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  • « Que la révolution commence », par Garry Leech

    Je vous livre la traduction d'un texte essentiel de l'auteur de « Le Capitalisme, un génocide structurel ». Quelque chose me dit que chez les droitards, sa lecture va provoquer quelques sérieux grincements de dents...

    Qu'est-ce que nous attendons ? Combien de temps allons-nous rester assis à ne rien faire et à regarder les bellicistes politiques déployer leurs drones, leurs navires de guerre, leurs bombardiers furtifs, leurs missiles, nos fils et filles et, finalement, leurs armes nucléaires, contre les peuples les plus pauvres du monde ? Combien de temps allons-nous rester indifférents aux entreprises bellicistes maniant leurs baguettes magiques bénéficiaires, qui remplissent à craquer leurs portefeuilles et leurs bedaines, pendant que des millions d'enfants meurent de faim et de maladies évitables ? Combien de temps allons-nous accepter l'inégalité injuste des 1 % empochant une part largement disproportionnée de la richesse créée par le labeur des 99 % ? Combien de temps allons-nous accepter passivement la folie suicidaire consistant à violer et piller les ressources limitées de notre planète, au point qu'aucun de nous ne sera en mesure de survivre ? Que la révolution commence !

    Et qu'en est-il de notre peur irrationnelle des armes de destruction massive dans les mains de terroristes, qui nous maintient paralysés et distraits des injustices quotidiennement perpétrées en notre nom ? Les plus mortelles des armes de destruction massive utilisées aujourd'hui dans le monde ne sont pas chimiques ou biologiques ; ce sont les règles établies par l'Organisation mondiale du commerce, le Fonds monétaire international, la Banque mondiale et tous les soi-disant accords de libre-échange qui ne font qu'intensifier les inégalités au plan mondial, la souffrance humaine et la mort. Les élites du monde des affaires et leurs laquais politiques manient ces armes avec peu de souci du bien-être humain ou de l'environnement. Les banquiers d'investissement de Wall Street jouent dans un casino mondial où les dés sont pipés en faveur de la maison, et la maison se trouve être la propriété des 1 %. Pendant ce temps, les plus grands perdants dans ce casino capitaliste perdent plus que de l'argent ; ils perdent leurs maisons, leur santé, leur éducation, leurs moyens de subsistance, leur dignité, même leur vie. Ils sont les millions qui meurent inutilement chaque année de faim et de maladies évitables. Ceux-ci sont les ultimes victimes du capitalisme, génocide structurel. Que la révolution commence !

    Ce génocide n'est pas simplement une conséquence malheureuse du capitalisme ; il constitue le fondement même du système. Et nous nous tenons sur ces fondations aujourd'hui ! Tout ce que nous construisons est érigé sur ces fondations gorgées de sang ! Ne sont-ce pas le génocide des peuples indigènes partout aux Amériques, et le vol de leurs terres, qui ont créé la richesse qui a financé la révolution industrielle ? N'est-ce pas le mouvement des enclosures qui a expulsé les gens de la terre et leur a volé leurs moyens de subsistance, afin qu'ils puissent être « libres » de trimer dans les conditions misérables des usines de l'Angleterre industrielle ? Ne sont-ce pas l'enlèvement de millions d'Africains et leur asservissement aux Amériques qui ont alimenté le « développement » des États-Unis et du Canada ? Les mêmes pratiques violentes se poursuivent aujourd'hui avec le déplacement forcé de millions de paysans, afin que des capitalistes requins de la finance puissent continuer d'exploiter les ressources naturelles de la planète, pour tapisser leurs propres poches de luxe. Que la révolution commence !

    Aucun système social dans l'histoire humaine ne s'est jamais avéré si génocidaire ; ni le communisme, ni même le fascisme. Et aucune dose de bricolage avec un système qui est intrinsèquement génocidaire, ne mettra un terme au génocide. Pendant la première décennie du 21e siècle, plus de 120 millions de personnes sont mortes parce que les structures du système capitaliste les ont empêchées de satisfaire leurs besoins de base. Pendant ce temps, les Européens dépensent plus d'argent chaque année en crème glacée, que la somme nécessaire pour fournir à tous, dans les pays du Sud, de l'eau potable et un système d'assainissement élémentaire. Et les Américains et Européens dépensent annuellement davantage en aliments pour animaux de compagnie, que la somme nécessaire pour prodiguer les soins de santé de base aux pauvres dans le monde entier. Il n'y a que dans un système génocidaire qu'il paraît plus sensé de produire, pour les riches, de la crème glacée et de la nourriture pour animaux de compagnie, que de l'eau potable et des soins de santé pour des milliards de personnes qui ne constituent pas un marché viable, parce que leur travail n'est pas nécessaire et qu'ils sont trop pauvres pour être des consommateurs. Seul un système génocidaire peut rendre jetable la moitié de l'humanité ! Mais le revers de cette équation est que les pauvres du monde entier n'ont plus rien à perdre. Que la révolution commence !

    Mais qu'arrive-t-il quand les pauvres osent résister et se défendre ? Ne sont-ils pas alors les heureux bénéficiaires de la « démocratie » et de la « liberté » distribuées, non seulement par le canon d'un fusil, mais par des bombes et des missiles à guidage laser qui détruisent leurs maisons et taillent leurs membres en pièces ? Ne bénéficient-ils pas de sanctions économiques qui aboutissent à la famine et à la maladie, en raison de la pénurie de nourriture et de médicaments refusés au nom de l'intervention humanitaire ? Ne sont-ils pas considérés comme des terroristes ? Nous les tuions parce qu'ils étaient communistes. Indépendamment de l'étiquette que nous leur épinglons, constituent-ILS vraiment une menace pour NOTRE sécurité ? Et croyons-nous vraiment que les tuer et les mutiler par les bombardements, la famine et la maladie, va leur faire voir le monde comme nous le faisons ? Ou que cela les fera vraiment nous haïr ? Que la révolution commence !

    Et qu'en est-il de vous et moi, qui vivons dans le ventre de la bête impérialiste ? NOUS ne sommes pas innocents dans tout cela ! La majorité d'entre nous, dans les pays riches, sommes à la fois esclaves des 1 % et complices de l'exploitation et du génocide des pauvres du monde entier. On nous dit que nos modes de vie sont un produit de notre propre dur travail individuel, et que personne n'a le droit de nous prendre cela. Mais que dire de ceux, dans les pays du Sud, qui peinent 12, 14 ou 16 heures par jour dans une lutte désespérée pour la survie ? Ne travaillent-ils pas dur, eux aussi ? Et pourtant, peu importe combien ils travaillent dur, ils ne seront jamais près d'atteindre un mode de vie comme le nôtre. En fait, ils auront de la chance de préserver leur vie, sans parler de parvenir à un mode de vie confortable. NOS habitudes de consommation et modes de vie sont dépendants de l'exploitation de LEUR travail et de LEURS ressources naturelles. NOUS ne jouissons pas de NOTRE mode de vie parce que NOUS sommes en quelque sorte intrinsèquement plus intelligents, ou supérieurs, ou plus blancs, ou travaillons plus dur qu'EUX, mais parce que nous avons la chance de vivre dans le pays des exploiteurs impérialistes, que ce soit aux Etats-Unis, au Canada, en Grande-Bretagne, en Europe continentale, en Australie ou en Nouvelle-Zélande. NOUS vivons comme nous le faisons, en consommant la part d'autres peuples dans les ressources de la planète. C'est pourquoi l'écart de richesse entre les nations riches et les nations pauvres a augmenté, passant de 3 contre 1 en 1820, à 35 contre 1 en 1950 et à 106 contre 1 aujourd'hui. Et c'est précisément pourquoi nous aurions besoin de cinq planètes Terre pour que la population du monde entier, soit sept milliards de personnes, puisse vivre comme nous le faisons. En réalité, le « rêve américain » est un cauchemar pour des centaines de millions de personnes à travers le monde. N'avons-nous pas de conscience ? Que la révolution commence !

    Mais NOUS AVONS une conscience ! Elle a seulement été temporairement intégrée [à une explication globale falsifiée que nous acceptons - NDT], sous le poids de la propagande avec laquelle les élites capitalistes et leurs laquais politiques nous bombardent quotidiennement. Cette propagande nous cache les relations entre nos modes de vie relativement confortables, et la souffrance massive endurée par des millions de gens pour nous assurer ce mode de vie. NOUS bénéficions de la grande richesse générée sous le capitalisme, pendant que la moitié de la population mondiale endure la misère et les privations. Mais même NOS confortables modes de vie sont érodés, avec à peine un coup d'œil de notre part, alors que nous sommes forcés de travailler plus longtemps et d'accumuler des dettes toujours plus élevées, pendant que la richesse créée par notre travail est de plus en plus centralisée dans les mains des 1 %. Il existe une machine de propagande qui nous convainc d'accepter cette réalité injuste. Notre système d'éducation exige de l'ordre et de l'obéissance, au sein de structures autoritaires hiérarchiques qui nous classent et nous catégorisent, en fonction des besoins d'une société dont les valeurs sont dictées par des élites capitalistes. Sinon, pourquoi serions-nous obligés de nous asseoir docilement en rangs et de mémoriser les mythes ridicules au sujet de la « démocratie » et de la « liberté » et de la « justice », dont nous sommes nourris à la cuillère à partir de manuels passés au « blanc » [jeu de mot intraduisible, alliant l'image du lavage du linge en machine à celle de l'ethnocentrisme occidental - NDT] ? Non seulement l'éducation enterre notre conscience, mais elle écrase aussi notre esprit. La seule chose à quoi l'obtention du diplôme nous rend bons, est d'intégrer un lieu de travail tout aussi rigide, qui exige le même ordre et la même obéissance. Nous n'avons pas été éduqués, nous avons été endoctrinés ! Que la révolution commence !

