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[PARIS] Vendredi 07 novembre 2014 : PIERRE DE LA COSTE AU CERCLE DE FLORE
A Paris, vendredi 07 NOVEMBRE à 20h00, ne manquez pas le nouveau Cercle de Flore.
Pierre de la Coste, écrivain, viendra présenter son dernier ouvrage "L’Apocalypse du progrès "
VENEZ NOMBREUX À CETTE SOIRÉE EXCEPTIONNELLE !
Vendredi 07 novembre 2014, à 20h00
10 rue Croix des Petits Champs 75001 Paris, Escalier A, 2 ème étage
M° Palais-Royal
PAF : 3€ , gratuité pour les adhérents.
Renseignement : cercledeflore@actionfrancaise.net
http://www.actionfrancaise.net/craf/?PARIS-Vendredi-07-novembre-2014
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Euthanasie : « une mauvaise réponse à une question qui ne se pose pas »
Lu sur Gènéthique :
"Dans une tribune proposée dans le magasine Valeurs actuelles, Damien le Gay, membre du comité scientifique de la SFAP (Société française d’accompagnement et de soins palliatifs) constate que l’accablant rapport Sicard de 2012 sur la fin de vie n’a été suivi d’aucun effet : « Les français redoutent de mourir à l’hôpital, ils craignent l’indignité constatée et sont certains qu’ils n’auront alors plus leur mot à dire. Ils souhaitent plus de confort, plus d’écoute, plus de soins palliatifs. Et comme tout se fait attendre toujours et encore, ils disent vouloir l’euthanasie – de guerre lasse, sans enthousiasme, résignés qu’ils sont. Plutôt que d'entendre les doléances, on ne retient que la mauvaise solution. »"
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Ukraine : l’Europe à la remorque des Américains
Le comportement chaotique et ambigu de la diplomatie des membres de l’Union européenne traduit l’absence totale de vision géopolitique de celle-ci.
Le conflit qui se déroule depuis plusieurs mois en Ukraine est une parfaite illustration d’une constante de la géopolitique anglo-saxonne : s’opposer par tous les moyens à la constitution d’un bloc continental euro-russe.
Cette stratégie très ancienne – elle remonte, en effet, au XVIIIe siècle, a été théorisée dès 1904 par H.J. Mackinder et complétée, beaucoup plus tard, par N. Spykman – s’est manifestée dans la politique de « containment » (« endiguement »), définie pendant la guerre froide par John Foster Dulles et appliquée sans interruption depuis lors. Elle est sous-jacente dans la pensée de Zbigniew Brzeziński telle qu’elle est exprimée dans Le Grand Échiquier. C’est elle qui inspire également le récent article de George Soros publié dans la presse européenne le 24 octobre dernier et qui présente l’Union européenne, selon ses propres termes, comme « de facto en guerre ». L’arrimage de l’Ukraine à l’Occident, son intégration dans l’OTAN et dans l’Union européenne sont alors conçus comme des moyens de déstabilisation et, à terme, de dislocation de la Russie.
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Manifestations à Toulouse et Nantes : cinq blessés et une trentaine d’interpellations
Trente-quatre personnes ont été interpellées, samedi 1er novembre, à Nantes et Toulouse, après que de violents heurts ont éclaté entre manifestants et policiers. Dans ces deux villes, plusieurs centaines protestataires participaient à des défilés « contre les violences policières », à l’appel de mouvances anti-capitalistes, six jours après le décès du militant écologiste, Rémi Fraisse, tué par l’explosion d’une grenade offensive lancée par un gendarme sur le site du barrage de Sivens.
Dès leur arrivée dans les centres-villes de Toulouse et Nantes, en début d’après-midi, les centaines manifestants ont fait face aux policiers, venus en nombre pour encadrer les éventuels débordements. La situation a dégénéré après que certains manifestants ont jeté des projectiles en direction des forces de l’ordre, lesquelles ont répondu à coups de gaz lacrymogènes.
Au moins cinq personnes ont été blessées à Nantes et des bouteilles d’acide ont été lancées par des protestataires contre les policiers, selon le préfet de Loire-Atlantique. A Toulouse, de nombreuses dégradations sont à déplorer dans le centre-ville.
