pas citer vraiment dans leur liste « des personnalités de toutes familles politiques ». Sont ainsi absents, les noms des dirigeants du Front National (Marine Le Pen, Louis Aliot, Marie-Christine Arnautu, Bruno Gollnisch, Wallerand de Saint-Just, Florian Philippot…), ou dans un autre registre l’essayiste- sociologue Alain Soral comme l’écrivain et militant associatif Bernard Antony qui se sont résolument opposés à ce projet de loi.

     Une soumission au médiatiquement correct que Bernard Antony justement a pointé chez Frijide Barjot qui « assure avec son style propre la direction et la communication de cette manifestation (du 13 janvier à Paris contre le mariage homosexuel, NDLR) si nécessaire ».

     « Craignant d’être taxée d’homophobie », cette dernière « a ainsi annoncé que la marche contre le mariage homo serait simultanément une marche contre l’homophobie. Alors elle a prévu, au cœur de la manifestation pour tous, comme à la Gaye-Pride, un char des homos , et elle a déclaré : J’appellerai tout le monde à venir danser sur le char gay (…) ».

     « Comment Frigide Barjot ne voit-elle pas la grossièreté de cela à l’égard des homos qui seraient ainsi trimballés ostentatoirement à la vue de tous ? Y en aura-t-il pour accepter ce char de carnaval ?

     « Les homosexuels note encore M. Antony, ne demandent ni la charité ostentatoire d’une homophilie idéologiquement correcte ni la revendication véritablement homocratique du lobby LGBT–OGM. »

     Il s’agit de pas tomber poursuit-il « dans le grossier panneau dialectique d’utilisation de la phobie comme arme de discrédit jadis mise en place en URSS par le KGB. Si l’on n’était pas prosoviétique, c’est que l’on était soviétophobe, donc fou, parce que la phobie est une maladie mentale, et donc bon pour l’asile psychiatrique, forme perfectionnée du goulag. »

     « Depuis, certains essayent de faire le même coup sur différents registres : ainsi si l’on est opposé à la domination étrangère c’est que l’on est xénophobe alors qu’il faut être xénophile pour être politiquement correct, ou de même si l’on refuse la théocratie totalitaire de l’islam c’est que l’on est islamophobe alors qu’il faut être islamophile. »

     Invitée de LCI, la présidente du FN n’a pas confirmé sa présence à cette manifestation du 13 janvier. La « priorité aujourd’hui, c’est de s’attaquer à la situation sociale qu’aggrave le gouvernement par des mesures d’austérité qui sont épouvantables », a souligné Marine.

     « Même si je vais manifester, ce que je n’ai pas encore décidé, je le ferai pour dire attention, il y a d’autres sujets qui sont des sujets bien plus importants que cela, et auquel le gouvernement se refuse de répondre. » « On cherche à dévier le débat en mettant sur la place publique ces problématiques sociétales, en espérant qu’on va retrouver ce bon vieux clivage gauche-droite » a-t-elle encore relevé.

     Un avis pas très éloigné de celui du député mélenchoniste de l’Oise, Patrice Carvalho cité plus haut. Contrairement à ses petits camarades du Front de gauche,  vautrés dans la défense libérale-libertaire et « petite bourgeoise » de toutes les minorités, il a indiqué qu’il voterait « contre » le projet Taubira.

     « J’ai voté le pacs et c’est suffisant. Le mariage, c’est un homme et une femme qui peuvent concevoir un enfant. La nature n’est pas faite autrement. Ce dossier, ce n’est pas la priorité des Français en ce moment, c’est de l’enfumage » a-t-il affirmé, sur la même longueur d’onde que la présidente du FN sur ce point…

     Si ce  mariage pour tous  suscite de nombreuses réserves, y compris à gauche et plus généralement malgré les bidouillages du microcosme médiatique,  chez une majorité de Français, point question pour l’Elysée de laisser ses troupes voter en conscience.

     Alors que la chambre basse du parlement russe, la Douma, examine aujourd’hui un projet de loi prévoyant jusqu’à 500 000 roubles (12 500 euros) d’amende pour tout « acte public faisant la promotion de l’homosexualité et de la pédophilie auprès des mineurs » –est visée ici directement la Gay pride qui a lieu à Moscou- les députés PS décident aussi ce mercredi matin des amendements qu’ils déposeront sur le texte mariage pour tous.

     Mais Annick Lepetit, porte-parole du groupe PS –et opposée au mariage homo !- , a indiqué qu‘il n’y « aura pas de liberté de vote » sur ce texte en séance.

     Nous le rapportions le 4 octobre sur ce blog, le député PS Bernard Poignant, proche de Français Hollande, avait fustigé , au nom des élus socialistes hostiles au mariage et à l’adoption pour les couples homosexuels, la position de Christiane Taubira qui veut imposer la discipline de vote du groupe PS sur ce sujet. « Sur toutes les questions de société, expliquait M. Poignant, j’ai suggéré depuis longtemps à François Hollande de lever les disciplines de groupe. Je crois qu’il faut laisser chaque parlementaire se déterminer en conscience et ne pas montrer du doigt certains d’entre eux. »

     Il n’a donc pas été entendu. Un député PS ça renonce à ses convictions, ça ferme sa g…. ou ça démissionne ?

    http://www.gollnisch.com

  • « Le roi est nu » : un évêque breton s’engage contre le mariage homosexuel

    VANNES (NOVOpress Breizh) – Dans une tribune publiée le 14 décembre dernier dans Le Figaro, Monseigneur Centène, évêque de Vannes (photo ci-dessus), s’engage fermement contre le projet de loi de mariage homosexuel. Une remarquable réflexion sur les implications d’un projet de loi sociétal emblématique d’un gouvernement soumis à la doxa mondialiste marchande où libéralisme et libertarisme se rejoignent.

     

    « Pour n’avoir pas osé dire, dès qu’ils s’en aperçurent, qu’il n’y avait pas de fil sur la navette du tisserand, les courtisans du conte d’Andersen(1) exposèrent leur roi à exhiber sa nudité à la face de la Cour. Il fallut le cri d’un enfant pour ouvrir les yeux de tous. La morale de cette histoire est d’une étonnante pérennité. Elle nous invite à ne pas céder lorsque l’idéologie dominante semble l’emporter sur la vérité », écrit l’évêque de Vannes en préambule de sa tribune, avant de développer une démonstration en trois parties contre le projet de loi du gouvernement socialiste, centrant son argumentaire sur l’enfant : « Cest la voix de l’enfant qui nous ramène à la vérité et nous ouvre les yeux. Ce cri d’enfant, nous l’avons entendu samedi dernier à Reims lorsqu’un jeune adopté s’est écrié : “A l’orphelinat, les enfants rêvent tous d’un père et d’une mère, pas de deux papas ou de deux mamans”(2). »

    Tout d’abord, Mgr Centène rappelle que ce projet de loi constitue une dénaturation du mariage: « Le mariage n’est ni la reconnaissance publique de l’amour entre deux personnes, ni un contrat dont les termes seraient aléatoires. Il est une institution dans laquelle un homme et une femme s’engagent en vue de la procréation et de l’éducation de leurs enfants. (…) (La) modification (du mariage) est une révolution anthropologique sans précédent car elle dissocie de manière définitive la procréation de la sexualité, le mariage de l’engendrement, la famille de la nature ».

