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  • Les hauteurs béantes de l’école par Claude BOURRINET

     Il m’arrive d’écouter ce que colportent les médias, non que j’aie dans l’idée d’être informé correctement, mais il est toujours intéressant pour un dissident de prendre connaissance de la propagande exsudée par le système, pour peu qu’on maintienne une distance hygiénique et qu’on possède les clés permettant de décoder certains messages. Pour celui qui ne se contente pas d’avaler sa bouillie quotidienne sans broncher, l’information, ou la déformation, si l’on veut plus de précision dans le sens, offre plusieurs strates de significations. Tels mots, apparemment dotés d’un signifié univoque, de façon biaisée connotent des associations idéologiques beaucoup plus insidieuses, et stratégiquement participent d’une vaste économie rhétorique destinée à promouvoir certaines thèses, ou, plus directement, d’instaurer dans le champ du bavardage médiasphérique, un rapport de force définitif.

     

    Les études qui ont toute l’apparence de la scientificité donnent à des discours dont l’innocente partialité est parfois stupéfiante un semblant de poids et de sérieux qui en grugent beaucoup. Les soi-disant débats qu’on nous assène depuis maintenant plusieurs décennies sur l’école et ses problèmes en sont des illustrations probantes, quoique assez stupéfiantes, si l’on y réfléchit bien, les doses de poison ingérées par le pauvre Mammouth ayant été assez importantes pour le terrasser définitivement. Ce qui aurait d’ailleurs permis de clore définitivement toute dispute, parce qu’un cadavre n’a plus de problèmes… si n’avait été, on se demande pourquoi, une sourde résistance du terrain, perverse et suspecte, atterrante si l’on veut bien se rappeler la sensibilité gauchère de l’ensemble de corps enseignant. D’aucuns les accuseraient presque de défendre des intérêts de classe inavouables, tant leur comportement va à l’encontre d’un projet on ne peut plus généreux, puisqu’il vise à régler tous les problèmes de violence, d’inégalité, d’injustice que la société a encore de mauvais goût de générer (restant sourde aux messages bienveillants, aux pulsions fraternitaires de nos élites et de leurs ouailles).

     

    À propos d’injustice, justement, l’O.C.D.E., dont on ne saurait soupçonner l’intégrité morale, et l’objectivité de ses enquêtes, sinon l’honnêteté scientifique de ses analyses, lesquels visent à voir plus clair afin de construire un meilleur monde… marchand (le meilleur des mondes possibles), vient de publier un sondage montrant que ce sont les élèves français qui sont les plus sensibles au sentiment d’injustice. Cette souffrance devant l’échec, les mauvaises notes ou les retenues, voire les réprimandes, doit sans doute expliquer (peut-être justifier, pour certains) la dextérité avec laquelle quelques jeunes têtes blondes (plus ou moins) manient le couteau, de cuisine ou non. Comme disait Sartre, un révolté a toujours raison. Tant pis pour les maîtres, qui ont le malheur de ne pas se situer du côté des opprimés.

     

    Il faut dire qu’un de nos meilleurs usurpateurs en matière de pédagogie avait déjà évoqué la guerre civile pour s’en prendre à un enseignement trop autoritaire, directif, quasi-papiste ! Ouvriers, paysans, Indiens du Chiapas, immigrés, élèves, même combat ! À quand le cocktail Molotov ou la Kalachnikov ?

     

    Il est vain de vouloir discuter des chiffres dont les présupposés, l’objet délimité tendancieusement dont ils prétendent être le reflet (quel intérêt de comparer des pays complètement dissemblables sur d’innombrables points, comme la Finlande, la France, le Japon ?), et exploités de façon éhontée par des médias et des spécialistes complices n’ont d’objectif que d’écraser l’infâme. L’enfer étant pavé de bons sentiments, il est clair maintenant, sauf pour les crétins des syndicats d’instituteurs ou d’éducateurs, les hystériques des associations de parents d’élèves, animées d’ailleurs par des enseignants, ou bien les cyniques qui voient dans l’inculture généralisée l’équation enfin trouvée d’une société libérale avancée (vers quoi ?), que l’« improbable » accointance entre libertaires et libéraux trouve une légitimité dans la préparation d’un type humain, celui de l’avenir, dont nous voyons déjà les prémisses parmi les consommateurs apathiques, poreux au prêchi-prêcha, pulsionnels, ignorants, incultes, peu désireux d’en savoir plus, d’outrepasser les limites autres que celles des vitesses autorisées, des lignes de cocaïne et des portails des parcs d’attraction.

     

    Nous avons, il faut le dire pour ceux qui luttent encore avec la passion des amateurs de beauté, de culture humaniste et de vérité, que le combat est désespéré. Non point qu’il faille abandonner la lutte ! Ne serait-ce que l’honneur suffirait à être encore le dernier, en face de la barbarie s’élargissant comme une lèpre. Mais certains combats gagnent à être plus lucidement menés, si l’on veut avoir quelque chance de le gagner un jour. Car la résistance sur la ligne Maginot que constitue l’École républicaine, aussi cher à notre cœur son souvenir se présente-t-il à nous, qui en sommes issus, est une bataille perdue d’avance.

     

    Les destructeurs de cette belle tradition d’ailleurs n’ont pas tout à fait tort. Que disent-ils ? Que, massivement, la société a opté pour les habitudes beaucoup plus souples, pour un accès plus facile à des sources de connaissances certes plus superficielles, mais qui ont l’avantage d’élargir le champ de conscience à la planète, et de fédérer en un immense magma les affects autour de thèmes universellement reconnus, comme la compassion, les droits de l’homme, des animaux, de la nature etc., voire la simple défense du consommateur; que l’individu actuel, atome d’une société de l’avoir, poursuit une stratégie de réussite, de satisfaction, le plus souvent sensorielle, dont la portée sociale et collective est subordonnée à son égocentrisme, y compris quand il compatit avec son prochain dans les grands messes télévisées, comme le Téléthon; que les « Grands récits » ont disparu au profit des petites historiettes de chacun ou des « people »; que cet individu, bien campé sur des certitudes médiocres, à la hauteur de ses préoccupations matérialistes et vulgaires, se moque éperdument de l’épopée historique des ancêtres, et que les seuls frissons qui lui parcourent le corps se produisent face à des jeux vidéo, des films pour ados ou des matchs, qui en modulent la représentation fantasmatique et les mauvais rêves; que, de toute façon, l’essentiel est qu’il se prépare au travail en entreprise, argument suprême pour Monsieur Prudhomme; qu’enfin cet être engoncé dans la gaine émotionnelle et nerveuse, souffre de plus en plus difficilement toute idée de sacrifice, d’austérité, de labeur long et fastidieux, de ténacité (sauf dans le domaine commercial), d’effort et de discipline.

     

    Nous avons là un fort fidèle portrait de l’élève moyen tel que formaté par le système néo-capitaliste (ou post-soixante-huitard), lequel réclame, dans sa prétention à exhiber son ego, comme ses aînés, tous les droits d’expression, de débats démocratiques, de votes etc., dont notre société démagogique, qui repose sur le dogme de la volonté populaire, est prodigue.

     

    Et cette société, qui met dorénavant en avant, avec la forfanterie et la gouaille de maquignon qui sont les siennes, le droit à …, au lieu du droit de …, la revendication de la réussite pour tous, et, avec cette bêtise qu’elle tient de la culture stalinienne, évalue ses prétendus résultats (qui sont des escroqueries, comme tous les enseignants le savent) à l’aune de chiffres illusoires, les 80 % de reçus au baccalauréat, par exemple, et d’autres amuse-journalistes, ne peut qu’engendrer des frustrés, des ratés, des mécontents, des jeunes, à l’aube de leur existence, déjà empoisonnés par le ressentiment. D‘où le sentiment d’injustice, dans un pays qui a gardé de vieux réflexes de jacobins. Tout le monde docteur ou rien ! Comme l’indique un rapport de l’O.C.D.E., les familles accepteront plus facilement la baisse du niveau de culture et d’exigence que de se voir refuser l’accès aux classes supérieures. Comment alors s’étonner qu’il y ait 50 % d’échec en première année d’université quand il y a 100 % de réussite en fin de troisième ? Le report de toute sélection accroît bien évidemment la cruauté d’un nécessaire écrémage, in fine.

     

    Et, malgré tout, bien qu’on ne donne plus, depuis longtemps, à nos enfants, les armes pour réfléchir et voir plus clair dans leur destin (le rideau d’encre de nos pédagomaniaques, qui sont en fait des pédagocrates, ne fait que voiler la réalité crue, pour la bonne raison qu’ils présupposent tous que l’enfant, étant doté naturellement d’une intelligence que leurs aînés ne font que gâter, n’ont rien à apprendre, et qu’ils n’ont qu’à se construire par eux-mêmes), sentent obscurément qu’on leur ment et qu’on les conduit à l’abattoir. Cela ne les empêche pas, du moins par le truchement d’associations lycéennes et parentales fort minoritaires, d’en exiger toujours moins, moins de travail, moins d’autorité, moins de sélection.

     

    On peut bien sûr vouloir revenir à une conception plus saine de l’école : à chacun selon son mérite. Retourner au principe des filières serait probablement la solution la plus sensée, si n’était la passion pour l’égalité qui anime le débat public dans notre nation (bien que personne ne semble s’apercevoir que l’égalitarisme vulgaire actuel génère plus d’« injustices » sociales que naguère, du temps de l’école républicaine). La vérité demande de constater que le corps social et les mentalités ont tellement dégénéré, au point d’occulter les vraies valeurs, qu’il semble impossible de réformer à rebours, de détricoter un costume qui semble contenter beaucoup de monde, à commencer par les petits arrivistes qui en vivent. L’un des vices de la démocratie étant que le peuple offre bénévolement le bâton pour se faire battre.

