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  • La loi Taubira : une erreur électorale pour le PS

    Le démographe Hervé Le Bras est interrogé sur Rue89. Extraits :

    Comment interprétez-vous l’ampleur des manifestations contre le « mariage pour tous » ? Pouvait-on prévoir un tel mouvement ?

    Dans notre livre, nous avons pointé ce qu’on a appelé « le catholicisme zombie » : malgré la disparition quasi complète de la pratique religieuse, qui ne concerne plus que 6% des Français, et 1% des 18-24 ans, il reste une manière de vivre, nous disons une « anthropologie » façonnée au cours des siècle par l’Eglise catholique. [...] Avec le « mariage pour tous », le PS vient à mon avis de s’aliéner ce qui a été à la base de son succès lors des dernières élections. C’est une erreur électorale énorme. Il ne pouvait peut-être pas le prévoir.

    [...] Les gens ne sont pas tout d’un coup revenus à l’Eglise à la faveur du débat sur le « mariage pour tous » ! Si le catholicisme reste présent en France, c’est de façon sous-jacente, par l’attachement à des valeurs.

    [...] L’opinion française est de droite, oui. Elle est attachée à la propriété, au maintien des hiérarchies, elle entretient une méfiance vis-à-vis de l’étrange. Et elle se droitise. Constater cela peut sembler bizarre alors que la gauche détient tous les postes électifs ! [...]"

    Michel Janva http://www.lesalonbeige.blogs.com/

  • Inde : un recensement aux allures de dictature mondiale

    [Article de Laurent Glauzy en exclusivité pour Contre-info]

    Depuis avril 2010, l’Inde s’est dotée d’un équipement numérique pour scanner l’iris et les empreintes digitales de sa population. Cette technologie de pointe servira à recenser plus de 1,2 milliard d’habitants. Soutenu par des programmeurs indiens en exil dans la Silicon Valley, un de leur compatriote qui a fait fortune dans les technologies de l’information, a mis au point une organisation gigantesque pour faire face aux exigences du plus important recensement jamais pratiqué. Alors que l’Inde montre une grande ferveur technologique et aspire au pouvoir mondial, les instances politiques ne savent pas de manière précise combien de personnes vivent sur ce territoire. Des centaines de millions d’Indiens n’ont aucun papier d’identité. Une armée d’informaticiens s’est donc mobilisée pour conduire une immense population d’« invisibles » dans
    le monde moderne. Le projet biométrique s’appelle Aadhaar, traduit par le mot « base » (1).

    Un numéro d’identité unique et valable à vie

    Une Indienne se présente avec tout ce qu’elle possède : des colliers en argent, des bracelets et son bien le plus précieux, des ornements du même métal décorant ces nattes. « Cela fait en tout dix kilos. C’est un peu comme une assurance vie», dit-elle avec fierté. Appartenant au peuple nomade des Lambadas, cette femme de cinquante ans n’est
    pas répertoriée par l’administration : elle ne possède pas de compte en banque, aucun logement fixe et aucun papier d’identité. « Officiellement elle n’a rien », confirme Srinivasa Rao, un des responsables chargés du recensement. La mission de ce fonctionnaire est de changer cette réalité.

    Une petite maison de Harshaguda, village situé à proximité d’Hyderâbâd (Etat fédéral d’Indhra Pradesh) dans le sud de l’Inde, accueille des villageois pour procéder à leur enregistrement. Une paysanne tire du pli de sa robe-portefeuille quelques documents administratifs avec lesquels elle peut « justifier » son existence. Ce sont la copie froissée d’une vieille facture d’électricité, la carte pour des rations alimentaires et une carte d’électeur. « C’est celle de mon mari. La mienne a été mangée par les rats », expose-t-elle avec confusion. S. Rao lui montre le scanner qu’il va poser devant ses yeux. « Je n’ai jamais vu pareille chose », s’exclamet-elle. Les yeux grand ouverts, elle fixe l’objet. « Nous avons enregistré les caractéristiques de votre iris », l’informe Rao. Pour effectuer le prélèvement des empreintes digitales, elle doit à présent poser ses mains sur la plaque de verre d’un autre appareil. Un reçu lui est remis pour attester qu’elle a bien été recensée. S. Rao lui explique que dans deux semaines, le facteur lui apportera un numéro unique et valable à vie composé de douze chiffres. Ce sera son identité.

    « Personnes n’a osé utiliser ce processus à une telle dimension », expose S. Rao. Chaque jour, il voyage avec un système de transmission de données sur les chemins cahoteux des campagnes. En Inde, à cause de la corruption et de la mauvaise gestion, de nombreux projets audacieux sont demeurés inexploités. Les scientifiques et les politiciens ont confiance dans le succès de cette initiative révolutionnaire. Nandan Nilekani est à l’origine du projet consistant à former un fichier à partir d’informations personnelles. Agé de cinquante-cinq ans, il est un des Indiens les plus riches du pays, un milliardaire qui s’est fait à la force du poignet. Cofondateur d’Infosys, géant indien de prestation de services informatiques (Software) fondé en 1981 et employant plus de quatrevingt mille personnes, il est surnommé le « Bill Gates de Bangalore ».
    N. Nilekani porte ce surnom avec fierté en raison des bienfaits de son exemple américain. « Je veux mettre ma main-d’oeuvre au service du peuple », affirme ce pionnier, pendant que les coups de klaxons et les cris de la rue pénètrent dans son bureau de New Dehli.

