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  • A Marseille, ce 15 décembre Café actualité de La Faute à Rousseau

     

    A Marseille, ce 15 décembre, Laurent Wetzel a posé la troisième pierre de notre Enquête sur la République...

    La Faute à Rousseau

    http://www.actionfrancaise.net

  • Un avenir sans pétrole ?

    Benoît Thévard, ingénieur en énergie et spécialiste de la résilience des territoires face au problématiques énergétiques, intervient pour expliquer le pic pétrolier, ses conséquences sur l’organisation des territoires et sensibiliser sur l’intérêt de se préoccuper de la résilience des collectivités.


    avenir sans pétrole 1.1 - B.Thévard et C... par avenir_sans_petrole


    avenir sans pétrole 1.2 - B.Thévard et C... par avenir_sans_petrole


    avenir sans pétrole 3.1 - B.Thévard et C... par avenir_sans_petrole


    avenir sans pétrole 3.2 - B.Thévard et C... par avenir_sans_petrole

    http://fortune.fdesouche.com

  • Le parti de l’étranger : bonjour les dégâts…

    A l’heure ou Texas Instruments a annoncé qu’il allait supprimer 517 des 541 postes de son site de Villeneuve-Loubet, au moment ou le président de la République et le gouvernement encouragent comme leurs prédécesseurs désindustrialisation et délocalisations , François Hollande a choisi l’Algérie pour annoncer une politique encore plus libérale de visas…et faire la morale aux Français. Du socialisme hollandiste dans toute sa splendeur : hier, après avoir annoncé quelques heures auparavant qu’il ne se livrerait à aucun exercice de repentance et d’excuse, François Hollande a flétri sans mesure l’œuvre de la France en Algérie. Il a fustigé devant les parlementaires algériens à majorité FLN, une France qui « pendant 132 ans a (soumis) l’Algérie à un système profondément injuste et brutal : ce système à un nom : la colonisation (…) je reconnais ici les souffrances que cette colonisation a fait subir au peuple algérien. »

    Aucune mise en balance dans ce discours avec les aspects positifs de cette colonisation (voir notre article publié hier). Un « colonialisme » dont on est d’ailleurs en droit, plus globalement, de critiquer de nombreux aspects problématiques. Et le FN qui défend résolument, au nom de la philosophie politique qui est la sienne, les identités et les indépendances nationales, ne s’est jamais privé de le faire. Mais François Hollande n’a pas fait dans la dentelle et comme cadeau de Noel nos compatriotes, et plus spécialement les pieds-noirs, ont donc eu droit à un crachat présidentiel lancé au visage de leurs aînés et de leurs ancêtres.

    Nicolas Sarkozy à Constantine, avait évoqué en 2008 un « système colonial profondément injuste » M. Hollande a été plus loin. Il a donc tenu l’engagement qu’il avait pris envers Abdelhamid Si Atif, un des dirigeants du FLN, qui raconte que lors de son passage en Algérie en 2010, en tant que candidat aux primaires socialistes, M. Hollande avait promis que « s’il devenait président , il dénoncerait les méfaits du colonialisme », comme M Sarkozy l’avait lui-même promis « en 2001.»

    Editorialiste au quotidien algérois El Watan, Nadja Bouzeghrazme s’est félicité de ce que François Hollande ait dit que « c’est toute la colonisation qui est en cause, pas seulement l’administration ou l’armée. Le fait qu’on dise que l’Algérie s’est arrachée à la France va être entendu par les Algériens. Car ce n’est pas la France qui a donné son indépendance à l’Algérie, c’est elle qui l’a conquise ». Certes, chaque nation repose sur des mythes fondateurs, une mythologie nationale fédératrice, mais la vérité commande tout de même de dire que la France avait militairement gagné sa lutte sur le terrain contre le terrorisme et que le FLN s’est imposé par la terreur. De nombreux Algériens ne sont pas dupes.

    Rappelons ici l’avertissement lancé par un homme politique alors trentenaire, un certain Jean-Marie Le Pen qui avait prédit : « vous ne voulez pas de l’Algérie française, vous aurez la France algérienne »…

    La nature a horreur du vide et Bruno Gollnisch l’a constamment souligné, et encore en cette période de Noël dans son dernier billet d’humeur, un peuple qui ne fait plus d’enfants, ne respecte plus son héritage, « la terre et les morts », et se coupe (ou est volontairement coupé) de ses racines est un peuple condamné à brève échéance.

    L’excellent site Polemia rappelait dernièrement à ses lecteurs l’essai publié en 1998 par l’universitaire genevois Éric Werner , L’Avant-guerre civile. « Il développait la thèse d’une stratégie délibérée par laquelle la nouvelle classe dirigeante européenne, structurée autour du triptyque : libéralisme, américanisation, mondialisme, a établi son pouvoir en favorisant la dislocation des anciens cadres sociaux et en suscitant des antagonismes internes à la limite de la guerre civile. Antagonismes d’âge, de sexe, de statut social, de culture, de religion, d’ethnie… ».

    « Parmi ces antagonismes, l’immigration de masse extra-européenne jouait un rôle décisif. Éric Werner posait la question : pourquoi cette immigration de masse a-t-elle été voulue et encouragée par les gouvernements et classes dirigeantes européennes alors que ses conséquences nuisibles sont évidentes ? Réponse: s’ils favorisent cette immigration c’est qu’elle leur profite. En attisant les antagonismes et la défiance mutuelle, elle paralyse les réactions et défenses de la population. Pour une classe dirigeante corrompue, une société balkanisée est plus facile à contrôler qu’une société homogène. L’insécurité née de l’immigration devient même une arme formidable de gouvernement. »

    « En laissant les délinquants agir à sa place explique M. Werner, le pouvoir fait d’une pierre deux coups. L’ordre se défait, mais le désarroi même qui en résulte débouche paradoxalement dans une relégitimisation du pouvoir, car le pouvoir apparaît comme l’ultime rempart contre le désordre triomphant. Le pouvoir tire ainsi argument de l’insécurité pour que les citoyens se résignent à l’abandon de leurs droits, comme la légitime défense. » Une légitime défense qui passe aussi par le bulletin de vote, ce que l’on ne saurait trop rappeler aux très nombreux abstentionnistes qui en renonçant à leur droit à la parole, favorise un Système UMPS qu’ils condamnent légitimement…

    A cette aune, il n’est pas anodin de souligner que si réveil identitaire il y a, et on le constate effectivement dans le raidissement en France et en Europe des peuples devant l’invasion à laquelle ils sont confrontés, il est aussi flagrant chez les jeunes musulmans issus de l’immigration. Le sociologue Hugues Lagrange, directeur de recherche au CNRS dont nous avons déjà cité quelques analyses décapantes fera paraître l’année prochaine une étude sur la pratique de l’islam en France. Synthétisant les enquêtes du ministère de l’intérieur, du Centre de recherches politiques de Sciences Po, de l’Institut national des études démographiques, de l’Institut des sciences sociales du politique et du WVS (World Values Survey), il enregistre une poussée de l’« affirmation musulmane » chez les Français de 18-25 ans issus de l’immigration du Maghreb, du Sahel et de Turquie.