Le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, a assuré samedi soir que 21 personnes avaient été interpellées à Nantes et 13 à Toulouse. Plusieurs politiques ont exprimé leur indignation.
Le collectif du Testet, qui lutte contre la construction du barrage à Sivens, où Rémi Fraisse a trouvé la mort, a également condamné les violences. « La colère légitime contre les méthodes inacceptables des forces de l’ordre ne peut justifier la violence et les dégradations des biens », explique le collectif dans un communiqué. 7
Dans la soirée un calme précaire régnait à Toulouse et Nantes.
Des bouteilles « remplies d’acide » lancées sur les forces de l’ordre à Nantes
La manifestation a commencé à dégénérer dans l’artère principale de Nantes, le cours des 50-Otages. Un protestataire a été atteint par un coup de matraque dans la tempe et deux autres ont été touchés aux jambes par des éclats de grenades de désencerclement. Deux membres de forces de l’ordre ont été légèrement blessés.[....]
La suite sur Le Monde.fr
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Propos sur la littérature, la connaissance de soi et des autres par Pierre LE VIGAN
Laurence Sterne, l’auteur de Tristram Shandy (1767) explique que pour « les habitants de cette terre, les âmes ne brillent pas à travers le corps, mais sont entourées d’une épaisse couverture de sang et de chair opaque. » C’est aussi le sens de la remarque que le fabuliste Momus faisait à Vulcain dans la mythologie grecque : dans l’homme conçu comme une statue d’argile, on ne voit pas le cœur humain. C’est sans doute pour cela qu’a été inventée la littérature : pour mieux comprendre les autres et le monde des autres. Lévinas appelle cela « être gardien de son frère ». Être humain, c’est savoir se mettre à la place de l’autre. La littérature participe ainsi d’un processus de nettoyage : se désidentifier un temps, s’oublier un temps pour se mettre à la place de l’autre. Baudelaire écrit ainsi : « - hypocrite lecteur, – mon semblable, – mon frère (Les fleurs du mal, 1857). » Victor Hugo a des mots d’une totale justesse sur cette question : « Une destinée est écrite là jour à jour. Ce donc la vie d’un homme ? Oui, et la vie des autres hommes aussi. Nul de nous n’a l’honneur d’avoir une vie qui soit à lui. Ma vie est la vôtre, votre vie est la mienne, vous vivez ce que je vis; la destinée est une. Prenez donc ce miroir, et regardez-vous-y. On se plaint quelquefois des écrivains qui disent moi. Parlez-nous de nous, leur crie-t-on. Hélas ! quand je vous parle de moi, je vous parle de vous. Comment ne le sentez-vous pas ? Ah ! insensé, qui crois que je ne suis pas toi ! (Les contemplations, 1856) »
Paul Ricoeur remarque : « L’appropriation des propositions de monde offertes par le texte passe par la désappropriation de soi (Soi-même comme un autre, Seuil, 1990). » Tout lecteur fait cela, il s’oublie pour se mettre à la place de l’autre. Parce que l’autre est bien souvent une autre possibilité de lui-même. C’est pourquoi ne pas pouvoir lire de romans aboutit exactement à devenir fou, et seul au monde, et fou car seul au monde. Ne pas pouvoir lire de roman, c’est ne pas pouvoir envisager autrui mais qu’est-ce qu’autrui dans ce cas ? C’est une figure du changement de soi. Ne pas pouvoir lire de roman, c’est donc ne pas pouvoir envisager que l’on puisse changer. Les romans – et les pièces de théâtres – donnent ainsi figure au monde de l’autre. Albert Camus avait bien vu cela : « Si tu veux être philosophe, écris des romans. » (Carnets I). « Un roman n’est jamais qu’une philosophie mise en image » affirme-t-il encore (Carnets II). Lire des romans ou a fortiori en écrire c’est croire que « rien de ce qui est humain ne m’est étranger » selon la formule du poète latin Terence. Même si l’autre est un barbare, quel barbare est l’autre ? C’est la question que pose Montaigne dans « Des cannibales (Essais I, 31) ». En d’autres termes le contraire de la discrimination ce n’est pas la tolérance c’est la curiosité.
