Source : mondialisation.ca
Le 14 décembre le secrétaire à la Défense Leon Panetta a signé un décret autorisant l’envoi de 400 troupes opératrices de missiles en Turquie. Selon Washington, la sécurité de la Turquie, le poids lourd de l’OTAN, est menacée. Du personnel militaire étasunien sera déployé en Turquie dans les prochaines semaines afin de manœuvrer deux batteries de missiles étasuniennes Patriot.
Selon le porte-parole du Pentagone, George Little :
« Les États-Unis ont aidé la Turquie à se défendre [contre la Syrie].
Je ne pourrai pas être précis pour l’instant, a-t-il ajouté, mais je voulais vous aviser […] que nous avons signé ce décret et que nous sommes prêts à appuyer la défense de la Turquie sous les auspices de l’OTAN pour une période indéterminée.
Le but de ce déploiement est de signaler clairement que les États-Unis, en collaborant étroitement avec nos alliés de l’OTAN, défendront la Turquie, surtout en raison des menaces potentielles émanant de la Syrie. »
(US Air Force News, 14 décembre 2012.)
Les intercepteurs sol-air Patriot sont déployés pour faire face « aux menaces provenant de la Syrie ». D’après le secrétaire à la Défense des États-Unis Leon Panetta, ces menaces « comprennent des frappes syriennes en Turquie » et les combats entre le gouvernement et les rebelles s’étendant sur le territoire turc (CNN, 14 décembre 2012), « on ne peut pas perdre trop de temps à se demander si ça emmerde [pisses off] la Syrie », a déclaré Panetta après avoir signé le décret vendredi. (Ibid., c’est l’auteur qui souligne)
En plus du déploiement de missiles étasuniens, l’Allemagne et les Pays-Bas ont confirmé qu’ils déploieront également des missiles Patriot en Turquie visant la Syrie.
La déclaration officielle du Pentagone ne mentionne pas que cette accumulation de batteries de missiles Patriot ne cible pas uniquement la Syrie, elle vise aussi à confronter la présence militaire russe en Syrie et son appui au développement du système de défense aérien syrien.
L’insurrection menée par les États-Unis et l’OTAN
L’initiative du Pentagone en Turquie fait partie de l’insurrection menée par les États-Unis, l’OTAN et Israël contre la Syrie. Au cours des dernier mois, l’insurrection s’est développée en invasion alliée non officielle (quoique de facto) caractérisée par la présence en Syrie de Forces spéciales françaises, britanniques, turques et qataries.
Ces Forces spéciales sont « intégrées » aux rangs rebelles. Elles ne font pas que participer à l’entraînement des forces rebelles, elles sont dans les faits également impliqués dans le commandement paramilitaire et la coordination, en liaison avec l’OTAN.
Autrement dit, par le biais de leurs Forces spéciales et agents de renseignement sur le terrain, des États membres de l’Alliance atlantique déterminent largement la nature et les avancées des actions rebelles. Fait significatif, le Front Al-Nosra (voir l’image ci-dessous), une milice affiliée à Al-Qaïda et impliquée dans d’innombrables actes terroristes contre les civils, constitue la principale force combattante, directement recrutée et entraînée par les États-Unis, l’OTAN, l’Arabie Saoudite et le Qatar.
La guerre élargie du Moyen-Orient
Le déploiement de missiles Patriot étasuniens en Turquie fait partie d’un processus régional de militarisation comportant l’établissement de postes de commandement des États-Unis et le stationnement de troupes étasuniennes en Jordanie et en Israël. Ce déploiement militaire régional menace aussi l’Iran.
De plus, les préparatifs de guerre des États-Unis et de l’OTAN concernant la Syrie sont coordonnés à ceux reliés à l’Iran. Les postes de commandement en Israël, lesquels supervisent environ 1 000 troupes étasuniennes, en coordination avec les Forces de défense d’Israël (FDI), sont sous la juridiction du Commandement européen des États-Unis (Eucom).
Le chef d’état-major iranien a prévenu récemment que le stationnement de batteries antimissiles aux frontières entre la Turquie et la Syrie équivalait à « préparer le terrain pour une guerre mondiale ».
Il est important de signaler qu’en plus des missiles Patriot en Turquie, des batteries Patriot ciblant l’Iran ont aussi été déployées au Koweït, au Qatar, aux Émirats arabes unis et au Bahreïn (2010).
Missile Patriot étasunien
Les systèmes russes de défense antiaérienne en Syrie
En réaction au déploiement de missiles des États-Unis et de leurs alliés, la Russie a livré à la Syrie des missiles Iskander perfectionnés, désormais pleinement opérationnels, sans compter le système russe de défense sol-air Pechora 2M.
On décrit l’Iskander comme un système de missile surface-surface « qu’aucun système de défense antimissile ne peut suivre ou détruire ».
Le dernier Iskander peut voyager à une vitesse hypersonique dépassant 1,3 miles (2,09 km) par seconde (Mach 6-7) et sa portée d’une extrême précision excède 280 miles (450,62 km). Il détruit les cibles avec son ogive de 1500 livres (680 kg), un cauchemar pour n’importe quel système de défense antimissile.
Iskander Mach 6-7
Par ailleurs, la Syrie est équipée de du système de défense antiaérienne moderne Pechora-2M et des sources militaires étasuniennes ont admis qu’il constituerait « une menace », à savoir un obstacle advenant l’implantation d’une « zone d’exclusion aérienne » concernant la Syrie.
Le Pechora-2M est un système multicibles sophistiqué pouvant être utilisé également contre des missiles de croisière.
Description
Le Pechora-2M est un système de défense antiaérienne équipé de missiles sol-air à courte portée conçu pour détruire des avions, des missiles de croisière, des hélicoptères d’assaut et d’autres cibles au sol ou à basse et moyenne altitude.
Système de défense sol-air russe Pechora 2M déployé en Syrie
La Russie appuie fermement la Syrie
Contrairement à ce qu’affirment de récents reportages, la Russie appuie le gouvernement de Bachar Al-Assad.
Le 14 décembre, le ministère russe des Affaires étrangères a démenti les rumeurs, semées surtout par les agences de presse occidentales et le New York Times, et selon lesquelles Moscou avait changé sa position sur la Syrie. Le battage médiatique étalé à la une des journaux était basé sur une déclaration spontanée non officielle du ministre adjoint des Affaires étrangères Mikhaïl Bogdanov : « Nous devons faire face à la réalité : la tendance actuelle démontre que le gouvernement perd progressivement le contrôle d’une partie accrue du territoire » a déclaré Bogdanov à la Chambre publique. « Une victoire de l’opposition ne peut pas être exclue. »
La déclaration n’avait rien à voir avec la position de la Russie envers la Syrie. C’est plutôt le contraire. Moscou a renforcé sa collaboration militaire avec Damas en réaction aux menaces occidentales.
« [N]ous n’avons jamais changé d’avis et ne le ferons jamais », a affirmé le porte-parole des Affaires étrangères Lukashevich lors d’une conférence de presse à Moscou.
Il convient de noter que le 5 décembre, le ministre adjoint des Affaires étrangères, Mikhaïl Bogdanov, a accusé des pays occidentaux de violer l’embargo des armes en transférant de vastes provisions d’armes à l’« opposition » syrienne, essentiellement composée de milices affiliées à Al-Qaïda,
Dangereux carrefour des relations entre la Russie et les États-Unis
Washington et ses alliés ont soutenu sans relâche les diverses entités terroristes formant les forces rebelles de l’« opposition ».
Récemment, l’Armée syrienne libre (ASL) a menacé d’exécuter une journaliste ukrainienne (voir la photo ci-dessous) et annoncé qu’elle « tuerait les Russes et les Ukrainiens » en Syrie.
Les membres de l’ASL sont les fantassins de l’alliance militaire occidentale. Sans l’appui de l’Occident, ils ne pourraient pas confronter les forces gouvernementales syriennes.
La décision de menacer et cibler des Russes n’émane pas des forces rebelles de l’« opposition », mais directement de Washington.
Ces menaces constituent des actes de provocation délibérés à l’endroit du gouvernement russe, lequel offre un soutien militaire à la Syrie. Les forces de l’« opposition » en consultation avec les États-Unis et l’OTAN menacent désormais la Russie, un allié de la Syrie.
Nous nous trouvons à un carrefour dangereux : alors que des missiles Patriot sont installés en Turquie, des missiles russes Iskander sont déployés en Syrie.
Des forces spéciales françaises, britanniques, turques et qataries sont impliquées dans le recrutement et la formation des rebelles de l’ASL, dont la plupart sont des mercenaires. L’ASL cible maintenant des citoyens russes en Syrie sur ordre de Washington, ce qui pourrait mener à l’effondrement de la diplomatie internationale.
Moscou considère ces menaces comme « des déclarations de guerre » en disant que « les insurgés armés en Syrie [appuyés par l’Occident] ont tellement été encouragés qu’ils ont atteint un stade où ils sont au-dessus des lois ».
La menace contre les Russes en Syrie est-elle le prélude d’un processus plus vaste de confrontation entre l’alliance États-Unis-OTAN et la Russie ?
Michel Chossudovsky
Article original en anglais : Military Escalation, Dangerous Crossroads : Russia-US Confrontation in Syria ?, publié le 15 décembre 2012.
Traduction : Julie Lévesque pour Mondialisation.ca
http://www.egaliteetreconciliation.fr/D ... 15537.html
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L’accès aux armes diminue la criminalité !
