1 On nous persuade (éventuellement à l'aide d'amendes ou de séjours en prison), qu'il ne faut pas être "raciste",
qu'il faut accepter, tolérer les autres races, les autres cultures.
La question qui n'est jamais posée est la seule qui mériterait de l'être : est ce que cet "anti-racisme", cette acceptation, cette tolérance tendent vers plus de justice, vers un niveau supérieur de civilisation ?
Chaque inférence du bavardage anti-raciste est-elle autre chose qu'une petite leçon de morale ? Innombrables petites leçon de morale, mais mécaniques, automatiques, on pourrait dire vomies mécaniquement hors de toute exercice de la pensée, hors de tout discernement.
Les notions de justice, de justice sociale, de recherche du bien commun et de l'équité semblent totalement étrangères à ces moralistes à démarrage automatique.
Le penseur politique et l'anti-raciste sont en fait aux antipodes l'un de l'autre : l'un est un homme fait, l'autre est une mécanique mentale.
Mécanique mentale malade, méchante, indurée, indifférente au bien et au mal, fonçant droit devant elle, répétant inlassablement la même bouillie verbale : chacun, autrui, tous, droits, accueil, tolérance, acceptation, et ainsi de suite, jusqu'à sa disparition physique.
Des milliers, des millions d'hommes de grand race blanche sont dans cette situation de morts-vivants, mentalement suicidés, leur seul "rêve" semblant consister à entrainer toute leur race dans leur enfer mental et moral..
Comment en est-on arrivé là ?
2 L'histoire de l'installation et de la généralisation de la démence anti-raciste, c'est à dire du suicide de la grand race blanche reste sans doute à faire.
Quelque répères
1920 - Débuts de l'industrie culturelle et de la mécanisation de l'esprit : cinéma, radio
1945 - L'UNESCO réunit des scientifiques qui proclament fièrement l'inexistence des races ou leur égalité, ou un truc dans ce genre
1950 - "Les Etats Unis disposent d'une arme absolue contre les régimes communistes : la musiques nègre."
3 Un anti-raciste, c'est un bourgeois blanc masochisme vivant dans l'ordre de la sensualité, dont l'industrie culturelle (musique nègre notamment) a interdit le développement mental, et qui d'ailleurs refuse farouchement d'user de la raison.
L'histoire de cette démission mentale à tendance masochiste de larges fractions de la bourgeoisie, intellectuels et artistes surtout, est bien connue : c'est le sujet d'oeuvres littéraires parmi les plus importantes, et aussi très largement l'histoire des littérateurs et des artistes eux mêmes......
Mais l'on n'a pas fait vraiment le lien avec l'apparition, chez certains d'entre eux et alors aussi chez certains politiques et capitalistes purs, d'un véritable délire masochiste spécifiquement anti-raciste.....
Ce seront alors des "scientifiques" aux facultés mentales déjà largement atrophiées qui vont décréter vers 1950 l'égalité des races, avec la bénédiction et l'appui d'une bourgeoisie irresponsable, blasée et masochiste qui voit là le moyen de faire d'une pierre deux coups : satisfaire ses fantasmes exotiques et maintenir et aggraver le malheur du peuple blanc qu"elle exploite.
Ces "scientifiques" vendus aux capitalistes dégénérés vont pratiquement cautionner un processus de destruction et d'éradication totale de la race blanche qui ne pourra plus jamais retrouver les conditions de développement de ses facultés mentales spécifiques. Qui sera condamnée à vivre à plein temps en barbarie (musique nègre).
Rien de plus facile ensuite que de transmuter ce délire en législation, le droit bourgeois n'ayant jamais été autre chose que l'occultation de l'histoire et la ratification des rapports de force en place et la complicité de juristes tout aussi faisandés mentalement étant évidemment acquise.
"La révolution communiste permettra d'atteindre à un niveau supérieur de civilisation."
C'est cette proposition à la fois évidente et problématique que vont refouler un peu plus tard presque tous les groupes "gauchistes".
Essentiellement parce qu'à leur tête on trouvera le plus souvent des intellectuels ou des dirigeants d'origine bourgeoise
commençant à développer ce qui deviendra la seule "pensée" de leur classe vers 1980 : la démission, l'irresponsabilité aussi et surtout la culpabilité incongrue, le masochisme déplacé vis à vis des civilisations non-occidentales.......
En d'autres termes, les gauchistes étaient déjà très largement dans la démence, la gâtisme anti-raciste et tiers-mondiste qui deviendra l'équipement mental spécifique des néo-bourgeois "bohèmes" pour poursuivre le peuple blanc de leur haine insatiable........
La démence anti-raciste actuelle n'est donc que la suite logique de la généralisation, chez les petits bourgeois bohèmes, d'une mentalité bourgeoise à forte composante blasée et masochiste ayant pour fonction inconsciente la destruction de la civilisation construite par les travailleurs de leur race, honnis plus que tout.
4 Pour reprendre une notion introduite par les anti-racistes, et qui, une fois n'est pas coutume, peut avoir une certaine efficience logique, on pourrait dire qu'un individu de race blance est aujourd'hui victime de discrimination raciale à temps plein, de sa naissance à sa mort, puisqu'il ne se trouvera jamais dans des conditions de vie lui permettant de développer les facultés mentales spécifiques de sa race.
Ce n'est évidemment pas en ce sens que les juristes néo-bourgeois, parangons de masochisme, de servilité et d'atrophie mentale exacerbée, ont introduit la notion de discrimination raciale. On voit là, précisément, très précisément, les limites de leurs moyens mentaux, et de leur gâtisme bouffon.
Précisons pour bien nous faire comprendre : ce n'est pas seulement à chaque fois qu'il est insulté ou molesté qu'un blanc pourrait se dire victime de "discrimination raciale", mais bien à chaque instant de sa vie, puisque l'ensemble de la bourgeoisie anti-raciste le contraint à "vivre" dans un enfer multiracial ne lui permettant pas de développer les facultés mentales spécifiques de sa
race. Il vit à temps plein le martyre de sa race sacrifiée sur l'autel du capitalisme post-bourgeois.
Et il lui suffit de regarder un peu attentivement l'équipement mental et les capacités de discernement de ceux qui sont, dans cet enfer, chargés de réprimer les "discriminations raciales", savoir les juristes bourgeois susévoqués, pour se convaincre de la réalité d'un processus de discrimination historique lourd à l'égard de la race blanche, atteignant maintenant singulièrement ses facultés intellectuelles...
C'est alors, on l'aura compris, une toute autre conceptualisation échappant aux juristes, spécialistes du détail et de la chicane, pour appartenir enfin aux philosophes et aux historiens, qui est à forger. La race blanche n'est pas simplement "discriminée", elle est empêchée dans son développement, elle est interdite. Elle reste interdite aussi, stupéfaite, hébétée de ne pouvoir être elle-même et d'être condamnée à l'atrophie mentale et au primitivisme.
L'étude de ce gigantesque processus d'interdiction mentale et morale d'une race a été à peine été esquissé. Alors qu'il détermine l'ensemble des non-pensées, des bavardages, des impasses morales, des injustices constamment aggravées depuis trente ans en occident.
Résumons : l'anti-racisme, c'est l'histoire presque séculaire de vieux bourgeois déments blasés et masochistes en position d'imposer leur goûts faisandés à une foule de petits bourgeois ahuris, les futurs bobos, pour tenir à distance et commencer à éradiquer mentalement puis physiquement un peuple blanc qu'ils détestent plus que tout.............
Concluons : il n'y a jamais eu ni racisme, ni antiracisme dans ce monde tout simplement parce que ces mots sont dépourvus de sens politique ou moral efficient, il n'y a eu, depuis un siècle environ, qu'un épouvantable processus de destruction mentale de la race blanche, de mise en interdit mentale de la race blanche lui interdisant définitivement, entre autres, de penser le vrai et le faux, le juste et l'injuste, et la démence sénile conduisant à l'invention du fantôme nommé racisme est entièrement constitutive et interne à ce procès historique repérable et identifiable.
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L'esthétisme - contribution à l'identification de la problématique politique à venir
L'une des réalités massives de ce temps, c'est sans aucun doute l'effort consenti pour mettre la culture en général, et l'art en particulier, à la portée de tous, à la disposition de chacun. C'est un fait d'observation qu'expositions, festivals, revues d'art, galeries, abondent, pullulent, surabondent. C'est un autre fait d'observation que le milieu qui produit de l'art constitue un monde relativement autonome, relativement réservé, et très fortement hiérarchisé. On a donc, grosso-modo, une double coupure, d'une part entre les producteurs d'art et les connaisseurs ("les artistes", "les critiques") et les simples consommateurs ("le public"), d'autre part entre les producteurs d'art peu valorisés ou dévalorisés ("les ringards", "les ploucs") et les producteurs d'art fortement valorisés ("les branchés", "les artistes" proprement dits).
La grande presse, les médias en général nous convaincraient volontiers que le "public" répond positivement à cette mise à disposition de l'art, de l'art branché évidemment, de l'art proprement dit, l'art des ringards et des ploucs servant de repoussoir aux véritables artistes, au même titre que les danses folkloriques et populaires par exemple. On doit cependant remarquer qu'au delà du cercle des connaisseurs et des amateurs, désormais considérable il est vrai, ce n'est qu'après une sorte de "dressage" et de "conversion" à l'art véritable que le public se précipite "spontanément" vers les expositions, les rétrospectives et les foires d'art contemporain. ll faut alors creuser ceci et considérer que l'effort de dressage et de conversion du public à l'art véritable est considérable. Toute une flopée d'intermédiaires, eux même solidement convertis bien sûr, va assurer auprès du "public" une action d'inculcation de la croyance en l'art des artistes : journalistes plus ou moins spécialisés, rédacteurs de livres de vulgarisation, enseignants de tous niveaux, animateurs de musées. Tous celà est très bien fait, avec beaucoup de conviction et de crédulité chez les convertis et beaucoup de financement de la part des commanditaires et ce qui devient alors très difficile, c'est de garder une distance critique face au flux de discours des pédagogues de l'art véritable.Malgré tout, "çà" ne prend pas absolument partout, et il y a encore bien des "petites gens" pour affirmer que l'art d'aujourd'hui "c'est n'importe quoi", que "çà ne veut rien dire", que "leur petite sœur en ferait autant", réactions dérisoires, réactions cependant. Le peuple, les "braves gens" semblent en tous cas profondément rétifs à la vénération des véritables artistes et de leurs oeuvres, contrairement aux "petits bourgeois culturels" qui sont toujours prêts à suivre ce qui est dans l'air du temps quels qu'en soient les tenants et les aboutissants et qui craignent par-dessus tout de rater quelque chose qui les aiderait à monter sur "l'échelle sociale". Cette résistance implicite et malheureuse du petit peuple à l'art contemporain, il va falloir l'expliquer.C'est désormais avec toute l'approbation et tout le soutien des pouvoirs financiers qui se mettent en place, c'est à dire en dernière instance avec l'approbation et le soutien du mondialisme le plus exacerbé et le plus aveugle (qui ose tenter de projeter sérieusement où il mène ?) que certains artistes prétendants sont intronisés artistes véritables.C'est plus précisément uniquement grâce au soutien du "mondialisme financier" que les artistes qui comptent, dans le monde de l'art, vivent, et plutôt bien, de leur art qui devient l'art qui compte, simplement parce qu'il devient le seul art en position de se présenter comme tel, parce qu'il est le seul produit par des artistes qui comptent, le contenu de leurs enveloppes. C'est très simple et celà devient évident lorsque l'on se documente un tout petit peu sur le marché de l'art, les subventions, le mécénat. Le mondialisme qui s'installe ne contrôle pas seulement le monde de l'information, il contrôle aussi très largement le monde de l'art, et l'on pose ici que ce dernier contrôle est beaucoup plus inquiétant que le premier pour l'avenir de la pensée.En tous cas, lorsqu'un artiste est ainsi révélé par les financiers et les critiques d'art associés, son nom et son oeuvre ne tardent pas à être diffusés jusqu'au fond de nos provinces, grâce à la diligence des pédagogues de toutes sortes déjà évoqués, Les "nouveaux bourgeois" boivent, ou gobent avec délectation, les "nouveaux petits bourgeois" se précipitent pour ne rien rater, le peuple renâcle. Etrange chaîne idéologique. Reste donc à dominer ce processus par la pensée et à refuser de se laisser pièger par l'idéologie de l'art essentiellement respectable quelles qu'en soint les implications éthiques et politiques.Lorsque l'on considère l'ensemble des œuvres d'art, des œuvres esthétiques produites, valorisées et diffusées par la "nouvelle bourgeoisie" (et il s'agit bien d'oeuvres d'art, mais d'œuvres d'art "néo-bourgeoises", et c'est là le spécifique), on ne peut manquer de remarquer qu'elles introduisent toutes à une même disposition affective. Cette disposition affective, la notion de cynisme l'évoque assez bien. Mais il faut tenter d'être plus précis et plus spécifique et dire qu'il s'agit exactement d'acquérir, à travers l'art contemporain, une anesthésie affective, une distanciation morale, une capacité à regarder la souffrance et le malheur d'autrui sans vélléité d'intervention. Ce regard glacé et distancié sur les pauvres, les faibles, les sans défense est la disposition affective profonde requise par le mondialisme bancaire et c'est à travers l'art contemporain qu'elle se diffuse et s'impose jusqu'à passer pour naturelle et constitutive de l'homme accompli.Les spécialistes de la modernité, ce que l'auteur de ces lignes n'est pas, parviennent à distinguer, semble-t-il, parmi les petits cyniques glacés et incultes qui peuplent désormais nos villes "les rebelles", "les branchés", "les artistes" et enfin, au sommet sans doute, "les créateurs". On posera l'hypothèse que ces catégories ne sont pas très rigoureuses, se chevauchent souvent et qu'il n'est pas rare de passer de l'une à l'autre par un petit effort supplémentaire de glaciation mentale ou, à l'inverse, par un relâchement regrettable du devoir d'inhumanité constitutif de l'identité mondialiste-esthétisante en cours de maturation. Un publiciste vaguement anarchiste, aventurier discutable mais véritable esprit libre, avait eu au moins, à l'aube du vingtième siècle, une pensée fulgurante : "Dans les rues, on ne verra bientôt plus que des artistes et on aura toutes les peines du monde pour y trouver un homme."On a refoulé les inquiétudes de quelques immenses écrivains qui, à la naissance du cinéma, avaient perçu la catastrophe qu'il pouvait induire, en ses usages les plus vulgaires, dans l'ordre mental : participation immédiate sans recul et réflexion, rythme imposé mécaniquement interdisant toute hiérarchisation et totalisation des affects, réalisme brutal s'opposant à toute distanciation et stylisation critiques chez le concepteur et donc à toute pensée élaborée chez le récepteur. Or c'est le cinéma le plus platement réaliste et bavard qui est passé au statut d'art majeur de ce temps. Mais ce n'est que par un usage idéologique du langage que l'on peut subsumer sous une même catégorie (l' "art") le gigantesque travail de pensée et de stylisation d'un grand poète et le travail élémentaire de mise en images réaliste d'un "scénario" par une "équipe" de "tournage" inculte. Pourquoi alors entretenir cette confusion entre l'art poétique, transmuant la réalité en un niveau supérieur de pensée, et les mises en boîte cinématographiques les plus opposées à l'exercice des facultés mentales supérieures ? Mais parce que le cinéma (nous voulons dire le cinéma réalistique et bavard, harassant le rêve et l'imagination) est l'industrie, qui a permis d'introduire progressivement et insidieusement la morale exigée par le mondialisme esthétisant et dont on a esquissé la description plus haut. Description que l'on peut compléter quelque peu en posant que l'esthétique néo-capitaliste habitue en permanence, et d'ailleurs dès la moins tendre enfance, à constituer la souffrance et le malheur des faibles (pauvres, malades et estropiés non néo-bourgeois, animaux) en spectacle. Cette morale, c'est celle, on l'a compris, de la bourgeoisie que l'on persiste à dire bohème et qu'il faudrait dire schizoïde glacée.Les fonctions de cet apprentissage de l'anesthésie affective, de cette formation à la cruauté froide sont alors évidentes : il s'agit d'interdire la naissance et le développement de liens de solidarité dans le peuple, de transformer le peuple en une mase d'individus hargneux, méchants voire sadiques envers leurs compagnons d'hier. Ces individus ainsi atomisés, sans attaches, sauf aux doctrines de plus en plus cyniques diffusées successivement par le marché mondial deviennent alors de parfaites machines consommatoires, qui ont en outre l'avantage de contribuer efficacemenr et gratuitement, par simple non intervention, à l'extermination des ultimes résistances à l'arasement mondialiste. Lorsqu'il contribue, de très loin, à l'expulsion d'un pauvre, ou lorsqu'il jette un regard furtif à un vagabond qu'il ne secourera pas, le néo-bourgeois peut alors, lui aussi, pour quelques instants seulement mais en pleine connivence avec les créateurs contemporains, se sentir habité par une âme d'artiste.
