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  • Aux sources du FMI, un instrument du mondialisme

    Le FMI est à la fois pompier et pyromane. Soit, par ses diktats, il déstabilise les nations et les oblige à se plier aux exigences des financiers mondiaux, soit il intervient pour sauver des économies en péril comme récemment en Asie (et, à ce moment, il fait payer cher son intervention en renoncement à l'indépendance des États).
    Qu'il allume des feux ou qu'il les éteigne, le FMI se comporte, depuis sa création, comme un instrument de la mondialisation par la soumission à l'économie apatride.
    Son rôle a été une fois de plus mis en évidence par la crise asiatique qui continue à tant affoler le capitalisme mondial ennemi des peuples et des nations. Son efficacité a été moins grande que souhaitée et on envisage une réforme en prévision d'une troisième crise, la première ayant été celle du Mexique.
    « Il y aura une troisième crise », prédit M. Greenspan de la Réserve fédérale américaine. Il faut revoir et modifier l'architecture financière internationale, la menace d'implosion du système capitaliste venant, d'après lui, des « prêts interbancaires transfrontaliers à court terme ».
    On voudrait donc donner encore plus de pouvoirs au FMI comme le souhaite très clairement - entre les lignes - Le Monde, qui est devenu le quotidien français et francophone officiel de la mondialisation politiquement correcte.
    On se reportera donc avec avantage à l'article très documenté de la revue toujours précise et passionnante. Lectures Françaises, qui dénonce avec talent et depuis quarante ans, les mains cachées qui mènent le monde et complotent pour s'emparer du pouvoir sur une planète globale.
    Michel Leblanc, dans son analyse du rôle précis du FMI, nous rappelle que cet organisme international a été créé en 1945 lors des accords de Bretton Woods, que son but officiel est de protéger la coopération internationale sur le plan commercial et monétaire, et qu'il dispose d'un trésor de guerre alimenté par les États-membres, trente-neuf à l'origine, cent quatre-vingt-deux aujourd'hui.
    Pour sauver le capitalisme américain de la fracture mexicaine, le FMI a injecté, en 1995, près de 20 milliards de dollars dans l'économie de ce pays latin d'Amérique du Nord. Pour la crise asiatique, on a sans doute largement dépassé les 100 milliards de dollars, sans que cela soit suffisant pour épargner le Japon du raz de marée que pourraient provoquer les séismes de Thaïlande, de Corée du Sud et d'Indonésie. En tout cas, les dragons d'Asie ont dû accepter une large tutelle du FMI.
    Cependant, l'instrument privilégié du mondialisme économique n'est pas une banque mondiale, c'est un conseil des gouverneurs appelé la Board, qui représente les États-membres par le biais des ministres des Affaires étrangères. La Board, ou conseil d'administration, se compose de vingt-quatre membres dont huit permanents - les plus gros payeurs - la part du lion revenant aux USA qui fournissent plus de 40 milliards de dollars sur les 200 milliards de fonds de l'organisme.
    Le FMI est donc un instrument du Mondialisme à l'américaine. Et c'est toujours pour protéger les intérêts du capitalisme dominant, celui de Washington, que le FMI intervient. En Asie, on dénonce un véritable néocolonialisme qui vise tous les pays du monde... un langage difficile à employer aujourd'hui en Europe.
    Cependant, certains trouvent le FMI encore trop lié aux États pour jouer son rôle de gardien monétaire de la construction économique d'un futur gouvernement mondial. Ils plaident pour un impôt mondial qui rendrait le FMI indépendant des États-membres totalement indépendants des financiers apatrides à l'origine des institutions économiques onusiennes et mondialistes.
    Les USA craignent la troisième crise, celle qui, submergeant le Japon (qui  finance, par ses excédents commerciaux placés en bon du Trésor, le déficit américain), toucherait Wall Street en plein cœur et ferait s'effondrer la tour de Babel du capitalisme. Mais Babel s'est effondrée, tout comme le mur de Berlin. Depuis la chute du communisme, le capitalisme est unijambiste, et la canne du FMI pourrait, demain, ne plus lui assurer un équilibre artificiel. De sa chute inévitable sortirait alors un ordre nouveau tant redouté par ceux qui tirent les ficelles pour le malheur des peuples et l'abaissement des nations depuis 1945 et dont le FMI est un instrument dépassé.
    National Hebdo du 12 au 18 mars 1998

  • Clovis

    Clovis fut le roi des Francs de 481 à 511. Il est considéré à partir de 496 comme le premier roi catholique officiel de France (dynastie des Mérovingiens).

    Vie de Clovis

    Clovis, fédérateur des Gaules

    Bien avant que la dynastie Mérovingienne ne s'établisse, le destin de la Gaule était étroitement lié à l'Empire romain d'Occident. En effet, bien que les Romains aient annexé la Gaule, ils ont apporté à cette terre un semblant d'unité, car sans eux, les Gaulois se seraient égarés dans l'anarchie la plus obscure qui soit. Il faut savoir que si les troupes Césariennes ont pu conquérir la Gaule si facilement, c'est bien faute d'unité, comme en atteste la faible opposition aux envahisseurs romains qui n’auront connu d’opposition que par l'existence d'un Vercingétorix. Comme le dit Jacques Bainville, « pendant 500 ans, la Gaule partage la vie de Rome »; elle a partagé un état d'esprit, un savoir, une culture que bien d'autres contrées n'ont pu assimiler. D'un point de vue théologique la mutation a été profonde : les Gaulois alors païens pour la plupart se sont initiés au christianisme et ont perpétué l'enracinement du dogme que l'on peut considérer aujourd'hui comme pierre fondatrice de la France. Sur le plan ethnique, sans les Romains, nous aurions sans aucun doute été germanisés, sans le courage d’un Probus qui repoussa l'envahisseur allemand et plus tard d’un Aetius qui, lui, avec l'aide des Wisigoths et des Francs, battit mémorablement Attila. Grâce à cette collaboration militaire, les frontières gauloises restèrent inviolées de l’hégémonie germanique.

    Les Francs, unificateurs du peuple gaulois

    Du fait de la déchéance de l'Empire romain d'Occident, les Francs, peuple établi à la limite de la Meuse et du Rhin, vont jouer un rôle primordial dans l'élaboration de la monarchie française. En effet, c'est le peuple le plus apte à conquérir la Gaule du fait de son contrôle de toutes les routes stratégiques menant à Paris: très tôt, l'Église comprit l'intérêt d’attirer ce peuple vers la foi chrétienne; à la suite de la débâcle romaine, le pouvoir revient à l'Église qui -ce n'est pas son rôle- ne peut exercer une autorité politique sur la Gaule: c'est donc tout naturellement qu'elle trouve chez les Francs le salut par le rétablissement d'une autorité, qui plus est chrétienne. C'est grâce aux intérêts communs de l'Église et des Francs que le Roi Clovis rencontrera l'archevêque de Reims, Saint Rémi. Malheureusement la situation en Gaule et en dehors était devenue intenable: l'anarchie commençait à se répandre et l'ennemi germanique assisté des Bagaudes se pressait près des frontières. Ainsi une sorte d'« union sacrée » s'établit : les régents de toutes les contrées reconnurent le Roi Clovis comme chef et se fédérèrent autour de lui. Ainsi, l’armée de Clovis repoussa l’ennemi allemand à Tolbiac en l’an de grâce 496 et du fait de la victoire, Clovis se convertit au christianisme comme avait fait l'empereur Constantin. Grâce à cela, la civilisation et la religion étaient sauves, liées durablement à la monarchie. Il restait dès lors au roi Clovis à unifier toute la Gaule, chose qu'il réussit non sans peine. La dynastie mérovingienne était née et, malgré ses imperfections -notamment à cause de la loi salique qui interdisait l’accession au trône d’une femme-, elle durera du Vème au VIIIème siècle.

    http://fr.metapedia.org

  • « Julien Freund », 1995

    Quand Julien Freund est mort à Strasbourg le 10 septembre 1993, à l’âge de soixante-douze ans, c’est l’un des plus grands politologues et sociologues français de ce siècle qui disparaissait. Il était né à Henridorff (Moselle) le 8 janvier 1921, d’une mère paysanne et d’un père ouvrier socialiste. Aîné de six enfants, il avait dû interrompre prématurément ses études après la mort de son père et était devenu instituteur dés l’âge de dix-sept ans. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il participa activement à la Résistance. Pris en otage par les Allemands en juillet 1940, il parvint à passer en zone libre et, dès janvier 1941, milita à Clermont-Ferrand (où s’était repliée l’université de Strasbourg) dans le mouvement Libération d’Emmanuel d’Astier de La Vigerie, puis dans les Groupes-francs de Combat animés par Henri Frenay, tout en achevant une licence de philosophie.

    Arrêté en juin 1942 à Clermont-Ferrand, puis en septembre à Lyon, il fut avec Emmanuel Mounier l’un des accusés du procès Combat. Incarcéré à la prison centrale d’Eysses, puis à la forteresse de Sisteron, il parvint à s’évader le 8 juin 1944 et rejoignit jusqu’à la Libération les maquis FTP des Basses-Alpes et de la Drôme. Rentré à Strasbourg en novembre 1944, il se consacra quelque temps au journalisme et à l’action politique, expériences qui furent pour lui une source de déception en même temps que le point de départ d’une longue réflexion. Il fut en 1945-46 responsable départemental du Mouvement de libération nationale (MLN) de la Moselle, et quelque temps secrétaire académique du SNES.

    Ayant postulé dès 1946 à un poste de professeur de philosophie, il avait passé son agrégation, puis enseigné successivement au collège de Sarrebourg (1946-49), au lycée de Metz (1949-53) et au lycée Fustel de Coulanges de Strasbourg (1953-60). De 1960 à 1965, il avait été maître de recherche au CNRS, spécialisé dans les études d’analyse politique. En 1965, année de la soutenance de sa thèse de doctorat à la Sorbonne, il avait été élu professeur de sociologie à l’université de Strasbourg, où il fut le principal fondateur, puis le directeur de la faculté des sciences sociales. Proche de Gaston Bouthoul, il créa en 1970 l’Institut de polémologie de Strasbourg. On lui doit aussi la fondation en 1967 d’un Centre de recherches et d’études en sciences sociales, en 1972 de la Revue des sciences sociales de la France de l’Est, et en 1973 d’un Centre de recherche en sociologie régionale. Il a également enseigné en 1973-75 au Collège de l’Europe de Bruges, puis en 1975 à l’université de Montréal. Nommé en 1979 président de l’Association internationale de philosophie politique, il avait pris peu de temps après une retraite très anticipée pour ne plus cautionner un enseignement et une administration universitaires qu’il réprouvait. Depuis, retiré à Ville, il se consacrait entièrement à ses livres. Une soirée en son honneur a été organisée en décembre 1993 par le conseil de l’université des sciences humaines de Strasbourg.