     

    L’école de demain sera celle des identités. Elle sera tout le contraire de celle qui prévaut maintenant, aseptisée, amollie, inculte, uniformisée, catéchisée, déracinée, abêtie par les produits sirupeux de la modernité et de l’endoctrinement bien-pensant. Les élèves de la future Europe n’auront pas peur de l’adversité, ils ne crieront pas à l’injustice (tout ce qui nous arrive dépendant de notre responsabilité), ils auront du caractère, seront curieux, et rejetteront avec horreur la présomption d’être le sel de la terre. Ils sauront qu’on ne naît pas homme, mais qu’on le devient, que la souffrance peut être connaissance, que le plaisir et la possession sont méprisables au regard de ce qu’exige l’honneur d’être, que la hiérarchie est naturelle, que les Anciens en savent plus qu’eux, qu’il faut être respectueux et polis, car il n’est pas de société sans maîtrise de son comportement, que la recherche du bonheur passe par l’oubli de soi et la quête d’une plus grande vérité, celle qui nous a fait comme l’on est, nous, les Européens.

     

    Claude Bourrinet http://www.europemaxima.com

  • Une enquête sur les nouveaux païens

     Une maison d’édition non conformiste réputée, Dualpha, a publié en 2005 dans sa stimulante collection « Politiquement incorrect » une enquête de Christian Bouchet sur le monde néo-païen en France. Docteur en ethnologie et militant nationaliste-révolutionnaire bien connu, Christian Bouchet avait déjà fait paraître en 2001 chez Pardès un très remarquable Néo-paganisme quand bien même cette appellation suscite la plus grande réserve.

     

    Surpris au cours d’une précédente enquête, politique celle-là, consacrée aux Nouveaux nationalistes (Déterna, 2001), que la jeune génération militante « droitiste » s’affirme païenne, il en fait ici son sujet d’étude, d’où un ouvrage composé d’entretiens qui en couvrent imparfaitement le champ. Regrettons toutefois l’absence de quelques éminents penseurs du paganisme au XXIe siècle.

     

    Parmi les contributions, signalons la participation du grand spécialiste des religions et de leurs dissidences contemporaines, Massimo Introvigne, qui prend au sérieux cette renaissance. L’universitaire polonais Jaroslaw Tomasiewicz retrace – bien trop brièvement, hélas ! – son renouveau en Europe de l’Est. Dans cette partie de l’Europe, loin de se restreindre à l’ultra-droite, le « néo-paganisme » touche la gauche et s’implante dans le courant écolo-alternatif underground.

     

    Principal contributeur du « retour des Dieux dans la pensée européenne », Alain de Benoist regarde avec une distanciation sereine, clinique même, l’effervescence néo-païenne qu’il initia un quart de siècle plus tôt. Rejetant les dérives possibles, « sectaires », du regain païen, l’auteur de Comment peut-on être païen ? craint le simulacre et réaffirme l’impossibilité de reconstituer un paganisme européen qui nierait deux mille ans de christianisme. Il pense par ailleurs que toutes les tentatives de revenir au polythéisme pré-chrétien sont vaines, car dépendantes, quelque soit la bonne volonté des restaurateurs, de la forme chrétienne des mentalités. On retrouve cette réserve chez Édouard Rix qui montre dans « Julius Evola et le néo-paganisme » la grande méfiance du théoricien du traditionalisme radical envers des formes parodiques (contre-modernes) de paganité.

     

    Les différents entretiens donnent au lecteur une pluralité de points de vue, ce qui est la moindre des choses puisque le paganisme implique évidemment et nécessairement un polythéisme de sensibilités, de comportements, de spiritualités, quitte à paraître contradictoire. Si Thierry Jolif considère que le néo-druidisme est une imposture dont les racines ne remonteraient pas aux derniers druides traqués par Rome, mais plus prosaïquement au XVIIe siècle et à la genèse de la franc-maçonnerie, deux défenseurs du druidisme, Alain Le Goff et Jean-Lionel Manquat, affirment pour leur part une continuité traditionnelle ininterrompue pour ensuite expliquer leur foi. L’écrivain Bruno Favrit apporte, lui, un témoignage capital sur ce qu’il entend par « paganisme ». Estimant avec raison que « le paganisme pourrait bien constituer l’état le plus naturel de l’homme », il souhaite l’apparition d’« un type d’homme exigeant, qui rendrait sa vie utile aux siens (Aristote) avant de l’être pour la Cité (Platon), [qui] serait plus précieux pour la vitalité de l’espèce en général. Il n’irait pas en tout cas dans le sens de la panmixie telle qu’elle est encouragée par le nouvel Évangile réducteur de biodiversité… » Quand Marie des Bois soutient un paganisme charnel, féminin, naturaliste, très troisième fonction, Bernard Marillier avance un paganisme guerrier de deuxième fonction de très bon aloi et Bernard Mengal propose un « paganisme politique et scientifique ». En ce qui concerne l’écrivain et éditeur Philippe Randa, s’il ne se dit païen, il adhère néanmoins à sa philosophie, à son esthétique et à son érotisme.

     

    Des « professions de foi » aristocratiques côtoient des déclamations « plébéiennes ». La thiase marseillaise Libération païenne réalise ainsi des expériences spirituelles d’ordre dionysiaque et s’aventure, comme d’ailleurs Marie des Bois, sur une sorte de « voie de la main gauche ». Thomas Stahler appréhende le paganisme selon une inclination plus intellectuelle qui confirme néanmoins l’indispensable enracinement. En effet, « être païen, paganus, c’est avoir la religion “ du pays ”,  autochtone ». Il préfère en outre se « qualifier de polythéiste européen voire d’euro-païen, seule façon logique à [s]es yeux d’être européen ».

     

    L’attitude des païens à l’égard du monde moderne diffère donc selon les tempéraments. Vivant en symbiose dans ses forêts bourbonnaises, Marie des Bois ignore superbement la Modernité tout en déplorant ses ravages. D’une orientation plus activiste, Bernard Mariller et Thomas Stahler acceptent la confrontation avec notre monde sinistre et désenchanté. Il est par conséquent normal qu’une fois le livre refermé, le lecteur soit troublé devant cette merveilleuse polyphonie. En effet, quel rapport peut-il exister entre un spécialiste des cultes solaires européens comme Jean-Christophe Mathelin et le druide Jean-Lionel Manquat si ce n’est leur refus du monothéisme biblique et leur adhésion commune aux plus anciennes racines de l’Europe ?

     

    Georges Feltin-Tracol http://www.europemaxima.com

     

    • Christian Bouchet, Les Nouveaux Païens, Dualpha, coll. « Politiquement incorrect », 2005, 338 p., 26 €.

