« La Russie n'est respectée et prise au sérieux que lorsqu'elle est forte et qu’elle se tient fermement campée sur ses positions »
Vladimir Poutine
Président de la Fédération de Russie
Déclaration de politique étrangère
27/02/2012
À l’heure de l’embrasement « démocratique » de l’Echiquier arabe, potentiellement contagieux à la périphérie post-soviétique, la Russie de Poutine redoute de nouvelles tentatives de déstabilisation extérieures destinées à bloquer son retour sur la scène mondiale.
Face aux nouvelles menaces grevant la zone d’influence russe, aux risques de propagation des récentes « révolutions » et en raison de l’impasse syrienne enfantée par les crises arabes, on peut craindre dans un avenir proche une opposition frontale entre les axes arabo-occidental et sino-russe ou, du moins, l’exacerbation de cette rupture entre les deux pôles dominants de cette crise géopolitique majeure.
Cette rupture semble d’autant plus irréversible que la « rébellion » anti-Assad, financée et armée de l’étranger, encouragée par sa légitimité médiatique, a très durement frappé, le 19 juillet 2012, le cœur politique de la Syrie : Damas – et, un peu plus tard, son cœur économique : Alep. Avec, à la clé, le massacre de citoyens et de loyalistes pro-Assad, étrangement occulté par les médias occidentaux. Depuis, c’est un engrenage sanglant et sans fin qui s’amorce, alimenté par des techniques terroristes : « le terrorisme arrive en tête des méthodes utilisées par l'opposition armée » a affirmé le 12 novembre 2012, Maria Zakharova, porte-parole du MID. Un point de non retour a été atteint.
Cette montée bipolaire des tensions est attestée par un ensemble de signes, dont la mise en scène savamment orchestrée de la réunion du 6 juillet 2012 des (faux) « Amis de la Syrie », destinée à donner une forme de légitimité politique à la rébellion. Cette réunion a été fort justement occultée par russes et chinois, en raison de décisions pré-établies, supervisées par le grand frère américain et unilatéralement focalisées contre la « sanguinaire dictature » Assad. Ces curieux « amis » se réfèrent de plus en plus (via la Ligue arabe) au chapitre VII des Nations Unies autorisant une intervention militaire et à l’idée (via la Turquie) d’instaurer un couloir d’exclusion aérienne en Syrie – voire, à terme, d’imposer (via la France) un gouvernement transitoire. Aujourd'hui, tout s’accélère et on note une radicalisation croissante des « Amis de la Syrie » avec, notamment, une condamnation redondante du régime syrien sur la scène médiatique des Nations Unies – tel un étrange ritualisme.
Selon un scénario déjà bien huilé, car expérimenté en d’autres circonstances marquées par la désinformation comme pratique d’Etat instituée, ces « amis » prônent l’adoption par le Conseil de sécurité de l’ONU d’une résolution donnant la possibilité d’un recours à la force. En fait, une telle action militaire pourrait se réaliser sans le feu vert onusien, dans l’hypothèse d’un gouvernement provisoire reconnu par l’Occident et apte, dès lors, à demander une « aide extérieure » sans l’aval du Conseil de sécurité. Une autre alternative – militairement peu viable – serait d’intervenir dans le cadre institutionnalisé de la Ligue arabe, sur la base d’une « force d’interposition ». De manière allègre, les diplomaties arabo-occidentales œuvrent en ce sens et, désormais, elles alimentent une forme de violence légitime, ouvertement dénoncée par Vladimir Poutine, le 26 septembre 2012 : « L'incitation sous toutes ses formes à la violence pour le renversement d'un régime ne mène qu'à l'impasse. La violence engendre la violence » .
En théorie, l’enjeu est d’assurer la paix civile mais, en réalité, d’amener l’instabilité syrienne à un seuil critique justifiant une intervention étrangère. Dans le même temps, il s’agit de défendre les intérêts géopolitiques des monarchies arabes liées aux pétrodollars et donc, à leur rente énergétique – intérêts étroitement corrélés à ceux des démocraties occidentales, enclines à redessiner à leur profit la carte énergétique de la région. En définitive, il s’agit aussi de redistribuer les cartes politiques dans le pays et, en conséquence, dans une région stratégique, au détriment de l’axe sino-russe. Un non-dit, certes politiquement correct, au service des intérêts américains.
L’objectif ultime et implicite de la coalition d’intérêts arabo-occidentale est donc d’éliminer le régime Assad (perçu comme excessivement « anti-américain ») contre l’avis des dirigeants chinois et russes, redoutant une déstabilisation régionale et l’arrivée au pouvoir des radicaux islamistes – qui pourrait, bientôt, gangréner leur propre espace politique. Ainsi, selon le ministère russe des Affaires étrangères, « (…) les renseignements fournis par des acteurs extérieurs à l'une des parties en conflit risquent d'aggraver la crise en Syrie et de déstabiliser non seulement ce pays, mais aussi l'ensemble du Proche-Orient » . Cette montée de l’Islam radical (de l’extrémisme religieux, en général) est définie dans la pensée stratégique russe et, dès l’année 2000, – grâce à l’inflexion alors opérée par Poutine – parfaitement anticipée par son Concept de sécurité, comme une « nouvelle menace ». Une telle évolution est d’ailleurs amorcée au Moyen-Orient et, désormais, en Afrique – au Mali et au Nigeria pour commencer – comme sous-produit collatéral d’un « Printemps arabe » qui pourrait, in fine, s’étendre à la périphérie post-soviétique. Un effet domino, désormais incontrôlable et, paradoxalement, encouragé par l’Occident – prémices d’un « Hiver islamiste ».
Dans cette optique, et au regard de l’émergence de deux axes politiques antagonistes, impulsés par les leaderships américains et russes selon l’ancienne logique conflictuelle Est/Ouest, peut-on réellement parler de retour vers la Guerre froide ? Et, au final, la réélection de Vladimir Poutine, insidieusement contestée par la stratégie informationnelle de Washington, via ses ONG moralisatrices, ne va-t-elle pas accélérer cette évolution ?
Désidéologisation, dialogue de sourds et paix des braves : amorce d’un rapprochement ?
La disparition de l’Union soviétique, en décembre 1991, a précipité le recul des grandes idéologies structurantes du XX° siècle, porteuses de visions révolutionnaires et émancipatrices, voire de croyances irrationnelles, pour les peuples opprimés.
Dans un premier temps, cette disparition a fait naître l’espoir d’un ordre mondial post-guerre froide plus égalitaire et enfin apaisé. Et certes, en dépit d’une certaine tension entretenue par la politique agressive des administrations Clinton et Bush, renforcée par la double extension de l’OTAN et de son bouclier nucléaire à l’Est poursuivant l’encerclement stratégique de la Russie, la conflictualité américano-russe a semblé, alors, diminuer.
Toutefois, depuis le début des années 2000, avec le « prétexte » afghan et sous la poussée du vent libéral de l’histoire, porteur de valeurs morales supérieures au nom d’une troublante « destinée manifeste », on observe une intrusion croissante de l’axe OTAN-USA dans l’ancien espace soviétique, principalement en zones caucasienne et centre-asiatique. Moscou suspecte l’administration américaine d’instrumentaliser la mouvance islamiste pour éroder les bases historiques de sa domination et, au-delà, de sa légitimité dans cette région particulièrement convoitée. Elle redoute, notamment, une contagion révolutionnaire issue d’un « Printemps arabe » guidé de l’Etranger.