    Marqué par la pensée de Max Weber, de Georg Simmel, de Vilfredo Pareto et de Carl Schmitt, auteurs qu’il contribua à mieux faire connaître en France, Julien Freund s’était imposé d’emblée avec son livre sur L’essence du politique, issu de la thèse de doctorat qu’il avait soutenue le 26 juin 1965 sous la direction de Raymond Aron (le philosophe Jean Hyppolite ayant préféré se récuser pour n’avoir à patronner ses thèses). Sur la nature du politique, sur les présupposés de cette catégorie (la triple relation entre obéissance et commandement, ami et ennemi, public et privé), sur les notions de valeur, de conflit, d’ordre, etc., il y multipliait les vues originales et novatrices. Il ne cessera d’ailleurs, par la suite, de s’intéresser aux invariants de l’esprit humain, qu’il s’agisse de l’esthétique, de l’éthique, de l’économique ou du religieux.

    Ses livres, presque tous fondamentaux, se rapportent aussi bien à la science politique qu’à la sociologie, à la philosophie ou à la polémologie. Après L’essence du politique (Sirey, 1965, trad. espagnole en 1968), il avait publié Sociologie de Max Weber (PUF, 1966 et 1983), Europa ohne Schminke (Winkelhagen, Goslar 1967), Qu’est-ce que la politique ? (Seuil, 1968 et 1978), Max Weber (PUF, 1969), Le nouvel âge. Éléments pour la théorie de la démocratie et de la paix (Marcel Rivière, 1970), Le droit d’aujourd’hui (PUF, 1972), Les théories des sciences humaines (PUF, 1973), Pareto. La théorie de l’équilibre (Seghers, 1974), Georges Sorel. Eine geistige Biographie (Siemens-Stiftung, München 1977), Les problèmes nouveaux posés à la politique de nos jours (Université européenne des affaires, 1977), Utopie et violence (Marcel Rivière, 1978), La fin de la Renaissance (PUF, 1980), La crisis del Estado y otros estudios (Instituto de Ciencia politica, Santiago de Chile 1982), Sociologie du conflit (PUF, 1983), Idées et expériences (Institut de sociologie de l’UCL, Louvain-la-Neuve 1983), La décadence. Histoire sociologique et philosophique d’une catégorie de l’expérience humaine (Sirey, 1984), Philosophie et sociologie (Cabay, Louvain-la-Neuve 1984), Politique et impolitique (Sirey, 1987), Philosophie philosophique (Découverte, 1990), Études sur Max Weber (Droz, Genève 1990), Essais de sociologie économique et politique (Faculté catholique Saint-Louis, Bruxelles 1990), L’aventure du politique. Entretiens avec Charles Blanchet (Critérion, 1991), D’Auguste Comte à Max Weber (Economica, 1992), L’essence de l’économique (Presses universitaires de Strasbourg, Strasbourg, 1993).

    Julien Freund avait encore dirigé plusieurs volumes collectifs, dont quatre numéros spéciaux de la Revue européenne des sciences sociales (Genève) et, avec André Béjin, le recueil Racismes, antiracismes (Klincksieck, 1986). On lui doit également des traductions de Max Weber (Le savant et la politique, Plon, 1959 ; Essais sur la théorie de la science, Plon, 1965, et Agora/Presses-Pocket, 1992 ; « Les concepts fondamentaux de la sociologie » in Économie et société, Plon, 1971).

    Son œuvre comprend aussi un nombre très important d’articles, d’essais, de préfaces et de communications. On en trouvera la liste dans « La bibliographie de Julien Freund » dressée par Piet Tommissen dans le numéro spécial de la Revue européenne des sciences sociales (no54-55, 1981, pp. 49-70) offert à Freund pour son 60e anniversaire. Une autre bibliographie, prolongée jusqu’en 1984 et également établie par Piet Tommissen, figure en annexe de Philosophie et sociologie (Cabay, Louvain-la-Neuve 1984, pp. 415-456 : « Julien Freund, une esquisse bio-bibliographique »).

    Tenu à l’écart par les coteries parisiennes, qu’il surclassait sans peine par l’ampleur de ses connaissances et la profondeur de ses analyses, Julien Freund était en revanche réputé dans le monde entier pour la qualité de ses travaux. Lutteur-né, auteur au savoir immense, remarquable conférencier, il était avant tout un esprit parfaitement libre qui, à maintes reprises, avait refusé de quitter son Alsace natale pour venir s’installer dans la capitale. « Kant vivait à Königsberg et non à Berlin », répondait-il à ceux qui s’en étonnaient. Mais il était aussi un homme truculent, fidèle à ses amitiés, courageux à l’extrême et d’une malicieuse rigueur. Amateur de peinture – il avait épousé en 1948 la fille du peintre alsacien René Kuder (1882-1962) – et de gastronomie régionale, il appartenait à l’espèce rare des pessimistes joyeux. Indifférent aux étiquettes et aux modes, il avait manifesté à la revue du GRECE Nouvelle École une sympathie active qui ne s’est jamais démentie pendant vingt ans. Plusieurs de ses essais y sont parus : Vilfredo Pareto et le pouvoir (no29, printemps-été 1976, pp. 35-45), Une interprétation de Georges Sorel (no35, hiver 1979-80, pp. 21-31), Que veut dire : prendre une décision ? (no41, automne 1984, pp. 50-58), Les lignes de force de la pensée de Carl Schmitt (no44, printemps 1987, pp. 11-27), Le conflit dans la société industrielle (no45, hiver 1988-89, pp. 104-115).

    1995. http://grece-fr.com

  • Les Mérovingiens

    Les Mérovingiens sont la dynastie qui régna sur une très grande partie de la France et de la Belgique actuelles, ainsi que sur une partie de l'Allemagne et de la Suisse, du Ve siècle jusqu'au milieu du VIIIe siècle.

    Cette lignée est issue des peuples de Francs saliens qui étaient établis au Ve siècle dans les régions de Cambrai et de Tournai, en Belgique (Childéric Ier). L'histoire des Mérovingiens est marquée par l'émergence d'une forte culture chrétienne parmi l'aristocratie, l'implantation progressive de l'Église dans leur territoire et une certaine reprise économique survenant après l'effondrement de l'Empire romain.

    Le nom mérovingien provient du roi Mérovée, ancêtre semi-mythique de Clovis.

    Origine

    La dynastie mérovingienne est issue de l'aristocratie franque. Les Francs, réunis en ligue depuis le IIIe siècle de notre ère, se sont progressivement installés dans le nord-est de l'Empire romain. Dès les premières années de l'Empire, des groupes migrants plus ou moins homogènes n'ont cessé de se déplacer d'est en ouest, poussés par d'autres migrants venus d'orient, et attirés en Gaule par la stabilité de la Pax Romana. Les premiers Francs pénètrent dans l'Empire légalement, certains sont intégrés dans l'armée romaine et peuvent espérer y faire une grande carrière (voir Richomer et Arbogast), d'autres s'installent dans l'Empire comme colons. Par la suite, les migrations franques dans le nord de la Gaule s'intensifient avec le déclin de l'autorité romaine et la chute de l'Empire d'Occident. Enrichies par leur service auprès de Rome, certaines grandes familles franques acquièrent un pouvoir local non négligeable. L'une d'entre elles, celle de Childéric Ier et de son fils Clovis, va s'imposer et fonder la première dynastie royale franque.

    Histoire générale et personnalités

    Le baptême de Clovis, d'après le Maître de Saint Gilles, ca. 1500

    Le premier représentant historique de la dynastie mérovingienne, Childéric Ier, fils de Mérovée, dominait l'ancienne province romaine de Belgique Seconde au nom de l'Empire. Son fils Clovis, roi en 481, n'est lui-même à l'origine qu'un des nombreux petits rois sous le gouvernement desquels se répartissaient les Francs Saliens. Son royaume, qui devait correspondre à peu près à l'étendue de l'ancienne cité romaine de Tournai, ne lui fournissant pas les forces nécessaires pour mener à bien l'attaque qu'il méditait contre Syagrius, officier romain auquel obéissait encore la région d'entre Loire et Seine, il associa à son entreprise ses parents, les rois de Thérouanne et de Cambrai. Mais il profita seul de la victoire. Syagrius défait, il s'appropria son territoire et employa la suprématie écrasante dont il jouissait désormais sur ses anciens égaux, pour se débarrasser d'eux. Soit par violence, soit par ruse, il les renversa ou les fit périr, fut reconnu par leurs peuples et en quelques années étendit son pouvoir à toute la région que le Rhin encercle de Cologne à la mer. Les Alamans qui, établis en Alsace et en Eifel, menaçaient le nouveau royaume d'une attaque par l'est, furent battus et annexés à la fin du Ve siècle. S'étant ainsi assuré la possession de toute la Gaule septentrionale du Rhin à la Loire, le roi des Francs put se consacrer à la conquête de la riche Aquitaine, dominée par les Wisigoths et leur roi Alaric II. Converti au catholicisme aux alentours de l'an 500Note 1, Clovis put éventuellement prétexter de leur hérésie (les Wisigoths adhéraient à l'arianisme) pour leur faire la guerre : il les battit à Vouillé en 507 et porta la frontière jusqu'aux Pyrénées. Le royaume des Burgondes (auxquels il s'était allié en épousant Clotilde, fille du roi Chilpéric II), de même que la Provence, le séparaient encore de la Méditerranée. Théodoric, roi des Ostrogoths, n'entendait pas laisser le royaume des Francs s'étendre jusqu'aux portes de l'Italie : Clovis dut donc renoncer à la Provence que Théodoric, pour plus de sûreté, annexa à son propre royaume1. Cette expansion rapide du royaume des Francs (latin regnum francorum) fut facilitée par sa conversion au catholicisme qui lui assura l'appui de l'aristocratie gallo-romaine et de l'Église catholique. Il installera sa capitale à Paris vers 507.

    A sa mort en 511, Clovis n'avait pas réglé sa succession et le royaume fut partagé entre ses quatre fils. Selon Grégoire de Tours, la région de Metz revint à Thierry, Orléans à Clodomir, Paris à Childebert et Soissons à Clotaire. Pour Bruno Dumézil2, mais également pour Geneviève Bührer-Thierry et Charles Mériaux3, il ne faut pas comprendre ce partage comme une division stricte du royaume. Les quatre frères sont rois en même temps mais l'intégrité du regnum francorum est en partie conservée, ce qui explique la relative facilité avec laquelle certains rois mérovingiens parviennent à réunifier le royaume à la mort de leurs frères (dont ils sont parfois eux-mêmes responsables). Cela n'a rien d'inédit si l'on compare cette succession à celles de certains empereurs romains comme Constantin Ier. C'est cette très fragile entente de circonstance entre les frères qui explique également la conquête de la Burgondie vers 534 par Childebert et Clotaire (à la demande de leur mère Clotilde selon Grégoire de Tours) puis de la Provence. Le royaume fut réunifié en 558 par Clotaire Ier, puis divisé à nouveau entre les fils de ce dernier en 561. Trois grosses entités territoriales se forment progressivement au sein du royaume : Neustrie, Austrasie et Bourgogne (l'Aquitaine passant sous l'autorité d'une dynastie de ducs indépendants). En 613, Clotaire II, petit-fils de Clotaire Ier, parvient à réunifier de nouveau le royaume des Francs. Comme le précise Bruno Dumézil, loin de régresser par suite de ces partages, « la superficie du monde franc double entre la mort de Clovis et la fin du VIe siècle »2.