Tuerie de Newtown. Après l’émotion, le débat. Après les larmes d’Obama, une loi interdisant la vente de certaines armes aux USA ? Mais quid du deuxième amendement qui prévoit le droit du peuple à se défendre ? En France, beaucoup ont du mal à comprendre l’attachement du citoyen américain à ses armes (comme à la peine de mort d’ailleurs). La National Rifle Association et ses 4,2 millions de membres seraient des barbares. Et Clint Eastwood, quasiment un facho. Pourtant, après chaque tuerie, les Américains sont davantage à se ruer dans les armureries qu’à réclamer un contrôle plus strict. Extraits du livre de notre contributeur Paul Lycurgues, « Aux armes citoyens ! Plaidoyer pour l’autodéfense » (éditions Mordicus). Seconde et dernière partie.
[…] Les auteurs américains, qui s’intéressent depuis longtemps à la question du rapport entre crime et armes à feu, n’ont jamais pu démontrer de corrélation positive entre les deux. Il y aurait au contraire, pour certains, une corrélation négative ; l’accès aux armes ferait ainsi diminuer la criminalité !
L’étude la plus complète à ce jour sur le lien entre les taux de criminalité et de possession d’armes à feu aux États-Unis a été réalisée par un économiste de renom, le Dr. John Lott. Le travail de Lott 1 est remarquable pour plusieurs raisons. D’abord, il a résisté à un féroce débat contradictoire depuis sa publication : de l’aveu même de certains de ses contradicteurs, sa méthodologie (trop complexe pour être détaillée ici) est scrupuleuse, et ses résultats sont généralement considérés comme solides. Ensuite, parce qu’il met en évidence une nette diminution de plusieurs catégories de crimes immédiatement après le vote, dans certains États, de législations autorisant le port d’arme dissimulée. L’effet dissuasif semble être la principale raison de ce phénomène : moins que la perspective d’une interpellation, c’est la possibilité que leurs victimes soient armées qui semble principalement décourager les criminels 2.
En effet, même le plus irréfléchi des délinquants effectue, plus ou moins consciemment, un calcul coût / bénéfice avant d’entreprendre une activité illicite. Plus le bénéfice escompté est important (produit du vol ou du trafic) et le coût potentiel bas (le risque d’une courte peine de prison, probablement non exécutable du fait de la surpopulation carcérale actuelle), plus son intérêt à opérer croît. En augmentant le coût potentiel des activités criminelles, on réduit aussi mécaniquement l’intérêt à violer la loi. C’est exactement le même principe qui a empêché jusqu’ici l’éclatement d’un troisième conflit mondial après l’entrée dans l’ère atomique : le coût potentiel d’un conflit est devenu si élevé que toute grande guerre d’agression entre puissances nucléaires est devenue impossible.
Ainsi, une évidence saute aux yeux : les armes ne « créent » pas de crime. Les pays dans lesquels circulent le plus d’armes à feu ne présentent pas de taux de criminalité particulièrement élevés. Plus ennuyeux pour nous autres, Français : le contrôle strict des armes à feu ne réduit pas la criminalité, pas plus qu’il n’empêche les criminels et psychopathes violents de se procurer les armes nécessaires à leurs forfaits. Le cas de Richard Durn qui, au conseil municipal de Nanterre, avait massacré 8 personnes et en avait blessé 19 autres, nous a tragiquement rappelé cette évidence. Les banlieues françaises les plus « chaudes », selon le criminologue Xavier Raufer, « grouillent d’armes lourdes » 3 ; de l’aveu même de la police, le niveau de violence des braquages s’est considérablement accru depuis 10 ans. En somme, si l’on peut donc reconnaître un effet aux législations sur les armes, c’est bien d’avoir réservé de facto le monopole des armes à la police et aux criminels. Les honnêtes gens, eux, sont plus désarmés que jamais, alors même que la police n’a jamais été aussi peu capable de les protéger.
1.Lott, John Jr, « More Guns, Less Crime: Understanding Crime and Gun Control Laws » – University of Chicago Press. ↩
2.Une conclusion que tirent également Rossi et Wright dans leur magistral « Armed and Considered Dangerous : A Survey of Felons and Their Firearms » (Aldine Transaction, 1986). De l’aveu même de milliers de criminels interrogés par les auteurs, une victime potentiellement armée est le principal facteur dissuasif dont les criminels admettent tenir compte. ↩
3.Interview, La Libre Belgique, 2001. ↩Paul Lycurgues, dans Boulevard Voltaire
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L’Irlande prête au crime
[Tribune libre de Christine Dol, suite à la décision du gouvernement irlandais de déposer un projet de loi autorisant l'IVG dans les cas où la vie de la mère est en danger.]
Qu’on se le dise, l’Irlande, le dernier grand bastion du catholicisme occidental, se prépare au crime des innocents. Il s’y prépare. Car, suite à un scandale médiatique, la politique du pays concernant l’avortement est remise en cause. Le scandale ? Une jeune Indienne hindoue, ayant une grossesse difficile et un état de santé inquiétant. Elle souhaite un avortement, qui lui est refusé pour raison éthique. La femme mourra. L’avortement l’aurait-elle sauvé? Rien n’est moins sûr. Quoiqu’il en soit, le débat est relancé et Savita devient un symbole. L’Irlande décide donc d’alléger la loi, et s’aligne ainsi sur ses voisins européens.
« La législation doit définir clairement quand il est possible de mettre fin à une grossesse, c’est-à-dire quand il y a un danger réel et substantiel pour la vie – ou la santé- de la patiente et quand ce danger ne peut être écarté qu’en mettant un terme à la grossesse« .
N’est-ce pas difficile de juger s’il y a réel danger pour la vie de la mère, et si il est vraiment lié à la grossesse ? N’est-il pas facile d’interpréter la loi comme on souhaite l’entendre ? L’avortement ne va-t-il pas, comme dans les autres pays, être légalisé pour des cas particuliers et s’étendre en pratique à toute la population ?
Le ministre de la santé est dans son rôle lorsqu’il dit : « Je sais qu’il s’agit d’une question très sensible. Mais le gouvernement veut que la sécurité des femmes enceintes en Irlande soit assurée et la renforcer » . Malheureusement, il faut savoir qu’une grossesse peut être dangereuse, même dans nos sociétés médicalisées ; un accouchement reste un traumatisme physique (non condamnable, mais réel) pour la mère et l’enfant. Il y a des risques, cela fait aussi parti de la vie, encore aujourd’hui. D’ailleurs, ce sont ces risques et ces inquiétudes (de plus en plus faibles à notre époque) qui procurent davantage de joie et de sentiment de réussite lorsqu’une naissance se passe bien.
Ainsi, le bon sens médical est évidemment de faire en sorte d’épargner la vie de tout le monde, sans exception, et il faut parfois faire confiance aux compétences des médecins. Mais la femme doit prendre conscience de la réalité d’un enfantement. Il ne faut pas être immature : l’enfantement n’est pas sans risques et sans souffrances. La grossesse, la naissance et les suites sont des épreuves de générosité lancées aux femmes. Les mères en retirent une joie légitime, mais elles donnent la vie non pour leur bon-vouloir mais pour exceller dans le don de soi, parfois au prix de leur vie ou de leur santé.
Quelle femme, pendant le travail, n’a pas eu la sensation qu’elle allait mourir en couche ? Quel père ne s’est pas posé cette même question au sujet de son épouse ?
Peut-être est-ce une chance de saisir le prix de la vie en se croyant proche de la mort. Sans doute est-ce un honneur, réservé à notre sexe, que d’avoir vécu dans nos tripes une expérience parfois extraordinairement douloureuse, terrifiante et magnifique.
Christine Dol »
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Bioéthique : la dérive
C'est exactement ça. La France a le courage de se doter d'une loi bioéthique qui encadre et limite les droits des chercheurs et des médecins dans le domaine fondamental de la vie humaine. Mais en même temps, de révision en révision, le législateur laisse passer des transgressions de plus en plus manifestes. Il n'y a pas d'amarre solide à une certitude de référence - pourtant la marque des lois françaises « classiques » est dans la concision et la clarté de ces principes juridiques, qui permettent de faire l'économie de longues descriptions et d'énumérations qui limitent en réalité le champ de la loi. Plus on rentre dans les détails, plus on perd de vue l'essentiel, et plus on court le risque de laisser des portes ouvertes parce que telle éventualité, et, dans le cas qui nous préoccupe, telle nouvelle technique n'auront pas été imaginées.
Le principe était pourtant simple. Et le droit français le respecte dans le domaine successoral. Il remonte à l'Antiquité, au temps où l'on ne savait pas ce qu'est exactement l'enfant à naître dans le sein de sa mère, et il aurait permis de régler par avance tous les problèmes : Infans conceptus pro natus habetur quoties de commodis ejus agitur - l'enfant conçu est tenu pour déjà né chaque fois qu'il y va de ses intérêts. Principe raisonnable et non confessionnel s'il en est : c'est une fiction juridique qui - déjà ! - pose, il y a plus de 2 000 ans, une sorte de principe de précaution. Vous pouvez croire ou non que l'enfant conçu, l'embryon, est une personne. Mais vous ne pouvez pas faire comme s'il n'était pas un être humain, un sujet de droit, à qui sont dus le respect de l'intégrité de sa vie, et la protection face aux mauvais traitements.
Les députés, réunis pour un passionnant débat au Palais Bourbon, ont achevé dans la nuit de jeudi à vendredi l'examen des amendements proposés au projet de révision des lois bioéthiques, en attendant une adoption solennelle prévue pour mardi prochain. Débat passionnant parce qu'on s'y est réellement battu contre les dérives de la culture de mort, de l'eugénisme, de la chosification de l'être humain, mais débat à la marge où des députés courageux ne pouvaient qu'essayer d'élever des digues ponctuelles face à des scientifiques et des politiques fascinés par le pouvoir sur l'homme, ou animés d'une « compassion » dont ils ne mesurent pas les dangers, ni les erreurs.
