Dans un rapport prochainement soumis à l'assemblée du Conseil de l'Europe, un parlementaire suisse, Dick Marty, pointe les crimes de l'Armée de libération du Kosovo. Si les dénégations persistent, les langues se délient... La polémique gronde, tout particulièrement en Suisse.
Titulaire du Département fédéral des affaires étrangères, et présidente de la Confédération helvétique en 2011, Micheline Calmy-Rey est bien embarrassée. Elle devait recevoir le mois dernier un prix de la Diaspora kosovare des mains de l'ambassadeur du Kosovo en Suisse, Naim Malaj ; compte tenu des "circonstances", la cérémonie a été reportée à une date indéterminée.
Deux ans d'enquête
Ces circonstances défavorables, ce sont la stupéfaction et l'indignation qu'ont suscitées les révélations, ou allégations, contenues dans un rapport du parlementaire suisse Dick Marty au Conseil de l'Europe ; un document qui pointe les horreurs imputées aux dirigeants kosovars, dont l'actuel Premier ministre Hashim Thaçi, durant le conflit en 1999 et 2000. La consternation et la gêne sont d'autant plus vives à Berne que la Suisse officielle se flattait jusqu'alors d'avoir fait le "bon choix", en s'alignant sur les États-Unis et l'OTAN afin de faire rendre gorge aux "méchants" serbes.
La Confédération a d'ailleurs été un des premiers pays à reconnaître l'indépendance du Kosovo. Et lors de l'inauguration de l'ambassade de Suisse à Pristina, en mars 2008, Mme Calmy-Rey renouvelait son soutien, en espèces sonnantes et trébuchantes, au régime séparatiste. À l'époque, cet engagement du ministre des Affaires étrangères, sa précipitation peu diplomatique avaient provoqué des critiques en Suisse, notamment celles de Dick Marty, conseiller aux États tessinois et alors président de la commission de politique extérieure de l'Assemblée fédérale.
La même année, en 2008, Dick Marty entamait ses recherches sur le crime organisé au Kosovo, à la suite de rumeurs persistantes jamais prises en compte par les grandes puissances. De ce travail d'investigation mené sur deux ans est résulté un document de vingt-huit pages révélant, avec force détails, qu'en pleine guerre du Kosovo des combattants séparatistes de l'UCK ont assassiné plusieurs centaines de prisonniers serbes afin de prélever leurs reins pour en faire commerce. Le rapport de Dick Marty a été adopté le 16 décembre en commission du Conseil de l'Europe ; il devrait être examiné à la fin janvier en assemblée plénière.
Devant le scandale qui enfle, les responsables kosovars arguent d'un manque de preuves matérielles et parlent d'« éléments fabriqués ». Dans une déclaration à la presse suisse, Hashim Thaçi compare même la démarche de Dick Marty à « la propagande de Goebbels ». À quoi le parlementaire tessinois, juriste de formation, répond : « Nous n'avons pas colporté de simples rumeurs, mais décrit des faits qui se fondent sur de multiples témoignages, des documents, des faits objectifs. »
Odieux commerce
Le rapport en question s'appuie sur de nombreuses sources, allant des services secrets anglais, italiens,allemands et même américains à des témoins directs des événements. M. Marty a en outre bénéficié des connaissances d'experts ayant enquêté ces dernières années sur diverses scènes de crimes de guerre. Parmi eux, l'anthropologue et légiste d'origine péruvienne José Pablo Baraybar, qui s'est confié au quotidien Le Temps (18 décembre). Selon ce témoignage, les prisonniers serbes, de même que des musulmans kosovars accusés de "collaboration" avec Belgrade, étaient transférés dans le Nord de l'Albanie pour être ensuite assassinés au fur et à mesure des besoins de transplantation. Le rapport de Dick Marty fait état d'une « maison jaune » située à Burrell, au nord de Tirana, et qui aurait été la plaque tournante du trafic d'organes. Au sein de l'UCK, c'est un clan mafieux, le Groupe de Drenica dirigé par Hashim Thaçi, qui se livrait à ce sinistre commerce, assure le document avalisé par le Conseil de l'Europe. L'argent provenant de ce trafic aurait été déposé sur des comptes en banque en dehors de l'Albanie, notamment en Suisse, un pays que connaît bien Hashim Thaçi pour y avoir obtenu l'asile politique en 1995.
Cynisme international
Dick Marty affirme que la "communauté internationale" avait connaissance de ces faits, mais qu'elle a gardé le silence pour ne pas déstabiliser ses protégés kosovars, et afin de ne pas affaiblir sa diabolisation de l'ancien président serbe Slobodan Milosevic. Quant au légiste J.-P. Baraybar, interrogé sur l'absence de preuves matérielles, il précise que des policiers allemands envoyés en 1999 au Kosovo par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) ont collecté quatre cents échantillons d'ADN ; rapportés en Allemagne, ces échantillons auraient ensuite été détruits, le Tribunal s'en étant désintéressé. Haut représentant des Nations Unies au Kosovo entre 1999 et 2001, Bernard Kouchner rejette en bloc le contenu du rapport de Dick Marty qui, pourtant, recoupe et complète les accusations portées par l'ancien procureur Carla Del Ponte dans un livre publié en 2008, La traque, les criminels de guerre et moi (éd. Héloïse d'Ormesson, pour l'édition française de 2009). Dans cet ouvrage, l'ancienne magistrate se plaint d'avoir subi des pressions de l'ONU afin de la dissuader d'enquêter sur le trafic d'organes humains au Kosovo.
Malgré les dénégations, Bernard Kouchner comme d'autres acteurs majeurs de cette sombre période ne pourront échapper au soupçon de complicité passive. D'autant que l'affaire n'est pas close. Ainsi, le gouvernement serbe a demandé au Tribunal pénal international de La Haye d'ouvrir une enquête sur les responsables de la Mission de l'ONU au Kosovo qui, selon Belgrade, auraient dissimulé des preuves concernant les crimes aujourd'hui imputés à l'UCK. Avec son habituel sens de la mesure, Bernard Kouchner a qualifié Dick Marty de « pauvre homme ». Sans doute parce que l'imprudent a ouvert la boîte de Pandore.
Guy C. Menusier L’ACTION FRANÇAISE 2000 Du 6 au 19 janvier 2011
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La démocratie globale et les fondements postmodernes de la théologie politique
Polémia présente à ses lecteurs le texte – reçu de l'auteur lui-même – de l'intervention de Jure Vujik lors du séminaire sur « L’ETAT, LA RELIGION ET LA LAÏCITE » organisé par l’Académie de Géopolitique de Paris, dans le cadre des grandes questions géopolitiques du monde d’aujourd’hui, le jeudi 22 novembre 2012 à l'Assemblée nationale. Jure Vujik développe en partie son argumentation sur certains principes retenus par Carl Schmitt, notammant sur la notion de Souveraineté et les rapprochements entre les concepts théologiques et étatiques.
PolémiaLa postdémocratie globale face au défi de la démoi-cratie
Avec la globalisation et le phénomène institutionnel de la supranationalité dans l’ordre international, on voit apparaître une nouvelle forme de démocratie globale qui, contrairement aux contours territoriaux et ethno-nationaux bien définis de l’Etat-nation de la modernité, transcende le concept de la souveraineté étatique et de la territorialité comme fondement de la démocratie moderne classique. La démocratie n’est plus le vecteur ni le lieu privilégié de la place publique nationale, la Polis et l’Agora grecques, car en se globalisant et en se dé-territorialisant, elle transfert le débat publique et la sphère publique á un autre niveau transnational et global qu’illustrent si bien les vocables suivants : global marketplace, global communications et global civil society (1).
D'autre part sur le plan du pouvoir politique, la nouvelle « gouvernance globale » impose une dynamique transnationale de dialogue, de négociation et de résolution des conflits. Néanmoins les critiques restent vives á l'égard de cette forme contemporaine de gestion politique suspectée de vouloir instaurer une nouvelle forme de « pouvoir planétaire », de « gouvernement mondial » et d'être l'instrument privilégié de l'uniformisation néolibérale économique et financière. La gouvernance globale serait en quelque sorte l'incarnation d'un « leviathan mondial », dont les ressorts néospirituels et théologiques du gouvernement mondial proviendraient de la constitution d'Anderson et des textes fondateurs du messiannisme universaliste étatsunien. Parallèlement au développement de cette gouvernance globale s'accroît le pouvoir planétaire de la « médiacratie » et l'emprise des mass-médias, conjuguée á celle de l'industrie de l'entertainement, la société de spectacle Debordienne, les stratégies de séduction de Lyotard constituent aujourd'hui les piliers de ce qu'Habermas nomme « la servitude volontaire » et de la re-féodalisation sociale .
Raison instrumentale et hybris globale
Il semblerait qu'en dépit de son voile technoscientiste et hyperrationnaliste, la démocratie politique globale constitue en fait un véritable laboratoire de l'esprit, comme l'appelait Julien Benda, dans lequel on s'efforce de générer, sur des fondements constructivistes et séculiers et paradoxalement néothéologiques, une nouvelle forme d'identité globale, un « readymade d'identité » consommable, jetable et interchangeable comme symbole d'un processus d'« a-culturation globale ». L'argument iréniste du déclin de la conflictualité et de l'éradiction de la guerre semble être un leurre face á la montée des extrémismes et ethnoconfessionnels en Europe occidentale et dans le monde entier et l'intensification des dispositifs identitaires et guerriers á l'échelle globale. La « raison instrumentale » déifiée par les Lumières et la sécularisation moderne d'aujourd'hui semblent constituer dans leur forme radicale le levier le plus pussissant d'un processus de re-théologisation de la politique globale. En effet, lorsqu' Habermas opposait la « raison supra-nationale » á la « passion nationale » dans le cadre de la construction européenne, il ne se doutait sans doute pas que le fondamentalisme séculier ou « sécularisé » contemporain et l'idolâtrie néolibérale du marché engendreraient á l'échelon mondial la volonté d'imposer manu militari le modèle de la démocratie de marché, et, avec l'interventionnisme botté de type Wilsonien des Etats-Unis en tant que « gendarme bienveillant du monde », une nouvelle forme d'irrationalité supranationale, reflètant un certain Eros globaliste démesuré. Ici les rôles sont inversés: la figure dionysiaque et érotique du national qui coïncide á la période pré-moderne selon Joseph Walter semble céder la place á une postmodernité globalisante, qui, loin d'être synonyme d'une civilisation policée et mesurée sous la forme d'un néohumanisme rénové, revêt les formes de l'« hybris » polémogène d'une néo-impérialité théologique conquérante. L’ensemble du projet des Lumières, qui s’est répandu en Europe occidentale et de par le monde entier du XVIIIe siècle jusqu’à nos jours, avait pour objet principal de « séculariser » la politique afin d’en extraire les éléments religieux, absolutistes et théologiques. Carl Schmitt constata á merveille, dans la Théologie politique, que l’ensemble des principes politiques modernes contemporains constituent des concepts théologiques sécularisés. En effet, l’expansionnisme parfois violent de ce que l’on appelle le fondamentalisme du marché et l’intégrisme séculier génère en quelque sorte les nouvelles formes de replis identitaires et ethnoconfessionnels sous forme d’intégrisme national et religieux.