    100 millions d’enregistrements d’ici la fin 2012

    Le Premier ministre Manmohan Singh lui confia personnellement le projet Aadhaar et le convoqua comme un membre du cabinet. Pour annoncer le projet, N. Nilekani a fait composer une chanson qui passe sur les ondes en une dizaine de langues différentes. « Les gens viennent dans un magasin à vélos, et ils entendent la chanson », se réjouit l’homme d’affaires. Le Projet d’identification unique, appellation officielle pour le grand recensement des Indiens, est une forme de consécration pour le géant des technologies de l’information. Afin de mener à bien cette initiative, N. Nilekani a fait venir les meilleurs experts indiens du Software travaillant aux Etats-Unis pour Sun, Oracle et Microsoft.
    Une grande majorité d’entre eux répondit favorablement à l’appel. Ils construisirent une entreprise start-up appartenant à l’Etat. « Au début, nous avons loué un appartement à Bangalore », déclare le milliardaire.
    La technologie de l’information servira pour sa part à optimiser l’outil.
    Un Software de cryptographie sera ensuite nécessaire pour que les pirates de l’informatique ne puissent pas s’emparer des données.
    Le peuple indien constitue un nouveau défi pour les informaticiens.
    Afin que plus d’1,2 milliard de personnes soient enregistrées sans risque de doublons, ces derniers veulent savoir combien d’informations personnelles seront nécessaires. N. Nilekani répond que « même la banque de données du FBI contient seulement une centaine de millions de personnes. Nous avons décidé de scanner les empreintes digitales des dix doigts et en plus celles de l’iris des deux yeux. Chez les personnes travaillant péniblement, au cours de leur vie, les empreintes digitales peuvent disparaître ». Et parmi les Indiens les plus pauvres, faute de soins, l’iris peut devenir opaque. Le Software condense sur deux mégabits chaque enregistrement. Ce projet pharaonique demandera beaucoup de temps. Il est prévu que les premiers cent millions d’enregistrements soient répertoriés d’ici la fin 2012, et les six cent autres millions pour les quatre années suivantes.
    Le comité directeur d’une banque soutient N. Nilekani. Le directeur de la banque pense que « ce projet a l’envergure d’un prix Nobel ». Il a signé un contrat pour avoir l’autorisation de participer au recensement en scannant l’iris et les empreintes digitales de sa clientèle. Un compte en banque est attribué en même temps qu’un numéro d’identité. N. Nilekani considère ce procédé comme un bienfait, car « sans compte en banque, des millions d’Indiens sont privés de l’accès au crédit et sont condamnés
    à rester dans la misère ». Le milliardaire a écrit un livre dans lequel il étaye sa vision : Imagining India est un Best-seller vantant la globalisation et les bienfaits d’Internet qui, selon lui, sont un excellent moyen pour dynamiser l’économie. Dans les villages isolés de l’Andhra Pradesh, le recensement est devenu un signe d’espoir pour sortir de la pauvreté.
    C’est le cas de Tummuluru et de ses 3 500 habitants, souhaitant que le XXIe siècle tombera sur leur village comme une pluie de mousson.
    Un paysan s’est vêtu de sa chemise blanche pour se présenter au recensement avec sa femme brillant de mille éclats dans son sari. Le couple est accompagné de ses trois filles vêtues de l’uniforme blanc-bleu de l’école. Avec son numéro d’identité, l’homme désire être le premier à ouvrir un compte. « Je veux économiser pour ouvrir une épicerie », confie-t-il. Cultivateur de riz, il ne veut plus vivre avec quarante euros par mois. Un compte en banque, des papiers d’identité et un numéro de recensement l’aideront à sortir de la précarité.

    L-1 Identity Solutions en relation avec le FBI et la CIA

    Le paysan, un intouchable, est persuadé qu’Aadhaar deviendra une première étape pour sortir du système traditionnel des castes. Usha Ramanathan, avocate à New Dehli et opposante la plus marquée contre Aadhaar n’est pas de cet avis. Elle affirme qu’« avec le projet de biométrie, le système de caste se trouve directement cimenté. Même des personnes qui ont réussi dans les villes, peuvent être rattrapées par leur origine à cause du digital ». N. Nilekani se gausse de ces paroles : « On relève seulement les données essentielles. Le nom, l’âge, le sexe, qu’y a-t-il de problématique à cela ? » Le milliardaire ne dit pas que les Etats fédéraux sont autorisés à rentrer des données supplémentaires. Dans l’Indhra Pradesh, les candidats au recensement doivent renseigner plus de quinze domaines, y compris celui de la caste d’appartenance. Face à cette ingérence de la biométrie, « seulement une personne a refusé d’indiquer son origine », souligne U. Ramanathan, ajoutant que « les plus démunis n’ont pas le choix : sans enregistrement, pas de ration alimentaire ». Elle redoute également le vol et la mauvaise utilisation des données : l’entreprise américaine L-1 Identity Solutions qui dispose des meilleurs liens avec le FBI et les services secrets de la CIA, collabore à la mise en fonction d’Aadhaar.

    Laurent Glauzy http://www.contre-info.com
    Article tiré de Atlas de géopolitique révisée, tome II

    (1) « qaida » en arabe, se traduit par la « base ». Des orientalistes comme Nadine Picaudou (historienne et chercheuse au Centre d’études et de recherches sur le Moyen-Orient contemporain) attribuent à cette mouvance la valeur sémantique de « base de données (informatiques) ». Notre monde se dotant d’un lexique ésotérique, compterait ainsi différentes formes de « bases ».