    Et les médias, nous éclairent-ils sur cette réalité ? Non ! Ils nous endoctrinent davantage, à travers des histoires à sensation qui servent à renforcer les croyances et les mythes instillées en nous par le système d'éducation, et à nous distraire des vraies questions qui ont un impact sur nos vies et sur le monde dans lequel nous vivons. Il est plus important que nous fassions nos courses, que nous regardions la télévision et lisions des tweets de célébrités, plutôt que d'affronter les dures réalités qui résultent de nos choix de vie. Mais aucune quantité d'achats, ni de télévision, ni de culte de la célébrité ne peut suffisamment engourdir notre conscience ; c'est pourquoi beaucoup d'entre nous sont si dépendants des antidouleur, sous forme d'alcool, de drogues illicites et d'antidépresseurs. N'est-il pas temps de raviver à la fois notre conscience et notre esprit ? Que la révolution commence !

    À ceux qui bombardent lâchement les peuples les plus pauvres du monde avec des monstres téléguidés dans le ciel ; à ceux qui croient qu'ils ont un droit inaliénable à perpétrer un génocide structurel à travers leur exploitation brutale des gens et de la nature ; à ceux qui utilisent la richesse générée par NOTRE travail pour construire LEURS demeures et modes de vie privilégiés ; à ceux qui défendent leurs privilèges avec des outils de surveillance high-tech qui espionnent chacune de nos actions et de nos paroles au nom de la sécurité nationale ; et à ceux qui utilisent leur pouvoir et leur influence pour développer des mécanismes de propagande et de contrôle de l'esprit pour nous garder dociles, je donne un avertissement : PRENEZ GARDE ! Car ces armes vont bientôt être retournées contre vous ! Après tout, si les palais politiques connus sous les noms de Maison Blanche, de 24 promenade Sussex [à Ottawa, c'est l'adresse de la résidence officielle du premier ministre du Canada - NDT] et de 10 Downing Street, et les bureaux de sociétés à Wall Street, à Bay Street [centre du quartier financier de Toronto, près de la Bourse du Canada - NDT] et à la City, et les ministères de la guerre situés au Pentagone, au Pearkes Building [siège des quartiers généraux de la Défense nationale canadienne, à Ottawa - NDT] et à Whitehall, devaient tous tomber dans l'oubli, les milliards de personnes opprimées et pauvres dans le monde ne s'en porteraient-elles pas mieux ? Ces établissements et ce qu'ils représentent ne sont pas sources de liberté et de vie, ils sont des fauteurs de souffrance et de mort. Que la révolution commence !

    Ne devrait-ce pas être aux élites du monde des affaires de devoir trembler, terrifiées à la perspective de la faim et de la maladie, les ravageant elles et leurs familles, au point qu'elles seraient obligées de mendier des bons d'alimentation et autres aumônes ? Ne devrait-ce pas être aux maisons des gros richards de banquiers d'investissement d'être saisies, de sorte qu'eux-mêmes et leurs familles se trouveraient, non pas bien installés en toute sécurité dans leurs luxueuses communautés fermées, mais vivant dans la rue, dans la peur constante de la violence des hordes en colère dont ils ont détruit la dignité depuis des siècles ? Ne devrait-ce pas être aux politiciens et aux généraux qui manient les modernes épées de la mort high-tech, d'être obligés de vivre dans la peur constante d'être mis en pièces ou mis à la torture, des mains des victimes, pauvres et déshéritées, de leur génocide en cours ? Cela ne serait-il pas justice ? Que la révolution commence !

    Et quel genre de monde pourrait-il être gagné, au moyen d'une telle révolution ? Imaginez un monde dans lequel toutes les ressources ont été équitablement réparties, si bien qu'aucun enfant n'a jamais eu faim. Imaginez un monde dans lequel nous nous sommes souciés de notre voisin, plus que nous ne nous soucions d'un candidat à une émission de télé réalité ou d'un personnage dans un feuilleton. Imaginez un monde dans lequel prendre soin de notre Mère la Terre a été plus gratifiant que de faire les boutiques pour acheter une nouvelle paire de chaussures ou le dernier gadget électronique. Imaginez un monde dans lequel nous coopérons, plutôt que de rivaliser les uns avec les autres. Imaginez un monde où la coopération s'étend au lieu de travail et où nous sommes responsabilisés en tant que copropriétaires par un processus collectif de décision, plutôt que d'être de simples appendices du système de production, contraints de suivre docilement les diktats d'autrui. Imaginez un monde où l'autoritarisme n'existe pas dans le domaine politique, sur nos lieux de travail ou dans nos maisons. Imaginez un monde dans lequel nous avons TOUS une voix significative au chapitre, pour toutes les importantes décisions qui ont un impact sur nos vies. Imaginez un monde où TOUS les Noirs, les Blancs, les Bruns, les hommes, les femmes et les pédés sont considérés comme des êtres humains égaux. En bref, imaginez un monde d'harmonie et de compassion. Certains pourraient dire qu'un tel monde n'est rien de plus qu'un rêve utopique, mais je dis que c'est la croyance que nous pouvons continuer comme nous sommes, qui est utopique.

    Alors, que la révolution commence, MAINTENANT !

    Sources : Counterpunch et le blog de Garry Leech

    (N.B. : Garry Leech est un journaliste indépendant ; né en Grande-Bretagne, il donne des cours de science politique internationale dans une université canadienne.)

    Traduction par mes soins. – Reproduction autorisée sous réserve de citer verslarevolution.hautetfort.com en source.

    http://verslarevolution.hautetfort.com/archive/2014/01/19/que-la-revolution-commence-par-garry-leech-5275429.html

  • France – Arabie saoudite : liaison dangereuse

    Des voix s'élèvent à Washington pour réexaminer les liens troubles entre Al-Qaïda et l'Arabie saoudite à propos du 11 septembre.

    Au moment où les États-Unis et la Russie démontrent qu’une sortie de crise pacifique est possible à propos de l’Iran, Paris choisit de s’aligner sur les positions bellicistes de l’Arabie saoudite face à la Syrie et l’Iran.
    Comment expliquer que la France qui, du général de Gaulle jusqu’à Jacques Chirac, avait maintenu séculairement notre tradition d’équilibre en politique étrangère, puisse aujourd’hui autant s’en écarter ?
    L’Arabie saoudite est certes le premier producteur et exportateur de pétrole mais elle est, avant tout, le cœur « nucléaire » d’un islam rigoriste, conquérant et même terroriste. Longtemps allié des États-Unis aux côtés d’Israël pour détruire les régimes arabes modernisateurs, le royaume wahhabite est, partout dans le monde, la source première de la radicalisation de l’islam. Tant que l’État profond saoudien et ses services secrets séviront, aucun islam apaisé ne pourra l’emporter dans le monde musulman, aucune tradition locale ne pourra tempérer le Coran et aucune paix véritable ne sera possible entre le monde islamique et les autres civilisations. L’État saoudien est responsable de l’implosion syrienne et des 130 000 morts qui en résultent, des décapitations de chrétiens par les hordes salafistes, comme il est sans doute derrière l’attentat de Volgograd en Russie.
    Est-ce donc avec ce pays qui coupe des mains d’enfants, réprime physiquement les homosexuels et réduit les femmes et les travailleurs immigrés à l’esclavage, que le « pays des droits de l’homme » entend refonder sa politique arabe au Moyen-Orient? J’ai toujours défendu la realpolitik et je ne ne suis pas un partisan de l’idéalisme en politique étrangère, mais il y a des limites au cynisme et au « court-termisme ». Or, avec l’Arabie saoudite, nous, Français, entrons en contradiction avec ce que nous sommes !
    Nous avons, au minimum, 6 millions de musulmans qui vivent sur le territoire français, dont l’immense majorité est sunnite. Voulons-nous que l’enchevêtrement économique de la France et de l’Arabie saoudite favorise la radicalisation des Français musulmans ? On ne peut pas faire la guerre contre le fondamentalisme islamique, soutenu par l’Arabie saoudite et le Qatar, au Mali et jusqu’en Centrafrique, et prétendre, en même temps, faire de Riyad notre meilleur allié au Moyen-Orient. Notre politique étrangère ne peut s’asseoir sur ce paradoxe intenable alors que bien d’autres choix sont possibles, à commencer par un retour en Iran, un pays bien plus prometteur sur le plan économique et humain.
    L’Iran a autant de pétrole (2e réserve mondiale) et bien plus de gaz (2e réserve mondiale) que l’Arabie saoudite ; c’est surtout un État multimillénaire solide qui se réformera quand l’Arabie saoudite, wahhabite dans ses fondements, ne pourra le faire. Avec la Russie, l’Iran est sans doute l’allié stratégique et énergétique naturel de l’Europe, sur le continent eurasiatique où la Chine de demain pèsera lourd.
    Les États-Unis sont en train de se dégager en douceur de l’alliance avec l’Arabie saoudite et ce n’est pas un hasard si, au même moment, des voix (Congrès, justice) s’élèvent à Washington pour réexaminer les liens troubles entre Al-Qaïda et l’Arabie saoudite à propos du 11 septembre. Il n’est pas impossible que les Américains « gardent au chaud » quelques révélations qui pourraient s’avérer bien embarrassantes pour la France lorsque celle-ci se sera enfoncée plus profondément et imprudemment encore dans l’alliance saoudienne…