La modélisation de l'espace géopolitique entre ingénierie et sacralité
En effet, en matière géopolitique, la re-théologisation des visions et des stratégies politiques passent par la classification et la réduction de l'espace « rival » « hostile » « polémogène » á une « zone chaotique », á une zone soumise á un traitement de l'ingénierie sociale. L'ensemble de l'espace mondial reste sujet á une modélisation et á un formatage géoconstructiviste croissant. Cette grille de lecture et de traitement binariste voire manichéenne du pouvoir dans les relations internationales en vient á classer, selon un mode discriminatoire et dogmatique, les cartes géopolitiques selon une gradation des menaces et de la nature des régimes politiques hostiles en place : les « Etats parias », les « Etats voyous », « les Etats désobéissants », qui deviennent des zones de guerre, des zones d'ingénierie para-gouvernementale, alors que les zones de marchés émergents deviennent des zones d'ingénierie financière globales. A ce titre R. Cooper parle de « zones chaotiques pré-historiques et pré-modernes », dans lesquelles les pouvoirs de la postmodernité démocratique sont appelés á intervenir pour imposer la paix, la stabilité et la démocratie de marché, et cela toujours au nom de ce vieux fond religieux d'absolutisation du projet et du modéle sociopolitique occidental. A ce titre, cette classification n'est pas sans rappeler la géographie sacrée et biblique qui fait référence aux terres barbares, « terres d'impies ». La constitution et l'émergence d'un seul et unique peuple « demos » global reste encore un lointain projet, dans la mesure où il se heurte á la pluralité ethnique, anthropologique et culturelle des « demoi », des peuples singuliers, qui s'inscrivent dans de longues continuités historiques, organiques spatiotemporelles. Les projets Habermasiens d'un « patriotisme constitutionnel », le projet Kantien de « paix perpétuelle » ainsi que l'universalisme Wilsonien incarné par la Société des Nations, souffrent d'une grave carence constructiviste et mécaniciste, car ils procèdent de cette croyance irrationnelle en la séparation du demos de l'ethnos, afin de soustraire l'identité á l'histoire et ouvrir la voie vers une forme d'identité postnationale déconnectée de toutes références territoriales et historiques. Avec ce phénomène de re-théologisation de la politique, la démocratie de marché impérative et conquérante prend les formes d'une « demoi-cracy » détachée dun pôle territorial et organique légitimisant, pour constituer une sorte de matrice néo-impériale expérimentale. A ce titre il semblerait plus sage, dans ce processus de globalisation de la démocratie, d'éviter les écueils d'une contrainte verticale d'uniformisation imposée d'en haut et du « dehors » et, comme le préconise Nicolaidis, appliquer une approche dialogique horizontale entre Etats souverains, qui se reconnaissent dans le modèle d'une « démo-krateo » participative et ethnodifférentialiste, qui conjugue des intérêts similaires et complémentaires.
Sotériologie et « rêve unitariste »
La modernité occidentale a marqué le passage d’une interprétation transcendentale et magico-théologique de la politique vers une forme immanente, rationaliste et constructiviste de la politique. Cependant malgré cette mutation épistémologique, les références religieuses subsistent á l’état latent ou manifeste dans la politique contemporaine. A ce titre M. Gauchet remarque que « les trois idoles du libéralisme: nation, progrès et science » reposent sur une extension du religieux dans le domaine politique en tant que nouvelle sotériologie séculière, recherchant le salut dans la société du marché et du bien-être. La parousie linéaire et progressiste vers l’accomplissement du bonheur terrestre et du bien-être matériel et social constitue ici la transposition de la parousie linéaire eucharistique et religieuse. L'avènement de l'« âge organisationnel » qui a préfiguré la refondation d'un monde « sans maître » et qui a tenté d'expurger le domaine du politique des ressorts pré-modernes, a par voie de conséquence ouvert la voie á une phase libérale que Marx appellera « l'âge orgiastique ». La séparation de la société de l'Etat, la disparition des corps communautaires intermédiaires évoqués par F. Tonnies, ainsi que la dispartion de la communauté organique au profit de la vision sociétaire et contractuelle (Durkheim), s'incrivent dans le droit fil de la « dé-théologisation et la dé-mythification de l'histoire » depuis l'âge des Lumières jusqu'à nos jours. Les théoriciens de l'Etat, Jellinek, Esmein et Hauriou ainsi que Carré de Malberg remarqueront que ce passge vers une nouvelle forme d'ordre étatique se fonde sur l'abstraction et l'impersonnalité des structures législativo-administratives (venant parachever les thèses Weberienne sur la légitimité légale du pouvoir politique) assurant la continuité et l'efficience de l'Etat. Néanmoins la fascination de l'« Unité », le « rêve unitariste », ne disparaîtra pas du domaine politique puisque le globalisme s'évertuera á promouvoir un monde uniforme autocentré, auto-réferentiel (« le One World »), fondé sur une unité constructiviste et mécanique. Ce rêve unitariste est un des avatars du fameux « désenchantement du monde » Weberien en tentant d'unifier l'ethos et le logos politique, l'économicisme et la raison instrumentale avec le discours émancipateur. La nouvelle postdémocratie libérale souffre d'un grave handicap de représentativité et d'organicité, car, en ayant dénaturé les assises organiques de la démocratie moderne ou pré-moderne, elle a indéniablement détaché le « demos » de la notion de « demoi » porteur de visions singulières du monde et de culture politique spécifique, consacrant le règne de la « politique anonyme ».
Le retour du religieux et la théologie sociétale
Néanmoins le monde contemporain reste confronté au phénomène du « retour du religieux » dans la sphère sociale et politique. Ce phénomène est vérifiable au niveau global : intégrisme islamique, néoconfucianisme en Chine communiste, l'émergence des Asian Values et de l'Hinduistan en Inde et en Asie. La redécouverte du religieux en tant que facteur d'intégration individuelle et collective semble jouer un rôle supplétif parallèlement au déclin des idéologies politiques classiques et à la juridicisation et la technicisation de la politique. Si l'on prend en compte la recrudescence du phénomène religieux en politique aux Etats-Unis où le fondamentalisme chrétien protestant a toujours fait bon ménage avec la politique et les signes d'une certaine « resacralisation » du politique en Russie et dans certains pays européens, on constate que le processus irréversible de la sécularisation du politique est loin d'être fini et l'on assiste paradoxalement á l'avènement d'une société « post-séculaire » caractérisée par un retour du fondamentalisme et d'une instrumentalisation du concept de conflit de civilisation. La sécularisation marquée par un processus d'autonomisation du politique et du domaine social et économique par rapport à la sphère religieuse qui s'est opéré depuis la Révolution francaise (l'Ancien Régime) et dans le sillage l’Aufklärung, a abouti á une neutralisation et une rationalisation du politique qui s'est émancipé du rôle social et organisationnel de l'Eglise et du religieux. Pour le juriste Carl Schmitt, le catholicisme doit être considéré comme le fondement de l’État moderne dans la mesure où tous les concepts de la doctrine moderne de l'État sont des concepts théologiques sécularisés. La théologie est donc par nature politique et l’Église un corps politique car, qu'elle le veuille ou non, elle ne peut pas ne pas produire des effets sur la structuration de la société et de l'État dans lesquels elle est insérée. Contrairement á Carl Schmitt, le théologien d’origine protestante Érik Peterson se refuse á reconnaître la légitimation théologique d’une forme d'organisation politique justifiant une attitude de « résistance critique ».
Le caractère irréversible d'autonomisation et d'affranchissement du politique de la sphère religieuse semble souvent, commme le souligne le sociologue Jose Casanova (2), partiellement vrai, car, selon lui, il semblerait légitime de parler d’une sécularisation irréversible de nos sociétés dans le cas des Églises établies (c’est-à-dire officiellement incorporées à l’appareil d’État) lesquelles sont devenues incompatibles avec les États modernes différenciés. Ainsi, « la fusion de la communauté religieuse et de la communauté politique est incompatible avec le principe moderne de la citoyenneté, ce qui rejette toute possibilité de théologie politique. Néanmoins toujours selon Casanova dans le cas des Églises qui auront accepté ce désétablissement et se seront approprié le cadre et les valeurs fondamentales de la modernité, il existerait la possibilité pour ces religions non établies de jouer un rôle social. Casanova parle de « déprivatisation » plutôt que de « sécularisation » . Il y aurait donc une place pour le statut des « religions publiques » pour les traditions religieuses qui auront renoncé à la fusion de la communauté politique et de la communauté religieuse. Dans ce cas, cette transformation implique le renoncement à toute « théologie politique » au sens strict, au profit d’une théologie « sociétale ».
Exégèse et questionnement sur la (dé)-sécularisation
La sécularisation et la théologie ont entretenu pendant des décennies des relations incestueuses, s’étant mutuellement imprégnées. D’autres penseurs, Jürgen Moltmann ou Jean-Baptiste Metz, ont reconnu le phénomène de sécularisation du religieux en reconnaissant dans la Croix de Jésus un symbole politique. Nombreuses sont les analyses sociologiques de C. Schmitt, Giorgio Agamben et de M. Foucault sur la biopolitique, qui voient dans la théologie chrétienne la source structurante du pouvoir étatique moderne. Hans Blumberger mettra l’accent sur une certaine puissance d’auto-affirmation de la modernité pour la libérer de l’emprise théologico-politique. La question de la sécularisation-religion et le dilemme contemporain relatif à la (dé-)sécularisation ont imprégné les travaux d’Augustin, d’Eusèbe de Césarée, de Maïmonide, de Averroès, des auteurs conservateurs comme de Maistre, Bonald, Donoso Cortés et les philosophes de la contre-Révolution, en passant par Spinoza et au XXe siècle des philosophes tels que Löwith, Strauss, Benjamin, Voegelin et Vattimo. La réflexion sur la Shoah et Auschwitz réhabilitera dans le champ épistèmologique et philosophique la théologie politique, surtout lorsque celle-ci s’applique à la nature eschatologique et nihiliste des régimes totalitaires. Le sociologue allemand Hans Joas (3) dans La foi en tant qu'option (Glaube als Option) juge la laïcité et la sécularisation sociale compatibles avec la religion, en pariant sur le rôle intégrationniste et social de la foi en tant que choix individuel et option. Il constate aussi que l'idée de sécularisation et de progrès s'est cristallisée et a évolué á travers plusieurs phases : après s'être imposée en tant que modèle social en Europe occidentale dans les années 1950 et 1960, elle a évolué à travers la théorie de la modernisation occidentale présentée aux Etats-Unis comme le modèle historique. Le regain du religieux dans le domaine social et politique réapparaît selon lui et de façon paradoxale á l'époque de la postmodernité ouù règne un certain polythéisme des valeurs, á l'époque de « la fin des grands récits » qu'annonçait Lyotard, fin époquale á laquelle Hans Joas ne veut pas croire. Joas enfin voit dans le phénomène de l'autotranscendance individuelle et collective une manifestation du religieux social, qui, déconnectée d'un unique centre théologique de référence, permet le foisonnement et l'affirmation d'identités multiples. Ainsi la laïcité et le processus de sécularisation seraient selon lui un phénomène contingent issu d'un contexte social et historique précis. Tout comme la religion Joas affirme que la sécularisation n'est pas une nécessité impérieuse et irréversible.