Jacques-Yves Rossignol http://www.esprit-europeen.fr -
€uro : l’hypothèse du pire
La crise budgétaire grecque, devenue crise de l’euro, n’est pas la conséquence fatale d’une autorégulation des marchés, mais d’une attaque délibérée. Pour Jean-Michel Vernochet, elle participe d’une guerre économique conduite, depuis Washington et Londres, selon les mêmes principes que les guerres militaires actuelles : recours à la théorie des jeux et stratégie du chaos constructeur. L’enjeu final est de contraindre les Européens à s’intégrer dans un Bloc atlantique, c’est-à-dire dans un Empire où ils payeront automatiquement le déficit budgétaire anglo-saxon par le biais d’un euro dollarisé. Un premier pas a déjà été franchi avec l’accord conclu entre l’Union européenne et le FMI, accordant au Fonds une tutelle partielle sur la politique économique de l’Union.
L’attaque financière lancée contre la Grèce en raison de sa dette souveraine et de son insolvabilité potentielle, s’est vite révélée être en fait une offensive contre l’Euro et n’avoir qu’un rapport lointain avec les tares et déficits structuraux de l’économie hellénique elle-même. Des « vices » au demeurant largement partagés par la plupart des pays post industriels qui ont pris la très mauvaise habitude de vivre au-dessus de leurs moyens et à crédit ; d’où une inflation galopante de la dette, une « bulle » comme une autre vouée in fine à l’éclatement.
Or tout semble indiquer que derrière la brutalité de l’attaque et qu’au-delà d’une simple ruée au pillage des économies européennes, se profilent d’autres objectifs, d’ordre géopolitique notamment, et ceux-là mûrement réfléchis. Car, en aucun cas, les appétits, aussi aiguisés soient-ils, de prédateurs financiers anonymes ne peuvent expliquer l’intensité dans la durée d’une offensive qui, à court terme, menace de faire voler en éclat la zone euro, l’Union des vingt-sept, voire bien au-delà…
La multiplication des crises ces deux dernières décennies aidant, une lecture rapide du déplacement des pions sur le Grand échiquier eurasiatique laisse à penser que l’Europe est actuellement le théâtre d’une bataille dans le cadre d’une guerre géoéconomique (guerre au sens propre et entier), une bataille qu’elle a d’ailleurs déjà potentiellement perdue.
En effet, l’adoption d’un plan européen — sur les instances pressantes de la Maison-Blanche — pour le renflouement de la dette publique des Etats membres de l’Union ne constitue non seulement pas une panacée, un remède durable à la crise budgétaire structurelle qui affecte désormais « tous » les États occidentaux, mais va dans le sens désiré par le mentor états-unien d’une intégration rapide de l’Union européenne, préalable obligé à la constitution d’un bloc occidental soudé.
Un plan européen qui répond à une crise de confiance, de solvabilité (largement artificielle au départ, mais devenue contagieuse et faisant boule de neige), par la recapitalisation des États comme s’il s’agissait d’une simple crise de liquidités. Un plan européen de 750 milliards d’euros supérieur au plan Paulson d’un montant de 700 milliards de dollars destiné, après la débâcle des établissements financiers américains de septembre 2008, à les renflouer sur fonds publics. Une solution dont on voit les effets à présent en ce que la recapitalisation du secteur privé financier a eu pour conséquence aberrante d’accroître lourdement la dette des États des deux côtés de l’Atlantique.
Ainsi, la crise financière née aux États-unis, après avoir déclenché la récession c’est-à-dire désamorcé la pompe économique, a depuis, par voie de conséquence, tari les ressources fiscales des États rendant plus difficile encore le service d’une dette de plus en plus considérable. Or l’Union européenne vient d’ajouter de la dette à la dette avec ces quelque 750 milliards d’euros qui vont grever plus encore ses budgets nationaux (le taux moyen d’endettement de la zone euro étant actuellement de 78 %), ceci en vue d’hypothétiquement « rétablir la confiance des marchés »…
Pour ce faire l’UE vient — volontairement — de se placer sous la coupe du Fonds monétaire international qui va lui consentir des prêts à hauteur de 250 milliards d’euros. FMI qui avait jusqu’à présent plutôt vocation à soutenir les économies chancelantes du Tiers-Monde à grands coups de matraque assénés au moyen de ses plans dits d’ajustement structurel. C’est donc une entité supranationale à vocation « mondialiste » qui va en quelque sorte chapeauter, voire superviser plus ou moins directement les structures de gouvernance économique dont l’UE va assurément se doter si la zone euro ne se disloque pas spontanément entre temps.
Des structures intégratives réclamées à cor et à cri par Paul Volcker, directeur à la Maison-Blanche du Conseil pour la reprise économique (aux Etats-Unis), qui depuis Londres tance vertement les dirigeants européens exigeant la relance de l’euro dont Etats-uniens et Britanniques ont un besoin essentiel pour maintenir leur économie à flot.
Notons au passage que c’est vraisemblablement la mort dans l’âme que la chancelière allemande s’est résignée à souscrire à ce plan pharamineux de soutien aux pays défaillants de la zone euro alors que son homologue français — d’après une rumeur persistante — la menaçait de revenir au Franc si elle n’obtempérait pas. Mais s’il est vrai que « la fourmi n’est pas prêteuse », le retour au Deutsch Mark équivaudrait à signer l’arrêt de mort de l’économie allemande dont la monnaie trop forte ne lui permettrait plus alors d’exporter sa production industrielle, fondement de son économie. Un levier de chantage suffisant pour obliger Berlin d’accepter volens nolens, contrainte et forcée, de passer sous les fourches caudines dressées par l’administration Obama.
Oukases états-uniennes qui conduisent à un piège grand ouvert : les capitaux empruntés sur le marché ou prêtés par le FMI pour le sauvetage des « PIIGS » [1] menacés de cessation de paiement, doivent s’appuyer sur des structures garantissant la solvabilité à terme de l’euro ! Monnaie dont la solidité ne pourra être assurée que par ces institutions fédérales dont Jacques Attali se fait l’inlassable promoteur dans nos médias en réclamant « la création d’une Agence européenne du Trésor, immédiatement autorisée à emprunter au nom de l’Union, et d’un Fond budgétaire européen, immédiatement mandaté pour contrôler les dépenses budgétaires des pays dont la dette dépasse les 80 % du PIB ».
Il s’agit en fin de compte, ni plus ni moins, d’imposer la mise sous tutelle économique des États sous couvert de sauver la zone euro condamnée — paraît-il — à une inéluctable faillite… puisque l’abandon de la monnaie unique est un tabou intransgressible auquel nul ne songe apparemment à toucher.
Certains projets vont plus loin qui prévoient déjà que les budgets des Etats de la zone euro soient entièrement contrôlés et décidés par un triumvirat composé de la Commission de Bruxelles, de la Banque Centrale Européenne et de l’Eurogroupe. À ce stade quid de la volonté populaire et du Parlement de Strasbourg ?
Or nul ne se soucie de dénoncer le sophisme ou le paralogisme que constitue cette mise en équation de l’intégration économique et du retour à la confiance des marchés. D’abord pourquoi les marchés imposeraient-il leurs lois, eux et eux seuls ? En outre, ne serait-il pas temps de remettre en question le capitalisme actionnarial, anonyme et versatile, capable de ruiner les nations selon son bon plaisir ou ses calculs ?
La gouvernance économique européenne n’est à ce titre pas plus la panacée que l’inondation de liquidités n’est la solution à la crise actuelle. Le surendettement induit par le « plan » est à n’en pas douter une fausse solution imposée de l’extérieur avec pour finalité de nous enchaîner toujours davantage, nous autres Européens, aux marchés des capitaux et à leur dictature indicible.
L’idée de la gouvernance économique procède de la même démarche car elle est à proprement parler un non-sens en ce qu’elle ignore tous les différentiels sociétaux intervenant à tous les étages de la construction européenne : types ou modèles de croissance, régimes fiscaux et sociaux, et cætera. Une « idée » qui n’en est pas une, et parce qu’elle est de nature foncièrement idéologique… un projet derrière lequel se tiennent en embuscade nombre d’arrière-pensées tout à fait étrangères à la prospérité économique et au bien-être des peuples de l’Union.
D’aucuns ont bien vu que la crise n’était que le moyen et le prétexte de précipiter l’instauration d’un système fédéral dur pour les Vingt-sept en dépit et au mépris des volontés populaires auxquelles le Traité de Lisbonne a été imposé de la plus sournoise façon. Une crise qui est et demeure — gardons ce fait capital présent à l’esprit — artificielle, fabriquée, en un mot le contraire d’une « fatalité » inhérente à ce qui serait une vie autonome et désincarnée des marchés dirigés par une « main invisible ». Un processus réputé « machinal » mais qui pour être anonyme n’est pourtant pas moins constitué de la chair et des os de ces grands manieurs d’argent et autres donneurs d’ordre qui font la pluie et le beau temps sur les Bourses.
C’est pour cette raison que les Etats-Unis parlent un double langage par le truchement d’une double voix. Celle des « marchés » et celle de son président qui intervient pour tancer les Européens et les presser impérativement de stabiliser leur monnaie, autrement dit les politiques économiques européennes indissociables de la santé, bonne ou mauvaise, de leur monnaie. Cependant n’allez pas imaginer un seul instant que cela ressemble de près ou de loin à de l’ingérence dans les affaires de l’Europe continentale. Représentez-vous Mme Merkel et M. Sarkozy enjoignant la Maison-Blanche de faire le ménage à Manhattan ?
L’autre voix appartient à ceux qui font la pluie et le beau temps sur les marchés… bref, les donneurs d’ordre anonymes, inidentifiables pour les gouvernements eux-mêmes comme l’a piteusement avoué le ministre français des Finances, Mme Lagarde. Ceux qui jouent au yoyo avec les Bourses comme le chat joue avec la souris, anticipant les baisses et les hausses qu’ils suscitent de toutes pièces.
Ces oligarques se recrutent en premier lieu parmi les représentants de la haute finance, des complexes militaro-industriels, des méga groupes du pétrole et la chimie ou du génie génétique, mais également parmi les idéologues et théoriciens attachés à la légitimation du « système », les nouveaux clercs (prêtres) de la religion du profit comme nouveau monothéisme, celui du marché. Or ces gens-là ont un tout autre discours en acte.
Car comment expliquer l’évidente contradiction existant entre les inquiétudes exprimées par le président Obama — légitimes au demeurant, car les É-U ont besoin d’un euro fort pénalisant les exportations européennes, mais avantageant de cette manière les industries américaines ; un bonus utile au regard de déficits abyssaux (1400 milliards de dollars) et surtout nécessaire pour soutenir l’effort des guerres en cours, Irak, Afghanistan et Pakistan — et la poursuite de la déstabilisation en profondeur des économies occidentales par des attaques réitérées des marchés contre l’euro ?