Dans cette optique, en créant de l’instabilité dans les parties musulmanes de la zone d’influence russe, les crises arabes sont une opportunité pour Washington d’y poursuivre son avancée et, par ce biais, bloquer le retour russe dans sa proche périphérie – considéré, par Moscou, comme le passage obligé et préalable de son retour sur la scène mondiale. Cette ingérence américaine dans les « révolutions » arabes, avec l’aide des monarchies du Golfe, est amèrement regrettée par V. Poutine. Selon lui, cette « ingérence extérieure (…), ainsi que le caractère militaire de cette ingérence, ont contribué à une évolution négative de la situation » . Dans la mesure où les grands axes traditionnellement « anti-russes » de la diplomatie américaine sont maintenus, le récent rapprochement initié par l’administration Obama doit donc être relativisé. En quelque sorte, une forme de paix « froide ».
En réalité, la relance du dialogue entre les deux anciens ennemis de la Guerre froide répond d’abord à la nécessité de s’entendre sur des points cruciaux exprimant des intérêts stratégiques communs. Ces derniers intègrent les nouvelles menaces a-idéologiques du XXI° siècle, dont celles liées à la montée d’idéologies nationalistes, religieuses et identitaires surfant sur le levier terroriste. Ces intérêts sont, par définition, prioritaires et défendus dans le cadre d’une stratégie de long terme définie à l’échelle de l’Eurasie, montrant une redoutable cohérence et s’appuyant – si nécessaire – sur un ensemble de compromis temporaires entre leaderships concurrents. Au final, cette évolution a débouché sur un équilibre d’intérêts relativement fragile et faisant l’objet d’une renégociation permanente. En ce sens, l’équilibre géopolitique post-guerre froide est structurellement instable.
Aujourd’hui, une sorte de pacte tacite lie américains et russes : aide russe en Afghanistan (utilisation du couloir aérien russe, formation et armement des militaires afghans, fourniture d’hélicoptères de combat, transmission du « savoir-faire russe » dans la lutte anti-terroriste) versus intégration (via l’OMC) de la Russie à l’économie mondiale, reconnaissance formelle du leadership russe et de ses prérogatives en périphérie post-soviétique, non intervention militaire (officielle) de l’axe OTAN-USA en Syrie (au moins jusqu’à l’élection présidentielle américaine) et amorce d’une (apparente) collaboration américano-russe. Cette collaboration concerne d’une part, la lutte anti-drogue en Asie centrale (principalement en Afghanistan, matrice de la narco-menace grevant la périphérie post-soviétique) et d’autre part, la configuration finale du bouclier anti-missiles européen (perçu par Moscou comme une menace majeure pour sa sécurité nationale). Dans la continuité du soviétisme, cette collaboration a priori « égalitaire » octroie à la Russie un statut de grande puissance reconnue et respectée, participant pleinement à la construction du Nouvel ordre international.
Pourtant, ce pacte ne durera qu’un temps et il s’achèvera dès que la collaboration russe ne sera plus nécessaire pour Washington, sur les dossiers brûlants menaçant son leadership sur l’Echiquier eurasien. Pour l’heure – et bien qu’il frise parfois la provocation –, l’activisme américain dans l’ancien espace soviétique reste dans des limites politiquement « acceptables » pour la Russie. Mais pour combien de temps, encore ? Jusqu’à la (probable) réélection de Barack Obama, cet activisme sera consciemment gelé à un niveau modéré ne heurtant pas les susceptibilités russes – prudence politique oblige.
Face à une redoutable puissance russe en reconstruction et avide de revanche contre son ennemi historique de la Guerre froide, Washington reste sur ses gardes.
Une forme atténuée et actualisée de la Guerre froide, dans un sens plus « stratégique »
Tendanciellement, les grandes puissances s’affrontent désormais sur l’espace eurasien, en vue du contrôle du cœur névralgique du nouveau monde, émergeant sous nos yeux.
Cet espace concentre, en effet, les ressorts actuels et futurs de la croissance mondiale, à travers l’extraordinaire montée en puissance économique, technologique et démographique des NPI d’Asie. Dans la mesure où les puissances américaine, chinoise et russe ont parfaitement compris le caractère inéluctable de cette évolution, la région Asie-Pacifique est logiquement devenue une de leurs priorités stratégiques – attestée par une présence militaire renforcée et perceptible, notamment, à travers l’intensification des manœuvres navales. Dans cette optique, tous les coups sont permis sur le vaste Echiquier eurasien devenu, aujourd’hui, le lieu privilégié des stratégies manipulatrices de puissances ambitieuses et prises dans une implacable course au leadership. Toutefois, l’hyper-puissance américaine a un avantage énorme qui biaise la confrontation géopolitique, au sens où elle en fixe les règles du jeu, tout en imposant l’agenda de l’OTAN en charge de la sécurité mondiale et dont les compétences historiquement sécuritaires ont été anormalement étendues à la sphère politique. Cette orientation a été confirmée par le secrétaire général de l'Alliance, Anders Fogh Rasmussen : « Nos intérêts en matière de sécurité se trouvent ici en Europe, dans l'ensemble de l'espace euro-atlantique et dans le monde entier » . Ce que les russes dénoncent comme une « OTAN globale ».
Sur un plan plus économique, l’administration américaine verrouille les grandes orientations néo-libérales de la gouvernance mondiale grâce à son immixtion constante dans les principales instances décideuses : Banque mondiale, FMI, G8 et G20, OMC. Bien qu’en déclin tendanciel imputable à son incapacité économique à assumer l’interventionnisme issu de son leadership impérial , Washington cherche à « organiser » sa perte de puissance et à contenir les leaderships concurrents pour préserver les bases structurelles de son pouvoir sur la scène mondiale, en particulier, dans les espaces politiquement sensibles. En fait, cette priorité s’impose à l’administration américaine dès la fin des années 1990, comme le souligne à l’époque Zbigniew Brzezinski : « La tâche la plus urgente consiste à veiller à ce qu’aucun Etat, ou regroupement d’Etats, n’ait les moyens de chasser d’Eurasie les Etats-Unis ou d’affaiblir leur rôle d’arbitre » . Dans ce but, conformément aux préconisations de Brzezinski, il s’agit surtout pour la puissance américaine de freiner le rattrapage économique opéré par les puissances russe et chinoise, synonyme, à terme, de menaces géopolitiques majeures. Une raison fondamentale est que ce rattrapage est le levier permissif du renforcement de leur puissance et de leur réarmement accéléré – particulièrement redouté par Washington, qui a fait officiellement de la Chine, sa première menace stratégique sur longue période.
Dans ses grandes lignes, la politique américaine s’exprime selon 3 axes, dans le cadre d’une véritable partie d’échecs avec les russes et les chinois, européens interposés.