Sécularisation des idées et « sortie de religion »
La sécularisation contemporaine est multidimensionnelle, car si elle est surtout comprise dans le sens politique (la séparation de l’Église et de l’État), elle tire sa légitimité pratique du domaine sociologique et surtout idéel. En effet, elle a coïncidé avec le vaste phénomène du « désenchantement du monde » et le déclin des croyances religieuses traditionnelles. Avec la relativisation nivelleuse des croyances et le relativisme épistémologique (la religion est une affaire privée et équivaut á n’importe quel autre choix), la sécularisation a permis d’insérer la pensée théologique et religieuse dans le domaine profane. Et par une sorte d’inversion, le profane est devenu sacré. C’est ce que le sociologue Wendrock a constaté lorsqu’il démontre que le concept de « volonté générale » rousseauiste coïncide avec le concept théologique de la « volonté générale de Dieu » que l’on attribue aux jansénistes. Les idées séculières de justice, d’égalité, de salut et de libération sont consubstantielles á l’idée de démocratie, et constituent de même des reliquats de la pensée théologique. Certains auteurs, comme Rémi Brague, critiquent la sécularisation des idées, afin de démontrer que seul le christianisme est en mesure de conserver la cohérence de la morale sociale. Charles Taylor (4) dans A Secular Age affirme que « le christianisme s’accommode de la sécularisation sans perdre sa substance, son message transcendental ». Il n’est pas certain, d’autre part, que comme le soutient Kolakowski les religions garantissent contre le projet d’un « accomplissement terrestre radical et absolu », car certaines idéologies ultraséculières comme le marxisme et a-religieuses contiennent comme l’a démontré le philosophe Mihael Riklin les matrices quasi religieuses d’une pensée sotériologique en tant que promesse d’une utopie communiste réalisée, á savoir l’accomplissement de la société communiste sans classe. Tous les totalitarismes modernes de droite et de gauche ont emprunté á la religion l’idée de salut et d’émancipation. Le projet totalitaire reste donc émminemment « religieux » dans sa forme et ses buts, tout en empruntant les moyens de persuasion et de coercition sécularisés (la soumission passive, l’internalisation et le conditionnement). De sorte que le projet global d’une humanité uniforme consumériste unifiée par le marché et la communication mondiale prend la forme d’un projet religieux séculier, qui par le biais de la promesse de la société planétaire du bonheur et du bien-être matériel généralisé entend « sortir de l’histoire » tout comme la religion se présente comme un message « transhistorique ». Le projet global politique, économique et culturel, contient les germes d’une re-spiritualisation du politique, car contrairement aux thèses « endistes » d’un Fukuyama ou d’un Gauchet, il ne s’agit pas d’une « sortie de religion » qui marquerait le destin de l’Occident, mais bien au contraire d’un besoin de religion, besoin qui se fait de plus en plus sentir sur les marges paupérisées et la périphérie globale, qui réclame plus de justice et d’égalité.
Jure Georges Vujic
avocat, géopoliticien et écrivain franco-croate
Séminaire sur « L’Etat, la Religion et la laïcité »
Académie de Géopolitique de Paris
22 novembre 2012Notes :
(1) E. Stiglitz, La Grande Désillusion, Paris Fayard, 2002.
(2) Jose Casanova, Public Religions in the Modern World. (1994)
(3) Hans Joas, Die Kreativität des Handelns, Frankfurt, Suhrkamp, 1992 ; traduction française: La Créativité de l'agir, traduit de l'allemand par Pierre Rusch (titre original : Die Kreativität des Handelns, 1992), Paris, coll. Passages, Les éditions du Cerf, 1999
(4) Charles Taylor, A Secular Age, Harvard University Press. (2007)Dernier livre de Jure Vujic, La modernite à l'epreuve de l'image - L'obssession visuelle de l'Occident, Editions l'Harmattan, octobre 2012, 185 pages.
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Zone Euro : Que réserve l’année 2013 ?
par Jaques Sapir
La zone Euro a connu d’intenses bouleversements durant l’année 2012. Les attaques spéculatives se sont multipliées durant une partie de l’année, tandis que les fondamentaux économiques continuaient de se dégrader.
Et pourtant, un sentiment de soulagement était perceptible chez les dirigeants politiques dès le début du mois de novembre. Le Président Français, M. François Hollande, pouvait affirmer que, selon lui, la crise de l’Euro touchait à sa fin. C’est donc à une situation plus que paradoxale que l’on est confrontée en cette fin d’année 2012. En effet, si les déclarations des uns et des autre se veulent rassurantes, en réalité la zone Euro est actuellement en récession, et devrait le rester en 2013 pour le moins.
Face à la situation désastreuse de la fin du premier semestre 2012, trois changements majeurs ont été annoncés. Le premier fut l’annonce par Mario Draghi, le Président de la Banque Centrale Européenne de défendre « à tout prix » l’Euro. Dans la foulée, la BCE annonçait sa disponibilité à racheter des dettes souveraines des pays en difficultés.
Tout le monde poussa un gros soupir de soulagement, et certains journalistes allèrent jusqu’à prétendre que l’Euro était sauvé (1) . Mais, la réalité fut bien moins flamboyante que ce qui était annoncé. En fait, la BCE s’engage à racheter des dettes d’une maturité inférieure à 3 ans (ce qui va obligé les pays à déformer leur structure d’endettement) et sous la condition de ne pas rajouter de la monnaie dans la zone Euro (2).
C’est ce que l’on appelle le principe de « stérilisation », dont un de mes meilleurs collègues russes, l’académicien V.V. Ivanter dit qu’il est plus adapté aux petits chats qu’à l’économie ! Dans les faits cela implique qu’à chaque fois que la BCE voudra racheter des obligations souveraines, elle devra soit vendre des obligations qu’elle détient déjà pour un montant équivalent, soit réduire fortement ses prêts aux banques. On voit immédiatement que la déclaration de Mario Draghi est en fait une coquille à demi-vide.
Le second changement fut l’annonce d’une « union bancaire », dont la négociation se révéla en fait très difficile. La question de l’Union bancaire est effectivement importante car elle devrait conduire, en théorie, à des règles communes pour l’ensemble des banques de la zone Euro. Mais d’une part, elle se heurte à l’opposition de très nombreux pays dans sa forme la plus efficace (au sommet de Nicosie la France et l’Espagne ont été isolées sur des positions raisonnables mais considérées comme « maximalistes » par les Allemands et leurs alliés) et d’autre part ce projet aurait été important il y a dix ans mais il est en réalité secondaire aujourd’hui.
En effet, si une telle supervision avait existé e 2002, elle aurait peut-être pu empêcher les banques espagnoles, irlandaises et portugaises de faire des folies. Aujourd’hui, cela revient à fermer la porte de l’écurie quand le cheval s’est échappé. Au final, l’Union Bancaire ne verra le jour qu’au premier trimestre 2014, et ne concernera que 200 banques au total, alors qu’il y a plusieurs milliers de banques qui devraient être concernées. Les « banques des Länders » en Allemagne échapperont ainsi à cette supervision européenne.
Les deux annonces majeures du second semestre 2012 se sont donc traduites par des réalités bien décevantes. La troisième annonce a une portée bien plus grande, mais potentiellement désastreuse. C’est le traité dit « TSCG » ou Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (3) qui va emprisonner les budgets nationaux dans un corset de fer européen et qui va conduire l’ensemble de la Zone Euro vers une logique de déflation. Il a été dénoncé par de nombreux économistes, mais imposé par le gouvernement. Les gouvernements vont ainsi perdre toute flexibilité par rapport à une situation économique qui ne cesse de se dégrader.
Car il faut ici rappeler que la « crise de l’euro » dans laquelle nous nous enfonçons est d’abord une crise de compétitivité relative entre les économies de la zone aggravée par l’atonie de la croissance que l’Euro a engendré sur les pays qui y sont soumis depuis maintenant plus de dix ans. L’Euro fut vendu aux peuples européens comme un instrument de croissance (4) .
Or, on constate que la consommation privée a donc été sensiblement plus faible dans la zone Euro sur la période 1999-2011 que pour l’ensemble des pays développés, à l’exception de la Suisse, jusqu’en 2008. Ceci montre l’influence très négative d’une politique monétaire unique qui n’est pas à même de s’adapter aux structures de chacun des pays de la zone.
Ces écarts sont d’autant plus parlants que, dans la période 1987-1997, les pays devant constituer la « future » zone Euro avaient connu une croissance relativement plus forte de la consommation privée, dépassant les résultats de pays comme la Suède et la Suisse, et avec un écart sensiblement plus faible que pour la période 1998-2011 avec la Grande-Bretagne et les Etats-Unis. par rapport à des prédictions annonçant que le seul fait d’avoir une monnaie unique doperait la croissance de 1% par an, la réalité montre ex-post un tableau bien différent.
La croissance de la zone Euro n’a pas été uniquement plus faible que celle des autres pays développés (à l’exception du Japon) mais l’écart de croissance (entre croissance potentielle et croissance vérifiée) y a été largement supérieur de manière cumulée à ce qu’il fut dans les autres pays.
Tous ces facteurs, convergent vers le problème d’une politique monétaire unique appliquée à des économies aux structures très hétérogènes. Ils ont engendré cette situation de très faible croissance. Dans un certain nombre de pays, c’est par la hausse de l’endettement, qu’il soit public (France, Italie, Grèce) ou privé (Irlande, Espagne, Portugal) que les gouvernements ont cherché à desserrer cette contrainte issue de l’unicité de la politique monétaire. Le résultat en fut une dérive de la dette publique et un problème de solvabilité des agents privés qui obligea les États à transférer une partie de la dette privée vers la dette publique.
La crise d’endettement que la zone Euro connaît y trouve alors une de ces sources. Par ailleurs, les écarts de compétitivité entre pays ne pouvant plus se résoudre par des dévaluations, le déficit commercial s’est progressivement aggravé et la désindustrialisation à fait des ravages, que ce soit en Grèce, en Espagne, au Portugal ou en France (5).
Les politiques d’ajustement fiscal et budgétaires qui ont été imposées dans les pays d’Europe du Sud ont désormais des conséquences dramatiques. Le taux de chômage dépasse les 25% de la population active en Grèce et en Espagne, et il est au-dessus de 16%au Portugal et en Irlande. Le chômage continue par ailleurs de progresser rapidement en Italie ainsi qu’en France, ou le nombre de chômeurs augmente de 1500 personnes par jour actuellement.
Ces politiques ne pourront être poursuivies indéfiniment. D’ores et déjà, de nombreux analystes discernent l’émergence d’un « risque politique » qui devrait donner le « la » dans la zone Euro pour 2013 (6). La côte de popularité du Premier-Ministre espagnol, M. M. Rajoy, est tombée à 7%. La Grèce est secouée par des mouvements sociaux qui peuvent à tout moment prendre des dimensions insurrectionnelles. L’Italie elle-même est entrée dans un cycle électoral, et le Premier-Ministre démissionnaire, M. Mario Monti est rejeté par plus de 60% des Italiens. Or, qui dit risque politique dit risque financier. Car, s’il y a une chose que les marchés détestent, c’est bien l’incertitude politique.
L’Euro semble aujourd’hui en relative bonne santé. Mais il ne faut pas se laisser prendre par les apparences. La totalité des problèmes qui ont engendré la crise demeurent, et aucune solution de fond n’y a été apportée. On s’est contenté de parer au plus pressé. La montée du risque politique dans les pays d’Europe du Sud et même en France constituera un nouveau test décisif pour l’Euro en 2013.
Notes :
(1) Jacques Sapir , “À propos d’un article de Sabine Syfuss-Arnaud dans Challenges”, billet publié sur le carnet Russeurope le 30/09/2012, URL: http://russeurope.hypotheses.org/224
(2) Jacques Sapir, “Sur le TSCG”, RusseEurope. Le Carnet de Jacques Sapir sur la Russie et l’Europe (Hypotheses.org), 23 septembre 2012. [En ligne] http://russeurope.hypotheses.org/133.
(3) Jacques Sapir, Mythes et préjugés entourant la création et l’existence de la monnaie unique, Note de synthèse, Centre d’études des modes d’industrialisation (CEMI), EHESS, 14 septembre 2012. Sur RussEurope,URL: http://russeurope.hypotheses.org/126
(4) Jacques Sapir, “Et si le problème de l’industrie c’était… l’Euro ?”, billet publié sur le carnet Russeurope le 13/11/2012, URL: http://russeurope.hypotheses.org/472
(5) Patrick Artus, « ll devient urgent que la stratégie mise en place dans la zone euro donne des résultats positifs, mais ce n’est pas le cas et le risque politique grandit », Flash-Économie, Natixis, n° 872, 18 décembre 2012.
(6) Florange : une occasion manquée de collaboration entre la France et la Russie
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Godefroy de Bouillon (1095-1100) Royaume de France
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Préférence étrangère : approchez, c'est l'État qui régale !