Aussi voraces, inconséquents voire irrationnels soient-ils, les « opérateurs » sont conscients que la poursuite de l’offensive contre l’euro met en péril le système dans son ensemble et risque de précipiter l’économie mondiale dans une nouvelle phase de chaos. Alors pourquoi cette danse au bord de l’abîme ? Nul ne nous fera croire à cette billevesée selon laquelle les marchés vivent de leur vie propre, qu’ils sont incontrôlables et que tout cela ne serait dû qu’à un emballement de la machine économique… Bref, que tout cela serait « la faute à personne » , mais la simple conséquence d’une impossibilité à gérer les acteurs et les dérapages irrationnels des marchés ?
Alors disons-le tout net, le risque d’effondrement systémique est au cœur même de la partie qui se joue actuellement. Les grands joueurs, froids calculateurs, sont des adeptes manifestes de la « théorie des jeux » (de Neumann et Morgenstern), construction probabiliste à la base de ce qui fut la doctrine de la dissuasion nucléaire… Celui qui gagne est celui qui va le plus loin dans la surenchère létale. Un cas de figure qui correspond trait pour tait à ce que nous vivons actuellement : une déstabilisation croissante des économies européennes, avec des incidences non négligeables outre-Atlantique.
Ajoutons que le chaos financier, monétaire et économique, des deux côtés de l’Atlantique est une indéniable aubaine, pour ceux, répétons-le, qui prospèrent dans le ressac des cours de Bourse, provoquant et anticipant les mouvements de panique et d’euphorie pour jouer indifféremment les courants ascendants et descendants sur des marchés rendus hystériquement erratiques.
Au début du XXe siècle, l’économiste Werner Zombart théorisait pour sa part la « destruction créatrice » (reprise ensuite par Joseph Schumpeter). Depuis cette idée a fait son chemin via, entre autres, la théorie mathématique du Français René Thom (théorie dite des « catastrophes »). Revue et corrigée par Benoît Mandelbrot, celle-ci s’appliquera via la géométrie des fractales à la vie des marchés dès lors perçus comme relevant d’une théorie du chaos, décidément très à la mode.
Entre-temps l’économiste Friedrich Von Hayek, l’un des théoriciens du néolibéralisme, prétendit hisser l’économie libérale au statut de science exacte. Ainsi, selon son hagiographe Guy Sorman « le libéralisme converge avec les théories physiques, chimiques et biologiques les plus récentes, en particulier la science du chaos formalisée par Ilya Prigogine. Dans l’économie de marché comme dans la Nature, l’ordre naît du chaos : l’agencement spontané de millions de décisions et d’informations conduit non au désordre, mais à un ordre supérieur »… On ne saurait mieux dire, car a priori nous détenons là la clef d’interprétation de la crise.
À la fin des années 90, les néoconservateurs adeptes de Léo Strauss vont porter à son paroxysme logique le nouveau dogme du désordre supérieur en se faisant les chantres du chaos constreur comme légitimation a priori de toutes les guerres de conquête du XXIe siècle. De ce point de vue, chacun peut voir le chaos à l’œuvre dans le Greater Middle East comme il peut le voir à l’œuvre aujourd’hui en Europe.
Gageons que le nouvel ordre régional que les grands agenceurs de chaos entendent faire sortir de la crise actuelle, sera une Europe unifiée, centralisée et fédérative, placée sous la coupe directe des États-unis par le truchement de la Réserve fédérale américaine dont la Banque centrale européenne ne sera plus qu’une succursale, et sous le regard vigilant du FMI, représentant ou émanation d’un pouvoir mondial émergent, aussi déterritorialisé que tentaculaire.
On comprend assez vite que la déification du marché associée à l’idée d’un « chaos constructeur » lui-même complétée par un usage intensif de la théorie des jeux maniée par des adeptes de la démolition, constitue un mélange assez détonnant en passe de nous sauter au visage. Un constat s’impose ici : à savoir que le « chaos » (intentionnel) est à ce jour un mode de gouvernement, de transformation sociétale et de conquête sans coup férir. Une version dure du divide et impera (diviser pour régner) dussent les Nations périr et les peuples avec.
Car le jeu en vaut la chandelle si à l’arrivée l’Europe se trouve mise à genoux. La Grèce — certes l’un des ventres mous de la zone euro mais pas tellement plus que l’Italie, l’Espagne, l’Irlande, le Portugal — a été jusqu’ici une sorte d’électron libre contrariant une pleine intégration des Balkans dans le maillage géostratégique états-unien.
En guise de conclusion provisoire, si l’Union européenne, à l’occasion de la crise, avance à marche forcée vers une gouvernance économique fédérative, une étape sera franchie conduisant vers l’attribution d’un pouvoir quasi discrétionnaire à la Commission européenne pour l’essentiel composée de technocrates non élus et recrutés pour une allégeance atlantiste inoxydable. En clair, cela signifiera l’effacement des États-nations européens.
De facto plus rien ne s’opposera plus à l’intégration de l’Europe au sein d’un Bloc transatlantique. À terme la fusion de l’euro et du dollar scellera la réunion de l’Ancien monde et Nouveau monde. Il ne s’agit évidemment pas de pures spéculations mais d’une simple projection des tendances architectoniques visiblement à l’œuvre dans le cadre un d’un processus de redistribution ou de recomposition géopolitique, de la carte mondiale. Autant dire que si la zone euro n’éclate pas, le sort des peuples européens semble définitivement scellé, c’est-à-dire enchaîné pour le meilleur et pour le pire à la « Destinée manifeste » des Etats-Unis. Cela indépendamment d’une réforme du système économique mondial. Les financiers y laisseront peut-être également des plumes si la Communauté internationale s’entend pour brider leurs appétits en réglementant les marchés, il n’en reste pas moins que les promoteurs du chaos constructeur auront partie gagnée en créant les conditions de nouveaux embrasements.
Car le « pire », souvent évoqué en France par des hommes d’influence tels Bernard Kouchner et Jacques Attali, est ce qu’il y de moins improbable lorsque les gouvernements, le dos au mur, se voient réduits à la fuite en avant. Au Koweït en 1991, en Irak en 2003 parmi les buts de guerre à peine voilés se trouvaient en bonne place la relance du moteur économique par les chantiers prévus de reconstruction… Ceci pour ne pas mentionner d’autres intérêts plus évidents et plus immédiats tels les énergies fossiles, les ventes d’armes et tous les marchés qui en sont dérivés.
Quels que soient les accords sur l’enrichissement d’uranium à usage médical passés entre la Turquie et l’Iran, quels que soient les contrariétés diplomatiques que ces rapprochements entre alliés et ennemis des États-unis procurent au Département d’État, il suffit de relire le fabuliste Jean de La Fontaine pour savoir que la rhétorique du loup l’emporte toujours sur celle de l’agneau ! Attendons-nous, dans le contexte actuel d’extrême fragilité de l’économie mondiale, à une sortie de crise par la douloureuse porte du chaos constructeur.
Jean-Michel Vernochet http://fr.altermedia.info
Ancien journaliste au Figaro Magazine et professeur à l’École supérieure de journalisme (ESJ-Paris). Dernier ouvrage paru : Europe, chronique d’une mort annoncée (Éditions de l’Infini, 2009). -
Florange : de la gauche caviar à la gauche Judas
La « nationalisation » d’ArcelorMittal a fait long feu. Les hauts fourneaux ne redémarreront pas. Un goût très amer est l’unique résultat d’une comédie dont les prétentions affichées se sont dégonflées comme un ballon de fête électorale. On en a « gros sur le cœur ». Ce n’était donc que cela... La nationalisation, même « temporaire », du site sidérurgique de Florange, n’était, au mieux, qu’un moyen naïf de faire chanter Lakshmi Mittal, qui en a vu d’autres, au pire une tromperie aussi niaise. Les imbroglios insensés qui ont accompagné ce qui est présenté comme un compromis, mais qui n’est en fait qu’un pari, bien fragile au demeurant, porteraient à sourire, tellement le personnage haut en couleur qu’est Montebourg, affublé du titre grotesque de « ministre du redressement productif », s’est époumoné en promesses réduites impitoyablement en poussière par Ayrault. Mais où sont passés les « repreneurs fiables » ? Et que valent ses rodomontades pseudo-révolutionnaires, qui s’en prenaient aux méthodes du patron indien, lesquelles ne devaient pas trouver leur place en France ? Même pas peur ! Du reste, le pauvre Montebourg ne sait plus à quel saint se vouer : la raffinerie Petroplus, par exemple, n’a pas plus de repreneur libyen que de repreneur russe ou chinois pour Florange. Peut-être au fond sa tâche est-elle d’occuper la galerie, pendant que le sale boulot s’effectue hors du théâtre des opérations médiatiques. Par exemple quelque chose qui ressemblerait à la fermeture, malgré son activisme presque sarkozyen, du site d'Aulnay PSA.
Remarquons au passage que la nationalisation, qui est, littéralement, la reprise en main d’une entreprise par la Nation, est une action tout à fait légale, et envisagée par le préambule de la Constitution de 1946. Gageons que ce qui a pu choquer une ultralibérale comme Parisot a été justement cette évocation d’un geste qui heurte les libre-échangistes fanatiques qui nous dominent, plutôt que le poncif du manque de savoir-faire économique de l’Etat. Il aurait fallu plutôt se demander pourquoi un secteur qui concerne, en France, 40 000 personnes, qui produit un acier de très haute qualité, n’a pas été sauvegardé, protégé du dumping de prédateurs comme Lakshmi Mittal, qui a constitué son empire à coups de rachats d'entreprises défaillantes dans les pays émergents et pourquoi, au nom du dogme de la « main invisible », on réserve à l’industrie nationale et européenne les grands coups de poings qui la mettent à terre. Question oratoire, bien sûr... On préfère, dans un cadre mondial, sacrifier notre économie, notre pays, notre terre, au nom des principes. Et quels principes ? Tout le monde sait que Mittal contracte la production d’acier, dans un contexte de crise, pour sauvegarder des prix élevés. Sa démarche est entièrement financière. Une logique préoccupée de garantir des conditions de vie décentes à notre peuple aurait dû se fonder sur un volontarisme industriel, qui n’existe plus en France et en Europe, nonobstant notre ministre du Redressement productif. Que valent les leçons de « réalisme » lorsqu’on verse des milliards d’euros aux banques pour les sauver, et qu’on est soumis aux intérêts financiers transnationaux, voraces et cyniques ? Les dépenses occasionnées par des mesures d’ampleur, ambitieuses et véritablement soucieuses de notre intérêt, coûteraient bien moins cher que cette lente agonie qui nous ravale irrésistiblement au niveau de pays pauvre, désindustrialisé et dépouillé par les marchands apatrides. Nationaliser Florange, par exemple, exigeait 450 millions d'euros, mais n’oublions pas qu’après avoir été nationalisée, puis revendue, Alstom, qu’on donnait pour obsolète, lui a permis d'encaisser 1,6 milliard d'euros.
Autre source d’embrouille et d’enfumage : la solution alternative est loin de rassurer. Le projet européen «Ulcos» n’a d’ailleurs pas été mentionné dans le communiqué final. Du reste, il a la réputation d’être peu rentable et grevé d’incertitudes techniques et financière. Un avenir fondé sur du sable, en quelque sorte... «Il n'y aura pas de plan social à Florange. Le groupe Mittal s'est engagé à investir au moins 180 millions dans les cinq prochaines années» affirme Ayrault. Cinq ans, c’est long... Quant au « plan social », qui peut garantir que ce n’est pas partie remise ?
Toutefois, la seule question qui vaille la peine d’être posée est de savoir si la décision du gouvernement Ayrault sera aussi dévastatrice politiquement que celle de Jospin, en 1999, qui avouait, du ton technocratique qu’on lui connaît, qu’il ne pouvait rien faire, après des licenciements boursiers provoqués par Michelin. Décidément, la gauche s’est pliée à la logique libérale mondialiste, et ce ne sont pas les couinements de la patronne Parisot qui nous feront croire le contraire. En vérité, l’hypothèse de la nationalisation, outre qu’elle avait été envisagée par Sarkozy, qui s’y connaît pourtant lui aussi en matière d’enfumage, pour ce même ArcéloMittal, a été appuyée par une grande partie des responsables politiques, nationaux et locaux, de droite comme de gauche, adhésion qui ne plaide pas pour le caractère révolutionnaire d’une telle mesure. Il faut croire que, dans le jeu de dupe qu’est devenue la pratique politicienne contemporaine, on s’évertue à parodier les signes du combat ancien, où les affrontements idéologiques pesaient encore, et que cette agitation de pantins télévisuels, qui remuent leur verbe avec les accents faux d’une rhétorique surannée, ne vise qu’à préparer les trahisons futures, qui nous présenteront le dilemme entre un libéralisme mondialiste soft, contre un libéralisme mondialiste hard. Tant les mots sont plus importants que l’on ne croie pour faire avaler les choses.
Il est en tout cas certain que les 2 700 employés de Florange sont insignifiants par rapport aux 260 000 salariés du groupe, et surtout par rapport aux quelque 50 000 chômeurs qui, en ces temps de crise, restent, en France, chaque mois sur le carreau. Leur poids est symbolique, comme l’est le mot « nationalisation », qui renvoie à une France jadis industrialisée, dont le secteur sidérurgique, sans parler des autres, était florissant, où la classe ouvrière était fière, digne, orgueilleuse et combative, et, pour tout dire, quand la France était encore la France.
Le temps est donc au « réalisme », vertu que l’on brandit volontiers pour se donner un air d’honnête gestionnaire, et l’on ne prend même plus la peine d’user de ces feux d’artifices lyriques, qui faisaient frissonner la Mutualité. La chair est triste, hélas !, et je ne prends même plus la peine de lire tous les programmes, tellement ils se ressemblent et s’alignent platement sur les prétendues nécessités de l’économie mondiale.
Il est clair que Hollande a « écouté », dans l’affaire, Michel Sapin et Pierre Moscovici, plus sensibles à « l'image de la France » auprès des investisseurs étrangers qu’à la détresse des ouvriers français. La bourse vaut bien une fermeture. Le capitalisme prospère sur les cadavres économiques. Il n’est qu’à mesurer la hausse des cours boursiers quand des licenciements sont annoncés dans un secteur. « Say Oui to France » - certainement pas à la France des travailleurs !