  • Regards sur la France actuelle

    Tout n'est, en fait, qu'une question de mémoire. Et l'on sait combien la mémoire est l'un des facteurs essentiels de la personnalité et de l'identité. Mais l'on connaît aussi ses limites, ses failles, ses approximations, ses certitudes mensongères, ses élaborations rétrospectives, ses oublis sélectifs, ses anachronismes...
    J'ai souvenir d'un passage du célèbre film d'Abel Gance, Napoléon, où était égrenée par les sentinelles de nuit de l'Armée d'Italie, en guise de mots de passe, des nom de batailles cruciales pour notre pays, Bouvines, Rocroi, Fontenoy... Je me demande si ces souvenirs glorieux qui, manifestement, signifiaient encore quelque chose pour des Français de 1927 (le cinéma étant une industrie culturelle de masse), présentent encore quelque intérêt pour le consommateur spectateur de 2013, et surtout pour la grosse classe moyenne, qui constitue le ventre mou de la société en même temps que sa conscience.
    Quelle conscience, au juste ?
    On pourrait s'appuyer sur l'instinct qui, comme la Terre, ne saurait mentir. Un de Gaulle, par exemple, comme beaucoup d'hommes et de femmes nés à la fin du dix-neuvième siècle, affirmait la permanence des peuples, la persistance de leurs traits distinctifs, qui, après une catastrophe, pouvaient reparaître comme une source résurgente. Un instinct, donc, se manifeste, quel que soit le moment, et même, quel que soit le lieu. Le peuple québécois, perdu dans la masse anglo-saxonne, exprime, malgré tout, le génie d'une France qui l'avait pourtant abandonné.
    La geste gaullienne serait une illustration convaincante de cet acte de foi dans la pérennité de la Nation. Cette mystique n'est d'ailleurs pas sans supposer une traduction politique, car entre l'expression de cette identité singulière et ce qui en fait l'incarnation, le peuple, il ne saurait y avoir que des intermédiaires qui en opacifient le rapport, et le trahissent parfois.
    On mettra de côté la question d'une problématique « race » française, dont on sait qu'elle n'existe pas d'un point de vue génétique, à moins d'en saisir le sens dans une acception fort large, qui se rapporterait à une filiation historique, à une généalogie patriotique, qui ne saurait être, pour un pays comme la France, qu'intimement liée à la structuration d'un Etat générateur d'un espace unifiant des « ethnies » diverses.
    L'imaginaire vaut autant, en Histoire et en politique, que des faits en apparence plus solides. L'essentiel, pour appréhender la France actuelle, est de savoir ce qui en fonde la mémoire. On reste très circonspect en ce domaine, et une enquête exhaustive serait opportune, notamment chez les plus jeunes.
    Quoi qu'il en soit, les événements récents ont pris des allures de divine surprise pour maints commentateurs « nationaux » de la chose publique. Le mouvement de protestation contre la loi Taubira, la « manif pour tous », dont la figure emblématique est Frigide Barjot, et sa déclinaison plus politique, le « Printemps français », conduit par Béatrice Bourge et, en sous-main, par des groupes identitaires ou traditionalistes, comme Civitas, donne l'impression jubilatoire du « revival » d'une France méprisée et occultée par les élites qui se révèle enfin. Un coming out national, en quelque sorte. La population silencieuse, qui paie ses impôts, élève correctement ses enfants, respecte les lois, sinon même les traditions, semble se lever, s'insurger contre un désordre éthique, destructeur de la société, de nos usages et de nos valeurs.
    Les rêves de révolte, de « mai 2013 », d'explosion politique, nourris par le ressentiment social croissant, les déconvenues de l'équipe au pouvoir, qui poursuit, sur le même chemin néfaste que les dirigeants de droite qui l'on précédée le travail de destruction de notre pays, n'ont pas manqué de se manifester ici ou là. Et certes, la colère populaire est telle qu'une étincelle peut mettre le feu, comme il suffit d'une extension de la lutte des étudiants, en 1968, pour que le « mouvement du 22 mars » devînt ce que l'on a appelé les « événements », et même parfois la « révolution », en tout cas une explosion qui a pu prendre des allures insurrectionnelles. Il faut se replonger dans les détails de cette période pour prendre la mesure du désarroi de l'Etat de ce temps, qui n'est pas sans rappeler les errances du pouvoir actuel.
    Cependant, une simple évaluation rétrospective permettra de remettre, si l'on ose dire, les pendules à l'heure. C'est devenu un truisme, maintenant, que de rappeler comment les chefs des groupuscules gauchistes de la fin des trente glorieuses, qui voulaient renverser Babylone pour instaurer un régime égalitaire, sont devenus les éléments les plus performants de la nouvelle société postmoderne, décomplexée, adepte du fric roi, de la manipulation idéologique cynique et de la destruction de tout ce qui fonde une vie décente. Les Gracques sont devenus des Néron, sans grosse crise d'identité. On croyait renouveler une Spartes à la sauce chinoise, on s'est retrouvé dans un fast food.
    Les années soixante, en France, sont une période que l'on se garde bien de rappeler, sauf sur le mode de la dérision. Elles n'apparaissent pas seulement comme une ère « miraculeuse » de croissance économique, privilège qui n'appartient pas seulement à la France d'alors, mais, à la lumière de l'effondrement universel des quatre décennies dernières, comme une tentative de renforcement de la communauté nationale par l'action volontariste de l'Etat, un môle de résistance au déferlement américain et à l'agression communiste. Quelle ne fut pas la surprise des partisans du général de Gaulle de constater combien la fracture était abyssale entre une France officielle, orgueilleusement ac-boutée sur un passé glorieux, archéomoderniste, si l'on peut dire, essayant de tracer une « troisième voie » équilibrée entre socialisme et libéralisme effréné, et une France sourdement minée par la société de consommation, hédoniste, soucieuse d'accumulation de biens de consommation et de bonheurs privés, attentive aux messages de « libération » sexuelle, d' « épanouissement » et d'expression décloisonnée. Il est intéressant de suivre les débats qui eurent lieu, à ce sujet, notamment dans le domaine éducatif.
    On appellera « américanisme » ce courant universel qui emporta presque tout, y compris une certaine Amérique. C'est un mouvement qui s'appuie puissamment sur ce que l'individu comporte de plus faible en lui, et qui nie tout aussi bien la dimension tragique et la tentation héroïque de l'homme.
    Jamais une évolution historique ne s'est réalisée à une telle vitesse. Le temps s'est accéléré, et une rupture générationnelle a scindé le siècle. La génération née dans les années soixante a été profondément marquée par les nouveaux habitus, qui se traduisent aussi bien dans les goûts, les comportements, que dans les tics physiques. La télévision montre maintenant volontiers des visages, par exemple ceux des présentateurs de journaux, dont la physiologie, l'apparence, le « look », le style, les mimiques, singent les expressions américaines ; et l'on voit même ces facies dans les relations quotidiennes, les tonalités de langage, les remuement d'yeux et de bouche, les stéréotypes de langage, directement puisés dans les séries hollywoodiennes. Et combien de nos compatriotes, maintenant, s'adressent à autrui en mâchouillant la petite gomme!
    Les revendications récurrentes d'une « bouffe » saine, de la nécessité de prendre le temps de vivre, d'échapper aux contraintes de la société moderne, se présentent de plus en plus comme des slogans qui prennent à contre-pied la réalité manifeste d'une existence de plus en plus dévorée par l'american way of life. Et si une telle nécessité, imposée par les conditions de travail, de transport, la déstructuration de la vie familiale, a pu susciter un certain malaise pour ceux qui étaient habitués à un régime plus authentique, la génération récente n'y voient plus aucun inconvénient, comme elle prise sans réel problème la musique populaire produite par des groupes français, mais accompagnée de paroles en anglais.