    Ensuite, l’auteur explique que cette loi serait un détournement de l’adoption : « Le but de l’adoption est de satisfaire le besoin de famille qu’un enfant abandonné ou orphelin peut ressentir et non de combler le désir d’enfant d’un couple.(…) Ouvrir l’adoption aux couples homosexuels c’est rendre à jamais illisible la filiation des enfants adoptés  à une époque où toutes les découvertes de la psychologie nous montrent combien il est important de savoir d’où l’on vient. »

    Enfin l’évêque de Vannes s’interroge sur l’avenir lié à cette loi, c’est ce qu’il appelle à juste titre la boite de Pandore, d’où sortiront mille maux: PMA, mère porteuse, inceste…. « On nous promet déjà des amendements visant à autoriser la procréation médicalement assistée. Sauf à introduire une discrimination intolérable entre les couples homosexuels féminins et les couples homosexuels masculins, cela ouvrira la possibilité de recourir à des mères porteuses. (…) Le ‘mariage pour tous’ fait aussi tomber le tabou de l’inceste. En effet, le tabou de l’inceste n’est pas inné. Il s’est établi de manière empirique au long des siècles. C’est à force de constater que les unions endogames finissaient toujours par produire des enfants dégénérés que l’exogamie s’est imposée. Au nom de quoi pourrait-on les interdire dans le cas d’unions homosexuelles par définition stériles et donc peu susceptibles de provoquer une dégénérescence de l’espèce ? Cessante ratione legis, cessat lex(3)

    Pour conclure, Mgr Centène donne son avis sur « l’attitude qui doit être celle des citoyens  face à une loi contraire au bien commun » et il n’y va pas par quatre chemins : « Depuis Antigone jusqu’au procès de Nuremberg, l’histoire nous a appris qu’il ne suffit pas qu’un texte soit légal pour qu’il soit légitime quand l’intérêt supérieur de l’humain est en cause. » Et de terminer sur sa métaphore initiale : « Si nous voulons éviter au roi le désagrément d’aller nu de par les rues et épargner à nos enfants la vision de ce triste spectacle, osons dire dès maintenant qu’il n’y a pas de fil sur la navette du tisserand. »

    Par ce projet de loi, « les fanatiques de la déconstruction veulent détruire un peu plus les fondements qui continuent de structurer les sociétés européennes aussi malades soient-elles. » constate de son côté l’historien D. Venner, qui ajoute que, pour les partisans du projet de loi, « le modèle familial fondé sur l’hétérogénéité des sexes et sur les enfants, n’est (…) qu’un « conditionnement social » qu’il faut éliminer. Ce sera plus difficile qu’ils ne l’imaginent ». Réponse le 13 janvier.

    http://fr.novopress.info

    (1) Hans Christian ANDERSEN, Les habits neufs de l’Empereur, 1837
    (2) Témoignage donné à Reims à l’occasion de « la manif pour tous », le 08 décembre 2012
    (3) Adage du droit Romain : « Lorsque le motif de la loi cesse, la loi elle-même cesse.»

  • Le 13 janvier n’appartient à personne

    La rue appartient à tout le monde
    A l’évidence, l’ampleur de la mobilisation contre le projet de loi dénaturant le mariage et la parenté grandit chaque jour et s’étend à toutes les strates de la société française. Il ne fait plus aucun doute qu’une véritable marée humaine se répandra dans les rues de Paris le 13 janvier prochain pour exiger une seule chose : le retrait immédiat de ce projet de loi. Cette mobilisation populaire, il faut le répéter, n’appartient à personne et ne doit en aucune façon être transformée en troupeau anonyme, encore moins être détournée de ses objectifs.

    C’est avec inquiétude que nous avons vu un comité s’autoproclamer organisateur de cette contestation populaire pour immédiatement chercher à la brider, à la formater, à l’uniformiser, à l’aseptiser. Trois personnes prétendent ainsi s’accaparer la direction de cette foule qui gronde : Xavier Bongibault, président de Plus Gay sans Mariage, Laurence Tcheng, présentée comme de gauche, et « Frigide Barjot » qui se revendique « déjantée ». Ce triumvirat peut bien être de bonne volonté mais quelle est donc sa légitimité pour vouloir diriger la manœuvre le 13 janvier prochain ? Si on n’est ni gay, ni de gauche, ni déjanté, comment peut-on se reconnaître en ces trois meneurs de revue ? Ce comité cherche manifestement à confisquer la mobilisation populaire à laquelle nous assistons au profit d'un discours ambigu (normalisation de l'homosexualité, obsession de demander aux catholiques de se "camoufler" en citoyens lambdas de la République, consignes vulgaires,...).

    Une imposture
    L’émotion est grande chez beaucoup de participants aux manifestations du 17 novembre ou du 8 décembre, qu’ils soient catholiques ou non, qui se sentent trompés après avoir observé des situations surprenantes. Que Mme Barjot et ses acolytes demandent d’applaudir des duos homosexuels s’embrassant, cela laisse pantois. Que Xavier Bongibault et ses comparses fassent une fixation sur la lutte contre l’homophobie, concept inventé par le lobby homosexuel pour intimider et disqualifier les opposants à ses revendications, c’est pour le moins troublant. Que Mme Barjot se flatte devant tous les micros d’avoir participé à toutes les « gay pride » et que, lors des conférences de presse qu’elle organise, elle pousse le souci du détail jusqu’à régulièrement porter une veste marquée du logo du « Banana Café », bar gay de Paris, cela souligne des connivences étranges.

    La liste devient trop longue des errements que ce trio veut imposer à tous. Petit florilège des propos tenus ces jours-ci par Mme Barjot :
    - ceux qui viennent manifester le 13 janvier « seront obligés de défiler contre l’homophobie » ;
    - ceux qui arrivent avec leur chapelet, « ce sera gentiment : dehors ! »
    - si des militantes de FEMEN se déshabillent, que les mères de famille en fassent autant « pour être en situation d’entamer un dialogue équitable »
    - « La Manif pour Tous (…) rappelle qu’elle comprend les revendications d’homo-éducation (…) » (communiqué de F. Barjot du 13 décembre)
    - « Le 13 janvier, il y aura un char des homos… et j’appellerai tout le monde à venir danser sur le char gay »

    J’en arrête là tant c’est insupportable. Non, les Français qui viendront manifester le 13 janvier ne veulent pas d’une « homo-éducation » dans les écoles de leurs enfants ! Non, ils veulent pas d’un « PACS+ » ! Non, ils ne viennent pas pour danser sur un char gay ! Laisser passer ces erreurs graves, sous prétexte d’éviter les controverses, c’est permettre qu’elles se transforment en une gangrène qui corrompra tous les combats futurs. Savez-vous ce qu’est le scandale ? C’est d’induire le prochain en erreur par des paroles ambiguës, équivoques. Que personne ne vienne tenter de relativiser ces paroles de Mme Barjot au nom de la « com » qui permettrait toutes les inepties. Vous pensez que les mots n’ont pas d’importance ? Ils en ont bien plus que vous ne vous l’imaginez. Les mots sont la physionomie extérieure des idées.