Les économistes ont toujours d’excellentes raisons pour justifier les capitulations. On peut même dire que les brigades de « spécialistes », dont le nombre ne semble pas très rentable en matière de prévisions, si l’on prend la peine de rassembler toutes les erreurs d’analyse et de prédiction qui ont ridiculisé la profession depuis des lustres, occupent et saturent petit écran, grandes ondes et torchons baveux, et qu’ils n’ont jamais assez de mots pour assurer qu’en matière de rêve, c’est assez. Un jour, il faudra se pencher sur la condition de ces plumitifs qui prospèrent à Science Po, dans des fondations grassement subventionnées par des multinationales, et sur les petites chaises qui serrent de près les arrière trains de ces princes qui nous gouvernent. Ces tristes sires ont pour sale besogne de faire accepter l’inévitable, ou considéré comme tel, et de prôner la résignation.
La réalité économique que ces messieurs de la moulinette à Phynance est pour le coup assez peu ragoûtante, car on a eu souvent affaire, ces dix dernières années, à des licenciements boursiers, qui visaient à accroître les dividendes des actionnaires, en contractant la masse salariale. Danone, Lu, Michelin, Mark&Spencer, Hewlett-Packard, Moulinex, Aventis, Valeo et d’autres sont restées dans les mémoires.
La gauche n’a jamais essayé d’empêcher ces dérives. Du moins, comme pour le cas Danone, a-t-elle fait mine de prendre des mesures qui se sont révélées impuissantes. Car depuis le tournant de la « rigueur », que l’inénarrable et ex-stalinien Yves Montant avait bénie de sa gouaille d’histrion, en 1983, elle n’a de cesse que de prouver son « sérieux », c’est-à-dire, in fine, sa collusion avec la finance internationale, que Hollande, quand il était candidat, a rassuré, dans la patrie de la banque, en Grande Bretagne, en avouant que ses quelques piques contre elle était de la rigolade électoraliste. Avec Fabius et Bérégovoy, le mot d’ordre avait été la « réconciliation avec le monde de l’entreprise », en clair avec le fric, ce que les champions de la gauche caviar ont bien compris. On ne jura alors que par la concurrence, les privatisations, les baisses d’impôts, les déréglementations.
Rappelons les exploits d’une gauche qui a le culot de s’appeler encore « socialiste » (« Je n’aime pas les socialistes, parce qu’ils ne sont pas socialistes », disait déjà De Gaulle) : gouvernement Rocard : Crédit local de France, 5 avril 1991, privatisation partielle ; Renault, 1990, ouverture du capital ; gouvernement Jospin : Air France, 1999, ouverture du capital ; Autoroutes du sud de la France (privatisation partielle), mars 2002 : mise en bourse de 49 % du capital, recette : 1,8 milliard d'euros ; Crédit lyonnais , 12 mars 1999 (décret) ; France Télécom, 1997, ouverture du capital, 42 milliards de FF ; Octobre 1997 : mise en bourse de 21 % du capital ; Novembre 1998 : mise en bourse de 13 % du capital ; Framet, 1999; GAN, 1998; Thomson Multimedia ; 1998, ouverture du capital ; 2000, suite ; CIC, 1998; CNP, 1998; Aérospatioale (EADS), 2000, ouverture du capital.
Si Jean-Marie Le Pen n’avait pas été là en 2002, rien ne les empêchait de continuer sur cette lancée. La droite la fait pour eux.
Comment maintenant le gourvernement actuel va-t-il réagir quand des « plans sociaux » seront annoncés à Renault, SFR, Aetos ; aux Charcuteries Alsaciennes Iller , aux Rillettes Sarthoise Boussard, à la Société Générale, à Coca Cola, à l'AFPA (association nationale pour la formation professionnelle des adultes), à GOL, aux quotidiens régionaux La Provence, Nice Matin, Var matin et Corse Matin sont en vente, à la chaîne télé régionale TLM (Lyon), etc. ?
Les cadavres risquent de ne pas loger dans le placard !Claude Bourrinet http://www.voxnr.com -
“Je pense que la Russie aurait toute sa place dans une Europe des Nations” (B.Gollnisch)
Le site francophone La voix de la Russie a publié en deux temps, les 28 et 30 novembre, l’entretien que leur a accordé Bruno Gollnisch le mois dernier. Nous le reproduisons ici in extenso. Coïncidence des dates, l’édition anglaise du célèbre quotidien de l’ère soviétique, La Pravda, mettait en ligne sur son site le 27 novembre un entretien avec Jean-Marie Le Pen, dont la traduction française est disponible sur le site NPI - http://www.nationspresse.info/?p=194604. Une occasion de constater une nouvelle fois la convergence de vue entre le président d’honneur du FN et Bruno sur les questions géopolitiques notamment : les révolutions arabes, le rôle et le poids des Etats-Unis, la Russie et l’UE…
« Militairement affirme ainsi Jean-Marie Le Pen dans La Pravda, les Etats-Unis cherchent à nuire au positionnement des autres puissances régionales telles que la Russie. On le voit aujourd’hui en Syrie où s’affrontent à l’ONU les conceptions russes et chinoises du respect des pouvoirs établis et le soutien américain et occidental des insurrections aux motivations le plus souvent extrémistes et dangereuses. Ces insurrections ont conduit au pouvoir en Tunisie, en Égypte et en Libye des islamistes et amené en Irak l’anarchie et un éclatement ethnique complet (…). »
« Comme un des slogans des rebelles syriens l’illustre : les chrétiens au Liban et les alaouites au cimetière . Mais les soutiens occidentaux de la subversion préfèrent alors se boucher les oreilles…La politique russe en la matière est bien plus censée : elle respecte la souveraineté et l’intégrité des Etats tout en étant réaliste puisque préférant la stabilité au chaos. »
Le président d’honneur du FN souligne également qu’il « milite pour la réalisation d’un ensemble harmonieux et animé par la volonté d’un destin commun sur l’ensemble de l’espace boréal, allant de Brest à Vladivostok. La Russie et les Europes centrale et occidentale ont de nombreux points communs et de nombreuses convergences d’intérêts. »
« Face à un monde de plus en plus instable poursuit-il, en pleine explosion démographique alors que nous connaissons pour notre part un hiver démographique sans précédent et suicidaire, il est certain que notre civilisation européenne y trouverait un outil de salut. Mais il n’en va pas de l’intérêt de ce qui reste la première puissance mondiale, les Etats-Unis, ni des firmes internationales, il est donc évident que les castes aux pouvoir s’y opposeront de toutes leurs forces… »
Vous lirez ci-dessous, le contenu de l’entretien réalisé par La voix de la Russie avec « l’un des cadres parmi les plus importants » du FN, Bruno Gollnisch
Laurent Brayard, La Voix de la Russie : Bonjour Monsieur Bruno Gollnisch, vous êtes député européen et Conseiller régional de Rhône-Alpes, vous avez été député du Rhône et vous êtes l’un des personnages politiques parmi les plus influents au Front National dirigé par Madame Marine le Pen. Votre parcours d’études et universitaire est très brillant et vous êtes titulaires de nombreux diplômes, en plus d’être un spécialiste avéré et reconnu de l’Extrême-Orient. Ai-je bien résumé ? Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur vous-mêmes ?
Bruno Gollnisch :Voilà un résumé flatteur, et j’aimerais avoir la notoriété et l’influence que vous me prêtez !
Disons, pour préciser votre présentation, que j’étais d’abord un juriste, spécialisé en droit public, international et comparé. Et, en particulier, dans le droit des pays. J’ai exercé un temps la profession d’avocat. L’essentiel de ma carrière est cependant universitaire, en droit international et comparé et surtout en relation avec l’Extrême-Orient, et notamment le Japon.
Mon engagement politique a commencé à travers le drame de l’Algérie française. Etudiant à Nanterre en 1968, j’ai été secrétaire général de la Fédération nationale des Etudiants de France, opposée aux mouvements gauchistes qui faisaient rage à l’époque dans l’université française. Ce n’est qu’en 1984, alors doyen de la faculté de langues de Lyon, que j’ai officiellement rejoint Jean-Marie Le Pen et le Front National. Sans cesser d’enseigner, j’ai par la suite exercé diverses fonctions dans le mouvement (secrétaire général, délégué général, vice-président…) ainsi que les mandats que vous mentionnez.
Je suis également officier de réserve dans la marine nationale.
La Voix de la Russie : C’est au député européen que je m’adresse, vous occupez un siège dans le parlement européen depuis 1989 et votre expérience est donc très importante. Vous n’êtes pas sans savoir les événements qui secouent l’Europe notamment la crise monétaire dans la zone euro, que pensez-vous de cette situation ? L’Europe peut poursuivre et surmonter cette lame de fond ?
Bruno Gollnisch :Nous avons dès 1992 (traité de Maastricht), été hostiles au projet de monnaie unique. D’abord, bien évidemment, parce qu’elle prive les nations d’un de leurs principaux attributs de souveraineté : le droit de battre monnaie. Ensuite pour son irrationalité économique : l’euro a été conçu comme un outil idéologique supposé mener mécaniquement à une union politique, et qui n’a au bout du compte profité qu’à l’Allemagne.
Ce qui devait arriver est arrivé : un choc extérieur ayant des effets asymétriques sur les Etats membres de la zone euro a encore amplifié les divergences et mené à la catastrophe.
Aujourd’hui, la crise sert de prétexte à la mise sous tutelle des souverainetés budgétaires et fiscales nationales, au nom d’une prétendue « gouvernance économique », à travers pas moins de huit textes, un Pacte et un nouveau traité.
L’euro monnaie unique ne peut pas fonctionner sans la création d’un super-Etat européen doté d’un budget important, ce que les peuples européens refusent, ou du moins refuseraient massivement si on leur demandait leur avis. C’est pourquoi nous proposons d’organiser une sortie concertée de l’euro et un retour aux monnaies nationales. Afin d’éviter le pire.
La Voix de la Russie : L’Europe semble déjà à la limite de l’implosion, d’autres candidats restent toutefois sur les rangs, malgré que certains pays renoncent à une entrée dans la zone monétaire européenne, pour le moment. Dans les Balkans, nous pensons aux candidats potentiels qui voudraient sans doute pousser les portes de l’Europe, et nous connaissons la dualité qui existe en Ukraine, et en Moldavie sur la tentation européenne. De votre avis, où l’Europe dite des Nations doit-elle s’arrêter ?
Bruno Gollnisch : Une véritable Europe des Nations souveraines, fondée sur des coopérations ciblées, concrètes et mutuellement profitables, au choix et selon les intérêts de chaque Etat, et sans institutions bureaucratique supranationale, a vocation à s’étendre à l’ensemble des pays d’Europe. J’entends par Europe une aire géographique définie, et pour paraphraser De Gaulle, de peuplement majoritairement blanc, de culture gréco-latine et de religion chrétienne. La Russie y aurait sa place, mais pas la Turquie.
En revanche, l’Union européenne telle qu’elle est conçue et qu’elle évolue est une prison des peuples et des nations. Je comprends bien que pour certains Etats, l’appartenance à l’Union est un mirage financier et économique et reste un gage d’ancrage définitif à l’Europe occidentale et aux Etats-Unis. Mais je ne saurais trop mettre en garde ces pays sur la perte d’indépendance et d’identité que cela représente. Les coûts sont énormes pour des avantages très temporaires. Les Grecs, les Irlandais, les Portugais en ont fait l’amère expérience.
La Voix de la Russie :Il y a peu nous avons vu le cas difficile des Roms, les expulsions, mais aussi les émeutes à Amiens qui montrent une fois encore que les migrants sont mal intégrés à la société française ou tout simplement ce qui est moins dit, n’ont pas l’intention avérée de se fondre dans la civilisation française, pensez-vous que la France et l’Europe d’ailleurs, sont en mesure de régler ce problème de fond ?
Bruno Gollnisch :C’est effectivement un grave problème : les nouveaux immigrants, et même les enfants des vagues d’immigration non-européenne précédentes, revendiquent désormais haut et fort leur non intégration, la pratique du mode de vie de leur pays d’origine, voire le respect de ces pratiques par les populations autochtones. Certains vont jusqu’à exprimer leur haine de leur pays d’accueil par la violence terroriste.
La résolution de ce problème passe d’abord par un arrêt de l’immigration ; ensuite par une réforme de notre code de la nationalité que l’on doit fonder sur la filiation, ce que l’on appelle le « droit du sang » ou la manifestation expresse d’une volonté de naturalisation étayée par des preuves concrètes d’assimilation. Et enfin, il faudra bien songer à mettre certains immigrés devant leur contradiction : si le pays qui les a accueillis est cet enfer raciste et discriminatoire qu’ils se plaisent à décrire, qu’ils n’hésitent pas à rentrer chez eux, nous ne les retenons pas !
La Voix de la Russie : Avec les printemps arabe, nous avons vu dans l’actualité une recrudescence de naufrages de coques de noix, les nouveaux « Boat-peoples », ainsi que l’arrivée massive de migrants dans les îles italiennes de Méditerranée, Lampedusa est souvent citée, pensez-vous que la France pourrait être en mesure de refonder la protection de ses frontières ?
Bruno Gollnisch : Rétablir les contrôles aux frontières intérieures de l’Union européenne est une priorité et ce n’est qu’une question de volonté politique. Cela a été fait, sous couvert des clauses de sauvegarde « Schengen », au moment des débarquements massifs à Lampedusa que vous évoquez. Ce rétablissement des contrôles aurait d’abord un effet dissuasif : tout candidat à l’immigration illégale sait aujourd’hui qu’une fois entré en n’importe quel point de l’Union européenne, il peut facilement « se fondre » dans la nature et arriver dans le pays qu’il souhaite. Expulsé, le cas échéant, il est d’abord renvoyé dans le pays d’entrée, c’est-à-dire toujours dans l’Union européenne. C’est un système absurde.