- D’abord, il s’agit de prendre le contrôle des Etats stratégiques – par leur position géographique et leur capacité de nuisance – de l’Eurasie, théorisés par Brzezinski sous l’expression « pivots géopolitiques ». Dans le cadre de mon analyse, je préfère plutôt parler de nœuds stratégiques. Le problème est que la plupart de ces « nœuds » se trouvent en périphérie post-soviétique, c'est-à-dire dans l’Etranger proche de la Russie, défini comme son pré-carré géopolitique. De manière globale, on peut considérer que l’Azerbaïdjan, le Kirghizstan, l’Ouzbékistan et le Tadjikistan sont les nœuds prioritairement ciblés par Washington. En conséquence, il y a là les sources latentes d’une future conflictualité, au sens où l’expansion occidentale en vue du contrôle des nœuds stratégiques heurte ouvertement les intérêts russes, âprement défendus par la nouvelle orientation plus « nationaliste » et de reconquête de V. Poutine, au cœur de l’ancien espace soviétique. Ce dernier aspire à renouer avec la « grandeur russe », à son apogée sous le communisme – et, surtout, préserver les prérogatives « impériales » de la Russie dans sa proche périphérie, contre l’hostilité occidentale.
- Ensuite, il s’agit de contrôler les couloirs et les grands axes énergétiques, via une politique multi-vectorielle de rapprochement avec des Etats stratégiquement ciblés, principalement dans le Caucase et en Asie centrale. Z. Brzezinski affirme ainsi, sans aucune ambigüité, que « nous devons nous efforcer délibérément d’instaurer des liens économiques plus nombreux et plus directs avec les pays d’Asie centrale en tant qu’exportateurs d’énergie » . Cela explique, conformément aux recommandations de Brzezinski, la montée d’une véritable « guerre des oléoducs » (ou guerre des « tubes ») à l’échelle de l’Eurasie post-communiste et cherchant à exclure la Russie des itinéraires clés, des nœuds stratégiques et, donc, de l’Asie centrale, quels qu’en soient les coûts – poursuite, sous une forme réactualisée, du « Grand jeu ».
- Enfin, il s’agit de surfer sur les conflits régionaux (dont les crises yougoslave, kosovare, afghane, arabes, syrienne…) en vue de les intégrer dans une stratégie plus globale de déstabilisation des pouvoirs locaux potentiellement hostiles et, en cela, s’opposant à la volonté américaine d’extension de sa zone d’influence. Cette stratégie, parfois relayée par des ONG anglo-saxonnes, voire par des institutions internationales, a été appliquée à la lettre contre le régime de Kadhafi et très vite généralisée au Moyen-Orient. Ce que Moscou appelle le « scénario libyen », légalisé par de belles idéologies humanitaires et progressivement mis en œuvre en Syrie, en dépit de ses efforts diplomatiques sur la scène onusienne : « certains pays ont éliminé le régime libyen grâce à l'aviation, en se protégeant derrière des slogans humanitaires. Et l'apothéose a été atteinte lors de la scène répugnante du lynchage barbare de Mouammar Kadhafi. Il faut empêcher de réitérer le scénario libyen en Syrie » . Un signal fort envoyé par la Russie aux occidentaux – et surtout, une ligne rouge à ne pas franchir.
A la base, la réussite de la stratégie américaine s’appuie sur le contrôle et la manipulation de l’information couvrant les zones de conflits qui, au final, rend moralement juste et surtout, nécessaire, l’ingérence extérieure – avec, le plus souvent, l’action décisive de la CIA, comme il y a peu en Syrie.
En ce sens, l’information a une fonction clé dans la stratégie d’ingérence américaine.
L’information, comme arme politique au cœur des stratégies d’ingérence
Tendanciellement, comme l'a démontré Noam Chomsky, l'information est un des leviers privilégiés de l'administration américaine dans la déstabilisation des régimes potentiellement « ennemis » ou « gênants » .
Cette fonction politique de l’information a été parfaitement vérifiée à partir des années 90, lors de l’implosion de l’ex-Yougoslave (élimination du président serbe Milosevic), des « croisades » anti-terroristes successives en Irak (élimination de Saddam Hussein) et de la « guerre d’Afghanistan » inaugurée en 1979, avec la déstabilisation d’un régime communiste et pro-soviétique (puis poursuivie en 2001, avec la croisade morale de G.W. Bush promettant le « paradis libéral »). On peut même remonter au coup d’état de 1973 contre le président chilien Salvador Allende, faussement accusé d’affamer son peuple – ancêtre des actuelles « révolutions », visant alors à stopper la contagion communiste avec la CIA comme vecteur de désinformation et qui, aujourd’hui, semble particulièrement active en zones caucasienne et centre-asiatique. Sans parler, naturellement, des « révolutions » arabes qui, étrangement, préservent les monarchies pétrolières du Golfe, pourtant loin d’être les premières démocraties de la région. De curieuses révolutions, à géométrie variable.
De telles manipulations ont été le moteur des « révolutions colorées » d’inspiration néo-libérale en ex-URSS, dans les années 2000 (Géorgie, Ukraine, Kirghizstan) et auparavant, en Europe de l’Est, lors de la « chute du mur » en 1989 (Hongrie, Pologne, RDA, Roumanie, Tchécoslovaquie), qui marquent un sensible déclin international de la Russie. Depuis la fin de l’Union soviétique, ce déclin a donc été précipité par l’activisme politique américain en périphérie post-soviétique, sous couvert d’aides au développement économique et démocratique, en vue du « roll back » (reflux) de la puissance russe comme radicalisation du « containment » (endiguement) de Guerre froide.
Troublantes permanences.
Ce devoir d’ingérence a été institutionnalisé, sous la pression de l’axe USA-OTAN, comme nouvelle norme informelle de la régulation internationale axée sur l’usage « hypertrophié » de la force, pour reprendre le terme de V. Poutine. Dans son brutal avertissement de Munich, ce dernier affirme notamment : « Nous sommes en présence de l'emploi hypertrophié, sans aucune entrave, de la force - militaire - dans les affaires internationales, qui plonge le monde dans un abîme de conflits successifs. Par conséquent, aucun des conflits ne peut être réglé dans son ensemble. Et leur règlement politique devient également impossible » . On observera que, tendanciellement, la position russe privilégie une résolution politique – et non militaire – des conflits. Sur le « Printemps arabe », Moscou reste ainsi fidèle à sa position munichoise qui, contrairement à la vision conjoncturelle et opportuniste de l’Occident, s’appuie sur une approche structurelle et globale – donc cohérente sur long terme – de la crise.
Cette dérive de la gouvernance néo-libérale, porteuse virtuelle d’instabilités à l’échelle internationale, est donc officiellement et régulièrement dénoncée depuis le célèbre discours de Munich en 2007. Les prochains Etats ciblés par cette stratégie d’ingérence semblent être la Syrie et l’Iran pour lesquels on prépare, avec allégresse, les raisons d’une future intervention occultant la légitimité onusienne sur la base, d’une part, d’une vision humanitaire arbitraire et, d’autre part, d’une politique de communication soigneusement « orientée ». De ce point de vue, sous l’impulsion de l’Arabie saoudite et du Qatar, comme surprenante avant-garde de la « démocratie » arabe, les « Amis de la Syrie » auront un rôle décisif à jouer dans le destin de la « révolution » syrienne – avec, naturellement, la bénédiction américaine. Une manipulation programmée.