Sans coup de théâtre d'ici à mardi, ont donc été adoptés des amendements aggravant le sort du tout-petit d'homme. La recherche sur l'embryon, interdit en principe, bénéficiera d'autorisations plus larges de la part de l'Agence de biomédecine. La procréation médicalement assistée (PMA), qui permet de fabriquer des embryons en éprouvette, sera ouverte aux couples non stables. Le don d'ovocytes (sperme et ovules), maintenu anonyme contrairement à la proposition de Roselyne Bachelot, sera possible pour les hommes et les femmes n'ayant jamais eu d'enfants. Et pour améliorer les stocks, sans doute - alors que 150 000 embryons humains sont déjà gardés « hors du temps » en France dans leurs cuves d'azote - une technique de congélation plus efficace, la vitrification, a été approuvée. Rejetée, la proposition de ne laisser féconder que trois ovules par PMA, ce qui aurait limité le nombre d'embryons détruits ou conservés : cette limitation paraissait « dramatique » à Bernard Debré qui ne voit pas « au nom de quoi on limiterait le nombre d'embryons à féconder ». Jouer avec la vie de l'homme, cela anesthésie très efficacement.
Le diagnostic prénatal est lui aussi conforté, dans une moindre mesure que celle voulue par le gouvernement mais tout de même avec une nouvelle obligation faite au médecin de proposer tout examen, relative à une condition susceptible de « modifier » le cours de la grossesse, « lorsque les conditions médicales le nécessitent ».
A ce propos on a voulu faire croire qu'on récuse l'accusation d'eugénisme (comme celle portée par Marc Le Fur) : Xavier Bertrand a voulu prouver l'absence de celui-ci en indiquant que « sur 6 876 IMG il y a 505 dépistages de trisomie : cela prouve que ce n'est pas la trisomie qui mène à une IMG ». En fait, ce n'est pas seulement la trisomie. Mais 96 % des trisomiques sont victimes d'avortements tardifs. Les opposants ont cependant obtenu, et c'est nouveau, une information des femmes pour qu'elles puissent connaître des familles ayant accueilli des enfants handicapés, et un délai de réflexion d'une semaine.
Pendant les débats, les accusations de catho-intégrisme ont fusé de la part des partisans de gauche de la dérive bioéthique. C'est ainsi qu'on veut faire taire la voix de la vie. Raison de plus pour la faire entendre plus fort.
J.S. Présent du 12 février 2011 -
Blasphème anti-bourgeois
LE MUSÉE d'art contemporain d'Avignon a organisé en ce printemps 2011 une exposition sur le thème « je crois aux miracles » présentant des œuvres de la collection d'Yvon Lambert. L'exposition est financée pour partie par la mairie UMP (libérale) et le conseil régional (socialiste), avec le soutien du groupe LVMH de Bernard Arnault (Dior, Guerlain, Givenchy, Moët, etc.), grand ami du président Sarkozy. Parmi les œuvres exposées dans l'ancienne cité des Papes se trouve une photo en grand format d'un artiste afro-cubano-honduro-new-yorkais nommé Andres Serrano représentant le Christ sur la croix baignant dans du sang et de l'urine ("Piss Christ").
Une fois de plus, les catholiques se sont sentis "blessés", "indignés", étaient "scandalisés". L'institut Civitas, proche de la Fraternité Saint-Pie X, a réagi en appelant à manifester dans les rues d'Avignon et, le samedi 16 avril, plus d'un millier de personnes ont exprimé leur indignation. Ils espéraient ainsi que les francs-maques de la région qui avaient organisé cette provocation retireraient la photo blasphématoire. Finalement, le dimanche 17 avril au matin, deux militants venus d'on ne sait où sont passés à l'action et ont détruit cette œuvre de pissotière à coups de marteau : problème réglé !
Les auteurs de cette action ont cependant été assez mal récompensés par ceux en qui ils pouvaient espérer les soutiens les plus fermes. De fait, aucun des principaux responsables de la droite catholique ne les a approuvés. Alors même que, la veille, tous trépignaient de rage, pas un ne s'est levé pour applaudir les deux héros du moment et les féliciter pour leur courage et leur détermination. C'est comme s'ils étaient tous restés interloqués, voire sidérés, par la simplicité avec laquelle deux jeunes de vingt ans avaient résolu un problème qu'ils ne pensaient pas pouvoir résoudre. Du côté des organisations catholiques proches de la Tradition, les réactions à ces coups de marteau libérateurs sont effectivement inexistantes. Tout le monde garde le silence, et l'on ne sait pas trop si l'on intériorise sa joie ou si l'on cache sa consternation.
L'Institut Civitas, qui avait organisé la manifestation d'Avignon, se tient prudemment en retrait. Alain Escada, son président, s'est ainsi exprimé le lendemain du "drame" : « L'Institut Civitas a toujours agi dans le cadre de la stricte légalité et entend bien continuer à agir de la sorte... L'Institut Civitas n'a donc aucun lien avec le fait divers qui s'est déroulé dimanche matin... L'Institut Civitas n'a ni à cautionner ni à condamner ce qui s'est passé dimanche matin à Avignon. » Heureusement qu'il ne s'agit pas d'un crime, sans quoi les deux coupables auraient probablement été dénoncés. Il est vrai qu'Alain Escada ajoute tout de même timidement : « Ce fait divers reflète une exaspération compréhensible. »
Bernard Antony, le président de Chrétienté Solidarité, avait décidé de porter l'affaire « Piss Christ » en justice. Mal lui en prit : le mercredi 20 avril, son association (l'Agrif) était condamnée par le Tribunal d'Avignon à payer 8 000 euros de dommages et de frais de justice pour le préjudice moral subi par les responsables de l'exposition. En somme, le plaignant a été condamné pour s'être plaint ! En ce qui nous concerne, il y a belle lurette que nous n'avons plus aucune confiance dans la justice de la République.
Le lundi 25 avril, sur Radio Courtoisie, Henry de Lesquen avait invité trois des plus importantes personnalités de la mouvance catholique traditionaliste pour débattre de ce sujet : Daniel Hamiche, Jean-Pierre Maugendre et l'abbé de Tanoüarn. Là encore, aucun de ces trois protagonistes n'a manifesté une quelconque satisfaction à la destruction de l'objet blasphématoire.
L'INDIGNATION ENCORE ET TOUJOURS
À en juger par les réactions des catholiques que l'on peut lire ici et là sur Internet, il semblerait qu'ils réprouvent l'action qui a eu lieu, plus qu'ils ne l'approuvent. Sur e-deo.info, un site de la mouvance catholique et nationale, on se satisfait de ce qui s'est passé : « Les catholiques se réveillent et c'est tant mieux ! Après les extrémistes homosexuels, les pseudo-artistes contemporains vont peut-être enfin comprendre qu'on ne s'attaque pas impunément au Christ et aux catholiques. » Mais la plupart des commentaires sont hostiles : « Sommes-nous obligés de passer dans le camp des voyous ? La violence est-elle une bonne solution ? » En voici un autre : « En agissant comme des sauvages (oui oui, c'est le bon terme) le martyr dans l'histoire sera l'Artiste. » Et encore : « La violence n'est jamais la solution. Jamais. En aucun cas. Pour rien ni personne. Qu'on soit religieux ou pas. Je suis atterré. » Et voici le pompon : « "Tendez l'autre joue" disait la Bible, certains devraient aussi réviser leur livre de chevet ! » Heureusement, il y a tout de même cette "Nathalie", qui sauve l'honneur : « La Sainte colère, l'indignation n'est pas condamnable ni condamnée, Jésus lui-même avec un fouet a chassé les marchands du temple. Deo Gratias, cette ignominie a été détruite, remercions le ou les auteurs de cet acte salutaire et prions pour l'auteur de l'ignominie. »
la mouvance catho-tradi, on peut lire « l'excellente synthèse de Christine Sourgins, en tous points remarquable ». On y trouve ces considérations : « Les naïfs qui se sont attaqués à la photo ont été les jouets du système sans le savoir... Cet acte violent va être récupéré par le Politiquement correct pour diaboliser tous les chrétiens blessés par Serrano. Et tout futur protestataire sera suspect d'intégrisme... Les manieurs de marteaux auraient mieux fait de manier un argument que le Politiquement correct peut encore entendre : celui de la discrimination. »
On lit encore que, dans cette action, « la violence le dispute à l'odieux » et que ses auteurs sont des "imbéciles". Il faut croire que ces catholiques, décidément, sont dans l'indignation perpétuelle. L'administrateur du site en appelle même à la justice pour régler le cas des coupables, qui sont sans doute des agents provocateurs payés par la franc-maçonnerie : « C'est pour ne pas en ajouter, surtout en ce jour Saint, que je ne mettrai pas en ligne les commentaires qui joueront le jeu de la division et de la prise à partie de ceux qui croient aux accusations publiques avant que la justice ne fasse son travail. » En clair et en français : si vous avez un cadavre à planquer, ce n'est pas à lui qu'il faut faire appel !
LE VANDALISME LIBÉRATEUR
Notre propre réaction au martelage artistique de la semaine dernière a été d'une tout autre nature. Voici le commentaire que nous avons publié sur notre blog au lendemain des faits. Nous l'avions titré : « Expo "Piss Christ" : le vandalisme libérateur était la seule solution. » Et nous écrivions, de manière toute naturelle : « Nous nous réjouissons sans réserve de cette action vengeresse, et offrons de bon cœur 300 euros à l'auteur des coups de marteau, qui saura bien où nous trouver. Si d'autres personnes veulent s'associer à nous pour récompenser ces valeureux militants, vous pouvez nous contacter à : herveryssen@hotmail.fr ou nous écrire à notre adresse de Levallois. » Le lendemain, nous informions nos lecteurs que « contact été pris » (Hervé Lalin, 14 rue Pierre-Brossolette, 92300 Levallois).