La Voix de la Russie :Il existe un problème de visa actuellement entre la France, l’Europe et la Fédération de Russie, je suis moi-même « victime » de cette situation, les citoyens russes ayant de la peine à obtenir les fameux visas, notamment de tourisme, et les citoyens français au moins autant à obtenir les sésames pour venir dans la Fédération de Russie. Il a été souvent question des négociations entre l’Europe et cette dernière quant à l’abolition du régime des visas, j’entends bien sûr de tourisme, mais les choses trainent en longueur depuis des années, que pensez-vous de ce problème ?
Bruno Gollnisch : Il est en effet absurde qu’une libéralisation des visas de court séjour ait été obtenue par des pays comme l’Albanie et n’avance pas plus vite avec la Russie. Ceci posé, je crois que pour le bien de chacun, des visas devraient rester requis pour des séjours plus longs et d’autres raisons de voyage : la prise en compte des convenances personnelles part sans doute d’un bon sentiment, mais je ne fais pas partie de ceux qui croient que la liberté totale et sans contrôle de circuler et de s’installer où bon lui semble fasse partie des droits imprescriptibles de l’homme. Question de cohérence. Chaque Etat souverain doit pouvoir décider qui et à quelles conditions peut entrer et séjourner sur son territoire.
La Voix de la Russie : Je ne sais pas si vous connaissez la Russie ou certains pays de l’espace ancien de l’Union Soviétique, mais en tant qu’habitant de la Russie et de Moscou, j’ai souvent l’impression que la France prend à la légère la Russie et qu’une incompréhension regrettable est présente entre les deux mondes. De votre avis personnel, les relations franco-russes ne devraient-elles pas faire l’objet de plus d’attention de la part de la France ? Quelle est l’opinion générale au Front National, sur le thème de la Russie ? Ne devrait-elle pas se trouver un partenaire plus étroit de la France ?
Bruno Gollnisch : Vous prêchez un convaincu ! Ma sympathie pour la Russie est sans doute un héritage de famille : mon arrière-grand-père, ministre des affaires étrangères à la fin du XIXème siècle, a été l’initiateur de l’alliance franco-russe !
Je pense que la Russie aurait toute sa place dans une Europe des Nations. Nous avons besoin d’elle pour équilibrer la prépondérance excessive de Washington, lutter contre le Mondialisme, concevoir ensemble des projets de développement scientifiques, culturels, énergétiques, industriels.
Je reste effaré de l’hostilité manifestée au Parlement européen à la Russie qui semble être devenue un adversaire au moment où elle cessait d’être l’Union soviétique, et surtout depuis l’accession de Vladimir Poutine au pouvoir. Trop patriote sans doute aux yeux de gens qui ne jurent que par la mondialisation heureuse et l’indifférenciation des peuples.
La Voix de la Russie : Ma dernière question portera sur les événements syriens et des printemps arabes, vous n’êtes pas sans ignorer non plus la divergence de position entre la France et la Russie sur ce point. J’aimerais que vous nous donniez personnellement votre sentiment à vous, sur la crise terrible qui secoue la Syrie et sur la politique qui a été menée et qui est menée par les gouvernements français, notamment de Messieurs Sarkozy et Hollande ?
Bruno Gollnisch : Sur ces questions, nous avons encore été ceux qui ont alerté sur les conséquences prévisibles de ces printemps arabes, déjà devenus quasi-hivers islamistes. Nous pensons que le gouvernement français joue avec le feu dans cette tentative de déstabilisation de la région. Je remarque au passage la schizophrénie dudit gouvernement, qui prétend combattre avec la plus grande fermeté l’islamisme radical en France mais soutien, directement ou indirectement, les djihadistes à l’étranger, y compris des « Français » venus en Syrie faire la guerre sainte et instaurer un régime fondé sur la Charia.
Certes, le régime de Bachar el-Assad n’est pas un exemple de démocratie parlementaire, mais il me semble qu’il est perfectible. Il n’était pas hostile à « l’Occident », il a assuré jusqu’à récemment la stabilité des communautés vivant sur son territoire et notamment garanti aux communautés chrétiennes, parce qu’il est laïc, une tranquillité sans équivalent aujourd’hui en Orient. C’est une problématique à laquelle je suis particulièrement sensible.
Tout n’est pas noir ou blanc, comme on voudrait nous le faire croire, et l’attitude mesurée des Etats-Unis et d’Israël sur ce dossier devrait alerter même les plus obtus de nos politiciens.
Laurent Brayard, La Voix de la Russie : Monsieur Bruno Gollnisch, il ne me reste plus qu’à vous remercier d’avoir bien voulu répondre à nos questions pour La Voix de la Russie et d’avoir donné à nos lecteurs un peu de votre temps, nous vous en remercions chaleureusement et nous espérons parfois vous retrouver parmi nos lecteurs ! Merci à vous.
Bruno Gollnisch : C’est moi qui vous remercie.
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La manifestation des catholique opposés au projet de loi sur le “mariage” homosexuel a mobilisé dans Paris près de 20.000 personnes, enfants, adolescents, jeunes, parents, grands-parents le dimanche 18 novembre 2012. CIVITAS vous propose le reportage de cette manifestation réalisé par Jean-äul et Jacques Buffet.
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Où vont la Syrie et le Moyen-Orient ?, par Aymeric CHAUPRADE
Comprendre la géopolitique du Moyen-Orient c’est comprendre la combinaison de multiples forces. Nous allons voir qu’il faut faut envisager au moins la combinaison de 3 logiques :
- les forces intérieures qui s’affrontent à l’intérieur d’un même État, comme la Syrie, l’Irak ou la Libye. Des conflits ethniques (Kurdes et Arabes), ou confessionnels anciens (chiites, sunnites, Alaouites, chrétiens…).
- les logiques d’influence des grands acteurs de puissance régionaux (l’Iran, l’Arabie Saoudite, le Qatar, Israël, la Turquie, l’Égypte…) et la façon dont ces acteurs utilisent les logiques communautaires dans les États où ils essaient d’imposer leur influence (Liban, Syrie, Irak)
- le jeu des grandes puissances (États-Unis, Russie, Chine, France, UK…) et en particulier la géopolitique du pétrole et du gaz.
À cette analyse géopolitique, il faut être capable de marier une analyse de science politique, et de comprendre en particulier ce qui se passe sur le plan des nouveaux courants idéologiques du monde arabe ou bien sur le plan de la légitimité des régimes politiques qui tremblent.
Par ailleurs il ne faut surtout pas avoir l’idée que les dynamiques qui secouent le Moyen-Orient sont très récentes. Il n’y a jamais eu de stabilité au Moyen-Orient dans les frontières que nous connaissons aujourd’hui. Si les Anciens parlaient à propos des colonisations et protectorats de pacification ce n’est pas pour rien. Seules les structures impériales, que ce soit l’Empire ottoman ou les Empires occidentaux, ou même dans une certaine mesure la Guerre froide entre l’Ouest et l’Est, ont en réalité gelé momentanément les affrontements claniques, tribaux, ethniques et confessionnels du Sahara jusqu’aux déserts d’Arabie en passant par le Croissant Fertile.
En réalité, il y a là une constante à peu près universelle. Là de véritables États-nation homogènes n’ont pu se former, la guerre civile est devenu une sorte d’état instable permanent.
Pour comprendre ce qui se passe en Syrie et les perspectives, je vais commencer par inscrire notre réflexion dans une trame globale.
Les États-Unis et leurs alliés sont sortis vainqueurs de l’affrontement bipolaire en 1990 et l’effondrement de l’URSS a rendu possible, à la fois l’extension de la mondialisation libérale à de nombreux pays du monde, et des transformations géopolitiques majeures comme la réunification de l’Allemagne et l’explosion de la Yougoslavie.
Les États-Unis ont tenté alors, portés par cette dynamique, d’accélérer le plus possible ce phénomène et d’imposer l’unipolarité, c’est-à-dire un monde centré sur leur domination géopolitique, économique, culturelle (softpower).
Ils se sont appuyés sur le droit d’ingérence face aux purifications ethniques ou aux dictatures, comme sur la lutte contre l’islamisme radical (depuis le 11 septembre 2001 en particulier) pour accélérer leur projection géopolitique mondiale.
Mais c’était sans compter sur une logique contradictoire : la logique multipolaire qui a été d’une certaine manière l’effet boomerang de l’expansion capitalistique soutenue par les Américains après la chute de l’URSS. Dopées par la croissance, ce que les Américains voyaient comme des marchés émergents, sont devenues des nations émergentes, soucieuses de compter de nouveau dans l’histoire, de restaurer leur puissance et de reprendre le contrôle de leurs ressources énergétiques ou minières. De la Russie à la Chine, en passant par l’Inde, le Brésil, la Turquie, jusqu’au Qatar, partout des États nation forts de leur cohésion identitaire et de leurs aspirations géopolitiques, s’emploient à jouer un rôle géopolitique croissant.
Washington a compris très tôt que la Chine marchait vers la place de première puissance mondiale et qu’elle ne se contenterait pas de la puissance économique mais s’emploierait à la devenir aussi la première puissance géopolitique. Perspective incompatible avec la projection géopolitique mondiale des États-Unis, qui dominent encore l’Europe avec l’OTAN, contrôlent l’essentiel des réserves de pétrole du Moyen-Orient et tiennent les océans grâce à leur formidable outil naval.
Dans cette compétition entre les États-Unis et la Chine, qui déjà dans le Pacifique fait penser aux années qui précédèrent l’affrontement entre les Américains et les Japonais dans la première partie du XXème siècle, le Moyen-Orient tient toute sa place.
Le Moyen-Orient représente 48,1% des réserves prouvées de pétrole en 2012 (contre 64% en 1991) et 38,4% des réserves de gaz (2012, BP Statistical Review ; contre 32,4% en 1991).
Pour les États-Unis, contrôler le Moyen-Orient, c’est contrôler largement la dépendance de l’Asie et en particulier celle de la Chine. L’AIE dans son dernier rapport prédit en effet que l’Asie absorbera 90% des exportations en provenance du Moyen-Orient, en 2035.
Comme l’Agence Internationale de l’Énergie nous l’annonçait début novembre 2012, la production de pétrole brut des États-Unis dépassera celle de l’Arabie Saoudite vers 2020, grâce au pétrole de schiste. Les États-Unis qui importent aujourd’hui 20% de leurs besoins énergétiques deviendraient presque autosuffisants d’ici 2035.
Rappelons qu’en 1911 quand le gouvernement américain morcela la gigantesque Standard Oil (de laquelle naîtront Exxon, Mobil, Chevron, Conoco et d’autres encore), cette compagnie assumait alors 80% de la production mondiale. Si les États-Unis redeviennent premiers producteurs mondiaux, nous ne ferons que revenir à la situation qui prévalait au début du XXème siècle.
Entre 1945 et maintenant, l’un des grands problème des Américains a été le nationalisme pétrolier, qui du Moyen-Orient à l’Amérique Latine, n’a cessé de grignoter son contrôle des réserves et de la production.
Il se passe donc exactement ce que j’écrivais il y a déjà presque dix ans (ce qui ne me rajeunit pas!), au moment de la Deuxième guerre d’Irak. Les États-Unis ne cherchent pas à contrôler le Moyen-Orient pour leur propres approvisionnements puisqu’ils s’approvisionneront de moins en moins au Moyen-Orient (aujourd’hui déjà le continent africain pèse plus dans leurs importations), mais ils chercheront à contrôler ce Moyen-orient pour contrôler la dépendance de leurs compétiteurs principaux, européens et asiatiques.
Si les Américains contrôlent encore le Moyen-Orient dans 20 ans (et je ne parle même pas de l’Afrique qui ne maîtrisera certainement pas son destin et sera sans doute partagée entre des influences occidentales et chinoise), cela signifie qu’ils auront une emprise énergétique considérable sur le monde et donc que la valeur stratégique de pays comme la Russie, le Venezuela (premier pays du monde devant l’Arabie Saoudite en réserves prouvées de pétrole : 17,9% contre 16,1% soit 296,5 milliards de barils de réserves sur le 1,65 trilliard du monde : BP 2012) ou le Brésil (grâce à son off-shore profond) aura alors fortement augmenté puisqu’ils seront des réservoirs alternatifs précieux l’un pour l’Europe et l’Asie, l’autre pour l’Amérique Latine.
Je fais partie de ceux qui ne croient pas à la raréfaction du pétrole. Non seulement parce que dans les faits, et contrairement à tous ceux qui n’ont cessé d’annoncer un peak oil qui ne s’est jamais produit, les réserves prouvées n’ont jamais cessé d’augmenter et que les perspectives avec le off-shore profond et le pétrole de schiste sont gigantesques, mais, au-delà, parce que je suis très convaincu par la thèse dite abiotique de l’origine du pétrole, c’est-à-dire que le pétrole n’a pas pour origine la décomposition des dinosaures dans les fosses sédimentaires mais qu’il est un liquide abondant qui coule sous le manteau de la terre, qu’il est fabriqué à des températures et des pressions gigantesques à des profondeurs incroyables, et que par conséquent ce que nous extrayons est ce qui est remonté des profondeurs de la terre par fracturation du manteau.
Nous n’avons pas le temps d’entrer dans ce débat scientifique mais selon l’explication biotique ou abiotique les conséquences dans le domaine de la géopolitique sont radicalement différentes. Si le pétrole a une origine biotique la question est bien celle de l’épuisement et des conséquences géopolitiques de la raréfaction puis de l’épuisement. Si le pétrole a une origine abiotique, l’enjeu est bien le off-shore profond et toutes les techniques de fracturation permettant de faire remonter le liquide précieux des profondeurs du manteau.
Mais revenons au pétrole du Moyen-Orient et souvenons-nous de quelques faits essentiels.
En brisant le régime de Saddam Hussein, les Américains ont tué dans l’œuf deux logiques qu’ils combattaient depuis toujours :
- le nationalisme pétrolier en Irak. Ils visent désormais le nationalisme pétrolier iranien.
- le risque de sortie du pétro-dollar : le fait d’accepter de se faire payer son pétrole en euro ou dans une autre devise que le dollar : ce que Saddam Hussein avait annoncé vouloir faire en 2002 et que les Iraniens font aujourd’hui et qui explique largement pourquoi les Américains imposent un embargo drastique sur les hydrocarbures iraniens.