    Le nombre n’est pas tout
    Bien sûr, nous souhaitons tous que nos manifestations rassemblent de nombreux participants. Mais méfions-nous de faire du nombre un objectif essentiel et un critère prépondérant au prix de tous les sacrifices. C'est la vérité du message porté par les manifestants qui est essentielle.

    Si un défenseur de la Famille et du mariage, sous prétexte d'être efficace et de faire nombre, commence par mutiler la vérité ou l'atténuer à sa fantaisie, il ne défend plus la vérité. Il peut bien être de bonne foi mais à force d'accommoder le message à ses vues étroites et à son faible courage pour le rendre, imagine-t-il, plus acceptable à l'adversaire, il ne défend plus la vérité mais une illusion.

    Personne ne demande que le 13 janvier soit exclusivement réservé aux catholiques
    Que nul ne se méprenne sur les raisons de ce communiqué

    Je l’ai déjà dit et écrit souvent : il n’est pas besoin d’être catholique, chrétien, croyant, pour comprendre la nocivité de ce projet de loi. Et il faut se réjouir que des Français de tous milieux viennent jusque dans la rue crier leur indignation devant un projet gouvernemental qui souhaite défigurer l’institution du mariage et ouvrir la voie à la marchandisation de l’enfant.

    Mais si personne n’imagine demander que cette manifestation soit réservée aux seuls catholiques, il serait plus absurde encore de tomber dans l’excès inverse et d’exiger d’eux de manifester dans un anonymat honteux. Ce serait absurde parce qu’aucun journaliste, malgré tous les efforts « déjantés » de Mme Barjot, n’est dupe : tous constatent bien que les catholiques constituent le gros des bataillons des manifestants contre ce projet de loi. Ce serait aussi absurde parce que, de la même façon que personne n’imaginerait arracher ni la kippa que porterait un manifestant juif sur la tête ni le voile que porterait une manifestante musulmane, il est impensable, inacceptable, inadmissible que le trio qui prétend cornaquer cette manifestation se permette de déclarer que la personne qui aurait son chapelet à la main, « ce sera gentiment : dehors ! ».

    Les catholiques ne sont pas des citoyens de seconde zone
    Par ailleurs, je dois dire mon exaspération d’entendre des catholiques déboussolés succomber aux recommandations tactiques douteuses de ceux qui sont avant tout très gênés à l’idée d’un réveil catholique. Comme si le message serait affaibli parce que porté en grande partie par un sursaut des catholiques. Qu’est-ce donc que ce raisonnement qui fait fi de toute espérance chrétienne alors qu’il est dit : « Par ce signe, tu vaincras ».

    Quoi, les parlementaires et les maires nous écouteraient moins parce que la foule serait identifiée comme catholique pour une très large proportion ? Mensonge entretenu par ceux qui ne veulent surtout pas d’un réveil catholique. Qu’au contraire les catholiques s’affichent avec détermination, qu’il apparaisse un réveil catholique particulièrement perceptible chez la jeunesse, et le monde politique toujours volatile ne manquera pas d’estimer qu’il faut tenir compte de cet électorat redevenu militant.

    Recommander aux catholiques de faire profil bas et de participer à la manifestation du 13 janvier comme s’il s’agissait d’un bal masqué, c’est se rendre complice des intégristes de la laïcité qui sont par ailleurs les rédacteurs du texte de loi que l’on prétend combattre. Réclamer la non-intervention de la religion dans le débat politique, c’est contribuer au développement d’un véritable athéisme social. Celui qui nie l’autorité de Dieu sur la société et sur les individus ne peut se prétendre catholique. On ne peut se dire catholique lorsqu’on pénètre dans une église et être simple citoyen républicain et a-confessionnel le reste du temps. On ne peut reconnaître au pied du tabernacle l’obligation de se soumettre à la volonté de Dieu, et s’y soustraire lorsqu’on est dans la vie publique. On ne peut être catholique durant la messe du dimanche matin et cacher sa foi durant la manifestation d’un dimanche après-midi !

    Oui, nous manifesterons ce 13 janvier
    A tous les catholiques, mais aussi à tous les Français de bon sens épris d’un discours porteur de vérité et sans concession pour le mensonge, je fixe solennellement rendez-vous le dimanche 13 janvier à partir de 13h place Pinel (métro Nationale) dans le XIIIème arrondissement. La rue appartient à tout le monde et nous n’avons pas besoin de l’assentiment d’un comité « gay friendly » pour manifester ! Dès à présent, préparons les transports groupés pour faciliter la participation du plus grand nombre. Exactement dans le même esprit que le 18 novembre dernier, CIVITAS organisera l’encadrement logistique de ce rassemblement et y accueillera sans aucun esprit de chapelle tous ceux qui veulent le retrait de ce projet de loi. Banderoles, bannières, drapeaux et pancartes y seront les bienvenus (pour autant que les textes se rapportent directement à l’objet de la manifestation et respectent la législation française). Chacun y viendra coiffé et habillé comme il le veut. Les catholiques n’y auront pas honte de leur foi, sans que cela soit signe d’exclusion pour les autres.

    Alain Escada, président de Civitas

  • N’en déplaise aux obsédés du désarmement citoyen

    La cause est entendue : si la mère d’Adam Lanza n’avait pas possédé d’armes à feu, le massacre dans cette école du Connecticut dont le monde entier, horrifié, a découvert l’existence pour l’occasion, n’aurait jamais eu lieu. Ah bon !

    Sans cette gorgone faite génitrice, Adam Lanza aurait été un jeune garçon comme les autres qui n’aurait jamais eu envie de zigouiller qui que ce soit. Rah bon !

    Quel dommage fils si malheureux ait eu la très mauvaise idée de la trucider en premier… Si au moins elle avait survécue, elle aurait pu être clouée au pilori de l’infamie citoyenne… Faute de mère indigne, les tenants de l’interdiction de posséder des armes à feu en sont réduits à diaboliser des mentalités, un système, des traditions… On sent bien qu’ils enragent de ne pas tenir dans leurs serres médiatiques une victime expiatoire qu’ils pourraient charger de tous les péchés mortifères.

    Rien ne vaut un Néron, un Napoléon, un Hitler en chair et en os… Même en jupon, ça fait l’affaire à merveille. Au diable le féminisme !