Nous pensions être catholique, malgré tout, et nous mesurons maintenant, non sans quelque interrogation, le précipice qui nous sépare de la religion actuelle. Les derniers propos de Benoît XVI (en date du 24 avril 2011) nous invitent aussi à réfléchir sur notre engagement de ce côté-ci.
Toutes ces mièvreries, auxquelles nous ne prêtions pas vraiment attention jusqu'à présent, commencent à nous picorer méchamment le système nerveux. Jean-Pierre Maugendre, le président de Renaissance catholique, avait en fait sans doute raison de ne plus nous inviter à la fête annuelle du livre organisée par son association.
LE RENOUVEAU FRANÇAIS
Il est vrai qu'il existe parmi les catholiques de la Tradition un petit noyau de militants offensifs. Les jeunes nationalistes du Renouveau français (< contre-info.com >) ont ainsi soutenu les deux valeureux techniciens du marteau : « Le Renouveau français félicite les personnes qui ont mis un terme à l'ignoble exposition d'une photo blasphématoire à Avignon. Il est en effet temps que les catholiques et les Français conscients relèvent la tête et ne tolèrent plus les insultes les plus graves à l'encontre du catholicisme et de notre identité. Nous n'acceptons plus d'être traités ainsi, chez nous. N'en déplaise aux bobos tenants de l'art le plus débile et aux loges maçonniques, notre pays est et restera une terre chrétienne. » Et dans les commentaires postés sur internet, tout le monde se félicite à qui mieux-mieux. Mais les nationalistes du RF semblent isolés au sein de leur mouvance.
AUX MARGES DE L'EGLISE
Il faut ensuite aller chercher beaucoup plus loin pour trouver une personnalité qui a applaudi des deux mains à la destruction de "l'œuvre" d'Andres Serrano. Sur RTL, l'écrivain catholique démocrate Denis Tillinac a ainsi réclamé la Légion d'Honneur pour ceux qui ont « courageusement détruit l'œuvre blasphématoire ». D'autres réactions positives viennent encore de quelques personnalités qui ne sont pas connues pour leur engagement dans l'Église. Dans le numéro de RIVAROL de la semaine dernière, Robert Spieler a ainsi évoqué une « opération salutaire » et « un courageux "commando" de jeunes catholiques ». Dans son émission du lundi 25 avril, Henry de Lesquen, le patron de radio Courtoisie, a commencé par pilonner l'adversaire avec des tirs de katioucha : « J'aurais voulu que ce fût un bain d'acide pour Serrano ». Et de vilipender la journaliste Elisabeth Lévy : "L'abominable" qui condamne les "abrutis" qui s'en sont pris à l'objet blasphématoire. « Qu'aurait dit Elisabeth Lévy si Serrano s'était fait photographier en train de pisser sur le mur des Lamentations ? » s'interroge Henry de Lesquen. « On nous traite comme des dhimmis, comme des Goyim. » Mais Henry de Lesquen, ni aucun de ses invités, n'ont décerné de satisfecit aux deux militants qui ont réglé le problème à coups de hache de combat.
Enfin, et surtout, Jean-Marie Le Pen, en réponse à un journaliste qui l'interrogeait, a déclaré à deux reprises que l'action de ces deux jeunes gens était "légitime". Que n'a-t-il été suivi ?
LES SOUFFRE-DOULEUR
Cette affaire aura surtout été l'occasion de révéler l'état d'esprit dominant dans les milieux de la droite catholique : on y est enclin à l'indignation, on se scandalise des provocations de ses ennemis, mais on s'avère encore et toujours incapable de montrer les dents et de rendre les coups. Dans ces conditions, il n'est pas étonnant que les juifs, les francs-maçons et, dans une moindre mesure, les musulmans, s'en donnent à cœur joie et se défoulent sur un souffre-douleur aussi passif et geignard : c'est l'attitude naturelle de n'importe quel gosse dans une cour d'école. Les musulmans qui savent se faire respecter en réagissant violemment aux attaques, ne subissent pas tous les outrages que supportent les catholiques. Quant aux juifs, ils ont la justice avec eux, le font savoir, et ont terrorisé tout le monde depuis des lustres, et jusqu'à une époque récente. À travers les films qu'ils réalisent et produisent en série, ils se sont aussi permis d'attaquer l'Église catholique dans un nombre incalculable d'oeuvres cinématographiques plus ou moins perverses, sans que les catholiques n'élevassent la moindre protestation (hormis dans deux ou trois cas).
L'ESPRIT BOURGEOIS
Il nous faut surtout constater que les milieux catholiques, sauf rares et remarquables exceptions, sont extrêmement respectueux de la loi. L'idée de l'enfreindre ou même de l'égratigner, leur est étrangère. Les communistes et autres gauchistes défient régulièrement les lois de la République, n'hésitant pas à loger des immigrés clandestins, à réquisitionner des immeubles vides ou à fracasser les vitrines des banques au cours de leurs manifestations. En 1971, les féministes ont osé publier leur manifeste des 343 "salopes", affirmant avoir subi un avortement. Les gens de gauche en général exercent une pression continuelle sur les lois de la République, en s'en approchant le plus possible, puis en les franchissant, encore et encore, jusqu'à ce que celles-ci deviennent caduques et que le législateur y mette un terme. Ils ont compris que la loi n'est pas un bloc de granit de 80 tonnes et qu'elle peut reculer si on la transgresse de manière répétée. Les gens de droite, eux, sont littéralement confits dans le respect de la justice, tant et si bien qu'ils restent très en retrait de la limite qu'on leur a assignée, de peur de franchir les bornes de la décence. Ils subissent passivement les pires outrages et assistent sans mot dire à l'écroulement de leur monde, tantôt ulcérés de la méchanceté des hommes, tantôt résignés à subir le martyre. Il n'est pas étonnant, dans ces conditions, que l'on en soit là où nous sommes. C'est sans doute cela, finalement, qui caractérise l'esprit bourgeois, davantage que les considérations sur le statut social ou l'attachement aux biens matériels. En voici une définition. Bourgeois : individu pacifique, un peu naïf, qui croit à la justice de son pays et qui pense que tous les problèmes peuvent se résoudre par l'amour du prochain et la concertation. Laisse tomber, il n'y a rien à faire, c'est un bourgeois !
Hervé RYSSEN. Rivarol du 29 avril 2011 -
Qu’est-ce que la guerre ?
“La guerre est la continuation de la politique par d'autres moyens.” Si cette affirmation de Clausewitz était fondée, le monde serait plus facile à comprendre. Clausewitz, un vétéran prussien des guerres napoléoniennes, qui consacra ses années de retraite à rédiger ce qui allait devenir le plus fameux ouvrage sur la guerre Von Griege (De la guerre), écrivit en effet que la guerre est la continuation des “relations politiques (des politischen Verkehrs) mélangée à d'autres moyens” (mit Einmishung anderer Mittel).