Le lien entre pétrole et dollar est l’une des composantes essentielles de la puissance du dollar. Il justifie que les pays disposent de réserves en dollar considérables pour pouvoir payer leur pétrole, et par conséquent que le dollar soit une monnaie de réserve principale. Par voie de conséquence, ce lien pétrole/dollar est bien ce qui permet aux États-Unis de financer leur formidable déficit budgétaire et de se permettre une dette fédérale de plus de 15 000 milliards de dollars. Aujourd’hui tout le monde parle des dettes et crises européennes, mais les États-Unis sont, sur le plan de l’endettement (endettement fédéral, endettement des États, endettement des ménages) dans une bien pire situation que les Européens. Cependant leur bouclier s’appelle “dollar” et on peut penser qu’ils ont utilisé le talon d’Achille grec des Européens pour affaiblir l’Union européenne et fragiliser l’euro. Imaginez que la crise de la Grèce n’ait pas éclaté, et alors vous aurez ce qui se passait avant son éclatement : les banques centrales des émergents continueraient à accumuler de l’euro et à diminuer leur réserves de dollars… On comprend mieux pourquoi la Grèce a été conseillée par Goldman Sachs et JP. Morgan…
En imposant un embargo drastique sur l’Iran (9,1% des réserves prouvées selon BP 2012, soit le 3e rang mondial ; 15,9% des réserves prouvées de gaz soit le 2ème rang derrière la Russie avec 21,4% et devant le Qatar avec 12%) les Américains tentent aussi de briser l’un des derniers pays à vouloir contrôler son système de production pétrolier et gazier.
Quel est donc le lien avec la Syrie ? On en parle peu, mais la Syrie joue un rôle stratégique dans les logiques pétrolières et gazières au Moyen-Orient.
Or en 2009 et 2010, peu avant que n’éclate la guerre, la Syrie a fait des choix qui ont fortement déplu à l’Occident.
Quelles sont les données du problème?
Depuis la fin de la Guerre froide, les États-Unis essaient de casser la dépendance de l’Union européenne au gaz et au pétrole russe. Pour cela, ils ont favorisé des oléoducs et gazoducs qui s’alimentent aux réserves d’Asie centrale et du Caucase mais qui évitent soigneusement de traverser l’espace d’influence russe.
Ils ont notamment encouragé le projet Nabucco, lequel part d’Asie centrale, passe par la Turquie (pour les infrastructures de stockage) visant ainsi à rendre l’Union européenne dépendante de la Turquie (rappelons que les Américains soutiennent ardemment l’inclusion de la Turquie dans l’UE tout simplement parce qu’ils ne veulent pas d’une Europe-puissance), puis la Bulgarie, la Roumanie, la Hongrie, l’Autriche, la Tchéquie, la Croatie, la Slovénie et l’Italie.
Nabucco a clairement été lancé pour concurrencer deux projets russes qui fonctionnent aujourd’hui :
- Northstream qui relie directement la Russie à l’Allemagne sans passer par l’Ukraine et la Biélorussie.
- Southstream qui relie la Russie à l’Europe du Sud (Italie, Grèce) et à l’Europe centrale (Autriche-Hongrie).
Mais Nabucco manque d’approvisionnements et pour concurrencer les projets russes, il lui faudrait pouvoir accéder :
1/ au gaz iranien qui rejoindrait le point de groupage de Erzurum en Turquie
2/ au gaz de la Méditerranée orientale : Syrie, Liban, Israël.
À propos du gaz de la Méditerranée orientale, il est essentiel de savoir que depuis 2009 des bouleversements considérables se sont produits dans la région.
Des découvertes spectaculaires de gaz et de pétrole ont eu lieu en Méditerranée orientale, dans le bassin du Levant d’une part, en mer Égée d’autre part.
Ces découvertes exacerbent fortement les contentieux entre Turquie, Grèce, Chypre, Israël, Liban et Syrie.
En 2009, la compagnie américaine Noble Energy, partenaire d’Israël pour la prospection, a découvert le gisement de Tamar à 80 km d’Haïfa. C’était la plus grande découverte mondiale de gaz de 2009 (283 milliards de m3 de gaz naturel) et en 2009 donc, le statut énergétique d’Israël a radicalement changé, passant d’une situation presque critique (plus que 3 ans de réserves et une très forte dépendance vis-à-vis de l’Égypte) à des perspectives excellentes. Puis en octobre 2010, une découverte encore plus considérable a brutalement donné à Israël plus de 100 ans d’autosuffisance en matière gazière! Israël a trouvé un méga-gisement offshore de gaz naturel qu’il estime être dans sa ZEE : le gisement Léviathan.
Léviathan est situé à 135 km à l’ouest du port d’Haïfa, on le fore à 5000 m de profondeur, avec 3 compagnies israéliennes plus cette fameuse compagnie américaine, Noble Energy. Ses réserves sont estimées à 450 milliards de m3 (pour avoir un ordre de grandeur, les réserves mondiales prouvées de gaz en 2011 sont de 208,4 trilliards de m3, soit 208 400 milliards de m3 et un pays comme la Russie possède 44,6 trilliards). Quoiqu’il en soit, en 2010, Léviathan fut la plus importante découverte de gaz en eau profonde de ces 10 dernières années.
Je ne donne pas de détail ici sur les découvertes faites parallèlement en mer Égée, mais elles sont considérables et je vous demande simplement de garder en tête que la Grèce est désormais un pays extrêmement potentiel sur le plan gazier ce qui participe peut-être aussi du déclenchement d’une crise européenne qui aboutira bientôt… à la privatisation totale du système énergétique grec…
Voici ce que le US Geological Survey estime à propos de la Méditerranée orientale (formée en l’espère de de 3 bassins : bassin égéen au large des côtes grecques, turques et chypriotes ; bassin du Levant au large des côtes du Liban, d’Israël et de Syrie ; bassin du Nil au large des côtes égyptiennes).
“Les ressources pétrolières et gazières du bassin du Levant sont estimées à 1,68 milliards de barils de pétrole et 3450 milliards de m3 de gaz” “les ressources non découvertes de pétrole et gaz de la province du bassin du Nil sont estimées à environ 1,76 milliards de barils de pétrole et 6850 milliards de m3 de gaz naturel”.
L’USGS estime que le bassin de Sibérie occidentale (le plus grand bassin de gaz connu) recèle 18 200 milliards de m3 de gaz. En clair, s’agissant du seul gaz, le bassin du Levant c’est plus de la moitié du bassin de Sibérie occidentale.
Bien évidemment ces découvertes ont attisé les rivalités entre États voisins. Israël et le Liban revendiquent chacun la souveraineté sur ces réserves et l’un des différends profonds entre le président Obama et Benjamin Netanyahu est que les États-Unis, en juillet 2011, ont appuyé la position libanaise contre Israël (car Beyrouth estime que le gisement s’étend aussi sous ses eaux territoriales). Il semblerait que la position américaine vise d’une part à entretenir la division pour jouer un rôle de médiation, d’autre part à empêcher Israël de devenir un acteur autosuffisant.
Or notre Syrie se trouve au cœur de ces problématiques !
D’abord concernant Nabucco.
En novembre 2010, l’Arabie Saoudite et le Qatar ont demandé à Bachar el Assad de pouvoir ouvrir des oléoducs et gazoducs d’exportation vers la Méditerranée orientale. Ces oléoducs leur permettrait en effet de desserrer la contrainte du transport maritime via le détroit d’Ormuz puis le Canal de Suez et d’envoyer plus de gaz vers l’Europe (notamment le Qatar, géant gazier du Moyen-Orient). La Syrie a refusé, avec le soutien marqué de la Russie qui voit dans ces plans la volonté américaine, française, saoudienne et qatarie de diminuer la dépendance européenne au gaz russe.
On comprend donc la compétition qui se joue entre, d’une part les Occidentaux, la Turquie et les monarchies du Golfe, d’autre part, la Russie, l’Iran et la Syrie, auxquels s’est ajouté l’Irak dirigé par le chiite Maliki et qui s’est fortement rapproché de Téhéran et Damas au détriment des Américains.
En février 2011 les premiers troubles éclataient en Syrie, troubles qui n’ont cessé de s’amplifier avec l’ingérence, d’une part de combattants islamistes financés par le Qatar et l’Arabie Saoudite, d’autre part de l’action secrète des Occidentaux (Américains, Britanniques et Français).
Le 25 juillet 2011, l’Iran a signé des accords concernant le transport de son gaz via la Syrie et l’Irak. Cet accord fait de la Syrie le principal centre de stockage et de production, en liaison avec le Liban et l’idée de Téhéran est de desserrer ainsi la contrainte de l’embargo. Gelé par la guerre, le chantier aurait étrangement repris le 19 novembre 2012, après l’élection d’Obama donc et la reprise de négociations secrètes entre les États-Unis et l’Iran.
Du fait même de sa position centrale entre les gisements de production de l’Est (Irak, monarchies pétrolières) et la Méditerranée orientale, via le port de Tartous, qui ouvre la voie des exportations vers l’Europe, la Syrie est un enjeu stratégique de premier plan.
Ajoutons à cela la question de l’évacuation du pétrole kurde.
Il existe un oléoduc qui aujourd’hui achemine le pétrole de Kirkuk (Kurdistan irakien) à travers l’Irak puis la Jordanie et enfin Israël. Mais Israël pourrait aussi voir réhabilité l’ancien oléoduc Mossoul Haïfa (que les Britanniques utilisèrent de 1935 à 1948).
Ajoutons à cela que la Syrie dispose de réserves dans son sol et probablement en off-shore. Le 16 août 2011, le ministère syrien du pétrole a annoncé la découverte d’un gisement de gaz à Qara, près de Homs, avec une capacité de production de 400 000 m3/j. S’agissant du off-shore, nous avons parlé tout à l’heure des estimations de l’USGS concernant le bassin du Levant, il faut ajouter cette prédiction du Washington Institute for Near East Policy qui pense que la Syrie disposerait des réserves de gaz les plus importantes de tout le bassin méditerranéen oriental, bien supérieures encore à celle d’Israël. Vous voyez là encore, mon leitmotiv et ce que j’ai souvent dit ici : l’avenir c’est le off-shore profond et cela va donner à la mer une dimension géopolitique considérable. Délaisser la mer et son espace maritime est donc, pour n’importe quel pays du monde, une erreur stratégique tragique.
Il est évident donc que si un changement politique favorable aux Occidentaux, aux Turcs, Saoudiens et Qataris intervenait en Syrie, et que celle-ci se coupait de la Russie (les navires de guerre russes mouillent dans le port stratégique de Tartous, un port qui peut bien sûr accueillir des tankers approvisionnés à partir des oléoducs qui y arriveraient), alors toute la géopolitique pétrolière et gazière de la région serait bouleversée à leur avantage. N’oublions pas l’Égypte, exportatrice de gaz naturel, et qui elle aussi aimerait voir son gaz raccordé à la Turquie via la Syrie.
Cette simple donnée pétrolière et gazière doit nous faire comprendre la raison pour laquelle la Syrie est attaquée par les Turcs, les Occidentaux et les monarchies du Golfe, et inversement pourquoi elle n’est lâchée ni par les Russes, ni par les Iraniens, ni par les Irakiens.
Il nous faut maintenant comprendre les dynamiques géopolitiques internes de la Syrie.
La Syrie c’est un peu plus de 20 millions d’habitants : 80% d’Arabes sunnites, 10% d’Alaouites une forme d’islam rattachée au chiisme, mais pas celui d’Iran) et 10% de chrétiens.
Bachar el-Assad a à ses côtés 2 millions d’Alaouites encore plus résolus que lui à se battre pour leur survie et plusieurs millions de minoritaires qui ne veulent pas d’une mainmise sunnite sur le pouvoir.
Il faut comprendre qui sont ces Alaouites. Il s’agit d’une communauté issue, au Xème siècle, aux frontières de l’Empire arabe et de l’Empire byzantin, d’une lointaine scission du chiisme, et qui pratique un syncrétisme comprenant des éléments de chiisme, de panthéisme hellénistique, de mazdéisme persan et de christianisme byzantin. Il est très important pour notre analyse de savoir que les Alaouites sont considérés par l’islam sunnite comme les pires des hérétiques. Au XIVème siècle, le jurisconsulte salafiste Ibn Taymiyya, ancêtre du wahhabisme actuel et référence de poids pour les islamistes du monde entier, a émis une fatwa demandant leur persécution systématique et leur génocide.
Cette fatwa est toujours d’actualité chez les salafistes, les wahhabites et les Frères musulmans, c’est-à-dire tous ceux que le pouvoir alaouite affronte en ce moment !
Avant le coup d’État d’Hafez el-Assad en 1970, les Alaouites n’ont connu que la persécution de la part de l’islam dominant, le sunnisme.
Il faut quand même savoir que jusqu’en 1970, les bourgeois sunnites achetaient encore, par contrat notarié, de jeunes esclaves alaouites.
Les choses se sont arrangées avec l’installation de l’idéologie nationaliste baathiste en 1963, laquelle fait primer l’arabité sur toute autre considération, et surtout de 1970.
En résumé, la guerre d’aujourd’hui n’est que le nouvel épisode sanglant de la guerre des partisans d’Ibn Taymiyya contre les hérétiques alaouites, une guerre qui dure depuis le XIVème siècle ! Cette fatwa est à mon avis la source d’un nouveau génocide potentiel (semblable à celui du Rwanda) si le régime vient à tomber. Voilà une donnée essentielle que les Occidentaux font mine pourtant d’ignorer.
Pourchassés et persécutés durant des siècles, les Alaouites ont dû se réfugier dans les montagnes côtières arides entre le Liban et l’actuelle Turquie tout en donnant à leur croyance un côté hermétique et ésotérique, s’autorisant même le mensonge et la dissimulation (la fameuse Taqqiya) pour échapper à leurs tortionnaires.