    Alors, depuis la tragédie, ce ne sont qu’images de familles éplorées, suivies d’appels à interdire toute détention d’armes, de témoignages de témoins rescapés, suivi d’appels à abolir la loi autorisant l’achat d’armes, de photos de l’école envahie de policiers et même de militaires (bien que le tueur ait mis fin à ses jours, sans doute des fois qu’il la rejoue mort-vivant), de rappels dénonciatoires que les États-Unis autorisent les ventes d’armes, de la venue sur place du président Barack Obama, de condamnations obsessionnelles de la libre circulation des armes à feu, etc. etc. en boucle et toujours… La machine médiatique à formater les cerveaux est lancée à fond, brocardant méthodiquement des millions de tueurs en liberté, tous prêts à massacrer toute concentration humaine sans défense et de préférence enfantine…

    Ces millions de tueurs sont les propriétaires d’armes à feu. Eux et eux seuls. Pas un commentaire, jamais, pour soumettre la possibilité, éventuellement, que les responsables d’une tuerie comme celle de cette école élémentaire de Sandy Hook soient d’abord ceux qui côtoyaient de près ou de loin Adam Lanza et qui ne se sont pas inquiétés plus que ça de ce garçon « (qu’)on remarquait parce qu’il ne parlait à personne et (qui) donnait l’impression d’avoir des difficultés à se connecter avec le monde extérieur. »(1)

    Si sa mère porte une responsabilité dans le drame, c’est à l’évidence par une évidente inattention au comportement de son enfant… Qu’elle ait tenté de lui faire partager sa passion du tir n’a pas fait de lui un dingue, il l’était ! Et s’il n’y avait pas eu d’armes à feu chez lui, à sa portée, nul doute qu’il en aurait trouvé… ou trouvé d’autres moyens – ils sont innombrables ! – pour mener son sanglant rodéo dont on ne sait toujours pas, de la vengeance ou de l’acte existentiel, quelle en a été la véritable motivation.

    Que l’on sache, la vente d’armes à feu n’est pas librement autorisée au royaume de Norvège… Cela n’a guère semblé gêner le sieur Anders Behring Breivik de faire un carton d’été assez spectaculaire sur l’île d’Utøya, en juillet 2011, à l’occasion d’un camp de la ligue des jeunes du Parti travailliste : 77 morts et 151 blessés…

    La vente d’armes n’est pas non plus librement autorisée en France… mais 17 assassinats ont endeuillés la seule Île de Beauté en 2012 (l’année n’est pas terminée), ni ces quatre ou cinq dernières années, où une quinzaine de meurtres par an y ont été commis.(2)

    En 2011, 20 règlements de comptes ont été recensés dans les Bouches-du-Rhône (29 victimes dont 16 morts), dont 15 à Marseille (23 victimes dont 13 morts)… Quant à La Kalachnikov « (elle) a quitté les terres de guérilla pour coloniser nos banlieues “sensibles”. Elle est devenue l’arme à posséder pour contrôler l’économie souterraine. Marseille n’est pas en reste, en témoigne le nombre de réglements de comptes avec ce type d’arme. »(3)

    Mais bien sûr, il s’agit là de criminalité, diront les obsédés du désarmement citoyen ; pas d’acte terroriste sur fond de folie meurtrière… Dommage pour eux que le franco-algérien Mohammed Merah se soit illustré dans le genre : sept victimes dont trois enfants et six blessés…

    De l’île d’Utøya à Toulouse jusqu’à Sandy Hook, quelles que soient les facilitées pour cela, les tarés trouvent toujours à acquérir ce dont ils ont besoin pour accomplir leurs pulsions meurtrières. Ils n’ont jamais besoin d’une maman apprentie armurière pour cela. De parents moins autistes, de proches plus attentifs, de médecins plus professionnels, de professeurs des écoles plus responsables, si !

    De médias moins manipulateurs aussi.

    Philippe Randa   http://francephi.com

    Notes

    (1) Selon les déclarations de la chauffeuse du bus scolaire qui a conduit l’intéressé au collège pendant plusieurs années, Libération, 16 décembre 2012.

    (2) « La violence nationaliste (est) en effet peu meurtrière, si on enlève certains épisodes de règlements de compte entre nationalistes. La nouveauté, c’est qu’on tue beaucoup plus. Il y a une sorte d’habitude, de “routinisation” des homicides, particulièrement en Corse-du-Sud et dans la ville d’Ajaccio » , explique Xavier Crettiez, professeur de sciences politiques, Le Figaro, 17 novembre 2012.

    (3) « Meurtres à Marseille : la cité phocéenne est-elle devenue le nouveau Chicago ? », www.lexpress.fr, 4 septembre 2012.

  • Friedrich HIELSCHER ERNST JÜNGER (1954)