L'allemand original exprime une idée plus subtile et plus complexe que les traductions fréquemment proposées. Malgré ce problème, la pensée de Clausewitz demeure incomplète. Elle suppose l'existence d'États, d'intérêts nationaux, et de calculs rationnels sur la manière de les mener à bien. Mais la guerre est antérieure de plusieurs millénaires à l'État, à la diplomatie et à la stratégie. Elle est presque aussi vieille que l'homme lui-même, et plonge ses racines jusqu'au plus profond du cœur humain, là où le moi érode la raison, où l'orgueil prévaut, où l'émotion est souveraine et l'instinct roi. “L'homme est un animal politique”, disait Aristote. Clausewitz, disciple d'Aristote, se contenta de dire que l'animal politique est un animal qui fait la guerre. Il ne se hasarda pas non plus à aborder l'idée selon laquelle l'homme est un animal pensant dont l'intellect commande le besoin de chasser et l'aptitude à tuer.Cette idée n'est pas plus facile à envisager pour l'homme moderne qu'elle ne l'était pour un officier prussien, petit-fils d'un pasteur et élevé dans l'esprit du XVIIIe siècle, le siècle des Lumières. Malgré toute l'influence que Freud, Jung et Adler ont exercée sur nos conceptions, nous avons conservé les valeurs morales des grandes religions monothéistes qui condamnent le meurtre de nos semblables en toutes circonstances, sauf les plus extrêmes. Ce que nous dit l'anthropologie, et que sous-entend l'archéologie, c'est que nos ancêtres non civilisés pouvaient avoir été des créatures sanguinaires. La psychanalyse tente elle aussi de nous persuader que le sauvage affleure en chacun d'entre nous. Nous n'en préférons pas moins reconnaître l'humanité de notre nature dans la conduite quotidienne de la majorité civilisée de l'époque moderne – imparfaite, il est vrai, mais certainement coopérative et fréquemment bienveillante. La culture semble être, à nos yeux, le facteur le plus déterminant du comportement humain. Dans l'impitoyable querelle académique entre nature et culture, c'est l'école prônant la théorie de la culture qui rencontre la plus grande adhésion. Nous sommes des animaux culturels et c'est la richesse de notre culture qui nous permet d'accepter notre indubitable potentiel de violence, tout en croyant malgré tout que cette violence est une aberration culturelle. Les leçons de l'histoire nous rappellent que les États où nous vivons, leurs institutions, leurs lois même, sont parvenus jusqu'à nous par une succession de conflits, souvent de la plus sanglante espèce. Notre ration quotidienne de nouvelles parle de sang versé, parfois dans des régions toutes proches de notre patrie, et dans des circonstances qui vont totalement à l'encontre de notre conception de la normalité culturelle. Nous parvenons malgré tout à placer les leçons respectives de l'histoire et de l'actualité dans une catégorie particulière et bien distincte, celle du différent qui ne ternit en rien nos espérances pour le monde de demain et d'après-demain. Nous nous persuadons que nos institutions et nos lois ont suffisamment entravé le potentiel humain de violence pour que celui-ci, dans son expression quotidienne, s'en trouve légalement condamné ; toutefois, dans le cadre des institutions de l'État, ce même potentiel sera utilisé et adoptera le statut particulier de “guerre civilisée”.Les limites de la guerre civilisée sont définies par deux types humains antithétiques, le pacifiste et le “porteur d'armes légal”. Le porteur d'armes légal a toujours été respecté, ne serait-ce que parce qu'il a les moyens de l'être ; le pacifiste, lui, s'est vu reconnu au cours des 2000 ans de l'ère chrétienne. Leur réciprocité s'exprime dans le dialogue échangé entre le fondateur du christianisme et un soldat de métier romain qui lui demandait de guérir, d'une parole, l'un de ses serviteurs : “Moi qui n'ai rang que de subalterne”, confie le centurion au Christ, lequel s'émerveille de sa foi. Cette foi, le centurion, en tant que soldat, la considérait comme un complément au pouvoir légal qu'il personnifiait. Peut-on supposer que le Christ reconnaissait le statut moral du porteur d'armes légal, qui doit vouer sa vie aux exigences de l'autorité et peut ainsi se comparer au pacifiste prêt à se sacrifier plutôt qu'à violer ses propres convictions ? C'est une pensée complexe, mais que la culture occidentale ne trouve pas difficile à assimiler. De la sorte, le soldat de métier et le pacifiste engagé parviennent à coexister – parfois très intimement : dans le Commando 3, l'une des unités britanniques les plus coriaces de la Seconde Guerre mondiale, les brancardiers étaient tous des pacifistes ; mais ils étaient considérés avec le plus grand respect par leur commandant, à cause de leur bravoure et de leur disponibilité au sacrifice. La culture occidentale ne serait en effet pas ce qu'elle est si elle ne respectait pas à la fois le porteur d'armes légal et celui pour qui le seul fait de porter une arme est intrinsèquement illégitime. Notre culture n'est pas avare de compromis et elle est parvenue ainsi, en ce qui concerne le problème de la violence publique, à en déprécier les manifestations tout en légitimant son usage. Le pacifisme a été élevé au rang d'idéal. Le port légal d'armes – selon un strict code d'éthique militaire et dans le corpus d'une législation humanitaire – a été, lui, accepté comme une nécessité pratique.“La guerre comme continuation de la politique” fut la formule choisie par Clausewitz pour exprimer le compromis adopté par les États qu'il connaissait. Elle respectait leur morale dominante – souveraineté absolue, diplomatie organisée et traités légalement contraignants – tout en permettant au principe d'intérêt national de s'imposer. Bien que n'admettant pas l'idéal pacifiste, que le philosophe prussien Kant commençait seulement à transférer de la sphère religieuse à celle de la politique, elle opérait cependant une nette distinction entre le porteur d'armes légal et le rebelle, entre le mercenaire et le brigand. Elle présupposait un niveau élevé de discipline militaire et un impressionnant degré d'obéissance des subordonnés vis-à-vis de leurs supérieurs hiérarchiques. Elle escomptait que la guerre suivrait des formes étroitement définies – siège, bataille rangée, escarmouche, raid, missions de reconnaissance, de patrouille et d'avant-postes –, chacune possédant ses propres conventions admises. Elle présumait que la guerre avait un commencement et une fin. Mais elle ne se rapportait pas à une guerre sans début ni fin, à une guerre endémique ignorant la notion d'État, ni à des populations encore non étatisées pour lesquelles il n'existait pas de distinction entre le porteur d'armes légal et le porteur d'armes illégal puisque tous ses représentants mâles étaient a priori des guerriers. Cette dernière forme de guerre a prévalu durant de longues périodes de l'histoire de l'humanité et, indirectement, a toujours empiété sur la vie des États civilisés, finissant même par être récupérée à leur usage grâce au recrutement de troupes “irrégulières”, dans les rangs de la cavalerie légère ou de l'infanterie. Les officiers des États civilisés préféraient détourner les yeux devant les méthodes illégales et non civilisées employées par ces soldats irréguliers pour s'enrichir lors des campagnes, ils se voilaient la face devant leurs formes barbares de combat. Et pourtant, sans leurs services, les armées surentraînées au sein desquelles Clausewitz et ses compagnons avaient été formés auraient été difficilement en mesure de garder leurs positions. Toutes les armées régulières, y compris celles de la Révolution française, ont recruté des irréguliers pour des patrouilles, des escarmouches ou des missions de reconnaissance. Le développement de ces forces – Cosaques, “chasseurs”, Highlanders, “frontaliers”, hussards – a été l'un des aspects les plus caractéristiques de l'histoire militaire du XVIIIe siècle. Les autorités policées qui les utilisèrent choisirent de jeter un voile sur leurs mises à sac, leurs pillages, leurs viols, meurtres, enlèvements et extorsions coutumiers, et sur leurs actes de vandalisme systématique. Ils préféraient ignorer cette forme de guerre plus ancienne et plus répandue que celle qu'ils pratiquaient eux-mêmes ; “la guerre… une continuation de la politique”, voilà une pensée qui, une fois formulée par Clausewitz, s'avérait capable d'offrir à l'officier qui s'interrogeait un abri philosophique commode et de lui épargner une confrontation avec les aspects plus archaïques, plus sombres et plus fondamentaux de son métier.Mais Clausewitz était lui-même à moitié convaincu que la guerre était entièrement ce qu'il en affirmait. Au début de l'un de ses plus fameux passages, il suggère que “les guerres des peuples civilisés sont moins cruelles et destructrices que celles des sauvages”. Mais il n'approfondit pas cette pensée car, avec toute la puissance philosophique dont il disposait, il s'efforçait de faire accepter une théorie universelle de ce que la guerre devait être, et non de ce qu'elle était et avait été en réalité. Il y réussit très largement. Les hommes d'État et le commandement suprême s'appuient toujours sur les principes de Clausewitz pour la pratique de la guerre. Mais, lorsqu'il leur faut en décrire fidèlement la réalité, le témoin oculaire et l'historien doivent s'écarter de la méthodologie clausewitzienne, bien que son auteur ait été lui-même simultanément un témoin et un historien de la guerre, et qu'il ait dû observer ou pu consigner dans ses écrits quantité de choses sans rapport avec ses théories. “Sans une théorie, les faits demeurent silencieux”, a écrit l'économiste F.A. Hayek. C'est peut-être vrai des froides réalités de l'économie, mais les faits de guerre, eux, ne sont pas froids. Ils brûlent de la chaleur des feux de l'enfer. Au soir de sa vie, le général William Tecumseh Sherman, qui avait incendié Atlanta et livré aux flammes une bonne partie des États du Sud américain, formula exactement cette idée en des termes amers devenus par la suite presque aussi célèbres que ceux de Clausewitz : “Je suis fatigué et dégoûté de la guerre. Sa gloire n'est que pacotille… La guerre, c'est l'enfer.”Clausewitz avait vu les feux infernaux de la guerre, il avait vu Moscou brûler. L'incendie de Moscou fut le plus grand désastre matériel des guerres napoléoniennes, un événement à l'échelle européenne d'un impact psychologique proche de celui provoqué par le tremblement de terre de Lisbonne en 1755. À une époque de grande spiritualité, la destruction de Lisbonne fut ressentie comme une terrible manifestation de la toute-puissance divine, elle suscita un réveil religieux à travers le Portugal et l'Espagne. Aux temps de la Révolution, la destruction de Moscou fut considérée comme une manifestation de la puissance humaine, ce qu'elle était bien, en effet. On la considéra comme un acte délibéré – Rostopchine, gouverneur de la ville, s'en attribua le crédit tandis que Napoléon chassait et exécutait les incendiaires présumés – mais Clausewitz, curieusement, ne put admettre que cet incendie fut une action politique volontaire, un cinglant démenti à la victoire napoléonienne. Il écrivit au contraire : “Que les Français n'en aient pas été les agents, j'en étais fermement persuadé ; que les autorités russes fussent responsables de cet acte ne m'apparut guère plus fondé.” Il préféra se persuader qu'il s'agissait d'un accident.“La confusion que je constatai dans les rues de Moscou lorsque l'arrière-garde les traversait et ce fait que les premières colonnes de fumée se sont élevées tout d'abord dans les faubourgs extérieurs qu'occupaient encore les Cosaques m'avaient convaincu que l'incendie de Moscou avait été une conséquence du désordre et de l'habitude prise par les Cosaques de piller sérieusement tout ce qu'il fallait abandonner à l'ennemi et d'y mettre ensuite le feu. [.. .] C'est, dans tous les cas, un des faits les plus singuliers de l'histoire qu'une action à laquelle l'opinion commune attribue une si grande influence sur le sort dela Russie reste sans père comme le fruit d'un amour défendu et demeurera toujours selon toutes probabilités, comme voilée de mystère.”
Pourtant Clausewitz aurait dû savoir qu'il n'y avait rien de vraiment accidentel dans cet acte “sans père” que fut l'incendie de Moscou, pas plus que dans aucune des nombreuses autres pratiques illégales qui marquèrent, en 1812, la campagne de Russie. La présence des Cosaques garantissait à elle seule une orgie de pillages, d'incendies, de viols, de meurtres et une bonne centaine d'autres atrocités ; pour les Cosaques, la guerre n'avait en effet rien de politique, elle était une culture et une façon de vivre.