Mais alors vous vous demandez, comment ces Alaouites ont-ils fait pour arriver au pouvoir ?
Soumise aux occupations militaires étrangères depuis des siècles, la bourgeoisie sunnite de Syrie (un processus similaire s’est produit au Liban) a commis l’erreur habituelle des riches au moment de l’indépendance du pays, en 1943. Le métier des armes à été relégué aux pauvres et non aux fils de “bonne famille”. L’armée a donc été constituée par des minorités : une majorité d’Alaouites mais aussi des chrétiens, Ismaéliens, Druzes, Chiites.
Hafez el-Assad venait de l’une de ces familles modestes de la communauté alaouite. Il est d’abord devenu chef de l’armée de l’air puis ministre de la défense avant de s’emparer du pouvoir par la force afin de donner à sa communauté sa revanche sur l’Histoire (avec ses alliés Druzes et chrétiens).
Vous comprenez donc tout de suite que le régime, soutenu par 2 millions d’Alaouites, sans doute 2 à 3 millions d’autres minorités, mais aussi une partie de la bourgeoisie sunnite notamment de Damas, dont les intérêts économiques sont désormais très liés à la dictature, n’a pas d’autre choix que de lutter à mort.
Quand je dis lutter à mort, je parle du régime que je distingue de Bachar el-Assad. Le régime est plus puissant que Bachar et peut s’en débarrasser s’il estime qu’il en va de sa survie. Mais s’en débarrasser éventuellement ne signifie pas mettre une démocratie qui aboutirait inéluctablement (mathématiquement) au triomphe des islamistes, comme en Tunisie, en Libye, en Égypte, au Yémen…
Les Chrétiens de Syrie ont vu ce qui s’est passé pour les Chrétiens d’Irak après la chute de Saddam Hussein. Ils voient ce qui se passe en Égypte pour les Coptes, après la victoire des islamistes. Les Druzes savent aussi qu’ils sont, comme les Alaouites, considérés comme des hérétiques à détruire par les combattants salafistes et les Frères musulmans.
Il est absolument illusoire de penser, comme on le pense en Occident, que les Alaouites accepteront des réformes démocratiques qui amèneraient mécaniquement les salafistes au pouvoir.
Je le répète : l’erreur consiste à penser que le pays est entré en guerre civile en 2011. Il l’était déjà en 1980 quand un commando de Frères musulmans s’est introduit dans l’école des cadets de l’armée de l’air d’Alep, a mis de côté des élèves officiers sunnites et des alaouites et a massacré 80 cadets alaouites en application de la fatwa d’Ibn Taymiyya. Les Frères musulmans l’ont payé cher en 1982 à Hama, fief de la confrérie, que l’oncle de l’actuel président a rasée en y faisant peut-être 20 000 morts. Les violences intercommunautaires n’ont en réalité jamais cessé mais cela n’intéressait pas l’Occident car il n’y avait à ce moment aucun agenda pétrolier et gazier concernant la Syrie, ni aucun agenda contre l’Iran.
On dit que le régime est brutal et il est évidemment d’une brutalité incroyable, mais ce n’est pas le régime en soi qui est brutal. La Syrie est passée de l’occupation ottomane et ses méthodes d’écorchage vif, au mandat français de 1920 à 1943, aux anciens nazis réfugiés à partir de 1945 qui sont devenus des conseillers techniques, et ensuite aux conseillers du KGB. C’est évident qu’il n’y a rien à attendre de ce régime en matière de droits de l’homme, de réformes démocratiques… Mais il n’y a rien à attendre non plus des rebelles islamistes qui veulent prendre le pouvoir, et qui disposent d’une fatwa fondamentale pour organiser un véritable génocide des Alaouites. Et d’ailleurs attend-on quelque chose de l’Arabie Saoudite en matière de droits de l’Homme ?
Nous avons un vrai problème de traitement de l’information à propos de la Syrie, comme nous l’avions hier s’agissant de l’Irak, de la Yougoslavie, de la Libye. Une fois de plus le manichéisme médiatique occidental est à l’œuvre, la machine à fabriquer les Bons et les Méchants, en réalité en fonction surtout des intérêts occidentaux. La source unique, je dis bien unique, des médias occidentaux est l’OSDH (Observatoire syrien des Droits de l’Homme) lequel donne par exemple à l’Agence France Presse l’état de la situation en Syrie, le nombre de morts, de blessés, les exactions etc…
Or qu’est-ce que l’OSDH ? Il s’agit d’une émanation des Frères musulmans qui est dirigée par des militants islamistes et dont le fondateur, Ryadh el-Maleh, a été condamné pour violences. Basé à Londres depuis la fin des années 1980, il est sous la protection des services britanniques et américains et reçoit des fonds du Qatar et de l’Arabie Saoudite.
Outre l’OSDH comme référence médiatique, la référence politique des médias occidentaux c’est le Conseil National Syrien, créé en 2011, à Istanbul, sur le modèle du CNT libyen et à l’initiative du parti islamiste turc, l’AKP.
Financé par le Qatar, le CNS a été coulé dans sa forme initiale à la conférence de Doha, début novembre 2012 par Washington. Les États-Unis considéraient en effet depuis des mois qu’il n’était pas assez représentatif et ont suscité à la place la Coalition nationale des Forces de l’opposition et de la révolution. La réalité est que les Américains trouvaient que la France avait trop d’influence sur ce Conseil où elle avait placé l’opposant syrien sunnite Burhan Ghalioun, professeur de sociologie à la Sorbonne. On retrouve là une compétition franco-américaine semblable à celle qui s’était produite en Libye, où petit à petit l’influence française sur les rebelles anti-Kadhafi a été annulée par l’action souterraine des Américains. Il faut dire que si la France compte sur des professeurs de sociologie pour défendre ses intérêts au Moyen-Orient, elle s’expose à bien des déconvenues…
À la manœuvre en coulisse, le redoutable et très intelligent ambassadeur américain Robert S. Ford, considéré comme le principal spécialiste du Moyen-Orient au département d’État ; il fut l’assistant de John Negroponte de 2004 à 2006 en Irak où il appliqua la même méthode qu’au Honduras : l’usage intensif d’escadrons de la mort. Peu avant les évènements de Syrie, il fut nommé par Obama ambassadeur à Damas et prit ses fonctions malgré l’opposition du Sénat.
Cet ambassadeur a fait mettre à la tête de la Coalition nationale des Forces de l’opposition et de la révolutionune personne dont la presse ne parle pas : le cheikh Ahmad Moaz Al-Khatib.
Son parcours est intéressant et vous allez assez vite comprendre pour quelle raison je m’y attarde.
Il est un ingénieur en géophysique qui a travaillé 6 ans pour la al-Furat Petroleum Company (1985-1991), une joint-venture entre la compagnie nationale syrienne et des compagnies étrangères, dont l’anglo-hollandaiseShell. En 1992, il hérite de son père la prestigieuse charge de prêcheur de la Mosquée des Ommeyyades à Damas. Il est rapidement relevé de ses fonctions par le régime baathiste et interdit de prêche dans toute la Syrie. Pourquoi ? Parce qu’à l’époque la Syrie soutient l’opération américaine Tempête du Désert pour libérer le Koweït et le cheikh, lui, y est opposé pour les mêmes motifs religieux qu’Oussama Ben Laden : il ne veut pas de présence occidentale sur la terre d’Arabie. Ce sheikh se fixe ensuite au Qatar puis, en 2003-2004, revient en Syrie comme lobbyiste du groupe Shell. Il revient à nouveau en Syrie début 2012 où il enflamme le quartier de Douma (banlieue de Damas). Arrêté puis amnistié il quitte le pays en juillet et s’installe au Caire.
Sa famille est bien de tradition soufie, donc normalement modérée, mais contrairement à ce que dit l’AFP, il est membre de la confrérie des Frères musulmans et l’a montré lors de son discours d’investiture à Doha. Bref, comme Hamid Karzai en Afghanistan, les Américains nous ont sorti de leur chapeau un lobbyiste pétrolier !
Maintenant que nous avons donné des éléments d’analyse sur les forces internes à la Syrie, regardons le jeu des forces régionales externes.
Je l’ai dit, la crise syrienne a éclaté à cause de l’ingérence saoudienne et qatarie (soutenue par les ingérences française, britannique et américaine). L’Arabie Saoudite et le Qatar, avec chacun leurs clientèles, défendent un projet islamiste sunnite pour le Moyen-Orient. De la Libye jusqu’à la Tunisie et l’Égypte, ils ont soutenu le printemps arabe, l’ont peut-être même dire suscité, amenant au pouvoir les Frères musulmans et les salafistes, eux-mêmes en concurrence pour l’établissement d’une société arabe islamique réunifiée dans un seul et même État islamique. On pourrait d’ailleurs s’interroger sur la symétrie étrange entre les Révolutions colorées soutenues par les Américains dans la périphérie de la Russie au début des années 2000, et les révolutions arabes soutenues par le Qatar, l’Arabie Saoudite et sans doute aussi discrètement Washington, au début des années 2010.
En revanche, Ryad et Doha ont bloqué l’éclosion d’un printemps chiite à Bahreïn, et sont intervenus militairement pour sauver la monarchie sunnite bahreïnie confrontée au soulèvement chiite (rappelons que les chiites représentent 70% de la population de Bahraïn, et n’ont rien de négligeable au Koweït ou aux Émirats). Ce fut, en 2011, la deuxième fois après la guerre du Koweït que l’accord mutuel de protection du Conseil de Coopération du Golfe, dit Bouclier du désert, fut mis en action.
Le printemps arabe, dont certains soulignent, à juste titre, qu’il s’est en fait transformé en hiver islamiste, a profité aussi fortement aux pays sunnites du Golfe sur le plan économique. Après la crise de 2008 qui avait notamment touché les Émirats Arabes unis, les monarchies sunnites du Golfe ont vu affluer les fortunes amassées sous les dictatures tunisienne, libyenne, égyptienne. Cet argent amassé sous les régimes effondrés ou en voie d’effondrement ne peut plus aller en Europe, ni même en Suisse, car les règles bancaires (compliance) ne le permettent vraiment plus. Il va donc à Dubaï essentiellement.
Par ailleurs, la chute des exportations de pétrole et de gaz libyen, due à la guerre de 2011 en Libye, a été compensée par une hausse sensible de la production et des exportations de l’Arabie Saoudite, du Qatar, des Émirats Arabes Unis, ce qui a dopé l’économie de ces pays en 2011 et 2012.
Face au jeu sunnite des monarchies du Golfe, l’Irak dominé par les chiites, l’Iran bien sûr et la Syrie, ont formé un axe que l’on peut qualifier de chiite puisque les Alaouites sont une branche particulière du chiisme et qui essaie de résister à la terrible alliance Occident/Turquie/monarchies sunnites du Golfe.
Dans ce jeu complexe, se pose alors la question du jeu d’Israël. Paradoxalement, c’est peut-être le moins simple et l’erreur consisterait à vouloir attribuer à Israël, par facilité, “la main cachée qui dirige”.
Israël, en effet, a longtemps eu comme ennemi principal le nationalisme arabe. L’idéologie baathiste a combattu l’existence d’Israël et soutenu le droit des Palestiniens à récupérer leur terre. Le projet d’un monde arabe unifié, développé et modernisé économiquement grâce aux ressources pétrolières, et avançant vers l’arme atomique (Irak) a longtemps été le cauchemar prioritaire de Tel Aviv.
Mais le nassérisme est mort, puis le baathisme irakien après lui. Reste aujourd’hui le baathisme syrien, mais il est affaibli, et le rêve de Grande Syrie nourri par Damas est contradictoire depuis bien longtemps avec le nationalisme palestinien.
Le problème principal d’Israël maintenant, ce sont ces Frères musulmans qui triomphent partout. Ils ont commencé à s’installer via le Hamas à Gaza (en concurrence avec l’OLP qui tient la Cisjordanie et cette division chez les Palestiniens est conforme aux intérêts israéliens) ; ils sont au pouvoir en Turquie alors que l’armée turque a longtemps été un allié fiable d’Israël ; maintenant l’AKP constitue un problème pour les Israéliens (souvenez-vous de l’affaire de la flotte de Gaza) ; les Frères musulmans sont aussi au pouvoir en Égypte depuis la chute de Moubarak (Égypte avec laquelle, depuis 1978, les Israéliens ont un accord de paix), ils sont forts en Jordanie (accord de paix depuis 1995), ils sont en Tunisie, en Libye, ils sont majoritaires en Syrie et essaient de prendre le pouvoir… Bref Israël assiste à une marée montante de Frères musulmans et de salafistes qui envahit tout le Moyen-Orient et menace ses portes, et ces gens-là ne sont pas particulièrement favorables à la reconnaissance du droit d’Israël à vivre en paix. Leur projet d’État islamique unifié regarde Israël comme les États latins croisés du Moyen-âge.
Il est donc loin d’être certain que la politique américaine de soutien aux islamistes fasse l’unanimité chez les Israéliens. Ceux-ci se sentent de plus en plus seuls. Cette politique pro-islamique de l’Occident pourrait même pousser Israël à trouver des parrains plus fiables que les Américains, la Russie, la Chine ou l’Inde (qui coopère déjà militairement fortement avec Israël face au Pakistan)…
Israël se prépare sans doute, dans un Moyen-Orient où les États d’aujourd’hui cèderaient de plus en plus la place à des États ou régions autonomes homogènes sur le plan confessionnel (sunnites, chiites, Alaouites…) ou ethniques (Kurdes face aux Arabes), à de nouvelles alliances afin de contrer le danger islamiste sunnite.
On ne peut pas exclure ainsi un retournement de l’histoire où Israël serait à nouveau proche de l’Iran, s’entendrait avec un Irak dominé par les chiites, ce qui lui permettrait d’éteindre le problème du Hezbollah libanais, soutiendrait un petit réduit alaouite en Syrie, un État kurde également… N’oublions pas en effet que le problème principal qui détermine tout pour les Israéliens c’est le problème palestinien. Si les Palestiniens du Hamas se mettent dans les bras du Qatar et de l’Arabie Saoudite (rappelons la visite historique du l’émir du Qatar début novembre à Gaza), alors l’hypothèse de l’alliance chiite n’est pas à exclure.