    Les historiens ont longtemps considéré que le partage du royaume entre les fils, à la mort du roi, manifestait le fait que les peuples germaniques, et les Francs en particulier, considéraient le royaume comme un patrimoine personnel du roi et que la notion d’État leur était inconnue. Bruno Dumézil explique cependant que la notion romaine de "fisc" n'avait alors pas disparue et qu'une liste précise des terres "publiques" était tenue par les rois mérovingiens2.

    Cette réflexion sur la portée des partages successifs du royaume ne doit cependant pas masquer la réalité des conflits sanglants qu'a connus la dynastie mérovingienne à la fin du VIe siècle. Grégoire de Tours les rapporte longuement dans ses Dix livres d'histoires :

    Une querelle familiale opposa en effet pendant près de cinquante ans les deux fils de Clotaire Ier, à savoir Chilpéric Ier et Sigebert Ier, ainsi que leurs conjointes respectives, Frédégonde et Brunehilde. Selon Grégoire de Tours, Frédégonde, maîtresse de Chilpéric Ier, fit assassiner la femme de celui-ci, Galswinthe, une princesse wisigothique. La sœur de Galswinthe, Brunehilde, également épouse de Sigebert Ier, demanda alors à son mari de réagir en demandant une compensation en réparation du meurtre. Chilpéric Ier parut d'abord se soumettre mais, ne tenant pas ses engagements, la guerre finit par éclater entre les frères. On analyse souvent ce conflit comme la manifestation, à l'échelle du royaume, du principe de la "faide", le droit à la vengeance, comparable à la loi du Talion.

    Neuville, Le supplice de Brunehilde

    Le bilan de ce conflit familial est lourd :

    Au terme de ces cinquante années de conflit, Clotaire II parvient à réunifier le royaume des Francs, non sans avoir éliminé les gêneurs et les prétendants au trône. Il rassemble ainsi :

    On attribue à Clotaire II (584-629), l'édification d'un château à Clichy dans les Hauts-de-Seine, site probablement découvert à l'occasion d'une chasse. Rien ne permet d'en imaginer la forme ni l'importance. Cependant Clotaire II, en 626, y réunit un concile des évêques et princes de Neustrie et de Bourgogne. Son fils Dagobert Ier, roi des Francs de 629 à 639, s'y maria avec Gomatrude en 629, ce qui laisse penser que le palais avait quelque importance.

    Parmi les deux fils de Clotaire II, Charibert et Dagobert, le premier mourut prématurément en 632, et son fils Chilpéric décéda peu de temps après, ce qui permit l'unification du territoire. Le court règne de Dagobert Ier marqua alors une période d'apogée et de relative paix dans le royaume mérovingien. C'est également sous son règne que se placent les dernières conquêtes en direction de la Germanie, permettant d'atteindre le Danube.

    Le dernier siècle mérovingien est celui de l'ascension politique d'une famille aristocratique d'Austrasie appelée à un bel avenir : les Pippinides. Dès le règne de Clotaire II, Pépin Ier de Landen s'allie au roi contre Brunehilde, et obtient la mairie du palais d'Austrasie. Ses descendants, Grimoald puis Pépin II de Herstal, parviennent à la conserver par intermittence et s'emparent pour un temps de la mairie du palais de Neustrie, à la fin du VIIe siècle. En 717, un fils bâtard de Pépin II, Charles Martel, arrive sur le devant de la scène en devenant à son tour maire du palais d'Austrasie. Il doit alors faire face à la résistance de l'aristocratie neustrienne menée par Raganfred, maire du palais de Neustrie depuis 715. Les Neustriens ont fait d'un moine obscur nommé Daniel un roi mérovingien qui s'impose difficilement sous le nom de Chilpéric II. A sa mort en 721, ne laissant aucun héritier, c'est au tour de Charles Martel de sortir un mérovingien d'un monastère pour en faire un roi : Thierry IV. Ce dernier ne possédera jamais la réalité du pouvoir et s'effacera face à son puissant maire du palais. A la mort de Thierry IV en 737, Charles Martel est tellement influent qu'il peut se passer de roi jusqu'à sa propre mort en 741. Son fils, Pépin III le Bref, lui succède, et même s'il prend d'abord le parti de placer un dernier mérovingien sur le trône en 743 (Childéric III), ce sera pour mieux le déposer huit ans plus tard et se faire élire roi à sa place. C'est le temps de la dynastie carolingienne.

    La royauté mérovingienne

    Une royauté sacrée ?

    Comme l'explique Régine Le Jan4, le roi mérovingien est détenteur d'une certaine sacralité, bien qu'il ne bénéficie pas du rituel clérical du sacre, à la différence des rois wisigoths ou des rois carolingiens. Régine Le Jan affirme qu'il ne faut pas réduire cette sacralité à sa dimension magique et païenne (le heil), mais qu'il existe encore, au VIe siècle notamment, la possibilité d'une sacralité chrétienne non contrôlée par le clergé. Cette sacralité s'exprime dans les fonctions assumées par le roi mérovingien et se manifeste par de multiples rituels.

    Les fonctions du roi mérovingien

    Ary Scheffer, Bataille de Tolbiac

    Noyau de tradition

    Comme chez d'autres peuples germaniques du Ve siècle, l'institution royale naît chez les Francs par le contact avec Rome. La nécessité d'un interlocuteur faisant autorité et l'influence du modèle romain produisent une nouvelle forme d'organisation politique. Les divers peuples germaniques, éclatés et pluriethniques, se construisent une cohésion en cristallisant leur identité autour d'une figure royale qui fait office de "noyau de tradition" (Traditionskern)4. Ainsi les Francs existent-ils dès le moment où un chef se dit "roi des Francs" (rex francorum) et qu'il propose à ceux qui le suivent d'accepter sa propre ascendance (remontant jusqu'à un passé mythique) comme celle du peuple dans son intégralité. Le roi tire de ses ancêtres, historiques ou mythiques, une puissance charismatique, le heil, qu'il entretient par ses victoires guerrières et qui légitime sa position. L'institution royale se place alors au-dessus des groupes de parenté et des chefs de lignages, prétendant ainsi assurer leur cohésion et leur prospérité.

    Loi et paix, conquête et prospérité

    Les fonctions de paix et de fécondité sont d'origine divine : en les canalisant et en les contrôlant, l'institution royale se façonne une légitimité sacrale. Le roi tend ainsi à concentrer dans sa personne la fonction de juridiction, pour garantir la paix, et la fonction guerrière, pour assurer la prospérité de son peuple. La concentration en une personne de ces deux fonctions, souvent assumées dans les sociétés polythéistes par deux dieux distincts, est facilitée par l'adoption du monothéisme : le christianisme et son dieu unique et indivisible assoit la sacralité d'une royauté unique et indivisible4.

    La paix est assurée par la création de la loi: c'est une fonction sacrée, à la fois juridique et religieuse ; l'Ancien Testament est d'ailleurs souvent appelé "Loi". Le roi formule le droit et le fait respecter. Ainsi Clovis réunit-il le premier concile d'Orléans en 511 et met la loi salique par écrit, probablement avant 507 selon Régine Le Jan4. De la même façon, « Clotaire II et Dagobert ont affirmé fortement leur autorité juridico-religieuse en réunissant un concile à Paris et en promulguant l'édit de 614, puis la loi des Ripuaires et la première loi des Alamans »4. Clotaire II est d'ailleurs assimilé par le clergé à David, roi législateur et juge.

    La prospérité est assurée par les guerres, que le roi mène annuellement, à la belle saison, afin d'agrandir le territoire apte à produire des richesses, tout en amassant du butin qu'il partage avec ses fidèles.

    Domestication de l'espace

    La sacralité du roi s'exprime également par sa domestication de l'espace. C'est lui qui définit et contrôle l'accès à certains espaces sacrés, qui sont retirés à l'usage commun. Par la fondation de monastères et l'institution de l'immunité, il fournit des revenus au clergé qui prie pour son salut et celui de son royaume, tout en limitant le nombre de personnes qui peuvent accéder au sacré. De la même façon, l'institution des forestes au VIIe siècle, circonscrit des espaces sauvages dans lesquels le roi se réserve le droit de chasse. « Le roi peut créer l'interdit et dominer toutes les formes d'espaces sacrés »4.

    À ces fonctions sacrées s'ajoutent des rituels qui affirment la légitimité du roi à gouverner.

    Rituels et éléments de légitimité

    Pierre Révoil, Pharamond élevé sur le pavois

    L'élévation sur le pavois

    La royauté mérovingienne, comme beaucoup d'autres, nécessite, pour la légitimer, un rituel exprimant et créant le consensus. Ce rituel, l'élévation sur le pavois par les hommes libres, a été attribué à tort à une tradition germanique alors qu'il relève de l'imitation impériale4. Il fut utilisé par les empereurs romains élus par leur armée et sa transmission s'est faite d'Orient vers l'Occident au IVe siècle, par le contact entre les peuples germaniques et l'armée romaine. Ce rituel était encore en usage à Byzance à la fin du VIe siècle. Le rituel du pavois relève d'un symbolisme, courant en Orient comme en Occident, dans lequel l'élévation verticale traduit l'accès à la sphère divine, au sacré. L'élévation sur le pavois, qui met en scène un chef militaire et ses soldats, affirme également le caractère guerrier de la royauté et, selon Régine Le Jan4, lorsque Grégoire de Tours évoque ce rituel dans ses Dix Livres d'Histoire (fin VIe siècle), on comprend à mots couverts qu'il le désapprouve, car il n'est pas contrôlé par les clercs ; pour l'évêque de Tours, ce rituel manifeste l'élection du roi par ses guerriers mais pas son élection par Dieu. De fait, en Occident comme à Byzance, ce rituel disparaît à partir du VIIe siècle, lorsque le clergé monopolise le rituel du couronnement royal.

    Le circuit

    Traditionnellement, le nouveau roi doit circuler dans son royaume, monté sur un char à bœufs. Ce rituel du circuit symbolise la prise de possession du territoire au sein duquel le roi démultiplie les forces de production et de fécondité4. Ce rite archaïque est moqué par Éginhard, fidèle et biographe de Charlemagne : dans son entreprise de décrédibilisation de la dynastie mérovingienne, il décrit des rois se déplaçant constamment vautrés dans un char à bœufs et forge l'image des rois fainéants. Il s'agit cependant d'un très ancien rite de fécondité dont on trouve déjà un témoignage dans La Germanie de Tacite.

