Soudain, le 7 octobre au Parlement européen, on eut un instant l'impression que le président de la république française se réveillait de sa torpeur habituelle, le temps d'une profession de foi. Pépère, puisqu'il faut l'appeler par son nom, plaida ce jour-là, contre les sirènes souverainistes, pour ce qu'il appelle "plus d'Europe".
Dommage, penseront certains, que le mode d'emploi de ce slogan quantitatif et répétitif n'ait pas été fourni.
Les pétitions de principes de ce genre ne sont en effet jamais élucidées.
De quelle quantité "d'Europe" parle-t-on ? S'agit-il d'un rôti dont on reprend une tranche ? D'une pilule dont la posologie figure sur une ordonnance ? Ou très prosaïquement d'une monnaie.
Il existe autant de différences entre les conceptions de l'Europe qu'entre les substances respectives des nations qui la composent et notamment de la France.
Ainsi, un discours proeuropéen entendu en 1959, reste encore dans notre souvenir, "l'Europe n'est ni un marché, ni un continent, c'est une race d'hommes qui ont bâti une civilisation et qui doivent s'unir pour la défendre" : une telle définition ne pourrait plus être énoncée dans ces termes, depuis la jurisprudence Nadine Morano.
Au moins comprend-on ce qu'elle veut dire.
Elle ne ressemble pas en effet à celle de l'ex strauss-kahnien Le Guen : "L'Europe, a-t-il déclaré sur Radio Classique le 16 septembre, c'est deux choses : l'euro et Schengen."
La première définition de l'Europe inclut la Grande Bretagne.
La seconde l'exclut, comme elle écarte aussi d'ailleurs la Suède, la Pologne ou la Tchéquie.
La passe d'armes franco-françaises du 7 octobre au Parlement européen laissait de côté le vrai problème, du moins celui qui va se poser dans les mois à venir à l'Union européenne : l'éventualité du retrait de la Grande-Bretagne si le référendum promis par son gouvernement donne un résultat négatif, fin 2016 ou en 2017.
Les observateurs londoniens s'accordent considérer, face à cette question du maintien dans l'Union européenne, trois grandes tendances et pas seulement deux se dessinent dans les rangs conservateurs, y compris parmi les ministres.
Ceux qu'on appelle les "eurosceptiques" sont décidés à voter non au référendum d'appartenance. Ils espèrent, depuis plus de 30 ans, aboutir effectivement au "brexit" c'est-à-dire à la sortie du Royaume Uni.
Mais ils ne sont pas seulement confrontés aux partisans du maintien dans l'Union européenne, ils doivent surtout compter avec une manœuvre britannique typique : la "renégociation".
Cette dernière option, celle dont le cabinet que dirige David Cameron se nourrit, bien évidemment, de la menace d'un "brexit" que les concessions, notamment allemandes, sauront empêcher.
La conférence du parti conservateur à Manchester le 6 octobre avait pourtant montré une très forte progression de cette hypothèse, malgré des sondages légèrement favorables au maintien et en dépit de l'imbroglio juridique qui résulterait du fait que l'Écosse, elle, est désireuse, de demeurer dans l'Union européenne.
On doit bien mesurer à cet égard qu'à Manchester la question de l'immigration était en fait celle qui, manifestement préoccupait le plus les Tories. Elle fut soulevée de façon très ferme par Mme Theresa May, ministre de l'Intérieur qui semblait inamovible depuis 2010 et qui a provoqué une sorte de mini-scandale par ses propositions jugées politiquement incorrectes par les bien-pensants.
En regard on pourrait remarquer aussi que sur un discours de clôture du 7 octobre d'une durée d'une heure, le Premier ministre ne consacra que 2 (deux) minutes à la question européenne, et pour dire qu'il accordait la priorité à la défense des intérêts britanniques en demeurant au sein de l'Union.
Un groupe appelé "Vote Leave" s'est donc formé au sein des Tories. Il est composé de chefs de d'entreprises, de donateurs et d'anciens dirigeants résolus à faire campagne pour le Non au maintien. Ce comité non seulement ne croit pas à la capacité du premier ministre de renégocier les conditions d'appartenance du Royaume Uni, mais il développe une critique, fondamentale et non négociable, de la réglementation européenne.
Or, le 9 octobre au soir, David Cameron, dont c'était le 49e anniversaire recevait Angela Merkel aux Chequers. En cette circonstance, 3 questions furent à l'ordre du jour des entretiens bilatéraux, dont celle de la campagne pour ou contre le "brexit", mais aussi, sinon surtout, la crise migratoire et l'affaire syrienne.
Le Premier ministre a fait part de quatre objectifs du Royaume Uni dans la renégociation : 1° la garantie que l'on ne s'achemine plus de façon irréversible vers un Super-État 2° la renonciation au statut de l'euro monnaie de l'Union 3° la fin du primat de la Zone Euro à 19 sur l'Union à 28, 4° la possibilité pour les parlements de remettre en cause les réglementations bruxelloises.
À y regarder de plus près ces revendications, essentiellement de principe, pourraient bien convenir au gouvernement de Berlin.
La question du "plus d'Europe" ne se résume pas en effet à "plus ou moins de Bruxelles". Et, aux yeux de beaucoup, la question la plus urgente semble bien de savoir si en Europe nous acceptons qu'il y ait moins d'Européens et plus d'islamistes.
JG Malliarakis