Communiqué de Jeune Bretagne du 08 janvier 2013Lundi 7 janvier, 5h du matin. Le TGV Quimper-Paris s’apprêtait à partir avec à son bord, deux familles de clandestins débarquées mercredi dernier en Bretagne, et dormant depuis dans des hôtels de Lorient, logées et nourries, aux frais du contribuable puisque les hôtels sont indemnisés par l’État.Afin de gaspiller un peu plus l’argent public, la préfecture de Bretagne a même payé aux deux familles les billets de TGV nécessaires afin de pouvoir aller se faire enregistrer en préfecture, à Rennes, en vue de leur régularisation.Les militants de Jeune Bretagne, présents sur place depuis 4h ce lundi matin, ont donc décidé, au nom de l’égalité pour tous, de permettre à tous les passagers du train de bénéficier de nuits d’hôtels et de billets de train payés par l’État.Un tract avec coupon réponse a été distribué, afin de proposer à chacun de demander à la préfecture le remboursement de son loyer, de son billet de train, de ses amendes ou encore de ses courses.La seule condition à remplir étant de renoncer immédiatement à sa nationalité française, ces remboursements payés par le contribuable ne pouvant être effectué qu’à des clandestins.Vous pouvez donc, vous aussi, profiter de la générosité de la région Bretagne en imprimant et en nous retournons ce bon, disponible sur cette page.En pleine crise économique, en pleine crise sociale, en pleine crise du logement, l’État français préfère nourrir et loger des clandestins plutôt que de venir en aide à sa propre population.Quand l’État n’est plus en mesure de garantir un traitement juste pour ses citoyens, il est du devoir de chacun de se révolter.C’est pourquoi nous incitons également l’ensemble de la population à imprimer, à diffuser et à remplir ce tract que nous acheminerons massivement vers la préfecture d’Ille et Vilaine, haut lieu de la préférence étrangère.« Quand les peuples cessent d’estimer, ils cessent d’obéir. » (Antoine de Rivarol)
Vidéo de l'action menée par "Jeune Bretagne" -
Pour un protectionnisme européen
Le temps du libre-échangisme économique triomphant est fini. Ceux qui dans les médias avaient réduit au silence le prix Nobel Maurice Allais (*) doivent maintenant entrouvrir la porte aux critiques de la mondialisation : localisme, relocalisation, patriotisme économique, protectionnisme national raisonné, protectionnisme européen, tels sont désormais les termes du débat.
Car, aujourd’hui, il y a bien débat. Pour s’en convaincre, s’il en est besoin, il suffit de suivre les tribunes économiques et se reporter, par exemple, au récent sondage IFOP, commandité par une vingtaine d’économistes et intellectuels indépendants, qui montre que les deux tiers des Français sont favorables à une augmentation des droits de douane et pour les quatre cinquième d’entre eux si possible dans un cadre européen. Le site Marianne2.fr y a consacré une très large étude, le 16 juin 2011.
Par ailleurs, il est à signaler une vidéo de l’économiste Hervé Juvin, produite pour le site realpolitique.tv, sur le thème, L’heure est-elle au retour du protectionnisme ?, sans omettre son livre, Le renversement du monde - politique de la crise , dans lequel il pourfend le libre-échangisme.
Une thèse défendue à Rome, dès juillet 2010, par deux économistes de l’Université Montesquieu de Bordeaux. Gérard Dussouy (**), connu des lecteurs de Polémia, et B.Yvars y défendent un protectionnisme autocentré sur une Europe fédérale, identitaire et carolingienne. Un point de vue que nous livrons à l’examen de nos lecteurs qui pourront prendre connaissance de l’introduction ci-après et lire la communication en entier en format pdf (voir en fin de l’introduction). (Source : site web "Chaire Jean Monnet de Bordeaux 4 - Intégration régionale comparée").Polémia
Bien-être et consolidation de l’Etat de droit dans l’UE
dans le contexte de globalisationG. Dussouy et B. Yvars
Université Montesquieu - Bordeaux IVIntroduction:
La prospérité et le bien-être des populations de l’Union Européenne sont désormais en danger sous l’effet des crises engendrées par l’endettement des économies nationales et par les dérives chaotiques d’une économie mondiale dérégulée. Déstabilisé par les flux de la mondialisation, le modèle européen est en crise à tous les niveaux ; il est en voie de marginalisation géopolitique (la décentration de l’économie mondiale vers le Pacifique est un fait de plus en plus admis), de paupérisation et de communautarisation. Sa spécificité et son destin sont d’autant plus en jeu que règne entre les peuples de l’Union une culture d’indifférence aggravée par l’absence de tout progrès dans la formation d’une identité européenne .
Face aux nouveaux défis, la gouvernance mondiale demeurant un vain mot, un slogan, voir une chimère, comme le démontrent tous les « grands sommets » du G8 au G20, la seule issue réside, plus que jamais, dans la réactivation du projet fédéraliste , dans la réalisation de l’Etat européen capable de rassembler les dernières forces vives du continent. Quitte à ce que le processus n’engage, dans un premier temps, qu’un petit nombre de peuples européens, il doit prioritairement renouer avec des logiques de gouvernement qui privilégient les intérêts et les identités de ces derniers. S’il en était autrement tout est à craindre pour la prospérité et la démocratie en Europe.
Lire la suite en pdf
G. Dussouy et B. Yvars http://www.polemia.com
Rome Juillet 2010 -
10 preuves que nous vivons dans des économies factices
« Il est temps d’admettre que nous vivons dans une économie factice », écrit le blog américain The Idealist. Les gens réclament des emplois, et les politiciens les leur promettent, mais les politiciens ne peuvent créer d’emplois. Et il ne faut pas compter sur les médias pour nous ouvrir les yeux, tout occupés qu’ils sont à glorifier les ‘people’, parce qu’ils sont riches. Ainsi, la semaine passée, Kim Kardashian a fait la une du Huffington Post parce que son chat est mort, rappelle-t-il.
Il cite 10 autres preuves qui attestent de l’illusion de nos économies :
1/ Les faux emplois. Non seulement les chiffres du chômage sont minimisés artificiellement par les instances gouvernementales, mais 80% des emplois ne produisent aucune valeur. Ils pourraient disparaître demain sans menacer la survie et le bonheur de l’humanité
2/ Les problèmes créent des emplois, et non des solutions. Nous ne réglerons jamais les problèmes de la drogue, de la violence, des codes des impôts trop complexes, …etc., parce que ces problèmes permettent d’employer des policiers, des percepteurs, des gardiens de prison, des fonctionnaires… En d’autres termes, nous avons besoin de ces problèmes totalement fabriqués pour créer de l’emploi artificiel.
3/ L’argent n’a pas de valeur. L’argent est l’illusion la plus trompeuse. L’argent n’a de la valeur que parce que la loi le décrète. Mais l’argent n’est que du papier avec de l’encre, et sa valeur réelle est nulle. Les seules choses qui aient de la valeur, c’est le travail, les matériaux, la nourriture, l’eau et l’énergie.
4/ Les banques centrales rachètent les dettes des nations. Aux Etats Unis, la Fed prête de l’argent au gouvernement américain qui émet des obligations pour financer ses dépenses. Ces obligations sont ensuite proposées aux investisseurs. Mais en pratique, c’est la Fed qui en rachète près de 90%. C’est ce que l’on appelle la monétisation de la dette. Dans la zone euro, cette monétisation de la dette a aussi lieu lorsque la BCE rachète des obligations souveraines des pays en difficulté, comme Mario Draghi s’est engagé à le faire en juillet de l’année dernière.
Or ceci ne consiste en rien de moins qu’une chaîne de Ponzi. Dans ce système, les taux d’intérêt sont artificiellement maintenus à un bas niveau (s’ils étaient le reflet de la demande réelle des investisseurs pour ces dettes, ils seraient plus élevés).
5/ La détermination de la valeur est faussée. Le mécanisme de fixation des prix est désormais tellement affecté par des variables exogènes qu’il devient difficile de déterminer quelle est la valeur réelle des choses. Les subventions de l’Etat, les taxes, les lois et les règlements, la manipulation des taux d’intérêt, et la spéculation sur les matières premières sont autant de facteurs qui compliquent la valorisation des biens et des services.
6/ L’échec est récompensé. On demande aux citoyens de se serrer la ceinture pour porter secours à des gouvernements, des institutions financières, ou des entreprises. Et lorsque quelqu’un réussit par la force de son travail, il est lourdement imposé pour financer les plans d’aide d’institutions qui se sont mal comporté.
7/ Les organisations privées ont les mêmes droits que les êtres humains, mais pas les mêmes sanctions. Cela devient évident lors de catastrophes industrielles : à quoi aurait été condamné un homme qui aurait provoqué une catastrophe de l’ampleur de celle de la plateforme Deepwater Horizon? Il aurait été jugé comme un tueur psychopathe, et on aurait veillé à ce qu’il ne puisse plus jamais nuire.
8/ Les gens achètent des choses avec de l’argent qu’ils n’ont pas. Malgré l’inflation, le chômage en hausse et l’effondrement des marchés immobiliers, l’achat à crédit ne ralentit pas. Or, rien n’est pire pour une économie que des emprunts adossés à des valeurs dont les retours sur investissement sont négatifs : voitures, cartes de crédit, et prêts étudiants, par exemple.
9/ Les créateurs d’entreprises sont punis. Règlementations abusives, multiplication des considérations écologistes (pas toujours fondées)… Nos économies créent de la dépendance là où il n’y en a pas besoin. La bureaucratie toujours plus lourde entrave les entreprises, quand elles ne les étouffe pas de façon fatale.
10/ L’esclavage moderne. Les banques centrales et les banques commerciales créent de l’argent à partir de rien, et cette création monétaire transforme les gouvernements, les industries et les familles en esclaves. Et même en l’absence d’endettement lié à un crédit, il faut payer des impôts et les effets de l’inflation…
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Des retraites en babouches dorées
« Retraités » en France ou immortels en Algérie, les immigrés peuvent dire merci à la CNAV... et aux salariés français qui cotisent.
« Vivre en France » ? Rien de plus simple, ni de plus confortable, pourvu que l'on se soit doté d'un précieux petit livret publié sous ce titre explicite par l'Agence Nationale de l'Accueil des Étrangers et des Migrations et destiné, comme de juste, aux « ressortissants étrangers arrivant en France ». Cet opuscule de 66 pages, financé par les contribuables les plus généreux de la planète, prodigue tous les renseignements utiles concernant la liberté syndicale, la meilleure manière de trouver un logement social ou d'obtenir la nationalité française, l'accès aux crèches, à l'assistance sociale, à l'aide ménagère, à la contraception et à l'« IVG » remboursée mais qui « doit rester exceptionnelle car des interruptions de grossesse trop fréquentes pourraient compromettre de futures grossesses », à la Couverture Maladie Universelle pour ceux qui ne travaillent pas, et même à l'emploi, si toutefois l'on y tient vraiment : « Avoir un emploi, c'est important. Si vous désirez travailler, vous devez avoir un titre qui vous y autorise. » Comme on dit à Marseille, où les lecteurs du livret sont pléthore, avec des « si » on mettrait l'ANPE en bouteille.
709 euros de retraite par mois, 1 157 pour un couple
Plus fort encore : un immigré âgé de plus de 65 ans, lorsqu'il débarque en France pour la première fois, a droit à « l'allocation de solidarité aux personnes âgées » (APSA). L'information figure en toutes lettres dans le livret d'accueil, page 54 : « Vous n'avez pas travaillé en France ou vous n'avez pas assez travaillé pour avoir des droits à la retraite, vous pouvez demander l'allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) ». Autrement dit, 709 euros de retraite par mois, 1157 pour un couple.