    Le nom

    Chez les rois francs, l’élection, symbolisée par l'élévation sur le pavois, se combine avec l'hérédité, manifestée par la transmission du nom dynastique. Très vite, les rois mérovingiens transmettent les noms complets de leurs ancêtres à leurs enfants4 : le nom est à la fois un outil identitaire et un programme politique. Ainsi, les fils de Clovis (Clodomir et Clotaire Ier) donnent-ils un même nom burgonde à leurs propres fils (Gunthar / Gontran) pour appuyer leur prise en main de la Burgondie. Ils affirment la légitimité de leur dynastie sur ce nouveau territoire en la reliant à un ancêtre des rois burgondes. De la même façon, en 715, lorsqu'il s'agira de tirer le clerc Daniel de son monastère pour en faire un roi mérovingien, on le renommera Chilpéric et on prendra soin de lui laisser pousser les cheveux, autre élément de légitimité.

    Les rois chevelus

    La symbolique de la longue chevelure, siège de pouvoir sacré et de force, est présente dans la tradition biblique. Dans l'Ancien Testament, on lit que la consécration à Dieu implique le renoncement à la coupe des cheveux4. C'est cette même symbolique qui s'exprime lorsque le roi Samson perd sa force surhumaine après s'être fait coupé les cheveux par Dalila. Si le port des cheveux longs chez les Francs est bien antérieur à la conversion au christianisme, Régine Le Jan4 explique que c'est Grégoire de Tours qui confère tout son poids symbolique à cette longue chevelure, en créant l'image des rois chevelus (reges criniti5) et en inscrivant les Mérovingiens dans la filiation des rois de l'Ancien Testament6. Pépin le Bref ne négligera pas la force de ce symbole et lorsqu'il décidera de déposer le dernier Mérovingien, Childéric III, avec l'aval des papes Zacharie et Étienne, il n'omettra pas de le faire tondre.

    Organisation du pouvoir mérovingien

    Clientélisme et concept de mundium

    Le regnum francorum mérovingien s'appuyait surtout sur un réseau de fidélités. Les rois distribuaient terres, revenus et charges « publiques » (la plus commune étant celle de comte) à partir du trésor royal (le fisc, concept emprunté à la romanité) pour récompenser les aristocrates fidèles et s'assurer de leur soutien. Le trésor royal, à la fois privé et public (car le roi était émanation du peuple), s'était ainsi substitué aux « biens publics » de l'époque romaine, évolution qui jeta les bases de la vassalité.

    Le régime de la clientèle, hérité de l'empire romain, encourage le faible à se mettre sous la protection (mundium ou mainbour) d'un puissant en échange de sa liberté ou de son indépendance. Ce procédé nommé "recommandation" exige du protégé qu'il serve son protecteur selon un contrat synallagmatique7. Le père de famille protège ses fils de son mundium jusqu'à leur entrée dans l'âge adulte. Les filles restent sous le mundium de leur père jusqu'à leur mariage, transmettant au mari le devoir de protection. Contrairement au droit romain, qui impose au père de la mariée de verser une importante dot, le droit mérovingien prévoit que le plus gros transfert de biens se fasse du marié vers le père de la future épouse. Il prévoit également qu'un tiers des biens du marié (la tertia8, un douaire) revienne à sa femme à son décès. « Il ne s'agit pas d'acheter sa fiancée : cette somme scelle le lien entre les deux familles et marque le consentement du père »8.

    Administration du palais

    Petrus Christus, Saint Éloi à l’atelier, 1449

    L'administration du palais royal était confiée à des officiers palatins, fidèles et compagnons du roi, encore souvent laïques9 :

    • le « référendaire », ou « chancelier », chargé de superviser la rédaction et la conservation des actes officiels ;
    • le « monétaire », chargé de la monnaie et des finances (saint Eloi assuma cette charge) ;
    • le « connétable » (comes stabuli), ou « maréchal », chargé des écuries royales ;
    • le « comte du palais », chargé du tribunal du palais, qui traite les causes importantes remontant au roi ;
    • mais c'est surtout la charge de « maire du palais » (major domus), sorte de premier ministre du roi, qui prit de l'importance, en raison de son rôle central au cœur des relations du pouvoir avec l'aristocratie.

    Le palais accueille également en son sein la garde personnelle du roi (la "truste"), formée de ses guerriers les plus fidèles ("antrustions" ou "leudes"), ainsi que les nutriti (littéralement "nourris") au temps de Dagobert, c'est-à-dire les enfants de grandes familles aristocratiques, envoyés à la cour du roi pour y être formés et, souvent, y occuper à terme une charge importante.

    Comtes et évêques

    Le pouvoir local était conféré aux comtes (comes ou « compagnon » du roi), nommés par le roi et installés dans les grandes cités. Le comte dirigeait une circonscription constituée de plusieurs pagi (qui a donné "pays"), découpage hérité de l'empire romain, et constituait un véritable relai du pouvoir. Ses fonctions étaient diverses : il convoquait les hommes libres pour l'armée royale (l'ost), levait certains impôts et présidait le tribunal du comté (le mallus) au nom du roi. La charge de comte était promise à un bel avenir : elle survécut durant tout le Moyen Âge et ses titulaires affirmèrent leur indépendance chaque fois que le pouvoir central défaillait. Ainsi, dès l'époque mérovingienne, certains comtes formèrent de véritables dynasties et devinrent incontrôlables, surtout dans les régions périphériques du royaume. Une partie de l'aristocratie du royaume constitua alors une noblesse héréditaire. À la fin du VIIe siècle, le titre de duc des Francs, ou dux francorum, pouvait venir officialiser la domination d'un aristocrate sur un vaste territoire (plusieurs comtés ou une région entière comme l'Austrasie) ; plusieurs Pippinides portèrent le titre de duc.

    Dans chaque cité, aux côtés des comtes, se trouvaient également les évêques, officiellement élus librement par leurs concitoyens, mais dont l'élection nécessitait, dans les faits, le consentement du roi. Outre leur compétence totale en matière de confection du droit de l’Église (au sein de conciles), les évêques se voyaient confiés d'importantes responsabilités civiles dans les cités dont ils avaient la charge. Ils constituaient un important maillon de l'administration du royaume mérovingien.

    Succession chez les Mérovingiens

    Lors du traité entre l'Empire Romain et les Francs Saliens, que dirigent des rois qui deviendront les Mérovingiens de l'historiographie, il est rappelé que la succession à la charge de Général reste la prérogative du Princeps romain. Rapidement, celui-ci n'est plus en mesure d'imposer ses choix; il ne peut donc que les valider, à la demande du général qui a pris le commandement après la mort de son prédécesseur. Dans les faits, le général, roi pour son peuple, est nommé selon les usages germaniques qui prévalent au sein de son peuple, et ce choix est validé par le Princeps10.

    Le royaume franc était considéré d’après la tradition germanique comme un bien patrimonial, c’est-à-dire que le royaume constituait le domaine familial du roi. Il n’y avait plus de distinction entre l’État, sa personne et son bien. Les victoires militaires aboutissaient donc à l’accroissement de la propriété familiale du roi. Ce partage était issu de la loi salique germanique. Cette loi excluait les femmes de la succession tant qu’il restait des héritiers mâles. Ainsi à la mort du roi, le royaume était divisé entre ses enfants de sexe masculin même si une femme peut hériter d'un domaine en pleine possession et non simplement comme usufruitière. Le titre de roi des Francs, ou Rex Francorum en latin, est générique. Il se transmet du père au fils, d'une génération à l'autre, dans la même famille, celle des Mérovingiens.

    Il faut néanmoins savoir que l'expression loi salique désigne deux réalités bien différentes.

    • Dans le haut Moyen Âge, il s'agit d'un code de loi élaboré, selon les historiens, entre le début du IVe siècle et le VIe siècle pour le peuple des Francs dits « saliens », dont Clovis fut l'un des premiers rois. Ce code, rédigé en latin, et comportant de forts emprunts au droit romain11, établissait entre autres les règles à suivre en matière d'héritage à l'intérieur de ce peuple.
    • Plusieurs siècles après Clovis, dans le courant du XIVe siècle, un article de ce code salique fut exhumé, isolé de son contexte, employé par les juristes de la dynastie royale des Valois pour justifier l'interdiction faite aux femmes de succéder au royaume de France directement issu de celui des Francs. À la fin de l'époque médiévale et à l'époque moderne, l'expression loi salique désigne donc les règles de succession au trône de France. Ces règles ont par ailleurs été imitées dans d'autres monarchies européennes. L'éviction des femmes du pouvoir par cette loi rattachée à une tradition franque mérovingienne puis carolingienne a été célébrée ou critiquée dès le XIIIe siècle12,13.
    Copie manuscrite sur vélin du VIIIe siècle de la loi salique. Paris, bibliothèque nationale de France.
    Article détaillé : Loi salique.

    Difficultés pratiques

    La première difficulté pratique était que le royaume devait être divisé équitablement. La mort du roi était suivie de nombreux pourparlers afin de décider de quelles régions allait hériter chaque fils. Ensuite, le partage du royaume faisait qu’il n’y avait plus un seul souverain à la tête d’un grand royaume mais plusieurs souverains à la tête de plusieurs petits royaumes ce qui affaiblissait considérablement le pouvoir de la dynastie franque. Cependant, le partage du royaume n’était pas aussi anarchique qu’on pourrait le croire. Bien qu’ayant chacun un bout de territoire franc, ils souhaitaient tous préserver l’unité du Regnum (royaume) (unification politique des peuples de la ligue franque (Chattes, Chamaves, Tubantes...), en un seul peuple, celui des Francs). Chaque héritier était donc considéré comme Rex Francorum, c’est-à-dire roi des Francs. Le roi règne sur un peuple et non un territoire. Cette recherche d’unité était telle que les frontières ont toujours été très défendues contre les différentes tentatives d’invasion. Ainsi, bien que divisé, le royaume franc était toujours considéré comme une unité. Enfin, Paris ancienne capitale sous Clovis, a perdu ce rôle pour devenir le symbole de l’unité du royaume car elle était exclue des partages.

    Conséquences politiques

    Plusieurs parties de territoires pouvaient être réunies par la force ou si l’un des frères mourait sans enfants.

    Le partage du royaume créa donc des conflits fratricides dictés par la convoitise qui étaient généralement suivis par des meurtres en série ou des guerres entre royaumes frères. Fustel de Coulanges voit dans cette royauté mérovingienne « un despotisme tempéré par l'assassinat »14.