Soldats du tsar, les Cosaques étaient en même temps rebelles à l'absolutisme tsariste. L'histoire de leurs origines se pare de mythologie et il ne fait aucun doute qu'au fil du temps, ils y ont eux-mêmes contribué. L'essence de ces mythes est à la fois simple et réelle. Les Cosaques – mot dérivé du turc pour “homme libre” – étaient des chrétiens qui fuyaient la servitude imposée par les souverains de Pologne, de Lituanie et de Russie, et préféraient tenter leur chance (”aller cosaquer”) dans les grands espaces de la steppe d'Asie centrale, riches mais encore ingouvernés.
À l'époque où Clausewitz eut à connaître les Cosaques, le mythe de leur origine libre avait grandi tout en perdant de sa réalité. À l'origine, ils avaient fondé des sociétés authentiquement égalitaires – sans maîtres, ni femmes, ni propriété –, incarnations vivantes de ces hordes de guerriers indomptés, libres de vagabonder où bon leur semble, qui inspirèrent depuis toujours les récits épiques du monde entier. En 1570, Ivan le Terrible avait négocié avec les Cosaques de la poudre, du plomb et de l'argent – trois choses que la steppe ne produisait pas – en échange de leur soutien pour libérer les Russes prisonniers des Musulmans. Mais, avant la fin de son règne, il avait commencé à user de la force pour les incorporer au système tsariste. Ses successeurs maintinrent la pression. Pendant les guerres russes contre Napoléon, des régiments réguliers de Cosaques furent levés ; le terme “régulier” s'associe apparemment mal avec la nature des Cosaques mais le procédé demeurait cependant tout à fait conforme à la coutume, dans l'Europe contemporaine, d'incorporer dans les rangs des armées régulières des hommes originaires des forêts, des montagnes ou encore des peuples de cavaliers. Cette évolution s'acheva lorsque, en 1837, le tsar Nicolas 1er institua son fils “Ataman de tous les Cosaques”. Leurs descendants peuplèrent encore les rangs de la garde impériale dans les régiments du Don, de l'Oural ou de la mer Noire, reconnaissables, par leur uniforme exotique, des autres unités de frontaliers (Lesquines, montagnards musulmans et caucasiens).Toutefois, malgré ce lent processus de domestication, les Cosaques connurent toujours le privilège d'être dispensés de l'impôt du cens qui marquait chaque sujet russe au fer rouge du servage ; tout comme ils étaient exemptés de la conscription, considérée par les serfs comme une condamnation à mort. En fait, même à la fin du tsarisme, le gouvernement russe continua de traiter les diverses populations cosaques comme de libres sociétés de guerriers pour lesquelles la responsabilité d'un engagement militaire incombait au groupe tout entier et non à chacun de ses membres. Lorsque la Première Guerre mondiale éclata, le ministre russe de la Guerre demanda aux Cosaques de lui fournir des régiments complets plutôt que des soldats individuels. Il perpétuait ainsi un système à la fois féodal, diplomatique et mercenaire qui, dès l'apparition de guerres organisées et sous des formes diverses, avait procuré aux États des contingents déjà bien entraînés.
Les Cosaques que Clausewitz connut en son temps étaient beaucoup plus proches de leurs ancêtres maraudant librement dans la steppe que ne le furent les fringants aventuriers dépeints plus tard avec romantisme par Tolstoï dans ses premiers romans. Il était bien dans la nature des premiers d'allumer en 1812, dans les faubourgs de Moscou, des feux qui allaient embraser toute la capitale. Les Cosaques étaient restés un peuple cruel et un incendie de ce genre n'était pas la pire de leurs actions, même s'il laissa plusieurs centaines de milliers de Moscovites sans abri pour affronter un hiver polaire. Au cours de la retraite qui s'ensuivit, les Cosaques firent preuve d'une telle cruauté qu'elle réveilla chez leurs victimes le souvenir lointain des hordes barbares déferlant sur l'Europe occidentale, cavaliers nomades venus de la steppe, leurs bannières ornées de queues de cheval, semant la mort sur leur passage et marquant la mémoire collective d'une indélébile terreur. Les longues colonnes de la Grande Armée, pataugeant à mi-genoux dans la neige au cours de leur retraite désespérée, étaient suivies à portée de fusil par des escadrons de Cosaques à l'affût de la moindre faiblesse et fondant sans pitié sur les traînards. Quand un groupe de soldats s'arrêtait, exténué, il était aussitôt piétiné et anéanti. Quand les Cosaques rattrapèrent les restes de l'armée française qui n'avaient pas réussi à traverser la Berezina avant que Napoléon n'incendie les ponts, ils les massacrèrent tous. Clausewitz confia à sa femme qu'il avait été le témoin de “scènes épouvantables […]. Si mon âme n'avait pas été endurcie, je serais devenu fou. Et même ainsi, il s'écoulera bien des années avant que je ne puisse me remémorer tout cela sans frissonner d'horreur.”Pourtant Clausewitz était un soldat de métier, fils d'officier et éduqué pour la guerre, un vétéran de 20 ans de campagnes et le survivant des batailles d'Iéna, de Borodino – la plus meurtrière jamais menée par Napoléon – et de Waterloo. Il avait vu le sang couler à flots, parcouru des champs de bataille jonchés de morts et de blessés gisant comme des gerbes coupées après la moisson. Des troupes étaient décimées à ses côtés, un cheval avait été blessé sous lui, et il n'avait échappé à la mort que par hasard. Son âme, en effet, devait bien avoir été endurcie. Alors pourquoi trouva-t-il si particulièrement épouvantables les horreurs perpétrées par les Cosaques lancés à la poursuite des Français ? En vérité, nous ne pouvons nous endurcir qu'à ce que nous connaissons déjà. Nous rationalisons et même justifions des actes de cruauté accomplis par nous-mêmes ou par nos semblables, tout en étant choqués, voire écœurés, par des comportements également cruels qui, lorsqu'ils sont commis par des étrangers, revêtent une autre dimension. Pour Clausewitz, les Cosaques étaient des étrangers. Ils le révoltaient par leur habitude de foncer sur les traînards pour les transpercer de leur lance, de vendre les prisonniers aux paysans pour de la menue monnaie, et de laisser nus ceux qui étaient invendables afin de s'approprier leurs haillons. Il devait probablement partager le mépris de cet officier français : “Lorsque nous leur faisions face bravement, ils n'offraient jamais de résistance, même s'ils étaient deux fois plus nombreux que nous”. En somme, les Cosaques se montraient impitoyables avec les faibles et lâches envers les braves, une conduite exactement opposée à celle enseignée à un officier prussien et à un gentleman. Ces comportements persistèrent. À la bataille de Balaclava, pendant la guerre de Crimée de 1854, deux régiments de Cosaques furent envoyés en avant pour repousser la charge de la Brigade légère. Un officier russe rapporta “qu'effrayés par l'ordre discipliné des troupes de cavaliers [britanniques] qui les chargeaient, [les Cosaques] n'opposèrent aucune résistance et, au contraire, se tournant vers la gauche, commencèrent à tirer sur leurs propres troupes afin de se frayer une issue pour s'enfuir”. Quand la Brigade légère eut été chassée de la vallée de la Mort par l'artillerie, “les premiers à se reprendre”, raconte un autre officier russe, “furent les Cosaques qui, fidèles à leur nature, reprirent aussitôt la situation en main, rassemblant les chevaux sans cavaliers et commençant à les vendre”. Ce spectacle aurait sans doute accru le mépris de Clausewitz et renforcé sa conviction que les Cosaques ne méritaient pas la dignité du titre de “soldat”. Malgré leur conduite, on ne pouvait même pas les considérer comme de véritables mercenaires, ces derniers respectant généralement les termes de leurs contrats. Pour un homme comme Clausewitz, ils étaient surtout des hyènes, vivant des abats de la guerre mais reculant devant la boucherie qui les menaçait eux-mêmes.Car la véritable finalité de la guerre, à l'époque de Clausewitz, était bien le carnage. Les hommes se tenaient en rangs, immobiles et passifs, souvent pendant des heures entières, prêts à se faire massacrer. On raconte qu'à Borodino le corps d'infanterie d'Ostermann-Tolstoï a tenu sous un feu d'artillerie tiré de prés deux longues heures “pendant lesquelles le seul mouvement était le resserrement des rangs chaque fois qu'un corps tombait”. Survivre au massacre ne signifiait pas pour autant échapper à la boucherie. Larrey, le chirurgien en chef des armées napoléoniennes, effectua deux cents amputations dans la nuit qui suivit la bataille de Borodino et, encore, ses patients étaient de ceux qui avaient de la chance. Eugène Labaume raconte ce qu'il vit au fond des ravines en sillonnant le champ de bataille : “presque tous les blessés s'y étaient traînés dans un instinct naturel de survie, pour y chercher çà et là refuge […] entassés les uns au-dessus des autres et nageant dans leur sang, impuissants, ils appelaient à l'aide ceux qui passaient à leur portée.”Ces scènes d'abattoir étaient l'issue inévitable d'une manière de faire la guerre qui incitait les Cosaques – qualifiés de sauvages par Clausewitz – à s'enfuir lorsqu'ils risquaient de s'y trouver entraînés ; elles les auraient fait rire s'ils ne les avaient vues de leurs propres yeux et qu'on se fût contenté de les leur décrire. Lorsque Takashima, le réformateur de l'armée japonaise, fit faire pour la première fois, en 1841, une démonstration des manœuvres militaires européennes devant quelques samouraïs de haut rang, ceux-ci les trouvèrent ridicules. Le Grand Maître de l'Ordre déclara que ce spectacle “d'hommes levant et maniant leurs armes tous en même temps et d'un seul mouvement évoquait un jeu d'enfants”. C'était la réaction de guerriers habitués au corps à corps, pour lesquels le combat représentait un engagement personnel où l'homme démontrait non seulement son courage mais aussi sa personnalité. En 1821, lorsque éclata la guerre d'indépendance en Grèce, les klephts grecs – mi-bandits, mi-insurgés contre le gouvernement turc, que leurs sympathisants philhellènes français, allemands et britanniques (dont la plupart étaient d'anciens officiers des guerres napoléoniennes) tentèrent de former au combat rapproché –trouvèrent eux aussi cela ridicule, mais plus par incrédulité que par mépris. Leur propre style de combat remontait loin dans le temps et Alexandre le Grand avait déjà dû l'affronter lors de sa conquête de l'Asie Mineure. Il consistait à construire des murets au lieu supposé de rencontre avec l'ennemi, puis à provoquer celui-ci avec force railleries et insultes. Quand l'ennemi se rapprochait, ils s'enfuyaient. Ils survivaient ainsi, d'affrontements en affrontements, sans chercher à gagner la guerre, cette idée étant pour eux inconcevable. Les Turcs se battaient aussi selon leurs traditions ethniques qui consistaient à se ruer sur l'adversaire en une charge désordonnée avec un mépris fanatique des pertes. Les philhellènes expliquèrent aux Grecs que s'ils ne se décidaient pas à affronter courageusement les Turcs, ils ne remporteraient jamais une bataille. Mais les Grecs leur objectèrent qu'en exposant leurs poitrines nues aux mousquets turcs, à la manière européenne, ils seraient tous tués et, ainsi, perdraient de toute façon la guerre.