Le précédent irakien (comme le drame syrien, avec le rôle politique clé de l’OSDH) montre bien, à quel point, on peut « fabriquer » des preuves dont la fiabilité est reprise, sans aucun contrôle des sources, par les médias occidentaux – par exemple, le supposé « soutien militaire » russe au président Assad, renforcé par la participation active de « conseillers » ; les « massacres répétés » de civils par les armées libyennes et syriennes (2012) ; l’existence « d’armes de destruction massive » en Irak (2002), de « camps de concentration » en Serbie (1992), « d’immenses charniers » à Timisoara (Roumanie, 1989) et, plus loin encore, « l’intervention imminente » de l’armée rouge dans la Pologne pré-révolutionnaire de Solidarność à la fin des années 80… Dans la plupart des cas, ces mensonges d’Etat ont justifié, dans une phase ultérieure, une action militaire – ou une ingérence indirecte, via des ONG – visant à renverser le pouvoir en place ou, du moins, à influer sur le cours politique. Pour plus de « démocratie ».
Début juillet 2012, cela a poussé V. Poutine à prendre des mesures contre les ONG guidées de l’étranger et jouant, selon son expression, un rôle effectif « d’agent d’influence » dans la vie politique russe – ce qui est perçu comme une ingérence inadmissible et, au-delà, comme une atteinte à la souveraineté nationale de la fédération de Russie. La responsable de la diplomatie de l'Union européenne, Catherine Ashton, s’est empressée de condamner cette dérive « autoritaire et anti-démocratique » du Pouvoir russe qui, selon elle, empêchera le développement de la société civile. Désormais, au regard de la loi russe, sont considérées comme « agents de l’étranger » les ONG bénéficiant d’un financement étranger et menant une activité politique. Juste retour des choses.
L’objectif implicite de la stratégie occidentale de désinformation est d’éroder, d’une part, la légitimité politique intérieure de V. Poutine et, d’autre part, la domination russe dans sa zone historique, en mettant en cause son soutien à des « dictatures » (Iran, Libye, Syrie, Biélorussie, Kazakhstan) mises hors la loi de la vie internationale et, par ce biais, affaiblir ses alliances traditionnelles. Avec le développement accéléré mais incontrôlé des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC), on assiste à une véritable « guerre de l’information » – qui renforce la stratégie de « soft power », via les révolutions internet. Sans ambages, le discours de politique étrangère de V. Poutine dénonce la mise en œuvre d’une telle stratégie sur l’Echiquier arabe : « Le Printemps arabe a également mis en évidence l'utilisation particulièrement active des technologies avancées de l'information et de la communication dans la formation de l'opinion. On peut dire qu'Internet, les réseaux sociaux, les téléphones portables, etc. se sont transformés, avec la télévision, en un outil efficace aussi bien de la politique nationale qu'internationale ».
Plus loin, dans son discours, qui vise implicitement les puissances occidentales, le président russe condamne des manipulations évidentes conduisant, au final, à utiliser l’information comme levier de la politique étrangère : « On emploie de plus en plus souvent la notion de "puissance douce" (soft power), un ensemble d'outils et de méthodes pour accomplir des tâches de politique étrangère sans utiliser les armes, grâce à des leviers informationnels et autres. Malheureusement, ces méthodes sont souvent utilisées pour encourager et provoquer l'extrémisme, le séparatisme, le nationalisme, la manipulation de la conscience de l'opinion publique et l'ingérence directe dans la politique nationale des Etats souverains » . En tant que vecteur d’un nouveau type d’action idéologique et d’une forme de spontanéité incontrôlable par les régimes autoritaires centralisés, l’information devient donc une redoutable arme politique. Poutine l’a, récemment, appris à ses dépens.
Cette insidieuse stratégie a été observée il y a peu en zone post-soviétique, notamment au Kazakhstan en décembre 2011, pays clé de l’Asie centrale, richement doté en énergies (étrange coïncidence) et dirigé par le leader pro-russe Nazarbaïev. Bien qu’aimé de son peuple, celui-ci est honteusement et injustement qualifié de « dictateur » par un Occident totalement déconnecté des réalités locales et ignorant la pression croissante exercée par la « menace islamiste ». Fin août 2012, l’Ouzbékistan a été (curieusement) réintégrée par l’administration Obama parmi les Etats « politiquement corrects », c'est-à-dire, respectant les droits de l’homme, dans la seule optique d’y réinstaller une base militaire après son départ d’Afghanistan en 2014. Sous G.W. Bush, pour des raisons politiques (isoler Moscou) et énergétiques (tracé des tubes) impliquant le renforcement de leur partenariat, l’Azerbaïdjan de la sanglante dynastie Aliev a été qualifiée par Washington « d’Etat-modèle » sur le chemin de la démocratie – troublant, tout de même. La politique (américaine) a ses raisons, que la morale ignore…
De manière hautaine et redondante, l’Occident continue de donner des leçons de démocratie à des Etats dont les dirigeants font face à la violence meurtrière et aveugle de l’Islam radical – dont le leitmotiv est l’application « démocratique » de la Charia, peu regardante sur le droit des femmes et des droits humains, en général. Bien que répondant à un autre objectif, les récentes ingérences occidentales dans les dernières élections russes, via des ONG à financement américain comme Golos (« Voix »), chargées du contrôle de leur légalité, s’inscrivent dans cette stratégie permanente de désinformation. Le cas syrien – avec, cet été, la rumeur (déjà « rodée » en Irak) sur l’utilisation par le pouvoir d’armes chimiques contre la rébellion – en est la parfaite illustration. Inquiétante inertie.
Lorsque G.W. Bush a lancé sa seconde « croisade » en Irak, au printemps 2003 – pour éliminer un régime autrefois ami mais devenu, soudain, terriblement gênant –, il a d’ailleurs reconnu que la première guerre à gagner était celle de l’information. Terrible et révélateur aveu.
Emergence d’une Guerre tiède multidimensionnelle, comme nouvelle forme de conflictualité centrale
Ainsi, à l’aube incertaine du XXI° siècle, la nouvelle guerre « tiède » qui émerge n’est plus centrée sur des variables idéologiques et une vision du monde messianique, mais davantage sur des variables stratégiques et multidimensionnelles, dans le cadre d’une politique désormais centrée sur la défense des intérêts nationaux – élargis à l’espace de domination. Nouveau réalisme oblige.
Malgré tout, l’objectif ultime de la Guerre froide est resté dominant et axé sur l’élargissement des zones d’influence, progressivement érigées en « protectorats » politiques considérés comme espaces réservés, c'est-à-dire comme zones potentielles d’intervention. Dans ce but, on assiste à la création ou au renforcement d’alliances géopolitiques (Chine-Russie versus Europe-USA) et de coalitions politico-militaires (OCS versus OTAN). Autrement dit, en raison des maladresses occidentales, on assiste à une inflexion clairement asiatique de la politique étrangère russe, qui n’hésite plus désormais, avec le soutien de Pékin (et parfois de l’Inde), à s’opposer frontalement à l’unilatéralisme hautain de la gouvernance mondiale néo-libérale, porteuse de la pensée unique. Cela est attesté par l’attitude solidaire des russes et des chinois face aux « instabilités » arabes et par leur volonté de prévenir toute ingérence militaire de la coalition arabo-occidentale sous leadership américain, plus récemment en Syrie : « Nous ne soutiendrons aucune ingérence étrangère ou autre prescription imposée » , a réaffirmé le chef de la diplomatie russe, S. Lavrov. D’autant plus que, dans le cas syrien, c’est la présence russe dans la région qui est en jeu – et, donc, de manière implicite, son rapport de force avec Washington. Pour Moscou, les leçons yougoslave, irakienne et libyenne ont été retenues. Et cela suffit.