    Aymeric Chauprade

    http://www.voxnr.com/cc/etranger/EFAEpEylukoLgdTnwq.shtml

  • Nation et nationalisme, Empire et impérialisme, dévolution et grand espace

    Communication au XXIVe Colloque du GRECE, Paris, le 24 mars 1991.
    Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, Chers amis et camarades,
    Le thème de notre colloque d'aujourd'hui est à la fois intemporel et actuel.
    Actuel parce que le monde est toujours, envers et contre les espoirs des utopistes cosmopolites, un pluriversum de nations, et parce que nous replongerons tout à l'heure à pieds joints dans l'actualité internationale, marquée par le conflit, donc par la pluralité antagonistes des valeurs et des faits nationaux.
    Intemporel parce que nous abordons des questions que toutes les générations, les unes après les autres, remettent inlassablement sur le tapis. En traitant de la nation et du nationalisme, de l'Empire et de l'impérialisme, nous touchons aux questions essentielles du politique, donc aux questions essentielles de l'être-homme, puisque Aristote déjà définissait l'homme comme un zoon politikon, comme un être ancré dans une polis, dans une cité, dans une nation. Ancrage nécessaire, ancrage incontournable mais ancrage risqué car précisément il accorde tout à la fois profondeur, sens de la durée et équilibre mais provoque aussi l'enfermement, l'auto-satisfaction, l'installation, la stérilité.
    Devant le retour en Europe de l'Est et de l'Ouest d'un discours se proclamant nationaliste, il est impératif de comprendre ce double visage que peut prendre le nationalisme, de voir en lui cet avantage et ce risque, cette assurance que procure l'enracinement et ce dérapage qui le fait chavirer dans l'enfermement. Quant à la notion d'empire, elle a désigné au Moyen Âge le Reich centre-européen, sorte d'agence qui apaisait les conflits entre les diverses ethnies et les multiples corps qui le composait ; puis elle a désigné, sous Bonaparte, le militarisme qui tentait d'imposer partout en Europe des modèles constitutionnels marqués par l'individualisme bourgeois, qui méconnaissaient les logiques agrégatrices et communautaires des corps de métier, des « républiques villageoises » et des pays charnels ; ensuite, elle a désigné l'impérialisme marchand et thalassocratique de l'Angleterre, qui visait l'exploitation de colonies par des groupes d'actionnaires, refusant le travail parce que, lecteurs de la Bible, ils voyaient en lui une malédiction divine ; leur aisance, leur oisivité, ils la tiraient des spéculations boursières.
    Cette confusion sémantique, qui vaut pour le terme « nation » comme pour le terme «empire», il importe que nous la dissipions. Que nous clarifions le débat. C'est notre tâche car, volontairement, nous parions pour le long terme et nous refusons de descendre directement dans l'arène politicienne qui nous force toujours aux pires compromis. Si nous ne redéfinissons pas nous-mêmes les concepts, si nous ne diffusons pas nos redéfinitions par le biais de nos stratégies éditoriales, personne ne le fera à notre place. Et la confusion qui règne aujourd'hui persistera. Elle persistera dans le chaos et de ce chaos rien de cohérent ne sortira.
    Commençons par définir la nation, en nous rappelant ce qu'Aristote nous enseignait à propos du zoon politikon ancré dans sa cité. Le politique, qui est l'activité théorique surplombant toutes les autres activités de l'homme en leur conférant un sens, prend toujours et partout son envol au départ d'un lieu qui est destin. À partir de ce lieu se crée une socialité particulière, étayée par des institutions bien adaptées à ce paysage précis, forcément différentes des institutions en vigueur dans d'autres lieux. Nous avons donc affaire à une socialité institutionnalisée qui procure à sa communauté porteuse autonomie et équilibre, lui assure un fonctionnement optimal et un rayonnement maximal dans son environnement. Le rayonnement élargit l'assise de la socialité, crée le peuple, puis la nation. Mais cette nation, produit d'une évolution partie de l'ethnos originel, se diversifie à outrance au cours de l'évolution historique. En bout de course, nous avons toujours affaire à des nations à dimensions multiples, qui se déploient sur un fond historique soumis à tous les aléas du temps. Toute conception valide de la nation passe par une prise en compte de cette multidimensionalité et de ce devenir. Le peuple est donc une diversité sociologique qu'il faut organiser, notamment par le truchement de l'État.
    L'État organise un peuple et le hisse au rang de nation. L'État est projet, plan : il est, vis-à-vis de la concrétude nation, comme l'ébauche de l'architecte par rapport au bâtiment construit, comme la forme par rapport à la matière travaillée. Ce qui implique que l'État n'a pas d'objet s'il n'y a pas, au préalable, la concrétude nation. Toutes les idéologies statolâtriques qui prétendent exclure, amoindrir, juguler, réduire la concrétude, la matière qu'est la nation, sont des sottises théoriques. Le peuple précède l'État mais sans la forme État, il ne devient pas nation, il n'est pas organisé et sombre rapidement dans l'inexistence historique, avant de disparaître de la scène de l'histoire. L'État au service de la concrétude peuple, de la populité génératrice d'institutions spécifiques, n'est pas un concept abstrait mais un concept nécessaire, un concept qui est projet et plan, un projet grâce auquel les élites du peuple affrontent les nécessités vitales. L'État — avec majuscule — organise la totalité du peuple comme l'état — sans majuscule — organise telle ou telle strate de la société et lui confère du sens.
    Mais il est des États qui ne sont pas a priori au service du peuple : Dans son célèbre ouvrage sur la définition du peuple (Das eigentliche Volk, 1932), Max Hildebert Boehm nous a parlé des approches monistes du concept État, des approches monistes qui refusent de tenir compte de l'autonomie nécessaires des sphères sociales. Ces États capotent rapidement dans l'abstraction et la coercition stérile parce qu'ils refusent de se ressourcer en permanence dans la socialité populaire, dans la « populité » (Volkheit), de se moduler sur les nécessités rencontrées par les corps sociaux. Cette forme d'État coupée du peuple apparaît vers la fin du Moyen Âge. Elle provoque une rupture catastrophique. L'État se renforce et la socialité se recroqueville. L'État veut se hisser au-dessus du temps et de l'espace. Le projet d'État absolu s'accompagne d'une contestation qui ébauche des utopies, situées généralement sur des îles, elles aussi en dehors du temps et de l'espace. Dès que l'État s'isole de la socialité, il ne l'organise plus, il ne la met plus en forme. Il réprime des autonomies et s'appauvrit du même coup. Quand éclate la révolution, comme en France en 1789, nous n'assistons pas à un retour aux autonomies sociales dynamisantes mais à un simple changement de personnel à la direction de la machine État. Les parvenus remplacent les faisandés au gouvernail du bateau.
    C'est à ce moment historique-là, quand la nation concrète a périclité, que nous voyons émerger le nationalisme pervers que nous dénonçons. Le discours des parvenus est nationaliste mais leur but n'est pas la sauvegarde ou la restauration de la nation et de ses autonomies nécessaires, de ses autonomies qui lui permettent de rayonner et de briller de mille feux, de ses autonomies qui ont une dynamique propre qu'aucun décret ne peut régenter sans la meurtrir dangereusement. L'objectif du pouvoir est désormais de faire triompher une idéologie qui refuse de reconnaître les limites spatio-temporelles inhérentes à tout fait de monde, donc à toute nation. Une nation est par définition limitée à un cadre précis. Vouloir agir en dehors de ce cadre est une prétention vouée à l'échec ou génératrice de chaos et d'horreurs, de guerres interminables, de guerre civile universelle.
    Les révolutionnaires français se sont servis de la nation française pour faire triompher les préceptes de l'idéologie des Lumières. Ce fut l'échec. Les nationaux-socialistes allemands se sont servis de la nation allemande pour faire triompher l'idéal racial nordiciste, alors que les individus de race nordique sont éparpillés sur l'ensemble de la planète et ne constituent donc pas une concrétude pratique car toute concrétude pratique, organisable, est concentrée sur un espace restreint. Les ultramontains espagnols se sont servis des peuples ibériques pour faire triompher les actions du Vatican sur la planète. Les banquiers britanniques se sont servis des énergies des peuples anglais, écossais, gallois et irlandais pour faire triompher le libre-échangisme et permettre aux boursicotiers de vivre sans travailler et sans agir concrètement en s'abstrayant de toutes les limites propres aux choses de ce monde. Les jésuites polonais ont utilisé les énergies de leur peuple pour faire triompher un messianisme qui servait les desseins de l'Eglise.
    Ce dérapage de l'étatisme, puis du nationalisme qui est un étatisme au service d'une abstraction philosophique, d'une philosophade désincarnée, a conduit aux affrontements et aux horreurs de la guerre de Crimée, de la guerre de 1870, de la guerre des Boers, des guerres balkaniques et de la guerre de 1914. Résultat qui condamne les nationalismes qui n'ont pas organisé leur peuple au plein sens du terme et n'ont fait que les mobiliser pour des chimères idéologiques ou des aventures colonialistes. Inversément, cet échec des nationalismes du discours et non de l'action concrète réhabilite les idéaux nationaux qui ont choisi l'auto-centrage, qui ont choisi de peaufiner une socialité adaptée à son cadre spatio-temporel, qui ont privilégié la rentabilisation de ce cadre en refusant le recours facile au lointain qu'était le colonialisme.
    Pour sortir de l'impasse où nous ont conduit les folies nationalistes bellogènes, il faut opérer à la fois un retour aux socialités spatio-temporellement déterminées et il faut penser un englobant plus vaste, un conteneur plus spacieux de socialités diverses.
    Le Saint-Empire du Moyen Âge a été un conteneur de ce type. En langage moderne, on peut dire qu'il a été, avant son déclin, fédératif et agrégateur, qu'il a empêché que des corps étatiques fermés ne s'installent au cœur de notre continent. La disparition de cette instance politique et sacrée à la suite de la fatale calamité des guerres de religion a provoqué le chaos en Europe, a éclaté l'œkoumène européen médiéval. Sa restauration est donc un postulat de la raison pratique.
    À la suite des discours nationalistes fallacieux, il faut réorganiser le système des États européens en évitant justement que les peuples soient mobilisés pour des projets utopiques irréalisables, qu'ils soient isolés du contexte continental pour être mieux préparés par leurs fausses élites aux affrontements avec leurs voisins. Il faut donc réorganiser le continent en ramenant les peuples à leurs justes mesures. Ce retour des limites incontournables doit s'accompagner d'une déconstruction des enfermements stato-nationaux, où les peuples ont été précisément enfermés pour y être éduqués selon les principes de telle ou telle chimère universaliste.
    Le retour d'une instance comparable au Saint-Empire mais répondant aux impératifs de notre siècle est un vieux souhait. Constantin Frantz, le célèbre philosophe et politologue allemand du XIXe siècle, parlait d'une «communauté des peuples du couchant», organisée selon un fédéralisme agrégateur, reposant sur des principes diamétralement différent de ceux de la révolution française, destructrice des tissus sociaux concrets par excès de libéralisme économique et de militarisme bonapartiste.