    Prenons l’exemple de Clovis Ier : sa mort a été suivie du premier partage du royaume entre ses quatre fils : Théodoric, Clodomir, Childebert, Clotaire. Clodomir mourut lors d’une des nombreuses conquêtes qu’entreprirent les quatre frères. Les autres massacrèrent alors leurs neveux pour écarter tout héritier sauf saint Cloud qui se fit tondre (la chevelure des rois mérovingiens était légendaire, ils tenaient leur force et leur charisme de leurs cheveux qu’ils laissaient longs). Théodoric mourut après avoir envahi la Thuringe. Ses successeurs le suivirent rapidement suite aux guerres incessantes. Clotaire envahit le territoire de son frère aîné. Childebert mourut peu après sans descendance. Clotaire réunifia donc entièrement le royaume franc. Mais ce fut à la mort de ce dernier que les choses se sont réellement envenimées. Clotaire mourut avec quatre héritiers : Caribert, Chilpéric, Gontran, Sigebert. On procéda donc à un second partage du royaume qui fut suivi d’une longue « saga familiale » tragique confrontant la famille de Sigebert et Chilpéric. Cette querelle familiale, largement alimentée par la haine entre leurs épouses respectives, Brunehilde et Frédégonde, tourna rapidement à la guerre civile (connue sous le nom de faide royale).

    Lorsque Sigebert épousa Brunehilde (fille réputée belle, intelligente…), son frère, jaloux, épousera Galswinthe, la sœur de Brunehilde, qui finira finalement étranglée dans son lit par la maîtresse et future épouse de Chilpéric, Frédégonde. La haine s’installera donc entre les deux couples. Les territoires francs passeront de mains en mains. Finalement Sigebert et Chilpéric seront tous deux assassinés par Frédégonde. Les deux reines, toutes deux tutrices s’affronteront en tuant neveux, cousins et oncles afin de mettre leurs fils respectifs sur le trône.

    La haine que se voueront Frédégonde et Brunehilde aggravera la division Austrasie – Neustrie. Elle fera perdre toute unité au royaume et freinera le développement de la dynastie mérovingienne. Les conflits familiaux profiteront, par ailleurs, aux maires du palais. Ces guerres vont appauvrir les rois alors que les maires du palais vont s’enrichir et ainsi bénéficier d'un pouvoir croissant qui vont les amener jusqu’au trône avec l'avènement de Pépin le Bref.

    Économie et administration sous les Mérovingiens

    Jusqu'au règne de Dagobert Ier, l'État mérovingien ne se distingue pas fondamentalement de la tradition romaine. Après les troubles profonds dus aux invasions, l'état social du pays reprend son ancien caractère romain. Les terres du fisc impérial passent bien dans les mains du roi mais les grands propriétaires gallo-romains ont, sauf de rares exceptions, conservé leurs domaines, organisés comme ils l'étaient sous l'Empire. Le commerce reprend lentement son activité. Marseille, centre du grand commerce maritime avec l'Orient, reçoit ces marchands syriens que l'on retrouve d'ailleurs dans les villes importantes du sud de la Gaule et qui, avec les Juifs, sont les principaux marchands du pays. Les villes de l'intérieur conservent une bourgeoisie de commerçants parmi lesquels il en est qui, en plein VIe siècle, nous sont connus comme des notables riches et influents.

    Grâce à ce commerce régulier qui maintient dans la population une importante circulation de marchandises et d'argent, le trésor du roi, alimenté par les tonlieux, dispose de ressources importantes, au moins aussi considérables que celles qu'il retire du revenu des domaines royaux et du butin de guerre.

    Cette civilisation tombe dans une certaine décadence mais elle conserve ses traits essentiels.

    Les fonctionnaires importants, choisis parmi les grands, font preuve, à l'égard du pouvoir, d'une singulière indépendance et l'impôt n'est souvent prélevé par le comte qu'à son profit personnel. L'affaiblissement de l'ancienne administration romaine, coupée de Rome, et dont le roi maintient avec peine les derniers vestiges, permet à l'aristocratie des grands propriétaires de prendre, en face du roi et dans la société, une position de plus en plus forte. C'est surtout dans le Nord, en Austrasie, où la romanisation est presque complètement effacée, qu'elle s'assure, dès le VIIe siècle, une prépondérance absolue.

    Cette aristocratie, dont l'action grandit sans cesse, n'a rien d'une noblesse. Elle ne se distingue pas du reste de la nation par sa condition juridique, mais seulement par sa condition sociale. Ceux qui la composent sont, pour parler comme leurs contemporains, des grands (majores), des magnats (magnates), des puissants (potentes), et leur puissance dérive de leur fortune. Tous sont de grands propriétaires fonciers : les uns descendent de riches familles gallo-romaines antérieures à la conquête franque, les autres sont des favoris que les rois ont largement pourvus de terres, ou des comtes qui ont profité de leur situation pour se constituer de spacieux domaines. Qu'ils soient romains ou germaniques de naissance, les membres de cette aristocratie forment un groupe lié par la communauté des intérêts, et chez lequel n'a pas tardé à disparaître et à se fondre dans l'identité des mœurs, la variété des origines. A mesure que l’État, auquel ils fournissent les plus importants de ses agents, se montre plus incapable de garantir la personne et les biens de ses sujets, leur prépondérance s'affirme davantage. Leur situation personnelle profite des progrès de l'anarchie générale et l'insécurité publique augmente sans cesse leur influence privée. En tant qu'officiers du roi, les comtes traquent et rançonnent les populations qu'ils sont censés protéger[non neutre] ; mais à partir du moment où ces personnes leur auront cédé leurs terres et leurs personnes et seront venus s'annexer à leurs domaines, ces mêmes comtes, en tant que grands propriétaires, étendront sur eux leur puissante sauvegarde. Ainsi les fonctionnaires mêmes de l’État travaillent contre l’État[réf. nécessaire], et en étendant sans cesse sur les hommes et les terres leur clientèle et leur propriété privée, ils enlèvent au roi ses sujets directs et ses contribuables.

    Le rapport qui s'établit entre les puissants et les faibles ne relève pas simplement du rapport économique entre un propriétaire et son tenancier. Né du besoin d'une protection effective au sein d'une société livrée à l'anarchie[non neutre], il crée entre eux un lien de subordination qui s'étend à la personne tout entière. Le contrat de recommandation, qui apparaît dès le VIe siècle, donne au protégé le nom de vassal (vassus) ou de serviteur, au protecteur le nom d'ancien ou de seigneur (senior). Le seigneur est tenu non seulement de pourvoir à la subsistance de son vassal, mais de lui fournir d'une manière permanente secours et assistance et de le représenter en justice. L'homme libre qui se recommande conserve les apparences de la liberté, mais en fait, il est devenu un client, un sperans du senior.

    Ce protectorat que le seigneur exerce sur les hommes libres en vertu de la recommandation, il l'exerce naturellement aussi et avec plus d'intensité sur les hommes qui appartiennent à son domaine, anciens colons romains attachés à la glèbe ou serfs descendant d'esclaves romains ou germaniques dont la personne même, en vertu de la naissance, est sa propriété privée. Sur cette population dépendante, il possède une autorité à la fois patriarcale et patrimoniale qui tient tout ensemble de la justice de paix et de la justice foncière. Il n'y a là, au début, qu'une simple situation de fait. Mais rien n'illustre mieux l'impuissance de l’État que l'obligation dans laquelle il s'est trouvé de la reconnaître. À partir du VIe siècle, le roi accorde, en nombre toujours croissant, des privilèges d'immunité. Il faut entendre par là des privilèges concédant à un grand propriétaire (le plus souvent une propriété ecclésiastique) l'exemption du droit d'intervention des fonctionnaires publics dans son domaine. L'immuniste est donc substitué sur sa terre à l'agent de l’État. Sa compétence, d'origine purement privée, reçoit une consécration légale. Cependant, il est délicat d'affirmer que l’État capitule devant l'immuniste, car la compétence de ce dernier émane du roi et s'exerce en son nom.

    La situation est d'autant plus grave[non neutre] que des propriétés du roi lui-même, qui avaient compris à l'origine tout le domaine foncier de l'Etat romain, il ne subsiste plus, à la fin de la période mérovingienne, que d'insignifiants débris[réf. nécessaire]. Lambeau par lambeau, en effet, elles ont été cédées à l'aristocratie en vue d'acheter sa fidélité. Les partages continuels de la monarchie entre les descendants de Clovis, la séparation et la réunion alternatives des royaumes de Neustrie, d'Austrasie et de Bourgogne, le remaniement continuel des frontières et les guerres civiles qui en étaient la suite, furent pour les grands une excellente occasion de marchander leur dévouement aux princes que le hasard des héritages appelait à régner sur eux et qui, pour s'assurer la couronne, étaient tout prêts à sacrifier le patrimoine de la dynastie.

    Pour la première fois une opposition va se manifester entre l'aristocratie romanisée de Neustrie, et les grands d'Austrasie, restés beaucoup plus proches des mœurs et des institutions germaniques[réf. nécessaire]. L'avènement de l'aristocratie amène naturellement les influences locales à se manifester ; la diversité se substitue ainsi à l'unité royale.

    La conquête de la Méditerranée par les Musulmans devait précipiter l'évolution politique et sociale qui s'annonçait. Jusqu'alors, au milieu d'une société qui glissait vers le régime de la propriété seigneuriale, les villes s'étaient maintenues vivantes par le commerce, et avec elles une bourgeoisie libre.

    Dans la seconde moitié du VIIe siècle, tout commerce cesse sur les côtes de la Méditerranée occidentale. Marseille, privée de navires, meurt asphyxiée, et toutes les villes du midi, en moins d'un demi-siècle, tombent dans une totale décadence[non neutre]. À travers tout le pays, le commerce, que n'alimente plus la mer, s'éteint ; la bourgeoisie disparaît avec lui ; il n'existe plus de marchands de profession, plus de circulation commerciale, et, par contre coup, les tonlieux cessent d'alimenter le trésor royal, incapable de faire face désormais aux dépenses du gouvernement.

    L'aristocratie représente, dès lors, la seule force sociale. En face du roi ruiné, elle possède, avec la terre, la richesse et l'autorité ; il ne lui reste plus qu'à s'emparer du pouvoir15.

    Notes

    1. Les débats des historiens sont encore vifs au sujet de cette date. Certains placent la conversion dès 496 tandis que d'autres ne l'imaginent pas avant 511.
    2. Christian Settipani pense que le roi en question n'est pas Childéric II mais Clotaire II ou Dagobert Ier.