    J’ai connu Ernst Jünger au début de 1927. August Winnig m'avait dirigé vers lui comme il avait dirigé Elisabeth Förster-Nietzsche vers Curt Hotzel, et presque pour les mêmes raisons : « Je suis trop vieux pour vous », avait-il dit aussi. J'aimais assez, en pareil cas, être bousculé. Cela me donnait au moins la certitude d'être sur la bonne voie pour réaliser mes désirs. Sinon, le Ciel m'aurait-il envoyé cette impulsion ? « Les signes sont le langage des dieux ».
    J'avais lu Orages d'acier en 1924. À l'époque déjà, ce livre m'avait donné envie de me mettre en quête de son auteur. Mais si nous nous étions connus alors, il n'en serait pas résulté ce qui devait advenir plus tard.
    Jünger m'a invité, dans un premier temps, à lui rendre visite à Leipzig. Je suis passé le chercher chez lui et il m'a emmené dans la Goldhahngässchen où, dans une cave enfumée, nous avons fait la seule chose à faire en pareil endroit : rester assis face à face à boire et à observer les ivrognes et les amoureux.
    C'était étrange de débattre ici du Reich et de la chrétienté ; mais notre relation elle-même fait partie des événements bizarres, avec ses rituels, ses céré­monies, ses distances, les souvenirs (*) choisis aux­quels Jünger ajoute sa désinvolture (*) et moi ma sou­veraineté (*), ses discussions aussi amorales que froides imposées par l'esprit et par son rapport direct à la mort. Néanmoins, l'étrangeté de cette relation n'est qu'un aspect des choses ; l'autre se situe, si j'ose dire, en l’an 2100, c'est-à-dire en lieu et place du prochain printemps, et il regarde en arrière les chemins qui ont mené jusqu'ici, et, par devant, ceux qu'il faut suivre maintenant. Ces derniers ne peuvent être empruntés qu'en se remémorant la route déjà par­courue. Quant aux premiers, on s'en contente quand le présent n'offre rien de réconfortant..
    Bien entendu, chacun chemine à sa manière. L'un dans la magie, l'autre dans la mystique, le pre­mier en puisant dans le fin fond de son moi, le second recevant d'un Dieu donateur. Et de même que pour l'un la pensée, les sentiments, les sensa­tions vont du moi vers Dieu et pour l'autre de Dieu vers le moi, de même l'un, retranché dans sa forte­resse intérieure, observe les êtres et les choses depuis le cœur de son existence terrestre, tandis que l'autre est conçu par ces êtres et ces choses. Ainsi, Jünger veut garder les mains libres. Ce qui ne l'empêche pas de prendre plaisir à jouer au jeu de balle de l'esprit. J'espérais bien que la vie nous don­nerait d'autres occasions d'échanger des idées et je n'ai pas été déçu.
    Par idées, nous entendions tous deux des idées bien vivantes, concrètes, engageantes, des idées pro­ductives, susceptibles d'engendrer un ordre nou­veau, une nouvelle essence. Et nous nous sommes imaginé au début, en toute innocence, qu'il nous fal­lait fonder et construire nous-mêmes un nouvel État à la place du non-État et du désordre bourgeois — charmante erreur de la jeunesse qui veut toujours croire, parce qu'elle porte en elle le printemps, que tout à l'extérieur doit également renaître. En fait, l'extérieur n'y pense pas. Nous avions donc devant nous un champ à labou­rer. Mais le travail en commun avait des limites. L'ordre impérial d'Auguste n'est pas la même chose que le Reich de Dietrich. Et dans la différence des modèles choisis se reflète la différence de ceux qui les ont choisis.
    En outre, le porche derrière lequel se trouve Jün­ger n'est pas ouvert. Il ne fait pas de confidences, il veut qu'on le devine, qu'on le cherche. C'est pour­quoi il est, contrairement à moi, un homme de l'écrit et non de la parole. Si je ne faisais qu'écrire, ce serait pour moi comme une fuite ou un succédané : succé­dané du duel, du corps à corps de deux esprits, et fuite devant la rencontre saisissante dans laquelle on doit, bien sûr, être prêt non seulement à donner, mais aussi à recevoir et à accepter — non seulement à prendre, mais aussi à être pris.
    Derrière la grille des lignes, j'aurais le sentiment d'être à la fois retranché et prisonnier, et protégé aussi de mon propre ennemi ; car je ne supporterais pas, étant moi-même inaccessible, de pouvoir quand même m'adresser à autrui et attraper à travers les barreaux ce qu'il me laisse atteindre sans avoir la liberté de mes mouvements. Mais, rétorquerait Jünger, à quoi sert de l'avoir dehors quand on l'a à l'intérieur de soi ? Loin de nous l'idée, pourtant, de supposer que l'un est cantonné dans sa forteresse, tandis que l'autre est libre de ses mouvements. Nous savons tous deux que chacun circule aussi dans le domaine de l'autre. Mais ce qui nous différencie, c'est l'endroit où s'exerce notre force.
    Ainsi Jünger va-t-il faire l'éloge écrit de ce que je considère comme provenant des dieux (et l'imperfec­tion dans ce domaine ne me désole pas) : la pru­dence et la pondération, la circonspection de la démarche, la dignité de la distance, la maîtrise des sentiments, la protection de ses fruits qui demandent des soins attentifs. Jünger aura toujours sa citerne pleine, tandis que je fais partie des gaspilleurs, de ceux qui se laissent porter ou déborder par le flux et le reflux, des violents et des agités, et qui plus est, contents de l'être. Ajoutez à cela que le Schlesinger parle quand il est d'accord et se tait quand il n'est pas d'accord, alors que le Bas-Saxon fait le contraire. Et à cet égard, Jünger, malgré des ancêtres souabes qui ont dû lui enseigner bien d'autres choses, ressemble sans nul doute aux Bas-Saxons.
    Un an après mon mariage, je m'aperçus qu'il nous arrivait souvent, à ma femme et à moi-même, d'être en proie à des malentendus. Un après-midi, la confusion était telle que nous déclarâmes : « Nous n'irons pas nous coucher avant d'avoir trouvé pour­quoi les propos de l'un n'atteignent jamais l'oreille de l'autre ! » À 5 heures du matin, nous avions trouvé. Quand elle est d'accord, ma femme, qui est une Allemande du Nord, ne dit rien — elle est de toute façon plus encline à faire des gestes et des signes qu'à parler (on trouve la même différence entre les Anglais et les Français) : il va de soi que celui qui est d'accord agit et ne parle pas, puisque l'autre aurait déjà dit ce qu'il y avait à dire. Et quand elle n'est pas d'accord, elle proteste par franchise envers celui qu'elle estime.