Comme je l’ai dit, une donnée essentielle est que sur le plan énergétique Israël dispose de l’autosuffisance pour le gaz, et que sur le plan pétrolier rien n’empêche demain, si retournement stratégique il y avait, que le pétrole vienne du Kurdistan irakien ou des chiites d’Irak ou d’Iran.
Le nucléaire iranien dans tout cela ? La réponse à la perspective du nucléaire iranien est-elle à votre avis dans une guerre suicidaire contre l’Iran ou dans une entente avec un futur Iran nucléaire contre l’islam sunnite ? La réponse me semble être dans la question.
Je crois personnellement que la relation États-Unis/Israël va se distendre tout simplement parce que les Américains sont de moins en moins gouvernés par des WASP (White anglo-saxons protestants) qui pour beaucoup étaient convaincus de la dimension sacrée d’Israël (chrétiens sionistes) et que pour des raisons identitaires (changement ethnique de la population des États-Unis) ce phénomène est quasi-irréversible. Je crois que le même problème se pose en Europe. Le changement de population en Europe de l’ouest, l’islamisation d’une partie de la population disons les choses, va contribuer à installer durablement des gouvernements de gauche ou socio-démocrates qui seront de moins en moins favorables à Israël et de plus en plus tenus par des minorités musulmanes agissantes. Un indicateur de cette tendance de fond est que la plupart des extrêmes droites européennes qui avaient une tradition antisémite deviennent au contraire anti-musulmanes et pro-israéliennes.
En conclusion, essayons de tracer quelques perspectives, même s’il est très difficile de prédire l’avenir au Moyen-Orient.
Premièrement, même s’il a en face de lui une majorité de sa population, je pense que le régime syrien peut tenir longtemps car il n’est pas isolé. Deuxièmement, sa cohésion interne est forte pour les raisons que j’évoquais (une guerre de survie pour les minorités confessionnelles au pouvoir) ; troisièmement, le soutien de la Russie est ferme. Et le régime enfin n’est pas enclavé puisqu’il est lié à ses voisins irakien et iranien qui le soutiennent.
Donc la situation actuelle peut perdurer, le conflit pourrir. 37 000 morts selon l’ODSH (source rébellion) au 10 novembre 2012 et 400 000 réfugiés syriens (Turquie, Liban, Jordanie, Irak) ? Certes c’est énorme, mais nombreuses aussi sont les guerres civiles qui ont dépassé les 100 000 morts et qui se sont traduites par le retour aux équilibres initiaux. Ce n’est pas le nombre de morts ou même la majorité qui déterminent l’issue : ce sont les rapports de force réels, internes, régionaux et mondiaux.
Si le régime venait cependant à s’effondrer, je n’envisage pas une seconde que les minorités puissent accepter de rester dans le cadre national actuel sans l’obtention de garanties occidentales extrêmement fortes quant à leur sécurité physique. Et même avec ces garanties j’en doute. Elles signeraient leur arrêt de mort d’autant qu’étrangement les Français et les Américains qui soutiennent et arment la rébellion n’ont demandé aucun engagement “anti-génocidaire” après la chute éventuelle de Bachar. On peut imaginer alors l’Iran et l’Irak soit accueillir ces minorités, soit favoriser, avec l’appui de la Russie, la formation d’un réduit alaouite avec notamment un couloir stratégique jusqu’à Tartous. Mais le problème resterait entier car ce que veulent les Occidentaux c’est l’accès syrien à la Méditerranée et le transit pétrolier et gazier par le territoire de la Syrie.
Mais au risque de vous surprendre, je pense que la baisse de la médiatisation par l’Occident du conflit syrien est le symptôme d’une réalité : l’Occident est en train de perdre la guerre en Syrie. Il peut soutenir le terrorisme à Damas et contre les forces de sécurité, lesquelles opposent une répression cruelle, mais il ne dispose pas de la capacité d’abattre l’appareil sécuritaire syrien. L’armée syrienne dispose de la maîtrise de l’espace aérien et ce n’est pas demain la veille que la France et les États-Unis prendront la responsabilité d’une guerre mondiale avec la Russie. Donc je crois que le régime va tenir. On est arrivé à la situation étrange où la France doit régler le problème d’Al Qaïda au Mali et soutient indirectement Al-Qaïda en Syrie. Le monde est décidément fou.
Une fois de plus, tout ramène à la question iranienne. L’Iran est la clé du futur Moyen-Orient. Si l’Iran revient à son alliance stratégique avec les États-Unis d’avant la Révolution chiite islamique de 1979, alors on peut penser que les États-Unis et Israël s’appuieront sur le chiisme pour faire contrepoids à un islam sunnite globalement hostile à l’Occident. Mais une autre hypothèse est possible : que les États-Unis, la France (n’oublions pas que les priorités de Paris sont aujourd’hui Doha et Ryad) et la Grande-Bretagne, proches de la Turquie (membre de l’OTAN) restent fortement alliées aux monarchies sunnites et entretiennent de bonnes relations avec les républiques dominées par les Frères musulmans (Tunisie, Égypte, mais quid de l’Algérie demain ?) et alors on ne peut pas exclure qu’Israël se découple de l’Occident pour se rapprocher d’un axe Russie/monde chiite hostile à la Turquie et aux monarchies pétrolières.
Reste en suspens aussi l’éternelle question kurde avec le jeu de la Turquie.
Enfin il ne faudrait pas oublier les inquiétantes évolutions dans certains pays d’Europe de l’Ouest comme la France, le Royaume-Uni, la Belgique, pays ou des minorités musulmanes sunnites de plus en plus structurées sur le plan identitaire, de plus en plus revendicatives sur le plan de l’islam, de plus en plus financées par les monarchies sunnites (voir les investissements du Qatar en France), vont sans doute jouer un rôle croissant dans la définition des politiques étrangères de ces pays. Comme vous le savez, en matière de politique étrangère (on l’a vu longtemps s’agissant du lobby juif aux États-Unis), ce ne sont pas les majorités dormantes qui pèsent sur la décision, ce sont au contraire les minorités agissantes organisées. Or dans l’Ouest de l’Europe, ce que l’on a longtemps appelé le lobby juif est de plus en plus faible, concurrencé par le poids du lobby pro-musulman ou pro-arabe dans les partis de gauche notamment.
Une chose finalement est certaine : avant que nous n’aboutissions à de nouveaux équilibres au Moyen-Orient, le chemin sera pavé de nombreuses souffrances…
Aymeric Chauprade http://www.theatrum-belli.com
Conférence donnée à Funglode, Saint Domingue, le 27 novembre 2012.
Professeur de géopolitique à l'École de Guerre de 1999 à 2009, professeur invité dans de nombreuses universités étrangères et conseiller géopolitique de plusieurs chefs d'État, Aymeric Chauprade a puissamment contribué à la renaissance de la géopolitique en France. Il dirige une collection aux Editions Ellipse. Auteur d'un monumental ouvrage "Géopolitique - Constantes et changements dans l'histoire" (qui en est à sa troisième édition), et d'un ouvrage de vulgarisation "Chronique du choc des civilisations" (qui est est a sa deuxième édition).
Source du texte : REALPOLITIK.TV
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Clostermann et les As de l'aviation
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2012 : VERS LA DOUBLE RUINE
Les journaux et les médias sont remplis des états d'âme des divers concurrents à la future élection présidentielle, ce qui est étrange pour des personnes qui sans doute ne croient guère à l'existence de l'âme. Une double certitude ressort de l'examen des programmes des divers candidats présumés ou réels qui se ressemblent tous. Les projets préparent la double ruine. La première ruine viendra de la persistance probable des déficits publics aucune mesure crédible n'étant prévue pour les éviter vraiment. La deuxième ruine résultera de la poursuite sans pitié du déluge de lois qui démantibule la France depuis bien longtemps. Quand un candidat, quelle que soit sa couleur apparente, nous annonce 80 propositions, c'est bien un ouragan législatif avec les conséquences négatives de cette seule perspective. Devant l'immense danger il est nécessaire de s'attarder un peu sur ce déluge.
D'abord dans l'organisation de la France telle qu'elle est une loi n'est jamais complète avant de multiples « dépendances » : décrets d'application, circulaires, interprétations jurisprudentielles et usage de recours divers éventuels allant parfois jusqu'à l'Europe. Si les lois ont besoin de dépendances, c'est parce qu'elles s'inscrivent dans une galaxie d'usines à gaz. Du temps de Chirac une codification a abouti à 61 codes avec 10 millions de mots ! Il est des chances pour que depuis lors d'autres paquets de lois soient apparus avec d'autres millions de mots Il est donc nécessaire de raccorder les nouvelles lois à ces millions de mots ce qui implique ces « dépendances » et bien entendu jamais l'on arrivera à la véritable clarté. En France, il est impossible d'exercer n'importe quelle activité sans encourir le risque d'être englouti par ce véritable tsunami.
LES EXPLICATIONS
Dans l'énoncé des programmes, les futurs fabricants de lois dénoncent pour se justifier des aspects désolants du désastre français comme pêle-mêle : la dégradation du pouvoir d'achat, le chômage, les retraites insuffisantes, les délocalisations, etc. Il y a lieu alors de rappeler le principe des calamités qui s'énonce ainsi : « Quand les Hommes de l'État ont créé une première calamité, et, dès lors que cette première calamité devient trop visible, ils en créent une deuxième pour corriger la première et ainsi de suite ». Les futures lois dont ils nous menacent s'inscrivent dans ce schéma mais ils se garderont bien de préciser que les calamités innombrables viennent justement des politiques socialisantes que tous les gouvernements ont pratiqué depuis des décennies.
Une autre cause de la déferlante se situe dans la multiplication du nombre des ministres, car un ministre n'existe que s'il déclenche des lois. L'on se souvient de ce premier ministre qui avait prétendu juger l'activité des ministres en les jugeant justement sur leur aptitude à faire voter des lois. A l'activité incongrue des ministres, dont beaucoup sont inutiles, s'ajoute celle des parlementaires : avoir une loi portant son nom revient à bénéficier d'une publicité dont personne n'a jamais essayé de calculer la valeur qui doit être grande.
LES CATEGORIES DE LOIS
Une loi qui n'a pas reçu ses dépendances est une loi inapplicable, une sorte de loi en suspens : les exemples sont permanents. Il est des lois, qui n'auront jamais leurs dépendances : ce sont des lois mortes aussitôt que nées ; les experts comptent que depuis 2007 peut-être 30 % des lois votées sont ainsi des lois mortes-nées.
Il existe des lois inapplicables car inintelligibles et la lecture des rapports de la Cour des comptes est édifiante à cet égard. Un grand nombre sont contradictoires avec d’autres et certaines sont rétroactives : le droit fiscal en est peuplé et le budget 2012 en prépare. Il faut compter avec les lois en mouvement perpétuel, ce qui est le cas des nombreuses lois sur le logement.
Il y a, plus fort encore, ce sont les lois en « coma avancé » : en effet, une foule d'organismes sont aux aguets pour détruire les lois après coup, ainsi le conseil d'État ou le conseil constitutionnel. L'Europe est embusquée avec la Cour de Luxembourg en dernier recours. Quand le coma se réalise effectivement, parfois au bout de longues années, il est rétroactif : la république a inventé la mort rétroactive ce qui, pour des partisans de la culture de mort, est finalement assez logique.
Chirac a innové en avril 2007 avec la loi « pantomime » ; il a déclaré devant le prompteur qu'il allait promulguer une loi, mais qu'il demanderait tout aussitôt au gouvernement de mettre en chantier une nouvelle loi qui pratiquement détruirait la loi que son auguste main allait parapher : nous nous trouvons une fois de plus devant une grosse farce.
L'EFFET DE PAUPERISATION
L'influence très négative sur la richesse de la nation de tout ce micmac est dramatique.
Ces gens, qui parlent la bouche pleine des prétendus droits de l'homme, ignorent ou feignent d'ignorer que le premier droit, non de l'homme, mais des hommes est la sécurité juridique ; l'absence de sécurité juridique conduit à l'arbitraire et au totalitarisme ; les citoyens-esclaves ne s'y retrouvent pas et les fabricants de la loi, seuls connaisseurs de la jungle, agissent selon leur bon plaisir, allant jusqu'à asservir la justice à leur profit.
Dans l'attente que la loi soit complétée par ses dépendances, entreprises et particuliers sont en suspens et une foule de projets sont arrêtés purement et simplement ce qui est une cause importante de la paupérisation du peuple français. Le temps d'attente peut être fort long et prolonger l'incertitude sur les investissements : le va-et-vient public actuel en attente des derniers « réglages » de la nouvelle fiscalité du patrimoine est véritablement tragique.
Seuls les spécialistes sont capables de fournir des avis valables sur certaines lois et les entreprises sont condamnées à des honoraires inutiles pour naviguer dans cet océan sans rivage ; ne pas oublier l'obligation pour les dirigeants de consacrer une partie de leur temps à ce sujet et parfois de prendre des décisions anti économiques sous la pression des lois.
La paupérisation de la France, c'est-à-dire plus généralement l'effet de ruine, n'est pas du tout due au hasard mais à des causes très précises. A ce titre, la rafale des lois est comparable aux mines antipersonnel qui éclatent sous les pas du promeneur dans certaines régions du globe en détruisant tout.
MADAME THATCHER
À l'égard de l'ouragan législatif et de bien d'autres calamités les perspectives de l'après 2012 paraissent plutôt sombres car la classe politique française est figée dans les mêmes postures depuis longtemps.
Certains pays pourtant ont su bouger. Avant Thatcher, la Grande-Bretagne était empêtrée dans des problèmes bien plus redoutables que ceux de la France d'aujourd'hui et était promise au déclin. Nous ne savons pas si la célèbre Baronne a freiné l'ouragan législatif. En tout cas, elle a sauvé le navire en perdition et ses successeurs, quels qu'ils soient ont poursuivi.
Michel de Poncins http://libeco.net/