    Guillaume de Molinari, économiste français, réclamait à la fin du XIXe siècle la construction d'un « marché commun » incluant l'Allemagne, l'Autriche-Hongrie, la France, la Hollande, la Belgique, le Danemark et la Suisse. Il a soumis ses projets aux autorités françaises et à Bismarck. Lujo Brentano envisage à la même époque une union économique entre l'Autriche-Hongrie et les nouveaux États balkaniques. L'industriel autrichien Alexander von Peez, par un projet d'unification organique de l'Europe, entend répondre aux projets américains de construire l'Union panaméricaine, qui évincera l'Europe d'Amérique latine et amorcera un processus d'« américanisation universelle ».
    Gustav Schmoller affirme que toute politique économique européenne sainement comprise ne peut en aucun cas s'enliser dans les aventures coloniales, qui dispersent les énergies, mais doit se replier sur sa base continentale et procéder à grande échelle à une « colonisation intérieure ». Jäckh et Rohrbach théorisent enfin un projet de grande envergure : l'organisation économique de l'Europe selon un axe diagonal Mer du Nord/Golfe Persique. L'objectif de la théorie et de la pratique économiques devait être, pour ces deux économistes des vingt premières années de notre siècle, d'organiser cette ligne, partant de l'embouchure du Rhin à Rotterdam pour s'élancer, via le Main et le Danube, vers la Mer Noire et le Bosphore, puis, par chemin de fer, à travers l'Anatolie et la Syrie, la Mésopotamie et le villayat de Bassorah, aboutir au Golfe Persique. Vous le constatez, on retombe à pieds joints dans l'actualité. Mais, ce projet de Jäckh et de Rohrbach, qu'a-t-il à voir avec le thème de notre colloque ? Que nous enseigne-t-il quant au nationalisme ou à l'impérialisme ?
    Beaucoup de choses. En élaborant leurs projets d'organisation continentale en zones germanique, balkanique et turque, les puissances centrales de 1914 réévaluaient le rôle de l'État agrégateur et annonçaient, par la voix du philosophe Meinecke, que l'ère des spéculations politiques racisantes était terminée et qu'il convenait désormais de faire la synthèse entre le cosmopolitisme du XVIIIe siècle et le nationalisme du XIXe siècle dans une nouvelle forme d'État qui serait simultanément supranationale et attentive aux ethnies qu'elle englobe. L'Entente, porteuse des idéaux progressistes de l'ère des Lumières, veut, elle, refaire la carte de l'Europe sur base des nationalités, ce qui a fait surgir, après Versailles, une « zone critique » entre les frontières linguistiques allemande et russe.
    Nous découvrons là la clef du problème qui nous préoccupe aujourd'hui : les puissances porteuses des idéaux des Lumières sont précisément celles qui ont encouragé l'apparition de petits États nationaux fermés sur eux-mêmes, agressifs et jaloux de leurs prérogatives. Universalisme et petit-nationalisme marchent la main dans la main. Pourquoi ? Parce que l'entité politique impérialiste par excellence, l'Angleterre, a intérêt à fragmenter la diagonale qui s'élance de Rotterdam aux plages du Koweit. En fragmentant cette diagonale, l'Angleterre et les États-Unis de Wilson brisent la synergie grande-continentale européenne et ottomane de Vienne au Bosphore et de la frontière turque aux rives du Golfe Persique.
    Or depuis la chute de Ceaucescu en décembre 1989, tout le cours du Danube est libre, déverrouillé. En 1992, les autorités allemandes inaugureront enfin le canal Main-Danube, permettant aux pousseurs d'emmener leurs cargaisons lourdes de Constantza, port roumain de la Mer Noire, à Rotterdam. Un oléoduc suivant le même tracé va permettre d'acheminer du pétrole irakien jusqu'au cœur industriel de la vieille Europe. Voilà les raisons géopolitiques réelles de la guerre déclenchée par Bush en janvier dernier. Car voici ce que se sont très probablement dit les stratèges des hautes sphères de Washington :
        « Si l'Europe est reconstituée dans son axe central Rhin-Main-Danube, elle aura très bientôt la possibilité de reprendre pied en Turquie, où la présence américaine s'avèrera de moins en moins nécessaire vu la déliquescence du bloc soviétique et les troubles qui secouent le Caucase ; si l'Europe reprend pied en Turquie, elle reprendra pied en Mésopotamie. Elle organisera l'Irak laïque et bénéficiera de son pétrole. Si l'Irak s'empare du Koweit et le garde, c'est l'Europe qui finira par en tirer profit. La diagonale sera reconstituée non plus seulement de Rotterdam à Constantza mais du Bosphore à Koweit-City. La Turquie, avec l'appui européen, redeviendra avec l'Irak, pôle arabe, la gardienne du bon ordre au Proche-Orient. Les États-Unis, en phase de récession, seront exclus de cette synergie, qui débordera rapidement en URSS, surtout en Ukraine, pays capable de redevenir, avec un petit coup de pouce, un grenier à blé européen auto-suffisant.
        Alors, adieu les achats massifs de blé et de céréales aux États-Unis ! Cette synergie débordera jusqu'en Inde et en Indonésie, marchés de 800 millions et de 120 millions d'âmes, pour aboutir en Australie et en Nouvelle-Zélande. Un grand mouvement d'unification eurasienne verrait le jour, faisant du même coup déchoir les États-Unis, en mauvaise posture financière, au rang d'une puissance de second rang, condamnée au déclin. Les États-Unis ne seraient plus un pôle d'attraction pour les cerveaux du monde et on risquerait bien de voir s'effectuer une migration en sens inverse : les Asiatiques d'Amérique, qui sont les meilleurs étudiants d'Outre-Atlantique, retourneraient au Japon ou en Chine ; les Euro-Américains s'en iraient faire carrière en Allemagne ou en Italie du Nord ou en Suède. Comment éviter cela ? En reprenant à notre compte la vieille stratégie britannique de fragmentation de la diagonale ! Et où faut-il la fragmenter à moindres frais ? En Irak, pays affaibli par sa longue guerre contre l'Iran, pays détenteur de réserves pétrolières utiles à l'Europe ».
    La stratégie anglo-américaine de 1919, visant la fragmentation des Balkans et du Proche-Orient arabe et projetant la partition de la Turquie en plusieurs lambeaux, et la stratégie de Bush qui entend diviser l'Irak en trois républiques distinctes et antagonistes, sont rigoureusement de même essence. L'universalisme libéral-capitaliste, avatar des Lumières, instrumentalise le petit-nationalisme de fermeture pour arriver à asseoir son hégémonie.
    Au seuil du XXe siècle comme au seuil du XXIe, la necessité d'élargir les horizons politiques aux dimensions continentales ont été et demeurent nécessaires. Au début de notre siècle, l'impératif d'élargissement était dicté par l'économie. Il était quantitatif. Aujourd'hui, il est encore dicté par l'économie et par les techniques de communications mais il est dicté aussi par l'écologie, par la nécessité d'un mieux-vivre. Il est donc aussi qualitatif. L'irruption au cours de la dernière décennie des coopérations interrégionales non seulement dans le cadre de la CEE mais entre des États appartenant à des regroupements différents ou régis par des systèmes socio-économiques antagonistes, ont signifié l'obsolescence des frontières stato-nationales actuelles.
    Les énergies irradiées à partir de diverses régions débordent le cadre désormais exigu des États-Nations. Les pays riverains de l'Adriatique et ceux qui forment, derrière la belle ville de Trieste, leur hinterland traditionnel, ont organisé de concert les synergies qu'ils suscitent. En effet, l'Italie, au nom de la structure stato-nationale née par la double action de Cavour et de Garibaldi, doit-elle renoncé aux possibles qu'avaient jadis concrétisé l'élan vénitien vers la Méditerranée orientale ? La Sarre, la Lorraine et le Luxembourg coopèrent à l'échelon régional. Demain, l'axe Barcelone-Marseille-Turin-Milan fédèrera les énergies des Catalans, des Languedociens, des Provençaux, des Piémontais et des Lombards, en dépit des derniers nostalgiques qui veulent tout régenter au départ de Madrid, Paris ou Rome. Ces coopérations interrégionales sont inéluctables.
    Sur le plan de la politologie, Carl Schmitt nous a expliqué que le Grand Espace, la dimension continentale, allait devenir l'instance qui remplacera l'« ordre concret » établi par l'État depuis Philippe le Bel, Philippe II d'Espagne, François I, Richelieu ou Louis XIV. Ce remplacement est inévitable après les gigantesques mutations de l'ère techno-industrielle. Schmitt constate que l'économie a changé d'échelle et que dans le cadre de l'État, figure politique de la modernité, les explosions synergétiques vers la puissance ou la créativité ne sont plus possibles. Le maintien de l'État, de l'État-Nation replié sur lui-même, vidé de l'intérieur par tout un éventail de tiraillements de nature polycratique, ne permet plus une mobilisation holarchique du peuple qu'il n'administre plus que comme un appareil purement instrumental. Sa décadence et son exigüité appellent une autre dimension, non obsolète celle-là : celle du Grand Espace.
    Si le Grand Espace est la seule figure viable de la post-modernité, c'est parce qu'on ne peut plus se contenter de l'horizon régional de la patrie charnelle ou de l'horizon supra-régional de l'État-Nation moderne. L'horizon de l'avenir est continental mais diversifié. Pour pouvoir survivre, le Grand Espace doit être innervé par plusieurs logiques de fonctionnement, pensées simultanément, et être animé par plusieurs stratégies vitales concomitantes. Cette pluralité, qui n'exclut nullement la conflictualité, l'agonalité, est précisément ce que veulent mettre en exergue les différentes écoles de la post-modernité.
    Cette post-modernité du Grand Espace, animé par une pluralité de logiques de fonctionnement, condamne du même coup les monologiques du passé moderne, les monologiques de ce passatisme qu'est devenue la modernité. Mais elle condamne aussi la logique homogénéisante de l'impérialisme commercial et gangstériste des États-Unis et la monologique frileuse des gardiens du vieil ordre stato-national.
    Pour organiser le Grand Espace, de Rotterdam à Constantza ou le long de toute la diagonale qui traverse l'Europe et le Proche-Orient de la Mer du Nord au Koweit, il faut au moins une double logique. D'abord une logique dont un volet réclame la dévolution, le recentrage des énergies populaires européennes sur des territoires plus réduits, parce que ces territoires ne seront alors plus contraints de ne dialoguer qu'avec une seule capitale mais auront la possibilité de multiplier leurs relations interrégionales. Ensuite une logique qui vise l'addition maximale d'énergies en Europe, sur le pourtour de la Méditerranée et au Proche-Orient.
    L'adhésion à la nation, en tant qu'ethnie, demeure possible. Le dépassement de cet horizon restreint aussi, dans des limites élargies, celles du Grand Espace. L'ennemi est désigné : il a deux visages selon les circonstances ; il est tantôt universaliste/mondialiste, tantôt petit-nationaliste. Il est toujours l'ennemi de l'instance que Carl Schmitt appelait de ses vœux.
    Que faire ? Eh bien, il faut :
        Encourager les logiques de dévolution au sein des États-Nations
        Accepter la pluralité des modes d'organisation sociale en Europe et refuser la mise au pas généralisée que veut nous imposer l'Europe de 1993
        Recomposer la diagonale brisée par les Américains
        Organiser nos sociétés de façons à ce que nos énergies et nos capitaux soient toujours auto-centrés, à quelqu'échelon du territoire que ce soit
        Poursuivre la lutte sur le terrain métapolitique en s'attaquant aux logiques de la désincarnation, avatars de l'idéologie des Lumières.
    Pour conclure, je lance mon appel traditionnel aux cerveaux hardis et audacieux, à ceux qui se sentent capables de s'arracher aux torpeurs de la soft-idéologie, aux séductions des pensées abstraites qui méconnaissent limites et enracinements. À tous ceux-là, notre mouvement de pensée ne demande qu'une chose : travailler à la diffusion de toutes les idées qui transgressent les enfermements intellectuels, le prêt-à-penser.
    Je vous remercie.
    ► Robert Steuckers, Communication au XXIVe Colloque du GRECE, Paris, le 24 mars 1991.
    http://robertsteuckers.blogspot.fr/2014/01/nation-et-nationalisme-empire-et.html