Ainsi, l’évolution géopolitique récente est marquée par le renforcement d’un axe eurasiatique, s’appuyant sur le rapprochement sino-russe doublement accéléré par la crise syrienne et l’hostilité du comportement occidental. Catalysé par un partenariat stratégique renforcé, l’axe sino-russe est élargi, d’une part, aux anciennes républiques soviétiques (dont celles d’Asie centrale, via l’OTSC) et, d’autre part, aux nouvelles puissances émergentes (dont l’Inde, via l’OCS). Sur un plan plus structurel, cet axe vise à rééquilibrer l’asymétrie stratégique mondiale au détriment de l’axe occidental qui, au contraire, cherche à renforcer cette asymétrie par l’extension d’un bouclier anti-missiles global dont un élément majeur sera implanté en Europe, aux portes de la Russie. En définitive, ce bouclier permettra d’exercer une pression permanente – un contrôle oppressant – sur une puissance russe hors normes et insaisissable, voire imprévisible, perçue depuis la Guerre froide comme structurellement « instable » et, en ce sens, potentiellement menaçante. Fondamentalement, la rationalité de l’axe eurasiatique est donc structurée contre l’axe occidental.
Dans ce contexte, les nouvelles menaces perçues par la Russie sont étroitement corrélées à l’évolution « anti-russe » de la stratégie occidentale post-guerre froide conduite en Eurasie : les dégâts collatéraux de la guerre d’Afghanistan et ses implications politiques en périphérie russe ; l’extension démesurée du rôle de l’OTAN et sa cooptation des anciens alliés de l’époque soviétique ; la menace de la composante européenne du bouclier anti-missiles américain et sa compression du potentiel nucléaire russe ; l’extension du « modèle » arabe dans l’espace politique russe en vue de sa déstabilisation, sous bienveillance occidentale ; la marginalisation et l’instrumentalisation de l’ONU dans la gestion des crises régionales, au profit de l’OTAN et contre les intérêts russes ; enfin, les tentatives de l’axe OTAN-USA de préserver son hégémonie politico-militaire dans le cadre du système unipolaire, en verrouillant la gouvernance mondiale et en freinant la montée des « émergents ». Dans son essence, une telle évolution exprime – principalement, à travers sa logique d’encerclement de la puissance russe – la trahison occidentale des promesses faites à l’Union soviétique en 1989, dont cette dernière reste l’unique héritière politique. Inutile gifle.
À terme, se posera le problème du nouveau statut politique de la Russie (et de la Chine) dans l’ordre mondial issu du post-communisme. Cette question se présente avec d’autant plus d’acuités que, selon la terminologie de G. Sokoloff, la Russie a, d’une part, quitté son statut de « puissance pauvre » hérité de la désastreuse transition post-communiste impulsée par B. Eltsine et responsable du « chaos russe » et, d’autre part, réussi à la fois la relance de sa croissance – supérieure au trend occidental – et la restructuration de son économie. Bien qu’encore trop dépendant de son potentiel énergétique, le développement de sa puissance économique donne désormais, à la Russie, une certaine crédibilité géopolitique sur la scène internationale. Pour Hélène Carrère d’Encausse, c’est l’émergence d’un « monde post-occidental » pluraliste qui est en jeu, marquée par le relatif déclin de l’Occident accéléré par la montée géopolitique de l’Asie. Dans cette optique, se posera aussi la nécessité d’une réforme dans un sens plus démocratique de la gouvernance mondiale, reflétant l’inflexion des rapports de force au profit des puissances émergentes des BRICS – bientôt suivies par les NPI d’Afrique, bénéficiant d’une forte croissance économique depuis la seconde moitié des années 2000, supérieure au trend occidental et qui explique un indéniable « rattrapage ».
En ce sens, sous l’impulsion de la Russie, c’est bien l’idée d’un Nouvel ordre international centré sur l’ONU et (trop) longtemps espéré par le Tiers-monde, qui reprend une certaine actualité. Ce que le dernier président de l’URSS, Mikhaïl Gorbatchev, dès 1985, dans sa « Nouvelle pensée politique » (novoe myslenie), a appelé le Monde multipolaire et qui, très vite, est apparu comme le « pari perdu » de sa réforme radicale connue, en Occident, sous le nom de « Perestroïka » (restructuration). Cette notion de multipolarité a été reprise plus tard et popularisée par le « vieux soviétique », Evgueni Primakov, premier ministre (1998-1999) de la fédération de Russie sous Eltsine.
L’influence de Primakov a été décisive dans l’inflexion asiatique et « anti-américaine » de la diplomatie russe, dans l’optique de démocratiser la vie internationale et, surtout, de rompre avec le suivisme occidental de l’administration Eltsine . Amère désillusion.
Vers un point de non retour : l'émergence d'une Guerre tiède…
Au-delà, c’est aussi le statut de l’arme nucléaire dans le monde – et sa fonction structurante des grands équilibres géostratégiques – qui se jouera et qui a fondé, jusqu’à aujourd'hui, l’existence internationale de la Russie.
Cette configuration justifie la fonction politique de l’atome dans la stratégie de puissance de la Russie et, en cela, son rejet du projet anti-missiles américain au cœur de l’Eurasie, dans la mesure où il neutralise en partie sa force nucléaire stratégique et donc, érode sa légitimité internationale. Ainsi, selon V. Poutine, la fédération de Russie serait une cible potentielle du futur bouclier américain, « la défense anti-missiles (américaine en Europe) vise certainement à neutraliser le potentiel nucléaire russe ».
En dépit de négociations de pure forme et d’illusoires promesses entretenues depuis le sommet de Lisbonne de novembre 2010, la Russie reste totalement exclue de ce projet. Ce qui, à terme, devrait la conduire à prendre des mesures de rétorsion « adéquates » et de réarmement accéléré, recentrées, – dans la continuité du soviétisme –, sur l’alternative nucléaire et sa logique de dissuasion. Cette alternative a été officiellement confirmée par le discours offensif du 23 novembre 2011 du président Medvedev, porteur d’un brutal avertissement contre l’unilatéralisme de la politique sécuritaire américaine : « J'ai ordonné aux forces armées d'élaborer des mesures pour détruire, si besoin, les moyens d'information et de commande du système de défense anti-missiles ».
Dans l'optique de compenser l'asymétrie stratégique créée par le futur bouclier américain, la réponse russe impliquera l'optimisation technologique de sa capacité de frappe nucléaire et conventionnelle et, en particulier, la conception « d'armes de hautes précision ». Ainsi, selon l'affirmation du ministre russe de la Défense, Anatoli Serdioukov, le 8 octobre 2012 : « Notre programme d'armement prévoit des solutions à plusieurs problèmes, y compris au bouclier anti-missiles américain » . Comme un brutal retour en arrière, malgré Obama.
Selon Vladimir Poutine, la réélection éventuelle de Barak Obama en novembre prochain n’y changera rien. En effet, dans ses grandes lignes, la stratégie extérieure américaine reste soumise à un objectif structurel, totalement indépendant de la couleur politique de son administration et, en définitive, focalisé contre la menace sino-russe. Pour Brzezinski, il n’y a pas d’autre alternative et le président Obama, en suivant implicitement ses conseils, l’a parfaitement compris. En ce sens, les « révolutions » arabes sont, pour Washington, une réelle opportunité de poursuivre la marginalisation – dans le prolongement du « Roll back » – de la puissance russe et, ainsi, sanctionner de manière définitive sa défaite de la Guerre froide. Ultime provocation.