Barbare/non barbare : c’est tout simplement dire que nous avons une peau, un envers et un endroit de la peau. C’est dire aussi que la peau, des hommes et des peuples, se transforme (metabolé). Comme le dit François Hartog, l’altérité « se redistribue (Anciens, Modernes, Sauvages, Éditions Galaade, 2005) ». L’autre ce n’est pas seulement l’étranger, c’est celui dont les catégories mentales sont différentes : l’empereur oriental, le Perse, l’Asiate et sa démesure (hubris). Choc de la rencontre. « Notre monde vient d’en trouver un autre » écrit Montaigne dans « Des Coches (Essais, III, 6) ».
Mais l’autre est parfois en soi, le barbare est parfois « à l’intérieur ». L’autre « c’est surtout tout ce qui est voilé en soi-même » (Mathilde Bernard). Diogène le cynique avait cette requête : il appelait à « ensauvager la vie. Cela voulait dire faire l’expérience d’une sagesse sans la culture et sans la raison. Faire l’expérience d’une sagesse barbare. C’est là introduire le doute sur soi et en soi. C’est prendre le risque de la négation de soi ou de l’envie de mélanger tel le conquérant Alexandre loué en cela par Plutarque (Vie des hommes illustres). Se mélanger pour se dépasser. À l’écart de ce dionysisme nous voyons Ératosthène, géographe et mathématicien; il ne glorifie pas la distinction barbare/non barbare, il ne médit pas non plus son peuple. Pour lui seule compte la vertu, qui est répandue partout, chez les Grecs comme chez les Barbares, tout comme la médiocrité peut concerner des Grecs et des barbares.
L’identité est protéiforme, il y a toujours de l’autre en nous. « Nous ne sommes jamais chez nous, nous sommes toujours au-delà ». indique Montaigne (Essais, I, 3). « Nos affections s’emportent au-delà de nous » note-t-il encore. Dans cette perspective, l’autre proche est souvent le plus inquiétant. C’est parce qu’il est le plus proche de soi. Ce sont les « sorcières de voisinage » dont parle Montaigne. Proximité de soi au point d’en devenir soi. Cela peut finir comme les époux Potard, qui préparaient une poêlée d’intestins de leur fille (Jean de Léry au siège de Sancerre). Mais l’autre ce peut être aussi la rencontre d’un autre soi, à la fois différent et ressemblant, un soi élargissant son soi originel. C’est Marcel Griaule, découvrant Ogotemmêli et le système de monde Dogon, aussi riche que celui d’Hésiode (Dieu d’eau, entretien avec Ogotemmêli, 1948, Fayard 1975), c’est Michel Leiris, homme du grand voyage (L’Afrique fantôme) et de la mise en boucle de soi (L’Âge d’homme, La Règle du jeu), c’est Régis Bastide, c’est Claude Lévi-Strauss découvrant que l’autre est aussi humain que moi, un autre soi mais différent de moi.
Claude Lévi-Strauss remarque que bien souvent les peuples sauvages agissent comme si l’enfer, c’était eux-mêmes – au rebours de la fameuse formule de Sartre, « l’enfer c’est les autres (Huis clos) ». « On nous a habitués dès l’enfance à craindre l’impureté du dehors, écrit Claude Lévi-Strauss dans Mythologiques III. Quand ils proclament, au contraire, que “ l’enfer, c’est nous-mêmes ”, les peuples sauvages donnent une leçon de modestie qu’on voudrait croire que nous sommes encore capables d’entendre. » Leçon de modestie des « sauvages » : au-dessus de nous, il y a la vie, et au-dessus de la vie, il y a le monde. Michel Leiris écrit à propos du pays Dogon : « Formidable religiosité. Le sacré nage dans tous les coins. » Il y a d’autant plus de sacré qu’il y a de l’autre. Asie, sage et grave, Afrique, fantôme et mutante. Que cherche l’écrivain voyageur ? « Élargissement et oubli de soi dans la communauté d’action » disait Michel Leiris. Programme parfaitement cohérent : se connaître ne se mettant à l’épreuve de l’autre, en « respirant l’homme » comme disait Georges Dumézil, ce qui est rappeler qu’il y a deux façons de le respirer, dans la dimension historique et dans la dimension géographique.