    La vie sociale et politique n'est pas indemne de cette contamination. Le style américain a imprégné nos réflexes et notre vision de l'action. La judiciarisation s'est immiscée partout, et il n'est guère plus de domaines où il soit permis de faire intervenir la justice, tant individuellement que collectivement. Tout est devenu matière à chicane, travers qui engraisse particulièrement la gente avocaillonne. Même phénomène pour la secte des psychologues, adepte des cellules payées aux frais du contribuable. Il faut de même travailler sa libido, son mental, et coacher sa carrière. Si l'on ne se satisfait pas de la vie matérialiste, on peut opter pour la religiosité, qu'on offre à la carte. Et comme on est soit victime, soit coupable, dénonciations, pénitences sont de règle. Les tribulations de DSK et Cahuzac donnent le ton de ce que devient notre vie politique, qui va immanquablement échouer de plus en plus dans des émissions d'auto-critique télévisuelle, entre quatr(z) yeux, avec gros plans et voix mélo-dramatisées, shows grotesques importés des USA.
    De même, comme l'on sait, le système politique ressemble de plus en plus au duo démocates/républicains. C'est une évolution sur laquelle on ne reviendra pas, mais qui enferme tout débat dans un faux dilemme, entre deux styles possibles d'une même réalité civilisationnelle. Le choix étant ce qu'il est, il est normal que, comme en Amérique, l'abstention soit de plus en plus fréquente, d'autant plus que les « grands candidats » sont de plus en plus sélectionnés lors de « primaires », sans compter le poids des revendications ethniques et confessionnelles.
    Les relations avec l'agent ont pris aussi cet aspect obscène des perversions exhibitionnistes, puisqu'il n'est désormais plus « tabou » d'en révéler crûment l'intérêt qu'on y porte, sinon même l'amour qui lie à lui. C'est ainsi que Sarkozy révélait élégamment son « projet de vie » postprésidentielle : "Je fais ça [président] pendant cinq ans, et ensuite, je pars faire du fric comme Clinton, 150 000 euros la conférence." Ce qui fut fait, il est vrai à la suite d'américanophiles avérés comme Gorbatchev ; Schröder, Aznar, Blair... L' « empire » sait rétribuer, par des gages substantiels, ses domestiques. Les « affaires » qui défraient la chronique depuis un certain temps ne sont guère que des « accidents » d'une tendance lourde, qui mêle existence et flouze. Nos écoliers ont désappris à rêver d'être constructeurs de ponts pour s'imaginer financiers...
    Ce ne sont là que des « signes » d'une américanisation qui a gangrené sournoisement la France, une France qui n'est plus dans la France. Et il serait hasardeux, si l'on n'y prête attention, de considérer que tout ce qui bouge contre sa représentation officielle, aussi répugnante à tout point de vue soit-elle, en est l'exact opposé.
    Le cardinal André Vingt-trois, souvent très perspicace, dans un entretien récent au quotidien La Croix, a tenu à mettre en garde conte certaines illusions sur un hypothétique « revival » de l'Eglise « […] notre expérience ecclésiale française véhicule une vision inconsciente d’une coïncidence entre l’Église et la société, entre l’Église et le pouvoir. Coïncidence qui n’est plus revendiquée de façon symétrique depuis la Révolution française. Il faut intégrer l’idée que l’on n’est pas français et automatiquement catholique. Nous sommes passés d’un christianisme sociologique à un christianisme de choix. »
    Je crois qu'en élargissant cette remarque judicieuse à l'ensemble de la France, et plus précisément aux mouvements qui s'en réclament comme d'un signe d'identité, on peut avoir un peu plus de clarté sur l'état présent, et sur les perspectives d'avenir.
    En quoi la « manif pour tous » et le « Printemps français » seraient-ils des mouvements « subversifs » ? Existe-t-il une différence essentielle entre eux et les agitations, même d'apparence contraire, comme l'antiracisme ou les revendications gay qui ont marqué les vingt dernières années ?
    Présentée ainsi, cette question peut paraître provocatrice.
    Certes, l'on n'aura pas la cruauté de s'arrêter sur les liaisons opaques qu'entretiennent, via l'European Alliance for Freedom, un certain nom de « leaders » de ces mouvement « patriotes » de contestation avec des sources de subversion américaines (subversion de l' « ancien monde », bien sûr). A vrai dire, ils semblent particulièrement infestés par des virus venus des USA, à commencer par Christine Boutin, cette passionnaria de bénitier.
    On ne reviendra pas non plus sur les accointances plus que douteuses entre une Frigide Barjot, contemptrice des débordements « extrémistes », et l'UMP, et même Sarkozy, qui l'a rencontrée. Toutes ces reptations sentent évidemment la combinaison politiciennes.
    Plus sérieusement, on s'attardera sur les similitudes entre la protestation contre le mariage gay, et le mouvement dit du « Tea Party », qui a tant marqué la vie politique américaine des quatre dernières années.
    On relèvera d'abord que ce « soulèvement », dont, certes, certaines revendications recoupent celles du Front national, n'a pas de rapport direct avec la mouvance nationaliste. Ses membres sont des gens « normaux » (si l'on peut dire, pour imiter « notre » président), de souche et souvent catholiques, des personnes sans problèmes, intégrées, qui s'insèrent très bien dans la société actuelle, pour peu qu'elle ne présente pas des excès et des dérives regrettables. On ne trouve pas non plus d'organisation stricte, de chefs incontestés, de professionnels de la politique. On y cultive un patriotisme serein, pas du tout agressif, et on y répudie tout embrigadement. L'origine sociale de ses membres se situe dans les classes moyennes, et on se réclame des « valeurs » traditionnelles. Même la couleur des signes distinctifs possède son équivalent : jaune pour le Tea Party, rose pour la « manif pour tous ». Les femmes sont bien représentées à la tête, Michelle Bachmann et Sarah Palin pour l'un, Frigide Barjot pour l'autre (et Béatrice Bourge pour le Printemps français). Les deux courants tentent aussi d'influer sur les partis de « droite », sur les Républicains pour le premier, sur l'UMP pour le second.
    Les commentateurs n'ont pas manqué de constater le pouvoir de nuisance que pouvaient avoir ces courants conservateurs pour les partis de pouvoir droitiers. Cela est aussi vrai pour le parti républicain que pour l'UMP, et même pour le Front national, dont nombre d'électeurs peuvent être séduits, notamment lors des élections municipales de 2014.
    Tout compte fait, ce serait bien là l'un des objectifs de la manœuvre conduite par Frigide Barjot. Mais une telle stratégie, de ce point de vue, présente d'autres « avantages ». Outre qu'elle ravive la dichotomie gauche/droite, progressistes/conservateurs (et en cela elle aide le système à donner l'illusion d'un choix), elle élude de problème de fond de la crise qui mine la société, dont la question du mariage n'est qu'un symptôme.
    A se cantonner sur des problèmes sociétaux, on renforce la vision convenue du postmodernisme, qui présente les choix de vie comme des options discutables à loisir, et tout à fait légitimes, à condition de ne pas mettre en cause le socle même, la roche sur lequel il est érigé, à savoir la marchandisation du vivant, et l'abolition des identités collectives, des particularités civilisationnelles. Ainsi, des libertariens, proches du Tea Party, aux Etats-Unis, ont-ils considéré que, toute compte fait, comme il s'agit de la gestion privée de sa propre vie, on a tout à fait le droit, entre personnes du même sexe, de « contracter » un mariage. La plupart des responsables de l'UMP pensent la même chose, nonobstant les impératifs d'enfumage électoral.
    Bien sûr, à titre individuel, tout participant à la « manif pour tous » ou au « Printemps français » assurera combattre la dimension mercantile et individualiste du « mariage pour tous », et le déracinement du peuple français. Et il est bien qu'il en soit ainsi. Cependant, comment ne pas voir une contradiction entre cette profession de foi, et la liaison dangereuse qu'on peut entretenir avec des personnages politiques dont les liens avec le libéralisme et l'Amérique ne sont mêle pas un secret ?