    Nous rappelions le 12 octobre dernier, le résultat de ce sondage IFOP, qui soulignait qu’ en 1961, 92 % des Français étaient baptisés et seuls 5 % d’entre eux n’envisageaient pas de faire baptiser leurs enfants. Aujourd’hui, 80 % se disent encore baptisés mais 25 % d’entre eux n’ont pas l’intention de transmettre cet héritage à leurs enfants. Les moins de 35 ans sont encore moins nombreux à se dire baptisés (68 %) et plus nombreux (30 %) à ne pas souhaiter baptiser leurs enfants. Selon la Conférence des évêques de France, quelque 35 % des enfants d’une classe d’âge sont baptisés (un indicateur aussi du poids démographique de l’immigration « non chrétienne » dans cette tranche d’âge) et seuls 6 % se font confirmer. En 2012, 35 % de la population et 63 % des 18-24 ans se disent « sans religion. »

    A contrario indique Hugues Lagrange, les jeunes musulmans respectent à 90 % les prescriptions alimentaires et le ramadan. La présence régulière à la prière atteint 30 % chez les 21-25 ans alors qu’elle est inférieure à 20 % pour les plus de 40 ans. Quant à « l’importance accordée à l’éducation religieuse », comme au mariage religieux, elle augmente chez les 21-25 ans, plus encore chez ceux qui sont nés ou arrivés jeunes en France.

    Encore une fois, le problème principal n’est pas dans ce retour à la « tradition » des jeunes issus de l’immigration musulmane que l’abandon des leurs par les « de souche ». Cela nous invite surtout à nous interroger sur les « valeurs », le modèle de société qui est promulgué par l’hyper-classe explique Bruno Gollnisch. Comment pourrait-on assimiler la jeunesse musulmane à notre communauté, leur inculquer une fierté nationale, l’amour de la patrie, de notre civilisation (et non de son hideuse caricature), alors que les dirigeants de ce pays, VRP du parti de l’étranger, s’emploient à la dissoudre dans le magma euromondialiste, fustigent notre histoire, nos traditions, culpabilisent les Français invités à battre leur coulpe ?

    http://www.gollnisch.com

  • Bertrand de Jouvenel, voyageur dans le siècle

    Pas totalement oublié de nos jours, mais moins célèbre qu'il ne le fut de son vivant, Bertrand de Jouvenel (1903-1987) a été écrivain, journaliste, reporter, essayiste. Ayant participé à divers épisodes de l'histoire de la France et de l'Europe du XXe siècle, il s'était défini comme « un voyageur dans le siècle », titre de son unique livre de souvenirs (Plon 1979). Cet ouvrage ne portait que sur la période allant de sa naissance à la fin de la Seconde Guerre mondiale.
    Professeur d'histoire contemporaine à l'Université de Metz, spécialiste des idées et mouvements politiques, auteur d'ouvrages comme Les Années Trente, Jean Coutrot, La Synarchie, L'OAS, Olivier Dard a entrepris dans une copieuse biographie de raconter « ce voyage périlleux mais légitime » (1). En puisant dans des sources diverses et inédites comme les précieux cahiers personnels du disparu, déposés aux Archives nationales. L'index du livre comporte plusieurs centaines de noms. Tous ceux qu'à divers moments Jouvenel a connus ou croisés :
    Drieu, Berl, Luchaire, Bergery, Abetz, mais aussi de nos connaissances, Louis Rougier, Pierre Dominique, Achille Dauphin-Meunier, René Malliavin, Alfred Fabre-Luce ...

    « NÉ DE L'AFFAIRE DREYFUS »
    Jouvenel disait qu'il était « né de l'affaire Dreyfus ». Son père Henry était un ponte du parti radical, sénateur de la Corrèze. Sa mère née Sarah Claire Boas appartenait à la grande bourgeoisie israélite. Tous deux antidreyfusards, ce qui les rapprocha mais le couple se sépara assez vite, Bertrand étant encore enfant. Par la suite sa mère le protégea ou l'encouragea. Mais il connut mieux Colette, la seconde épouse de son père (voir Le Blé en herbe). Olivier Dard n'a pas développé sa vie privée, préférant retracer l'évolution d'un homme relevant de la « génération 1920 ». Très influencé par son oncle Robert de Jouvenel, auteur en 1914 d'un pamphlet La République des camarades (titre toujours actuel) et directeur de L'Œuvre, il se lance dans le journalisme, collaborant à diverses publications dont Notre Temps fondé par Jean Luchaire en 1928.
    Jouvenel s'inscrit dans la mouvance du parti radical. Mais avec d'autres il cherche des voies nouvelles. En économie (L'Economie dirigée est son premier livre, 1928), en politique intérieure où il appelle à rénover les institutions de la Troisième, en politique extérieure où il est partisan des Etats-Unis d'Europe et du rapprochement franco-allemand. Parlant couramment les langues de Goethe et de Shakespeare, il effectue des reportages sur le terrain dont l'un aux Etats-Unis en pleine crise. Après 1930 il est de plus en plus déçu par l'immobilisme et le prêt-à-penser des partis politiques français et se rapproche des non-conformistes des années 1930.
    Arrive le choc du 6-Février. Il fonde alors un hebdomadaire éphémère La Lutte des jeunes (auquel Drieu et Bergery collaborent). Il y annonce sa rupture avec le parti radical. Il sera cependant candidat aux élections de 1936 sous l'étiquette du Parti socialiste de France proche de Marcel Déat, lequel fut exclu par Léon Blum de la SFIO. Puis participant au rendez-vous de Saint-Denis, il adhère au PPF de Jacques Doriot. Mais le quittera en 1938 après Munich. Spécialiste de l'entretien avec des chefs d'Etat, Jouvenel rencontre le chancelier Hitler le 21 février 1936, en présence d'Abetz qu'il connaît bien depuis 1930. Le chef du IIIe Reich lui accorde un entretien qui fut publié dans Paris Midi (dirigé par Pierre Lazareff) au lieu du géant Paris Soir, à la veille de la ratification par le Parlement français du pacte franco-soviétique.