    Étant un Allemand du Sud, je parle lorsque je suis d'accord, pour jouir de cette entente, pour l'offrir à l'admiration de l'autre, pour me réjouir de son plai­sir et lui faire part de ma joie. En revanche, si je suis d'avis contraire, je commence par me taire : pour ne pas blesser l'autre, pour éviter les querelles inutiles, pour réfléchir avant toute chose, pour ne pas sortir tout de suite mes armes et mes arguments contraires, pour ne pas briser la paix, pour épier l'autre dans sa réaction ou pour attendre un moment plus propice pour le convaincre.
    Donc, quand je parlais bien que je fusse d'accord, ma femme prenait le temps de se demander ce qui me contrariait. Et quand je ne disais rien, elle s'imaginait à tort que j'étais d'accord. Dans un cas comme dans l'autre, je sen­tais que mon attitude n'était pas comprise. À l'inverse, lorsqu'elle se taisait, je la harcelais de questions pour savoir ce qui la dérangeait, ce qui se passait dans sa chère tête, et lorsqu'elle me contredi­sait vivement, je me contentais d'un acquiescement amical, certain qu'elle le faisait uniquement pour mieux ressentir et goûter la vraie concorde. Dans les deux cas, elle avait le sentiment que je me moquais de son opinion.
    Sachant qu'il m'avait fallu, après 12 mois d'un heureux mariage, arriver à l'âge de 38 ans pour comprendre cela — et ce fut une telle joie qu'à 5 heures du matin, nous allâmes chercher à la cave une bouteille de « Randersackerer Pfülben » —, on comprend d'autant mieux que l'homme de 25 ou 30 ans que j'étais et Jünger, qui n'avait guère que sept ans de plus que moi, ayons pu si sou­vent nous classer l'un l'autre dans les mauvais tiroirs. Les tiroirs faisaient et font encore notre ravisse­ment. Car il faut que l'ordre règne, n'est-ce pas ? Comme Jünger a une passion pour les insectes, les créatures à deux ou six pattes qu'il attrape avec soin, qu'il observe, pique et enferme dans des boîtes lin­néennes, j'ai pour ma part une passion pour les concepts logiques de l'esprit et du corps, en d'autres termes le passe-temps qui consiste à mettre la main sur quelque chose que l'on aime pour le prendre et finalement le comprendre.
    Il faut opérer du haut vers le bas, prise après prise, une main après l'autre, un pied après l'autre, descendre en profondeur, partir du ciel et descendre, en traversant le monde, jusqu'en enfer : de Dieu en passant par les dieux et les créatures d'ici-bas, jusqu'au royaume de l'enfer et de la mort, au sein duquel je Le retrouverai. Bien entendu, les concepts sont différents en haut et en bas. En haut, nous sommes saisis avec eux tandis qu'en bas nous saisissons avec eux, jusqu'à ce que la mort inverse à nouveau le jeu et que le cercle se ferme. Mais, éternellement, elle tournera de haut en bas et tout être tournera avec elle dans le cercle.
    Jünger, lui, construit de bas en haut, pierre par pierre, et il fait étalage de sa science quand je l'agace avec mon savoir. Comme il a décidé de construire à partir du bas, rien d'étonnant à ce qu'il ait commencé par les insectes. un jour qu'à Leipzig je me prome­nais avec son frère et lui le long d'un ruisseau, parmi des aulnes et des buissons, dans les prés maréca­geux d'une petite vallée qui sentait bon la fleur d'ail, je m'étonnais de les voir de temps en temps sauter en l'air, regarder dans leur main et prononcer des mots latins. Je crus d'abord à un canular (nous avions passé la nuit à boire). Mais non, ils étaient sérieux. Certaines des bestioles que je voyais pour la pre­mière fois, ne les ayant jamais remarquées jusqu'alors — car les Jünger sont tous deux des hommes de l'œil alors que je suis un homme de l'oreille —, étaient relâchées, d'autres finissaient dans la bouteille d'éther.
    Jünger avait davantage de mal à se débarrasser des insectes bipèdes une fois qu'il les avait attrapés. Il a fallu plusieurs années à Arnolt Bronnen pour comprendre qu'il n'avait été invité par le zoologiste avide d'apprendre qu'à des fins d'observation ; et s'il n'y avait pas eu l'avènement du IIIe Reich, cela aurait pu durer encore longtemps. Mais en 1933, Bronnen qui était devenu le garçon de course du ministre de la Propagande, voulut se taire pardonner ses origines juives : il invita d'abord Jünger, puis moi-même à rendre visite à son seigneur et maître, qui tenait beaucoup à nous connaître.
    — Que lui avez-vous répondu ?, me demanda Jünger.
    — Que pour ma part je ne tenais pas à connaître Monsieur Goebbels. Sur ce, je suis descendu dans le métro à la station proche de la Maison de la Patrie et j'ai planté là Monsieur Bronnen. Et vous ?
    — Je lui ai dit qu'actuellement mes études portaient sur d'autres sujets.
    Nous fûmes ainsi débarrassés de Bronnen. Mais les choses ne se passaient pas toujours aussi bien. Lorsqu'enfant je collectionnais les calen­driers édités par la Société protectrice des animaux, adolescent les caries paléontologiques et étudiant les ronds de bière et les concepts, il m'était plus facile de m'en débarrasser.
    Dans ces deux domaines — celui de Jünger, les sciences, et le mien, la scolastique —, nous sommes à nouveau confrontés à notre différence, à ce premier et dernier des antagonismes qui nous lient, à savoir la différence entre la magie et la mystique. Il ne s'agit pas de la différence entre la sorcellerie et la foi, qui n'est pas un antagonisme nécessaire puisque l'effet magique se ressent au milieu des créa­tures terrestres, tandis que la foi nous relie aux puis­sances supraterrestres. Il s'agit du vieux débat : nous est-il donné d'aller à la rencontre des dieux, d'exiger leur bénédiction, de nous élever jusqu'à eux ? Sont-ils tenus de venir quand nous les invoquons avec le geste ou le mot adéquat ? L'adjuration et l'anathème agis­sent-ils uniquement entre nous, ou bien aussi de nous vers « ceux d'en haut » ? Qu'il s'agisse de Brahma ou du Saint Esprit, de Zeus ou d'Allah, il n'existe pas de foi qui ne soit constamment soumise à cette question : y a-t-il une force péremptoire inhérente à la prière ? Maître Eckart lui-même répond parfois oui.
