La loi famille, dite « loi APIE », a été adoptée le 27 juin par l'Assemblée nationale, au terme d'un feuilleton législatif révélateur des véritables priorités politiques du gouvernement socialiste. Elle crée le statut de « beau-parent » qui, dans les familles recomposées et, bien sûr, dans les ménages « homoparentaux » qui eux aussi ont vocation à se recomposer, se verra reconnaître des droits de plus en plus proches de ceux des parents biologiques.
Cyniquement intitulée « loi sur l'autorité parentale et l'intérêt de l'enfant », la loi socialiste sur la famille a subi bien des reports, à commencer par l'édulcoration du projet à la suite de la mobilisation contre le « mariage pour tous ». On annonçait l'arrivée de la procréation médicale et même de la gestation pour autrui ; elles ont été abandonnées.
Cela ne suffisait pas à rendre la loi APIE consensuelle. Elle prévoyait un assouplissement - encore un - de l'accès au divorce. A peine la « Manif pour tous » de février dernier s'était-elle achevée que, désavouant le projet défendu par le ministre de la Famille d'alors, Dominique Bertinotti; le gouvernement socialiste annonçait la remise du texte aux calendes grecques. Il fallait laisser passer les élections municipales...
Mais dès la mi-mai, la proposition PS-écologiste, délestée de quelques-unes de ses dispositions - sur le divorce notamment - revenait devant les députés. Ce fut l'occasion pour l'Entente parlementaire pour la famille de monter au créneau, non sans panache. Ce qui passait pour un texte technique ayant pour objectif de régler des problèmes pratiques a été dénoncé avec force et raison comme un plan lourd de conséquences néfastes pour la famille, pour l'enfance, pour les libertés.
Aucune étude d'impact
Revenue sous forme de proposition, la loi a échappé du même coup aux études d'impact, à l'examen du Conseil d’État et du Haut Conseil pour la Famille. En aurait-elle était améliorée ? Ne rêvons pas. Reste que tout a été mis en œuvre pour faciliter l'avancement du texte.
Les amendements se sont pourtant succédé par centaines. L'opposition a dénoncé un texte qui se préoccupe avant tout des adultes en autorisant le partage de l'autorité parentale avec un tiers partageant la vie de l'un des parents biologiques. Jusqu'à lui confier la garde de l'enfant.
Est-il vraiment dans l'intérêt de l'enfant que les actes importants - ou non - le concernant soient cosignés par les deux parents ? Que l'un puisse assigner l'autre au moindre désaccord ? Que la garde alternée devienne la quasi norme en cas de séparation ? Qu'un « mandat » puisse confier au moins une partie de l'autorité parentale au « beau-parent » ? Qu'un juge puisse ne pas donner la priorité à la parentèle d'un enfant mais le confier à un étranger, en cas de placement ?
Faux espoirs
Le nouveau ministre de la famille, Laurence Rossignol, a dû baisser les armes. Une nouvelle fois, la loi était reportée sine die. On imaginait la partie presque gagnée : le texte ne reviendrait pas avant l'été, pensaient les observateurs.
Le texte est tout de même revenu devant les élus, à marches forcées. Le 16 juin, le revoici à l'ordre du jour. Deux nouvelles séances de discussions s'achèvent alors que 207 des 700 amendements déposés par les élus de l'Entente parlementaire pour la famille n'ont pu être examinés. Philippe Gosselin, Hervé Mariton, Nicolas Dhuicq et d'autres bataillent ferme. Les discussions s'éternisent. Une nouvelle fois, le texte est reporté à une « date ultérieure ». Partie gagnée ?
À marche forcée
Non. Le 27 juin, lors d'une séance annoncée seulement quelques jours auparavant, le dernier chapitre, celui de la médiation familiale, a été voté par une poignée de députés. Beaucoup n'avaient pu - paraît-il - se libérer à temps. La gauche, unie comme toujours autour de ses projets « sociétaux », était là suffisamment nombreuse pour assurer l'adoption in extremis avant l'été. Il y a eu une escarmouche autour du projet de parler de la séparation et de la médiation lors de la cérémonie de mariage : on l'a finalement abandonné. Xavier Breton, au nom de l'UMP, a fait observer que cela risquait de « plomber la cérémonie ». Bien modeste victoire...
Partis sabre au clair, pugnaces et lucides comme on n'a pas l'habitude de les voir - un fruit des mobilisations pour la famille de l'an dernier ? -, les députés de l'opposition n'ont pas pu tenir sur la distance. Il est vrai que la volonté des socialistes était forte et que l'avantage du nombre aidant, il n'était pas possible d'espérer autre chose que de gagner du temps.
Une révolution « anthropologique »
Du moins la loi a-t-elle été dénoncée pour ce qu'elle est : « Une révolution anthropologique dont on ne mesure pas encore les conséquences », comme l'a déclaré l'Entente parlementaire pour la famille, puisqu'elle fait déjà céder le parent biologique devant le « parent social » cher au rapporteur Erwann Binet. Voici l’État et le juge dotés d'un droit de regard sans précédent sur ce qui se passe à l'intérieur des familles.
En attendant que le Sénat soit saisi de la proposition, on retiendra cet article qui la caractérise : « Les parents et les enfants se doivent mutuellement respect, considération et solidarité. » Disparaîtront du code civil ces mots quirappellent trop l'autorité parentale de papa :« L'enfant, à tout âge, doit honneur et respectà ses père et mère. » Si l'enfant, victime desstéréotypes d'un autre âge, a encore un père etune mère, ils n'auront de toute façon qu'à biense tenir...
Agathe Basset monde & vie