  • BUFFON : Vulgarisateur, scientifique et philosophe

    Pline l’Ancien fut, au premier siècle de notre ère, l’auteur d’une Histoire naturelle dans laquelle, les siècles suivants, jusqu’à Darwin lui-même, ne cessèrent de puiser (1). L’année 1707 a vu naître un “Pline du Nord”, le Suédois Karl von Linné, et un “Pline français”, Georges-Louis Leclerc, futur comte de Buffon. Pour célébrer ce tricentenaire, une sélection de textes et d’illustrations de l’oeuvre de celui-ci a été publié dans la collection de la Pléiade (2).
    Intendant au Jardin du Roi
    Au muséum, une exposition : Buffon et Linné, un regard croisé sur la science, marque le début de l’année Buffon. En 1735, paraît le Systema naturae de Linné qui présente une classification de plantes, fondée sur les caractères tirés du nombre et de la disposition des étamines, ainsi qu’un ouvrage similaire consacré aux animaux. L’un et l’autre feront autorité pendant plusieurs siècles.
    En 1739, Buffon, fils d’un conseiller au Parlement de Bourgogne, originaire de Montbard, est nommé Intendant du Jardin du Roi, peu après la mort de Charles-François de Cistenay du Fay. Ce savant avait eu le mérite d’insuffler un esprit nouveau à une institution jusqu’alors gérée de façon strictement professionnelle par des médecins. Il en a fait un jardin d’essai, ouvert à toutes les espèces, et non plus seulement aux végétaux de la pharmacopée. Se sentant décliner, il avait écrit à Maurepas, secrétaire de la Maison du Roi et ministre de la Marine, soucieux de promouvoir la production du bois destiné à la construction de navires, pour y recommander Buffon. Car ce jeune homme avait fait dans ses propres forêts des observations dont les résultats avaient donné lieu à des mémoires, rédigés en collaboration avec lui et présentés à l’Académie des Sciences. Ainsi, Buffon a pu l’emporter sur de redoutables concurrents : Maupertuis, Duhamel de Monceau.
    Son intendance dure cinquante ans. Il achète des terrains, double la superficie du Jardin, enrichit ses collections et s’entoure d’un brillante équipe dont Antoine-Laurent de Jussieu et Louis Daubenton, son compatriote de Montbard. Indiscutablement, Buffon se révèle un grand administrateur. Il s’intéresse aux flores d’outre-mer, entretient par exemple une correspondance avec un médecin de Cayenne, et, pour encourager les envois d’échantillons, il fait créer un brevet honorifique de “Correspondant du Jardin du Roy”. Mais alors que dans sa jeunesse il avait été un “touche à tout” intellectuel (3), Buffon reçoit de son ministre une mission précise : entreprendre un catalogue des collections accumulées dans ce “cabinet du Roy” qui dépend du jardin. De cette tâche, naîtra l’Histoire naturelle. Buffon se trouve encouragé par la parution de l’Histoire générale des voyages de l’abbé Prévost (4) dont le succès montre le goût du public pour la nature et l’exotisme.
    L’Histoire naturelle
    En septembre 1749, paraissent les trois premiers volumes in-4° de l’ Histoire naturelle générale et particulière. Cette première édition (entre 500 et 1 000 exemplaires) est épuisée en six semaines. Suivent une édition in-12°, où les illustrations sont réduites, une édition hollandaise en français, une traduction allemande.
    Dans tous les cercles où l’on se pique de sciences ou de belles lettres on lit, ou on affirme avoir lu Buffon. De fait, ses descriptions d’un style à la fois clair et majestueux, sont très vivantes (5). On lit et on fait lire aux enfants des textes appelés à devenir célèbres : sur le chien, sur le chat, sur le loup, sur le cheval, « la plus belle conquête que l’homme ait jamais faite », etc. (6). Consécration de son talent littéraire, Buffon est élu à l’Académie française. Au lieu de faire l’éloge de son prédécesseur, ainsi qu’il est de tradition, il prononce, le 25 août 1753, un Discours sur le style, « un classique de l’art oratoire » que des générations d’élèves étudieront jusqu’au XX° siècle...
    Cependant, on remarque dans ce texte que ce n’est pas l’esthétique des Lumières que Buffon admire, mais celle du Grand Siècle. Il est alors au sommet de sa gloire. Drouais exécute de lui un portrait où, selon le mot de David Hume, il semble vêtu comme un maréchal de France ! Il continue à publier des tomes de l’Histoire naturelle présentant des animaux sauvages d’Europe, et commençant, conformément au plan initial, l’étude des espèces exotiques.
    Sa vie semble pleinement réussie, d’autant plus qu’il a épousé une demoiselle de vieille noblesse bourguignonne qui lui a donné un fils, surnommé “Buffonet”, chargé en 1783, d’aller offrir à Catherine II le buste de son père par Pajou (7).
    Buffon a des collaborateurs de talent, dont l’abbé Bexon, Lamarck dont il soutiendra la publication de La Flore française, Lacepède qui écrira le volume consacré aux cétacés et aux reptiles. Il est ami de Mme Necker et apparaît parfois dans son salon. Il devient industriel : des forges installées à Buffon, près de Montbard, sont une affaire fructueuse. En outre, elles lui permettent de réaliser l’expérience, puérile, de boulets portés au rouge pour étudier le refroidissement de la terre.
    Autorité scientifique ?
    Il se pose en autorité scientifique et ose critiquer les travaux de Linné, alors que l’ensemble de son Histoire naturelle relève de la synthèse de travaux antérieurs et de leur vulgarisation bien plus que de la présentation de résultats de recherches personnelles.
    Dans son Histoire de l’homme, il affirme que les différentes races humaines relèvent d’ensembles bien distincts, existant depuis les origines. Toutefois, s’il ne s’affirme pas, comme Voltaire, polygéniste, il n’en appartient pas moins au courant “philosophique” alors en vogue. Il témoigne de la sympathie à Diderot emprisonné à Vincennes, et à Rousseau, en conflit avec ses compatriotes. Mais si les philosophes reconnaissent en lui un membre de leur famille de pensée, il se montre personnellement d’une extrême prudence.
    Extrême prudence
    Le 15 janvier 1751, les députés et syndic de la faculté de théologie de Paris « lui font parvenir une liste de quatorze extraits de l’Histoire naturelle jugés non conformes à l’enseignement de l’Église. Le 12 mars, il fait amende honorable, du moins formellement, sur tous les points relevés par la Sorbonne. Il proteste de sa bonne foi, et affirme que son intention n’a jamais été de contredire le texte de la Bible. Comme son système personnel est purement hypothétique, dit-il, “[je] ne peux nuire aux vérités révélées qui sont autant d’axiomes immuables, indépendants de mes hypothèses personnelles, et auxquels [j’] ai soumis et [je] soumets mes pensées”. » (8)
    À la tension intellectuelle, qui prend de plus en plus d’importance, et aboutira plus tard aux thèses évolutionnistes de Lamarck et de Darwin, Buffon offre une solution, en opérant une coupure radicale entre sciences (de la nature) et théologie (de la Création). Comme Linné, il a choisi la voie d’un accommodement prudent.
    Les pages consacrées à la mort, dans son Histoire naturelle de l’homme, « sans être fondamentalement irréligieuses, n’ont assurément rien de très chrétien ; elles ont des accents éminemment épicuriens, évoquant le ton de Lucrèce dans le chapitre III du De rerum natura » (9).
    René PILLORGET, professeur émérite d’histoire à l’université d’Amiens et à l’Institut catholique de Paris L’Action Française 2000 du 6 au 19 septembre 2007
    1 - Jacques Arnould : Dieu versus Darwin. Éd. Albin Michel, (pp. 168-170).
    2 – Buffon : OEuvres. Préface de Michel Delon. Textes choisis, présentés et annotés par Stéphane Schmitt, avec la collaboration de Cédric Crémière. Remarquable illustration, notamment. Éd. Gallimard, 2007.
    3 - Pierre Chaunu : La Civilsation de l’Europe des Lumières. Éd. Flammarion, 1982 (p.220).
    4 – Abbé Prévost : Histoire générale des voyages. Paris, Didot, 1746- 1780. 20 volumes. Manon Lescaut est du même auteur.
    5 – Ed. La Pléiade : ex. Le chien (p. 640, 688), Le chat (p. 689), Le loup (768), etc.
    6 – Ibid : Le cheval (p.503)
    7 – Georges-Louis-Marie Buffon dit Buffonet. « Le plus pauvre chapitre de l’Histoire naturelle » selon Rivarol. Ce malheureux garçon, compromis dans un hypothétique complot, fut exécuté le 22 messidor an II.
    8 – Ed. La Pléiade. Correspondance avec la Sorbonne (pp. 411-420).
    9 – Ibid, pp. 1462-1463, note 19. Buffon mourut à Paris, le 16 avril 1788, en présence de Mme Necker, et après avoir reçu l’extrême onction : « On le doit au culte public » aurait-il déclaré à Hérault de Sechelles (cf. Ibid. p. LXXVI). Ses obsèques furent célébrées en grande pompe.

  • Arabie saoudite: l’allié problématique de Washington

    C’est avec un acharnement véritablement opiniâtre que l’Arabie saoudite défend ses intérêts stratégiques. Après les soulèvements d’Egypte et de Libye, où Ryad a chaque fois soutenu l’opposition islamiste, le royaume du désert arabique s’immisce désormais dans la guerre civile syrienne. Comme le rapportait le journal britannique “The Guardian”, le 22 juin 2012, les Saoudiens s’apprêtaient à financer les combattants de la dite “Armée Syrienne Libre”. Ensuite, des pourparlers étaient en cours entre les Saoudiens, d’une part, et des représentants des Etats-Unis et d’autres pays arabes afin de fournir des armes aux rebelles syriens, tant et si bien qu’on peut dire que l’Arabie saoudite et l’émirat du Qatar “entraient de plein pied sur le théâtre des affrontements syriens”.

    C’est donc clair désormais qu’une sorte de “division du travail” a été décidée entre les Etats-Unis et l’Arabie saoudite pour favoriser en Syrie un “changement de régime”. La réputation de Washington est bien écornée dans le monde arabe: c’est pourquoi les Etats-Unis se tiennent en apparence en dehors du conflit et font faire le travail sur le terrain par leurs alliés de la région. Dans ce contexte, les Etats-Unis cherchent à lier plus étroitement à leur politique et à celle de l’OTAN leur allié problématique qu’est l’Arabie saoudite, qui finance partout dans le monde les mouvements islamistes. Le secrétaire général de l’OTAN, Anders Fogh Rasmussen a déclaré, à l’occasion d’une visite au quartier général de l’Alliance Atlantique du ministre saoudien des affaires étrangères, Nizar Madani, à la mi-juin 2012, que l’Arabie saoudite était “un pays-clef dans la région et que l’OTAN serait ravi d’accueillir le royaume wahhabite comme partenaire lors de l’ “Istanbul Cooperation Initiative” (ICI)”. L’ICI a été créée en 2004 sous l’impulsion du Président américain George W. Bush, avec pour mission de lier les pays arabes à l’OTAN.

    Dans le but de faire tomber le leader syrien Bachar el-Assad, les Etats-Unis parient, une fois de plus, sur un allié fort douteux. Les deux partenaires veulent certes affaiblir l’Iran, leur ennemi commun, en provoquant un changement de régime à Damas; mais, mis à part cet objectif précis et circonscrit, les intérêts des deux puissances se limitent à cela. Washington raisonne sur le court terme et veut protéger Israël du danger hypohétique d’une attaque nucléaire iranienne mais raisonne aussi à moyen terme en spéculant sur un écroulement du régime des mollahs pour s’emparer des réserves de pétrole et de gaz d’Iran. Les Saoudiens, eux, veulent devenir une puissance régionale incontestée sur les rives du Golfe Persique; ils veulent aussi devenir l’Etat arabe le plus influent et exporter leur forme d’islam, le wahhabisme, partout dans la région. Si l’Iran chiite s’affaiblit, l’Arabie saoudite en profitera pour barrer, sur son propre territoire, la route à Téhéran qui cherche à influencer les ±10% de la population saoudienne qui est d’obédience chiite.