  • Loi sur l'égalité hommes-femmes : l'article qui indigne les écoles de journalisme

    L'article 16 bis de la loi sur l'égalité hommes-femmes qui a été voté, ce mardi après-midi, provoque une levée de boucliers dans les écoles de journalisme. Cet article fait suite à un amendement issu de la commission culturelle de l' qui fait obligation à l’ensemble des établissements d’enseignement supérieur au journalisme à prodiguer «un enseignement sur l’égalité entre les femmes et les hommes».

  • Indice PMI : l’industrie en berne

    Notre confrère Les Echos a, dans son édition du 2 janvier dernier, révélé les résultats de la dernière enquête de Markit sur la conjoncture dans différents pays européens. Ces résultats sont présentés sous la forme d’un indice, le PMI (« Purchasing Manager Index »), qui indiquent, sur la base de l’opinion des directeurs des achats de grandes entreprises, la tendance de l’activité, notamment dans l’industrie manufacturière.

    Le résultat est sans appel, et aurait dû faire sur nos gouvernants l’effet d’une douche froide après les agapes de fin d’année. La France s’enfonce, la baisse de l’indice allant en s’aggravant, tandis que l’Allemagne et l’Italie renouent avec les niveaux du printemps 2011 (avant la dernière dégringolade de la croissance). Certes, l’indice PMI n’est pas la croissance, mais il fait référence dans l’industrie, et ces résultats préoccupants devraient être pris très au sérieux. En effet, ils montrent que la France est en train de manquer le train de la reprise (certes modérée et peut-être provisoire), ce qui semble être son habitude. Ils montrent également que nos voisins sont en train de tirer seuls les marrons du feu dans une conjoncture mondiale déprimée où les opportunités sont limitées ; en d’autres termes, les industriels allemands et italiens, très présents à l’international, prennent les quelques commandes disponibles dans les rares zones dynamiques de la planète, laissant à leurs homologues français le rôle de la cavalerie d’Offenbach. Et quand certains grands groupes français remportent un succès (ce qui n’est pas si rare, les entreprises du CAC 40 se portant d’ailleurs relativement bien), les PME françaises en profitent peu : ces succès sont bons pour le cours de bourse du groupe concerné, pas pour l’indice PMI du pays.

    C’est l’inverse en Allemagne, où les géants de l’équipement énergétique, du ferroviaire ou de l’automobile ont su créer et maintenir un réseau local de sous-traitants performants, qui font partie de leur force et accompagnent leur développement. Les concurrents français de ces groupes ne jurent que par le « low cost », comme ils disent, ne font appel à leurs compatriotes qu’en dernier ressort et ce dans les conditions les plus léonines possibles. Leurs acheteurs, dressés pour le rapport de force, ont fait depuis des années de l’industrie française un champ de ruines, dans l’impunité la plus totale. Le résultat, au-delà de quelques points de l’indice de Markit, se voit dans les plans sociaux à répétitions, et pas forcément les plus médiatiques. Qu’y peut l’Etat, nous dira t-on ? En tant que législateur, pas grand-chose aujourd’hui. Mais l’Etat est aussi un actionnaire (incompétent soit dit en passant). Il pourrait, s’il en avait l’idée, voire l’envie, s’intéresser aux pratiques de certains acheteurs de nos fleurons, qu’il n’est pas besoin de nommer, puisque tout le monde sait que l’Etat est prépondérant au capital d’Alstom, d’Areva ou de Renault. D’autres causes sont bien sûr à invoquer pour expliquer cette divergence entre l’activité hexagonale et celle de nos voisins alpins et rhénans. Parmi celles-ci, nous souhaitons souligner la passivité et l’absence de volonté de réforme de l’actuel gouvernement (qui n’est guère en rupture, dans les faits, avec son prédécesseur). En effet, la crise a été moins dure en France qu’en Italie, par exemple, grâce à nos fameux « amortisseurs sociaux », à l’importance de notre secteur public et aux multiples sédatifs tels que les emplois aidés ou la prime à la casse. Nos dirigeants ont donc choisi de faire le dos rond, attendant la reprise en passager clandestin. Cette attitude mesquine et attentiste est d’ailleurs bien dans la manière des duettistes qui occupent, par un cruel accident de l’Histoire, la tête de notre Etat. Pendant ce temps, l’Italie, l’Espagne, la Grande-Bretagne réformaient. Certes dans la douleur, certes au prix d’une baisse à court terme du pouvoir d’achat de leur population, certes en remettant en cause les situations acquises.

    Nous ne sommes pas partisans à tout crin de l’austérité ; mais le pragmatisme est de rigueur dans les situations telles que celle que nous connaissons, et il est tragique de constater que pendant que la totalité des gouvernements limitrophes travaille et s’interroge sur la manière de sauvegarder à moyen terme le niveau de vie de sa population, Jean-Marc Ayrault livre bataille à Dieudonné et à sa quenelle (la gastronomie lyonnaise mérite mieux qu’une telle persécution) et François Hollande joue au stratège amateur dans les pires poudrières de la planète, ce qui serait comique s’il ne s’agissait pas de la vie de soldats et de deniers publics. Sa dernière trouvaille ? Vendre pour trois milliards d’euros d’armement à l’Arabie Saoudite, en vue du soutien aux factions alliées du royaume. .. Tout un programme !