Combien d'agriculteurs ou de petits commerçants ne perçoivent-ils pas cela au bout de toute une vie de travail et de cotisations en France ! Combien de veuves qui ne touchent qu'une chiche pension de réversion, et dont les maris ont pourtant mis au pot des caisses de retraite, des années durant ! Rappelons que la pension de réversion moyenne représente moins de 600 euros par mois - ce qui constitue d'ailleurs un énorme scandale dans un pays dont les dirigeants n'ont que le mot de « parité » à la bouche. Et ce sont ces mêmes caisses de retraite, abondées par les cotisations des salariés, qui payent généreusement l'ASPA aux nouveaux débarqués, qui n'ont jamais travaillé en France, ni jamais cotisé.
Qui osera prétendre, ensuite, que les caisses de retraite sont déficitaires ? Et quel dirigeant ira sans rougir demander aux Français de travailler plus longtemps pour sauver la répartition ?
1 milliard d'euros aux retraités algériens, morts ou vifs
On apprend également aux premières pages de « Vivre en France » que notre pays « compte 62 millions d'habitants ». Apparemment, c'est insuffisant aux yeux de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) censée gérer les retraites des salariés du secteur privé. Les magistrats de la Cour des comptes se sont en effet aperçus lors d'un contrôle que la caisse versait une pension à de très nombreux centenaires algériens retournés passer leur retraite au bled. Faut-il que le climat algérien soit excellent pour assurer une telle longévité... À moins que ce ne soit le climat de la CNAV : il apparaît assez curieusement que les centenaires algériens sont plus nombreux parmi les pensionnés de la caisse que sur les registres de l'état-civil algérien...
En somme, ce n'est pas parce que la poule aux œufs d'or est morte qu'il faut que ses enfants et petits-enfants cessent de plumer les cotisants français. Papi est mort, vive papi ! Les retraités algériens de la CNAV ont trouvé le secret de l'immortalité et leur nombre ne cesse d'augmenter.
Combien coûte cette fraude à la caisse de retraite des salariés ? Il est difficile de le préciser ; mais la CNAV paie annuellement 1 milliard d'euros aux retraités algériens, morts ou vifs.
Hervé Bizien monde & vie du 2 avril 2011 -
Détention préventive ou liberté provisoire : l'éternel débat
DANS La Revue des deux mondes du 15 janvier 1948, sous le titre « de la liberté individuelle », Maurice Garçon, alors célébrissime avocat du Barreau de Paris, commente les évolutions de la notion de liberté individuelle, date et décrit, en fonction des régimes ou de situations historiques exceptionnelles, les avancées et les reculs notamment en ce qui concerne la détention préventive des "accusés". Ses commentaires étaient d'autant plus d'actualité que la France venait de supporter et supportait encore les excès épuratoires des libérateurs dont certains étaient des résistants de la 25e heure. Me Garçon y fait référence en ces termes : « Il n'est pas de progrès véritable dans la condition humaine si l'on n'arrive pas à supprimer les attentats contre la liberté dus à la force [...] devant l'évolution actuelle des esprits et devant la manifestation de quelques tendances oublieuses d'un progrès difficilement réalisé, on ne saurait être trop vigilant lorsqu'il s'agit de défendre un principe sans lequel un droit naturel destiné à sauvegarder la dignité humaine serait bien vite méprisé. » Le sujet reste d'actualité, élargie à la garde à vue, à la présence de l'avocat dès la première heure de la garde à vue, à la mise en liberté.
Alors qu'on n'inculque aux jeunes élèves français - pour célébrer la "liberté", fleuron de la démocratie républicaine - que l'arbitraire des lettres de cachets, présentées comme le symbole de l'absolutisme fantasmé de la monarchie, alors qu'elles avaient pour objet, soit de ménager dans certains cas l'honneur des familles, soit de réprimer les commencements de sédition, soit de garantir l'État des effets d'une intelligence criminelle avec les puissances étrangères, Maurice Garçon rappelle que des ordonnances de Charles VII, dès le milieu du XVe siècle, de Louis XII et de François 1er décrétaient que la détention provisoire n'est pas une conséquence de l'accusation. Plus tard, Louis XIV régnant, l'ordonnance de 1670 ne permit plus de décret de prise de corps que lorsque l'inculpé encourait une peine afflictive (soit la mort, les travaux forcés, la déportation, la détention, la réclusion) et infamante, telles la réclusion et la détention. Un simple ajournement sans arrestation était prescrit lorsque la peine risquée était moindre, et l'on ne devait délivrer qu'une assignation pour être entendu lorsque le prévenu n'était exposé qu'à une peine légère et jouissait d'une bonne réputation.
Pour autant, mais les mœurs étaient plus dures, la recherche des aveux était obtenue par des moyens d'une grande violence, et les condamnés à mort exécutés d'une façon qui nous paraît épouvantable aujourd'hui.
L'idée du droit des hommes à leur liberté individuelle est ancienne. Lors d'un réquisitoire prononcé en cour d'assises, le 6 avril 1826, sous la Restauration, l'avocat général Bayeux a formulé les fondements de sa limitation en ces termes : « Le bien le plus précieux pour l'homme est sans doute sa liberté, et le plus grand sacrifice qu'il ait pu faire, en se constituant en société, est d'avoir donné aux magistrats le droit d'en disposer, mais il n'a voulu le donner qu'aux seuls magistrats investis de sa confiance, dans les cas prévus et dans les formes recommandés par la loi. » Cette sentence devrait être inscrite en lettres d'or au fronton des tribunaux, apprise par les élèves de l'école de la Magistrature, et surtout appliquée. Me Garçon souligne par ailleurs que la « tendance instinctive des gouvernements est de légitimer et d'affirmer leur pouvoir par des principes d'autorité difficilement libéraux. L'opposition, c'est-à-dire la contradiction, est généralement mal supportée par celui qui, voulant diriger, sent sa volonté mise en échec. De là une inclination à limiter la liberté de penser et d'agir, en portant atteinte à la liberté des personnes », et que par conséquent des garanties doivent être décrétées pour assurer la sécurité juridique et physique des citoyens. On pourrait ajouter que des lobbies et de puissantes communautés parviennent à imposer aux législateurs la fabrication de lois de circonstance qui interdisent la liberté d'expression, et même la liberté et l'indépendance de la recherche historique.
Alors qu'il rappelle les principes établis solennellement par la Constituante en vue d'assurer la sécurité juridique et physique des citoyens, Me Garçon ne manque pas d'établir la liste des occasions où les « grands principes » ont été bafoués, notamment « Quand les hommes, placés à la tête du gouvernement, veulent établir la tyrannie dans la forme de la République, une législation oppressive devient un puissant auxiliaire » :
Les conventionnels : alors que la Constitution du 24 juin 1793 reconnaissait aux citoyens le droit de repousser par la force tout acte arbitraire et tyrannique, un décret permettait aux commissaires dans les départements et près des armées de faire arrêter et déporter tous les citoyens suspects ; un autre, du 17 septembre 1793, ordonnait l'arrestation de tous les gens suspects se trouvant encore en liberté sur le territoire de la République.
Le gouvernement d'Edouard Daladier prendra modèle sur les conventionnels : une loi du 3 septembre 1939 permit aux préfets d'interner tout citoyen réputé dangereux, et aucun contrôle ne fut plus admis, même à titre consultatif ; le 18 novembre 1939 un décret-loi permit aux préfets d'éloigner les individus dangereux pour la défense nationale ou pour la sécurité publique des lieux où ils résidaient et de les astreindre à résider dans un centre désigné par décision ministérielle. La formule était si vague qu'elle permit des opérations purement politiques.
- Le 4 octobre 1944, le général De Gaulle étant président du gouvernement provisoire, une ordonnance reprenant, dans les mêmes termes, les textes précédents maintint pour les préfets le droit d'interner sans jugement.
- Le 29 janvier 1945, une ordonnance obligea les internés administratifs à payer pension en remboursant leurs frais d'entretien. « Ainsi, des hommes injustement molestés, arrêtés sans cause valable et, par la suite, déclarés innocents se sont vu réclamer des frais d'internement : ce qui est, pour le moins, un comble ! », s'indigne Maurice Garçon. Les internements administratifs ne prirent fin que le 1er juin 1946.
Il serait fastidieux de faire la liste des reculs, c'est-à-dire des privations de liberté, qui ont été décidés sous le 1er Empire, lors de la Restauration — seul Louis-Philippe ne porta jamais atteinte au principe établi. La République prit le relais ; après les journées de juin 1848, on arrêta environ 15 000 personnes, un décret du 27 juin ordonna la transportation en Algérie sans jugement, par mesure de sûreté, de 4 000 individus reconnus pour avoir pris part à l'insurrection.
Après le coup d'Etat du 2 décembre 1852, on confondit volontairement des délinquants de droit commun et des prévenus politiques. Parmi ces derniers près de 10 000 furent déportés à Cayenne ou en Algérie, moins de 3 000 internés, et plus de 5 000 soumis à la surveillance de la police.
DE 1948 À 2011, L'OPINION N'A PAS CHANGÉ
Me Garçon considère que « L'opinion publique, mal instruite, paraît souvent dédaigneuse de ce que peuvent être les droits de la liberté individuelle. Tant de personnes ont été victimes de l'arbitraire qu'elles ne paraissent plus imaginer qu'il doit être évité. Lorsqu'on lit les journaux, on est stupéfait de voir qu'à tout propos on réclame en gros titres des arrestations et qu'on s'indigne contre des mises en liberté. Pour beaucoup, une simple accusation est une raison suffisante d'arrestation. Il semblerait que l'incarcération d'un homme - fût-il accusé d'avoir volé les tours de Notre-Dame - s'impose d'abord comme une mesure nécessaire et quasi rituelle. De même, lorsqu'une mise en liberté est annoncée, l'opinion s'émeut, des articles de journaux contiennent des protestations indignées ou des insinuations ironiques. On s'occupe moins, dans le public, de la culpabilité elle-même que de la mesure préventive qui paraît donner tous apaisements à la conscience générale. » Cette réflexion, ce constat en forme de reproche pourraient être formulés en 2011. Sauf qu'aujourd'hui, l'opinion publique a, en plus, clairement conscience que selon que l'on est ou a été puissant (Chirac, par exemple), ou bien qu'on puisse se payer des avocats fortement médiatisés et bien en cour, le bras de la justice est plus mou, et que des multirécidivistes échappent à toutes sanctions, s'installent dans la délinquance et les trafics les plus variés, narguent la Police et terrorisent leurs voisins, avec la bénédiction de la Justice qui amplifie souvent la mansuétude des lois. Sauf, évidemment, quand il s'agit d'accusés politiques extérieurs au Système...
Dans cet article, cela ne surprendra personne de la part de l'avocat qu'il est, on retrouve les mêmes objections que celles exprimées aujourd'hui par ses confrères, contre la garde à vue hors de la présence d'un avocat, la recherche des aveux, la détention provisoire. « Dans les locaux de la police, on exerce une contrainte physique qui ne tend rien moins qu'à rétablir un système inquisitorial inavoué » déplore-t-il. En ce qui nous concerne, nous considérons que le rôle des policiers est bien de démêler le vrai du faux, de trouver des preuves, d'interroger les suspects en les gardant à disposition. Que les locaux où sont provisoirement maintenus les personnes en garde à vue soient sordides est une autre affaire. Il n'y a en effet aucune légitimité à ce que ces locaux, selon les témoignages de ceux qui les ont occupés, soient des cloaques indignes où, en outre, peuvent séjourner de façon dégradante, ceux qui seront reconnus parfaitement innocents.
L'auteur, pour justifier la limitation de la détention provisoire, donne un certain nombre d'exemples qu'on croirait contemporains. C'est l'accusé qui ne veut pas avouer et qui complique l'instruction ; des toxicomanes à qui on prétend faire subir en prison une pseudo cure de désintoxication et profiter de la circonstance pour obtenir d'eux le nom de leurs revendeurs ; une plainte du ministère des Finances qui prend un caractère officiel et impérieux nuisible à la liberté d'appréciation des magistrats. Mais c'est aussi l'influence du parquet qui limite l'indépendance des juges. Ceux-ci manifestant rarement un désaccord avec son proviseur dont les réquisitions deviennent comme l'équivalent d'un ordre. On lit qu'en 1948, les cellules de la prison de la Santé à Paris prévues pour un habitant en contiennent sept ou huit, « Une promiscuité ignoble, une hygiène déplorable mettent en commun des hommes qui ne devraient ni se connaître, ni se rencontrer. » Rien n'a changé.