    UN FAUX PROCÈS
    Sur le moment Jouvenel a été très attaqué tant sur Hitler que sur le PPF. Un procès d'intention qui rebondit en 1983 quand l'historien israélien (de gauche) Zeev Sternhell dans son livre Ni droite ni Gauche. L'idéologie fasciste en France (Le Seuil) l'accusera de germanophilie, de complaisance pour Hitler et même d'avoir été l'un des inspirateurs du fascisme en France. Jouvenel, indigné, dépose plainte pour diffamation. Le procès tenu fin 1983 divise les historiens. L'un des défenseurs les plus efficaces de Jouvenel fut son grand ami Raymond Aron qui, à la sortie de l'audience, décède d'une crise cardiaque.
    Olivier Dard revient, avec force détails, sur ce procès. Les juges avaient eu du mal pour savoir qui était ou n'était pas fasciste avant 1939. En ne tranchant pas et « en refusant de créer une jurisprudence fâcheuse, exemple que le législateur, ces dernières années, aurait gagné à méditer » (p. 378), Olivier Dard approfondit la question dans un sous-chapitre sur « le fascisme jouvenélien ». En fait Jouvenel, et il n'a pas été le seul, a été sensible à ce qui se passait alors en Europe, et au magnétisme de ce qu'il appelait « une nouvelle religion » soutenue massivement par des jeunes.
    Quant à Hitler, Jouvenel se défendait d'avoir été son porte-parole. Il a d'ailleurs reproduit les propos d'Hitler dans son Voyage mais comme le lui a fait remarquer ironiquement un long article de RIVAROL (2), il oubliait qu'il avait écrit avoir été très impressionné par « un homme en qui le monde entier a cru voir une menace de guerre ». Et qu'il avait alors révisé « toutes les idées qu'(il se) faisai(t) du dictateur ». Cela n'en fait pas pour autant un nazi. Il avait dénoncé dès 1933 le traitement "médiéval" infligé aux Juifs et critiqué la « nuit des longs couteaux ». À posteriori il pensait avoir été manipulé. Après Munich il donna sa démission du PPF et du Comité France-Allemagne. La mainmise d'Hitler sur la Tchécoslovaquie au printemps 1939 n'avait évidemment rien arrangé. Dans un livre publié en Suisse en 1947, La Dernière année. Choses vues de Munich et la guerre, Jouvenel a rassemblé ses reportages très vivants et directs (parus dans Match, Candide, Le Journal). Pour lui, Hitler préparait la guerre au nom de sa doctrine d'espace vital.

    RETOUR SUR 1983
    Sternhell avait été surtout condamné pour avoir exprimé des soupçons sur l'attitude de Jouvenel pendant l'Occupation, le comparant à Jean Luchaire (l'un des premiers fusillés de 1945). Là il tombait mal. Après la défaite, Jouvenel s'était replié dans une demeure familiale proche d'Argentat en Corrèze, où il retrouva un autre de ses grands amis, Emmanuel Berl, et aussi André Malraux, alors très attentiste. Il s'était rendu plusieurs fois à Vichy et surtout à Paris où il avait repris contact avec Luchaire et Otto Abetz, personnages on ne peut plus officiels. Jouvenel s'était entretenu avec eux. Il était pour une collaboration mais limitée. Il soutint et défendit le Maréchal après le renvoi de Laval le 13 décembre. À son procès, il assura qu'il détestait le Vieux Chef, se mettant sans doute au goût du jour. Il expliqua aussi qu'il « glanait des informations ». Pour qui ? Pour le Deuxième bureau français dont il était devenu un  « honorable correspondant ». Au procès, deux de ses anciens chefs (dont le colonel Paillole et le général Revers) vinrent en témoigner. Il rédigeait pour eux des rapports qui sont parvenus via Pucheu au cabinet du Maréchal.
    Lors de sa dernière entrevue avec Abetz au printemps 1941, Jouvenel apprend que Hitler ne cédera rien sur l'Alsace-Lorraine et que le sort de la France ne sera réglé qu'après la victoire allemande. En novembre 1942 il n'a plus d'illusions. En Corrèze il a pris contact avec des chefs de l'Armée secrète.
    L'un d'entre eux ayant été arrêté, Jouvenel en avril 1943 remonte à Paris pour essayer de le faire libérer. Mais il ne peut rencontrer ni Abetz ni Brinon (qu'il avait bien connu avant 1939). Mieux, il est arrêté - mais pas malmené - par des services allemands qui lui posent des questions sur son attitude et ses articles d'avant 1939. Le publiciste se sent menacé. Il décide de passer en Suisse à l'automne avec de faux papiers, accompagné d'Hélène Duseigneur, fille d'un général suspecté d'avoir été cagoulard, qu'il a rencontrée pendant l'été 1943 et qui sera jusqu'à sa mort (en 1984) sa fidèle compagne et secrétaire.

    UN AUTRE VISAGE
    Bertrand de Jouvenel restera en Suisse de 1943 à 1946. Il sait qu'il est mal vu par différents clans. Si ses notes personnelles avaient été publiées, elles lui auraient attiré des ennuis. Il y critique la « capitulation sans conditions » de l'Allemagne exigée par les Alliés (sur pression soviétique). Il s'en prend à De Gaulle, aux « revenants de Londres », aux « gens d'Alger », au « côté Basile de nos champions démocratiques ». Il est très dur pour Churchill qu'il juge responsable des bombardements aériens sur l'Allemagne et même du terrorisme en Europe. Il prédit que le débarquement sera suivi en France « d'un bain de sang » et s'alarme du « danger communiste ». Drieu est venu le voir rapidement fin 1943 mais est reparti pour son destin. À noter qu'il n'a pas été tendre pour Jouvenel dans son Journal intime.
    Après la Libération, grâce à Achille Dauphin-Meunier et à Emmanuel Berl, Jouvenel sait ce qui se passe en France. Il a été inscrit sur la liste noire du CNE (Comité national des écrivains) avant d'en être retiré. Cet exil suisse est aussi une rupture. En effet, il a commencé à écrire un traité Du pouvoir et désormais il ne voudra plus s'engager directement en politique.
    Quand il rentre en France, il est ostracisé. Il donne alors des articles à la presse non résistancialiste. Comme notre revue les Ecrits de Paris où il est bien accueilli aux côtés d'autres épurés. En 1955 Fabre-Luce lui proposera d'écrire dans Rivarol. Il collabore aussi à la Fédération d'André Voisin où il retrouve des amis des années 1930 comme Jean Maze. Il a aussi des rapports cordiaux avec le bulletin et l'entourage du Comte de Paris ! Son livre Du pouvoir, un classique de la pensée politique, publié en Suisse au Cheval Ailé en 1945, passe inaperçu. Il faudra attendre qu'il soit disponible, bien plus tard, dans la collection (de poche) Pluriel. Mais le second, De la souveraineté (1955), connaît un gros succès en Angleterre et surtout aux Etats-Unis chez les politologues et les universitaires. Invité dans des colloques outre-Atlantique, Jouvenel accède alors à la célébrité. Dans ses ouvrages, il se définit comme un néo-libéral hostile au dirigisme mais soucieux du progrès social, anticommuniste, européen (mais hostile à un Etat européen), atlanliste. Il suit (dans ses notes) l'actualité française et mondiale. En 1954-55, il juge Mendès-France « trop complaisant » avec le PCF et l'URSS. 1945 a été pour lui « la fin de l'imperium européen » et il a ressenti avec douleur Dien Bien Phu. Quant à la guerre d'Algérie, il est soucieux du sort des «Pieds noirs» mais prédit : « Nous céderons ».