    Claude Bourrinet http://www.voxnr.com

  • "Le "microcosme" parisien ne connaît pas la France

    Lu ici :

    "Le "microcosme" parisien, pour reprendre une expression chère à Raymond Barre, vit souvent dans un monde clos et ignore à peu près tout de cette France traditionnelle. Celles des réseaux catholiques, du maillage des écoles confessionnelles, des écoles militaires, des jeunes attachés aux valeurs de leurs parents. À force d'affirmer que les églises sont vides, ils ont fini par le croire, même s'ils n'y mettent jamais les pieds. À force de vivre dans l'instantané, ils n'ont pas vu que le logiciel de la société française demeurait largement chrétien. Et que le mariage pour tous pouvait fédérer au niveau populaire les trois droites (traditionaliste, bonapartiste et orléaniste) identifiées jadis par René Rémond. Peut-être serait-il temps de changer de lunettes ?"

    Michel Janva http://www.lesalonbeige.blogs.com/

  • François Hollande peut-il encore éviter un «1789» bis ?

    A la Une du Point cette semaine, « Sommes-nous en 1789 ? ». L’hebdomadaire évoque les dernières heures de la monarchie et révèle les troublantes similtudes entre la chute de Louis XVI et l’abandon complet des rênes du pouvoir par François Hollande. Un historien explique que nous sommes sans aucun doute en 1788 : les marges de manoeuvre sont réduites pour le pouvoir (si mal) en place, afin d’éviter d’entrer de plain-pied en 1789, bis.

    Ce n’est pas Frigide Barjot qui a appelé le 5 mai à une grande manifestation nationale afin de donner un « coup de balai » : c’est Jean-Luc Mélenchon, candidat à l’élection présidentielle il y a 10 mois, qui a attiré sur lui 11,1 % des suffrages. Les sondages lui en accordaient souvent 15 ou 18 %. C’est Marine Le Pen, (particuliérement discrète en ce moment, pour des raisons stratégiques évidentes), qui a atteint les 18 % promis à Mélenchon. A eux deux, ils ont rassemblé 39 % de l’électorat français. Que réclame Mélenchon ? Ni plus ni moins qu’une sixième République. Que réclame Marine Le Pen ? Une dissolution, et la proportionnelle. La démission du gouvernement et du Président au passage.

    Qui doit payer ? Le Tiers-Etat, les classes moyennes

    Mais qui défile dans la rue tous les soirs depuis des semaines, non seulement à Paris, mais un peu partout en France ? Des hommes et des femmes, leurs fils et leurs filles, de tous âges. La plupart n’ont jamais manifesté de leur vie, ou alors pour les plus vieux, en 1984 pour l’Ecole Libre, et en 1997 contre le PACS. Qui sont-ils ? Des petits bourgeois, la classe moyenne. Les cheveux peignés. Les filles en ballerines. Tous mains nues.

    Retournons un instant en 1789. Qui, excédé par le mépris dans lequel le Roi les enferme, se proclame Assemblée nationale constituante ? Les députés du Tiers-Etat. Qui sont-ils ? Des petits bourgeois, la classe moyenne.

    Qui, en 2013, retourne dans la rue tous les soirs, quasiment tous les week-ends (les prochaines manifestations massives sont programmées pour le 5 mai, le 26 mai). Des petits bourgeois, la classe moyenne.

    Autres traits communs entre les deux époques, 1789 et 2013 :

    En 1789, la France croûle sous le poids de sa dette extérieure, notamment contractée pour financer la Révolution américaine mais aussi le train de vie du royaume, ubuesque. Le Roi convoque les Etats-Généraux pour les convaincre de l’autoriser à lever de nouveaux impôts. Qui doit payer ? Pas le Clergé ni la Noblesse, exonérés, mais le Tiers-Etat. La bourgeoisie.

    En 2013, la France croule sous le poids de sa dette extérieure, notamment contractée pour financer une guerre économique qui ne dit pas son nom, celle de l’utopie d’une monnaie unique inadaptée à la moitié des pays qui l’utilisent, et nourrir un Etat ventripotent qui ne veut pas faire de régime, malgré le lent coma dans lequel plonge son corps, le pays. Le gouvernement, dont le ministre du Budget a menti pendant des mois sur ses comptes à l’étranger et sur sa probité, tente de convaincre qu’il n’y a pas d’autre moyen que de lever encore plus d’impôts, et de couper dans les allocations familiales. Qui doit payer ? Le Tiers-Etat, les classes moyennes.

    La chute de la RDA doit servir de miroir (déformant) à ce qui se passe en ce moment en France

    En écrivant ces mots, père de famille (nombreuse), entrepreneur, journaliste, écrivain, expérimenté puisque désormais à plus de la moitié de ma vie, j’ai pleinement conscience de ce que cette analyse froide et subjective implique. Je pense en particulier à tout ceux de mon entourage, de mes amis, parfois chers, qui me disent ou m’écrivent : « Non, ce n’est pas possible, nous ne pouvons pas nous le permettre. C’est trop dangereux ». « Toi qui est responsable, raisonnable, calme les chose “.

    Je ne souffle sur aucune braise. Je suis d’abord un reporter. Le journaliste reporter est celui qui rapporte ce qu’il voit. Forcément, ce qu’il rapporte est subjectif. Les premiers comptes-rendus de guerre, en Crimée, à la fin du XIXe siècle (avant les journaux reproduisaient les communiqués militaires), étaient rédigés par des journalistes postés sur une butte à des kilomètres du champ de bataille, munis d’une longue vue. Lors du Débarquement, plus d’un journaliste a péri sur la plage caméra en main. Idem en Afghanistan, en Libye, en Syrie.

    Ce que j’ai observé ces derniers jours est sans commune mesure avec tout ce qu’il m’a été donné de voir ou de lire sur la France dans ma carrière. Ou plutôt, ne me rappelle que trop bien ce que j’ai lu et sait des précédentes révolutions. Le Point « fait bien le job », rappelant succinctement les événements qui ont provoqué 1830, 1848, la Commune. Bravo FOG.

    Personnellement, je pense que François Hollande et Manuel Valls sont trop bien informés, trop intelligents, pour ne pas mesurer le danger qui se profile à l’horizon. Seulement, le petit manuel anti-Révolution pour chefs d’Etat est bourré de pages blanches. Et sur les autres, on retient surtout les conneries à ne pas faire. Mais tout ce qui n’a pas été tenté, n’a pas encore été contré. Et la manif pour tous, le Printemps français, les veilleurs, tout cela est inédit, ou en tout cas, différent d’autres modèles importés.

    Pour ma part, (faisant écho au personnellement du paragraphe plus haut), je pense que c’est la chute de la RDA qui doit servir de miroir (déformant) à ce qui se passe en ce moment en France. Bien sûr, nous ne sommes pas dans une dictature communiste. Mais dans un État social-iste, qui dirige tout, contrôle tout, brime tout, ponctionne tout, oui, c’est une certitude. Entrepreneur depuis onze ans, je sais tout le mal que l’on peut avoir dans ce pays à vouloir créer. Les entrepreneurs français, en France, ont en commun d’être fous, ou inconscients, ou les deux.

    Coups de matraque et boucliers

    Quand on voit dans quel mépris les administrations les tiennent, et les obstacles qui se dressent en permanence contre eux ! Le premier, et non des moindres, étant que bien souvent, une entreprise publique, semi-publique, soutenue par des fonds ou subventions publics, une collectivité, fait déjà une partie du job à votre place. Ou vient le faire à votre place, bien entendu à moindre coût, puisque dopé aux subventions et aux couts cachés pris en charge par la collectivité. Sans qu’aucun conseil de la concurrence n’intervienne. Ni qu’aucun élu ne perçoive l’impossibilité de la chose qu’il a bien souvent suscitée voire décidée.

    Voilà ce que nous avons en commun avec la RDA dirigiste de Honnecker. Nos performances économiques n’en sont plus si éloignées ! Nous sommes trois fois moins performants que l’Allemagne, comme la RDA en son temps l’était par rapport à la RFA, proportionnellement parlant.