“Pour les Grecs, le rouge au front – pour la Grèce, une larme”, écrivit Byron, le plus célèbre des philhellènes. Il avait espéré, avec d'autres amoureux de la liberté, “faire revivre de nouvelles Thermopyles” aux côtés des Grecs. Découvrir qu'ils n'étaient irréductibles que par leur ignorance des tactiques rationnelles le déçut et le déprima, et il en fut de même pour d'autres idéalistes européens. Au cœur du philhellénisme régnait la croyance que, sous leur saleté et leur ignorance, les Grecs modernes étaient semblables aux anciens. Dans sa préface à Hellas – “Les temps héroïques renaissent / L'âge d'or revient” –, Shelley exprima cette croyance dans sa forme la plus succincte : “Le Grec moderne est le descendant de ces êtres glorieux que l'imagination refuse presque de concevoir comme étant de notre sorte; il a beaucoup hérité de leur sensibilité, de leur rapidité conceptuelle, de leur enthousiasme et de leur courage.” Mais après s'être battus aux côtés des Grecs, les philhellènes cessèrent rapidement de croire que ceux-ci étaient à l'image de leurs ancêtres. De ceux qui survécurent et retournèrent en Europe, “tous presque sans exception”, écrit William St Clair, l'historien du philhellénisme, “haïssaient les Grecs avec une profonde répugnance et se maudissaient de s'être laissé aussi stupidement abuser”. Les naïfs élans poétiques de Shelley proclamant le courage des Grecs modernes étaient singulièrement malvenus. Les philhellènes s'obstinaient à croire que ces derniers manifesteraient la même ténacité au combat en formation serrée, dans une “lutte à mort”, que celle des anciens hoplites durant les guerres qui les opposèrent aux Perses. C'était ce style de combat qui, par des voies détournées, avait fini par donner sa marque à leur propre conception de la guerre en Europe occidentale. Ils espéraient au moins que les Grecs contemporains se montreraient désireux de réapprendre les tactiques de combat en formation serrée, ne serait-ce que parce que c'était le seul moyen de conquérir leur liberté contre les Turcs. Lorsqu'ils comprirent qu'ils n'en avaient nulle intention, que leurs “objectifs de guerre” se limitaient à la coutume klepht de narguer les autorités ennemies dans les montagnes frontalières, subsistant de rapines, retournant leur veste lorsque cela les arrangeait, assassinant leurs adversaires religieux quand la chance s'en présentait, paradant dans des accoutrements voyants, brandissant des armes menaçantes tout en remplissant leurs besaces par une corruption déshonorante et, surtout, ne s'exposant jamais, jamais, à être tués – pas même le premier d'entre eux –, les philhellènes furent bien obligés d'en conclure qu'un pareil effondrement de la tradition ne pouvait s'expliquer que par une rupture avec l'héritage héroïque des anciens.Les philhellènes essayèrent d'enseigner aux Grecs leur culture militaire, mais ils échouèrent. Clausewitz ne se risqua pas à la même entreprise avec les Cosaques mais, si cela avait été le cas, il lui aurait été tout autant impossible de leur faire accepter sa propre culture militaire. Ce que ni lui ni les philhellènes n'ont compris, c'est que leur art occidental de la guerre, celui-là même que le grand maréchal de Saxe, au XVIIIe siècle, a résumé par “l'ordre, la discipline, et la manière de combattre », était l'expression de leur propre culture, à l'instar des tactiques guerrières de survie au jour le jour” des Cosaques et des Klephts.En résumé, c'est au niveau culturel que la réponse de Clausewitz à la question “qu'est-ce que la guerre ?” est erronée. Cela n'est pas vraiment étonnant. Il est difficile pour chacun d'entre nous de conserver suffisamment de distance par rapport à notre propre culture pour percevoir ce que celle-ci fait de nous, en tant qu'individus. Les Occidentaux modernes, avec leur credo de la toute-puissance de l'individualité, n'ont pas mieux réussi que les autres cet exercice. Clausewitz appartenait à son temps, il était un enfant des Lumières, un contemporain du romantisme allemand, à la fois intellectuel et réformateur réaliste, un homme d'action apte à critiquer la société de son époque et croyant avec passion à son nécessaire changement. Il fut un observateur perspicace du présent et un inconditionnel du futur. Mais il n'a pas su voir à quel point il demeurait lui-même ancré dans son propre passé, le passé d'une classe d'officiers de métier, dans un État européen centralisé. S'il avait poussé plus loin ses capacités de raisonnement – et il était, en vérité, un esprit déjà fort distingué –, il aurait été en mesure de comprendre que la guerre englobe bien plus que le politique, qu'elle représente toujours l'expression d'une culture, étant souvent génératrice de nouvelles formes culturelles, jusqu'à même devenir, dans certaines sociétés, l'incarnation de la culture elle-même.John KEEGAN -
Ces banques au-dessus des lois
Dans le récent scandale impliquant les activités criminelles des grandes banques, le Département de la Justice américain a annoncé mardi 11 décembre avoir conclu un arrangement s’élevant à 1,9 milliards de dollars (1,5 milliards d’euros) avec la banque HSBC basée en Grande-Bretagne et accusée de blanchiment d’argent sale à une vaste échelle pour les cartels de la drogue mexicains et colombiens.
L’accord a été spécialement conçu pour éviter des poursuites criminelles soit à la banque, la plus grande d’Europe et la troisième du monde, soit à ses hauts dirigeants. Alors même que la banque a reconnu avoir blanchi des milliards de dollars pour les barons de la drogue, ainsi que d’avoir violé les sanctions financières américaines imposées à l’Iran, à la Libye, à Burma et à Cuba, le gouvernement Obama a empêché une condamnation au moyen d’un « accord de poursuite différée. »
L’accord s’inscrit dans la politique du gouvernement américain de protéger les banquiers au sommet de la hiérarchie de toute responsabilité pour des activités illégales qui ont entraîné l’effondrement du système financier en 2008 et introduit une récession mondiale. Pas un seul directeur de grande banque n’a été poursuivi et encore moins emprisonné pour les activités frauduleuses qui ont provoqué la crise actuelle et résulté dans la destruction de millions d’emplois et la destruction des conditions de vie de la classe ouvrière aux Etats-Unis et de par le monde.
Grâce à la protection de l’Etat, la frénésie spéculative et l’escroquerie se poursuivent de manière inchangée, garantissant des profits record aux banques et des rémunérations toujours plus grandes, à sept chiffres, pour les banquiers.
Dans un article paru à la Une, le New York Times donne un aperçu des discussions internes au gouvernement Obama et qui ont entraîné la décision de ne pas porter d’accusations contre HSBC. Le Times a rapporté que les procureurs du Département de la Justice et les services du procureur de district de New York ont recommandé un compromis par lequel la banque serait poursuivie non pas pour le blanchiment d’argent mais pour des accusations moins graves de violation du secret bancaire.
Et, même ceci, semble être excessif pour le gouvernement Obama. Le Département du Trésor, dirigé par l’ancien président de la Réserve fédérale de New York, Timothy Geithner, et le Bureau du contrôleur de la monnaie (Office of the Comptroller of the Currency), agence fédérale de régulation chargée du contrôle des grandes banques dont HSBC, ont bloqué toute poursuite au motif qu’un coup juridique sérieux porté contre HSBC pourrait mettre en danger le système financier.
Qu’est-ce que cela signifie? HSBC, dans sa course au profit, a facilité les agissements des cartels de la drogue qui sont dans le collimateur de la soi-disant « guerre contre la drogue » – une guerre qui est menée par l’armée mexicaine au nom et avec la collaboration de Washington – et au cours de laquelle plus de 60.000 personnes sont mortes. A cela s’ajoute la souffrance humaine causée par le trafic des stupéfiants aux Etats-Unis et à travers le monde.
La banque a été autorisée à payer une amende symbolique – moins de 10 pour cent de ses profits réalisés en 2011 et représentant une fraction de l’argent qu’elle a fait en blanchissant le prix du sang des patrons de la drogue. Entre-temps, les petits revendeurs de drogue et les usagers qui font souvent partie des sections les plus appauvries et opprimées de la population, sont régulièrement arrêtés et enfermés durant des années dans les prisons-goulag américaines.