    SES ACTIVITÉS INTELLECTUELLES
    Il est passionné par les statistiques. Ce qui le conduit à la prévision de l'avenir. D'où la fondation d'une revue, Futuribles, qu'il voit comme « un carrefour de rencontre des idées qui agitent le débat public ». Il participe en France à des commissions sur la décentralisation et l'aménagement du territoire. Après 1965, il relie l'économie politique à l'écologie. Voir son livre Arcadie. Essais sur le mieux vivre (1968, réédité par Gallimard en 2002). Mais sur ce point aussi, il refuse le catastrophisme du Club de Rome et des Verts. Et prône « une croissance disciplinée » car il est obsédé par « la fragilité du vivant », l'épuisement des ressources énergétiques et des richesses marines. Il n'est plus "réaliste" mais "spiritualiste". Il est d'ailleurs revenu au catholicisme. Il a de nombreuses activités mais vit surtout dans sa retraite d'Anserville (Oise) où il fréquente en voisin Emmanuel Berl qui disparaît en 1986. Il s'inquiète de la nouvelle crise économique : « Nous mènera-t-elle à la guerre comme la première ? » En 1974 et 1981, à la grande surprise de ses amis, il a voté (au second tour) pour Mitterrand tout en critiquant son programme économique. Dans ses notes il s'inquiète de « l'impuissance de la vieillesse » mais avoue avoir « passionnément aimé cette terre ». Il meurt le 1er mars 1987.

    UN PASSEUR
    Ainsi s'achève ce livre remarquable qui charrie tant de noms, de faits, de références, de souvenirs ... Dans sa conclusion. Olivier Dard considère Jouvenel comme un homme qui a toujours voulu comprendre. Il ne pouvait pas percer en politique (pas de charisme, une certaine instabilité Psychologique) mais a réussi comme un "passeur" entre les générations de l'avant-39 à l'après-45. Dans un article de National-Hebdo (reproduit dans Que lire ? tome 3), Jean Mabire avait dit sur lui : « Curieux personnage qui a toujours été décalé. en avance ou en retard sur son temps, jamais en prise sur le réel mais d'une singulière lucidité sur l'évolution du monde qu'il a regardé toute sa vie avec un mélange de scepticisme et d'enthousiasme ».
    Jean-Paul ANGELELLI. Rivarol du 26 septembre 2008
    (1) Olivier Dard. Bertrand de Jouvenel 526 pages. Notes, index et sources. 25 €. Perrin.
    (2) « Pour une révision de tous les procès de tendance » (RIVAROL du 4 novembre 1983) signé Scrutator - pseudo de Maurice Gaït, notre directeur qui décédera le 10 novembre de la même année. Proche de Bergery, il avait connu Jouvenel. Au-delà du procès Sternhell, Maurice Gaït cite Raymond Aron excusant le "fascisme" de Jouvenel et son entrevue avec Hitler. Tant mieux pour Jouvenel. Mais il y en eut bien d'autres (oubliés). Notre directeur d'alors s'interroge « sur cette marmite épuratoire » resurgissant dans les années 1980. Qui n'a plus cessé de bouillonner depuis et s'est même amplifiée.

     