    Et les manifestants de ces derniers jours, les veilleurs en particulier, qu’ont ils en commun avec les manifestants qui firont tomber sans un coup de feu la RDA ? Les bougies. Les chants. la non-violence. En 1989, les vopos et leurs officiers, ne sachant pas que faire fasse à une foule compacte de camarades citoyens bougies à la main, laissèrent leurs barrages percer. Une fois, deux fois, dix fois. Tous les soirs. Pendant un mois. C’était ca, ou utiliser les fusils. Mielke, le ministre de l’Intérieur, a refusé de donner l’ordre. Moscou lâchait Honnecker.

    Que s’est il passé le 24 mars à Paris ? Un barrage, deux barrages, vingt barrages, ont percé. Ce n’était jamais arrivé en maintien de l’ordre en France, à ce point, si “simplement”.

    Mais en 1989, à Leipzig comme à Berlin et ailleurs en RDA, les vopos n’avaient PAS de gaz lacrymogène. Ni non plus de matraques. Pas besoin ! Dans un état policé comme la RDA, la seule injonction du vopo suffisait à vous glacer le sang, ou à vous envoyer à l’interrogatoire pour une durée indeterminée. Le 24 mars, policiers (surtout) et gendarmes (rarement) ont utilisé les gazeuses pour intimider (souvent), ou pour se dégager, pris de panique (parfois). Avec quelques coups de matraque ou de boucliers pour intimider.

    La France a une réputation mondiale (à tenir) en matière de maintien de l’ordre. A Saint-Astier (Périgord), une ville fantôme reconstituée sert à entraîner les gendarmes mobiles mais aussi les forces de police et de gendarmerie du monde entier. Souvenez-vous l’offre de service de Michel Alliot Marie au gouvernement tunisien, aux prémices de sa révolution ! La France proposait au pouvoir tunisien de lui prêter des unités de mobiles… Et les caisses de grenades lacrymogènes bloquées par les douaniers à Roissy… Celles-là même qui sont utilisées aujourd’hui contre le petit peuple français.

    Mais tout cela ne peut rien contre une foule déterminée, pacifiste, les mains nues. Si un rang tombe sous les coups de matraque, sous les jets de gaz, un autre rang sortira de l’ombre. Puis un autre. Vous connaissez, vous, sur ces cinquante dernières années, beaucoup de manifestations qui ont remplacé les slogans par le poème de Charles Péguy “Heureux ceux qui sont morts“, ”l’Espérance“, ou “le chant des Partisans” ? Moi pas.

    Car pour la première fois depuis des décennies, ceux qui connaissent par coeur Péguy, “l’Espérance” ou “le chant des Partisans”, sont dans la rue.

    Et ça, c’est un signe.

    JOL http://fortune.fdesouche.com

  • Comment l’Europe vous ruine

    Ras-le-bol.
    Agriculteurs, pêcheurs, industriels… Jamais les Français, frappés par la crise, n’ont été aussi europhobes. D’atout et de bouclier protecteur, l’Europe s’est transformée dans l’opinion en handicap et en boulet. V.A.
    Qui est Catherine Ashton ? Le premier passant d’une rue parisienne à qui est posée la question réfléchit quelques secondes, l’air concentré, pour finalement avouer qu’il n’en a aucune idée. Les trois suivants feront la même réponse. Il faut attendre la cinquième tentative pour qu’un commercial d’une quarantaine d’années réponde qu’il s’agit de « la ministre des affaires étrangères de l’Europe ». Avant d’ajouter immédiatement qu’elle « ne sert absolument à rien, ne joue aucun rôle, comme tous les dirigeants du Parlement européen ». Les mêmes sèchent également, parfois, quand on leur demande qui est Herman Van Rompuy, l’actuel président du Conseil européen.
    À quelques mètres de là, Colette, 80 ans, est attablée à une terrasse de café. Grande, mince, l’oeil vif, elle ne fait pas son âge, malgré ses cheveux blancs. Elle a élevé seule ses deux enfants et a dû parfois cumuler deux emplois pour s’en sortir, le premier la nuit, aux Halles, le second chez un marchand de volailles. L’Europe, elle ne veut plus en entendre parler. « C’est totalement inefficace. Non seulement elle ne nous protège pas, mais elle nous tire vers le bas, avec tout ce qu’ils nous font payer. Quant à l’euro, c’est une cochonnerie, qui n’a servi qu’à faire augmenter les prix. Il faudrait revenir au franc, ajoute-t-elle. Mais je n’y crois pas. Cela ne se fera jamais. »
    « L’Europe, ça sert à protéger les intérêts industriels et financiers, pas les Européens, lâche, d’un air définitif, l’un de ses voisins. Et tous les pays devraient reprendre leur monnaie. » Sur la Toile, les commentaires d’internautes sont tout aussi virulents, comme celui de cet homme, qui se définit lui-même comme « un très ancien Européen qui y a cru un temps »… « Puis est venu le temps des nichées de fonctionnaires européens, d’élus dont on ne sait rien, d’une chienlit de textes en tout genre se superposant à notre législation déjà démentielle. Si les jeunes croient en l’Europe, le réveil sera dur… », écrit-il. Les buralistes des régions frontalières sont, eux aussi, vent debout quand ils voient leurs clients faire quelques kilomètres pour acheter des cigarettes bien moins chères qu’en France.
    Mais c’est peut-être chez les agriculteurs que le rejet de l’Union est le plus brutal. Comme Roger Violant, petit producteur de lait breton que nous avons rencontré, étranglé par le prix du lait qui ne cesse de baisser tandis que les contraintes, notamment environnementales, sont de plus en plus lourdes… à cause de l’Europe. Une Europe incohérente qui coûte cher. Les témoignages se succèdent. Au désamour a succédé la défiance, quand ce n’est pas le rejet pur et simple. À Bruxelles, les eurocrates sont déprimés… et détestés. Les 56 000 fonctionnaires européens se sont longtemps distingués dans les rues de la capitale belge. Eux étaient toujours bien habillés, leur badge d’accès à la Commission autour du cou. Ils roulaient dans les plus belles voitures, avec leurs plaques d’immatriculation bleues sur fond blanc commençant par « EUR », vivaient dans les plus belles maisons, étaient attablés dans les meilleurs restaurants… Aujourd’hui, ils rangent leur badge dans leur poche quand ils sortent de la Commission et sont quasi tous passés aux plaques belges, à force de voir leurs voitures vandalisées. L’année dernière, des affiches ont été collées un peu partout dans le quartier de la Commission. Un homme y était pendu par sa cravate, sur fond de drapeau étoilé. Avec cette légende : « Eurocrate, sers-toi de ta cravate ».
    Les dernières enquêtes d’opinion confirment le malaise : les Français ne croient plus en l’Europe. Ils n’ont jamais été autant « eurosceptiques ». Dans une enquête réalisée en février par BVA, seuls 38 % des sondés considéraient encore la construction européenne comme une « source d’espoir », alors qu’ils étaient 61 % en 2003. Et 75 % des Français estiment que l’Union a été « inefficace » ces dernières années.
    « Pendant longtemps, l’Europe a incarné un espoir, sa construction était un atout, un bouclier, commente Jérôme Fourquet, directeur du département opinion de l’Ifop. Aujourd’hui, elle est ressentie comme un handicap. Un boulet. Les Français ont le sentiment que non seulement l’euro n’a pas tenu ses promesses en termes d’emploi, d’activité économique, mais de surcroît, la monnaie unique est jugée responsable de l’augmentation des prix. L’Europe solidaire ? Pour l’opinion, c’est une solidarité qui nous tire vers le bas, car en plus de la crise économique sévère qui secoue notre pays depuis bientôt cinq ans, il faut de surcroît payer pour la Grèce… et les autres. Au sein d’une Europe qui n’a cessé de s’élargir jusqu’à devenir ingérable. »
    Qu’elles sont loin les années 1980
    où les Français étaient dans le peloton de tête des euro-enthousiastes ! C’est dans cette décennie que la confiance dans l’avenir de l’Europe a été la plus forte : 74 % des Français avaient une opinion positive de l’Union en 1987. C’était l’époque de la présidence Delors (1985), de l’Acte unique européen (1986). La première fracture devait se produire en 1992, autour du débat sur le traité de Maastricht, qui a pour la première fois, politisé et clivé la question européenne. On est alors sorti de ce que les observateurs qualifiaient de « consensus permissif ». À partir de 1995, la barre des 50 % d’opinions favorables ne sera que rarement dépassée dans les sondages d’opinion. L’érosion de la confiance dans l’avenir européen n’a jamais cessé depuis, jusqu’au choc de 2005, où les Français votent non à plus de 54 % au référendum sur le projet de Constitution, pourtant soutenu par l’UMP et le PS. Aujourd’hui, la France fait partie des pays les plus europhobes. Un sondage réalisé par l’Ifop va jusqu’à révéler que les Français, s’ils avaient dû revoter pour la ratification du traité de Maastricht (prévoyant le passage à l’euro), auraient voté contre à 64 % !
    « La réaction des Français est légitime, confie l’ancien ministre de l’Économie Jean Arthuis. On s’est doté d’une monnaie unique orpheline d’une gouvernance politique, dans une course continue à l’élargissement où le laxisme a été la règle, l’euro un anesthésiant. »
    Même constat de l’ancien député européen centriste Jean-Louis Bourlanges : « L’Europe est devenue le bouc émissaire d’un monde qui s’est transformé et dont les Français ne veulent pas tel qu’il s’offre à eux. On accorde à l’Europe beaucoup de pouvoirs imaginaires. Les politiques budgétaires, fiscales, sociales, du logement, de la défense, de l’aménagement du territoire, de l’éducation, du droit du travail, entre autres, restent pilotées au niveau national. Mais l’Europe est un touche-à-tout. Alors on lui reproche paradoxalement de ne pas mener à bien les missions qu’on ne lui confie pas. Second problème : après une génération de pro-européens, de Mitterrand à Delors, en passant par Helmut Kohl, Felipe González, en Espagne…, au milieu des années 1990, au moment où on créait une monnaie fédérale, un peu partout en Europe, les eurosceptiques ont pris le pouvoir : Jacques Chirac, totalement indifférent, Gerhard Schröder, qui, en 1998, fait campagne contre l’euro, Silvio Berlusconi, en Italie, José María Aznar, en Espagne… Contradiction ingérable. » L’époque, justement, où les Français (comme les dirigeants européens ?) vont commencer et ne jamais cesser de douter, jusqu’à arriver à un véritable rejet de la construction européenne.
     Josée Pochat 
Valeurs Actuelles
 25/04/2013
    http://www.polemia.com