    Références

    1. H. Pirenne, Histoire de l'Europe. Des invasions au XVIe siècle, Paris-Bruxelles, 1939, pp. 35-36
    2. a, b et c L'Histoire n°358, novembre 2010, page 44-45.
    3. Geneviève Bürher-Thierry et Charles Mériaux, La France avant la France, Belin, 2010, p. 138.
    4. a, b, c, d, e, f, g, h, i, j, k et l Régine Le Jan, « La sacralité de la royauté mérovingienne [archive] », Annales. Histoire, Sciences Sociales, Juin 2003 (58e année), p. 1217-1241.
    5. Jean Hoyoux, « Reges criniti Chevelures, tonsures et scalps chez les Mérovingiens », dans Revue belge de philologie et d'histoire, vol. 26, no 3, 1948, p. 479-508 [texte intégral [archive]]
    6. « Beaucoup rapportent que ceux-ci (les Francs) seraient sortis de la Pannonie et auraient d'abord habité les rives du fleuve Rhin ; puis, après avoir franchi le Rhin, ils seraient passés en Thuringe et là ils auraient créé au-dessus d'eux dans chaque pays et chaque cité des rois chevelus appartenant à la première et, pour ainsi dire, à la plus noble famille de leur race », Grégoire de Tours, Histoire des Francs, trad. R. Latouche, Les Belles Lettres, 1963, Livre II, p. 98.
    7. Georges Tessier, Le baptême de Clovis, éditions Gallimard, 1964, pp. 265-267.
    8. a et b L'Histoire n°358, novembre 2010, page 58-61.
    9. Geneviève Bürher-Thierry et Charles Mériaux, La France avant la France, Belin, 2010, p. 188.
    10. K. F Werner, naissance de la Noblesse, op. cit.
    11. Bruno Dumézil, « Les Francs ont-ils existé? », L'Histoire, n° 339, février 2009, pp. 80-85.
    12. Colette Beaune, Naissance de la Nation France, 1993, folio histoire, éd. Gallimard.
    13. Éliane Viennot, La France, les femmes et le pouvoir, Volume 1, L'invention de la loi salique (Ve-XVIe siècle), Perrin, 2006.
    14. Jean Silve de Ventavon, La légitimité des lys et le duc d'Anjou, Fernand Lanore, 1989 [lire en ligne [archive]], p. 20
    15. H. Pirenne, Histoire de l'Europe. Des invasions au XVIe siècle, Paris-Bruxelles, 1939, pp. 36-39

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  • Qu’est-ce qu’un oligarque ? Entretien avec Alexandre Douguine

    Les oligarques sont-ils la version russe de l’hyperclasse ? Nous le subodorions… Pour en être certain nous avons interrogé Alexandre Douguine, professeur de sociologie à l’université de Moscou et chef de file du Mouvement eurasiste. Sa réponse est oui... et non ! 

    Alexandre Douguine, pouvez vous nous dire ce qu’est un oligarque ? Quand sont-ils apparus en Russie et dans quelles circonstances ?

    Alexandre Douguine : La figure de l’oligarque est apparue en Russie dans les années 1990. Ce furent de jeunes businessmen, soutenus par des éléments criminels, qui prirent part à la privatisation des entreprises de l’époque soviétique et qui, ce faisant, réussirent à rassembler des fortunes immenses grâce a la destruction de l’économie socialiste et à la corruption sans précédent qui régna alors. Tout cela dans une période de temps très brève.

    Les libéraux autour d’Eltsine ont commencé à construire le capitalisme en Russie de manière artificielle. Sauf que dans l’URSS il n’y avait pas de bourgeoisie. Donc ils ont été obligés de la créer vite et de toute pièce. L’alliance des réformateurs libéraux occidentalistes et des bureaucrates ex-soviétiques corrompus a ainsi produit le phénomène des oligarques.

    À l’époque d’Eltsine, ils se sont organisés dans une sorte de club des oligarques et ils ont acquis ainsi un poids politique important. Ils soutenaient les médias pro-occidentaux, les partis politiques réformateurs et ils faisaient pression sur Eltsine pour l’obliger à mener une politique allant dans le sens de leurs intérêts et de ceux des États-Unis. Ils ont alors placé leur fortune immense dans des banques occidentales et sont devenu chez nous, dans la totalité des cas, des agents d’influence volontaires de l’Occident.

    Donc l’oligarque ce n’est pas seulement le nouveau riche de la Russie des années 1990, mais plutôt le nouveau riche plus riche que les autres, conscient de ses intérêts, participant activement à la politique, soutenant l’idéologie libérale, réalisant les souhaits de l’Occident et impliqué dans des activités criminelles et dans la corruption au plus haut niveau.

    Combien sont-ils et qui sont les plus connus ?

    Alexandre Douguine : C’est difficile à dire parce qu’il s’agit d’un statut informel. On cite le plus souvent comme en faisant partie : Berezovsky, Gusinsky, Nevzlin, Khodorkovsky, d’une part, Abramovitch, Potatnin, Derepaska, Fridman, Aven, Prokhorov, d’autre part.

    Les premiers ont été chassés par Poutine et persécutés du fait de leur insistance à faire mener une politique identique à celle de l’époque d’Eltsine. Les autres ont choisi d’accepter les nouvelles règles du jeu imposées par Poutine. En Occident on critique les oligarques pro-Poutine et on soutient ceux qui s’opposent à lui. C’est un double jeu géopolitique et atlantiste (anti-Russie et anti-Eurasie) typique.

    Objectivement, la nature des oligarques est la même dans deux cas : ce sont des criminels libéraux, russophobes et atlantistes. La différence est uniquement que les premiers le sont ouvertement et que les autres le cachent. 

    Peut-on considérer que les oligarques sont les représentants en Russie de l’hyperclasse ?

    Alexandre Douguine : Dans un certain sens oui, mais comme je l’ai dit les oligarques ne sont pas que les plus riches, ils sont de plus idéologiquement libéraux, politiquement actifs et géopolitiquement atlantistes. Il y a en Russie d’autres super-riches auxquels il manque l’un ou l’autre de ces traits. Par exemple certains ne sont pas libéraux, d’autres ne sont pas atlantistes, et le plus grand nombre se garde bien d’avoir la moindre activité politique.

    Les oligarques sont-ils bien tous libéraux ? Il n’en existe pas de patriotes ?

    Alexandre Douguine : En Russie, on ne désigne comme oligarques que les libéraux actifs, occidentalistes et atlantistes. S’ils sont patriotes ils restent des extra-riches mais ne sont pas considérés comme des oligarques. Les extra-riches patriotes ne se mêlent presque jamais de politique et sont satisfaits de s’enrichir encore plus sans faire de bruit en profitant de la situation actuelle. 

    Quels sont les rapports entre Vladimir Poutine et les oligarques ?

    Alexandre Douguine : Poutine a proposé un pacte aux oligarques juste après sa première élection. Il leur a uniquement demandé, en contre-partie de l’impunité, de ne pas nuire à la souveraineté du pays et de ne pas contester la primauté de l’administration nationale. Certains ont refusé comme Berezovsky, Gusinsky et, plus tard, Khodorkovsky ; les autres ont accepté. Ceux qui ont accepté le pacte ont ensuite soutenu, pour la plupart, Medvedev et son groupe de réformateurs.

    Il est naturel que Poutine soit influencé en partie par les oligarques, y compris par ceux qui luttent contre lui en finançant, en commun avec les États-Unis, les manifestations anti-Poutine, parce qu’ils dictent certaines stratégies et qu’ils insistent sur la privatisation et sur la libéralisation de l’économie russe. 

    Pour quelles raisons une partie des oligarques a-t-elle refusé le pacte que Poutine lui proposait ?

    Alexandre Douguine : Je crois qu’il y a plusieurs raisons à cela.

    Tout d’abord, certains se sont sentis humiliés par l’affirmation de la supériorité de l’État et du Président par rapport à eux-mêmes qui, pendant les années 1990, dirigeaient presque ouvertement le pays, son économie et sa politique. C’est certainement le cas de Boris Berezovsky. Ensuite, d’autres ont compris que l’Occident serait contre Poutine, qui allait réaffirmer l’indépendance de la Russie, et ils ont donc préféré, afin de conserver leurs fortune en sécurité dans les banques occidentales ou dans les zones off shore, s’allier avec l’Ouest dans la fronde contre Poutine. Finalement, les autres sont arrivés à la conclusion que le libéralisme était menacé par Poutine et que sa politique pouvait devenir populiste, donc orientée contre les oligarques. Pour eux, la lutte contre Poutine est une guerre des classes préventive...

    http://www.egaliteetreconciliation.fr

  • National-bolchevisme et extrême-droite

     

    National-bolchevisme et extrême-droite
    Réponse à un étudiant en sciences politiques dans le cadre d’un mémoire

    Quelles sont les relations entre “national-bolchevisme” et “extrême-droite”? Cette dernière a-t-elle le même programme social que les partis révolutionnaires?

    Question difficile qui oblige à retourner à toute la littérature classique en ce domaine: Sauermann, Kabermann, Dupeux, Jean-Pierre Faye, Renata Fritsch-Bournazel, etc. En résumé, on peut dire que le rapprochement entre nationalistes (militaristes et conservateurs) et le parti communiste allemand en 1923, repose sur le contexte et les faits historiques suivants:

    1. L'Allemagne est vaincue et doit payer d'énormes réparations à la France. Son économie est fragilisée, elle a perdu ses colonies, elle n'a pas d'espace pour déverser le trop-plein de sa population ou l'excédent de sa production industrielle, elle n'est pas autonome sur le plan alimentaire (perte de la Posnanie riche en blé au profit du nouvel Etat polonais) , ses structures sociales et industrielles sont ébranlées.

    2. L'URSS communiste est mise au ban des nations, est boycottée par les Anglo-Saxons. Elle a du mal à décoller après la guerre civile qui a opposé les Blancs aux Rouges.

    3. Par une alliance entre Allemands et Soviétiques, le Reich trouve des débouchés et des sources de matières premières (Sibérie, blé ukrainien, pétrole caucasien, etc. ) et l'URSS dispose d'un magasin de produits industriels finis.

    4. Pour étayer cette alliance qui sera signée à Rapallo en 1922 par les ministres Rathenau et Tchitchérine, il faut édulcorer les différences idéologiques entre les deux Etats. Pour les Allemands, il s'agit de déconstruire l'idéologie anti-communiste qui pourrait être activée en Allemagne pour ruiner les acquis de Rapallo. Le communisme doit être rendu acceptable dans les médias allemands. Pour les Soviétiques, les Allemands deviennent des victimes de la rapacité capitaliste occidentale et du militarisme français.

    5. Les cercles conservateurs autour d'Arthur Moeller van den Bruck élaborent la théorie suivante: Russie et Prusse ont été imbattables quand elles étaient alliées (comme en 1813 contre Napoléon) . Sous Bismarck, l'accord tacite qui unissait Allemands et Russes a donné la paix à l'Europe. L'Allemagne est restée neutre pendant la guerre de Crimée (mais a montré davantage de sympathies pour la Russie) . L'alliance germano-russe doit donc être un axiome intangible de la politique allemande. Le changement d'idéologie en Russie ne doit rien changer à ce principe. La Russie reste une masse territoriale inattaquable et un réservoir immense de matières premières dont l'Allemagne peut tirer profit. Moeller van den Bruck est le traducteur de Dostoïevski et tire les principaux arguments de sa russophilie pragmatique du “Journal d'un écrivain” de son auteur favori. Comprendre les mécanismes de l'alliance germano-russe et, partant, du rapprochement entre “bolchéviques” et “nationalistes”, implique de connaître les arguments de Dostoïevski dans “Journal d'un écrivain”.