Me Garçon insiste, et pour donner plus de poids à son argumentation, il donne la liste des circulaires de 1819, 1855, 1865, 1900, 1946, 1947 qui recommandaient la cessation de la détention provisoire ou préventive dès que disparaissaient les raisons qui la motivaient. On voudrait être certain, qu'à l'exception de certains inculpés politiquement incorrects qui ne bénéficient eux d'aucune indulgence, bien au contraire, la cessation de la détention provisoire ou préventive ne soit pas généralisée pour le plus grand développement de la délinquance et des zones où les autorités administratives et les forces de l'ordre n'entrent plus.
Pierre PERALDI. RIVAROL 29 AVRIL 2011 -
Des effets pervers de la partitocratie
Très tôt, la science politique ou les observateurs des mécanismes de la politique dans les démocraties parlementaires occidentales ont été conscients des dérives potentielles de ce système.
- Montesquieu insistait sur la séparation des pouvoirs, idéal à atteindre pour garantir les libertés citoyennes. Pour Montesquieu, la démocratie est le régime qui garantit justement ces libertés citoyennes: on ne peut les atteindre optimalement qu’en garantissant une séparation aussi nette que possible entre les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. En abattant toutes les cloisons entre ces pouvoirs, la partitocratie a annulé la démocratie au sens où l’entendait Montesquieu. Par rapport à l’idéal démocratique, la partitocratie constitue donc une régression. Et non, comme elle le prétend trop souvent, son accomplissement définitif.
- Tocqueville, en observant les mécanismes électoraux aux Etats-Unis dans la première moitié du XIXième siècle, constate, en fait, que la liberté d’entreprendre et de créer de la nouveauté, de penser, de vivre selon ses désirs et ses convictions, risque à terme d’être mise en danger par la démagogie égalitaire des partis et par l’action sans scrupules de démagogues irresponsables, regroupés en sociétés, en lobbies, en groupes de pression ou en patronnages divers, ne s’adressant quasiment jamais à la raison, mais toujours aux sentiments les plus troubles ou aux sens les plus veules, empêchant ainsi le citoyen moyen de regarder les réalités politiques avec lucidité. En principe, Tocqueville ne s’oppose pas à l’égalité, mais estime qu’elle ne doit jamais menacer l’exercice de la liberté.
- Max Weber, en prenant le relais de Tocqueville, écrivait dans Le savant et le politique que le système politique anglo-américain, en dépit de son étiquette démocratique, était “une dictature, reposant sur l’exploitation de l’émotionalité des masses”. Weber a d’abord plaidé pour un fonctionnariat d’Etat complètement détaché des partis car il craignait par dessus tout les dérives d’un spoil system à l’américaine, qu’avait déjà entrevues Tocqueville. Weber était cependant fasciné par les grandes machines politiques américaines du début de notre siècle, bureaucratisées à l’extrême mais plus honnêtes que leurs futures imitatrices européennes, dans la mesure où à chaque élection, les fonctionnaires nommés par le gouvernement précédent sont irrémédiablement démis de leurs fonctions si leur parti perd la partie: ils sont renvoyés à la société civile, quitte à recommencer leur quête politique, en se “rebranchant” à nouveau sur la vie réelle de la population, en partageant ses efforts et ses déboires face aux conjonctures économiques ou aux pratiques du pouvoir. Weber aura une position ambivalente: d’un côté, il admire la neutralité axiologique des fonctionnariats permanents et non partisans, sur le mode prussien; de l’autre, il admire la sélection impitoyable exercée par les “bosses” des partis américains qui se choisissent à chaque élection un personnel dévoué, qu’ils installent dans les rouages de l’Etat (mais pour quatre ans seulement, si la fortune politique ne leur sourit qu’une fois! Accepter le verdict électoral est honnête, en dépit des magouilles politiciennes; refuser le verdict des urnes est une malhonnêteté foncière, même si les magouilles sont mieux contrôlées!). La pratique de nommer définitivement les fonctionnaires des cabinets provisoires, en dépit des aléas électoraux, est notamment une perversion du système belge.
- Toujours dans Le savant et le politique, Weber a eu ces mots durs, pour les premières manifestations de partitocratie en Allemagne, qu’elles émanent des socialistes ou des démocrates-chrétiens: «[Les constitutionalistes révolutionnaires du pays de Bade] considèrent [...] l’Etat et les emplois administratifs simplement comme des institutions destinées à procurer uniquement des prébendes. [...] le parti du Zentrum (ndlr: d’obédience chrétienne-démocrate) [...] inscrivit même à son programme l’application du principe de la répartition proportionnelle des emplois selon les confessions religieuses, sans se soucier de la capacité politique des futurs dirigeants». Aberration aux yeux de Weber, car «… le développement de la fonction publique moderne [...] exige de nos jours un corps de travailleurs intellectuels spécialisés, hautement qualifiés, préparés à leur tâche professionnelle par une formation de plusieurs années et animés par un honneur corporatif très développé sur le chapitre de l’intégrité. Si ce sentiment de l’honneur n’existait pas chez les fonctionnaires, nous serions menacés d’une effroyable corruption et nous n’échapperions pas à la domination des cuistres. En même temps, il y aurait grand péril pour le simple rendement technique de l’appareil d’Etat…». Quant aux révolutionnaires les plus radicaux: «Ils abandonnent la direction de l’administration à de véritables dilettantes, tout simplement parce qu’ils disposent de mitrailleuses». Weber a dénoncé clairement l’esprit partisan, tant chez les pseudo-démocrates aux discours soft que chez les ultra-révolutionnaires annonçant l’avènement d’un système totalitaire.
Marco Minghetti, les partis politiques et leur ingérence dans la justice et l’administration
Marco Minghetti (1818-1886) était un homme politique italien du XIXième siècle, qui a vécu l’unification italienne et a assisté à l’émergence de la culture politique particulière de son pays. Très tôt, il a perçu les dérives potentielles de la partitocratie à l’italienne (et à la belge). Deux secteurs de l’appareil d’Etat sont principalement menacés par les démagogues de la partitocratie selon Minghetti: la justice et l’administration. Ces secteurs sont soumis à toutes sortes de pressions, afin d’édulcorer toute sévérité éventuelle des magistrats à l’encontre des démagogues. La partitocratie, dès son émergence dans l’histoire, tente d’abolir toutes les cloisons entre les pouvoirs, non pas pour rendre le pouvoir au peuple, mais pour le confisquer entièrement au profit d’états-majors occultes, qui ne veulent laisser aucun espace neutre dans l’appareil d’Etat.
Minghetti s’oppose à ce processus pour garantir les droits et les libertés de ses concitoyens. Dès lors, la lutte contre l’utilisation partisane de l’administration et de la justice a pour objectif de protéger les citoyens contre toutes interventions arbitraires, émanant d’une administration ou d’une justice ayant perdu et leur indépendance et leur objectivité, qui se montrent simultanément juge et partie, ce qui est une hérésie sur le plan du droit. Minghetti veut préserver la séparation des pouvoirs, afin d’éviter une trop grande concentration du pouvoir entre les mains de la majorité, qui contrôle déjà de droit le gouvernement. Il faut dès lors qu’au sein des assemblées législatives, les députés puissent conserver un maximum d’indépendance d’esprit et de vote; ensuite, que l’administration et la magistrature puissent, le cas échéant, résister efficacement à l’exécutif.
Entre les partis qui émergent au temps de Minghetti et les partis d’aujourd’hui, il y a une différence de taille. L’Etat n’était guère interventionniste du temps de Minghetti: il demeurait cantonné dans ses attributions classiques (battre monnaie, faire la guerre, organiser l’armée, assurer la diplomatie, maintenir l’ordre intérieur, etc.). Aujourd’hui, les attributions de l’Etat se sont considérablement étendues: elles englobent des pans entiers de la sphère sociale, du domaine de la santé, de l’enseignement et interpellent beaucoup plus étroitement la vie économique.
L’Etat a donc été amené à multiplier les contrôles de nature formelle et de tolérer le développement de pouvoirs de fait, vastes, arbitraires et largement capillarisés dans la société. Cette évolution n’est nullement condamnable en soi, mais elle implique une technicité accrue des interventions, que le personnel habituel, fauteur et bénéficiaire de la démagogie, n’est pas en mesure de prester, puisqu’il n’a pas été sélectionné pour ses compétences mais pour sa fidélité à des slogans, des doctrines simplistes et boîteuses ou une camaraderie de mauvais aloi avec des ténors sans scrupules. La complexification et la diversification des administrations auraient dû aller de paire avec une formation toujours plus poussée du personnel administratif et des fonctionnaires. Depuis une centaine d’années, constatent les admirateurs italiens actuels de Minghetti, malgré l’ampleur continue du processus de complexification des interventions de l’Etat, peu de choses sinon rien n’a été entrepris pour améliorer les qualifications professionnelles des fonctionnaires. Les décisions arbitraires d’un personnel inqualifié (sinon inqualifiable) sont effectivement condamnables et inacceptables, tandis que les décisions réfléchies d’un personnel bien écolé garantiraient efficacité et correction pour le bénéfice de tous. Un fonctionnariat qualifié constitue une garantie de liberté pour les citoyens. Un fonctionnariat non qualifié, recruté par démagogie partisane, constitue une menace permanente et inacceptable pour la masse des citoyens.
Minghetti et ses disciples actuels énumèrent quelques tares majeures de ce système de partis:
Première tare: Les “démocraties” multipartites ont œuvré pour que soient exclues de l’administration toutes les personnalités compétentes. Celles-ci se sont recyclées dans le secteur privé, affaiblissant du coup les pouvoirs réels de contrôle de l’administration étatique.
Deuxième tare: le personnel administratif est recruté trop exclusivement parmi les juristes, dont la tendance est de vénérer le formalisme juridique au détriment de toutes les autres démarches de l’esprit. Depuis Minghetti, peu de choses ont changé en ce domaine.
Troisième tare: le personnel administratif, recruté par les instances partisanes, se ligue désormais en syndicats, qui interviennent lourdement dans les mécanismes de la décision politico-admininistrative. Ou bloquent la machine étatique pour obtenir des avantages de toutes sortes, salariaux ou autres. Le risque est patent: aucun correctif aux dysfonctionnements ne peut plus être apporté, s’il égratigne, même très partiellement, les intérêts immédiats et matériels des fonctionnaires syndiqués.
Quatrième tare: l’indépendance des juges risque de devenir lettre morte. Les collusions entre élus de la classe politique et magistrats entraînent des alliances fluctuantes entre les uns et les autres, au détriment des simples citoyens non encartés et non politisés.
Face à ces déviances, Minghetti suggère:
- Une réduction de l’aire d’intervention de l’Etat (c’est une option libérale classique);
- Une décentralisation administrative;
- De développer des méthodes de contrôle de l’administration;
- D’assurer une meilleure formation des fonctionnaires, en limitant le juridisme de leur formation antérieure et en créant de bonnes écoles de sciences administratives, où le savoir empirique est mis à l’honneur, au détriment des savoirs trop abstraits (ce vœu de Minghetti n’a quasiment pas été exaucé);
Conclusion: Minghetti a plaidé pour une déconstruction des appareils partisans, auxquels il reprochait de représenter un “catholicisme étatique” ou “un catholicisme des partis”.
Moiséï Jakovlevitch Ostrogorsky (1854-1918), critique des démocraties partisanes
- Russe de confession israëlite, Ostrogorsky a étudié et enseigné à Saint-Petersbourg, à Paris (à l’Ecole libre des sciences politiques) et aux Etats-Unis.