  • J'ai vu

    D'un internaute :

    "J’ai vu des gens expulsés d’un jardin public car ils n’avaient pas le droit de porter un certain tee-shirt... mais ce n’était pas en Chine.

    J’ai vu une personne à vélo se faire confisquer son drapeau par les CRS.

    J’ai vu des policiers arrêter des mères de famille qui se rassemblaient…. mais ce n’était pas en Russie.

    J’ai vu des jeunes en garde à vue parce qu’ils étaient silencieux…mais ce n’était pas au Tibet.

    J’ai vu une jeune fille traînée par les cheveux et en perdre une ballerine…mais ce n’était pas en Ukraine.

    J’ai vu cette même ballerine exhibée par un député devant une assemblée goguenarde.

    J’ai vu la force publique gazer des personnes âgées …mais ce n’était pas en Syrie.

    J’ai vu une génération de bobos interdire en Mai 2013 ce qu’ils avaient défendu âprement et plus violemment en Mai 68.

    J’ai vu des femmes dépoitraillées attaquer une cathédrale et se faire relaxer.

    J’ai vu des hommes dépoitraillés créer un embouteillage et se faire arrêter.

    J’ai vu les représentants des religions vilipendés… mais ce n’était pas en Irak.

    J’ai vu des centaines de milliers de personnes se rassembler et hurler leur mécontentement… mais ce n’était pas en Iran.

    J’ai vu des services de renseignements confisquer et retoucher les images probantes de ces rassemblements pacifiques… mais ce n’était pas à Cuba.

    J’ai vu un débat tronqué et un vote précipité pour satisfaire rapidement une petite minorité.

    J’ai vu des journalistes achetés pour négliger de telles informations.

    J’ai vu des journalistes censurés pour diffuser de telles informations.

    J’ai vu des ministres se cacher tellement ils étaient hués.

    J’ai vu des policiers chargés de faire dégénérer les manifestations.

    J’ai vu une ministre de la Justice soucieuse d’ « arracher » les enfants à l’emprise de leurs parents…mais ce n’était pas en Corée du Nord.

    J’ai vu un ministre de l’Intérieur truquer des chiffres trop gênants pour la bien-pensance d’un gouvernement… mais ce n’était pas en Biélorussie

    J’ai vu un Président s’immiscer dans un débat sur l’euthanasie de deux éléphantes.

    J’ai vu un Président rester sourd aux cris de son peuple et claquemuré dans son palais quand on lui parle des générations d’enfants à venir.

    Ce pays où tous ces évènements déconcertants se passent en ce moment, c’est la France, pays des droits de l’homme, terre d’asile des opprimés, nation enviée par les persécutés.

    J’ai vu et j’ai honte".

    Lahire http://www.lesalonbeige.blogs.com/

  • Trisomie 21 : en route vers l’eugénisme !

    Le Comité consultatif national d’éthique vient de se déclarer favorable à l’introduction de nouveaux test génétiques fœtaux pour dépister la trisomie 21 dans le sang maternel au cours des premières semaines de grossesse. Ce sont les industries pharmaceutiques commercialisant ces tests qui vont pouvoir lui offrir une grosse boîte de chocolats ! Depuis le temps qu’elles trépignaient devant la porte : pensez, un marché d’un milliard d’euros, alors que, comme le rappelle Jean-Marie Le Méné, 97 % des enfants trisomiques sont, sans leurs services, d’ores et déjà détectés.