Les parasites financiers qui continuent à faire tourner le trafic mondial de la drogue et qui se taillent la part du lion de l’argent fait par la dévastation sociale qu’ils causent sont au-dessus de la loi. Comme le dit le Times, « certaines institutions financières, devenues tellement grandes et tellement interconnectées, sont trop importantes pour être inculpées. »
Ici l’on a, en bref, le principe aristocratique des temps modernes qui prévaut derrière les atours misérables de la « démocratie». Les requins voleurs de la finance établissent de nos jours leur propre loi. Ils peuvent voler, piller, et même commettre des meurtres à volonté sans craindre d’avoir à rendre des comptes. Ils consacrent une partie de leur richesse fabuleuse à soudoyer des politiciens, des régulateurs bancaires, des juges et des policiers – du sommet du pouvoir à Washington jusqu’en bas au poste de police local – pour s’assurer que leur fortune est protégée et qu’ils sont soustraits à toute forme de poursuites criminelles.
Le rôle des soi-disant « régulateurs » tels la Réserve fédérale, la Commission de sécurisation des échanges bancaires (Securities and Exchange Commission, SEC) et le Bureau du contrôleur de la monnaie est d’intervenir en faveur des banquiers. Ils sont parfaitement conscients des crimes qui sont commis au quotidien mais ferment en fait les yeux parce que la criminalité est intrinsèque aux opérations de Wall Street et aux profits qu’ils engrangent.
Il existe des preuves que HSBC et d’autres grandes banques ont intensifié leur blanchiment d’argent pour les cartels de la drogue et autres organisations criminelles en réaction à la crise financière qui avait réellement commencé à apparaître en 2007 pour exploser en septembre 2008 avec l’effondrement de Lehman Brothers.
Après un accord « de poursuite différée » identique conclu avec la Wachovia Bank en 2010 pour ses activités de blanchiment d’argent de la drogue, Antonio Maria Costa, qui présidait alors l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime, avait dit que le flux d’argent du syndicat du crime avait représenté l’unique « capital d’investissement liquide » disponible aux banques au plus fort de la crise. « Des prêts interbancaires ont été financés par de l’argent venant du commerce de la drogue, » avait-il dit.
Il est indubitable que les régulateurs américains et les dirigeants politiques ont donné leur accord tacite à ces opérations dans le cadre de leur précipitation à mettre Wall Street à l’abri des conséquences de ses propres orgies spéculatives.
Les relations incestueuses entre les régulateurs bancaires et les banques prennent toutes leur ampleur dans le cas d’un autre récent scandale. La semaine dernière, Deutsche Bank a été cité par trois anciens employés dans une plainte déposée auprès de la SEC et allégeant que la banque avait frauduleusement dissimulé 12 milliards de dollars de pertes survenues entre 2007 et 2009.
Le Financial Times a fait remarquer en passant que Robert Khuzami, responsable des services d’application des règles au sein de la SEC, s’est récusé de l’enquête parce qu’avant d’occuper son poste à l’agence fédérale, il avait été de 2004 à 2009 le conseiller général de Deutsche Bank pour l’Amérique. En d’autres termes, il était chargé de défendre juridiquement la banque au moment même où, selon les dénonciateurs d’abus, elle était impliquée dans des fraudes comptables.
C’était aussi l’époque où Deutsche Bank et d’autres grandes banques gagnaient des milliards en empoisonnant le système financier mondial avec des titres adossés à des créances hypothécaires toxiques. L’année dernière, la Sous-commission d’enquête permanente du sénat (Senate Permanent Subcommittee on Investigations) a consacré aux activités frauduleuses de Deutsche Bank 45 pages d’un volumineux rapport sur le krach financier.
Le rapport a constaté que l’opérateur de renom au sein de la banque pour les CDO (obligations adossées à des actifs, collateralized debt obligations) avait qualifié les valeurs que vendait la banque de « déchets » et de « cochonneries » en désignant le système bancaire des opérations de CDO de « chaîne de Ponzi. »
Qu’un tel personnage soit chargé du contrôle des banques n’a rien d’étonnant. En fait, l’homme qui a recommandé que le gouvernement Obama attribue le poste à Khuzami, Richard Walker, actuel conseil principal de Deutsche Bank, avait lui-même été un ancien chef des services d’application des règles au sein de la SEC.
En juin dernier, lorsque le directeur général de JP Morgan Chase, Jamie Dimon, avait témoigné devant le Sénat sur les pertes non déclarées d’au moins 5 milliards de dollars, il y avait, assis derrière lui, Stephen Cutler, le conseil principal de la banque, qui avait obtenu ce poste après avoir été le responsable d’application des règles au sein de la SEC.
Ces écuries d’Augias du crimes et de la corruption qui impliquent toutes les institutions officielles du capitalisme américain ne peuvent pas être réformées. La mainmise de l’aristocratie financière sur la vie économique ne peut être brisée que par la mobilisation de masse de la classe ouvrière afin d’exproprier les banquiers et de placer les grandes banques et institutions financières dans le giron public et sous contrôle démocratique.
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Les comptes de campagne de Sarkozy rejetés
Voilà peut-être de nouveaux problèmes en perspectives pour l’UMP. Les comptes de campagne de Nicolas Sarkozy ont été rejetés par la commission nationale chargée de les contrôler.Ces comptes ont, semble-t-il été rejetés pour une raison simple : Nicolas Sarkozy a dépassé le plafond de dépenses autorisés. Il aurait dépensé plus d’argent qu’il n’en avait le droit pour la campagne de la présidentielle de 2012.Durant les deux mois et demi de campagne, puisqu'il s'est déclaré le 15 février, le candidat UMP va dépenser 21,4 millions d'euros. C’est en tous cas la somme qu’il déclare à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), une somme qui reste dans le cadre du plafond légal pour les deux finalistes à l’élection, un plafond qui s’élève à 22,5 millions d'euros.LA PAROLE AU CONSEIL CONSTITUTIONNELMais là où le bât blesse, c’est que d’autres sommes non déclarées par le candidat auraient été réintégrées par la Commission. Des sommes antérieures au 15 février 2012. Résultat : ces dépenses supplémentaires entraîneraient un dépassement du plafond autorisé. Bref, un nouveau problème en perspective pour l'UMP. Le parti pourrait ne pas être remboursé par l'État et devrait ainsi faire une croix sur près de 11 millions d'euros.L’invalidation des comptes ne sera définitive qu’après la décision du Conseil constitutionnel à majorité UMP, une instance que Nicolas Sarkozy a saisi. Et cela va forcément poser des questions, puisque, en tant qu'ancien président de la République, Nicolas Sarkozy est membre de droit de cette juridiction !Avec RFI http://www.francepresseinfos.com/
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La France soutient la délocalisation d’activités de services vers le Maroc
PARIS (NOVOpress via le Bulletin de réinformation) — Le MUNCI, principal syndicat d’informaticiens français, dénonce le prêt accordé par le gouvernement français à Casanearshore, une zone franche marocaine qui emploie des sous-traitants de grands groupes français. Le 12 décembre, à l’occasion du déplacement du Premier ministre Jean-Marc Ayrault au Maroc, l’Agence française de développement (AFD) avait annoncé la signature avec le MEDZ (filiale de la Caisse des dépôts et de gestion marocaine) d’une convention de prêt de 100 millions d’euros destinés au refinancement des activités de délocalisation développées à Casanearshore.
Pour le MUNCI « La France est en déficit, des mesures d’austérité (notamment budgétaires) sont imposées à tous, le chômage progresse fortement dans notre pays, y compris dans l’informatique, mais notre premier ministre n’a pas trouvé mieux que de favoriser les délocalisations vers le Maroc d’emplois dans les centres d’appel, les services informatiques et les processus métiers ! »
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Adrien Abauzit : “Déracinement et surmoi, chaînes de l’esclavage contemporain”
Parce qu’il a détruit dans le passé les chaînes de la féodalité et qu’il a adouci celles du capitalisme grâce à l’Etat-providence, l’homme occidental est certain d’avoir atteint un degré de liberté inégalé dans l’histoire. Aveuglé par cet orgueilleux postulat, il n’a pu s’apercevoir que de nouveaux boulets, ceux du totalitarisme de marché, étaient venus enserrer ses chevilles ou plutôt, son esprit. Car ce nouvel esclavage ne s’attaque pas à notre corps, mais à notre esprit. Si la méthode diffère, le résultat est en revanche le même : l’homme occidental est un homme enchaîné.
Combien sont prêts à entendre notre message ? Combien sont ceux, non encore aveuglés par l’entertainment ou diverses drogues, capables de remettre en cause la certitude de leur liberté ?
L’auteur de ces lignes prétend avoir identifié deux chaînes de notre esclavage. La première de ses chaînes est le rabaissement de l’humanité par le déracinement, qui ne nous interdit pas la liberté, mais qui nous réduit à un état tel qu’un exercice souverain, conscient et réfléchi de nos libertés nous devient impossible.
La seconde chaîne est la manipulation de notre surmoi. Par ce moyen, le Système a réussi a véritablement mettre notre esprit sous sa tutelle, si bien que, entre la société de Matrix et la nôtre, la différence n’est pas de nature, mais bien de degré.
Puisse l’auteur avoir réussi à faire passer son message à travers cette conférence. L’auditeur, en conscience jugera.
Conférence d'Adrien Abauzit - Partie 1 -... par 392f9b896885f0742f570bb60Adrien Abauzit est l’auteur du livre, « Né en 1984 »
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Adrien Abautiz, pour Mecanopolis