- Ses références sont Montesquieu et Tocqueville; sa pensée est influencée par Roberto Michels et Max Weber (qui, à son tour, tirera profit de son œuvre).
- Il participe activement à la vie politique russe et en 1906 il est député à la Douma pour le parti constitutionnel-démocrate (les “Cadets”).
- En France, son œuvre, rédigée en français, influence Charles Péguy et Charles Benoist (tous deux sceptiques à l’égard du suffrage universel).
Pour Ostrogorsky, les partis ne sont au départ que de simples associations privées, des regroupements de citoyens qui demandent éventuellement, sur le mode de la pétition, au pouvoir politique de légiférer dans tel ou tel sens. Au titre d’associations privées, les partis ne sauraient être considérés comme des agents institutionnels permanents. Mais comme ils le sont devenus, on peut légitimement admettre que la démocratie parlementaire n’est plus qu’une façade, derrière laquelle se déploie un système de décision occulte, arbitraire, orchestré dans les états-majors des grands partis.
Ostrogorsky ne réclame pas la suppression des partis, mais prône le dépassement voire le démantèlement des “partis permanents” et leur remplacement par des “partis ad hoc”, c’est-à-dire des regroupements politiques qui se constitueraient à intervalles réguliers et sous la pression des faits, pour obtenir telle ou telle réforme concrète et disparaîtraient de la scène une fois celle-ci obtenue). Ostrogorsky nommait “ligues” ou “initiatives à projet unique”, ces “formations ad hoc”, destinées à soutenir des candidats prêts à voter ou faire voter un projet. Bien qu’il ne l’ait jamais dit explicitement, le modèle d’Ostrogorsky semble avoir été les ligues françaises de la fin du XIXième siècle: Ligue des Patriotes (1882), Ligue des Droits de l’homme (lors du procès Dreyfus), Ligue d’Action Française (Maurras et Daudet).
La permanence des partis indique qu’ils ne sont pas là pour réaliser des réformes concrètes, utiles et urgentes pour la communauté populaire, mais pour promouvoir des “chefs” (des “bosses”) ou des oligarchies fermées, à l’aide d’une idéologie préfabriquée, irréaliste et démagogique, incapable d’appréhender les ressorts du réel, excitant une fraction des masses d’électeurs, utile seulement au recrutement de voix qui seront comptabilisées pour maximiser l’influence du parti et de ses chefs dans la société en général, en s’emparant d’autant de postes de commande que possible, afin d’amorcer la pompe à finances via les recettes fiscales.
Ostrogorsky constate que la fonction des masses dans la démocratie moderne n’est pas de gouverner, comme l’affirme la théorie démocratique, car elles n’en seraient de toute façon pas capables, même si on leur donne tous les instruments constitutionnels et juridiques pour le faire (législation directe, référendum, etc.). Dans tous les cas de figure, ce sont de petites minorités qui accèdent au gouvernement des pays. Ces minorités agissent pour concentrer le maximum de pouvoir autour d’elles: c’est ce qu’Ostrogorsky appelle “la loi de gravitation de l’ordre social”. Les masses servent de réservoir de voix pour des minorités alternatives, qui concentrent petit à petit du pouvoir autour d’elles. Les masses les servent pour intimider les gouvernants, qui risquent de perdre des plumes dans les “loteries électorales”, s’ils ne vont pas à l’encontre des désirs divers et souvent incohérents du gros de la population.
Face à ces minorités, les individualités non encartées, non inféodées aux formations de masse sont écrasées et tyrannisées par le biais de la police ou surtout de l’impôt. Dans cette société civile se cristalisent des contre-poids, qui ne sont toutefois pas assez puissants pour abattre tout de suite les oligarchies dominantes. Les citoyens non encartés doivent louvoyer entre les obstacles dressés par les oligarchies, parier sur les innovations techniques (cf. Schumpeter) pour contourner les interdits imposés par le régime en place, ou en appeler aux anciens résidus religieux, forces morales établies et avérées, éventuellement mobilisables contre le régime en place.
Finalement, le citoyen isolé n’a que très peu d’influence sur la désignation des candidats figurant sur les listes qu’on lui présente à chaque élection. Il peut créer l’opinion, en pariant tantôt sur l’héritage du passé tantôt sur les espoirs d’avenir, mais cette opinion qu’il exprime ou formule sera filtrée par les états-majors des partis, qui désigneront des candidats qui voteront selon les injonctions du parti et non pas selon les intérêts des citoyens qui les ont élus.
Le gouvernement est donc aux mains d’une classe politique, certes relativement ouverte —elle n’est pas une caste fermée— mais qui constitue néanmoins un groupe en soi. Elle gère le pays face à l’indifférence et la passivité des masses. Celles-ci ne sont pas davantage actives que du temps où toute opposition était absente et où il n’y avait pas de “démocratie” . Le droit de vote est considéré comme une évidence, mais on ne lui accorde par une grande valeur, on ne comprend pas clairement l’enjeu et le sérieux de ce droit. Cette ignorance générale des masses laissent aux minorités actives une large marge de manœuvre.
Ostrogorsky dénonce enfin le “formalisme politique” ou le “formalisme partisan”. C’est, dit-il, un ennemi de la raison, il oblitère la conscience individuelle et le courage civil. L’organisation de tout parti est toujours trop rigide, la doctrine idéologique est trop simpliste, les rituels annihilent les volontés et l’esprit critique. Certes, admet Ostrogorsky, toute forme culturelle implique organisation, doctrine et rituels, mais, dans le cas des partis politiques modernes, le degré d’organisation, le poids de la doctrine et des rituels ont dépassé la limite acceptable. Le parti ne sert plus à faire passer de l’innovation dans la société, à y injecter un surplus d’éthique, à restaurer des valeurs estompées, mais à couvrir d’un “voile de bienséance” les turpitudes et les corruptions des oligarques.
Ce formalisme, explique Ostrogorsky, est le nouveau visage de la tyrannie, qui a toujours, au fil des temps, changé sa face pour mieux se dissimuler aux naïfs et les tromper. La tyrannie est une hydre à mille têtes: inutile d’en trancher une, il en repoussera d’autres, sans discontinuité. La liberté est un idéal qui a du mal à s’implanter dans les têtes, alors que les hommes acceptent benoîtement la tyrannie, sous quelque forme qu’elle se présente. Vouloir changer ces dispositions de l’âme est un travail de Sisyphe.
Panfilo Gentile reprend le flambeau de Minghetti
Panfilo Gentile (1889-1971), politologue et célèbre journaliste italien, n’hésitera pas à parler de déviances mafieuses du système des partis. Les démocraties partitocratiques sont pour lui des “démocraties mafieuses”. Il écrit: «Quand le pouvoir est exercé au profit du parti [...] tout scandale est couvert par un vaste réseau de complicités. La responsabilité remonte très haut, implique les leaders et les sous-leaders du parti, les hommes du gouvernement [...] Les faits scandaleux sont alors ignorés et si des adversaires les dénoncent, on trouve le moyen de les minimiser». Ou encore: «Les oligarchies mafieuses, que les démocraties modernes tendent à produire, sont des oligarchies de petits bourgeois sans occupation fixe, imbus de cléricalisme idéologique, portés à l’intolérance et à l’esprit sectaire». «Mais les idéologies ne sont en réalité que de vieilles idées, devenues populaires [...]. Des schémas doctrinaires ont été créés qui trouvent tout à coup une codification intangible. Chaque parti a sa Torah, ses docteurs, ses pharisiens et ses zélotes. L’idéologisme porte à la cléricalisation des esprits. Les démocraties modernes reposent sur le dogmatisme universel, même si l’on admet théoriquement la concurrence entre une pluralité de dogmatismes».
Le tableau est planté. Panfilo Gentile, disciple de l’école élitiste italienne (Gaetano Mosca, Vilfredo Pareto, Roberto Michels), a dénoncé, vingt-cinq ans avant les scandales politiques italiens du début des années 90, les mécanismes corrupteurs de la partitocratie. Ceux-ci se développent à partir des linéaments idéologiques suivants:
1. Le marxisme intellectuel, religionnaire, considéré comme l’ersatz d’une eschatologie ou d’une sotériologie religieuse (==> PCI). Les formations politiques qui se réclament de cette sotériologie laïque sont prêtes à mobiliser toutes les ressources sans hésitation pour accéder au pouvoir, prélude à l’avènement d’un modèle social, posé d’emblée comme définitif.
2. L’ingérence constante des ecclésiastiques dans la politique, dans l’espoir de forger un “parti unique des catholiques” (==> DC). Ce parti unique devra barrer la route à tous les autres et s’étendre à toutes les strates de la population.
3. L’engouement pour les programmations économiques et le planisme irresponsable, conduisant à énumérer toutes les choses désirables à réaliser, … sans couverture financière réelle. Une fiscalité lourde étant censée alimenter le financement de ces projets fabuleux.
4. L’infiltration par les partis, mus par les idéologèmes que nous venons d’énumérer, de tous les rouages de l’Etat.
Dans l’Italie des années 60, la partitocratie, disait Gentile, est un “clérico-marxisme”, ou, disait Augusto Del Noce, un “catho-communisme”. Elle a conduit à “une politique purement démagogique qui a accumulé déficit sur déficit et a fragilisé l’économie”. C’est le “système de la carte du parti qui a pollué l’appareil bureaucratique et les pouvoirs de l’Etat. Un régime ainsi stratifié et consolidé semble aujourd’hui pratiquement impossible à modifier et à restructurer”. Dans un interview accordé en 1969, Panfilo Gentile précise sa pensée: «En d’autres mots, les démocraties mafieuses sont des régimes basés sur la détention de la carte du parti, tout comme dans les véritables régimes totalitaires. La différence entre les deux systèmes, c’est que dans les régimes totalitaires, il n’y a qu’un seul type de carte, tandis que dans les “démocraties mafieuses”, on consent à l’existence de plusieurs types de carte; mais il s’agit de cartes finalement “confédérées” au sommet et, en définitive, cela revient au même, c’est comme s’il n’y avait qu’une carte unique; celle au singulier du régime totalitaire ou celles au pluriel des régimes partitocratiques, sont toutes génératrices de privilèges, octroyés par ceux qui sont au pouvoir [...]. Alors, quand de tels régimes se constituent, les oppositions n’ont plus de place [...]. Les oppositions sont reléguées dans une espèce de ghetto invisible. Les détenteurs du pouvoir détiennent également le monopole des moyens de propagande et de persuasion occulte. Les éditeurs, la presse, les prix littéraires, les subventions aux théâtres et aux cinéastes sont invariablement soumis à une insupportable discrimination politique».
Les seize tares majeures de la partitocratie selon Gonzalo Fernandez de la Mora
Pour Gonzalo Fernandez de la Mora, ancien ministre d’Espagne, philosophe du politique de réputation internationale, directeur de la revue Razon española (Madrid), jette un regard critique sur les pratiques des partitocraties et y décèle seize contradictions majeures:
1. Les partis de la partitocratie subissent un processus d’oligarchisation interne:
Selon la loi mise en exergue au début du siècle par Roberto Michels, c’est-à-dire la “loi d’airain des oligarchies”, les partis tendent à se fermer sur eux-mêmes, à se hiérarchiser et à renforcer la puissance de leurs appareils. Ce processus relègue les bases à l’arrière-plan, celles-ci ne sont autorisées à voter que pour un délégué désigné par la direction. L’impulsion est donc autoritaire et non populaire. L’ensemble des adhérents aux partis en compétition n’excède jamais 5% de la population. Les partis sont donc de toutes petites minorités qui prennent arbitrairement en charge la totalité des électeurs.
La contradiction est donc flagrante: les partis ne sortent en aucun cas du cycle des oligarchies qu’ils avaient prétendu abolir au nom de la démocratie.