    Ou bien encore, ceux d'en haut — et surtout Celui qui est au-dessus d'eux, en eux et en nous tous — sont-ils les seuls à décider ? De sorte que ce que nous sommes et ce que nous faisons seraient unique­ment le fait de Sa grâce, de leur grâce ? Sommes-­nous maîtres de la réussite et du bonheur ? Il n'est pas question ici du libre-arbitre, mais des limites de notre pouvoir. Pouvons-nous ajouter ne serait-ce qu'une aune à notre dimension ou bien restons-nous toujours ceux que nous sommes ? Si tel est le cas, nous ne pouvons nous élever par notre propre force. Mais alors, nous élever est inutile. Alors il n'y a plus que la confiance. Lorsque Jakob Wilhelm Hauer ignorait encore, en février 1933, qu'il était un ancien combattant — il ne l'apprit qu'en avril 1933, lors du rassemblement à Berlin de la Deutsche Glaubensbewegung ! —, il m'avait invité, ainsi que Martin Buber, à une conférence philoso­phico-religieuse à Cassel. Dans son intervention, il recommandait la pratique du yoga comme une voie vers le divin, un chemin à suivre par tout croyant de quelque confession que ce soit, ce qui lui valut une critique acerbe de ma part et de celle de Buber. À la fin de la conférence, il vint nous demander pourquoi nous l'avions si mal traité.
    « Vous savez, — dit Martin Buber en se penchant vers moi —, vous savez Monsieur Hielscher, il n'y a que deux possibilités : ou bien Dieu est le Créateur qui a tout créé à partir du néant, le Tout Autre, Celui qui se tient en face du monde, comme les Écritures et nous autres juifs l'enseignons, ou bien il est le Tout et l'Un, et le monde se trouve en lui, comme le disait Gœthe et comme vous le dites vous-mêmes aujourd'hui. Dans le premier cas, je ne puis m'élever jusqu'à Lui, car la créature que je suis ne saurait franchir la distance, dans le deuxième cas je n'ai pas besoin de m'élever jusqu'à Lui, puisque que je suis de toute façon en Lui. Alors pourquoi toutes ces polémiques ? »
    Sur ce point, les croyants du monde entier, quelle que soit leur religion, seront toujours d'accord. Mais c'est le point sur lequel Jünger et moi divergeons. Là où je prie, il adjure ; et même quand il fait l'éloge de la prière, c'est sa force de pénétration qu'il loue. Mais cette force attribuée à la prière n'est rien. Celui qui l'enseigne croit pouvoir diriger la magie vers les puis­sances célestes, alors qu'elle ne se justifie qu'ici-bas. Mais nous n'avons pas de pouvoir sur ceux d'en haut ; tout le pouvoir que nous possédons nous a été attribué par eux. Par les dieux et par le Seigneur Dieu veut dire : par lui à travers leurs mains. Comment pourrions-nous utiliser contre eux ce qu'ils nous donnent, ce qui leur est propre et qui vient de Sa plénitude ? Nous ne possédons pas cela, ce sont eux qui le possèdent. L'éloge que Jünger fait de la prière — le puissant dôme des mains jointes — est en fait l'éloge de l'adjuration qui est censée agir vers le haut au lieu d'agir entre nous. Or, elle ne le fait pas. C'est Dieu, ce sont les puissances célestes, qui nous donnent ce que Lui veut nous donner par leur truchement.
    La promesse est autre chose : quand les dieux l'expriment par le verbe, c'est-à-dire par la prière qu'ils recommandent, en disant qu'ils répondront à tout moment du salut de celui qui prie, ils le font vrai­ment, mais encore une fois : non parce que la prière a le pouvoir intrinsèque de concrétiser cette action, mais parce qu'ils l'ont exprimé par le verbe. L'homme n'a pas la liberté de descendre sous terre, ni de monter dans les éthers, ni même de des­cendre au tréfonds de lui-même pour atteindre l'étin­celle divine qui s'y trouve et dans laquelle Dieu, de toute éternité, nous ranime et nous recrée à chaque instant. Les dieux montent du monde d'en-bas et des­cendent du monde céleste, ouvrent la porte à l'inté­rieur de nous-mêmes et entrent quand ils le veulent, non quand nous le voulons. C'est une grâce quand il viennent, et aussi quand ils se taisent. Notre force à nous n'est rien.
    Cependant, Jünger estime que l'homme a le pou­voir d'emprunter les voies divines et il mesure son rang à l'aune (le la profondeur qu'il atteint. C'est à celte différence que j'attribue aujourd'hui le malaise qui, dans notre relation, s'est peu à peu mêlé au plai­sir. L'un cherchait dans l'autre ce que ce dernier ne pouvait pas être : Jünger cherchait en moi un com­plice de sa résonance magique, moi je cherchais en lui un complice de ma pensée mystique. Mais Jünger ne pense pas, il voit ; et moi je ne vois pas, je com­prends. En attendant, il faut se contenter de la réponse que l'on reçoit, et qui est rare aujourd'hui, et s'accommoder de ce que le temps nous accorde.
    Et il en est de même pour tous les individus : on peul s'énerver longtemps après quelqu'un dont on attend une chose qu'il ne peut ni ne veut donner. Dans le cas de Jünger, par exemple, une prière au lieu d'une adjuration, un violon au lieu d'un couteau, un tableau au lieu d'une mosaïque. Je suscite la même colère quand je ne réponds pas à des attentes aussi déplacées et injustifiables, quand les gens attendent de moi un projet gouvernemental au lieu d'un cours de religion, ou une vie intérieure riche à la place de la logique, ou une loi à laquelle ils puis­sent obéir au lieu de l'amour.
    Les gens en veulent aussi à Jünger de ne pas être là où ils aimeraient le trouver et de leur donner des choses dont ils n'ont pas besoin, parce qu'ils n'aiment personne d'autre qu'eux-mêmes. Mais sommes-nous là pour livrer des ambulances à ceux qui manquent d'amour ou des béquilles à ceux qui manquent de forces ? Pas plus qu'il ne nous appar­tient de hisser les drapeaux des autres.
    Friedrich Hielscher, extrait de : Fünfzig Jahre unter Deutschen, Rowohlt, Hambourg, 1954. (tr. fr. Dominique Kugler, Nouvelle école n°48, 1996) Vouloir
    (*) En français dans le texte.