    Comme en d’autres points chauds du monde musulman, les Saoudiens soutiennent les djihadistes syriens, en liaison avec le réseau terroriste d’Al-Qaeda, ce qui contrarie fortement les projets américains pour une Syrie post-Assad. “Ces éléments (djihadistes) bénéficient du soutien de l’Arabie saoudite et du Qatar et joueront indubitablement un rôle en Syrie après la chute d’Assad”, écrit, sur le ton de l’avertissement, une étude publiée par le “Royal United Services Institute” (RUSI), une boîte à penser britannique qui entretient d’excellents contacts avec les ministères de la défense de Londres et de Washington.

    Qui plus est, l’étude du RUSI retient que l’Arabie saoudite sait parfaitement bien utiliser les milliards de sa rente pétrolière pour téléguider à sa guise les bénéficiaires du “printemps arabe”. Ryad aurait essayé “avant que n’éclate la vague des soulèvements arabes de se réconcilier avec Assad”. Dans ce contexte, les Saoudiens auraient été prêts à “accepter que le Liban fasse partie de la zone d’influence syrienne”. Mais il est cependant sûr que “les Saoudiens soutiendront tout nouveau gouvernement, après la chute éventuelle d’Assad, qui travaillera pour les intérêts à long terme de l’Arabie saoudite”.

    Néanmoins les Saoudiens peuvent toujours compter sur le soutien inconditionnel de Washington. Même si, dans leur pays, on ne trouve ni démocratie ni droits de l’Homme. On peut considérer, à première vue, que cette alliance est incongrue, mais elle est pourtant une donnée constante dans la région; dans ce cas, on peut aussi conclure que Washington, en dépit des discours répétés à satiété dans les médias, ne cherche nullement à “démocratiser” le Proche Orient mais uniquement à consolider ses intérêts économiques les plus évidents, quitte à faire de l’Arabie saoudite un “modèle”.

    Fin décembre 2011, Washington et Ryad ont signé un accord quant à la livraison d’armes pour une valeur de 30 milliards de dollars. Les Saoudiens devraient recevoir notamment 84 avions de combat de type F15, un modèle américain. Cette coopération “en matières de sécurité” sert surtout à aider l’économie américaine qui est en train de battre de l’aile et à donner un coup de manivelle au “complexe militaro-industriel” des Etats-Unis.

    Lors d’une conférence téléphonique, tenue le 14 juin 2012 et disponible en script sur le site du ministère américain des affaires étrangères, le sous-secrétaire d’Etat aux affaires politico-militaires, Andrew J. Shapiro, a évoqué les vraies raisons de la vente d’armes à l’Arabie saoudite. Selon Shapiro, cet accord entraîne “des effets considérables sur le développement de l’économie américaine”. Grâce à ce contrat, disent des spécialistes de l’industrie, 50.000 emplois se créeront aux Etats-Unis, impliquant 600 fournisseurs et sous-traitants dans 44 Etats de l’Union. Cela rapportera chaque année 3,5 milliards de dollars à l’économie américaine. Et Shapiro conclut: “Cela ne créera pas seulement des emplois dans le secteur de l’aéronautique mais aussi auprès de nos sous-traitants qui ont tous un rôle décisif à jouer dans le maintien de notre défense nationale”.

    Par cette livraison d’armes aux Saoudiens, une course aux armements menace la région du Golfe Persique car on peut s’attendre à ce que l’Iran à son tour renforce son arsenal. On ne peut plus exclure l’éventualité d’une guerre irano-saoudienne à moyen terme dont le but serait d’asseoir l’hégémonie du vainqueur dans la région.

    Bernhard TOMASCHITZ.
    (article paru dans “zur Zeit”, n°33-34/2012; http://www.zurzeit.at/ ).

  • Pourquoi tant de haine ? Courage… Frigide Barjot !

    Comme chacun sait, la rumeur est assassine. Frigide Barjot, coordonnatrice de la grande manifestation du 17 novembre dernier, est mal payée pour le savoir. Attaquée d’un côté par des associations homosexuelles, aussi minoritaires qu’actives et qui pourraient se réunir dans des cabines téléphoniques.

    De l’autre, par des catholiques énervés. Mise au point.

    Quand il y a le feu dans la maison, on ne demande pas aux pompiers leur carte d’identité. Pas plus qu’on n’exige d’eux de savoir s’ils vont à la messe le dimanche, à la mosquée le vendredi midi ou à la synagogue le vendredi soir. Et puis, et c’est là qu’elle a brisé un tabou : existent des homosexuels de droite ou de gauche, des catholiques et des musulmans, qui peuvent militer contre le « mariage pour tous »…

    Ainsi, Frigide Barjot, de son nom de scène, Virginie Merle, à la ville, est-elle femme d’aujourd’hui. Si elle conteste les dérives de son temps, elle participe néanmoins de son époque. Et s’inscrit, avec son époux, Basile de Koch, président à vie du groupe humoriste Jalons, sans lequel Les Guignols de l’info ou Groland n’auraient sûrement jamais existé, dans une ancestrale tradition d’humoristes et d’empêcheurs de penser en rond, dont il faut encore savoir, derrière les plaisanteries de potaches, aller dénicher la vérité des choses.

    Sans elle, sans son carnet d’adresses, ses réseaux et sa parfaite connaissance du petit monde médiatique, jamais ces centaines de milliers de Français n’auraient défilé, ce 17 novembre dernier, dans les rues de France. Mais le succès, surtout lorsque massif et inattendu, a son prix. Et celui que cette dame est sommée d’acquitter nous paraît bien lourd. [...]

    Camel Bechikh - La suite sur Boulevard Voltaire

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  • (archive) BOURDIER « Le combat culturel est pour nous une guerre de libération »

    Journaliste et écrivain, de formation maurrassienne, membre fondateur du Front National, jean Bourdier a été rédacteur en chef de «Minute», de « National-Hebdo » - dont il a été aussi éditorialiste - et membre fondateur du défunt mensuel « Le Choc du mois ». Nous l'avons rencontré pour nous entretenir avec lui de l'importance du combat culturel dans la prise du pouvoir politique.
    « Le politique d'abord » cher à Maurras ne s'oppose-t-il pas au nécessaire combat culturel ?
    J.B. : Je pense que, si le « politique d'abord » garde toute sa valeur et tout son sens, le combat culturel est inclus dans le combat politique. Maurras et « L'Action française » ont toujours d'ailleurs agi conformément à ce principe, ainsi qu'en témoignent, entre autres, leurs campagnes pour la reconquête de l'Université française et pour un enseignement de l'histoire plus conforme à la vérité que celui emprunté à Michelet par les « hussards noirs de la République ». Or, si l'on part du principe que le combat culturel représente une des formes obligées du combat politique, la question de la primauté cesse de se poser. Elle est simplement à remplacer par la question de la «priorité» et là, la réponse ne peut être dictée que par les circonstances ; on ne parle plus stratégie, mais tactique. Une remarque s'impose quand même : le monde culturel est beaucoup plus gangrené qu'il ne l'était avant la deuxième guerre mondiale - on voit, par exemple, des remises en cause qui n'auraient pu être envisagées dans les années vingt ou trente et l'on assiste souvent, de la part de prétendues élites politiques ou littéraires, à une capitulation en rase campagne consistant à accepter les postulats mis en place par les adversaires de la société et de la civilisation françaises. Cela suffit à nous confirmer que la bataille culturelle est un combat de première ligne.
    Comment définissez vous la notion de « pouvoir culturel » ?
    J.B. : Je n'aime pas beaucoup ce terme de « pouvoir culturel » qui a, pour moi, une déplaisante consonance totalitaire, hitlérienne ou stalinienne, ce qui à mes yeux revient strictement au même. Il ne faut pas oublier que, pour nous, le combat culturel est avant tout une guerre de libération. Nous devons débarrasser la France de toutes les charges piégées déposées par l'adversaire, éliminer le conformisme freudo-marxiste qui s'est imposé dans notre pays et permettre aux voix françaises de s'exprimer librement dans la presse comme dans l'édition, au cinéma comme à la radio et à la télévision. Mais il ne s'agit pas de remplacer une dictature intellectuelle par une autre ou même un confort intellectuel par un autre. S'il est un domaine où le principe « le moins d'Etat possible » est valable, c'est bien celui de la culture. Si, par le plus grand des hasards, on me créditait du pouvoir absolu en France, l'un de mes premiers soins serait de supprimer le ministère de la Culture avec son cortège d'arbitraire, de copinage, de gabegie et subventions abusives. Les seuls devoirs de l'État en ce domaine sont l'entretien du patrimoine national - ce qui est déjà une lourde tâche si on veut l'accomplir sérieusement - et la défense de notre langue et de notre civilisation dans les organismes d'enseignement ou d'information dépendant de lui. Ainsi, par exemple, l'État pourrait et devrait obliger les journalistes des chaînes de télévision qui lui appartiennent à parler français. En revanche, il n'a pas à financer des pièces ou des troupes de théâtre « d'avant-garde », à avancer de l'argent - jamais remboursé - à des producteurs de cinéma sans spectateurs ou - à subventionner de pseudo-organisations antiracistes. Au lieu d'un ministère de la Culture, les Britanniques ont un secrétariat à l'Héritage, titre que je trouve assez joli mais je crois qu'un service du ministère de l'Éducation nationale ferait aussi bien l'affaire. La France n'a pas besoin d'un Dr Goebbels. Le « pouvoir culturel », si l'on doit employer cette expression, ne peut être que le résultat d'un consensus. Si l'on débarrassait simplement le terrain des farceurs et des agents de propagande, il ne tarderait pas, le bon sens des Français aidant, à exister.
    La prise du pouvoir politique peut donc se faire sans avoir préalablement repris le pouvoir culturel ?
    J.B.: Bien sûr, Hitler, dont il ne faut pas oublier qu'il est arrivé initialement au pouvoir à travers des élections, en est un exemple frappant. Le pouvoir culturel était totalement entre les mains de la République de Weimar, et cela n'a strictement rien empêché.
    Où en est notre camp dans la prise en compte du combat culture?
    J.B.: S'il y avait une recette miracle, je serais ravi de vous la donner. On ne peut, à cet égard, que prêcher les vertus classiques que sont le courage et la persévérance. Mais il faudrait aussi qu'au sein du camp auquel nous appartenons - ce camp qui est simplement celui de la France - plus de gens se rendent compte de l'importance de l'action culturelle et lui apportent un beaucoup plus grand soutien, entre autres financier. Il faut des journaux, des maisons d'édition, des radios et des écoles et, pour cela, il faut de l'argent, beaucoup d'argent.
    On peut donc parler d'une guerre culturelle ?
    J.B. : Il s'agit moins hélas d'une guerre culturelle que d'un terrorisme intellectuel. Le but de l'adversaire était de nous interdire l'accès aux moyens d'expression capables de toucher le grand public, et force est de reconnaître que, la lâcheté ambiante aidant, il y est largement parvenu.
    Comment va évoluer cette guerre culturelle ?
    J.B. : Elle ne peut que s'intensifier et prendre l'aspect d'une guerre totale. La guerre totale est ce qui se produit habituellement lorsque ce ne sont pas non seulement deux États qui s'affrontent, mais deux visions du monde. Or, c'est bien ce qui se produit actuellement. L'affrontement de la pensée nationaliste et de la pensée mondialiste, de la pensée traditionnelle et de la pensée pseudo-progressiste se traduit immédiatement en termes de guerre culturelle.
    Il n'y a donc aucune haine dans vos propos?
    J.B. : Bien sûr que non. Les autres cultures sont, au contraire, des alliées naturelles. Elles sont d'ailleurs comme la nôtre, menacées et en état de lutte pour leur survie. L'ennemi, ce ne sont pas les autres cultures, c'est ce qui tend à les détruire toutes, pour arriver à l'avènement d'un monde uniforme, sans relief, sans saveur et où l'on ne verra plus une idée dépasser.
    Comment voyez-vous évoluer la situation ?
    J.B. : Là encore, ce n'est pas l'Amérique qui est un adversaire. C'est une certaine mégalomanie dictatoriale américaine - et ce sont surtout les «américanolâtres» qui hantent nos vieux pays d'Europe, et voudraient nous transformer en caricature d'une société aux puissants moyens industriels mais à l'identité intellectuelle terriblement fragile. Sur le plan littéraire et artistique, par exemple, les États-Unis sont restés - avec des résultats parfois brillants une colonie anglaise jusqu'à l'orée du XXe siècle. Ils ont ensuite connu un essor culturel qui leur était beaucoup plus propre. Puis, à partir des années soixante et soixante-dix, on a commencé à assister à une terrible régression traduite de façon frappante par une destruction du langage. Il est amusant de constater que c'est au moment où des américanismes douteux, souvent relayés par des publicitaires analphabètes, menacent notre langue, que celle de notre agresseur est en passe de se dévoyer au point de disparaître. De même, c'est au moment où, de Bush à Clinton, les États-Unis tendent à se vouloir le gendarme du monde et l'incarnation du « nouvel ordre mondial » qu'ils se trouvent directement menacés de perdre leur identité nationale, après avoir perdu leur identité culturelle. L'Histoire a souvent de cruelles ironies.
    Propos recueillis par François Delancourt Français d'abord! - 2' quinzaine mai 2000