2. Les partis de la partitocratie impliquent une professionnalisation de la politique.
Les membres des oligarchies partisanes se transforment rapidement en professionnels de la lutte pour le pouvoir. Mais ces professionnels ne se cantonnent pas dans un domaine précis, pour lequel ils auraient effectivement des compétences dûment sanctionnées par l’université ou une grande école. Les “professionnels de la politique”, au contraire, ne sont spécialistes de rien et se retrouvent tour à tour présidents d’une banque publique, directeurs d’un réseau ferroviaire, d’un service hospitalier, d’un service postal, d’une commission de l’énergie nucléaire ou ambassadeurs dans un pays dont ils ne connaissent ni la langue ni les mœurs. Nous nous trouvons dès lors face à un personnel non spécialisé, dépourvu de compétences, mais posé arbitrairement comme “omnivalent”.
La contradiction est également flagrante ici: les partis se présentent comme des agences efficaces, capables de placer au poste ad hoc les citoyens compétents, sans discrimination d’ordre idéologique, mais ne casent finalement que leurs créatures, en excluant tous les autres et en n’exigeant aucune compétence dûment sanctionnée.
3. Les partis provoquent une crise de l’indépendance.
L’idéal démocratique, c’est d’avoir des assemblées de notabilités capables de juger les choses politiques en toute indépendance et objectivement. Le système des partis coupe les ailes à ceux qui souhaitent se présenter en dehors de toute structure partisane. En effet, le parcours du candidat-député indépendant est plus long et plus difficile. Même s’il réussit à se faire élire, il aura des difficultés à faire entendre sa voix, face aux verrous placés par les partis dans la sphère des médias et de la presse.
La contradiction est une nouvelle fois patente: les partis annoncent qu’ils sont démocratiques, qu’ils défendent la liberté d’expression de tous indistinctement, mais, par leur action et leur volonté de tout contrôler et surveiller, il semble de plus en plus difficile de se porter candidat en dehors de leurs circuits.
4. Les partis provoquent l’appauvrissement de la classe politique.
Les oligarques des partis tendent à recruter des adjoints fidèles et naïfs incapables de leur porter ombrage ou de les dépasser. Conséquence: le niveau intellectuel et moral du parti s’effondre. Les ficelles sont tirées par des démagogues conformistes et peu compétents. Les quelques talents qui s’étaient perdus dans les coulisses des partis sont progressivement mis sur la touche ou quittent le parti, dégoûtés.
La contradiction est nette: les partis ne sont nullement des agences qui assurent la promotion des meilleurs, mais, au contraire, qui sélectionnent et propulsent aux postes de commande les plus médiocres et les plus corrompus.
5. Les partis éclipsent le décor politique.
Les états-majors des partis sont tenus à une certaine loi du secret. Ils ne dévoilent jamais entièrement leurs batteries. L’information qu’ils fournissent aux citoyens est souvent mensongère et biaisée.
Contradiction: l’électorat, censé choisir clairement ses dirigeants, ne reçoit que des informations tronquées et maquillées. L’électorat n’est pas informé mais désinformé. Ses choix sont dès lors peu raisonnables.
Le décor politique devient flou, vu les dissimulations et la polysémie de langage dont usent et abusent les oligarchies politiciennes. On ne sait plus qui défend quoi.
6. Les oligarchies partisanes spolient l’électorat.
Si de larges strates de l’électorat ne se retrouvent pas dans les principaux partis, si les candidats indépendants n’ont pratiquement aucune chance de faire passer leur programme, l’électorat n’a plus d’autre possibilité que l’abstention. Mais celle-ci, par la magie électorale, se transforme en appui à la majorité.
Contradiction: non seulement les oligarques partisans cumulent les voix de leur propre clientèle (ce qui est logique), mais ils “rackettent” celles des opposants silencieux qui s’abstiennent. La démocratie partitocratique, qui avait claironné qu’elle serait plus représentative que les formes antiques et médiévales de la représentation populaire, constitue de fait une régression. Le citoyen n’a plus la liberté de ne pas être client, de vaquer tranquillement à ses occupations professionnelles, à ses devoirs familiaux, avec l’assurance d’être traité en toute équité en cas de problème. Il n’est plus perçu comme un homme libre, capable de faire un choix judicieux, qu’il s’agit de respecter, mais comme le réceptacle docile de propagandes simplistes, distillées par les bureaux des partis.
7. La partitocratie est un réductionnisme d’ordre éthique.
Sur le plan éthique, le système des partis constitue également une régression dangereuse:
1. Tous les adversaires de ce système sont dénoncés comme des “ennemis de la démocratie”, dénonciation qui équivaut à celle de “satanisme” dans les procès de sorcellerie au moyen-âge. Or comme le terme de démocratie recouvre un océan de définitions divergentes, on peut condamner même la personne la plus innocente, en la désignant comme “ennemie de la démocratie”. Les partitocraties montrent par cette pratique qu’elles ne respectent aucune opinion qui serait susceptible de leur porter ombrage.
2. Les partis, pour fonctionner dans les partitocraties, pompent énormément de deniers publics, y compris auprès de ceux qui n’ont pas voté pour les formations du pouvoir. Si ceux-ci émettent des protestations, ils sont accusés de ne pas être “solidaires”. Les oligarques utilisent le réflexe de l’éthique de la solidarité pour justifier une spoliation, dont les victimes ne peuvent se défendre ni par le biais des tribunaux politisés ni à travers le travail des chambres qui sont muselées.
3. Les partis ont fait voter des lois qui leur permettent de récupérer en dotations publiques leurs frais de fonctionnement ou de propagande. Le procédé est malhonnête car ces sommes ont été levées par coercition, sans qu’aucun contribuable ne puisse y échapper. Pour Gonzalo Fernandez de la Mora, «c’est, assurément, la forme la plus répugnante de rapine à main armée que celle qui s’exerce par les armes de l’Etat et en marge de la légalité comme dans le pire des féodalismes, mais en proportions incomparablement supérieures».
8. L’instrumentalisation des parlementaires.
La discipline qu’imposent les partis-machines aux députés qui ont été élus sur leurs listes est telle que le parlementaire ne peut plus émettre, dans les assemblées, un vote divergent de celui qu’ordonne le parti. Sinon, il est marginalisé voire exclu des prochaines listes électorales. La liberté individuelle du parlementaire est ainsi annulée.
9. Le paradoxe des transfuges.
Le transfuge, qui, à la suite d’un désaccord ou par pur opportunisme, change de liste ou de parti, conserve son mandat et commet une double fraude: à l’égard de ses anciens dirigeants et à l’égard de ses électeurs. Mais la partitocratie admet ce genre de procédé, montrant ainsi la dépersonnalisation totale du député, qui devient un pion interchangeable.
10. les partis provoquent la dévaluation intellectuelle des chambres.
Les projets de la majorité sont présentés au parlement. L’opposition minoritaire n’a que quelques minutes pour préparer ses réponses ou suggérer des amendements. Il est donc impossible, de cette manière, de lancer un débat de fond et de développer des arguments approfondis, raisonnables et cohérents. Les chambres déchoient ainsi en fictions rhétoriques, en spectacles.
11. Les partis provoquent la dévaluation politique des chambres.
Comme l’exécutif procède de la majorité parlementaire, et que celle-ci est composée de députés dociles, dont le vote est parfaitement prévisible, les chambres perdent leur rôle politique: celui de critiquer l’exécutif, de lui imposer des amendements, de le faire tomber le cas échéant. La partitocratie confisque aux chambres leur rôle dans le fonctionnement de la démocratie.
12. Les partis dévaluent le rôle des chambres sur le plan fiscal.
Les chambres sont nées justement pour limiter le pouvoir du souverain et surtout pour freiner ses appétits économiques. Les chambres sont là pour défendre les citoyens, faire en sorte que ceux-ci ne paient que le strict nécessaire en matière d’impôt. Dans les assemblées d’origine, les chambres s’opposent aux exagérations du Prince. Dans les partitocraties, au contraire, elles se transforment en assemblées dociles qui entérinent les décisions de l’exécutif et ne défendent plus les intérêts des citoyens. Ce qui est une entorse supplémentaire au principe de la représentation démocratique.
13. Les partis dévaluent le rôle législatif des chambres.
Les chambres ont été créées pour contrôler le Prince ou le pouvoir exécutif en exerçant leurs compétences légiférantes. Les lois devaient ainsi être forgées pour le bénéfice du peuple, en le soustrayant à tout arbitraire du Prince ou de l’exécutif. Dans les partitocraties, ce rôle de légiférant-protecteur est annulé, dans la mesure où la majorité parlementaire entérine formellement les textes que l’oligarchie partisane a décidé de transformer en lois. L’idée inspiratrice de ces textes vient du chef ou de l’état-major et de leurs conseillers et non pas des membres de l’assemblée, qui n’ont même pas l’obligation de les lire!! les chambres déchoient ainsi en un espèce de notariat collectif qui accorde une sorte de caution publique à des textes composés et décidés ailleurs. Conclusion: la capacité législative des chambres dans les partitocraties décroît, jusqu’à atteindre le point zéro.
14. Le pouvoir des partis dans une partitocratie conduit à l’irresponsabilité du gouvernement.
En théorie, le gouvernement est responsable devant les assemblées. Dans les partitocraties, où il y a une majorité stable, il a les mains absolument libres et n’est même plus obligé de tenir compte de l’opposition. Il s’accorde l’impunité et compte sur la mémoire courte des électeurs, qui oublieront ses trafics avant les nouvelles élections.
15. La partitocratie conduit à la politisation de l’administration.
On peut parler d’une politisation de l’administration, dès que les fonctionnaires agissent dans le sens que leur dicte leur parti, ne cherchent plus à appliquer l’ordre juridique en place et ne respectent plus le principe de l’équité. L’oligarchie partitocratique peut ainsi politiser l’administration, en limitant son accès à ses affiliés ou ses sympathisants ou en octroyant des récompenses et des promotions à ses seuls féaux. Nous avons assisté à l’émergence d’une sorte de népotisme collectif. Toute administration politisée est par définition partiale et donc injuste.
16. La partitocratie conduit à la fusion des pouvoirs.
L’idéal démocratique de Montesquieu, repose, pour l’essentiel, sur la séparation des pouvoirs. Depuis des temps immémoriaux, les hommes savent que l’on ne peut être à la fois juge et partie. Gonzalo Fernandez de la Mora écrit: «Pour faire en sorte que l’indépendance du pouvoir judiciaire ne soit pas diminuée ou annulée par des normes que le pouvoir exécutif fabrique à son bénéfice exclusif, il faut que le pouvoir législatif soit indépendant du pouvoir exécutif [...] (Mais) dans les partitocraties [...] le pouvoir exécutif assume de fait le pouvoir législatif et tend à influencer aussi l’interprétation et l’application des lois [...]. Le mode le plus efficace pour atteindre de telles fins est d’intervenir dans la nomination et le placement des magistrats».
Conclusion
Le constat de Gonzalo Fernandez de la Mora est simple: la partitocratie tend à confisquer à son profit tous les pouvoirs, en noyautant l’administration par placement de ses créatures, en intervenant dans la nomination des magistrats, en annulant l’indépendance des parlements et des députés. Elle est ainsi la négation de l’Etat de droit (qu’elle affirme être par ailleurs), parce qu’elle désarme les gouvernés face aux erreurs et aux errements de l’administration et face aux abus d’autorité. La fusion des pouvoirs, au bénéfice d’un exécutif de chefs de partis, correspond à ce que les classiques de la science politique nommaient la tyrannie. Même la dictature provisoire à la romaine respectait l’indépendance des juges et garantissait ainsi l’équité. Outre l’anarchie et la loi de la jungle, l’installation de tribunaux partiaux et partisans est la pire des choses qui puisse arriver à une communauté politique. Les événements de Belgique l’ont prouvé au cours de ces dernières années.
Robert Steuckers http://robertsteuckers.blogspot.com/
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