    Plutôt que de lancer des litres de propergol sur les brasiers moyen-orientaux auxquels il ne comprend rien, l’ex président du conseil général de Corrèze ne peut-il pas un peu travailler à l’intérêt du pays ? On ne sait même plus s’il faut le souhaiter ou non…

    Jean-Marc Ferrand - L’AF 2878

    http://www.actionfrancaise.net/craf/?Indice-PMI-l-industrie-en-berne

  • Action Française [Orne] Réunion de rentrée

    La nouvelle section de l’Orne organise sa réunion de rentrée, le mercredi 5 février à 20h00, dans les environs de Mamers.

    Renseignements et inscriptions : orne@actionfrancaise.net

  • Saint Louis, le roi doux et humble de cœur

    Nous avons évoqué le mois dernier saint Louis, modèle du roi chrétien. Nous nous attardons sur cette radieuse figure en ce début d'année 2014 où nous aurions tant besoin de suivre son exemple, en espérant que le huitième centenaire de la naissance du saint roi ne passera pas totalement inaperçue dans notre France hystériquement laïque...
    La paix dans l’ordre et la justice
    Il nous plaît de faire partager notre admiration pour ce souverain rentré tout juste de la croisade en 1254, vaincu mais plus rayonnant que jamais de gloire intérieure et prêt à donner au monde une leçon de paix dans l'ordre et la justice. Ce beau royaume de France qu'il avait si heureusement confié à sa mère Blanche de Castille, tandis qu'il guerroyait et souffrait atrocement sur les terres mêmes où souffrit le Christ, il entendait maintenant l'ériger en un reflet du royaume de Dieu en se consacrant à maintenir la justice entre ses sujets et même avec les hommes des pays voisins. Déjà, de toutes parts, on recourait à lui comme au justicier suprême ; les humbles savaient qu'il les comprenait, les puissants n'osaient plus devant lui s'obstiner dans leurs querelles. Tous, fussent-ils évêques ou ducs opulents, étaient invités à rendre à leurs malentendus de justes proportions à l'aune de la miséricorde divine.
    Il alla même jusqu'à donner le plus époustouflant exemple de pardon. Rien à voir avec la moderne repentance qui n'est qu'un moyen de renier sa foi ou sa patrie (souvent les deux ensemble), sous prétexte de se ranger derrière de grands principes désincarnés (Droits de l'Homme notamment)...
    Quatre guerres franco-anglaise
    Un petit retour en arrière est nécessaire pour comprendre l'audace du geste du saint roi. En fait les rois de France et d'Angleterre semblaient voués à se faire à tout jamais la guerre, depuis que le duc de Normandie, Guillaume le Conquérant, s'emparant de l'île d'outre Manche (1066), était devenu presque aussi puissant que le roi de France, dont il était le vassal, fort peu docile, pour la Normandie. Pour tout compliquer, Henri Plantagenêt, dernier héritier des comtes d'Anjou et du Maine et du duché de Normandie, épousa, en 1152, la trop belle Aliénor d'Aquitaine, à peine le mariage de celle-ci déclaré nul avec Louis VII le Jeune (1137-1180), roi de France. Elle était donc allée porter dans les larges bras du Plantagenêt tout son héritage aquitain (Poitou, Auvergne, Limousin, Périgord, Bordelais, Gascogne). Mais pire : ce prince insatiable, héritant des prétentions de son père Geoffroy, parvint à se faire désigner comme successeur par le vieux roi d'Angleterre, Etienne de Blois. Celui-ci mourut peu après et, le jour de Noël 1154, Henri Plantagenêt, âgé de vingt et un an, allait se faire sacrer roi d'Angleterre à Westminster, sous le nom de Henri II. Et voilà la moitié de la France devenue anglaise !
    Situation alors épouvantable pour Louis VII, roi de France, lequel ne semblait au temporel guère capable de faire le poids face à Henri, prince athlétique et sans scrupule. Louis commença par s'appuyer sur le droit féodal : Aliénor, en tant que duchesse d'Aquitaine, et Henri II, en tant que duc de Normandie, étaient vassaux du roi de France. Ils auraient donc dû demander à celui-ci la permission de se marier. Louis VII était en droit de proclamer la confiscation de leurs biens et de soutenir activement les petits seigneurs normands, angevins et aquitains qui refuseraient d'obéir au Plantagenêt ! À un moment Louis fit même cause commune avec Geoffroy, un frère d'Henri II qui se rebellait pour réclamer un fief. Puis, quand Henri II prétendit reprendre à son compte les prétentions des ducs d'Aquitaine sur le comté de Toulouse, Louis VII se rendit en personne dans cette ville auprès de Raymond V qui venait d'épouser sa sœur Constance de France. Henri II renonça à entrer de force dans une ville où séjournait le roi de France ; il avait compris qu'il ne pouvait pas tout se permettre ...
    À la cour de France, du pain, du vin, de la gaieté
    Ce fut certainement à ce moment-là que Louis VII rencontrant par hasard l'Anglais Walter Map, de passage à Paris, lui dit : « À votre prince il ne manque de rien : chevaux de prix, or et argent, étoffes de soie, pierres précieuses, il a tout en abondance. À la Cour de France nous n'avons que du pain, du vin et de la gaieté ». Une simplicité et une bonne humeur qui annonçaient déjà son arrière-petit-fils saint Louis (Louis IX)...
    Louis VII crut alors le moment venu de profiter des difficultés que rencontrait le roi anglais. Les populations d'outre-Manche, ne voyant plus en celui-ci qu'un despote, se plaignaient d'être surchargées d'impôts, tandis que les fils du roi, en grandissant, obéiraient de moins en moins à leur père qui promettait de partager son royaume en dépit du bon sens.
    Vers 1158, intervint un essai de pacification. Henri II s'était réconcilié avec son frère Geoffroy en lui cédant le comté de Nantes. Mais Geoffroy mourut presque aussitôt dans un tournoi, ce qui eut pour effet d'agrandir encore le royaume anglo-angevin de la Bretagne !
    Pendant ce temps Louis VII qui priait souvent pour Aliénor, son ancienne épouse - car il savait qu'elle n'était pas heureuse avec cette brute épaisse de Plantagenêt qui la trompait à tour de bras - avait dû se résigner à se remarier en 1154 avec Constance de Castille qui ne lui avait donné qu'un fille, Marguerite, née en 1158. Henri II et Aliénor lancèrent alors l’idée de fiancer leur fils, Henri (celui qui allait devenir Henri Court-Mantel), âgé de trois ans, avec la petite Marguerite qui venait de naître et qui apporterait en dot le Vexin et la forteresse de Gisors...
    Puis à la mort de Constance de Castille, Louis VII se maria pour la troisième fois, cette fois-ci avec Adèle de Champagne, nièce d'Etienne de Blois qui avait été roi d'Angleterre... Henri II, très mécontent de cette alliance, en profita pour faire tout de suite célébrer le mariage promis des petits Henri (cinq ans) et Marguerite (deux ans), et annexa à l'Angleterre ainsi le Vexin et Gisors.
    Thomas Beckett
    Or au même instant, Henri II voulut imposer à l'Angleterre des Constitutions qui soumettaient toute la vie ecclésiastique au contrôle du pouvoir politique. L'archevêque de Cantorbery, Thomas Beckett, se rebiffa et dut venir se réfugier en France où Louis VII l'accueillit avec les plus grands honneurs, au moment où le pape Alexandre III, opposé à l'anti-pape Victor IV, se retrouvait sans domicile fixe et ne pouvait guère défendre un fugitif. Ce fut Louis VII et son ami Maurice de Sully, lequel était en train de commencer de bâtir Notre-Dame de Paris, qui aidèrent seuls Thomas dans le besoin. Celui-ci, prêt au martyre pour défendre l'intégrité de la foi, retourna en Angleterre. Et ce fut alors le tragique « meurtre dans la cathédrale » du 29 décembre 1170 à Cantorbery où Thomas tomba près de l'autel sous les coups d'épée de quatre chevaliers amis d'Henri II...
    Les choses tournaient plutôt mal pour Henri II, qui possédait toujours l'équivalent de quarante-sept de nos départements : ses fils devenus grands, Henri Court-Mantel, gendre de Louis VII, et Richard Cœur de Lion, se rebellaient et même, un jour, Aliénor échappée en habit d'homme d'une prison où l'avait jetée son second mari, tenta de se mettre sous la protection de son premier ! On le voit : Louis VII, même s'il n'était pas parvenu à en finir par les armes avec Henri II, n'était pas perdant sur toute la ligne...
    Naissance de  Philippe-Auguste
    Il ne baissa nullement les bras. Et sa persévérance fut récompensée puisque, le 21 août 1165, Adèle de Champagne lui donna, enfin !, un fils, Philippe, qu'il attendait depuis vingt-huit ans ! Tous les espoirs étaient permis et Louis pouvait préparer son âme à Dieu. Sûr que Thomas Beckett était un saint, il l'avait prié avec insistance. En 1179, plus ou moins réconcilié avec Henri II, Louis VII retourna sur la tombe de son saint ami : le jeune Philippe, son unique héritier, venait d'être victime d'un accident de chasse et sa vie était menacée ; on devine avec quelle ferveur Louis se recueillit sur cette tombe bénie ! Atteint de paralysie à son retour, il s'empressa de faire sacrer Philippe, alors âgé de quatorze ans et complètement rétabli. Henri II se fit représenter à la cérémonie du sacre le 1er novembre 1179 par son fils Henri Court-Mantel, manière involontaire de rendre hommage à la puissance morale de la France, d'autant plus que Philippe, roi associé, venait de signer avec Henri II le traité de Gisors, mettant fin - du moins l'espérait-on ! - à la série de guerres continuelles entre les deux royaumes.