L’involution syrienne, succédant à un « Eté arabe » manipulé, nous conduit donc à un point de non retour. Dotée d’un potentiel gazier énorme et véritable verrou politico-sécuritaire du Moyen-Orient, la Syrie est aujourd’hui la cible privilégiée de puissances prédatrices – les enjeux énergétiques et géopolitiques, et non les Droits de l’homme, au cœur du « Printemps arabe ». Et cela, en dépit de l’appel solennel du président Poutine à ces dernières, de « tirer les leçons » de l’impasse actuelle de leur stratégie .
Désormais, le président russe redoute un terrible hiver aux couleurs islamistes et, paradoxalement, illuminé par le soleil néo-libéral – retour vers la Guerre tiède*. Tout est dit.
Fin d’un rêve ?
Jean Géronimo http://www.voxnr.com* Les crises arabes et leurs implications géopolitiques pour la Russie (dont la Guerre tiède), sont traitées dans le post-scriptum (50 pages) inséré dans la nouvelle édition enrichie de mon livre : « La Pensée stratégique russe – Guerre tiède sur l’Échiquier eurasien : les révolutions arabes, et après ? ». Préface de Jacques SAPIR, mars 2012, éd. SIGEST, code ISBN 2917329378.
Abréviation
NPI : Nouveaux pays industriels
CEI : Communauté des Etats indépendants
MID : Ministère russe des Affaires étrangères
OCS : Organisation de coopération de Shanghai
OSDH : Organisation syrienne des Droits de l’homme
OTSC : Organisation du traité de sécurité collective
BRICS : Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud
Remarques
La CEI contient l’ex-URSS moins les Etats baltes et la Géorgie. Elle couvre 99% du territoire de l’ex-URSS et peut être considérée comme la zone d’influence traditionnelle de la Russie. Cette forme atténuée et désidéologisée de l’Union soviétique a une fonction essentiellement politique, quasi-symbolique, et elle s’inscrit dans la nécessité de préserver l’unité de l’espace post-soviétique. A la disparition de l’URSS, la CEI a permis un « divorce à l’amiable » entre la Russie et ses anciennes Républiques, tout en préservant un fort lien identitaire entre ces dernières – dans le prolongement du soviétisme.
L’OTSC, qualifiée d’ « OTAN russe », est une structure politico-militaire sous domination russe, selon la « tradition » soviétique. Elle vise à assurer une défense commune des Républiques les plus proches de Moscou – le « noyau dur » de la CEI – face aux menaces extérieures. Elle regroupe actuellement sept Etats : Arménie, Biélorussie, Kazakhstan, Kirghizstan, Tadjikistan, Russie et Ouzbékistan – qui couvrent près de 70% du territoire de l’ex-URSS. L’Ouzbékistan vient de quitter pour la seconde fois l’OTSC (une première fois en 1999, réintégration en 2006). Son objectif est de se rapprocher de l’axe OTAN-USA en vue de développer un partenariat économico-stratégique, plus sécurisant et financièrement plus intéressant que le paternalisme protecteur de la Russie. A terme, on peut prévoir le retour d’une base américaine en Ouzbékistan – et, peut être, au Tadjikistan, également très courtisé par le « protecteur » américain ». Dans cette hypothèse, la fiabilité, voire l’existence même de l’OTSC serait menacée et, par ce biais, le statut – donc le pouvoir – régional de la Russie.
L’OCS est une structure politico-militaire eurasiatique, dominée par l’axe sino-russe. Elle vise à renforcer la stabilité et la sécurité de l’Asie centrale, en prise aux « nouvelles menaces » alimentées par le chaos afghan, le « Printemps arabe » et la triple montée concomitante de l’extrémisme, du séparatisme et du nationalisme. Elle regroupe actuellement six Etats : Chine, Kazakhstan, Kirghizstan, Tadjikistan, Russie et Ouzbékistan. L'Inde, le Pakistan et l'Iran (bientôt l’Ukraine) ont le statut de « pays observateurs » – véritable antichambre à l’adhésion à l’OCS. De manière implicite, cette organisation permet à la Russie d’avoir un droit de regard sur la politique chinoise, autrement dit, d’exercer une forme de contrôle soft sur un concurrent redoutable et qui, à long terme, deviendra une réelle menace pour son leadership en Asie centrale. Désormais, la Chine y exerce en effet une influence croissante, heurtant de plus en plus les prérogatives historiques de la Russie dans la région – et amorçant, de ce fait, un véritable « jeu à trois » entre les puissances américaine, chinoise et russe.
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Sarkozy confirme son européisme
« L'euro survivra et l'Europe n'explosera pas », a déclaré jeudi à Montréal l'ancien président français Nicolas Sarkozy, réaffirmant ainsi son européisme lors d'une conférence payante devant environ 800 personnalités québécoises.
« L'Europe étant un continent qui s'est entre-déchiré dans le passé, l'Union européenne lui a apporté la paix », a-t-il expliqué en substance. Et nous qui croyions bêtement que c’était la victoire de 1945 !
L'ancien chef de l'État a ponctué son intervention de plusieurs formules chocs: « L'Europe c'est la paix », « L'euro est le cœur de l'Europ », « Si l'euro échoue, l'Europe explose ».
Ceux qui, en toute sincérité, persistent à voir en cet homme des sentiments véritablement nationaux en seront malheureusement et une nouvelle fois pour leurs frais.
Interrogé, à l'issue de l'exposé, sur les conséquences d'une éventuelle sortie d'un pays de la zone euro, M. Sarkozy l'a jugée improbable, car elle ne serait pas dans l'intérêt du ou des pays en question.
« Leur dette est libellée en euros », donc la sortie de l'euro et la dévaluation de la monnaie nationale qui devrait suivre, rendraient la dette encore plus lourde, a-t-il expliqué.
Puis, « si on laisse tomber un pays, les marchés se demanderont quel est le suivant », a-t-il ajouté, avant de conclure: « l'euro est un tout, l'Europe est un tout ».
M. Sarkozy a évoqué aussi la "maladie" de la gouvernance étatique de l'Europe, à savoir la nécessité d'avoir le consensus de 27 pays pour prendre une décision.
« Faire croire à 27 pays qu'ils ont tous les mêmes droits et les mêmes devoirs est un mensonge », a-t-il asséné, avant d'affirmer que l'Allemagne et la France « ont une responsabilité particulière car elles font 50% du PIB » européen.
Quant aux accords de libre-échange négociés entre l'UE d'une part, le Canada --avec d'importantes difficultés de dernière minute-- et les États-Unis d'autre part, l'ancien président français y croit, car tous ces pays « font partie de la même famille ». Ce qui n'enlève rien, selon lui, au besoin de développer les relations avec la Chine.
Avec AFP
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Camping pour tous vendredi 26 avril
RDV place Édouard Herriot devant l’assemblée aujourd’hui 19h30.
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Répression : contre les barbouzes de Manuel Gaz, TOUS À LA MANIF du 29 avril
Les témoignages abondent, désormais, des violences policières des barbouzes de Manuel Valls, à l’encontre des opposants à la dénaturation du mariage, violence dirigées notamment envers des femmes, avec le silence complice de Taubira.