  • Conrad Kilian, "inventeur" du pétrole saharien

    Jusqu’où montera le prix du pétrole ? Aux États-Unis, le prix du baril qui était resté stable à 5 dollars de 1920 à 1970 - quand il atteignit 10 puis 40 $ - a dépassé en novembre les 93 $ et pourrait bientôt passer le cap des 100. Même envolée en France où, malgré le cours très élevé de l'euro, pour une fois avantageux, le prix d'un litre d'essence sans plomb oscille entre 1,30 et 1,40 €. Ce qui a de très lourdes répercussions sur le niveau de vie des ménages et l'économie en général. Alors que pour la France, comme pour le Royaume-Uni et la Norvège - pour s'en tenir à l'Europe -, l'or noir aurait pu devenir une richesse nationale. Encore aurait-il fallu pour cela ne pas signer en mars 1962 les Accords d'Evian qui livraient l'Algérie au FLN, rendant impensable une durable présence française au Sahara. Mais même avant cela, que d'occasions perdues... et de drames !

    UN GÉOLOGUE DE GÉNIE
    Au mois de novembre 1955, des prospecteurs français mettaient au jour le gisement pétrolier d'Edjelé - au sud de Ghadamès, non loin de la frontière algéro-libyenne - et, en août suivant, le gisement d'Hassi Massaoud, aux environs d'Ouargla, dans le sud algérien.
    Or, cinq ans plus tôt, en avril 1950, était mort misérablement à Grenoble, dans le plus grand dénuement moral et matériel, celui qui, le premier, pressentit l'existence du pétrole dans le Sahara oriental : un certain Conrad Kilian - dont le nom, un moment célèbre, est aujourd'hui presque entièrement inconnu du public français.
    Conrad Kilian, né en 1898 dans l'Ardèche, fils d'un savant géologue, professeur de la Faculté des Sciences de Grenoble et arrière petit-fils du paléontologiste Georges Cuvier et du révolutionnaire Boissy d'Anglas qui présida la Convention Nationale, a été l'un des explorateurs les plus étonnants de notre époque et, en même temps, un géologue de génie.
    Doué d'une intuition scientifique extraordinaire dès son enfance, Kilian n'a que 24 ans lorsqu'il participe, un peu par hasard, à une expédition destinée à retrouver le fabuleux trésor des Garamantès - ces antiques nomades libyens possesseurs d'émeraudes - dont parle Hérodote. On ne trouva aucun trésor, ni aucune de ces pierres légendaires ; mais le jeune géologue profite de cette randonnée dans la région du Tassili des Ajjers pour étudier et comprendre la structure du Sahara. Il montre que celui-ci, par son socle précambrien (c'est-à-dire formé des roches les plus anciennes du globe) et par les sédiments qui l'ont recouvert, n'est autre que le prolongement de la péninsule arabique et, comme elle, a été occupé par une mer lagunaire. D'où sa vocation pétrolière.

    "L'EXPLORATEUR SOUVERAIN"
    À l'issue de cette première campagne de 1922, il présente au Congrès géologique internationale de Bruxelles une communication intitulée « Essai de synthèse de la géologie du Sahara sud-constantinois et du Sahara central », qui fait sensation dans le monde scientifique, et le classe, d'un coup, parmi les savants. Quelques années plus tard, il publie un ouvrage « Au Hoggar, Mission de 1922 », où il confirme sa conviction qu'il existe des gisements d'hydrocarbures dans cette zone.
    Puis, à plusieurs reprises, il repartira au Sahara où il réussira, en 1927-28, en 1936, en 1943, de longues et fructueuses expéditions à dos de chameau (des "méharées") qui feront l'admiration et aussi exciteront la jalousie des Sahariens chevronnés.
    Ayant obtenu une mission de l'Institut de France, il peut réaliser son rêve : parcourir les confins algéro-libyens, région pratiquement inconnue. Le 4 avril 1927, il quitte Tamanrasset (chef-lieu du Hoggar) en compagnie de deux Touareg, dans l'intention de traverser une partie du Ténéré surnommé le « désert des déserts ».
    Kilian entreprend ensuite la deuxième partie de sa mission. Cette fois, il s'agit de traverser le Ténéré dans sa plus grande largeur : 800 kilomètres d'une marche épuisante, jusqu'à l'oasis de Toummo, à cheval sur la frontière libyenne. Il en suit le tracé vers le nord, touche In Ezzane et pousse une pointe en territoire fezzanais. À Ghat, l’aménokhal (le grand chef) des Touareg, Ajjer, lui propose de s'établir dans cette localité et de devenir le seigneur du Fezzan. Refus de Kilian, qui ne veut pas être un aventurier, mais seulement un explorateur travaillant pour son pays.
    Il rentrera à son point de départ, Djanet, après avoir parcouru, en huit mois, quelque 4 000 kilomètres à dos de chameau - ou à pied !
    C'est là un magnifique exploit. Mais son attitude orgueilleuse, souvent théâtrale, son goût pour le faste, son caractère ombrageux, son allure seigneuriale — il se présente comme « Explorateur Souverain » et a choisi pour devise « Avec Vaillants Toujours Kilian » (1) -, dressent contre lui bien des officiers des Affaires sahariennes et certains services officiels. Ses prétentions, ses algarades, ses succès aussi lui font beaucoup d'ennemis parmi la gent française du Sahara, qui le considère comme un illusionniste.