    Quand survint la mort de Louis VII, le 18 septembre 1180, la position de Philippe - lequel allait être appelé Auguste -, seul roi à quinze ans, était plutôt forte. Il entretenait des liens d'amitié avec les fils d'Henri II : Henri Court-Mantel - l'éternel révolté - , Richard Cœur de Lion, - l'héritier du trône anglais - , Jean sans Terre (premier, deuxième et cinquième des enfants d'Henri II) mais sans quitter des yeux les possessions acquises en France par le roi anglais, lequel devait trépasser le 6 juillet 1189, après avoir reconnu Richard comme son héritier. Puis voici Philippe (vingt-cinq ans) et Richard (trente-trois ans) entraînés par le pape Grégoire VIII à la troisième croisade, qui se proposait de reprendre Jérusalem à Saladin.
    Richard Cœur de Lion
    Dès le début de cette grande aventure la rivalité entre les deux jeunes rois allait s'accuser, et Philippe, en fort mauvaise santé, veuf d'Isabelle de Hainaut depuis mars 1190, dut rentrer précipitamment à Paris dès le 27 décembre 1191. Il lui fallait un nouvelle épouse, car Isabelle lui avait donné un seul garçon, Louis (quatre ans) ; il songea alors à Ingeburge de Danemark, à seule fin d'indisposer les rois anglais, car cette femme descendait des rois ayant régné sur l'Angleterre bien avant la conquête de l'île par Guillaume le Conquérant et il comptait sur les princes danois pour tenter avec eux une invasion de l'Angleterre. Mais, quand il comprit que les Danois ne bougeraient pas, il chercha à se débarrasser d’lngeburge et d'épouser Agnès de Méranie, ce qui lui valut de sévères sanctions de la part de Rome...
    Empêtré par ses affaires de mariage, Philippe-Auguste avait tenté de profiter de l'absence d'Angleterre de Richard Cœur de Lion (1), pour négocier avec le frère de celui-ci, Jean Sans Terre, quelques arrangements territoriaux en Normandie. Dès son retour en 1194, Richard riposta vertement. Ces escarmouches aboutirent au traité de Gaillon le 15 janvier 1196 : Richard cédait à Philippe Gisors et le Vexin normand et Philippe lui abandonnait quelques-unes de ses conquêtes normandes ainsi que ses prétentions sur le Berry et l'Auvergne.
    Jean Sans Terre
    Puis la guerre se transporta en Berry, et jusqu'à la mort de Richard (26 mars 1199), l'on tenta de négocier. Jean sans Terre devenu alors roi d'Angleterre, Philippe eut l'habileté de soutenir les prétentions au trône anglais du jeune Arthur de Bretagne (fils d'un des frères de Jean, Geoffroy II de Bretagne) qui lui rendit hommage pour les possessions françaises des Plantagenêt. Jean Sans Terre fut alors bien obligé de signer le traité du Goulet, entre Vernon et Les Andelys, en mai 1200, qui scella le mariage du jeune Louis de France (futur Louis VIII le Lion) avec Blanche de Cas tille, nièce de Jean Sans Terre. Puis Philippe Auguste remporta d'autres victoires, qui lui rendirent toute la Normandie, ainsi que Poitiers, Loches et Chinon, avant que les deux rois convinssent d'une trêve à Thouars (octobre 1206).
    De plus en plus la querelle franco-anglaise allait s'imbriquer dans la grande politique européenne, avec l'arrivée sur le trône impérial germanique d'Otton de Brunswick, neveu de Jean Sans Terre. Philippe Auguste, lui, comptait s'appuyer sur le rival de celui-ci, Frédéric II, fils d'Henri VI, « roi des Romains ». Les hostilités reprirent au début de 1214 entre Jean sans Terre et Philippe Auguste, mais Philippe envoya son fils Louis (futur Louis VIII le Lion) combattre les Anglais vers le sud, où Louis infligea à Jean Sans Terre à La Roche aux Moines le 2 juillet une cruelle déroute, tandis que Philippe Auguste remontait à la rencontre de ses ennemis germaniques qui faisaient cause commune avec les Anglais et fit éclater leur coalition par son triomphe de Bouvines le 27 juillet, dont nous reparlerons dans Écrits de Paris de juillet à l'occasion du huitième centenaire. Rappelons que le 25 avril précédent était né, chez Louis et Blanche de Castille, le futur Louis IX, saint Louis. Le royaume du « Christ qui aime les Francs » allait être comblé de grâces...
    Envahir l’Angleterre ?
    Après cela Jean Sans Terre mourut d'une indigestion le 19 octobre 1216, peu après que le prince Louis de France eut tenté, mais sans succès, de conquérir le royaume anglais avec l'aide de quelques barons d'outre-Manche hostiles à Jean. Il parvint à entrer solennellement dans Londres, mais les barons, dans leur unanimité, firent aussitôt couronner roi d'Angleterre le fils aîné de Jean Sans Terre et d'Isabelle d'Angoulème, Henri Plantagenêt, âgé de neuf ans, lequel devint Henri III, et Louis dut rebrousser chemin et rentrer en France, pour combattre les Albigeois. (2)
    La santé de son père déclinait : Philippe II Auguste mourut le 14 juillet 1223 à Mantes, laissant la France en pleine prospérité et considérablement agrandie ! Louis VIII, sacré le 6 août 1223, n'abandonnait pas son souhait de voir les Anglais quitter intégralement la France. Profitant de la minorité du jeune Henri III, il s'empara des terres d'Aquitaine encore anglaises : les villes du Poitou, de la Saintonge, du Périgord et de l'Angoumois tombèrent comme châteaux de cartes entre 1224 et 1226, mais, au cours de sa campagne contre l'hérésie cathare, son armée couverte de gloire fut frappée de dysenterie et le roi tomba gravement malade. Il mourut à l'abbaye bénédictine de Montpensier en novembre 1226, après un règne de trois années. Le règne de saint Louis allait ainsi commencer plus tôt que prévu...
    Déjà, Henri III cherchait à s'immiscer dans les affaires de France en soutenant quelques féodaux révoltés contre l'ordre capétien ; une guerre s'ensuivit mais le nouveau Louis eut bien vite fait, au Pont de Taillebourg sur la Charente en 1242, puis à Saintes la même année, d'infliger une bonne leçon au nouveau Plantagenêt et à ses comparses.
    Une décision surprenante
    Louis, doux et humble de cœur, ne pouvait supporter cette situation, vieille de plus d'un siècle, reposant sur la méfiance et la haine, où chacun ne songeait qu'à s'emparer si possible du royaume de l'autre. N'oubliant point qu'Henri III et lui-même étaient arrière-petits-fils d'Aliénor d'Aquitaine, il tendit la main à ce cousin belliqueux, en annonçant sa décision de lui rendre le Périgord, le Quercy, et une partie de l'Agenais et de la Saintonge ! Les barons français n'en crurent pas leurs oreilles. La controverse fut vive durant quelques mois. Mais le roi ne se plaçait pas sur le même plan que ses conseillers : en donnant au roi d'Angleterre ce qu'il n'était point tenu de lui donner, il voulait, disait-il, « mettre amour extrême entre mes enfants et les siens qui sont cousins germains » (son épouse Marguerite de Provence était la sœur d"Éléonore de Provence, épouse de Henri III). Mais ne croyons pas qu'agissant ainsi, il eût négligé les considérations politiques : « Il me semble, ajoutait-il, que ce que je lui donne, je l'emploie bien, puisqu'il n'était pas mon homme et qu'il entre en mon hommage. » Le roi d'outre Manche devenait en effet homme lige du roi de France, lequel, en roi chrétien, jouait la carte du pardon et se fondait sur le respect de la parole donnée. Et le "cadeau" était mesuré : Louis IX gardait pour lui la Normandie, l'Anjou, la Touraine, le Maine et le Poitou, et Henri devait consentir à rendre hommage à Louis pour ses anciens territoires récupérés. Il s'agissait donc plus d'une délégation que d'un abandon de souveraineté.
    Le temps de la Chrétienté
    Ainsi les deux rois signèrent le 28 mai 1258 un traité qui, pour une fois, n'avait pas pour justification l'intérêt mais seulement la charité. Il fut ratifié le 4 décembre 1259, le jour où, dans l'île de la Cité, Henri III « tête nue, sans manteau, ceinture, armes, ni éperons, s'agenouilla devant le roi de France et, mettant sa main dans la sienne, lui jura fidélité (3) » Par la suite Henri III, lui-même harcelé par ses barons, ferait appel à l'arbitrage du roi Louis, « véritable suzerain moral de tous les princes d'Occident (4) » Le cardinal Pie a résumé toute la politique du saint roi par ces mots : « Commander à tout l'univers par la force n'est pas possible, mais commander à tout l'univers par sa vertu, par sa probité ; tenir au milieu des tous les rois le sceptre de la conscience et de la loyauté : voilà la gloire véritable (5) ». Quant à Jacques Bainville, il a expliqué : « La pensée de saint Louis était politique et non mystique. Il portait seulement plus haut que les autres Capétiens la tendance de sa maison qui était de mettre le bon droit de son côté. (6) »