TOUS À LA MANIF DU Cercle des avocats contre la répression policière lundi 29 avril à 18h30 devant le Palais de Justice, à côté du Bistrot les 2 Palais. Thème : « Pour un printemps de la Justice contre les violences policières ». Des victimes témoigneront.
Pauline*, 22 ans, agressée mercredi par deux gendarmes près de l’Assemblée nationale
« Mercredi soir vers 19h30, je suis arrivée près de l’Assemblée nationale. J’étais toute seule place de Palais Bourbon, en train d’envoyer des messages de mon téléphone portable. Je n’avais aucun signe distinctif sur moi et ai pu constater la présence de nombreux policiers place Edouard Herriot où était organisé un apéro pour tous à 20h. J’étais appuyée contre un potelet lorsque vers 19h55, une policière et un policier en civil arrivent et me demandent : « Vous êtes là pour manifester ? C’est interdit. Votre carte d’identité s’il vous plaît ? » J’explique que je suis seule et que j’attends des amis. » [La suite sur NdF]
Dimitri, 21 ans, agressé dimanche et traité de « pute » par des policiers en civil (+addendum) La suite sur NdF
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Pour une extension du domaine de la lutte
Tribune libre de Frédéric Pichon*
Certains de mes amis, apprenant le vote définitif de la loi Taubira, ont reçu un véritable coup de poignard. J’avoue, honteusement peut-être, avoir appris cette nouvelle froidement.
Non que je ne mesure pas la gravité de cette boite de Pandore que constitue la loi Taubira et la rupture de civilisation qu’elle introduit de l’aveu même de ses promoteurs.
Et déjà, la loi à peine votée, les masques tombent : les lobbies LGBT, Christiane Taubira et Najat Vallaud-Belkacem commencent à évoquer la PMA. Certaines officines pharmaceutiques proposent ici ou là des catalogues avec des têtes de bébés que l’on pourra programmer et vendre comme de la marchandise en les faisant porter par des pauvres femmes acculées par la misère.
Je n’ai jamais cru un seul instant que ce gouvernement de bobos de philosophie libérale-libertaire céderait sur le sociétal. À défaut de s’attaquer au diktat de la finance, au chômage et à la précarité qui touche des millions de compatriotes, ils n’ont que ce nonos à ronger. Ils ne le lâcheront pas.
La gauche, aujourd’hui, n’a plus rien à voir avec Jaurès qui proclamait qu’« à ceux qui n’ont plus rien, la patrie est le seul bien ».
C’est Pierre Bergé qui déclara en janvier : « Louer son ventre pour faire un enfant ou louer ses bras pour travailler à l’usine, quelle différence ? C’est faire un distinguo qui est choquant »
Ou encore Jacques Attali dans L’avenir de la vie (1981) : « Dès qu’il dépasse 60-65 ans l’homme vit plus longtemps qu’il ne produit et il coûte cher à la société. La vieillesse est actuellement un marché, mais il n’est pas solvable. Je suis pour ma part en tant que socialiste contre l’allongement de la vie. L’euthanasie sera un des instruments essentiels de nos sociétés futures. »
La suite sur les Nouvelles de France
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Europe : austérité contre croissance
Avec le retour de la récession un peu partout en Europe, les politiques de rigueur budgétaire sont sous le feu des critiques. Si plusieurs pays d’Europe du Sud veulent injecter un peu de croissance dans la rigueur, l’Allemagne maintient son cap.
Le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schaüble, a plaidé ce jeudi 25 avril 2013 pour la poursuite de la consolidation budgétaire et des réformes en Europe. À l’appui de leur fermeté, les dirigeants allemands citent les dernières statistiques publiées par Eurostat, qui montrent que la dette souveraine de la zone euro s’est élevée à 90,6% du produit intérieur brut (PIB) en 2012, contre 87,3% l’année précédente.¢
Une déclaration de Wolfgang Schaüble qui vient en réponse aux débats suscités cette semaine, un peu partout en Europe, sur l'austérité accusée d'empêcher la croissance. La veille, le ministre français des Finances, Pierre Moscovici a invectivé Berlin, en affirmant que « l'Allemagne ne peut ignorer qu'elle a intérêt à avoir une zone euro qui soit en croissance ». Rappelons-le, le président socialiste François Hollande a été l’un des premiers politiques à s’opposer à cette stratégie, mise en place en 2010 par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel.
PAS DE VIRAGE À 180° À ATTENDRE
L’Italie a également donné des signes encourageants en ce sens. Le président du Conseil, Enrico Letta, a déclaré « qu’en Europe, les politiques d’austérité ne suffisent plus. » Même les Pays-Bas, bons élèves de l’Europe, ont décidé de renoncer à leur plan de réductions budgétaires de 4,3 milliards d'euros, pour donner un peu d’oxygène à leur économie. Comme la France, les Pays-Bas ont abandonné leur objectif de réduction de déficit de 3% pour cette année.
Le président de la Commission européenne, Jose Manuel Barroso, lui-même a pointé les limites de la rigueur. Mais, à ceux qui s’imaginaient que Bruxelles était sur le point de changer de philosophie, la Commission a très vite répondu qu'il n'y avait pas de virage à 180° à attendre. Le président de la Commission a juste dit qu'il fallait « combiner la correction budgétaire avec des mesures adaptées pour soutenir la croissance. »
LE SPD POUR UN MINIMUM DE CROISSANCE
Au final, la décision ne se prendra pas à Bruxelles, mais à Berlin. A cinq mois des élections législatives en Allemagne, la chancelière Angela Merkel est de plus en plus critiquée par l’opposition de centre gauche pour son insistance à exiger des membres de la zone euro qu’ils poursuivent leurs programmes de réduction des dépenses publiques.
Le Parti social-démocrate (SPD) allemand qui ambitionne de battre Angela Merkel, estime que l’heure est toujours à la réduction de la dette, mais plaide également pour « un minimum de croissance », afin de combattre le chômage dans le sud de l’Union européenne.¢
Avec RFI http://www.francepresseinfos.com/ -
La trahison..