    LA LUTTE CONTRE L'INDIFFÉRENCE
    À  Alger, à Paris, il se démène pour faire triompher ses idées et alerter les autorités gouvernementales. Il se débat contre l'indifférence et le scepticisme. En juillet 1930, cependant, il parvient à forcer les portes de l'Elysée pour exposer au président Doumergue (dont il a donné le nom à une chaîne de montagnes au sud-est de Tassili : les « Monts Doumergue ») les grandes lignes de son action et l'importance, pour l'Afrique française, de ces confins libyens qu'il vient de parcourir, avec quelle passion !
    Aussi bien le problème est-il d'actualité. Des tractations sont en cours entre Paris et Rome car l'Italie du Duce est sur le point de réoccuper la Tripolitaine. À la fin de 1930, les Italiens installent à Ghat un détachement militaire.
    Au début de 1936, après un long séjour en métropole, Kilian prend à nouveau le départ vers le Sud. Il s'agit encore une fois d'étudier ces fameux confins et de reconnaître les ressources - et sans doute les richesses - du sous-sol saharien et fezzanais. Il a bien reçu une mission officielle ; mais c'est lui qui devra subvenir à presque tous les frais de l'expédition !
    De Tamanrasset, il marche vers l'est, en direction de Toummo, la plupart du temps à travers le désert de sable. Et encore une fois, il y trouvera un puits, sur lequel il comptait, "bouché" non par le sable mais par la main de l'homme. Sur l'ordre de qui ? Il découvrira dans certains régions du Tassili un ensemble d'admirables gravures rupestres - représentant souvent des animaux (bœufs, chevaux, gazelles, rhinocéros, poissons même) ou des scènes de chasse ou de guerre - qui prouvent que le Sahara n'a pas toujours été un désert inhospitalier et dépourvu de rivières.

    LA DERNIÈRE EXPÉDITION
    Bientôt ce sera la guerre en France, le deuxième conflit mondial. Le lieutenant d'artillerie Kilian se distingue à la défense du Quesnoy. Prisonnier, il sera libéré au titre de combattant de 1914-18. Il n'a de cesse de retourner vers son désert.
    Dès le mois de janvier 1943, il entreprend une nouvelle campagne - ce sera la dernière... Parti d'Agadès, dans le nord du territoire du Niger, il remonte vers le vaste massif d'Aïr, qu'il explore et étudie au point de vue géologique. Il y rencontre d'ailleurs un groupe de prospecteurs étrangers qui s'intéressent à un gisement de wolfram (minerai qui procure du tungstène, très précieux pour l'industrie). A-t-il découvert là une activité qui aurait dû rester secrète ?
    Rentré à Tamanrasset, il est reçu par le chef de l'Annexe, le capitaine Florimond. Mais il tombe gravement malade, présentant tous les symptômes d'un empoisonnement par une drogue berbère redoutable et habituellement mortelle, bien connue au Hoggar sous le nom de « bor bor ». Est-ce un acte criminel ? Ne se sentant plus en sécurité, il quitte la ville clandestinement, malgré son état, à bord d'un camion qui rejoint le Tell. Soigné à Alger, il se remet, mais se ressentira toujours de cette violente intoxication.
    Convalescent à Alger, où il résidera jusqu'à la fin de la guerre, il est sollicité par des représentants de compagnies pétrolières étrangères pour reprendre la tête des recherches à effectuer au Sahara et en Libye. Il repousse la proposition ; mais, dès ce moment, il se prétendra poursuivi par les agents de l'Intelligence Service. Et il pense que l'atmosphère de Paris lui conviendra mieux que celle d'Alger où grenouillent tant d'aventuriers.
    Dans la capitale, il fait le tour des ministères pour attirer l'attention sur la nécessité de conserver les richesses minières du Fezzan, qui est alors occupé par les Français. Il écrit au président du gouvernement provisoire au mois d'août 1945. Il voudrait que la France conservât le Fezzan, avec un débouché sur la Méditerranée par le golfe libyen de la Grande Syrte.
    « Le Fezzan conquis par Leclerc, déclare Kilian, doit rester sous obédience française. Il est possible de le faire car personne ne sait encore l'énorme réservoir de naphte que constitue le Fezzan Syrtique » - c'est en effet, dans cette région que se trouvent actuellement les puits les plus riches.

    UN INEXPLICABLE ACCIDENT
    Or, en novembre 1947, on apprend que l'avion qui transportait le général Leclerc et plusieurs officiers de son état-major s'est écrasé contre le ballast de la voie ferrée Oran-Kenadza, à quelques kilomètres de Colomb-Béchar. On accuse la météo, une tourmente de sable, l'imprudence du général...
    Mais que croire, alors qu'il a été établi que les conditions météorologiques, sans être bonnes, ne pouvaient empêcher un avion de voler (comme l'ont fait ce jour-là plusieurs autres appareils dans la même région), et que d'autre part, un témoin oculaire a affirmé que l'avion n'a pas éclaté en heurtant le sol, mais qu'il a explosé alors qu'il était encore en l'air ? « J'ai vu une grande lueur blanche qui ressemblait à un soleil... L'avion a pris feu et s'est abattu ! »
    Et puis, n'a-t-on pas trouvé, parmi les corps des victimes, le cadavre d'un inconnu, dont certains ont assuré qu'il était un « agent de l'étranger » ? Tout cela reste troublant.
    L'accident a été officiellement attribué à la violence du vent ; mais les initiés ont chuchoté qu'un rapport secret avait conclu à un attentat. Et d'expliquer que Leclerc était, lui aussi, partisan de la réunion du Fezzan au Sahara français...
    Deux années plus tard, en 1949, Londres crée le gouvernement de Cyrénaïque, à Benghazi, et l'ONU prévoit la fondation d'un État libyen unifié englobant la Tripolitaine, la Cyrénaïque et le Fezzan. L'indépendance de la Libye est proclamée le 25 décembre 1959.
    L'oasis de Koufra, que Leclerc avait conquise en 1941, est évacuée en juin 1951 ; le Fezzan tout entier est abandonné en 1956.

    SUICIDE... OU ASSASSINAT ?
    En 1956, il y a six ans que Conrad Kilian est mort. Depuis 1945, il vivait maigrement dans un petit logement de la rue du Bac, à Paris. Il n'a jamais cessé de défendre ses idées ; il fait encore de multiples démarches ; il rédige un long rapport, établi en 17 exemplaires, qu'il fait remettre à une quinzaine de personnalités au mois de mars 1947. C'est ce qu'il appelle la « note en prenant congé », qui est une synthèse magistrale de sa doctrine.
    S'il a conservé des amitiés fidèles, Kilian se sent entouré d'hostilité. Son appartement a été fouillé : on cherchait des documents. Et puis il craint toujours les agissements des services secrets étrangers, qui s'efforcent, dit-il, de détourner la France des pétroles sahariens.
    Cédant aux instances de ses amis qui lui conseillent de fuir l'ambiance déprimante de Paris, il s'installe, en décembre 1949, à Grenoble, ville où il a passé son enfance. Il y mène une vie retirée et plus calme. Mais il traîne le désespoir d'être incompris et de n'avoir pas eu le temps et la force d'achever son oeuvre.
    Or, le 28 avril 1950, il échappe à un accident. Le conducteur d'une voiture automobile inconnue a failli l'écraser en fonçant sur lui, tous feux éteints. Accident ou nouvelle tentative d'assassinat ?
    Le lendemain 29 avril, après avoir travaillé à la bibliothèque de la faculté des Sciences et rendu visite à un ami, il rentre à son hôtel vers 21 heures. On entend du bruit dans sa chambre... Et le 30 avril à 8 heures, on découvre un corps inanimé, les yeux fermés et maculé de sang, pendu à l'espagnolette de sa fenêtre.
    Suicide ? Comment un homme de 1m78 peut-il se pendre à une espagnolette située à 1m 20 du sol ? Et pourquoi une pendaison provoque-t-elle tant de sang ? Tout laisse à penser à un assassinat camouflé en suicide. Kilian n'a-t-il pas déclaré, quelques années auparavant : « Le jour où l’on viendra vous dire que je me suis suicidé, n'en croyez rien. Vous saurez qu'en aucun cas, il n'y aura eu suicide... » ? L'enquête policière conclut cependant à la mort volontaire.
    Comme l'a rapporté Euloge Boissonnade dans son livre : « Conrad Kilian, Explorateur Souverain » (aux Editions France-Empire), plusieurs témoins dignes de foi ont entendu, quelques semaines après le drame, un major britannique affirmer : « Ah oui ! Conrad Kilian, l'homme qui a découvert le pétrole au Fezzan ? L'Intelligence Service s'est occupé de lui... Ce fut du travail bien fait. »
    Frédéric BARTEL. Écrits de Paris mars 2008
    (1) Pour marquer en 1975 le 25e anniversaire de la disparition du grand géologue-explorateur, la Monnaie de Paris édita une médaille portant son portrait et, en exergue, sa devise : « Avec Vaillants, Toujours Kilian ».

  • Hollande et la haine de soi

    On se souviendra longtemps de cet exercice de faux-cul auquel s’est livré, ce jeudi 20 décembre, François Hollande en Algérie qui n’a pas hésité, pour qui sait lire entre les lignes de ses propos scandaleux, à traîner la France à Canossa.

    En déclarant, devant les parlementaires algériens que « pendant 132 ans, l’Algérie a été soumise à un système profondément injuste et brutal (…). Ce système a un nom : c’est la colonisation et je reconnais ici les souffrances que la colonisation a infligées au peuple algérien ». Et même si Hollande proclame hypocritement son « respect de la mémoire, de toutes les mémoires », on aura beau dire tout ce que l’on veut, son discours montre qu’il a battu la coulpe de la France, ainsi qu’en témoignent les applaudissements nourris qui sont venus ponctuer sa harangue. En prétendant livrer sa « vérité sur le passé, vérité sur la colonisation, vérité sur la guerre avec ses drames, ses tragédies, vérité sur les mémoires blessées », l’ancien député de Corrèze a, de nouveau, administré la preuve qu’il n’est, décidément pas, à la hauteur de sa fonction.

