Comme à chaque événement ressenti comme une menace par le système, nos veilleurs indignés s’emballent. Les barons des partis politiques en place gesticulent et jouent une tragédie dans laquelle ils se présentent en dernier rempart contre la barbarie. Ils brandissent haut les valeurs de la République, alors que ces dernières sont bafouées jour après jour, et ceci depuis longue date, par les mêmes qui s’en servent aujourd’hui comme une arme politique. Ils s’appuient avec force sur des médias aussi inquiets qu’eux.
A les entendre les uns après les autres, nous pourrions nous demander : « que se passe-t-il ? » Y aurait-il eu une nouvelle attaque islamiste à Paris ? Un nouveau viol d’une jeune fille dans les transports en commun sans que cela n’éveille la réaction et l’indignation de personne ? Un nouveau meurtre à Marseille pour que nos élites prennent enfin conscience de la réalité de la vraie vie ?
Non pas du tout, la panique collective est simplement due aux sondages annonçant le Front National gagnant pour les prochaines élections départementales ! Comme à chaque fois, le coup de la bête immonde nous est resservie pour tenter de dissuader l’électeur français de tout esprit de résistance au cas où il serait tenté de voter pour le seul parti politique en France ayant encore un peu d’attachement au mot patrie.
Comme le dit le général Hollande « il faut arracher les électeurs du Front National ». Car le problème est justement à ce niveau. En ce début de XXIème siècle, le Front National, d’un point de vue électoraliste, est la seule formation politique, en France, à ne pas adhérer à une vision libérale du monde. A la suite du philosophe Cornelius Castoriadis, nous pouvons affirmer sans crainte : « il y a longtemps que le clivage gauche-droite, en France, comme ailleurs, ne correspond plus ni aux grands problèmes de notre temps ni à des choix politiques radicalement opposés. »
Le Front National effraye notre élite déracinée, qu’elle soit politique, culturelle, économique, médiatique, car elle a peur pour ses intérêts. L’enjeu repose uniquement sur la remise en cause du capitalisme comme système de gouvernance et nos dirigeants, en bon petits soldats d’une idéologie, font tout pour décrédibiliser ceux qui osent s’y attaquer. Et cela fait longtemps que la Gauche française a abandonné sa base pour épouser sans retenue l’idéologie progressiste libérale.
Comme nous le dit Jean-Claude Michéa, dans son ouvrage Les Mystères de la Gauche, les valeurs de cette gauche mondialiste ou altermondialiste sont le reflet d’une « métaphysique du progrès » dont les fondements sont à rechercher dans l’héritage du siècle des Lumières avec Adam Smith, Turgot et Condorcet. Malheureusement pour les peuples épris de liberté, de justice et de solidarité, cette idéologie du progrès basée uniquement sur une lecture capitaliste de la vie, « qui n’ a jamais eu pour but de produire des valeurs d’usage » mais uniquement « de produire toujours plus de marchandises », implique à déconstruire, « à désinstaller, une à une, toutes les traces et toutes les racines » du passé « ou à défaut, à ne devoir s’en souvenir que sur le mode religieux de la repentance. » Les intérêts du Marché ne supportent plus les nations pouvant garantir aux citoyens une protection, une appartenance à une communauté car cette dernière ne cesse d’imposer des limites au libéralisme qui ne désire qu’avoir des consommateurs-travailleurs, des malléables et des corvéables à merci devant se plier à une mobilité incessante qui « contribue à déraciner les individus ».
L’enjeu se trouve là. Avec « une élite sûre de détenir la vérité », incapable de se remettre en question, jouant dans une cour où la nation France n’existe plus, baignant dans « un cosmopolitisme bourgeois » de plus en plus éloigné des peuples, il est urgent d’avoir une alternative à une politique d’échec menée depuis plus de trente ans par ceux qui ne cessent de nous faire culpabiliser au premier acte de rébellion. « Il faut ainsi admettre une fois pour toute, que le libéralisme économique (celui de Laurence Parisot ou de Jacques Delors) et le libéralisme culturel (celui d’Éric Fassin ou de Caroline Fourest) ne représentent –sous leur apparente opposition inlassablement mise en scène par la propagande médiatique- que les deux profils complémentaires d’un seul et même mouvement historique », pour ne plus se laisser abuser et tromper.
Vincent Revel
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