Montrer l’homme plutôt que le démontrer voilà l’objet de la littérature. Car en démontrant l’homme la science finit par le démonter et ainsi par oublier de le montrer. À quoi sert la littérature ? À faire apparaître l’homme. La science veut savoir. La littérature n’est pas obscurantiste mais elle ne veut pas tout savoir à tous prix, elle ne veut pas conclure. Elle est complexe comme la vie, contradictoire comme la vie, comme les Japonais peuvent être shintoïste à la naissance et bouddhiste face à la mort, comme bien des Celtes peuvent être à la fois païen et chrétien. Toute littérature est par définition un « éloge de l’ombre » (Junichiro Tanizaki), l’ombre qui manifeste que les choses sont doubles qu’elles incluent l’autre d’elle-même.
Mais comment connaître l’autre ? L’amitié est-elle un moyen de le mieux connaître ? À quel autre l’amitié donne-t-elle accès ? « Un Dieu conduit toujours le semblable vers son semblable (Odyssée, XVII, 218). » Mais dans le même temps Hésiode remarque dans Les travaux et les jours que l’on n’est pas attiré vers le semblable et c’est la thème de la rivalité mimétique qui nous oppose souvent aux plus ressemblants par rapport à nous. Marcel Proust, de son côté, ne croit guère à la connaissance de l’autre par l’amitié : « Les liens entre un être et nous n’existent que dans notre pensée […]. L’homme est l’être qui ne peut sortir de soi, qui ne connaît les autres qu’en soi, et, en disant le contraire, ment. (Albertine disparue, 1925). » (Il faut ici ouvrir une scolie. À la limite, Proust nie la connaissance possible d’autrui. L’autre existe-t-il ? semble s’interroger Proust, pas loin de répondre non. Cela évoque le sophisme de Jean-François Gautier dans L’univers existe-t-il ?À cela il faut répondre que l’univers existe – de même que autrui existe – parce que c’est une hypothèse absolument indispensable au développement de la connaissance du réel. L’univers existe quand bien même cet univers serait-il un plurivers, quand bien même serait-il plein de vide, car le vide existe. L’univers existe au même titre que – Dieu merci – Jean-François Gautier existe, et que nous existerons encore quand nous serons poussière car tout ce qui a existé existe et continuera d’exister. Il y a heureusement de la place entre la croyance que le boson de Higgs serait la « particule de Dieu » et la position de Jean-François Gautier qui est certes stimulante mais relève avant tout d’une idéologie de l’anti-métaphysique voire d’une radicalisation à l’absurde de l’interprétation de Copenhague).
À quoi il faudrait ajouter que la haine est aussi parfois une façon de connaître l’autre, ce qui n’est pas loin d’être le point de vue d’Henri Michaux (Passages, 1950, et encore Poteaux d’angle, 1978) qui souligne son aspect hygiénique et l’infortune de ceux qui ne la connaissent pas. « L’élan que l’on peut prendre à partir d’une personne est double. Pas décider prématurément si ce sera l’amour ou la haine » écrit Michaux. Les insuffisances de l’amitié – et plus encore celles de l’amour – peuvent pousser à un isolement comme désapprentissage des autres mais aussi à une tentative de dépasser l’amitié vue comme un isolement à deux. Comment ? Par le groupe en fusion. Par la « communauté inavouable » (Maurice Blanchot). Par l’esthétisation de la communauté jetée dans le feu politique. C’est la bande, ce sont les copains, les camarades, la « grande famille » du Parti. C’est justement contre le leurre de cet enchantement, qui passe en outre par la tyrannie de la majorité, que Milan Kundera réagit et réhabilite l’amitié, celle-ci qui n’est ni transparence, ni évidence (« parce que c’était lui, parce que c’était moi »…) mais est un effort et n’en existe pas moins (lire l’extraordinaire dialogue sur l’amitié dans L’identité de Kundera, Gallimard, 1998).