    6. Côté communiste, Karl Radek engage les pourparlers avec la diplomatie du Reich et avec l'armée (invitée à s'entraîner en Russie; cf. l'œuvre militaire du Général Hans von Seeckt; pour comprendre le point de vue soviétiques, cf. l'œuvre de l'historien anglais Carr) .

    7. L'occupation franco-belge de la Ruhr empêche l'industrie rhénane de tourner à fond pour le Reich et, donc, par ricochet pour l'URSS, dont le seul allié de poids est le Reich, en dépit de ses faiblesses momentanées. Les communistes, nombreux dans cette région industrielle et bien organisés, participent dès lors aux grèves et aux boycotts contre la France. Le Lieutenant Schlageter qui a organisé des sabotages aux explosifs et des attentats est arrêté, condamné à mort et fusillé par les Français: il est un héros des nationalistes et des communistes dans la Ruhr et dans toute l'Allemagne (cf. les hommages que lui rendent Radek, Moeller van den Bruck et Heidegger) .

    8. Allemands et Russes entendent soulever les peuples dominés dans les colonies françaises et anglaises contre leurs dominateurs. Dans le cadre du “national-bolchevisme”, on voit se développer un soutien aux Arabes, aux Indiens et aux Chinois. L'idéologie anti-colonialiste naît, de même qu'un certain anti-racisme (nonobstant la glorification de la germanité dans les rangs conservateurs et nationaux) .

    9. Autre facteur dans le rapprochement germano-soviétique: la Pologne qu'Allemands et Russes jugent être instrumentalisée par la France contre Berlin et Moscou. En effet, en 1921, quand les Polonais envahissent l'URSS, à la suite d'une attaque soviétique, ils sont commandés par des généraux français et armés par la France. Dans les années 20 et 30, la France co-finance l'énorme budget militaire de la Pologne (jusqu'à 37% du PNB) .

    10. L'idéal axiomatique d'une alliance germano-russe trouve son apogée dans les clauses du pacte germano-soviétique d'août 1939. Elles seront rendues nulles et non avenues en juin 1941, quand les armées de Hitler envahissent l'Union Soviétique.

    11. Dans les nouvelles moutures de “national-bolchevisme”, après 1945, plusieurs facteurs entrent en ligne de compte:

    a) Refuser la logique anti-soviétique des Américains pendant la guerre froide et surtout après l'accession de Reagan à la présidence à la suite des élections présidentielles de novembre 1980. Ce refus culmine lors de la vague pacifiste en Allemagne (1980-85) , où on ne veut pas de guerre nucléaire sur le sol européen. C'est aussi l'époque où les principaux idéologues du national-bolchevisme historique sont redécouverts, commentés et réédités (p. ex. Ernst Niekisch) .

    b) Remettre sur pied une forme ou une autre d'alliance germano-soviétique (en Allemagne) ou euro-soviétique (ailleurs, notamment en Belgique avec Jean Thiriart) .

    c) Créer un espace eurasiatique comme ersatz géopolitique de l'internationalisme (prolétarien ou autre) .

    d) Montrer une préférence pour les idéologies martiales contre les idéologies marchandes, véhiculées par l'américanisme.

    e) Chercher une alternative au libéralisme occidental et au soviétisme (jugé trop rigide: “panzercommunisme”, “capitalisme d'Etat”, règne des apparatchiks, etc. ) ;

    f) La recherche de cette alternative conduit à se souvenir des dialogues entre “extrême-droite” et “extrême-gauche” d'avant 1914 en France. Dans cette optique, les travaux du Cercle Proudhon en 1911 où nationalistes maurrasiens et socialistes soréliens avaient confronté leurs points de vue, afin de lutter contre un “marais” politique parlementaire, incapable de résoudre rapidement les problèmes de la société française.

    g) Ce “néo-national-bolchevisme” retient des années 20 et 30 une option anti-colonialiste ou anti-néo-colonialiste, amenant la plupart des cercles nationaux-révolutionnaires ou nationaux-bolcheviques à prendre fait et cause pour les Palestiniens, pour Khadafi, pour l'Iran, etc. et à partager avec les gauchistes le culte de personnalités comme le Che. De même, à appuyer les guerillas ethnistes en Europe (IRA, Basques, Corses, etc. ) .

    La question du programme social est complexe, mais il ne faut pas oublier le contexte. La bourgeoisie allemande est ruinée, elle n'a plus d'intérêts immédiats et peut accepter des revendications sociales extrêmes. Le mark ne vaut plus rien, l'inflation atteint des proportions démesurées. Entre 1924 et 1929, quand la société allemande semble se normaliser, les clivages réapparaissent mais sont à nouveau balayés par le krach de 1929. N'oublions pas que l'Allemagne, contrairement aux Etats occidentaux, avait mis sur pied un système de sécurité social optimal, avec le concours de la social-démocratie, associée au pouvoir depuis Ferdinand Lassalle (chef de la sociale-démocratie à la fin du XIXième siècle) . La notion de justice sociale y est donc mieux partagée qu'en Occident. Droites et gauches rêvaient de concert de remettre en état de fonctionnement le système social wilhelminien. La plupart des débats oscillaient entre redistribution des revenus (des nationalistes aux sociaux-démocrates) et expropriation des biens privés (les ultras de la gauche communiste) .

    Mai 1998. Robert Steuckers  http://www.voxnr.com
  • « Le stratagème européen pour la France »

    [Tel est le titre d'une tribune que nous envoie un lecteur et que vous pouvez lire ci-dessous.
    Bien entendu, elle n'engage pas la rédaction de Contre-info, mais peut-être le support d'une saine réflexion.
    ]

    « Il est toujours amusant de voir nos hommes politiques proclamer dans les médias leur amour inconditionnel de la France et laisser entendre, dans le même temps, que notre nation n’est pas assez mâture ni assez importante pour s’en sortir par elle-même. Pour eux, la conclusion est toute trouvée : il faut impérativement que notre pays se fonde dans un ensemble continental voué au mondialisme et fusionne avec Malte ou la Slovénie pour continuer à exister. La contradiction entre leur patriotisme de façade et leur européisme échevelé est évidente, mais il ne suffit pas de constater cette incohérence sans nul doute voulue. Encore faut-il comprendre et démontrer en quoi l’Union européenne est directement nocive pour la France (tout comme elle l’est pour toutes les nations du continent). Et le stratagème conçu par Bruxelles et nos dirigeants européistes est redoutable. Un certain nombre d’analyses s’y sont déjà attelées mais celle-ci entend apporter sa pierre à l’édifice en montrant à quel point cette stratégie est aussi raffinée que dangereuse.

    Le danger le plus évident : la disparition de notre mode de vie

    Il est désormais acquis pour tous les observateurs un peu sensés que l’euro est à la source de bon nombre de nos problèmes économiques, notamment de l’écroulement de nos exportations. Ces mêmes observateurs savent parfois moins que ce sont plus largement les traités européens qui pénalisent notre économie, puisque le fameux Traité de Lisbonne accepté par toute la classe politique française malgré le référendum de 2005 organise et favorise les délocalisations, la fuite des capitaux, le chômage, etc. In fine, c’est tout notre mode et toute notre qualité de vie qui sont menacés directement par l’Union européenne et la participation coupable de nos dirigeants. Bien évidemment, tous nos grands médias étant détenus, au travers de fonds d’investissement et autres multinationales, par les États-Unis d’Amérique ou leurs alliés, il est peu probable que de telles analyses antimondialistes soient développées à vingt heures sur TF1 ou France Télévisions.

    Le stratagème est déjà absolument terrible et il a été décortiqué à plusieurs reprises par certains opposants sagaces au mondialisme. Pourtant, ce n’est pas le pire. Alors que notre pays s’enfonce plus rapidement qu’on ne le pense dans une profonde dépression économique, les médias et hommes politiques français font tout pour détourner l’attention sur d’autres pays par rapport auxquels nous serions prétendument plus avantagés. Inutile de comparer notre économie à celle de la Grèce : ce serait comme chercher à se rassurer en comparant notre espérance de vie à la naissance avec celle du Laos. Ce serait donc se voiler la face en pointant les autres du doigt. Une étude récemment réalisée par Philippe Murer, professeur de finance à la Sorbonne, montre par exemple que le taux de chômage réel atteint facilement 21% en France (et 16% dans une Allemagne prétendument en plein miracle économique), si l’on tient compte des statistiques occultées par les organismes officiels. Dès lors, il devient difficile de se rassurer face au taux espagnol, proche des 25%. Il est encore plus ardu de comparer le caractère compétitif de notre économie face à des pays que les médias dominants disent plus en difficulté : ce n’est pas qu’avec l’Allemagne, mais aussi avec l’Italie ou l’Espagne que notre balance commerciale est largement déficitaire. Quant aux politiques d’austérité imposées à des peuples voisins, elles le seront bientôt aux Français, que le gouvernement en place soit socialiste ou conservateur, nul n’en est dupe. Néanmoins, le stratagème européiste semble fonctionner puisque la plupart de nos concitoyens se réjouissent presque de n’être pas espagnols ou italiens… tout en se lamentant de la nullité de la France, pourtant causée par des facteurs extérieurs.

    Un danger plus pernicieux : notre disparition géopolitique et culturelle

    Comme souvent, les dangers les plus importants sont rarement les plus voyants. Nos problèmes économiques directement causés par le mondialisme et l’ultra-libéralisme européens ont beau être graves, ils le sont moins que notre progressive disparition géopolitique et culturelle dans le monde. Un premier constat simple à réaliser : en dehors de trop rares occasions (le refus du gouvernement de participer à la guerre d’Irak, en 2003), nous nous alignons toujours sur la politique américaine, promue par l’Union européenne et imposée à tous les pays-membres. Notre intervention en Libye en 2011 et la propagande mondialiste qui nous pousse à armer les « rebelles » syriens, dont l’obédience politique est plus que trouble, n’en sont que des illustrations récentes.