  • IRAK 2003-2008 : un déni d'holocauste

    Le bilan « excède même le million de victimes, un chiffre bien supérieur aux 800 000 victimes du Ruanda voici treize ans et cinq fois celui du Darfour. Un autre déni d'holocauste a lieu sans qu'on y prête attention : l'holocauste de l'Irak » (Docteur Mark Weisbrot, de l'université du Michigan).
    Certains l'apprennent à leur dépens : nier l'Holocauste - ou simplement douter - est source d'interminables et pénibles poursuites. En revanche d'autres génocides ne semblent incommoder personne. Conditionné par le silence des média et une politique gouvernementale des plus opaques, l'Américain moyen estime que 10 000 Irakiens seulement auraient été tués depuis mars 2003, date de l'invasion états-unienne. Pourtant, comme l'indique une étude réalisée il y a plus d'un an par des médecins irakiens et des épidémiologistes américains de la John Hopkins University of Public Health, la réalité est tout autre. Publiée dans le prestigieux journal médical anglais The Lancet, cette étude faisait mention de 655 000 victimes (certificats de décès à l'appui) en date de juillet 2006 : 601 000 de mort violente, le reste en raison d'épidémies, pénurie de médicaments, coupures d'électricité, etc. Les enfants en particulier paient un lourd tribut : plus de 260 000 décès.
    Corroborant ce rapport, ce sont « 1 220 580 victimes [de mort violente] depuis 2003 » que confirmait à son tour l'agence anglaise Opinion Research Business (ORB). Bien qu'alarmant, ce nombre ne semble pas émouvoir média et politiciens - généralement si prompts à s'étendre sur les conflits africains, du Darfour en particulier - et continue d'être réfuté par les gouvernements états-unien et britannique qui lui préfèrent les chiffres du Iraq Body Count (organes de la coalition) donnant un total variant de 73 305 à 84 222.
    L'évidence n'est sans doute qu'un élément trop révélateur de ce carnage, comme le fait remarquer l'Américain Juan Cole, spécialiste du Moyen-Orient : « La mésaventure US en Irak est responsable [en un peu plus de trois ans] d'un massacre de civils dont le nombre est deux fois celui des victimes que Saddam est parvenu à éliminer en 25 ans ». Qu'à cela ne tienne ! Toute déclaration est finalement oblitérée par des démentis officiels comme en témoignait récemment le titre d'un article de la BBC : « Forte augmentation du nombre de morts en Irak » complaisamment suivi d'une longue déclaration publique de George Bush dans laquelle il affirme que « cette méthodologie est totalement discréditée... ces supposés six cent mille et plus... ce n'est pas crédible ».
    Ces statistiques sont d'autant plus choquantes que le pourcentage de victimes le plus élevé est attribué à l'armée américaine. D'après des informations recueillies auprès des familles endeuillées - et jamais mentionnées par les média états-uniens - 83 % des morts doivent être imputés aux membres de la coalition et à leurs alliés (dont 56 % auraient été tués par balles, 13 % par bombardements aériens et 14 % par artillerie) ; 13 % attribués aux insurgés : par voitures piégées (source la plus facile à identifier) ainsi que règlements de comptes entre factions ; 4 % seraient d'origine inconnue.
    Comme le dit avec raison Richard Horton, directeur du Lancet : « Ces révélations soulèvent d'importantes questions, notamment pour les gouvernements des USA et de Grande-Bretagne qui ne peuvent ignorer l'impact de leurs actions sur les civils... Les armées d'occupation ont des responsabilités devant la Convention de Genève... »
    La gravité de la situation réside essentiellement dans le fait de ne pouvoir justifier ces morts civiles par l'occupation armée d'un pays souverain. Des prétextes ont fourvoyé l'élan patriotique de jeunes Américains qui se sont retrouvés confrontés à un scénario pour lequel ils n'étaient nullement préparés. Leur connaissance culturelle et historique de l'Irak est pratiquement inexistante, ce qui engendre une perception caricaturale de ses habitants et accentue cruellement l'incompréhension et le manque de communication entre occupants et autochtones. Ainsi n'est-il pas rare que des voitures civiles aux occupants présumés menaçants soient prises pour cible par des convois militaires qu'ils tentaient tout simplement de doubler ou d'éviter et que sur les routes poussiéreuses et normalement désertiques, des enfants se fassent écraser de même que leurs maigres troupeaux de chèvres...
    La souffrance des innocents peut se résumer à ces quelques mots de désespoir : « Qu'ils viennent et nous attaquent avec une bombe nucléaire qui nous tuera tous ! Ainsi pourrons-nous enfin nous reposer et que ceux qui veulent le pétrole - qui est au cœur du problème - viennent le prendre... Nous ne pouvons plus continuer à vivre ainsi, nous mourrons lentement chaque jour... »
    Est-il étonnant dès lors qu'au vu d'un tel gâchis, l'état psychologique des troupes américaines soit devenu cause d'inquiétude, ce que le Pentagon tente encore de minimiser ? Le taux de suicides est en hausse, surtout depuis mai dernier, date à laquelle les combats ont doublé d'intensité. « Statistiquement, leur nombre [porté à 30] est déjà trop élevé, commente Steve Robinson, ranger en retraite qui tente de faire pression sur Washington en s'appuyant sur le Congrès. Pourtant, il y a longtemps que certains, dans l'armée, avaient en vain tiré la sonnette d'alarme ; il a fallu quelques 600 soldats évacués d'Irak pour troubles psychiatriques pour que la crise soit prise au sérieux. »
    L'Irak est à genoux. 2,5 millions de ses habitants ont fui au-delà des frontières afin d'échapper à l'horreur des combats. Plus de deux millions d'autres restés au pays ont dû quitter leur foyer, leur région où ils étaient menacés de nettoyage ethnico-religieux. À des milliers de kilomètres de là, au Walter Reed Army Médical Center, deux vétérans de retour d'Irak, hospitalisés, se sont pendus, alors qu'au son de cette danse macabre, les magnats de l'Or Noir se frottent les mains devant d'engageantes perspectives. En effet, les nouveaux gisements de pétrole s'annoncent prometteurs.
    Michelle FAVARD-JIRARD. Écrits de Paris mars 2008

  • 1er novembre 1954 : «Toussaint rouge» en Algérie

    Le 1er novembre 1954, en Algérie, le FLN (Front de libération nationale) fait sa première apparition publique et commet plusieurs dizaines d’attentats : récoltes incendiées, gendarmerie bombardée, attaques de militaires et de civils, européens et musulmans, qui font dix victimes. C’est la «Toussaint rouge».

    «Des Flandres au Congo, il y a la loi, une seule nation, un seul Parlement. C’est la Constitution et c’est notre volonté». (François Mitterrand, ministre de l’Intérieur, 12 novembre 1954)

    On compte au total dix morts. Les deux premières victimes, assassinées la veille de la Toussaint, sont deux Français d’Algérie : un chauffeur de taxi de confession juive, Georges-Samuel Azoulay et Laurent François, libéré depuis 6 mois du service militaire. Les autres victimes l’agent forestier François Braun, l’agent de police Haroun Ahmed Ben Amar et quatre appelés : le soldat Pierre Audat et le brigadier-chef Eugène Cochet, tués en pleine nuit dans le poste de Batna, dans le massif des Aurès, ainsi qu’André Marquet et le lieutenant Darneaud. Sont également tués le caïd Ben Hadj Sadok et Guy Monnerot, qui voyageaient ensemble.

    La mort de ce dernier émeut plus particulièrement l’opinion. Ce jeune instituteur est venu de la métropole avec son épouse pour instruire les enfants du bled. Leur autocar est attaqué dans les gorges de Tighanimine. Ils sont extraits du véhicule ainsi que les autres passagers et touchés par une rafale de mitrailleuse destinée au caïd Hadj Sadok. Guy Monnerot succombe sur le champ mais sa femme Jeanine survivra à ses blessures.

    Les meurtriers des deux Français auraient enfreint l’ordre de ne tuer que le caïd, membre de l’élite musulmane francophile. Ils auraient été plus tard sanctionnés par leurs chefs.

    Le ministre de l’Intérieur, François Mitterrand, promet de mettre tout en oeuvre pour arrêter les «hors la loi». […]

    Hérodote

  • Libéralisme et capitalisme : marche, crève ou résiste !

    Libéralisme et capitalisme : marche, crève ou résiste !Les chiffres sont mauvais pour cette fin d’année 2012, et rien ne semble indiquer que la situation s’améliorera pour l’année 2013. Il existe désormais dans le pays dit des « droits de l’homme » plus de 8,5 millions de Français qui vivent avec moins de 964 euros par mois, 3,5 millions de personnes qui sont mal logées, et 23% de notre jeunesse qui vit dans la misère sociale et la détresse humaine. Il y a quelques semaines, Eurostat a publié des statistiques qui indiquent que la France dépasse la moyenne européenne avec 25,2 % de jeunes chômeurs de moins de 25 ans.

    Nos emplois sont gravement menacés, les outils de production sont délocalisés à l’étranger et la main d’œuvre immigrée sous payée, sous qualifiée et largement exploitée par les amis de Laurence Parisot, œuvre considérablement à la baisse des salaires des travailleurs français.