De même que l’amitié relève à la fois de la morale et de l’aventure humaine, la littérature nous apprend sur nous-mêmes, y compris sur notre propre aveuglement, sur ce que nous ne voulons – ou ne pouvons – pas voir, comme l’a montré Martha C. Nussbaum (La connaissance de l’amour. Essai sur la philosophie et la littérature, 1990, Cerf, 2010). Cela pose une question radicale : comment se connaître en connaissant de plus en plus le champ de ce que nous ne connaissons pas ? Stanley Cavell pose la question en ces termes : « la philosophie peut-elle devenir littérature et encore se connaître elle-même ? » (Les voix de la raison. Wittgenstein, le scepticisme, la moralité et la tragédie, Seuil, 1979).
L’autre, c’est le dehors. Arthur Rimbaud l’avait bien vu. User de différents pseudonymes – l’hétéronymie chère à Fernando Pessoa – est une façon de rencontrer l’autre en les faisant sortir de soi. Étonnant jeu de présence et d’absence à soi. « Je ne suis rien/Jamais je ne serai rien/Je ne puis vouloir être rien/Cela dit, je porte en moi tous les rêves du monde. » (Pessoa, Bureau de tabac, 15 janvier 1928). Et encore : « Il me semble que c’est moi, le créateur de tout, qui fus le moins présent. » (L’Ode triomphale, 1915). Pessoa nous dit aussi : « Loin de moi en moi j’existe/À l’écart de celui que je suis/Ombre et mouvement en lesquels je consiste. » (poème, 1920, in Cancioneiro, 1911 – 1935). L’autre est notre propre ombre, comme Giordano Bruno en avait eu l’intuition. Le poète ainsi est toujours « caméléon » selon le mot de John Keats. Pour sa part, Walt Whitman écrit : « je suis immense, j’ai contenance de foules en moi. […] Qui dégrade autrui me dégrade. Et rien ne se dit ou se fait, qui ne retourne enfin à moi (Chant de moi-même, 1855). » La multiplicité des pseudonymes est une façon de ne pas laisser réduire son soi à un trop pauvre moi. Henri Michaux remarque aussi : « Moi se fait de tout; une flexion dans une phrase ? Est-ce un autre moi qui tente d’apparaître ? Si oui est mien, le non est-il un deuxième moi ? […] On n’est peut-être pas fait pour un seul moi (postface à Plume, 1930). » « On n’est pas seul dans sa peau », écrit encore Michaux (Qui je fus ?, 1927). Fernando Pessoa (dont il faudra un jour expliquer qu’il est le Walter Benjamin portugais), sous le pseudonyme de Bernardo Soares, écrit de son côté : « Je me suis multiplié, en m’approfondissant […] je suis autre dans la manière même dont je suis moi. Vivre c’est être un autre (Le livre de l’intranquillité). » Mais la grande leçon de Pessoa est que l’on reste soi-même même quand on est « un des autres » de soi-même : « J’ai mis bas le masque et je me suis vu dans le miroir./J’étais l’enfant d’il y a quarante ans./Je n’avais changé en rien./Tel est l’avantage de savoir retirer le masque./ On est toujours l’enfant,/Le passé qui demeure,/L’enfant. » Mais dans Bureau de tabac, Pessoa écrit : « J’étais ivre, je ne savais plus remettre le masque que je n’avais pas ôté. » En d’autres termes, et c’est aussi la leçon de Proust, la recherche de l’authenticité absolue est un leurre, ce qui veut dire aussi que se dissimuler est tout aussi illusoire.