    On est loin du candidat à la présidentielle qui se réclamait spirituellement et intellectuellement de Mitterrand, lequel, regnante, a toujours obstinément refusé de ceindre le cilice de la méa-culpance, au nom des méfaits supposés de la France, s’inscrivant en cela dans une tradition innovée par Georges Pompidou. François Hollande s’est comporté comme un vulgaire chef de parti. La teneur de ses propos n’est d’ailleurs pas sans rappeler ceux proférés par Martine Aubry au Sénégal (après ceux de Ségolène Royal), lorsque la ci-devant Première secrétaire du PS déclamait, dans un lyrisme de carton-pâte, « reconnaître les crimes et les drames de l’esclavage et de la colonisation », et, péremptoire, au prix d’un négationnisme éhonté, professait que « l’homme est né en Afrique. C’est par ce continent que le monde s’est peuplé ». « C’est curieux, chez les marins, ce besoin de faire des phrases », s’étonnait Michel Audiard. De la même façon, on peut trouver incongru, chez les néo-socialistes, ce besoin de refaire l’histoire… Mais Hollande a, paraît-il, été élu à la présidence de la République. Aux termes de l’article 5 de notre Constitution, « le Président de la République veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’État ». Assigné à cette fonction d’arbitre, le président de la République se doit, en effet, de se situer au-dessus des contingences partisanes, comme de toute faction, et, a fortiori, de toute communauté (voire communautarisme). [...]

    Aristide Leucate - La suite sur NdF

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  • Les maîtres de la Contre-Révolution : Jacques Bainville

    L’une des plumes les plus brillantes de L'Action Française, outre celle de Charles Maurras, fut incontestablement celle de Jacques Bainville. Il n'avait pas le côté tonitruant et rabelaisien de Léon Daudet, mais ce fut justement le miracle de Charles Maurras dans la grande aventure de ce journal, qui devint quotidien en 1908, que de réunir des talents aussi divers et exceptionnels sur le seul terrain du salut national.
    Né à Vincennes le 9 février 1879, Jacques Bainville suivit de brillantes études au lycée Henri IV à Paris. En mars 1900, il rencontra Maurras au Café de Flore : il fut séduit par la cohérence de sa doctrine, son empirisme et son absence de préjugés.

    LOUIS II DE BAVIÈRE
    Il commença sa carrière littéraire en 1900 en publiant à tout juste vingt ans son Louis II de Bavière (1). Grand admirateur du modèle politique allemand face auquel il déplorait que la démocratie française ne pût faire le poids, Bainville s'intéressait fort au roi de Bavière dont le royaume lui paraissait pouvoir jouer un rôle entre une Prusse trop forte et une France républicaine qui ne cessait d'abandonner ses alliés allemands.
    Rédacteur à la Gazette de France, puis à L'Action Française et à plusieurs autres journaux  traitant d'économie et de diplomatie, il fut l'un des plus prompts à répondre à l’Enquête sur la monarchie lancée par Charles Maurras entre 1899 et 1902. Il traitait aussi des relations internationales à l'Institut d'Action française, avant de devenir en 1920 le directeur de La Revue universelle. Il fut élu en 1935 membre de l'Académie française au fauteuil de Raymond Poincaré.

    LES CONSÉQUENCES POLITIQUES DE LA PAIX
    En 1920, son ouvrage Les conséquences politiques de la paix (2) eut un grand succès. Il y démêlait dans un style limpide et très pédagogique les conséquences du funeste Traité de Versailles du 28 juin 1919 et de ses appendices (Trianon, Sèvres, Saint-Germain et Neuilly) qui venait de mettre fin - du moins le croyait-on - à la Grande Guerre. Se fondant sur « quelques principes tirés de l'expérience et du bon sens », donc appliquant la méthode de l'empirisme organisateur si chère à l'Action française, Bainville refusait de croire que les peuples affamés ou économiquement exsangues pussent amoindrir leur bellicisme. Il mettait en évidence une Allemagne unifiée « dans son contraste avec une Europe morcelée » ; et il soulignait la nature morale, mais point du tout politique, du Traité dont les détails avaient été fixés par des « géomètres arpenteurs » selon des principes abstraits ne manifestant aucun raisonnement politique qui eût exigé un effort intellectuel et une préparation particulière.
    Le traité, « trop doux pour ce qu'il avait de dur, et trop dur pour ce qu'il avait de doux » avait enfanté le monstre d'« une Allemagne certes diminuée en superficie mais considérablement renforcée dans son unité » : il « poussait, enfermait, parquait soixante millions d'hommes entre des frontières rétrécies ». On ne voulut pas écouter les leçons de l'histoire du peuple allemand issu de la Prusse, « pays de colonisation et de conquête qui a créé le militarisme prussien ». Pour des raisons philosophiques et morales, Clemenceau, Lloyd George et Wilson s'opposèrent à tout ce qui aurait pu ressembler à une dissociation de l'Allemagne. Ainsi détruisirent-ils les particularismes dynastiques et princiers, qui auraient eu les moyens diplomatiques nécessaires pour entrer en conversation avec les puissances alliées... On rendait débiteurs soixante millions d'Allemands et l'on exacerbait les passions nationales en même temps que l'on barrait la route à tout effort d'amitié franco-allemande.

    LES LEÇONS DE L'HISTOIRE
    Ce traité « monté comme une mécanique homicide » aggravait en outre le déséquilibre géostratégique par le nouveau découpage de l'Europe. Tous les États périphériques de l'Allemagne  (Pologne Autriche, Tchécoslovaquie, Hongrie, États baltes) « offraient un trait commun ; ils étaient dépourvus de frontières naturelles. Leurs limites étaient à peu près et tant bien que mal, celles de la nationalité dont ils portaient le nom » Ces "États-enfants" ne pourraient remplir un rôle solide et efficace face à une Allemagne consolidée et Bainville laissait aisément prévoir la suite des événements proches, notamment l'annexion de l'Autriche, l'invasion de la Pologne par l'Allemagne et le déclenchement d'une guerre encore plus atroce que celle qui venait de prendre fin.
    Tels étaient les malheurs qui menaçaient l'Europe parce qu'on n'avait pas voulu écouter les leçons de passé et s'en tenir à la sagesse des traités de Westphalie, par lesquels le roi de France, empêchant tout empiétement de l'empereur sur les droits des États allemands, avait assuré pour un siècle et demi l'équilibre européen et la paix entre les nations, sans qu'aucune n'en fût humiliée.
    Cette idée chère à Bainville se retrouve aussi dans son Histoire de Deux Peuples (3) (France et Allemagne) publiée dès 1915 et fondée sur les constantes de l'Histoire, de même que dans sa célèbre Histoire de France (4), publiée en 1924.

    HISTOIRE DE FRANCE
    Il s'agissait par sa méthode comme par son inspiration d'un modèle d'histoire contre-révolutionnaire. L'auteur ne se contentait pas d'exposer des faits dûment établis et d'en ordonner scrupuleusement le récit. Il prenait de la hauteur et décrivait l'enchaînement des causes et des conséquences. Ce livre était l'histoire politique de la formation de la nation française au long des âges et des vicissitudes qu'elle a traversées. Cette longue réflexion sur l'histoire de notre pays s'attachait à expliquer le pourquoi des décisions des personnages politiques. Il privilégiait l'analyse psychologique en soulignant leurs ambitions, les idées qui les animaient mais aussi les contraintes dues aux circonstances ou à la géopolitique, car Bainville pratiqua cette science bien avant qu'elle fût reconnue officiellement. Il faisait ainsi découvrir, illustrées par les faits, les constantes de notre histoire nationale.
    La France est un pays favorisé à bien des égards par la nature, où il fait bon vivre, mais elle est exposée aux invasions notamment sur sa frontière nord-est, la tâche des envahisseurs étant souvent facilitée par les complices qu'ils ont trouvés à l'intérieur ou tout simplement par les querelles politiques internes. C'est ainsi que César s'imposa à la Gaule entière au premier siècle de notre ère...
    D'emblée, Bainville soulignait la diversité ethnique de la France : la fusion des races a commencé dès les âges préhistoriques : « Le peuple français est un composé. C'est mieux qu'une race, c'est une nation. » Et c'est l'État qui a constitué la nation. La France doit son existence au long labeur des rois capétiens.
    Une autre France aurait pu voir le jour, ou même pas de France du tout. Les Capétiens ont poursuivi obstinément, avec intelligence et volonté, pendant des siècles le même projet politique. Ils ont été servis par une bonne loi de succession : celle qui faisait du fils aîné du roi son successeur nécessaire. Pendant trois cent quarante ans à partir d'Hugues Capet, la couronne fut transmise de père en fils sans discontinuité. La dynastie se consolida ainsi et put sans troubles graves aborder les difficultés de succession, toujours par ordre de primogéniture, aux diverses branches qui recueillaient le droit royal. Pendant ce temps les empereurs allemands, jouissant d'un pouvoir précaire car reposant sur l'élection et en conflit souvent avec la Papauté, ne purent accomplir œuvre durable. A la différence des rois anglais et allemands les Capétiens surent borner leurs ambitions et avancèrent pas à pas laissant à leurs successeurs le soin de continuer et d'achever la construction du royaume.
    C'est par la sagesse de leur administration et surtout par leur justice que les Capétiens ont fait désirer et apprécier leur autorité aux Français. Nos rois ont été les défenseurs du peuple contre les féodaux tumultueux. La France a traversé de longues crises durant lesquelles elle fut livrée aux factions : pendant la guerre de Cent ans, les guerres de religion, ou la Fronde. Après chacune d'elles la royauté permettait la réconciliation nationale et, avec la paix civile, le retour de la prospérité.
    Dans les périodes de crise, remarquait Bainville, apparaît en France un esprit républicain. Des agitateurs laissent croire au peuple que la France pourrait se passer de roi mais de fait ils ne sont bons qu'à jeter le pays dans l'anarchie. La France est constituée de telle sorte que pour subsister elle a besoin d'avoir au sommet une autorité forte, un roi qui gouverne sans entraves sur les questions essentielles pour l'avenir du pays ; l'intrusion des parlements dans les affaires politiques a été généralement néfaste.