    Ce nouvel esclavagisme moderne non seulement ravage la qualité de vie des Français, mais en plus nous oblige moralement à accepter l’insécurité sociale de l’emploi, à accumuler des boulots sous payés avec des contrats à courte durée, à nous flexibiliser à volonté au marché mondialisé, tout en nous demandant d’être encore heureux d’une telle situation car elle nous éviterait, nous dit-on, le chômage ou le licenciement.

    En réalité, quarante ans de libéralisme et de capitalisme ont entraîné le dérèglement économique et le chaos social. La démonstration est faite et il n’y a rien à attendre de ces deux fléaux. Face à la précarité doit prévaloir aujourd’hui la saine colère et la résistance, car nous n’acceptons pas d’être les esclaves de l’argent et les marchandises humaines d’une poignée de milliardaires…

    Entre une droite financière qui a facilité par la loi les licenciements massifs et qui a participé à la précarisation des travailleurs et de la jeunesse, et une gauche mondialiste qui favorise et encourage largement le libre échange des capitaux, des marchandises et des hommes, tout en se soumettant lâchement aux grands groupes industriels et à la puissance de l’argent, comme l’affaire Arcelor-Mittal le démontre amplement, il devient une nécessité et un devoir pour les patriotes de démasquer ces imposteurs et de les combattre.

    Au nom de la justice sociale, il faut combattre radicalement le capitalisme et lutter de toutes nos forces contre toutes les formes d’exploitation imposées par le libéralisme, car s’ils ont les milliards, nous, nous sommes des millions à nous rassembler autour d’une force politique qui combat la soumission, résiste à la lâcheté et défend la dignité des hommes et des femmes, des jeunes et des anciens, des apprentis et des travailleurs, des commerçants et des artisans, des agriculteurs et des pêcheurs…

    Aujourd’hui, plus que jamais, le Front National représente la France des oubliés. Il est l’incarnation d’une troisième voie sociale, populaire et nationale qui entend faire respecter son peuple et le rassembler autour de la nation. Comme l’a rappelé Marine Le Pen « L’espoir levé dans tout le pays par ma candidature à l’élection présidentielle s’est traduit par le soutien de plus de 6 millions d’électeurs en avril dernier. Ce succès sans précédent, c’est aussi celui du Front National qui s’impose aujourd’hui comme une force politique majeure, conquérante, motivée par un seul objectif : faire respecter la voix du peuple. [...] Et notre ambition, plus que jamais, est d’arriver au pouvoir, pour enfin délivrer notre nation des griffes d’oligarchies qui ne travaillent que pour elles-mêmes ou pour l’étranger, jamais pour les Français. Rendre au peuple la maîtrise de son destin, lui redonner confiance en lui-même, faire de la France une nation fière, prospère et influente, voilà le sens de notre combat ».

    Etienne de La Boétie déclarait « Les tyrans ne sont grands que parce que nous sommes à genoux ». Alors à nous de nous relever et de renverser les tyrans !

    François Hollande a déclaré, si l’on en croit Le Figaro, que « Marine Le Pen va être à la pointe de la radicalité populaire dans les mois à venir » ; il nous appartient de lui donner raison ! Peuple et jeunesse de France, debout ! Car le changement, le seul changement, le vrai changement, c’est le patriotisme de combat, c’est la révolution patriotique ! Jusqu’à la victoire : résistance !
    Grégory Gennaro  http://www.voxnr.com

  • « Un livre qui devrait faire scandale » Par Alain Besançon

    En septembre 2009, Polémia signalait sur son site la parution d’un livre aux Etats-Unis, remontant à juillet de la même année, sans qu’il ne fût traduit en français, alors qu’il traite précisément les questions qui sont dans toutes les têtes et que soulève l’immigration en Europe.

    Christopher Caldwell, dans son ouvrage Reflections on the Revolution in Europe: Immigration, Islam and the West, décrit la progression de l'immigration musulmane en Europe et s’interroge sur la question de savoir si les Européens peuvent conserver la même Europe avec des gens différents.

    Serait-ce dû au problème de l'inscription de l'islam dans le contexte européen, et particulièrement dans l'identité française – notre grand sujet du moment ? Il semblerait en tous les cas qu’aujourd’hui, bien que il ne soit toujours pas traduit en français, le livre de Caldwell intéresse. La revue Commentaire, dans son n°128, hiver 2009-2010, a publié une chronique du Professeur Alain Besançon, membre de l'Institut, pour qui « Le vrai sens du livre est donné par son sous-titre Can Europe be the same with different people in it ? » (L'Europe peut-elle rester la même avec en son sein des peuples différents ?). Polémia la livre à ses lecteurs.

    Polémia

    Le vrai sens du livre est donné par son sous-titre Can Europe be the same with different people in it ?

    L'Europe peut-elle rester la même avec en son sein des peuples différents ?

    Caldwell est à ma connaissance le premier à poser la question dans toute son étendue et dans toute sa complexité. Est-ce parce qu'il a le courage d'ouvrir un dossier que les Européens s'efforcent de tenir fermé depuis des dizaines d'années, bien que sans l'ouvrir, ils en sachent déjà parfaitement le contenu ? Le livre devrait faire scandale. Mais parce qu'il détruit des clichés imposés, auxquels personne ne croit plus, et parce qu'il porte au jour des pensées qu'on n'ose plus formuler publiquement, il est possible qu'il soit enterré dans une fosse profonde entourée d'une palissade. On verra s'il est bientôt traduit.

    L'exposé est remarquablement clair. Chapitres et sous-chapitres sont si bien ordonnés qu' on en saisit l'idée dés qu'on a lu les titres. C'est parce que nous savions déjà ces choses au fond de nous-mêmes que leur cohérence éclate maintenant qu'elles sont mises sous nos yeux.

    L'Europe doit faire face à deux problèmes qui sont distincts bien qu'ils se recouvrent partiellement et qu'on les confondent souvent volontairement, pour ne pas en prendre conscience. Le premier est celui de la capacité de l'Europe à assimiler les immigrants, le second est celui de la difficulté qu'elle rencontre avec l'islam.