L’existence de l’autre pose la question de la mise à l’épreuve, et parce que l’autre est toujours aussi en soi, il y a toujours l’épreuve du Dedans et l’épreuve du Dehors. Dedans/Dehors : c’est dièse/bémol c’est-à-dire que c’est toujours de la musique. Nicolas Bouvier en a fait l’expérience. Cet écrivain-voyageur, l’auteur de L’Usage du monde et de maints récits qui parle tout autant de la descente de l’Inde que de la descente en soi, était « l’œil qui écrit ». Quand il voyage il s’expose. Il est « en garde basse » comme on dit dans le langage de la boxe. Il connaît « l’émoi érotique d’être parti », vertige du dessaisissement, jamais loin, en fait, d’un effroi, et qui, par cela même, rend douloureux, et crucial, et vital de savoir se ressaisir. Pour Nicolas Bouvier, disparu en 1998, dans le voyage, le rapport à soi ne réside plus que dans le corps, mais le corps devenu total, corps marchant, corps souffrant, corps pensant, corps luttant contre ce qui le mine ou le détruit, et parfois corps exultant. « Je voyage pour apprendre et personne ne m’avait appris ce que je découvre ici » écrit-il en 1955, au Sri Lanka, après une immense traversée continentale. Partout l’informe et la névrose et la décomposition de l’esprit menacent. Par quoi se ressaisir ? En se mettant à faire l’inventaire du monde ? Mais c’est là l’illusion : celle d’un rassemblement possible des choses du monde. Il suffit de faire indéfiniment « la poste entre les mots et les choses », il suffit de laisser entrer le monde dans la littérature. Le voyage est toujours voyage vers l’autre tout autant que vers soi. Bouvier le définit ainsi : « C’est une attention fébrile aux êtres et aux choses, une impatience d’absorption qui permet, pour de brefs instants, de saisir le monde dans sa polyphonie (Le poison-scorpion, 1982). » On ne peut mieux dire.
Pierre Le Vigan
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L’Afrique Réelle N°59 - Novembre 2014
Sommaire :
Actualité :
- L’Algérie est-elle au bord du précipice ?
- Mozambique : la coupure nord-sud s’accentue
Livres :
Afrique : la guerre en cartes
Rwanda :
Le TPIR confirme sa jurisprudence : le génocide n’était pas programmé.
Préhistoire :
L’Afrique n’est pas le berceau de toute l’humanité
Editorial de Bernard Lugan :
A en croire les médias, l’Afrique serait sur le point de « démarrer » puisque son taux moyen de PIB est supérieur à celui du reste du monde. Or, il ne s’agit là, hélas, que d’une illusion fondée sur des chiffres qui ne tiennent aucun compte des tensions, des problèmes politico-ethniques, des héritages et des divers blocages que connaît le continent.
En dépit des effets d’annonce, et à l’exception d’enclaves dévolues à l’exportation de ressources minières confiées à des sociétés transnationales sans lien avec l’économie locale, la situation africaine est en réalité apocalyptique :
- la « bonne gouvernance » n’y a pas mis fin aux conflits,
- la démocratie n’y a résolu aucun problème,
- les crises alimentaires sont de plus en plus fréquentes,
- les infrastructures de santé ont disparu,
- l’insécurité y est généralisée,
- la pauvreté y atteint des niveaux sidérants. En 15 ans, le nombre de pauvres est ainsi passé de 376 millions à 670 millions ; il a donc doublé.
Nous voilà loin de la « méthode Coué_ ». Quatre grandes raisons expliquent ces échecs :
1) La priorité donnée à l’économie. Dans tous les modèles proposés ou imposés à l’Afrique sud saharienne, l’économie est toujours mise en avant. Or les vrais problèmes du continent ne sont pas fondamentalement économiques, mais politiques, institutionnels, ethniques et sociologiques.
2) Le refus d’admettre la différence car les Africains ne sont pas des Européens pauvres à la peau noire. Comme le dit le proverbe congolais : « l’arbre qui pousse sur les bords du marigot ne deviendra jamais crocodile ».[...]
La suite sur le blog officiel de Bernard Lugan
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"BHL, dégage" !
Après l'échec de sa pièce, BHL subit un comité d'accueil musclé à l'aéroport de Tunis. Serait-il sur une pente descendante ? Peut-être serait-il temps pour lui de prendre sa retraite...
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Eric Zemmour invité de Jean-Marie le Méné pour « Le suicide français » - 10 octobre 2014
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L'anarchie sanglante voulue, du mondialisme messianique