  • L'ACTION FRANÇAISE Une aventure intellectuelle II

    Entre 1998 et 2011, François Huguenin a révisé certains jugements... Nous poursuivons aujourd'hui notre enquête sur la réédition de son livre, en abordant la question des relations de Maurras avec la foi et le catholicisme.
    Sur la relation de Maurras avec la religion chrétienne, Huguenin, là aussi, réfléchit à nouveaux frais. Doit-on accuser Maurras d'entretenir « une vision très particulière - et très fausse - du catholicisme comme mélange de paganisme et de christianisme » ? (p. 120) Il est toujours tentant de faire des contes du Chemin de Paradis ou du « venin du Magnificat » le dernier mot de Maurras sur le christianisme. D'autant que « ce que récuse Maurras, en l'occurrence, c'est cette "sédition de l'individu contre l'espèce", que permet le message évangélique si on l'interprète dans un sens anarchiste ». Il est dommage que la nouvelle édition ait supprimé la fin de sa phrase : la sédition, c'est « ce que deviendra - bien plus tard - "la théologie de la libération" » (118, 120 1). Perspective intéressante, qui aurait demandé à être non pas supprimée, mais développée.
    Un Christ romantique
    Affirmer comme Prévotat que « derrière le rejet du christianisme romantique, c'est le Christ qui est vomi » n'est pas seulement une formule « excessive », mais un contre-sens total. Pour la simple et unique raison que le « Christ » que Maurras « vomit » est précisément ce Christ romantique, qu'il a appris à trop bien connaître dans sa période lamennaisienne et qui, au milieu des affres de la surdité et de la puberté, ne sera remplacé, maladroitement par l'abbé Penon, que par celui de Pascal.
    Doit-on parler dès lors de « mélange » ? Le terme fait contresens. Le paganisme de Maurras ne fut jamais sérieux. Son rejet du christianisme tel qu'il le percevait et ne pouvait plus que le percevoir, si. Mais déclarer préremptoirement avec Prévotat comme « avéré » que « Maurras vit sur le culte des vertus païennes dont la compassion ou la miséricorde, la patience ou l'humilité, sont absentes » (merci, du reste, pour l'antiquité !) et qu'« il marque son dégoût pour les vertus chrétiennes » ne saurait être vérifié que d'une lecture... littérale des contes du Chemin de Paradis, dont, à leur parution même, Maurras reconnaissait auprès de l'abbé Penon qu'ils ne correspondaient déjà plus à l'état de son âme ! Quant à la poésie de Maurras, elle contredit ce prétendu rejet de la compassion, de la miséricorde, de la patience ou de l'humilité...
    C'est oublier enfin que cette opposition terme à terme du paganisme et du christianisme n'a aucun sens pour Maurras comme pour son mentor, l'abbé Penon. Il n'y a aucune reconstruction par Maurras d'un catholicisme sans Christ (sur ce point, Huguenin a raison de reprendre Gérard Leclerc), car Maurras s'arrête sur le porche. Il perçoit le catholicisme de son agnosticisme, pour la cité, non pas indifférent à la figure du Christ, mais sachant bien celle qu'il refuse et qui n'est pas, de toute façon, celle que l'Église enseigne. Il est vrai que Maurras, jeune, cherche parfois à forcer l'opposition entre paganisme et christianisme, comme pour donner raison à Prévotat et à Huguenin, mais Penon n'a pas de mal à montrer que cela ne tient pas... Il écrit à son ancien élève le 6 avril 1897 : « Dans l'antiquité elle-même, dans ce qu'il y a de plus beau en elle, il y a un christianisme latent, un christianisme en germe, comme dans la littérature chrétienne et le tour d'imagination chrétien, il y a un reste de mythologie. » Saint Paul, sur l'Aréopage, avait-il dit fondamentalement autre chose ? Saint Paul pour lequel, le jeune Maurras païen a, à Phalère, une pensée au printemps 1896. L'opposition caricaturale était un pis-aller, cachant une souffrance spirituelle que Maurras calmera, sans l'éteindre, en la nommant « agnosticisme », avant de partir vers une méditation sur les Corps glorieux qui pulvérise toute interprétation manichéenne.
    Dès lors, existe-t-il un marcionisme de Maurras, de ce Marcion de Sinope, théoricien au IIe siècle de l'antijudaïsme chrétien ? Il y a plutôt chez Maurras une méconnaissance de l'Ancien Testament, propre à son temps, et dont se plaignait encore Boutang, deux générations plus tard. Elle renforce son refus de ce qu'il perçoit comme la subversion révolutionnaire sémite et auquel s'ajoute la perte de la foi, alors que « l'idée d'un Dieu probable », tirée de Pascal, lui « répugne au-delà de tout » (lettre du 25 février 1887).
    Réconciliation
    C'est pourquoi Huguenin a raison de rappeler (126-127) : « L'Action française réalise, en ce début du XXe siècle, une certaine réconciliation entre les "deux France" que la Révolution avait séparées et que le ralliement de l'Église à la République n'avait pu réconcilier. Pour la première fois, se retrouvent, en politique, dans la même défense de l'ordre et de la tradition, des catholiques et des positivistes [que n'est pas Maurras] dont le langage est devenu commun et les aspirations sociales identiques. » La question de l'Église de l'ordre en est éclairée : (147) : « Pol Vandromme, écrit Huguenin, voit à raison dans cet éloge de l'Église de l'ordre, l'expression de l'unité de l'incroyance » (sic) – le texte de 1998 disait plus sensément (140) « l'expression de l'infirmité de l'incroyance »... – « parce que "dans son essence, elle n'est pas cela - elle n'est cela que de surcroît 2" ». Et de poursuivre en 1998 (nouvelle "longueur", fort brève en l'occurrence, supprimée en 2011) : « Mais, pourrait-on continuer, le Christ n'est-il pas l'ordre du monde, et la contemplation de l'Église de l'ordre n'est-elle pas un effet de sa grâce ? » La remarque, fort thomiste, ouvrait là encore des perspectives que l'édition de 2011 clôt ...définitivement.
    Comme le fait remarquer Gérard Leclerc, c'est justement en se disant « férocement catholique au plan sociologique », après avoir perdu la foi, que Maurras lui demeure toutefois aussi fidèle qu'il le peut, puisque cette formule est la contestation la plus radicale qui soit de l'héritage comtien (et moderniste). Pour Comte, en effet, la sociologie doit remplacer le catholicisme. Contester la valeur sociologique de la foi catholique chez Maurras, c'est ne rien comprendre à cette démarche de sincérité visant, chez l'agnostique, à conserver ce qu'il pouvait du catholicisme sans risquer d'éloigner jamais aucun de ses disciples de l'essentiel, la foi elle-même.
    Dernier soubresaut
    Cette réconciliation entre les deux France, « la querelle entre Rome et l'AF qui jamais ne porta sur le fond » et « s'achèvera par une pirouette » (368), en signera, malheureusement, l'échec final. « Plus largement », écrivait Huguenin en 1998, dans une autre "longueur" qu'il a supprimée, cette querelle « constitue le dernier soubresaut des tentatives de mainmise de l'Église romaine sur le pouvoir temporel, dont ni la théorie augustinienne des deuxglaives et moins encore la récente théorisation de l'infaillibilité pontificale entérinée par le concile Vatican I n'auront su définir une pratique souple et raisonnable. De cette ligne dogmatique romaine, Maritain se fera le défenseur très ultramontain, par son Primauté du spirituel qui marquera, en 1927, son divorce avec l'Action française. » (387, 369) Il ne le dit plus en 2011 après avoir « particulièrement retravaillé la question » (374).
    On aurait tort toutefois d'être inquiet. Huguenin déconstruit toutes les fausses accusations d'Andrieu-Pie XI : paganisme, volonté de proposer un « nouveau système religieux », « naturalisme », « rationalisme » ou « indifférentisme religieux ». Reprenant Poulat (379), il note également que la mise à l'Index du journal « est notamment motivée pour le pape par les articles récents et véhéments du journal et en réaction aux premiers événements », comme si, de fait, Maurras et l'Action française étaient tombés dans le piège tendu par le cardinal Andrieu et Rome... Du reste, la « raison [...] de la condamnation n'est pas explicitée par Pie XI. [...] Rome a aussi » - Surtout, comme le montre précisément la mise à l'Index du journal ? - « agi pour des considérations d'opportunisme » (379). S'il s'agit d'« une question religieuse », ou plus exactement de politique religieuse, il ne s'agit pas d' « une question d'orthodoxie dogmatique » (aucune encyclique n'est publiée). Le moderniste, dans l'affaire, c'est Pie XI, à la fois pape autoritaire et piètre politique. « Ce que visait Rome était au fond le fait que l'Action française n'entrait pas dans son projet de reconquête de la société par une action catholique. » (383)
    Une foi sociologique
    Toutefois, comment avancer (ibid.) que « le catholicisme d'un certain nombre de maurrassiens était en grande partie formel » ? « Il était au fond l'expression d'un héritage, celui de la France, qu'il fallait défendre coûte que coûte. Mais il faisait partie d'un ensemble culturel, plus que d'une foi profondément vécue. » On aurait presque envie de demander à Huguenin... des noms. De quel droit chercher à percer ainsi le secret des âmes... pour mieux le déprécier ? Surtout 1) pourquoi opposer ce qui peut être complémentaire, 2) en donnant, de surcroît, l'impression de généraliser par l'entremise d'un quantificateur (« un certain nombre ») bien vague ? Alors même que l'auteur, aussitôt après, en une nouvelle contradiction, démolit toute la portée de son affirmation : « En cela d'ailleurs ces catholiques-là n'étaient pas très différents de nombreux autres catholiques sociologiques de leur époque. La foi des uns et des autres n'a d'ailleurs pas toujours bien résisté après la vague des années 1960. » Mais seule l'Action française fut interdite, ce dont elle ne s'est pas plus relevée que le catholicisme français, « sociologique » ou non, lequel n'a pas fini de payer cette erreur qui anémia, en effet, sa résistance. D'ailleurs, Huguenin conclut avec raison qu'« on peut légitimement s'interroger sur la pertinence de la vision politique de Rome d'une reconquête catholique fédérée autour de l'institution qui a été finalement débordée par le grand mouvement progressiste ». À suivre.
    Axel Tisserand L’ACTION FRANÇAISE 2000 Du 15 décembre 2011 au 4 janvier 2012
    1 – Le premier numéro renvoie à la pagination de la première édition, le second, à celle de la seconde édition.
    2 – Maurras entre le légiste et le contestataire, Téqui, 1991, p. 151.
    3 François Huguenin, L'Action française, Perrin-Tempus, 686 p., 12 €,