« Les promesses n’engagent que ceux qui y croient », disait un politicien des temps de la République triomphante… Rouerie ou mépris à l’égard des citoyens, ou peut-être du système démocratique lui-même, cette formule apparaît d’autant plus cruelle aux ouvriers de ce pays qui se sentent abandonnés par ceux-là mêmes qui leur avaient promis, non seulement du réconfort en ce temps de crise industrielle, mais un véritable soutien face aux requins de la Finance et des transnationales comme Mittal, déjà bien connue pour ses talents de dépeceur d’entreprises depuis la fermeture de l’usine de Gandrange. D’autant plus qu’il semble bien que Lakshmi Mittal n’a en fait racheté les hauts-fourneaux français que pour en récupérer le savoir-faire et, au passage, quelques subventions des pouvoirs publics français…
Mais M. Hollande n’est allé à Florange en février 2012 que pour glaner quelques voix et couper l’herbe sous le pied de ses concurrents sur le plan social : en fait, tout cela n’était que sinistre comédie ! Les masques sont tombés lorsque, à l’automne, M. Ayrault, premier ministre à titre temporaire, a refusé la proposition portée par M. Montebourg, d’une nationalisation provisoire : c’était, en fait et par ce refus, signer ainsi la mort du site, ce qui n’a pas manqué, comme on peut le constater aujourd’hui…
La grande faute de M. Hollande, que signale Hervé Gattegno au micro de RMC ce jeudi 25 avril, c’est de n’avoir pas réussi à imposer la puissance publique face aux exigences et au chantage de M. Mittal, et de ne pas tenir une promesse qui, parce qu’elle était réaliste et donc réalisable avec un peu de volonté politique, pouvait au moins être tenue : « une loi pour obliger les industriels à céder les sites rentables – c’était le problème à Florange : Mittal ne voulait pas céder les hauts-fourneaux à un concurrent. Cette loi, on l’attend encore. La mesure était censée figurer dans la transcription législative de l’accord sur la sécurisation de l’emploi, mais le Medef s’y est opposé. »
Ainsi, tous les discours de M. Hollande sur « la Finance, mon adversaire » n’étaient que de l’esbroufe pour cacher, en fait, l’absence d’un plan pour gouverner en temps de grand vent ! Une fois la magistrature suprême conquise, M. Hollande s’est retrouvé fort dépourvu face à une crise, ou plutôt une mondialisation malheureuse dont il semblait ne pas soupçonner jusqu’alors les effets dévastateurs et la logique destructrice d’emplois en France.
Alors, quand les ouvriers de Florange dénoncent la trahison de M. Hollande, on ne peut que leur donner raison, tout en réfléchissant, au-delà de la personne du président, à ce système institutionnel qui permet de telles attitudes de la part des hommes qui prétendent à la plus haute charge de l’Etat et y accèdent.
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Sclérose : des chansons pour la Manif
"On n’a pas besoin d’inventer la vérité. On a tout vu, on y était.
Et tes vidéos falsifiées ! Il faut même t’apprendre à compter ! (...)Tu mens aux jeunes avec la théorie du genre"
Il est le chanteur de l'ancien groupe "Sclérose" qui produisait du rock français dans les années 80. Sur son site, il propose des chansons inspirées de La Manif qu'il a créées depuis la première manif du 23 octobre 2012. Il a joué avec des amis normands Porte Maillot le 13 janvier et Place Patton le 24 Mars.
Il sera bien sûr à Paris le 26 Mai. Il retravaille son titre "On ne lâche rien !" ci-dessous pour cette grande manif.
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Anthinéa d'Athènes à Florence, Par Charles Maurras
Des premiers Jeux olympiques de l'ère moderne aux source si de notre culture la plus classique
En nos temps dérisoires où l'idéal olympique lui-même se trouve éclaboussé par des scandales de corruption reflétant tout le désordre moral de cette putride fin de siècle, il est fort éclairant de partir pour Athènes en l'an 1896 en compagnie d'un journaliste de 28 ans qui se nommait Charles Maurras
La Gazette de France avait eu la bonne idée de demander à un poète plutôt qu'à un athlète ce qu'il convenait de découvrir dans la capitale hellénique, redevenue pour quelques jours le haut lieu d'une très ancienne et très grandiose vision du monde.
Il ne s'agissait pas moins, dans l'esprit du baron de Coubertin, de restaurer l'antique harmonie du corps, de l'intelligence et de l'âme.
Le jeune poète provençal qui débarque au Pirée est quelque peu sceptique sur les rêveries de l'entreprenant aristocrate normand. Il sera vite sinon convaincu, du moins passionné.
Il va parfois délaisser les gradins du stade olympique pour vagabonder au hasard des rues d'Athènes et grimper le dur chemin de l'Acropole, où il retrouve bien des émotions du vieux Renan.
Ces émotions, il les traduit en une langue superbe. Au fur et à mesure que l'on tourne les pages de ce livre d'une belle qualité typographique, on découvre un grand écrivain dont la vaste culture classique échappe à toute scolarité pour retrouver les belles cadences lyriques unissant la rigueur et la grâce. D'avoir été élevé en deux langues, l'occitane et la française, au lieu de diminuer son bonheur d'expression, n'a fait que le conforter et l'enrichir. La grande leçon dé Mistral est ainsi parfaitement vécue.
Le style n'est pas tout; il n'est que l'élégance d'une pensée qui peut-être ne sera jamais aussi nette ni aussi claire.
Ceux qui enferment Maurras dans le tumulte des luttes d'un demi-siècle, où le fondateur de L'Action Française n'eut certes pas toujours raison, découvriront ici un jeune homme, ou du moins un homme jeune, totalement ébloui par la lumière d'un éternel Midi.
Tout au long de ce voyage vécu comme une sorte de rite initiatique, il découvre dans le monde hellénique « rajeuni et recompris » ce qu'il nomme « une source de renaissance ».
Cette incursion dans l'univers du sport, restauré en sa simplicité primitive, lui fournit des arguments et des espérances pour ce qui sera, quelques mois plus tard, le soubassement doctrinal de son Enquête sur la monarchie. L'esprit d'Anthinéa exhale un véritable printemps des lettres et des arts.
Dans ce récit, qui tient du pèlerinage aux sources et d'une chronique sportive, dont le point d'orgue reste le marathon, superbement remporté par un simple berger grec, Charles Maurras ne cache pas quelques-uns des préjugés qui deviendront un jour les fondements de ce qu'il faut appeler son «système». Celui-ci aura l'originalité - qui contrebalance bien des erreurs - de mêler en un faisceau harmonieux la politique et la culture.
Que la vision qu'il aura de l'une et de l'autre soit souvent restrictive n'empêche pas la fulgurance d'une intuition géniale : que serait la politique si elle n'était, au-delà de la défense des intérêts les plus immédiats, une vision du grand destin des civilisations et des peuples ?
D'emblée, le journaliste est choqué par le mondialisme humanitaire qu'il devine sous l'idéal olympique. Une conversation avec Coubertin le conduira à comprendre le véritable sens des Jeux Olympiques restaurés : « Il ne s'était jamais offert l'occasion aussi favorable pour essayer de distinguer exactement le cosmopolitisme, qui n'est qu'un mélange confus de nationalités réduites ou détruites, d'avec l'internationalisme qui suppose d'abord le maintien des différents esprits nationaux. »
Autre remarque, qui garde son actualité : la méfiance envers l'Amérique, « cette Amérique qui ignore ce que le monde hellénisé a conçu de plus rare, et de plus secret, la mesure ». Par contre, les Grecs sont son admiration : « Le goût d'enchaîner le présent au passé doit être compté à ce peuple. »
Tout au long de sa visite des musées et des ruines, il va se laisser envahir par les leçons de l'antiquité classique. Il se forge ainsi des maximes appelés à rythmer son futur combat civique : « Trop de nouveaux venus peuvent gâter un peuple, trop de paysans changés en citadins peuvent l'affaiblir. »
II valorise l'idée de mesure : « Ni relâchement, ni rudesse, aucune vertu sans plaisir, ni aucun plaisir sans vertu, voilà le conseil athénien. »
Le reste du livre de cet étonnant voyageur nous conduira en Corse et en Toscane. Il ne pourra que se terminer en Provence, où il revient « plein d'usage et de raison » ...
J,M. National Hebdo du 4 mars au 10 mars 1999
Charles Maurras : Anthinéa d'Athènes à Florence, 192 pages, Librairie Anthinéa, allées Amiral-Courbet, 83000 Toulon .