    L'Europe avait-elle besoin d'autant d'immigrants ? Au lendemain de la guerre, il le semblait, et nul ne songeait à élever des barrières institutionnelles. Il ne faut pas comparer le phénomène à la récente immigration hispanique aux États-Unis, qui se produit dans une économie post-industrielles, mais plutôt à l'immigration noire des États du Sud, au début du XX é siécle vers les industries du Nord, en besoin de main-d'oeuvre. Encore une fois, l'Europe avait-elle vraiment besoin de tous ces immigrés ? L'argument "capitaliste" est que cette main d'oeuvre a sauvé beaucoup d'industries. En fait c'était des industries condamnées. L'immigration a retardé les gains de productivité, et au prix de coûts latéraux dont le calcul n'a jamais été fait. L'argument "socialiste" est que le rajeunissement général provoqué par l'immigration, avec son taux élevé de natalité, a permis de sauver le Welfare State. Mais il est devenu évident qu'elle ponctionne ce Welfare State plus qu'elle ne lui apporte. Il est donc facile de refuter ces deux arguments. Mais si on ne le fait pas, si on n'ose pas le faire, c'est à cause du second problème : la difficulté que rencontre l'Europe avec l'islam. En effet l'Europe a cru importer de la "main-d'oeuvre", pour prendre un terme abstrait et général, une population passive, un simple facteur de production. Elle s'est aperçue qu'elle importait des êtres humains, doués d'une volonté propre.

    L'idée d'Europe ? Idée d'origine élitaire, avait une dimension morale. Il était cru comme un dogme, dans ce milieu, que les cultures étaient d'égale dignité, ce qui revenait à dire qu'elles se valaient. L'idéologie de tolérance descendit dans les masses et se durcit en tolérance intolérante. Les lois mémorielles criminalisent non plus des faits, mais des opinions et des croyances. L'Allemagne, la Suisse les adoptèrent après la France. Une peur vague de penser ce que l'on pense se répandit.

    Pendant de nombreux siècles, en Europe, l'islam avait été ressenti, avant tout examen, comme l'ennemi inconditionnel. Cet instinct immémorial, qui dispensait de le connaître, avait été documenté et justifié au XIXe siècle par les premiers savants islamistes, qui à l'instar de Renan le tenaient en peu d'estime. Le fanatisme qu'on lui attribuait n'était pas pourtant perçu comme un danger, bien moins en fait que le fanatisme religieux que l'europe avait nourri en elle-même et que les Lumiéres continuaient de redouter. L'islam était extérieur et au loin.

    Mais il ne l'est plus. Il y a probablement plus de 20 millions de musulmans installés en Europe, 5 en France, 4 en Allemagne, 2 en Angleterre. Ils approchent de la majorité à Amsterdam et Rotterdam, à Marseille, à Duisbourg et Cologne, dans maintes villes anglaises. Leur taux de fécondité est supérieur. En Autriche, par exemple, il est de 2,34 contre 1,31 pour les catholiques et 0,82 pour ceux qui se déclarent sans religion. A Bruxelles, où 57 % des nouveaux-nés sont musulmans, les sept premiers prénoms qui sont donnés aux garcons sont Mohamed, Adam, Rayan, Ayoub, Mehdi, Amine et Hamza (en 2006). Dans certaines banlieues, il forme une société paralléle, autoségrégée, créant des espaces pour la Charia, construisant des mosquées, capable même de "désassimiler" ceux qui avaient auparavant progressé dans l'"assimilation". Ces faits méritent d'autant plus d'attention que le jus soli à la française est plus ou moins adopté en Allemagne, en Espagne, et que de toute façon personne ne pense plus que ces populations pourraient repartir, encore moins être expulsées.

    C'est alors que fleurissent les mythes providentiels de la diversité et du métissage. Ils sont encore une manière de transfigurer une inquiétude qu'on ne veut pas s'avouer. Caldwell produit des faits qui indiquent, selon lui, que l'islam constitue une supra identité et que les jeunes musulmans se sentent tels prioritairement avant de se déclarer français, allemands ou anglais. Il n'y aurait pas, affirme Caldwell, un islam de France, malgré ce dont nos médias veulent nous persuader, pas plus qu'il n'y aura un deutscher islam, un islam italiano. Mais il existe déjà une contre-culure islamique, plus ou moins paneuropéenne, qui se cherche encore et qui prend souvent ses modèles dans la robuste American Black Culture.

    Nous en arrivons à un chapitre qui est, selon moi, décisif, mais le plus délicat à traiter : le rapport entre l'islam et le monde chrétien où il a pris domicile. Sachant que les musulmans restent substantiellement fidèles à leur religion, qu'en est-il des chrétiens qui délaissent la leur à vive allure ? Qu'en est-il du fameux dialogue interreligieux ? Caldwell note que jusqu'ici il demeure un voeu pieux et parfaitement unilatéral. Les musulmans n'en ont cure. Pour les non-croyants, les deux confessions n'ont aucune raison de ne pas être mises sur le même pied. L'agnostique, ou le "laïc", comme on dit en France, tiendra sa position pour plus élevée, plus intelligente, plus libre, ce qui est bien naturel. Beaucoup d'entre eux, cependant, estiment que "tant qu'à faire", le christianisme est préférable... Jean-Paul II, selon l'auteur, pensait que le sentiment religieux reunissait les chrétiens, les musulmans, les bouddhistes et les rendaient plus proches les uns des autres que les athées. Benoit XVI, lui, met l'accent sur la raison commune et accepte tous ceux qui se laissent conduire par elle. A Regensbourg, il a critiqué en revanche l'irrationalisme d'une religion, l'islam, qui s'affirme pourtant rationnelle de bout en bout. 

    … L'auteur me fait le plaisir de citer une mienne formule : "L'islam est la religion naturelle du Dieu révélé." Si le christianisme meurt en Europe, l'islam est un bon candidat pour remplir le vide. Une autre mienne formule avance que l'islam est "une idolâtrie du Dieu d'Israël". En tant qu'idolâtrie, l'islam plaît naturellement à l'homme qui est, disait Calvin, une "boutique à forger des idoles". Le Dieu d'Israël, auquel il n'est pas relié par une alliance, est suffisamment hors de portée pour qu'il ne soit pas connu comme il est, mais assez présent pour garantir et sacraliser cette paradoxale relation idolâtrique. D'un côté, l'islam prend comme elle la nature humaine et lui donne des satisfactions (je saute le chapitre touchant le sexe), de l'autre il exalte un sur-judaïsme et un sur-christianisme. Des deux parts, il offre une tentation.

    Cependant, l'Occident semble paralysé. Il reste sous le remords du "racisme" et des interdits qui se sont associés à lui. Le principal est "l'antiracisme", ce "communisme du XXI siècle". La culpabilité occidentale forme un abri sûr pour les musulmans qui se sont mis sous sa protection.

    Y a-t-il un islam "modéré" ? Mais qui peut proposer une définition d'un islam modéré ? Si, comme beaucoup le pensent, l'islam n'a rien à voir avec le terrorisme, pourquoi, demande Caldwell, aussitôt qu'il y a un attentat terroriste quelque part, tous les gouvernements vont-ils enquêter dans ces milieux ? Je n'ai pas d'opinion sur ce point.