    L'INTELLIGENCE DE L'HISTOIRE
    La chute de Napoléon, héritier de la Révolution, fut suivie des règnes réparateurs de deux Bourbons, Louis XVIII et Charles X, mais les idées libérales sapèrent la monarchie et la France demeura en révolution tout au long du XIXe siècle. La IIIe république ne rendit pas au pays son équilibre politique. Elle ne fut qu'une longue absence de roi. Ballottée au gré des influences étrangères successives, elle ne sut pas apporter à la politique extérieure le même soin que les Capétiens disposant de la durée et de la continuité. Elle a certes remporté la victoire en 1918, mais au prix de pertes humaines et de destructions considérables. Les mauvais traités qui conclurent la guerre s'avérèrent néfastes car les politiciens ne tinrent pas compte des impératifs de sécurité nationale.
    L'Histoire de France de Jacques Bainville aide à jeter un regard pénétrant sur notre histoire : rien de tel pour faire aimer l'histoire au plus obtus de nos compatriotes. Bainville eut l'intelligence de l'histoire comme Maurras eut l'intelligence de la politique. Sans être à proprement parler un doctrinaire ou un théoricien contre-révolutionnaire, il enseigna la Contre-révolution en action, en montrant nos rois à leur œuvre de salut national et en faisant réfléchir sur les lacunes évidentes de notre république.

    NAPOLÉON
    Quelques mots sur son Napoléon (5), paru en 1931, où apparaissait la maîtrise de la psychologie de l'empereur chez Bainville. Il en brossait le portrait hallucinant et montrait que son ambition et son entêtement l'avaient poussé à engager sa patrie dans une tension démesurée où elle manqua se briser. Conclusion : « sauf pour la gloire, sauf pour l'art, il eût mieux valu qu'il (Napoléon) n'eût jamais existé ».
    Tel fut Jacques Bainville, cet homme de goût qui lui-même jugeait que bien écrire était la seule chose qu'il eût réussie, cet homme de sagesse et de bon sens qui rejetait l'excès et l'agitation vaine et stérile, autant que l'étalage des sentiments et la familiarité, cet homme pudique qui parlait peu de religion, mais ne vivait pas sans une foi intérieure, tandis que certains l'ont fixé dans son rôle de Cassandre, comme s'il n'avait aimé aucune joie. Il avait l'art d'une ironie toute voltairienne (6) et il était doué d'une sensibilité réelle (7). Il croyait en l'action des hommes, lui qui voyait les Capétiens, toujours à l'œuvre, car il est dans la nature d'une œuvre humaine d'être toujours à reconstruire... Et c'est pour cela que cet homme que l'on a dit sceptique croyait à l'intelligence et à la volonté des hommes, ces deux principaux éléments constitutifs de l'œuvre capétienne.
    Il rendit son âme à Dieu le 9 février 1936, fort inquiet sur le sort de la France dans le monde qu'il sentait venir. Lors de ses obsèques, le 13 février, Léon Blum, dans sa voiture à cocarde, fut pris dans l'embouteillage causé par l'immense cortège, rue de l'Université, à Paris. Une bousculade survint et certains ont dit que le chef socialiste avait failli être lynché...
    Michel FROMENTOUX. Rivarol 21 décembre 2012
    1 Jacques Bainville : Louis II de Bavière. Rééd Librairie académique Perrin Complexe 1985.
    2 Jacques Bainville : Les conséquences politiques de la paix. Nouvelle librairie nationale 1920, Rééd Gallimard 2002.
    3 Jacques Bainville : Histoire de deux peuples : la France et l'empire allemand . Ed Fayard 1936.
    4 Jacques Bainville : Histoire de France. Ed Fayard 1924. Rééd. Ed Godefroy de Bouillon. Il existe aussi une Petite histoire de France de Bainville pour les enfants chez Godefroy de Bouillon 2004.
    5 Jacques Bainville : Napoléon . Rééd. Ed. Godefroy de Bouillon. 2003.
    6 Charles Maurras et Jacques Bainville : Ironie et poésie. Le Pigeonnier 1923.
    7 Jacques Bainville : Tyrrhenus (la mort de Mistral) Le Pigeonnier 1925.

  • 1003 : Un modèle de roi chrétien

    Marié à Constance d'Arles, qui assure la gestion des deniers publics, Robert II fait contre mauvaise fortune bon coeur. Bravant les terreurs de l'an Mil, guerroyant contre des féodaux souvent sans foi ni loi, il en impose à plus d'un par son sens de la dignité royale, par sa justice et sa loyauté.

    Cette année-là, la neuvième de son règne effectif, Robert II, trente et un ans, ayant non sans déchirements surmonté les tumultes de son coeur trop tendre, venait de contracter un mariage parfaitement légitime mais, nous l'avons laissé entendre, la jolie fille de Guillaume Taillefer comte de Provence, Constance d'Arles, dix-sept ans, allait être le purgatoire de son mari.

    Épouse extravagante

    Figurons-nous la situation. Alors qu'à Paris, les Capétiens menaient une vie humble et pieuse, voilà que cette extravagante laissait arriver dans son sillage des hommes du Midi. Ils étaient « remplis de légèreté et de vanité, mettant un luxe extrême dans leurs armes et dans les harnais de leurs chevaux, avec des cheveux coupés à mi hauteur de la tête, la barbe rasée comme des histrions, portant des chausses inconvenantes, privés de bonne foi et du respect de la foi jurée »… Du moins selon le moine chroniqueur Raoul Glaber !

    Il fallait toutefois que Robert fît contre mauvaise fortune bon coeur, effort d'autant plus méritoire que, cousine germaine de Foulque Nera, le terrible et pourtant pieux comte d'Anjou, Constance imposait à la cour l'influence angevine, au détriment du comte de Blois, Eudes II, fils de Berthe, l'épouse congédiée !

    Un mendiant sous la table du roi

    Robert allait alors être un modèle de charité. Car autant son ancien maître, le pape Sylvestre II, était un politique, le roi de France apparaissait à tous comme un saint. Richer, autre moine chroniqueur, le décrivait comme grand, possédant une belle chevelure, un regard modeste, une barbe imposante et toujours bien peignée, « une bouche suave et douce pour donner le baiser de la sainte paix ». On lui doit les paroles et la musique de nombreux hymnes liturgiques, qu'il chantait lui-même dans le choeur, manière sans doute d'invoquer Dieu pour qu'Il l'aidât à supporter sa femme. On connaît maint récit de ses actes de charité, comme le dîner d'un soir à Étampes où il nourrissait un mendiant sous la table en cachette de Constance… tandis que le pauvre homme, tout en mangeant, découpait un ornement d'or qui pendait du vêtement royal, avant de s'esbigner sans être inquiété…

    Robert n'en devait pas moins confier à Constance la gestion des deniers publics, en somme la direction d'un ménage qui s'étendait au royaume entier. La monarchie capétienne ne fut jamais misogyne…

    Prestige

    Ce roi resté pour toujours “Le Pieux”, fut aussi, dit Frank Funck-Brentano « toujours en guerre, assiégeant les châteaux, s'efforçant, la lance au poing, de faire régner la paix et la justice », car il devait guerroyer contre des féodaux souvent sans foi ni loi qui, pour certains, avaient servi les Carolingiens quelques années plus tôt et se croyaient autorisés à manquer de respect au fils d'Hugues Capet. Les maisons rivales, déjà citées, d'Anjou et de Blois commençaient à agrandir leurs domaines dangereusement. Toutefois Robert par son sens de la dignité royale, par sa justice et sa loyauté, en imposait à plus d'un. Dans ces années où les légendaires terreurs de l'an Mil mettaient le peuple en ébullition de ci de là, s'imposa déjà, grâce au soutien du roi, la “paix de Dieu”, qu'on allait appeler plus tard la “trêve de Dieu”, qui permit aux évêques de moraliser l'exercice de la guerre.

    En même temps, Robert accrut le prestige français sur le plan européen, s'entretenant en 1023 avec l'empereur romain germanique Henri II, qui, lui, allait être canonisé, des réformes nécessaires à l'Église en crise.

    En dépit de la venimeuse Constance, qui allait vers 1030 tenter de dresser ses fils contre lui, Robert II fit grandir en prestige la jeune monarchie capétienne. Il devait mourir le 20 juillet 1031 à Melun, à soixante et un an. Comme le dit le duc de Levis-Mirepoix, « dès sa génération, la dynastie n'est plus contestée dans sa légitimité de principe. Les plus humbles s'y reconnaissent. Une espèce de candeur évangélique en dépit des troubles du temps plane sur elle. » L'aventure entamée à Senlis en 987 aurait un avenir.

    Constance, quant à elle, allait survivre deux ans à Robert, trouvant encore le moyen d'attiser la jalousie de ses fils cadets contre l'aîné et successeur Henri 1er (que Robert avait eu la sagesse de faire sacrer en 1027, à dix-neuf ans). Sans doute a-telle sauvé son âme en construisant un oratoire à Étampes et en faisant édifier un monastère de chanoines à Poissy…

    Nous avons déjà conté la manière dont Henri 1er échapperait aux difficultés de son père avec les femmes en allant prendre la sienne… en Ukraine (L'AF 2000 du 18 septembre 2008).

    MICHEL FROMENTOUX  L’ACTION FRANÇAISE 2000 du 4 au 17 juin 2009