    Au-delà de cette politique belliqueuse directement inspirée du choc des civilisations de Samuel Huntington (un Américain proche des services secrets, comme par hasard), l’Union européenne favorise aussi l’amitié franco-allemande dont l’on peut légitimement se demander ce qu’elle apporte à la France. Littéralement écrasé par le commerce extérieur germanique, la France est aussi totalement coupée de son espace géopolitique naturel, la Méditerranée. Nos relations avec nos anciennes colonies du Maghreb et d’Afrique subsaharienne sont presque nulles – sauf pour y défendre les intérêts du grand capital pétrolier ou minier, ou bien encore pour y soutenir les dictateurs que nous dénoncerons ensuite. Ne parlons pas non plus du mépris que nous ne cessons d’exprimer à l’égard des pays d’Europe méditerranéenne, pourtant latins et de tradition catholique comme nous. Cependant, face à l’écroulement démographique du monde germanophone ou de l’Europe centrale et orientale, la France, si elle défendait ses intérêts au lieu de défendre ceux du mondialisme libéral, s’intéresserait de près à des zones du monde émergentes, dont l’Asie orientale et l’Amérique latine. Dans ce dernier cas, une alliance au cas par cas avec l’Espagne serait bien plus judicieuse pour nous, puisqu’il s’agit du premier partenaire européen du Brésil, du Mexique, de l’Argentine, du Venezuela, de la Colombie, etc.

    D’ailleurs, cette politique totalement aveugle concernant notre identité et nos intérêts bien compris a provoqué aussi un déclin accéléré de la langue française dans le monde. Obnubilés par l’Union européenne, nos dirigeants se laissent illusionner par les chiffres surestimés de la Francophonie et ne voient pas que la langue de Molière a reculé partout : Canada anglophone, États-Unis d’Amérique, Brésil, Argentine, Asie orientale, ancienne Indochine, etc. Et ce n’est pas seulement l’anglais qui nous a dépassés, mais aussi d’autres langues, comme l’espagnol. Notre vénération des principes européistes et mondialistes fait donc partie d’un stratagème bruxellois plus large : nous couper de toutes nos alliances traditionnelles, nous mettre au pas en termes géopolitiques et faire reculer notre culture et notre langue (c’est-à-dire notre vision propre du monde) sur la planète. Jusqu’à quand ?

    de Maeztu » http://www.contre-info.com

  • Florange: lettre ouverte du leader CFDT Édouard Martin à Hollande

    Pas contente, la CFDT. Dans une lettre ouverte adressée jeudi à François Hollande, à qui il demande de ne « pas laisser les salariés être sacrifiés », son leader de l'usine ArcelorMittal de Florange (Moselle), Édouard Martin, pointe les « mensonges, absurdités et vérités » à propos de l'aciérie lorraine.
    « On fait payer Florange. Ça fera du bruit, mais ça se fera quand même, pense Mittal. Dans notre système français, seul le gouvernement peut l'empêcher. Le gouvernement laissera-t-il faire? », interroge Édouard Martin dans sa lettre, publiée jeudi soir sur le site Internet du quotidien Le Républicain lorrain.
    « Monsieur le Président, après vos promesses, nous laisserez-vous être sacrifiés sans comprendre et arrêter cette mécanique à nous broyer ? », poursuit-il.
    Le responsable CFDT conteste notamment l'accord conclu fin novembre entre le Premier ministre Jean-Marc Ayrault et le numéro un mondial de l'acier.
    « Il n'y aura pas de plan social parce que la pyramide des âges de l'usine conduira au départ naturel de plus de 600 personnes en trois ans. Dès lors, faire un plan social coûterait plus cher à Mittal qui devrait payer les indemnités de licenciement », estime M. Martin. « Ne pas avoir de plan social est une bonne chose, mais ce n'est pas une victoire », souligne-t-il.
    L'engagement de Mittal à investir 180 millions d'euros sur le site mosellan est également critiqué, car « ce montant contient les dépenses opérationnelles et de maintenance: ce qui reste pour les investissements stratégiques est insuffisant », estime le syndicaliste.
    « Même la maintenance n'est plus faite correctement, les dépenses ont été divisées par deux depuis 2008 et Florange, comme Gandrange naguère et la plupart des usines de Mittal, est une usine qui se dégrade à vue d'œil », écrit-il au président de la République.
    La fermeture des hauts fourneaux P3 et P6, les derniers de Lorraine, est dénoncée par M. Martin, qui observe que le projet de captation de CO2 Ulcos, conditionné à un accord de financement par l'Union européenne, « n'a de sens que sur des hauts fourneaux pérennes ».
    « La vérité c'est que l'usine de Florange est compétitive, y compris sa filière chaude, ses hauts fourneaux, son aciérie. Ce n'est pas un slogan syndical. C'est ArcelorMittal qui le dit en 2011, juste avant de nous arrêter les hauts fourneaux », affirme encore le leader CFDT, selon qui Florange est « le deuxième meilleure des cinq usines ArcelorMittal d'Europe du Nord ».

    Avec AFP http://www.francepresseinfos.com/

  • Zimbabwe : le rapport qui accuse (arch 2003)

    Dans un rapport dénonçant la situation du Zimbabwe, les évêques sud-africains et zimbabwéens accusent directement le parti au pouvoir du Président Robert Mugabe d'avoir érigé la torture et la persécution systématique des opposants en pratique de gouvernement. En mai 2003, Amnesty International avait publié un rapport : Zimbabwe. Les droits fondamentaux menacés de toutes parts, qui dénonçait déjà la dérive totalitaire du pays. Etabli à partir d'auditions et de témoignages de responsables officiels du régime et de partisans du ZANU-PF, le parti de Robert Mugabe, le rapport des évêques met de son côté en évidence la responsabilité directe du pouvoir zimbabwéen dans les violences et les meurtres qui agitent le pays. Les milliers de jeunes formant le Service National de la Jeunesse (SNJ), manipulés par le pouvoir, sont mentionnés comme les auteurs de tortures, de destructions, de campagnes de viols et de meurtres. Dans un pays où 30 % de la population adulte vit avec le virus du VIH, les nombreuses victimes des viols sont en grand danger de se retrouver infectées. Les jeunes du SNJ seraient de 30 à 50 000, enrôlés et mis en condition par le ZANU-PF dans des conditions qui rappellent les événements de Côte d'Ivoire et l'utilisation des « jeunes patriotes ». Beaucoup, dégoûtés de leurs actes, ont trouvé refuge en Afrique du Sud où la presse recueille aujourd'hui leurs confessions.
    Les victimes de cette campagne de terreur planifiée ? Les fermiers blancs et leurs familles, décrétés « ennemis du Zimbabwe » par le Président Mugabe, et les partisans ou sympathisants du parti d'opposition MDC (Movement for Democratic Change), dirigé par le syndicaliste Morgan Tsvangirai.
    Un des points les plus marquants de cette intervention des évêques sud-africains et zimbabwéens est la critique ouverte de la tolérance et du soutien implicite manifesté par les pays africains, et particulièrement par l'Afrique du Sud, à l'égard de Robert Mugabe.
    Le comportement des voisins du Zimbabwe semble consister depuis le début de la crise, en 2000, à refuser toute mise en cause explicite du régime d'Harare au nom d'une « diplomatie discrète ». En juillet, le sommet de l'Union africaine a omis de mettre la situation du Zimbabwe à son ordre du jour.
    Mais l'exemple le plus frappant de cette conjuration du silence reste l'attitude de la Commission des droits de l'homme de l'ONU, qui a décidé par un vote en avril 2003 de ne pas se prononcer sur la situation de ces mêmes droits de l'homme dans le pays. La plupart des pays africains, la Chine et Cuba ont soutenu cette motion de « non action », tandis que les Européens, le Japon, l'Amérique latine et les Etats-Unis votaient contre. La nouvelle a été peu commentée.

    La démagogie d'un pouvoir aux abois

    Deux plaies défigurent aujourd'hui l'ancien grenier de l'Afrique australe : une politique économique marquée par un marxisme des plus archaïque, et une pratique politique marquée par le racisme antiblanc et la violence à l'égard de toute opposition.
    Politiquement, la mise en cause violente des fermiers a correspondu à la montée en puissance de l'opposition en 2000. Boucs émissaires rêvés pour un Président en perte de vitesse, les blancs lui ont permis, à travers la mobilisation hâtive des « vétérans » de la guerre d'indépendance, de reconquérir artificiellement une popularité de façade. La manœuvre a eu pour conséquence la désorganisation économique d'un pays dont l'agriculture constituait jusqu'alors la principale source de revenus. 70 % des terres étaient mis en valeur par des fermiers blancs, avant que ne soit décidée la politique d'expropriations et de redistribution des terres.
    Ces expropriations et les violences contre l'opposition sont allées de pair. Depuis 2000, enlèvements, viols et meurtres se sont multipliés à l'encontre de la population blanche avec l'appui explicite du gouvernement, entraînant le départ forcé de 150 000 personnes. 1700 propriétés ont été illégalement occupées. Les meilleures terres ont été distribuées à des affidés du régime, dignitaires politiques, ou membres du ZANU-PFD. Ces privilégiés se sont révélés peu aptes à mettre les exploitations en valeur, et sont aujourd'hui confrontés à une sécheresse qui frappe l'ensemble du pays. La production de tabac et de céréales s'est effondrée. Le chômage touche aujourd'hui 78 % de la population. 230 000 travailleurs noirs ont dû être expulsés du pays.
    En trois ans, conséquence directe des décisions de Robert Mugabe, le pays a subi une récession cumulée de près de 20 %.
    La Zambie, l'Ouganda et le Mozambique, voisins du Zimbabwe, se gardent bien d'imiter la politique d'Harare : les fermiers blancs qui désirent s'y réinstaller sont accueillis à bras ouverts par « des pays qui ont un besoin évident de gens capables de produire de la nourriture quelle que soit leur couleur de peau », selon le journal d'opposition, The Zimbabwe Independent.
    Malgré les mises en garde de la Grande-Bretagne, des Etats-Unis et de l'Union Européenne, Mugabe persiste dans sa croisade en dénonçant « les ingérences occidentales ».
    Un rapport de l'UNICEF révèle une situation sanitaire extrêmement préoccupante : 600 000 enfants sont orphelins du VIH/SIDA et quelque 2,2 millions de personnes vivent avec le virus. Le braconnage, la prostitution et le vol s'imposent de plus en plus comme des stratégies de survie pour une population qui s'enfonce dans le chaos.
    Pour faire face aux besoins immédiats du pays, l'ONU évoque, de concert avec diverses organisations humanitaires, la nécessité de réunir plus de 285 millions de dollars.
    Le 24 juillet, le gouvernement d'Harare faisait officiellement une demande pour de nouvelles aides alimentaires. 5,5 millions de personnes sont menacés par la famine et le Zimbabwe vient de rejoindre la liste, établie par le Programme alimentaire mondial, des 25 pays africains en situation d'urgence alimentaire.
    Une déchéance qui ne doit rien à la fatalité…
    B. L. POLEMIA
    26/11/2003

    Pour aller plus loin :
    - Les exilés du Zimbabwe (enquête publiée par « Le Monde ») :
    http://www.lemonde.fr/web/imprimer_article/0,1-0@2-3230,36-343303,0.html
    - Photos et témoignages des massacres de fermiers blancs en Afrique australe :
    http://www.africancrisis.org/Photos.asp
    - Enquête sur Mugabe et sa politique de « nettoyage ethnique » :
    http://www.france-avenir.com/international/mugabe/mugabe.htm