    Avec justesse, Caldwell conclut que l'immigration musulmane de masse procède d'une grappe (cluster) de courants sociaux nombreux et indépendants : la libre économie, l'augmentation de la richesse, les femmes au travail, les inégalités de revenus, le bas taux de fécondité... Ajoutons la crise du christianisme et d'autres courants idéologiques et spirituels. C'est un problème compliqué, immense, auquel on ne voit pas de solution.

    Quel avenir ? Caldwell voit deux modèles possibles. Le premier est celui de la société multi-ethnique, type États-Unis. Il le juge peu plausible. L'autre est celui de l'Empire ottoman avec son système du millet, c'est à dire la formation d'une mosaïque de communautés plus ou moins autonomes, sous le contrôle d'un Etat impérial. Ce dernier modèle est plus vraisemblable. Mais, si l'Empire ottoman a vécu sous le régime du millet, à la longue il en est mort, quand les forces centrifuges ont échappé à son contrôle.

    On espère que l'ouvrage de Caldwell sera traduit, lu et discuté. Il en vaut la peine.

    Alain Besançon, Membre de l’Institut

    Commentaire n°128, hiver 2009-2010

    Correspondance Polémia

    23/01/2010

    Voir : http://www.polemia.com/article.php?id=2380

  • L'Eurasisme selon Alexandre Douguine

    L'Eurasisme selon Alexandre DouguineLe dernier ouvrage d’Alexandre Douguine, La Quatrième théorie politique, paru aux éditions Ars Magna, nous livre un état des lieux du monde postmoderne, ainsi que de la Russie poutinienne.

    Une synthèse éclairante
    La fin du XXème siècle se caractérise par la victoire totale, massive, de la « première théorie politique », le libéralisme, qui a vaincu définitivement les deux autres, le fascisme, en 1945, et le marxisme, en 1989. N’ayant plus d’adversaire capable de soutenir théoriquement et pratiquement la contradiction, et porté par sa logique destructrice, qui le mène à transcender toutes les limites, il tend, à partir de son noyau, les Etats-Unis d’Amérique, à se répandre sur toute la planète, éradiquant les racines des peuples et leur identité. De fait, il se nie lui-même, en abolissant son substrat idéologique, l’humanisme issu de la Renaissance, dont l’incarnation est l’individu. La postmodernité est en effet, après la fin des grands récits, la gestion des choses de l’économie, et le ravalement de l’homme et du réel au rang d’objet démontable et recomposable. A ce cauchemar, s’oppose le conservatisme, dans le sens que lui donnait en partie la Révolution conservatrice, concept que Douguine approfondit comme incrustation, dans l’ordre humain, de l’éternité, qui s'oppose au mythe du progrès et au « nomadisme de l'asphalte ».
    Alexandre Douguine, du point qui est devenu le nôtre après la déréalisation des discours qui fondaient l’Histoire humaine, examine le siècle passé, ses rêves et ses tragédies, pour réévaluer ses expériences, communisme et fascisme, en saisir les ressorts secrets, ainsi que les limites.

    Le concept de « civilisation »
    En même temps que Fukuyama, avec qui il a eu l’occasion de dialoguer, il analyse les thèses d’Huntington, sur le « choc des civilisations », pour développer une analyse de la notion de « Grand espace », autrement dit d’empire, théorisée par Carl Schmitt, ce qui permet au lecteur de comprendre ce qu’est une « civilisation », et d’aborder efficacement la question de l’Eurasisme. En effet, le libéralisme postmoderne, dans sa course mortifère à l’hégémonie mondiale, dans sa tentative d’imposer la technique et l’économie comme destin, le « Gestell » dont parle Heidegger, c’est-à-dire la « formulation sans fin de nouveaux modèles aliénants et nihilistes », se heurte à des résistances, à des « civilisations » porteuses d’une vision fondamentalement différentes, qui coexistent, et qui proposent chacune une vision singulière, irréductible, une alliance entre une anthropologie, une métaphysique, une langue et une une ethnie parfois, des coutumes, des manières de sentir, d’aimer, de haïr qui leur sont propres. Ces noyaux, qui s’opposent au noyau occidental situé aux USA et en Europe, sont la Chine et le Japon, l’Iran, le Califat, la Russie, l’Amérique latine de langue espagnole ou portugaise, et peut-être l'Europe. L’eurasisme ne cherche pas une alternative au nihilisme postmoderne dans le passé, mais dans la présence synchronique de pôles différenciés, qui constituent autant de variantes d’être au monde, originales et ontologiquement enracinées.

    La Russie et nous
    Douguine est un acteur engagé dans la Russie postsoviétique. Il nous donne, de première main, des informations sur le rapport des forces, notamment entre une oligarchie en majorité vendue aux anglo-saxons et un peuple attaché aux valeurs patriotique. Il nous éclaire sur le débat qui est la source des hésitation de Vladimir Poutine et du pouvoir actuel, entre l’Etat-nation, qui aurait sa place dans la « communauté internationale (un piège, selon Douguine), et l’idée d’eurasisme (l’empire). Rappelons que l’Empire n’a rien à voir avec celui de Napoléon ou le Reich allemand, qui étaient des nationalismes. Il est plutôt une « combinaison des différences en une unité », unité incarnée par des valeurs suprêmes (il n’est pas question de « fusion »). Douguine dresse un bilan de l’histoire récente de la Russie, et arrête son étude en 2008, lors de la réponse cinglante des forces russes à la tentative de la Géorgie de Saakachvili de perpétrer un génocide en Ossétie. La Russie semble surmonter le traumatisme eltsinien, et avancer dans la vie impériale. Sans doute les événements syriens vont-ils dans le même sens.
    En revanche, Douguine évoque, pour juger de l’Union européenne et d’un projet hypothétique de pôle civilisationnel, l’axe Paris-Berlin-Moscou, destiné à s’opposer à l’agression américaine en Irak. Depuis, l’élite européenne est passée avec armes et bagages dans le camp atlantiste. L’Europe continentaliste s’est transformée en Europe atlantiste, et se prépare au grand marché qui l’arrimera au noyau dur de l’occidentalisme. L’Occident est le lieu où le soleil se couche. Notre destin a besoin de la Russie, de l’Orient, pour contrebalancer ce crépuscule fatal. A nous d’opter pour le retour aux sources, plutôt que pour la linéarité de la course au néant historique et existentiel.
    Claude Bourrinet http://www.voxnr.com
    Pour recevoir le livre d'Alexandre Douguine, s'adresser à Ars magna éditions, BP 60426, 44004 Nantes cedex 1, en joignant un chèque de 32 euros franco.