    Pour bien comprendre l'attitude de saint Louis dans cette affaire, il faut se rappeler que l'Europe était alors la Chrétienté, que donc tous les hommes parlaient d'un même cœur un langage commun et respectaient les mêmes références. Depuis que Luther a fait éclater au XVIe siècle cette Europe unie, le devoir reste pour chaque nation de renforcer sans cesse ses défenses, ce qui n'est pas un progrès, comme disait Maurras. Aujourd'hui où l'Europe elle-même renie toute référence chrétienne, il serait même criminel de faire un cadeau à l'adversaire. On aura bien remarqué que cet abandon qui était plutôt une délégation de souveraineté consenti par saint Louis, n'a rien de commun avec l'ignoble abandon de l'Algérie à de sauvages terroristes en 1962...
    Fils aîné de l’Église
    Toujours dans cet esprit de « fils aîné de l'Église », saint Louis prit des mesures pour punir le blasphème et interdire les jeux d'argent. Il s'efforça aussi de luter contre l'usure (prêt à intérêt), c'est ce qui la conduisit à se montrer ferme à l'égard des juifs, allant même jusqu'à saisir leurs biens pour indemniser les victimes de prêts usuraires, leur laissant toutefois l'indispensable et leurs synagogues (7).
    En fait, contrairement à ce qui se passait dans d'autres pays d'Europe, jamais il ne toléra de persécutions : dans le juif, il ne rejetait que l'hérétique obstiné à ne pas reconnaître Notre Seigneur Jésus-Christ, et ses duretés n'avaient d'autre visée que d'amener les juifs à la foi chrétienne, pour pouvoir les intégrer à la communauté française. C'est pourquoi il fit brûler vers 1240 des livres talmudiques. Le roi a longtemps refusé de contraindre les juifs au port de la rouelle, que Rome exigeait depuis longtemps, et ce furent les juifs convertis qui furent les plus empressés à lui demander de faire adopter cette mesure. Envers les convertis, il se montrait d'une grande générosité, acceptant parfois d'être lui-même parrain à leur baptême ; de même il faisait recueillir les orphelins juifs qui étaient alors instruits dans la foi chrétienne aux fais du roi.
    La VIIIe croisade
    Passé la quarantaine, saint Louis, dit Georges Bordonove (8), était « cet homme si doux, ce prince aux yeux de colombe, modestement vêtu mais peigné avec soin, et portant un chapeau en plumes de paon, ce roi au visage angélique très grand, un peu maigre » que les Parisiens vénéraient. Cette âme si parfaitement royale cachait pourtant un grand mystère : il brûlait d'offrir sa vie par amour de Jésus-Christ, dont il voulait défendre l'honneur jusqu'au bout. Depuis son retour, insatisfait, de Palestine en 1254, l'idée de repartir en croisade ne l'avait jamais quitté.
    Dès le 25 mars 1267, jour de l'Annonciation, il avait fait part de sa volonté de reprendre la Croix pour soustraire Jérusalem aux mains du sultan mamelouk d’Égypte Baybars. En juin, il avait armé chevalier son fils Philippe, vingt-cinq ans, devenu l'héritier après la mort de son aîné Louis à l'âge de seize ans en 1260. En 1269, le roi avait visité plusieurs régions de son domaine, désireux de tout laisser en ordre. Pour le gouvernement, il eût pu nommer régente son épouse, Marguerite de Provence, mais il la savait trop avide du pouvoir et trop portée à se venger de Charles, duc d'Anjou, roi de Sicile (son double beau-frère), qui avait reçu la Provence par son mariage avec Béatrice de Provence. Il avait donc confié le royaume à Mathieu de Vendôme, abbé de Saint-Denis, et à Simon de Nesle. Toutefois le projet royal était loin de réaliser l'unanimité parmi les chevaliers. Le roi passa outre et annonça que l'on effectuerait un mouvement tournant par Tunis. De là, pensait le roi, on attaquerait l'Egypte par terre et par mer. Puis l'on pourrait aller reprendre Jérusalem. Les dominicains n'avaient-ils pas laissé entendre que le sultan (on disait le "roi") de Tunis était favorable au christianisme ? Tout devait donc bien se dérouler.
    La mort d’un saint
    Le 14 mars 1270, Louis leva l'oriflamme à saint Denis, puis alla prier pieds nus à la Sainte Chapelle et à Notre-Dame. Il embrassa ses plus jeunes enfants en pleurs : Blanche (dix-sept ans), Marguerite (seize ans), Robert (treize ans), futur fondateur de la maison capétienne des Bourbons, et Agnès (dix ans). En juin, après s'être arrêtée dans chaque basilique, voici, comme vingt-deux ans plus tôt, l'armée à Aiguës-Mortes où les nefs arrivaient lentement. Toutefois l'on appareilla le 2 juillet. Bien vite la tempête fit perdre beaucoup de temps, sans compter les désaccords entre les équipages... Il y eut des morts.
    Le 15 juillet, on aperçut Tunis. Chose curieuse : aucun défenseur sur le rivage ! On accosta le 18. Pas un point d'eau sous une canicule effarante ! On s'empara facilement du château de Carthage sous le harcèlement de quelques Tunisiens, mais l'on ne tarda pas à comprendre que les braves dominicains avaient pris leurs saints désirs pour des réalités : le "roi" de Tunis voulait bel et bien la guerre !
    Louis se trouvait dans la pire des situations pour l'affronter. Son armée fut vite décimée, gagnée par la peste. L'air devenait irrespirable. Les meilleurs chevaliers moururent. Le roi gisait quand on vint lui apprendre, avec mille précautions, que son fils bien-aimé Jean Tristan, né à Damiette pendant la précédente croisade, fiancé à Yolande de Bourgogne, était déjà mort, à juste vingt ans... Alors Louis, à bout de forces, dicta ses admirables instructions au prince hériter, Philippe.
    Sur un lit de cendres
    Le dimanche 24 août, se détachant de plus en plus du monde, bien qu'encore soucieux des moyens d'amener le "roi" de Tunis à la foi chrétienne, il se confessa et reçut le saint viatique puis il entra en prières étendu sur un lit de cendres en forme de croix. Il trépassa sereinement le 25 août à trois heures de l'après-midi, l'heure même où avait expiré Notre Seigneur au Golgotha.
    Aussitôt Philippe, devenu Philippe III roi de France, reçut l'hommage des barons, tandis que Charles, duc d'Anjou, roi de Sicile, arrivant tardivement avec son armée se suppléait à son neveu trop abasourdi par l'événement. Il infligea une cuisante leçon au "roi" de Tunis qui fut contraint de négocier et de donner toute liberté aux missionnaires chrétiens. Tout n'avait pas été vain dans ce voyage, et Tunis ressentait comme un frisson la victoire morale de Louis dans sa mort.
    L'épidémie n'ayant pas régressé, Philippe III ordonna le 11 novembre le rembarquement. Pendant le retour, son épouse Isabelle d'Aragon, mère du futur Philippe IV le Bel, devait mourir d'épuisement, le 28 janvier 1271 en Calabre, enceinte de son cinquième enfant, de même que son oncle, Alphonse, comte de Poitiers, et l'épouse de celui-ci, Jeanne de Toulouse, qui moururent près de Sienne en août 1271.
    Louis IX allait être canonisé en 1297 par le pape Boniface VIII. Huit cents ans après sa naissance, nous ne pouvons que nous incliner devant ce monarque exceptionnel qui, à notre France engluée dans le matérialisme, cherchant en vain son unité et la paix civile, vient rappeler que les hommes ne se sont jamais unis dans la laïcité, mais qu'au contraire ils n'ont jamais été plus en harmonie que lorsqu'ils ont connu un point d'accord entre les lois de la cité temporelle et celles de la Cité de Dieu. Comme le dit le duc de Lévis-Mirepoix (9), nous ne le quitterons pas « sans le considérer dans son charme mystique, dans cette grâce aérienne de son âme, dans cette fraîcheur que son nom évoque, dans cette vision qu'il représente du printemps de la France... »
    Michel FROMENTOUX. Écrits de Paris Janvier 2014
    1) Régine Pernoud : Richard Cœur de Lion. Fayard, 1988
    2) Voir notre article dans le dernier Écrits de Paris
    3) Paul Guth : Saint Louis, un roi au pieds du pauvre. SOS, 1970
    4) Guillain de Bénouville : Saint Louis ou le printemps de la France. Robert Laffont 1970
    5) Cardinal Pie : Panégyrique de saint Louis. Publié par Lecture et Tradition, mars 1970
    6) Jacques Bainville : Histoire de France. Fayard, 1959
    7) Georges Bordonove : Saint Louis. Pygmalion, 1984.
    8) Georges Bordonove : Saint Louis. Pygmalion, 1984
    9) Duc de Lévis Mirepoix : Le roi n'est mort qu'une fois. Perrin, 1965

  • Vous avez dit légume à gommer ?

    Pendant que certains s'acharnent à vouloir tuer Vincent Lambert, un lecteur attire notre attention sur un témoignage entendu ce matin sur RTL dans l'émission de Yves Calvi à 8h30.

    Le témoignage de cette rescapée des soins intensifs est bouleversant... Elle raconte que bien qu'étant dans le coma, elle était consciente et entendait toutes les conversations et ressentait toutes les vibrations autour d'elle. Elle était comme prisonnière de son corps, encéphalogramme plat et les médecins la disaient condamnée à mourir !

    C'est l'amour de ses proches et la présence de sa fille à ses côtés qui a vu une larme couler sur sa joue qui l'ont sauvée. Son témoignage a fait l'objet d'un ouvrage : Une larme m'a sauvée.

    Michel Janva