    De l’avis du CCNE, ces tests seraient « un progrès du point de vue éthique ». Ils viendraient en effet remplacer le dépistage actuel reposant in fine sur une amniocentèse invasive, source de fausses couches. Grâce à eux, l’éradication d’un segment de population jugé inapte à vivre dans notre environnement sera surtout plus performante : leur fiabilité, leur innocuité vont mettre un terme aux « ratés » (la naissance d’un enfant T21 passé entre les mailles), en même temps qu’aux dégâts collatéraux (la perte, par l’amniocentèse, d’un enfant sain).

    Mais attention ! Parallèlement, le comité d’éthique insiste sur la nécessité d’une meilleure « prise en charge » par la société des personnes porteuses d’un handicap et atteintes d’une maladie. C’est sûr. Comme genre de « prise en charge » efficace, l’élimination, ça se pose là. Encore fallait-il y penser, et Hippocrate, cet âne, est passé bêtement à côté. Si l’on « prenait en charge » toutes les pathologies comme on « prend en charge », dès qu’on l’a détectée, celle des trisomiques 21, au service des urgences, au moins, ça ferait de la place dans les lits.

    GabrielleCluzel

    La suite sur Boulevard Voltaire
    http://www.actionfrancaise.net

  • Ce danger qui vient


    Ce danger qui vient
    Il est des fautes en matière de logique qui sont assez connues. Ainsi par exemple la démarche inductive consistant à généraliser abusivement, même si quelquefois le processus est valide: le plus souvent, pour ne pas écrire presque toujours, on ne peut extrapoler un cas particulier pour en faire un principe général universellement valide.

    Sachant cela, l'article d'Alexandre Latsa (1), puisqu'il ne concerne que la figure de Jacques Attali, n'apparaît pas inquiétant.

    Sauf que...

    On sait que la Grèce connaît un problème économique majeur. On m'accordera bien volontiers que Michel Rocard n'est nullement un extrémiste. Pourtant, dans le cadre d'un entretien, l'ancien premier ministre socialiste déclara que ce qui pouvait se faire de mieux au sujet de la Grèce, ce serait l'établissement d'une dictature permettant la résolution des problèmes économiques auxquels sont confrontés les Grecs. Michel Rocard éprouve un tel intérêt pour le système économique qu'il prône, qu'il n'hésite pas à fouler aux pieds les principes essentiels de la démocratie...

    Jean-Claude Trichet, lui non plus, n'est pas un extrémiste. Diplômé de sciences politiques puis de l'Ena, il fut directeur du Trésor de 1987 à 1993 puis gouverneur de la Banque de France de 1993 à 2003 avant d'être président de la Banque centrale européenne de 2003 à 2011. Assez récemment, il fit pourtant une déclaration assez surprenante: de son point de vue, si les Français ont vocation à s'exprimer par l'intermédiaire du suffrage universel, celui ci ne constitue nullement la finalité. Le vote, à ses yeux, n'a vocation à être, que si les Français ne remettent pas en cause les grands principes économiques qui font désormais consensus au sein de la grande majorité de nos élites politiques: dans le cas contraire, il faudrait repenser le système démocratique...

    Valéry Giscard d'Estaing n'est pas plus excentré politiquement que les deux hommes auxquels on vient de faire référence. Mais là encore, le discours est le même; à la question de Marie-France Garaud lui demandant s'il comptait faire son Europe même si les peuples européens n'en voulaient pas, l'ancien président répondit par l'affirmative...

    De façon similaire, on sait ce qu'il advint du traité de Lisbonne, rejeté par les Français via le processus d'expression majeur qu'est le référendum: sorti par la fenêtre assez durement, les parlementaires français lui ouvrirent bien grande la porte.

    On peut donc constater que Jacques Attali n'est pas esseulé en matière de prises de position extrémistes, en l'occurrence antidémocratiques, et que par voie de conséquence, l'article d'Alexandre Latsa a vraiment sa raison d'être, l'ancien conseiller de François Mitterrand n'étant qu'un parmi plusieurs.
    Philippe Delbauvre http://www.voxnr.com
    (1) http://www.voxnr.com/cc/tribune_libre/EFyVkFVykFAVdULTDe.shtml

  • Le martyre du Cambodge

    Le Figaro Magazine - 19/04/2013

    Les Khmers rouges ont tué près du quart de leur peuple.

    Le 17 avril 1975, les Khmers rouges entrent dans Phnom Penh. En quarante-huit heures, la ville est vidée de ses habitants, astreints aux travaux forcés. Les massacres commencent aussitôt, visant les intellectuels, les bourgeois, les cadres de l’ancienne société, puis tous les récalcitrants. Quatre ans durant, le pays vit frontières fermées. Sur une population d’environ 8 millions d’habitants, le nombre de victimes oscille entre 1,7 et 2,2 millions de morts : Pol Pot et ses militants fanatisés de l’Angkar (l’organisation révolutionnaire du Cambodge) ont tué près du quart de leurs compatriotes.

    En 1997, le gouvernement cambodgien a sollicité l’aide de l’ONU afin de juger les anciens dirigeants du Kampuchéa démocratique (nom du Cambodge au temps des Khmers rouges) pour les crimes commis entre 1975 et 1979. Depuis 2006, un tribunal international siège à Phnom Penh. Si le dictateur Pol Pot, disparu en 1998, a échappé à la justice, ses adjoints ont été poursuivis pour persécution religieuse, meurtres, torture, crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide.

    L’an dernier, Suong Sikoeun a lui aussi témoigné devant le tribunal international. A l’époque des Khmers rouges, il était un adjoint de Ieng Sary, le ministre des Affaires étrangères. Si ses fonctions n’ont pas fait de lui un ­acteur direct du génocide, il en a été le complice, dans la mesure où il a partagé la foi du régime.

    Aujourd’hui, il s’en repent. Dans un livre de mémoires (1) dont la genèse doit beaucoup à Henri Locard, spécialiste du Cambodge contemporain et historien des Khmers rouges, Suong Sikoeun raconte sa formation marxiste, sa fascination pour la Révolution française, ses études à la Sorbonne, son engagement chez les Khmers rouges. L’ouvrage expose de l’intérieur la mécanique effrayante d’un des Etats les plus totalitaires que l’histoire ait connus. « Je me pose en permanence cette question, écrit-il : comment une telle horreur a-t-elle pu se produire ? » Locard publie par ailleurs une excellente synthèse sur les Khmers rouges (2). Deux documents à verser au dossier des crimes du communisme.

    Jean Sévillia http://www.jeansevillia.com
    1) Itinéraire d’un intellectuel khmer rouge, de Suong Sikoeun, préface d’Henri Locard, Cerf.

    2) Pourquoi les Khmers rouges, d’Henri Locard, Vendémiaire.